Islamophobie
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Re: Islamophobie
[quote]http://feministesentousgenres.blogs.nouvelobs.com/archive/2013/07/18/que-devoilent-les-agressions-de-femmes-voilees-485674.html
18/07/2013
Que dévoilent les agressions de femmes voilées ?
Actualisé le 18 juillet 2013 à 20 h 00
Le silence d'une République dévoilée
Voici un article de Jean-François Brault qui, initialement intitulé « Le silence d'une République dévoilée », s'est transformé en un quasi-entretien entre lui et moi. Les sous-titres sont de lui.
S. Duverger. Jean-François Brault mène actuellement un travail de recherche sur les minorités sexuelles musulmanes dans la France contemporaine, sous la direction d'Eric Fassin, à l'université Paris 8 - Vincennes-Saint-Denis.
« Une loi ne pourra jamais obliger un homme à m'aimer mais il est important qu'elle lui interdise de me lyncher ».
Martin Luther King, Extrait du Wall Street Journal, 1962.
Des « attaques répétées contre les musulmanes de France »
Le 8 juillet 2012, Cindy Leoni, présidente de SOS Racisme, manifestait son inquiétude face à l'indifférence médiatique, politique et citoyenne que les agressions, aussi bien verbales que physiques, commises contre des citoyenNEs françaisEs d'origine maghrébine, pouvaient susciter : « Ecoutez, si on prend l'exemple d’Aigues-Mortes ; un groupe de jeunes d'origine maghrébine est la cible d'un couple qui profère des injures à caractère raciste et qui leur tire dessus avec un fusil. Le fait que ça ne soulève pas un soulèvement républicain dans la foulée, oui ça m'interpelle et ça m'interroge. » .
20 mai 2013 : Rabia, 17 ans, habitante d'Argenteuil, est agressée par plusieurs hommes. Un passant, témoin de la scène, permet à la jeune fille de prendre la fuite.
9 juin 2013 : à Reims, une femme est insultée et menacée d'agression par un mineur alors qu'elle est dans une voiture avec son mari.
13 juin 2013 : Leïla, 21 ans, habitante d'Argenteuil, est violentée par plusieurs hommes. A la suite de cette agression, la jeune femme, enceinte, fait une fausse couche.
14 juin 2013 : près d'Orléans, trois femmes, de trois générations différentes – la mère, la fille et la grand-mère - qui circulent en voiture sont insultées par un homme ; au feu rouge, il tire les cheveux de la conductrice, la contraignant à sortir de sa voiture, puis il la frappe ainsi que sa fille et sa mère lorsqu’elles s’interposent.
22 juin 2013 : à 15 heures, devant la sous-préfecture d'Argenteuil, est organisé un rassemblement qui vise à dénoncer la série d'agressions commises entre mai et juin contre des citoyennes françaises musulmanes (voilées) et à encourager les autorités publiques à arrêter les coupables.
30 juin 2013 : Lamia, auxiliaire de vie, dans un bus parisien cède sa place à une femme âgée, qui l'invective. Un peu plus tard, un homme frappe Lamia, qui a fini par répondre aux insultes de la femme âgée. C'est Lamia que la police arrête, et non pas son agresseur.
S. Duverger : et il y a eu ces derniers jours de nouvelles agressions, rapportées par Libération, Le Parisien, 20 minutes, Oumma.com, Terrafemina, Le Point, Le Monde… :
Le 2 juillet, à Reims, deux femmes voilées ont été insultées et menacées de mort.
Le 12 juillet, à Reims encore, une jeune femme voilée a porté plainte après avoir été frappée au visage et blessée par un homme qui, auparavant, a tenté de lui arracher son foulard.
Le 13 juillet, à Reims toujours, une femme portant un foulard a été insultée.
Le parquet de Reims reconnaît qu’ «il s'agit d'agressions à caractère raciste ».
Abdallah Zekri, le président de l’Observatoire national contre l’islamophobie, précise que «d’autres villes connaissent la même recrudescence» islamophobe.
Et en effet, à Trappes, le 14 juillet "une jeune femme de 21 ans de confession musulmane et voilée a été prise à partie par deux hommes" d'une trentaine d'années. "Alors qu'elle remontait le pont de Trappes accompagnée de sa petite nièce de 2 ans pour regagner son domicile, les deux agresseurs l’ont insultée : 'salope', 'sale voilée'... Elle n'a pas répliqué et quand elle s'est retournée vers eux, l'un d'eux a dit : oui c'est bien à toi que je parle'. Insensible à la présence de l’enfant, il a sorti un couteau d'une lame de 10 à 15 cm tout en déclarant 'de toute façon les musulmans on va vous exterminer et ce sera toi la première'." Les deux agresseurs ont été jugés en comparution immédiate. Ils ont été condamnés à deux mois de prison ferme et à verser des dommages et intérêts.
Comment expliques-tu, comment analyses-tu ces agressions à l'encontre de musulmanes, en particulier lorsqu'elles portent un foulard ou un voile ?
Pourquoi elles ?
J.-F. Brault On notera d’abord que ces agressions visent des femmes ; ensuite, que ces citoyennes françaises de confession musulmane sont nées dans des familles pour la plupart originaires du Maghreb. Chaque agression perpétrée se caractérise par une haine profonde de l'islam et de celles et ceux qui pratiquent cette religion : « sale arabe », « sale bougnoule », « salle musulmane » sont les insultes les plus récurrentes exprimées lors des agressions. Enfin, on examinera la principale motivation à la source de ces violences : dévoiler. La plupart des femmes agressées sont voilées, à une écrasante majorité, et il semble que la volonté de dévoilement demeure l'une des principales finalités de ces actes islamophobes.
Lors du rassemblement du 22 juin à Argenteuil, dont l'objectif central était de demander justice face à cette série d'agressions visant des femmes musulmanes (voilées), il a notamment été dénoncé l'islamophobie et le « deux poids, deux mesures » qui semble effectif entre les citoyenNEs françaisEs musulmanEs et les citoyenNEs françaisEs non musulmanEs. Sur place, on peine à dissimuler son inquiétude, témoignant avec appréhension du sentiment général d'abandon et de solitude que les citoyenNEs françaisEs de confession musulmane éprouvent dans cette République qu'ils trouvent bien silencieuse face aux attaques et aux agressions qui visent explicitement leur communauté, la communauté musulmane, et particulièrement en son sein, les femmes voilées. A notre connaissance, jusqu'au 17 juillet, aucune déclaration publique n'avait été faite par le Président de la République, François Hollande, ni par le Ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, ni par Najat Vallaud-Belkacem, la Ministre des droits des Femmes ni par aucun autre membre du gouvernement actuel. Quasi-silence radio.
S. Duverger : Mais pas silence complet. Il n'y a pas eu de déclarations immédiates – ce qui bien sûr fait problème, d'autant que l'on connaît les positions de Manuel Valls et de François Hollande sur la question du voile – j’y reviendrai.
Mais le 20 juin, Leïla et son mari, ainsi que l'avocat de Rabia ont été reçuEs par le cabinet du ministre de l'Intérieur, en présence d'une représentante de Najat Vallaud-Belkacem. Selon Métronews, "le cabinet du ministre a rappelé la détermination des autorités à retrouver les auteurs de ces agressions extrêmement graves" et Manuel Valls a adressé une lettre à Leïla et Rabia « pour leur apporter son soutien ». Enfin, le 26 juin il a reçu lui-même les jeunes femmes agressées, ainsi qu'un collectif des habitants d’Argenteuil.
Le 24 juin, à l’issue de son déjeuner avec « les représentants des quartiers populaires », à la demande de Mohamed Mechmache, d’AC Le feu, le Président de la République a assuré dans un communiqué de « la détermination du gouvernement à lutter contre tous les actes racistes, notamment anti-musulmans, qui constituent des atteintes insupportables à l’unité républicaine» [3].
Par ailleurs, Le Monde du 22 juin précise que le préfet du Val d'Oise, Jean-Luc Nevache, a affirmé que "le maximum de moyens (étaient) mis en œuvre pour que l'enquête avance au plus vite". "Il faut envoyer des signaux forts à la communauté musulmane : leur dire que les actes islamophobes sont aussi inacceptables que les actes antisémites, par exemple", a-t-il ajouté [4].
Le 10 juillet paraissait dans Le Parisien un appel à témoins lancé par la Sûreté départementale du Val d’Oise afin de retrouver les agresseurs de Rabia.
Enfin, le 17 juillet, dans Le Monde, la journaliste Stéphanie Le Bars, observe : "Alors que se sont multipliées, ces dernières semaines, les agressions à l'encontre de femmes voilées, le gouvernement semble vouloir prendre la mesure de ces actes ". Manuel Valls les compare aux actes antisémites et les qualifie d’"inacceptables", assurant, comme le Président de la République « quelques heures plus tôt » qu’ils « seront combattus continuellement avec la plus grande fermeté » [5].
J. F. Brault Le préfet du Val d’Oise a semble-t-il perçu l'urgence de la situation et la gravité du contexte islamophobe. Mais le communiqué de l’Elysée est passé inaperçu et les déclarations du gouvernement datent d’hier : elles sont donc bien timides ou bien tardives. Il a fallu plus d’un mois pour que Manuel Valls, lors de la rupture du jeûne qu'il a partagée, en effet, mercredi 17 juillet 2013, à la Mosquée de Paris avec les représentants du Conseil français du culte musulman (CFCM), exprime son « respect » et son « affection » pour la communauté musulmane, et dénonce "la montée des violences à l'égard des musulmans de France" .
Et que penser du fait que si certaines des femmes voilées agressées ont été reçues au cabinet du ministre de l'Intérieur, elles l’ont d’abord été en catimini ? Par ailleurs, on fera remarquer que dans sa déclaration publique à la Grande Mosquée de Paris, Manuel Valls semble plus s’adresser à la communauté musulmane qu’à la République française dans son ensemble, ce qui est regrettable et symptomatique.
Face à ces agressions qui visent la communauté musulmane française et à leur insuffisante condamnation – médiatique, politique et citoyenne –, trois exigences légitimes semblent s’exprimer chez les citoyenNEs françaisEs musulmanEs : la demande de justice, la demande de sécurité et la demande de protection des libertés individuelles.
La demande de justice
Le soir même de son agression, la jeune fille de 17 ans, Rabia, violentée le 20 mai 2013, décide d'aller avec sa mère au commissariat pour porter plainte . Comme elle l'explique sur le média Oumma.tv, on lui demande d'abord d'aller à l'hôpital, et de revenir par la suite. Elle s'exécute, va à l'hôpital, et revient le lendemain au commissariat, réitérant ainsi sa volonté de déposer plainte pour agression à caractère raciste. Or, dans son dépôt de plainte, deux éléments décisifs n'apparaissent pas : la nature raciste de l'agression et le fait qu'il y avait un témoin sur place. En effet, la jeune fille dit avoir été traitée de « sale arabe » et de « sale bougnoule » pendant son agression.
Niant d'emblée le caractère raciste de l'agression, le commissaire s'autorise à dire, en parlant du voile de Rabia, que « sa tenue est jolie, qu'elle est esthétique, et que c'est pas du tout un acte raciste ». Par ailleurs, à aucun moment, il n'est notifié dans la plainte le fait qu'un témoin ait vu la scène, et que c'est précisément grâce à lui que Rabia a pu s'échapper des mains de ses agresseurs. La jeune fille a pourtant relaté les faits aux policiers. Omission délibérée ?
On remarquera cependant que l'équipe de nuit du commissariat n'a pas oublié ce soir-là de demander à la jeune fille d'être discrète sur son agression, parce qu'« il fallait pas que la communauté musulmane soit au courant, pour pas que ça fasse des émeutes, ou qu'y ait des problèmes » .
S. Duverger J'ai lu dans un article bien documenté de Véronique Valentino, paru sur slate.fr le 3 juillet, et dont je recommande la lecture, qu'il y avait des versions divergentes sur ce point. La journaliste, qui ne témoigne d'aucune complaisance à l'égard des actes islamophobes, et qui au contraire souligne les manquements de la presse à cet égard, précise que Le 13 juin, le maire PS d'Argenteuil, Philippe Doucet, a condamné l'agression de Rabia, qu’il a qualifiée d’ «acte islamophobe» commis par des «activistes d’extrême droite, qui viennent de l’extérieur […] pour alimenter les peurs, monter les habitants contre les autres et salir l’image de notre ville» .
J.-F Brault L'adjoint au maire de la ville d'Argenteuil rencontrera la jeune fille, vraisemblablement plus préoccupé par le désordre public et les « émeutes » que ce genre d'agression pourrait susciter dans la communauté musulmane que par le traumatisme physique et psychique qu'a vécu cette jeune Française.
S. Duverger : La journaliste Véronique Valentino rapporte cependant que le maire d'Argenteuil s'est «beaucoup investi auprès de la communauté musulmane», qu'il «vient d’accorder un permis de construire à la mosquée 'Dassault' »...
J.-F. Brault La volonté des pouvoirs publics semble assez claire : étouffer l'affaire. Le spectre des émeutes de novembre 2005 est sans aucun doute présent dans la gestion qui est faite de ces agressions successives commises à l'égard des femmes voilées. Le père de la victime partage son incompréhension : « ils croient que la communauté musulmane, on est des sauvages, qu'il va y avoir des émeutes, une guerre. […] Nous, ce qu'on demande, c'est juste la justice ».
Le cas de Lamia, relaté plus haut, est édifiant. La jeune femme voilée, doublement agressée, verbalement puis physiquement, a appelé la police pour qu'on lui vienne en aide. Au lieu de secourir la jeune femme, la police l'arrête. Lamia sera libérée grâce aux enregistrements vidéo du bus qui attestent qu'elle est la victime de la double agression, ce que, manifestement, aucun des témoins n'avait jugé utile de préciser aux forces de l'ordre qui ont interpellé la jeune femme, laissant partir son agresseur et la vieille dame islamophobe.
La demande de justice parmi les citoyenNEs françaisEs de confession musulmane est patente, et elle ne peut se circonscrire aux seuls tribunaux de notre pays. La justice commence dans les postes de police, dans les écoles, dans les hôpitaux, dans les bus, dans la rue, dans l'espace public. La justice et l'équité, c'est-à-dire l'égalité de traitement entre citoyenNEs françaisEs non musulmanEs et citoyenNEs françaisEs musulmanEs ne pourront advenir qu'après avoir examiné notre propre perception - post-coloniale - des « musulmanEs » et de l'« islam » .
Ce qui est frappant, dans toutes ces agressions commises à l'égard de femmes musulmanes, quasiment toutes voilées, ce n'est pas tant leur caractère successif que ce silence coupable, témoin de notre incapacité à les considérer comme des victimes . Ces filles et ces femmes voilées sont, dans la perception que la société française a développé à leur égard, coupables. Ce sont elles, les agresseurEs. Leur voile nous agresse visuellement. Il perturbe nos imaginaires et nos zones de confort européens. Le voile dérange. Il est une violence symbolique faite à notre civilisation, la civilisation européenne. Des femmes voilées agressées ? Mais leur voile ne nous agresse-t-il pas ? Ainsi, c'est dans cet état d'esprit que semblent s'inscrire les médias, les politiques et une partie non négligeable des citoyenNEs françaisEs. Et comme on ne peut moralement pas admettre et cautionner une agression à l'égard d'une femme, ou plus largement, à l'égard d'un individu, on se tait. Notre silence vaut complicité. Notre silence est un aveu, inconscient ou non, de notre acquiescement embarrassé. Comme le rappelle Martin Luther King, « celui qui accepte le mal, sans lutter contre lui, coopère avec lui ». Et il semble que nous ayons bien plus d'indulgence et de compassion pour les agresseurs des femmes voilées - qui détestent l'islam, les musulmanEs, et par-dessus tout, le voile, comme nous – que pour ces femmes, pauvres victimes qui, finalement, en faisant le choix de se voiler, l'ont bien cherché tout de même, non ? Ainsi, notre silence ne trahit-il pas notre intolérance au voile ? Notre silence ne nous dévoile-t-il pas ?
S. Duverger : lorsque tu dis que certainEs FrançaisEs non musulmanEs pensent que ces femmes voilées agressées l'ont bien cherché, tu veux dire qu'elles/ils estiment que ces femmes voilées les provoquent en se dérobant à leurs regards, en leur ôtant leur droit de regard ?
Cela pourrait expliquer les agressions commises par des hommes qui cherchent à ôter à ces femmes leur foulard ou leur voile, car, en effet, un certain nombre d’hommes continuent d’avoir le sentiment qu’ils disposent sur toutes les femmes d’un droit de regard jaugeant ou jugeant.
Ou penses-tu que ces FrançaisEs islamophobes estiment que les femmes voilées pactisent avec le patriarcat islamiste, qu'elles refusent la libération des femmes, qu'elles se détournent des possibilités d'accomplissement personnel qui leur seraient offertes si elles s'intégraient et abandonnaient leurs voilements pudiques et séparateurs ? Qu’est-ce que selon toi signifie ce rejet des femmes voilées, ce mépris à leur endroit, et cette violence à leur égard ?
Christine Delphy observe qu’en 2004 et 2005, un certain nombre de féministes, du Collectif national des droits des femmes (CNDF), par exemple, ont tenté d’empêcher des femmes voilées de participer aux manifestations féministes [11]. Zahra Ali le rappelait le 8 mars 2012 : les femmes voilées sont considérées comme antiféministes.
Alors que ce n’est pas du tout nécessairement le cas – même si certaines prônent un retour au foyer qui n’a en effet rien de féministe (ce n’est pas en le déniant que l’on fera avancer la cause anti-islamophobe). En revanche, on fera remarquer qu’en multipliant les lois ou les circulaires anti-foulard et antivoile, le moins que l’on puisse dire c’est qu’au nom du féminisme, en réalité, l’on contraint au retour au foyer celles que l’on présume être des victimes du patriarcat islamiste. De surcroît, on les prive de liberté et on les tient pour des sujets plus assujettiEs que les autres… au nom de la défense de leur liberté et au mépris de leur avis. Car lors des débats sur les lois de 2004 et de 2010, elles n’ont guère été interrogées par les médias, ni par les commissions parlementaires sur le foulard ou le voile, qui ont préféré écouter Elisabeth Badinter et Ni putes ni soumises . Alors qu’il y a bel et bien un féminisme islamique, qui se développe depuis les années 1990 en Turquie, en Iran, en Afrique du Sud, dans les pays anglophones et désormais en France ; l’ouvrage dirigé par Zahra Ali et publié aux éditions La Fabrique permet de s’y initier .
J.-F. Brault : Lorsque je dis que finalement, pour beaucoup tout se passe comme si ces femmes musulmanes voilées avaient bien cherché leurs agressions, je veux dire effectivement qu’il y a une non-dissociation entre la position politique d’être hostile au voile islamique et le fait de ne pas prendre position contre ces actes innommables ; ainsi, la majorité silencieuse qui ne réagit pas, ni n’exprime son soutien aux victimes de ces violences, qui s’abstient de toute solidarité publique, le fait précisément parce que le principal motif de ces agressions – celui de dévoiler – elle le partage avec les agresseurs, à ce détail près qu’elle entend atteindre son objectif de dévoilement par un cadre légal coercitif et non violent, contrairement aux agresseurs. Quant au regard que l’on porte sur les femmes voilées, il est paradoxalement double : d’un côté, on pense qu’elles sont soumises au patriarcat et que donc, il faut les sauver, le voile étant de fait supposé être LE symbole de l’oppression ; d’un autre côté, ces femmes voilées sont perçues également comme des femmes qui s’aliènent et qui menacent la République. Etrangement, les femmes voilées se retrouvent à la fois victimes et agresseurEs, menacées et menaçantes. C’est cette perception ambivalente de la figure de la femme voilée – présente et observable dans les milieux féministes - qui est à l’origine, notamment, des successives lois et projets de loi contre le voile en France depuis 2004.
La demande de sécurité
J.-F. Brault La série noire islamophobe des derniers mois a participé à la naissance, parmi les citoyenNEs musulmanEs françaisEs, d'un sentiment d'insécurité. Le soutien public tardif et ambivalent à l’égard de la communauté musulmane ne me semble pas suffisant pour mettre un terme aux agressions.
S. Duverger : Car elles ont été encouragées par des années d’islamophobie gouvernementale – au moins depuis 2004, la gauche adoptant sur cette question des positions tout à fait similaires à celles de la droite. L’on sait que Manuel Valls est un fervent partisan d’une conception liberticide de la laïcité ; l’on se souvient qu’en janvier 2010, au moment des débats sur le voile intégral, il avait déclaré sur RTL : "Je voterai une loi ou j'amenderai une loi qui interdise le voile intégral dans l'espace public", "quelle que soit la position du Parti socialiste", car, précisait-il, "le voile intégral est indigne de nos valeurs, il enferme les femmes dans une prison, il cache l'identité d'un être humain, c'est-à-dire son visage. "
En mars dernier, il a publiquement critiqué l’annulation par la cour de cassation du licenciement d’une salariée voilée de la crèche Baby Loup… et le Président de la République a lui aussi estimé qu’il y avait matière à légiférer à nouveau sur la question du voile dès lors qu’il s’agit de la petite enfance.
Le rapport d'Amnesty international publié en avril 2012 sur « La discrimination à l'égard des musulmans en Europe » est accablant.
Le rapport 2012 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ne l’est pas moins. Rendu public le 21 mars 2013, il révèle que les actes islamophobes ont augmenté de 30 % entre 2011 et 2012, alors même qu'ils avaient déjà augmenté de 34 % en 2011.
La CNCDH précise que « l’idée que l’islam remet en cause les droits des femmes est de plus en plus présente dans le débat public, de la droite à la gauche de l’échiquier politique », et que cette « forte réticence envers l’islam et ses pratiques » s'est considérablement accrue chez les plus diplôméEs, qui sont pourtant « généralement les plus tolérantes »...
En janvier 2013, 74 % des personnes interrogées par l’institut de sondage Ipsos estimaient que l'islam est une religion "intolérante", incompatible avec les valeurs de la société française…
C'est pourquoi, quand Manuel Valls déclare, comme il l'a fait le 17 juillet : "N'ayons pas peur des lois que nous votons ; elles sont faites pour construire l'apaisement" (Le Monde, 18 juillet), c'est pour le moins... irréfléchi. Penser cela c'est témoigner d'une singulière absence de considération des conséquences de ces lois stigmatisantes. Cette cécité signifie combien la prétendue neutralité de la République française masque - voile - de postcolonialisme et de sexisme.
J.-F. Brault Que des citoyenNEs de confession musulmane se sentent seulEs et finalement relativement vulnérables en France en fera bondir et sourire plus d'unE, tant on nous assène à longueur de journée, dans les médias mais aussi parmi les politiques – Jean-François Copé, chef de file de l'UMP, est un exemple manifeste de cette surenchère islamophobe dans le milieu politique avec l'histoire du pain au chocolat pendant le Ramadan - que l'islam nous menace et que la figure du délinquant est grosso modo incarnée par le jeune banlieusard, qui a toutes les chances d'être musulman et noir ou arabe !
Cette demande de sécurité pour touTEs les citoyenNEs françaisEs ne pourra que difficilement être effective si l'asymétrie du cadre politico-médiatique actuel n'est pas très vite brisée. L'habitude prise d'ethniciser la délinquance et les problèmes d'un pays rend vraisemblablement difficile la rencontre avec le réel : entre mai et juin 2013, une série d'agressions islamophobes a été observée. Manifestement le communiqué présidentiel du 24 juin, qui condamnait ces actes, n’a pas été entendu ; les déclarations faites les 17 juillet par le Président et son ministre de l’Intérieur et des cultes le seront-elles ?
S. Duverger : dans la rencontre avec le réel, la presse joue un rôle décisif. Il y a eu une série d’articles sur les agressions à l’égard des femmes voilées dans Le Monde, dans Libération , puis à nouveau le 16 et le 17 juillet..., dans Le Nouvel Observateur, sur Le Plus (du Nouvel Observateur), sur Slate.fr, l'article de Véronique Valentino, que j'ai déjà évoqué et qui repose sur une enquête substantielle, sur Rue89, l'article de Ramses Kefi, émaillé de citations de musulmanEs, de celle-ci, par exemple :
"'La loi ne nous interdit pas de porter le hijab. J’ai le droit de choisir ma tenue vestimentaire et d’être protégée quand je le fais. C’est ça la laïcité non ? Maintenant, je me méfie dans la rue. En fait, j’évite de trop sortir seule, je préfère être accompagnée d’un homme.'" .
Le communiqué que l'Elysée a rendu public le 24 juin a été évoqué par le Monde, Le Nouvel Observateur, Le Parisien, Libération...
Sur France culture, le 8 mai 2013, l’on a pu entendre des témoignages de femmes voilées, et prendre connaissance des analyses de la sociologue Agnès de Féo, qui a mené une enquête fouillée sur le port du voile et va bientôt faire paraître un ouvrage sur ce sujet.
Si l’on en reste au Monde, qui est considéré comme la référence des quotidiens, il convient d'accorder qu'il a publié un certain nombre d’articles qui ont donné la parole aux femmes voilées. Il y a une semaine, Florence Aubenas en a fait paraître un, que je recommande, "La maman parfaite mais surbookée", qui permet d'entendre l’islamophobie au quotidien, celle qui contraint à démissionner de son travail, qui empêche de sortir seule…
J.F. Brault La remontée de l'information par les principaux médias paraît partielle et aléatoire, et là aussi il semble y avoir matière à s'interroger. S'agissant des pouvoirs publics, ceux-ci semblent n'avoir qu'une seule crainte : que ces agressions se transforment en « émeutes ». Ainsi, on le voit bien, si ce sont des jeunes filles musulmanes voilées qui ont été agressées et qui sont les victimes de ces actes, la peur n'est pas que cela se reproduise, ni celle de protéger ces citoyennes et de retrouver les coupables. Non, la crainte est que cela se transforme en « émeutes » ; autrement dit, on voit assez clairement comment le cadre politico-médiatique nous façonne et comment cette façon de penser qui devient nôtre nous pousse à percevoir de manière quasi systématisée la figure musulmane comme un danger potentiel, un ennemi de l'intérieur, un étranger .
La demande de protection des libertés individuelles
J.-F Brault Conformément à l'article 9 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, intitulé « Liberté de pensée, de conscience et de religion », l'acte de se voiler est un droit fondamental et inaliénable, Les Etats signataires de la CEDH - dont la France est membre - doivent, en principe, garantir et protéger ces libertés individuelles et collectives.
S. Duverger La Convention européenne des droits de l'homme garantit que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique… la liberté de manifester sa religion individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites », je le rappelais dans mon introduction à l'article – à mon avis imparable - consacré par Christine Delphy et Raphaël Liogier à « la nouvelle laïcité » aujourd'hui promue par la gauche comme la droite, et qui est en réalité un nouvel « ordre moral », article republié sur Féministes en tous genres le 7 juillet et que je ne saurais assez conseiller de lire ou de relire.
J.-F. Brault Or, les successives lois contre le voile en France, à l'école (2004), dans l'espace public (2010) ainsi que les projets de lois contre le voile dans la sphère privée (2012, 2013) ne semblent pas aller dans le sens d'une protection de ce droit fondamental qu'est l'acte de se voiler, mais plutôt dans une remise en question de ce droit .
L'obsession française pour le voile n'est pas nouvelle. Déjà, Frantz Fanon, l'évoquait pendant l'époque coloniale. Ainsi, l'invitation maternaliste et paternaliste qui est actuellement faite aux citoyennes musulmanes françaises (voilées), priées de se libérer et de se dévoiler, les deux moments étant pensés comme indissociables, n'est pas sans rappeler les cérémonies de dévoilement publiques organisées par les colons et leurs femmes en Algérie . Qu'il y ait une continuité entre les pratiques de l'Empire colonial français - pour qui, le dévoilement des femmes musulmanes était un enjeu stratégique majeur de division des sociétés indigènes - et les lois actuelles contre les femmes musulmanes voilées, cela ne fait nul doute. Néanmoins, le plus déroutant n'est pas là.
En effet, force est de constater que les agresseurs de ces adolescentes et de ces femmes musulmanes semblent vouloir parachever, dans la violence et l'illégalité, le cadre juridique français qui étend progressivement la prohibition du voile à tous les espaces de la vie et de la société. Ces hommes agressent des femmes musulmanes dans l'espace public français avec la ferme intention de les dévoiler, poursuivant de manière radicale les politiques publiques d'interdiction du port du voile menées par l'Etat français depuis 2004. Ces hommes se veulent les hérauts et les gardiens d'une République transparente, perdus dans les oripeaux chimériques d'une France qui n'existe pas, d'une France fantasmée, d'une France mortifère.
Comme le rappelle la sociologue Nilüfer Göle , renoncer à la pureté européenne semble crucial et urgent si l'on ne veut pas réveiller les vieux fantômes du passé. La montée graduelle de l'extrême droite, en France et en Europe, doit nous alerter. Dans cette ambiance délétère où les citoyenNEs françaisEs de confession musulmane sont encercléEs par la République, pris en otage dans le débat public, l'historienne et parlementaire Esther Benbassa nous rappelle que comme l'Etat français le fit jadis avec le judaïsme, c'est maintenant au tour de l'islam d'être « régénéré » . Quoi qu'ils fassent, les citoyens français musulmans semblent trop ceci ou trop cela, pas suffisamment intégrés. On leur demande sans cesse de « s'intégrer », voire de s'assimiler. Tout se passe comme si au moment-même où l'on exhortait les citoyenNEs français musulmans à l'intégration, on reconnaissait paradoxalement leur incapacité substantielle à pouvoir le faire . Cette vision culturaliste de l'islam et des musulmanEs est dangereuse ; ne pas la questionner, ni la remettre en cause, c'est s'inscrire dans ce qu'il convient de nommer par son nom : la « banalité du mal » .
L'appel « Nous sommes toutes des femmes voilées », lancé à l'initiative des militantes féministes Sonia Dayan-Herzbrun, sociologue, professeure émérite à l'Université Paris 7, Louiza Belhamici, membre du CFPE (Collectif Féministes Pour l'Egalité), et Ismahane Chouder, présidente du CFPE, est toujours en ligne.
Shahzad Abdul, « Après des agressions de femmes voilées, des Argenteuillais dénoncent l'islamophobie », Le Monde 22 juin 2013
Stéphanie Le Bars, « Manuel Valls dénonce ‘la montée des violences à l'égard des musulmans de France’ », Le Monde, 18 juillet 2013
18/07/2013
Que dévoilent les agressions de femmes voilées ?
Actualisé le 18 juillet 2013 à 20 h 00
Le silence d'une République dévoilée
Voici un article de Jean-François Brault qui, initialement intitulé « Le silence d'une République dévoilée », s'est transformé en un quasi-entretien entre lui et moi. Les sous-titres sont de lui.
S. Duverger. Jean-François Brault mène actuellement un travail de recherche sur les minorités sexuelles musulmanes dans la France contemporaine, sous la direction d'Eric Fassin, à l'université Paris 8 - Vincennes-Saint-Denis.
« Une loi ne pourra jamais obliger un homme à m'aimer mais il est important qu'elle lui interdise de me lyncher ».
Martin Luther King, Extrait du Wall Street Journal, 1962.
Des « attaques répétées contre les musulmanes de France »
Le 8 juillet 2012, Cindy Leoni, présidente de SOS Racisme, manifestait son inquiétude face à l'indifférence médiatique, politique et citoyenne que les agressions, aussi bien verbales que physiques, commises contre des citoyenNEs françaisEs d'origine maghrébine, pouvaient susciter : « Ecoutez, si on prend l'exemple d’Aigues-Mortes ; un groupe de jeunes d'origine maghrébine est la cible d'un couple qui profère des injures à caractère raciste et qui leur tire dessus avec un fusil. Le fait que ça ne soulève pas un soulèvement républicain dans la foulée, oui ça m'interpelle et ça m'interroge. » .
20 mai 2013 : Rabia, 17 ans, habitante d'Argenteuil, est agressée par plusieurs hommes. Un passant, témoin de la scène, permet à la jeune fille de prendre la fuite.
9 juin 2013 : à Reims, une femme est insultée et menacée d'agression par un mineur alors qu'elle est dans une voiture avec son mari.
13 juin 2013 : Leïla, 21 ans, habitante d'Argenteuil, est violentée par plusieurs hommes. A la suite de cette agression, la jeune femme, enceinte, fait une fausse couche.
14 juin 2013 : près d'Orléans, trois femmes, de trois générations différentes – la mère, la fille et la grand-mère - qui circulent en voiture sont insultées par un homme ; au feu rouge, il tire les cheveux de la conductrice, la contraignant à sortir de sa voiture, puis il la frappe ainsi que sa fille et sa mère lorsqu’elles s’interposent.
22 juin 2013 : à 15 heures, devant la sous-préfecture d'Argenteuil, est organisé un rassemblement qui vise à dénoncer la série d'agressions commises entre mai et juin contre des citoyennes françaises musulmanes (voilées) et à encourager les autorités publiques à arrêter les coupables.
30 juin 2013 : Lamia, auxiliaire de vie, dans un bus parisien cède sa place à une femme âgée, qui l'invective. Un peu plus tard, un homme frappe Lamia, qui a fini par répondre aux insultes de la femme âgée. C'est Lamia que la police arrête, et non pas son agresseur.
S. Duverger : et il y a eu ces derniers jours de nouvelles agressions, rapportées par Libération, Le Parisien, 20 minutes, Oumma.com, Terrafemina, Le Point, Le Monde… :
Le 2 juillet, à Reims, deux femmes voilées ont été insultées et menacées de mort.
Le 12 juillet, à Reims encore, une jeune femme voilée a porté plainte après avoir été frappée au visage et blessée par un homme qui, auparavant, a tenté de lui arracher son foulard.
Le 13 juillet, à Reims toujours, une femme portant un foulard a été insultée.
Le parquet de Reims reconnaît qu’ «il s'agit d'agressions à caractère raciste ».
Abdallah Zekri, le président de l’Observatoire national contre l’islamophobie, précise que «d’autres villes connaissent la même recrudescence» islamophobe.
Et en effet, à Trappes, le 14 juillet "une jeune femme de 21 ans de confession musulmane et voilée a été prise à partie par deux hommes" d'une trentaine d'années. "Alors qu'elle remontait le pont de Trappes accompagnée de sa petite nièce de 2 ans pour regagner son domicile, les deux agresseurs l’ont insultée : 'salope', 'sale voilée'... Elle n'a pas répliqué et quand elle s'est retournée vers eux, l'un d'eux a dit : oui c'est bien à toi que je parle'. Insensible à la présence de l’enfant, il a sorti un couteau d'une lame de 10 à 15 cm tout en déclarant 'de toute façon les musulmans on va vous exterminer et ce sera toi la première'." Les deux agresseurs ont été jugés en comparution immédiate. Ils ont été condamnés à deux mois de prison ferme et à verser des dommages et intérêts.
Comment expliques-tu, comment analyses-tu ces agressions à l'encontre de musulmanes, en particulier lorsqu'elles portent un foulard ou un voile ?
Pourquoi elles ?
J.-F. Brault On notera d’abord que ces agressions visent des femmes ; ensuite, que ces citoyennes françaises de confession musulmane sont nées dans des familles pour la plupart originaires du Maghreb. Chaque agression perpétrée se caractérise par une haine profonde de l'islam et de celles et ceux qui pratiquent cette religion : « sale arabe », « sale bougnoule », « salle musulmane » sont les insultes les plus récurrentes exprimées lors des agressions. Enfin, on examinera la principale motivation à la source de ces violences : dévoiler. La plupart des femmes agressées sont voilées, à une écrasante majorité, et il semble que la volonté de dévoilement demeure l'une des principales finalités de ces actes islamophobes.
Lors du rassemblement du 22 juin à Argenteuil, dont l'objectif central était de demander justice face à cette série d'agressions visant des femmes musulmanes (voilées), il a notamment été dénoncé l'islamophobie et le « deux poids, deux mesures » qui semble effectif entre les citoyenNEs françaisEs musulmanEs et les citoyenNEs françaisEs non musulmanEs. Sur place, on peine à dissimuler son inquiétude, témoignant avec appréhension du sentiment général d'abandon et de solitude que les citoyenNEs françaisEs de confession musulmane éprouvent dans cette République qu'ils trouvent bien silencieuse face aux attaques et aux agressions qui visent explicitement leur communauté, la communauté musulmane, et particulièrement en son sein, les femmes voilées. A notre connaissance, jusqu'au 17 juillet, aucune déclaration publique n'avait été faite par le Président de la République, François Hollande, ni par le Ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, ni par Najat Vallaud-Belkacem, la Ministre des droits des Femmes ni par aucun autre membre du gouvernement actuel. Quasi-silence radio.
S. Duverger : Mais pas silence complet. Il n'y a pas eu de déclarations immédiates – ce qui bien sûr fait problème, d'autant que l'on connaît les positions de Manuel Valls et de François Hollande sur la question du voile – j’y reviendrai.
Mais le 20 juin, Leïla et son mari, ainsi que l'avocat de Rabia ont été reçuEs par le cabinet du ministre de l'Intérieur, en présence d'une représentante de Najat Vallaud-Belkacem. Selon Métronews, "le cabinet du ministre a rappelé la détermination des autorités à retrouver les auteurs de ces agressions extrêmement graves" et Manuel Valls a adressé une lettre à Leïla et Rabia « pour leur apporter son soutien ». Enfin, le 26 juin il a reçu lui-même les jeunes femmes agressées, ainsi qu'un collectif des habitants d’Argenteuil.
Le 24 juin, à l’issue de son déjeuner avec « les représentants des quartiers populaires », à la demande de Mohamed Mechmache, d’AC Le feu, le Président de la République a assuré dans un communiqué de « la détermination du gouvernement à lutter contre tous les actes racistes, notamment anti-musulmans, qui constituent des atteintes insupportables à l’unité républicaine» [3].
Par ailleurs, Le Monde du 22 juin précise que le préfet du Val d'Oise, Jean-Luc Nevache, a affirmé que "le maximum de moyens (étaient) mis en œuvre pour que l'enquête avance au plus vite". "Il faut envoyer des signaux forts à la communauté musulmane : leur dire que les actes islamophobes sont aussi inacceptables que les actes antisémites, par exemple", a-t-il ajouté [4].
Le 10 juillet paraissait dans Le Parisien un appel à témoins lancé par la Sûreté départementale du Val d’Oise afin de retrouver les agresseurs de Rabia.
Enfin, le 17 juillet, dans Le Monde, la journaliste Stéphanie Le Bars, observe : "Alors que se sont multipliées, ces dernières semaines, les agressions à l'encontre de femmes voilées, le gouvernement semble vouloir prendre la mesure de ces actes ". Manuel Valls les compare aux actes antisémites et les qualifie d’"inacceptables", assurant, comme le Président de la République « quelques heures plus tôt » qu’ils « seront combattus continuellement avec la plus grande fermeté » [5].
J. F. Brault Le préfet du Val d’Oise a semble-t-il perçu l'urgence de la situation et la gravité du contexte islamophobe. Mais le communiqué de l’Elysée est passé inaperçu et les déclarations du gouvernement datent d’hier : elles sont donc bien timides ou bien tardives. Il a fallu plus d’un mois pour que Manuel Valls, lors de la rupture du jeûne qu'il a partagée, en effet, mercredi 17 juillet 2013, à la Mosquée de Paris avec les représentants du Conseil français du culte musulman (CFCM), exprime son « respect » et son « affection » pour la communauté musulmane, et dénonce "la montée des violences à l'égard des musulmans de France" .
Et que penser du fait que si certaines des femmes voilées agressées ont été reçues au cabinet du ministre de l'Intérieur, elles l’ont d’abord été en catimini ? Par ailleurs, on fera remarquer que dans sa déclaration publique à la Grande Mosquée de Paris, Manuel Valls semble plus s’adresser à la communauté musulmane qu’à la République française dans son ensemble, ce qui est regrettable et symptomatique.
Face à ces agressions qui visent la communauté musulmane française et à leur insuffisante condamnation – médiatique, politique et citoyenne –, trois exigences légitimes semblent s’exprimer chez les citoyenNEs françaisEs musulmanEs : la demande de justice, la demande de sécurité et la demande de protection des libertés individuelles.
La demande de justice
Le soir même de son agression, la jeune fille de 17 ans, Rabia, violentée le 20 mai 2013, décide d'aller avec sa mère au commissariat pour porter plainte . Comme elle l'explique sur le média Oumma.tv, on lui demande d'abord d'aller à l'hôpital, et de revenir par la suite. Elle s'exécute, va à l'hôpital, et revient le lendemain au commissariat, réitérant ainsi sa volonté de déposer plainte pour agression à caractère raciste. Or, dans son dépôt de plainte, deux éléments décisifs n'apparaissent pas : la nature raciste de l'agression et le fait qu'il y avait un témoin sur place. En effet, la jeune fille dit avoir été traitée de « sale arabe » et de « sale bougnoule » pendant son agression.
Niant d'emblée le caractère raciste de l'agression, le commissaire s'autorise à dire, en parlant du voile de Rabia, que « sa tenue est jolie, qu'elle est esthétique, et que c'est pas du tout un acte raciste ». Par ailleurs, à aucun moment, il n'est notifié dans la plainte le fait qu'un témoin ait vu la scène, et que c'est précisément grâce à lui que Rabia a pu s'échapper des mains de ses agresseurs. La jeune fille a pourtant relaté les faits aux policiers. Omission délibérée ?
On remarquera cependant que l'équipe de nuit du commissariat n'a pas oublié ce soir-là de demander à la jeune fille d'être discrète sur son agression, parce qu'« il fallait pas que la communauté musulmane soit au courant, pour pas que ça fasse des émeutes, ou qu'y ait des problèmes » .
S. Duverger J'ai lu dans un article bien documenté de Véronique Valentino, paru sur slate.fr le 3 juillet, et dont je recommande la lecture, qu'il y avait des versions divergentes sur ce point. La journaliste, qui ne témoigne d'aucune complaisance à l'égard des actes islamophobes, et qui au contraire souligne les manquements de la presse à cet égard, précise que Le 13 juin, le maire PS d'Argenteuil, Philippe Doucet, a condamné l'agression de Rabia, qu’il a qualifiée d’ «acte islamophobe» commis par des «activistes d’extrême droite, qui viennent de l’extérieur […] pour alimenter les peurs, monter les habitants contre les autres et salir l’image de notre ville» .
J.-F Brault L'adjoint au maire de la ville d'Argenteuil rencontrera la jeune fille, vraisemblablement plus préoccupé par le désordre public et les « émeutes » que ce genre d'agression pourrait susciter dans la communauté musulmane que par le traumatisme physique et psychique qu'a vécu cette jeune Française.
S. Duverger : La journaliste Véronique Valentino rapporte cependant que le maire d'Argenteuil s'est «beaucoup investi auprès de la communauté musulmane», qu'il «vient d’accorder un permis de construire à la mosquée 'Dassault' »...
J.-F. Brault La volonté des pouvoirs publics semble assez claire : étouffer l'affaire. Le spectre des émeutes de novembre 2005 est sans aucun doute présent dans la gestion qui est faite de ces agressions successives commises à l'égard des femmes voilées. Le père de la victime partage son incompréhension : « ils croient que la communauté musulmane, on est des sauvages, qu'il va y avoir des émeutes, une guerre. […] Nous, ce qu'on demande, c'est juste la justice ».
Le cas de Lamia, relaté plus haut, est édifiant. La jeune femme voilée, doublement agressée, verbalement puis physiquement, a appelé la police pour qu'on lui vienne en aide. Au lieu de secourir la jeune femme, la police l'arrête. Lamia sera libérée grâce aux enregistrements vidéo du bus qui attestent qu'elle est la victime de la double agression, ce que, manifestement, aucun des témoins n'avait jugé utile de préciser aux forces de l'ordre qui ont interpellé la jeune femme, laissant partir son agresseur et la vieille dame islamophobe.
La demande de justice parmi les citoyenNEs françaisEs de confession musulmane est patente, et elle ne peut se circonscrire aux seuls tribunaux de notre pays. La justice commence dans les postes de police, dans les écoles, dans les hôpitaux, dans les bus, dans la rue, dans l'espace public. La justice et l'équité, c'est-à-dire l'égalité de traitement entre citoyenNEs françaisEs non musulmanEs et citoyenNEs françaisEs musulmanEs ne pourront advenir qu'après avoir examiné notre propre perception - post-coloniale - des « musulmanEs » et de l'« islam » .
Ce qui est frappant, dans toutes ces agressions commises à l'égard de femmes musulmanes, quasiment toutes voilées, ce n'est pas tant leur caractère successif que ce silence coupable, témoin de notre incapacité à les considérer comme des victimes . Ces filles et ces femmes voilées sont, dans la perception que la société française a développé à leur égard, coupables. Ce sont elles, les agresseurEs. Leur voile nous agresse visuellement. Il perturbe nos imaginaires et nos zones de confort européens. Le voile dérange. Il est une violence symbolique faite à notre civilisation, la civilisation européenne. Des femmes voilées agressées ? Mais leur voile ne nous agresse-t-il pas ? Ainsi, c'est dans cet état d'esprit que semblent s'inscrire les médias, les politiques et une partie non négligeable des citoyenNEs françaisEs. Et comme on ne peut moralement pas admettre et cautionner une agression à l'égard d'une femme, ou plus largement, à l'égard d'un individu, on se tait. Notre silence vaut complicité. Notre silence est un aveu, inconscient ou non, de notre acquiescement embarrassé. Comme le rappelle Martin Luther King, « celui qui accepte le mal, sans lutter contre lui, coopère avec lui ». Et il semble que nous ayons bien plus d'indulgence et de compassion pour les agresseurs des femmes voilées - qui détestent l'islam, les musulmanEs, et par-dessus tout, le voile, comme nous – que pour ces femmes, pauvres victimes qui, finalement, en faisant le choix de se voiler, l'ont bien cherché tout de même, non ? Ainsi, notre silence ne trahit-il pas notre intolérance au voile ? Notre silence ne nous dévoile-t-il pas ?
S. Duverger : lorsque tu dis que certainEs FrançaisEs non musulmanEs pensent que ces femmes voilées agressées l'ont bien cherché, tu veux dire qu'elles/ils estiment que ces femmes voilées les provoquent en se dérobant à leurs regards, en leur ôtant leur droit de regard ?
Cela pourrait expliquer les agressions commises par des hommes qui cherchent à ôter à ces femmes leur foulard ou leur voile, car, en effet, un certain nombre d’hommes continuent d’avoir le sentiment qu’ils disposent sur toutes les femmes d’un droit de regard jaugeant ou jugeant.
Ou penses-tu que ces FrançaisEs islamophobes estiment que les femmes voilées pactisent avec le patriarcat islamiste, qu'elles refusent la libération des femmes, qu'elles se détournent des possibilités d'accomplissement personnel qui leur seraient offertes si elles s'intégraient et abandonnaient leurs voilements pudiques et séparateurs ? Qu’est-ce que selon toi signifie ce rejet des femmes voilées, ce mépris à leur endroit, et cette violence à leur égard ?
Christine Delphy observe qu’en 2004 et 2005, un certain nombre de féministes, du Collectif national des droits des femmes (CNDF), par exemple, ont tenté d’empêcher des femmes voilées de participer aux manifestations féministes [11]. Zahra Ali le rappelait le 8 mars 2012 : les femmes voilées sont considérées comme antiféministes.
Alors que ce n’est pas du tout nécessairement le cas – même si certaines prônent un retour au foyer qui n’a en effet rien de féministe (ce n’est pas en le déniant que l’on fera avancer la cause anti-islamophobe). En revanche, on fera remarquer qu’en multipliant les lois ou les circulaires anti-foulard et antivoile, le moins que l’on puisse dire c’est qu’au nom du féminisme, en réalité, l’on contraint au retour au foyer celles que l’on présume être des victimes du patriarcat islamiste. De surcroît, on les prive de liberté et on les tient pour des sujets plus assujettiEs que les autres… au nom de la défense de leur liberté et au mépris de leur avis. Car lors des débats sur les lois de 2004 et de 2010, elles n’ont guère été interrogées par les médias, ni par les commissions parlementaires sur le foulard ou le voile, qui ont préféré écouter Elisabeth Badinter et Ni putes ni soumises . Alors qu’il y a bel et bien un féminisme islamique, qui se développe depuis les années 1990 en Turquie, en Iran, en Afrique du Sud, dans les pays anglophones et désormais en France ; l’ouvrage dirigé par Zahra Ali et publié aux éditions La Fabrique permet de s’y initier .
J.-F. Brault : Lorsque je dis que finalement, pour beaucoup tout se passe comme si ces femmes musulmanes voilées avaient bien cherché leurs agressions, je veux dire effectivement qu’il y a une non-dissociation entre la position politique d’être hostile au voile islamique et le fait de ne pas prendre position contre ces actes innommables ; ainsi, la majorité silencieuse qui ne réagit pas, ni n’exprime son soutien aux victimes de ces violences, qui s’abstient de toute solidarité publique, le fait précisément parce que le principal motif de ces agressions – celui de dévoiler – elle le partage avec les agresseurs, à ce détail près qu’elle entend atteindre son objectif de dévoilement par un cadre légal coercitif et non violent, contrairement aux agresseurs. Quant au regard que l’on porte sur les femmes voilées, il est paradoxalement double : d’un côté, on pense qu’elles sont soumises au patriarcat et que donc, il faut les sauver, le voile étant de fait supposé être LE symbole de l’oppression ; d’un autre côté, ces femmes voilées sont perçues également comme des femmes qui s’aliènent et qui menacent la République. Etrangement, les femmes voilées se retrouvent à la fois victimes et agresseurEs, menacées et menaçantes. C’est cette perception ambivalente de la figure de la femme voilée – présente et observable dans les milieux féministes - qui est à l’origine, notamment, des successives lois et projets de loi contre le voile en France depuis 2004.
La demande de sécurité
J.-F. Brault La série noire islamophobe des derniers mois a participé à la naissance, parmi les citoyenNEs musulmanEs françaisEs, d'un sentiment d'insécurité. Le soutien public tardif et ambivalent à l’égard de la communauté musulmane ne me semble pas suffisant pour mettre un terme aux agressions.
S. Duverger : Car elles ont été encouragées par des années d’islamophobie gouvernementale – au moins depuis 2004, la gauche adoptant sur cette question des positions tout à fait similaires à celles de la droite. L’on sait que Manuel Valls est un fervent partisan d’une conception liberticide de la laïcité ; l’on se souvient qu’en janvier 2010, au moment des débats sur le voile intégral, il avait déclaré sur RTL : "Je voterai une loi ou j'amenderai une loi qui interdise le voile intégral dans l'espace public", "quelle que soit la position du Parti socialiste", car, précisait-il, "le voile intégral est indigne de nos valeurs, il enferme les femmes dans une prison, il cache l'identité d'un être humain, c'est-à-dire son visage. "
En mars dernier, il a publiquement critiqué l’annulation par la cour de cassation du licenciement d’une salariée voilée de la crèche Baby Loup… et le Président de la République a lui aussi estimé qu’il y avait matière à légiférer à nouveau sur la question du voile dès lors qu’il s’agit de la petite enfance.
Le rapport d'Amnesty international publié en avril 2012 sur « La discrimination à l'égard des musulmans en Europe » est accablant.
Le rapport 2012 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ne l’est pas moins. Rendu public le 21 mars 2013, il révèle que les actes islamophobes ont augmenté de 30 % entre 2011 et 2012, alors même qu'ils avaient déjà augmenté de 34 % en 2011.
La CNCDH précise que « l’idée que l’islam remet en cause les droits des femmes est de plus en plus présente dans le débat public, de la droite à la gauche de l’échiquier politique », et que cette « forte réticence envers l’islam et ses pratiques » s'est considérablement accrue chez les plus diplôméEs, qui sont pourtant « généralement les plus tolérantes »...
En janvier 2013, 74 % des personnes interrogées par l’institut de sondage Ipsos estimaient que l'islam est une religion "intolérante", incompatible avec les valeurs de la société française…
C'est pourquoi, quand Manuel Valls déclare, comme il l'a fait le 17 juillet : "N'ayons pas peur des lois que nous votons ; elles sont faites pour construire l'apaisement" (Le Monde, 18 juillet), c'est pour le moins... irréfléchi. Penser cela c'est témoigner d'une singulière absence de considération des conséquences de ces lois stigmatisantes. Cette cécité signifie combien la prétendue neutralité de la République française masque - voile - de postcolonialisme et de sexisme.
J.-F. Brault Que des citoyenNEs de confession musulmane se sentent seulEs et finalement relativement vulnérables en France en fera bondir et sourire plus d'unE, tant on nous assène à longueur de journée, dans les médias mais aussi parmi les politiques – Jean-François Copé, chef de file de l'UMP, est un exemple manifeste de cette surenchère islamophobe dans le milieu politique avec l'histoire du pain au chocolat pendant le Ramadan - que l'islam nous menace et que la figure du délinquant est grosso modo incarnée par le jeune banlieusard, qui a toutes les chances d'être musulman et noir ou arabe !
Cette demande de sécurité pour touTEs les citoyenNEs françaisEs ne pourra que difficilement être effective si l'asymétrie du cadre politico-médiatique actuel n'est pas très vite brisée. L'habitude prise d'ethniciser la délinquance et les problèmes d'un pays rend vraisemblablement difficile la rencontre avec le réel : entre mai et juin 2013, une série d'agressions islamophobes a été observée. Manifestement le communiqué présidentiel du 24 juin, qui condamnait ces actes, n’a pas été entendu ; les déclarations faites les 17 juillet par le Président et son ministre de l’Intérieur et des cultes le seront-elles ?
S. Duverger : dans la rencontre avec le réel, la presse joue un rôle décisif. Il y a eu une série d’articles sur les agressions à l’égard des femmes voilées dans Le Monde, dans Libération , puis à nouveau le 16 et le 17 juillet..., dans Le Nouvel Observateur, sur Le Plus (du Nouvel Observateur), sur Slate.fr, l'article de Véronique Valentino, que j'ai déjà évoqué et qui repose sur une enquête substantielle, sur Rue89, l'article de Ramses Kefi, émaillé de citations de musulmanEs, de celle-ci, par exemple :
"'La loi ne nous interdit pas de porter le hijab. J’ai le droit de choisir ma tenue vestimentaire et d’être protégée quand je le fais. C’est ça la laïcité non ? Maintenant, je me méfie dans la rue. En fait, j’évite de trop sortir seule, je préfère être accompagnée d’un homme.'" .
Le communiqué que l'Elysée a rendu public le 24 juin a été évoqué par le Monde, Le Nouvel Observateur, Le Parisien, Libération...
Sur France culture, le 8 mai 2013, l’on a pu entendre des témoignages de femmes voilées, et prendre connaissance des analyses de la sociologue Agnès de Féo, qui a mené une enquête fouillée sur le port du voile et va bientôt faire paraître un ouvrage sur ce sujet.
Si l’on en reste au Monde, qui est considéré comme la référence des quotidiens, il convient d'accorder qu'il a publié un certain nombre d’articles qui ont donné la parole aux femmes voilées. Il y a une semaine, Florence Aubenas en a fait paraître un, que je recommande, "La maman parfaite mais surbookée", qui permet d'entendre l’islamophobie au quotidien, celle qui contraint à démissionner de son travail, qui empêche de sortir seule…
J.F. Brault La remontée de l'information par les principaux médias paraît partielle et aléatoire, et là aussi il semble y avoir matière à s'interroger. S'agissant des pouvoirs publics, ceux-ci semblent n'avoir qu'une seule crainte : que ces agressions se transforment en « émeutes ». Ainsi, on le voit bien, si ce sont des jeunes filles musulmanes voilées qui ont été agressées et qui sont les victimes de ces actes, la peur n'est pas que cela se reproduise, ni celle de protéger ces citoyennes et de retrouver les coupables. Non, la crainte est que cela se transforme en « émeutes » ; autrement dit, on voit assez clairement comment le cadre politico-médiatique nous façonne et comment cette façon de penser qui devient nôtre nous pousse à percevoir de manière quasi systématisée la figure musulmane comme un danger potentiel, un ennemi de l'intérieur, un étranger .
La demande de protection des libertés individuelles
J.-F Brault Conformément à l'article 9 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, intitulé « Liberté de pensée, de conscience et de religion », l'acte de se voiler est un droit fondamental et inaliénable, Les Etats signataires de la CEDH - dont la France est membre - doivent, en principe, garantir et protéger ces libertés individuelles et collectives.
S. Duverger La Convention européenne des droits de l'homme garantit que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique… la liberté de manifester sa religion individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites », je le rappelais dans mon introduction à l'article – à mon avis imparable - consacré par Christine Delphy et Raphaël Liogier à « la nouvelle laïcité » aujourd'hui promue par la gauche comme la droite, et qui est en réalité un nouvel « ordre moral », article republié sur Féministes en tous genres le 7 juillet et que je ne saurais assez conseiller de lire ou de relire.
J.-F. Brault Or, les successives lois contre le voile en France, à l'école (2004), dans l'espace public (2010) ainsi que les projets de lois contre le voile dans la sphère privée (2012, 2013) ne semblent pas aller dans le sens d'une protection de ce droit fondamental qu'est l'acte de se voiler, mais plutôt dans une remise en question de ce droit .
L'obsession française pour le voile n'est pas nouvelle. Déjà, Frantz Fanon, l'évoquait pendant l'époque coloniale. Ainsi, l'invitation maternaliste et paternaliste qui est actuellement faite aux citoyennes musulmanes françaises (voilées), priées de se libérer et de se dévoiler, les deux moments étant pensés comme indissociables, n'est pas sans rappeler les cérémonies de dévoilement publiques organisées par les colons et leurs femmes en Algérie . Qu'il y ait une continuité entre les pratiques de l'Empire colonial français - pour qui, le dévoilement des femmes musulmanes était un enjeu stratégique majeur de division des sociétés indigènes - et les lois actuelles contre les femmes musulmanes voilées, cela ne fait nul doute. Néanmoins, le plus déroutant n'est pas là.
En effet, force est de constater que les agresseurs de ces adolescentes et de ces femmes musulmanes semblent vouloir parachever, dans la violence et l'illégalité, le cadre juridique français qui étend progressivement la prohibition du voile à tous les espaces de la vie et de la société. Ces hommes agressent des femmes musulmanes dans l'espace public français avec la ferme intention de les dévoiler, poursuivant de manière radicale les politiques publiques d'interdiction du port du voile menées par l'Etat français depuis 2004. Ces hommes se veulent les hérauts et les gardiens d'une République transparente, perdus dans les oripeaux chimériques d'une France qui n'existe pas, d'une France fantasmée, d'une France mortifère.
Comme le rappelle la sociologue Nilüfer Göle , renoncer à la pureté européenne semble crucial et urgent si l'on ne veut pas réveiller les vieux fantômes du passé. La montée graduelle de l'extrême droite, en France et en Europe, doit nous alerter. Dans cette ambiance délétère où les citoyenNEs françaisEs de confession musulmane sont encercléEs par la République, pris en otage dans le débat public, l'historienne et parlementaire Esther Benbassa nous rappelle que comme l'Etat français le fit jadis avec le judaïsme, c'est maintenant au tour de l'islam d'être « régénéré » . Quoi qu'ils fassent, les citoyens français musulmans semblent trop ceci ou trop cela, pas suffisamment intégrés. On leur demande sans cesse de « s'intégrer », voire de s'assimiler. Tout se passe comme si au moment-même où l'on exhortait les citoyenNEs français musulmans à l'intégration, on reconnaissait paradoxalement leur incapacité substantielle à pouvoir le faire . Cette vision culturaliste de l'islam et des musulmanEs est dangereuse ; ne pas la questionner, ni la remettre en cause, c'est s'inscrire dans ce qu'il convient de nommer par son nom : la « banalité du mal » .
L'appel « Nous sommes toutes des femmes voilées », lancé à l'initiative des militantes féministes Sonia Dayan-Herzbrun, sociologue, professeure émérite à l'Université Paris 7, Louiza Belhamici, membre du CFPE (Collectif Féministes Pour l'Egalité), et Ismahane Chouder, présidente du CFPE, est toujours en ligne.
Shahzad Abdul, « Après des agressions de femmes voilées, des Argenteuillais dénoncent l'islamophobie », Le Monde 22 juin 2013
Stéphanie Le Bars, « Manuel Valls dénonce ‘la montée des violences à l'égard des musulmans de France’ », Le Monde, 18 juillet 2013
Dernière édition par Toussaint le Sam 20 Juil - 3:31, édité 2 fois
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Re: Islamophobie
07/07/2013
http://feministesentousgenres.blogs.nouvelobs.com/archive/2013/07/07/nouvelle-laicite-ou-ordre-moral-par-christine-delphy-et-raph.html
Nouvelle laïcité ou ordre moral ?
par Christine Delphy et Raphaël Liogier
A Argenteuil, en mai et juin derniers, deux femmes voilées ont porté plainte pour agression.
A Reims, le 10 juin, selon Le Parisien, un jeune homme a demandé à une femme d'origine turque de retirer son foulard et parce qu'elle refusait, il l'a insultée.
Près d'Orléans, le 14 juin, selon Ajib.fr et le collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), trois femmes, dont une portant un hijab, ont été insultées et à plusieurs reprises frappées par un homme en furie.
Le 30 juin, selon le CCIF et islam et info, dans un bus parisien, une femme portant un foulard a été insultée par une femme âgée, avant d'être frappée par un homme. Arrêtée par la police, qu'elle-même avait appelée, elle a été libérée grâce aux enregistrements vidéos du bus qui attestent qu'elle est la victime de la double agression, ce que, semble-t-il, aucunE des témoins n'a jugé utile de préciser aux forces de l'ordre, qui ont laissé partir et son agresseur et la vieille dame islamophobe.
Depuis que François Hollande a confirmé le 28 mars qu'il souscrivait à une application "à la française" du principe de laïcité, telle que l'entérinent en effet la loi de 2004 contre le port du foulard à l'école et celle de 2010 contre le port du voile intégral dans l'espace public, la recrudescence des propos et des actes islamophobes est notable. Dans cet article, publié le 4 juillet dernier sur le site de La Croix, Christine Delphy et Raphaël Liogier montrent combien cette "laïcité à la française", que "la droite a produite et la gauche souvent relayée", contrevient au principe de laïcité tel que le posent la loi de 1905, la Constitution de 1958 - qui précise que la République française "assure la liberté de conscience" et "respecte toutes les croyances". La Convention européenne des droits de l'homme garantit elle aussi que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique… la liberté de manifester sa religion individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites ».
L'observatoire de la laïcité a rendu le 25 juin un rapport d'étape ambivalent : il corrobore la jurisprudence qui entérine l'interdiction, consignée dans la circulaire de rentrée 2012, de porter un signe religieux lorsque l'on accompagne une sortie scolaire. Mais il n'est pas pour autant partisan d'une extension de l'obligation de neutralité faite aux fonctionnaires et n'estime pas possible de l'appliquer aux employés du secteur privé hospitalier ou à ceux de structures privées d’accueil de la petite enfance, comme la crèche Baby Loup. Il n'est pas non plus favorable à ce qu'il soit à nouveau légiféré en matière de laïcité, comme le demandaient le 22 mars dans Marianne Elisabeth Badinter, Abdennour Bidar, Alain Finkielkraut et les autres signataires de "l'appel pour une nouvelle loi sur la laïcité" (ou la pétition "Crèche Baby Loup : appel à toutes les consciences républicaines").
En complément
Sur ce rapport d'étape, voir Stéphanie Le Bars, "Observatoire de la laïcité : un point d'étape réconfortant", Blog du Monde
et l'entretien de S. le Bars avec Jean-Louis Bianco, "La France n'a pas de problème avec sa laïcité", 25 juin 2013, Le Monde
Sylvia Duverger
Et voici l'article de Christine Delphy et de Raphaël Liogier
«En 1905, la laïcité était simplement la séparation de l’État et des cultes. Aujourd’hui, elle est une frontière entre ce qui relève de l’intime, qui doit être protégé, et ce qui appartient à la sphère publique qui doit être préservée.» Par ces mots, François Hollande trace la «feuille de route» de l’Observatoire de la laïcité, qu’il a constitué le 5 avril en vue de légiférer. Il réalise ainsi le renversement du principe de laïcité, employant alors une notion ambiguë, ignorée des textes légaux tant français qu’internationaux : l’«intimité».
En cela, il se contente de suivre un esprit du temps qui prétend que les convictions religieuses ne peuvent s’exprimer librement que dans le «privé», et même dans l’ultra-privé de «l’intime». Le religieux devrait donc être confiné dans l’espace de l’intime, espace de la dissimulation, qui s’opposerait à l’ensemble des «espaces publics» : entreprises, associations, magasins, rues…
En jouant sur les deux sens du terme «public» (service de l’État ou espace de tous), on a pu, ces dernières années, prétendre exiger des simples citoyens une neutralité qui n’est due que par les agents de l’État, ce qui constituait en soi la spécificité de la laïcité française. Si les opinions ne peuvent pas s’exprimer à plusieurs et en public, faudra-t-il en venir à fermer les salles de réunion, les lieux de culte, interdire les réunions dans les cafés, les meetings !
C’est à ces libertés fondamentales que les gouvernements, de Chirac à Hollande en passant par Sarkozy, se sont attaqués et s’attaquent, avec en ligne de mire une cible : les musulmans, et surtout les musulmanes, dont il faudrait contrôler l’apparence – dans les services publics, dans les entreprises privées et bientôt même chez elles. Que de telles absurdités philosophiques et juridiques passent inaperçues ne peut pas s’expliquer autrement que par une crise sociétale majeure sur laquelle les gouvernants préfèrent s’appuyer plutôt que tenter d’en comprendre les ressorts.
On invoque alors la nécessité de «clarifier la laïcité», comme si les textes étaient «difficiles à interpréter». Après l’affaire Baby-Loup, il y aurait un«vide juridique». Pourtant, l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme est limpide : «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.»
Permettre la liberté de conscience et d’expression seulement en privé revient à l’abolir. C’est en public qu’elle a besoin d’être protégée, car, dans «l’intimité», seul face à vous-même, qui peut vous empêcher d’exprimer vos croyances? Nous assistons à une dérive autoritaire, à une sorte de totalitarisme en pente douce.
Les politiques surfent ainsi sur cette «majorité» de Français heurtés par les difficultés économiques, qui paraissent rendre les musulmans responsables de la perte de leur identité «nationale» (voire raciale). Mais quelles seront les conséquences d’un nouveau tour de vis contre des populations discriminées au quotidien, depuis 2004, par des lois liberticides ? Personne ne veut tenir compte de leur exaspération croissante, comme s’il s’agissait de simples dommages collatéraux.
On prétend viser la cohésion sociale, alors qu’on la fragilise. Plus rien ne semble pouvoir arrêter cette dérive démagogique des pouvoirs publics sous-tendue par une atmosphère de crise économique et identitaire. Au moment même où l’appareil d’État semble chercher à imposer un ordre moral sous couvert de nouvelle laïcité, les entreprises, elles, répondent aux demandes religieuses ou non dans l’esprit de 1905. Quelle ironie que ce soit d’elles que vienne cette leçon de respect des principes républicains !
Christine Delphy et Raphael Liogier
Christine Delphy est directrice de recherches en sociologie, CNRS.
Raphaël Liogier est professeur à Sciences-Po Aix-en-Provence. Dernier ouvrage paru de Raphaël Liogier : Le Mythe de l’islamisation (Seuil, 2012) ; à paraître début septembre 2013 : Le populisme qui vient, aux Éditions Textuel.
Cet article a été publié sur le site de La Croix le 4 juillet, puis sur le blog de Christine Delphy, le 7 juillet. Nous le republions ici avec son autorisation.
En complément
C. Delphy, Classer, dominer, Qui sont les "autres" ?, La fabrique, 2008
C. Delphy, "Race, caste et genre en France", republié le 20 mai 2013 ; conférence donnée au Congrès Marx le 2 octobre 2004. Publié dans Guerre impériale, guerre sociale, Jacques Bidet (dir.), Paris : PUF, 2005
C. Delphy, « Il existe déjà un code de la laïcité », Contretemps, 2 avril 2011
C. Delphy, "Parité, procréation, prostitution, foulard", entretien avec Christelle Taraud, republié le 8 mai 2013 sur le blog de C. Delphy ; première publication in Les féminismes en questions: éléments pour une cartographie, Éditions Amsterdam, 2005. Republié in Christine Delphy, Un universalisme si particulier, féminisme et exception française, Syllepse, 2010
Collectif d'intellectuelLEs, dont C. Delphy et R. Liogier,"Ne stigmatisons pas les musulmans !", Le Monde, 28 mars 2013
Esther Benbassa, "4 lois pour 1 voile islamique !" Huffington Post, 2 avril 2013
L'Union juive française pour la paix (UJFP), "Argenteuil, c'est où ?", 21 juin 2013
R. Liogier, "L'islamisation est un mythe", Le Monde, 28 mars 2013Julien Salingue, "Agressions islamophobes à Argenteuil : le silence tue", 19 juin 2013
Toussaint- Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010
Re: Islamophobie
Emeutes à Trappes à la suite d'un contrôle policier d'une femme voilée
https://www.youtube.com/watch?v=l0GVR0sgOtA
Selon les versions des manifestants, c'est un contrôle "musclé" par la police qui serait à l'origine de l'émeute, selon la version officielle le mari de la femme contrôlée aurait agressé un policier. Dans la vidéo, un jeune homme signale que les flics les ont insultés.
Cette affaire ressemble beaucoup à une de celles d'Argenteuil où un contrôle avait dégénéré. Voilà donc le résultat de la loi d'interdiction du niqab de 2011, suite à l'opération Gérin-Copé...
https://www.youtube.com/watch?v=l0GVR0sgOtA
Selon les versions des manifestants, c'est un contrôle "musclé" par la police qui serait à l'origine de l'émeute, selon la version officielle le mari de la femme contrôlée aurait agressé un policier. Dans la vidéo, un jeune homme signale que les flics les ont insultés.
Cette affaire ressemble beaucoup à une de celles d'Argenteuil où un contrôle avait dégénéré. Voilà donc le résultat de la loi d'interdiction du niqab de 2011, suite à l'opération Gérin-Copé...
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Islamophobie
CCIF : Violences policières à Trappes
Par : Ccif | 20/07/13
Violences policières à Trappes
0
URGENCE ISLAMOPHOBIE - Une nouvelle affaire à Trappes.
La déferlante islamophobe s’accentue : le CCIF a été saisi par Hajar, la jeune femme victime d’un contrôle d’identité musclé par la police nationale à Trappes. Lors de ce contrôle, son mari a été molesté et mis en garde à vue pour avoir osé s’opposer à la violence et aux provocations des policiers. Voici son récit :
Je fais appel à vous car j'ai subi une injustice de la part de la police. Ils ont voulu nous contrôler à cause de mon voile intégral. Comme d'habitude, j’ai coopéré. J’allais lever mon voile lorsque j’ai vu l’un des agents pousser violemment ma mère.
J'ai dit aux autres agents de regarder ce qui se passait derrière, que ça n'allait pas se passer comme ça, qu’il ne fallait pas toucher à ma mère qui n’a rien a voir avec le contrôle, sachant que elle était devant nous.
L’un des agents s’est alors énervé sur mon mari, juste parce qu'il a dit, à propos de ma maman :
"Ne la touchez pas ! Pourquoi vous la touchez alors qu’elle n’a rien à voir avec le contrôle ?"
Le policier a alors dit a mon mari, de manière très agressive et en bombant le torse : « Tu vas faire quoi ? ». Je me suis interposée entre eux pour ne pas que ça dégénère.
Une fois que le policier en a fini avec ma mère, il vient vers moi et fait de grands gestes devant mon visage en me tenant un langage agressif. Apeurée, je lui ai demandé de se taire. Il m’a alors attrapée par le voile au niveau de la tête et traînée avec une force monstrueuse, avant de me plaquer sur le capot de la voiture en me criant : "C'est à moi que tu parles ?? C'est à moi que tu parles, hein ? »
Je me suis retournée puis j’ai aperçu mon mari maintenu à terre par deux policiers qui le menottaient.
Une fois dans la voiture, ils nous criaient dessus comme si on était des chiens. Ils menaçaient mon mari en disant "Qu'est-ce que tu vas faire maintenant p’tite tafiole, hein ? ", tout cela avec les poings serrés et en donnant des coups, dans la voiture.
Une fois arrivés au commissariat, les agents m'insultent de fantôme. Je ne cesse pas de demander à Dieu de l'aide contre cette violence.
A la suite de ces actes, le mari de la victime a été placé en garde à vue et doit être jugé en comparution immédiate ce samedi à 8h30.
Les personnes qui se sont rendues au commissariat, y compris l’imam de la mosquée de Trappes qui a tenté d’apaiser la situation, ont été congédiées sans ménagement. Un jeune semble également avoir été blessé à l’œil par un tir de flashball.
Nous appelons la police nationale à remplir sa mission de protection de la population plutôt que de l’agresser. Nous interpellons également son Ministre de tutelle, Manuel Valls qui, il y a deux jours, exprimait toute « l’affection » qu’il prétend avoir pour les musulmans, tout en étant incapable de mettre un terme à cette déferlante islamophobe qui touche la France depuis des mois, ne laissant pas une semaine sans faire de nouvelles victimes.
Nous lançons également un appel à témoins : Si vous avez assisté aux scènes de violences ou si vous avez des informations (vidéos, témoignages, …) qui permettront de mettre en lumière les responsabilités dans cette affaire, merci de nous écrire à contact@islamophobie.net afin que les agresseurs ne restent pas impunis et que la victime ne se retrouve pas, comme c’est le cas dans plusieurs autres affaires où la responsabilité de la police est en cause, sur le banc des accusés.
sylvestre- Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010
Re: Islamophobie
sylvestre a écrit:CCIF : Violences policières à TrappesPar : Ccif | 20/07/13
Violences policières à Trappes
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URGENCE ISLAMOPHOBIE - Une nouvelle affaire à Trappes.
La déferlante islamophobe s’accentue : le CCIF a été saisi par Hajar, la jeune femme victime d’un contrôle d’identité musclé par la police nationale à Trappes. Lors de ce contrôle, son mari a été molesté et mis en garde à vue pour avoir osé s’opposer à la violence et aux provocations des policiers..../...
Le piège de cette loi scélérate se referme et va servir à réprimer de plus en plus large des musulmans qui se révolteront ou porteront solidarité.
Copas- Messages : 7025
Date d'inscription : 26/12/2010
Re: Islamophobie
samedi 20 juillet 2013
Toulouse : Violences policières à la Mosquée d’Arnaud Bernard
par PIR Toulouse
Des heurts ont opposé des habitants du quartier populaire d’Arnaud Bernard, à Toulouse, et la police, mercredi 18 juillet 2013, après qu’un homme ait été violenté par la police devant la mosquée d’Arnaud Bernard.
La mosquée dirigée par Monsieur Bepari, est un lieu de solidarité et de prière. Elle est tellement discrète que certains ignoraient son existence jusqu’à aujourd’hui. Depuis 6 mois qu’elle est installée dans cette rue calme du quartier, elle offre aux fidèles du quartier un espace de prière et de rassemblement, et ce n’est pas rien. On sait à quelles difficultés font face les musulmans de France pour simplement vivre leur foi.
Certains voisins voient l’ouverture de cette mosquée, en janvier dernier, d’un mauvais œil. Ils sont prêts à inventer des motifs pour faire venir la police : l’activité serait bruyante, les fidèles occuperaient le trottoir. C’est faux, mais ça marche : la police descend régulièrement. Le racisme de ces voisins trouve l’appui de l’islamophobie d’Etat. Mardi soir, les policiers sont passés avec des chiens. Puis mercredi soir. Sauf que, quand les policiers sont passés mercredi soir, à nouveau à la demande de ces voisins, un passant est intervenu, pacifiquement, pour demander « Pourquoi vous voulez entrer dans la mosquée ? ».
Immédiatement, ce fut un déferlement de violence. Témoins, plusieurs fidèles ont compris instantanément avec quelles intentions étaient venus les policiers. Il s’agissait de ne pas répondre aux provocations. Un autre habitant a réagi en parlant aux policiers : il a reçu un tir de flashball dans la jambe et sur le flanc et s’est fait embarquer. La foule s’est alors manifestée : les policiers ont sorti grenades et lacrymos.
Jeudi matin, plusieurs fidèles sont allés témoigner en faveur des deux personnes interpellées et afin de tenter d’obtenir des informations, pour savoir s’ils étaient en garde à vue ou hospitalisés. Ils n’ont pas eu d’informations. Et pour leur témoignage, les policiers présents leur ont dit « pourquoi dire ça ? C’est un faux témoignage. » Jeudi en fin d’après-midi ils étaient encore sans nouvelles de ces deux hommes. Tous deux risquent des sanctions : pour le premier, Amrane M., la police a dressé un P.V. pour « outrage, rébellion et violences ».
Le quartier Arnaud Bernard a une identité forte et une vie collective qu’on ne retrouve dans aucun autre quartier de la ville. C’est cela qui le fait résister à la gentrification, aux attaques successives de l’extrême-droite, aux descentes de police. Il y a bien la Dépêche du Midi pour entretenir le fantasme d’un quartier dangereux et hostile. Mais la réalité est vivante et populaire. Les bruits d’Arnaud Bernard, ce sont ceux des étudiants qui viennent boire des coups pas cher, des matchs de foot, les bruits des marchés, des sorties de discothèque, des marchés et des brocantes. Mais la mosquée, c’est tout sauf un lieu bruyant. Pourtant, le président de l’association a déjà été convoqué par la police, par rapport au bruit. L’eau du local a été coupée, sur des prétextes tellement invraisemblables que le propriétaire du local a porté plainte contre le syndic. Alors ce qui s’est passé mercredi sonne comme un nouveau coup de pression, pour que la Mosquée ferme, ce que les fidèles n’acceptent pas. Mercredi soir, plusieurs personnes présentes en ce lieu ont vu deux hommes se faire violenter par la police de manière illégitime. Pire, des témoignages susceptibles de légitimer l’action de la police auraient été récoltés auprès de voisins prêts à tout pour se débarrasser de cette mosquée. Ces violences policières sont d’autant plus injustifiées qu’elles se déroulent pendant le mois de Ramadan, qui est un mois sacré pour les musulmans. Cela rend ces attaques islamophobes et racistes encore plus insupportables.
Nous manifestons notre soutien aux fidèles de la mosquée d’Arnaud Bernard ainsi qu’aux personnes touchées par les violences de mercredi et nous dénonçons :
- L’omniprésence policière injustifiée dans le quartier Arnaud Bernard, et son renforcement depuis le début du mois de ramadan
- Le harcèlement dont fait l’objet la mosquée d’Arnaud Bernard, avec la complicité des forces de police
- L’intervention policière de mercredi soir, rue de l’Hirondelle et en particulier les violences policières dont ont été victimes A. M. et B.
Le PIR Toulouse
lepir31@gmail.com
Toussaint- Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010
Re: Islamophobie
http://oumma.com/17393/une-publicite-special-ramadan-met-nerfs-a-vif-dun-elu-
Une publicité "Spécial Ramadan" met les nerfs à vif d’un élu local de Nîmes
le 8 juillet, 2013 - 11:55
En France, à l’approche du Ramadan, seules les grandes enseignes se mettent volontiers à l’heure de ce mois béni aux multiples bienfaits, et l’on assiste alors à un contraste saisissant : le business est remarquablement islamophile, tandis que la classe politique, et notamment la droite, se cabre dans une frilosité toute politicienne et redouble d’islamophobie.
Le Ramadan 2012 fut, hélas, riche en dérapages verbaux, le pain au chocolat de Copé restant encore dans les mémoires et sur l’estomac de la communauté musulmane, mais aussi en blâmes suivis de mises à l’écart injustes, frappant notamment de jeunes animateurs de colonies de vacances dont le seul tort était de parvenir à concilier le rituel du jeûne et leur activité estivale, avec un grand sens du devoir et de la responsabilité.
La célébration du Ramadan 2013 échappera-elle à ce climat délétère qui empoisonne la France du vivre-ensemble ? A lire récemment la page Facebook du conseiller général UMP de Nîmes, Laurent Burgoa, le bal des hostilités est de nouveau ouvert, au point de faire réagir le Nîmois Abdallah Zekri, président de l’observatoire des actes islamophobes au sein du CFCM, qui s’est aussitôt tourné vers son avocate afin de savoir si des poursuites pour incitation à la haine raciale étaient envisageables.
Voici les quelques lignes édifiantes, qui se sont volatilisées depuis, écrites sous la plume acide d’un élu local entré lui aussi en croisade contre l’islam, sans aucun respect pour son mois le plus sacré d’entre tous. Là encore, la deuxième religion de France a le triste privilège d’être méprisée et dénigrée sans aucune trêve, ce qui serait proprement impensable pour les autres religions.
A côté d’une affiche « Spécial « Ramadam » de Carrefour », Laurent Burgoa s’insurgeait : "Notre république est-elle toujours laïque? Tout fout le camp !!!", poursuivant : "Nous, élus républicains devons maintenir que la France soit une République laïque et combattre les communautarismes d’où qu’ils viennent!!!", avant de conclure : "La France est un pays d’origine chrétienne mais notre République est laïque. Si cela ne plait pas à certaines personnes, ils peuvent choisir un autre pays".
Toussaint- Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010
Re: Islamophobie
"C'est toute l'atmosphère de Trappes qui nous donne des envies de révolution"
http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/07/20/c-est-toute-l-atmosphere-de-trappes-qui-nous-donne-des-envies-de-revolution_3450616_3224.html
http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/07/20/c-est-toute-l-atmosphere-de-trappes-qui-nous-donne-des-envies-de-revolution_3450616_3224.html
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Islamophobie
Après les émeutes de Trappes, un certain nombre de médias reviennent sur la loi de 2011 interdisant le port du voile intégral dans l'espace public, qui a servi de prétexte aux policiers pour se livrer à des contrôles musclés et racistes.
A 13 h aujourd'hui, sur France Inter était interviewée Dounia Bouzar, "sociologue spécialiste du fait religieux". Bouzar a tenu à distinguer les intégristes des Musulmans, et le foulard du niqab. Elle a plus ou moins justifié le contrôle des femmes portant le niqab en assimilant ces dernières à des membres d'une secte et à... des délinquant(e)s. Toutefois, elle a estimé que la police n'était pas "outillée" (?) pour procéder aux contrôles dans de bonnes conditions et que ces contrôles pouvaient donner lieu à des glissements.
Donc, particulièrement modérément, elle a plus ou moins admis que le comportement des policiers pouvait être à l'origine des événements. Elle a néanmoins manifesté une certaine incohérence, car, d'une part nous savons bien qu'il est impossible d'imaginer que les policiers, du moins une bonne partie d'entre eux, en particulier les BAC, se livrent à ces contrôles sans se laisser aller à leurs instincts racistes ; d'autre part il est tout aussi évident que ces contrôles ne feront pas reculer le port du voile intégral par des illuminées et que ces contrôles ne peuvent qu'amener une partie des Musulmans, y compris ceux qui désapprouvent le port du niqab, à se solidariser avec les victimes des contrôles.
A la fin de son interview, Bouzar est devenue un peu plus offensive contre l'islamophobie, mais l'animatrice lui a coupé la parole...
A 13 h aujourd'hui, sur France Inter était interviewée Dounia Bouzar, "sociologue spécialiste du fait religieux". Bouzar a tenu à distinguer les intégristes des Musulmans, et le foulard du niqab. Elle a plus ou moins justifié le contrôle des femmes portant le niqab en assimilant ces dernières à des membres d'une secte et à... des délinquant(e)s. Toutefois, elle a estimé que la police n'était pas "outillée" (?) pour procéder aux contrôles dans de bonnes conditions et que ces contrôles pouvaient donner lieu à des glissements.
Donc, particulièrement modérément, elle a plus ou moins admis que le comportement des policiers pouvait être à l'origine des événements. Elle a néanmoins manifesté une certaine incohérence, car, d'une part nous savons bien qu'il est impossible d'imaginer que les policiers, du moins une bonne partie d'entre eux, en particulier les BAC, se livrent à ces contrôles sans se laisser aller à leurs instincts racistes ; d'autre part il est tout aussi évident que ces contrôles ne feront pas reculer le port du voile intégral par des illuminées et que ces contrôles ne peuvent qu'amener une partie des Musulmans, y compris ceux qui désapprouvent le port du niqab, à se solidariser avec les victimes des contrôles.
A la fin de son interview, Bouzar est devenue un peu plus offensive contre l'islamophobie, mais l'animatrice lui a coupé la parole...
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Islamophobie
C'est aussi ce qu'elle a souligné dans l'émission ce jour de C dans l'air.
Elle a aussi dit que la loi d'interdiction du voile intégral avec été reçue comme du pain béni par les salafistes,
qui avaient alors considéré que la répression servirait leur cause.
Elle a aussi dit que la loi d'interdiction du voile intégral avec été reçue comme du pain béni par les salafistes,
qui avaient alors considéré que la répression servirait leur cause.
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Islamophobie
Alexandre 20 ans veut porter plainte contre les policiers pour coups et blessures après les émeutes de vendredi
http://paris-ile-de-france.france3.fr/2013/07/22/trappes-alexandre-20-ans-veut-porter-plainte-contre-les-policiers-pour-coups-et-blessures-apres-les-emeutes-de-vendredi-291741.html
http://paris-ile-de-france.france3.fr/2013/07/22/trappes-alexandre-20-ans-veut-porter-plainte-contre-les-policiers-pour-coups-et-blessures-apres-les-emeutes-de-vendredi-291741.html
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Islamophobie
Un article de Noël Mamère, qui fait plaisir à lire, après avoir entendu Duflot vanter le travail de la police à Trappes ce matin, tout en disant hypocritement que la répression n'est pas "suffisante" :
http://blogs.rue89.com/chez-noel-mamere/2013/07/22/trappes-les-musulmans-et-le-racisme-detat-230838?imprimer=1
Trappes, les musulmans et le racisme d’Etat
La conclusion est certes "républicano-démocratique", mais ça reste une prise de position honorable dans ce contexte.
http://blogs.rue89.com/chez-noel-mamere/2013/07/22/trappes-les-musulmans-et-le-racisme-detat-230838?imprimer=1
Trappes, les musulmans et le racisme d’Etat
La conclusion est certes "républicano-démocratique", mais ça reste une prise de position honorable dans ce contexte.
verié2- Messages : 8494
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Valls et ses flics sèment la colère
http://npa2009.org/node/38246
Roseau- Messages : 17750
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Re: Islamophobie
(vidéo)La Locale a écrit:INTERVIEW EXCLUSIVE : Tout ce qui a été dit est faux » : le mari de la femme intégralement voilée dont le contrôle d’identité jeudi à Trappes (Yvelines) a dégénéré, déclenchant dans la foulée les violences urbaines du week-end, a nié ce mardi la version policière de son interpellation sur le plateau de La Locale en exclusivité.
sylvestre- Messages : 4489
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Trappes, Austérité, racisme et violences policière
http://npa2009.org/sites/default/files/23%20juillet%202013.pdf
Roseau- Messages : 17750
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Re: Islamophobie
lundi 22 juillet 2013
Trappes : le sacrilège comme politique
par PIR
En banlieue, le scénario est désormais bien rôdé : sous prétexte de verbaliser une jeune fille portant un niqab, les forces de police se sont livrés, à Trappes, à une nouvelle provocation. Celle-ci, particulièrement violente, a entraîné une réaction de solidarité et d’autodéfense de la population. Cependant cette provocation n’a pas été que violente. De toute évidence, elle s’est voulue sacrilège. En effet, une fois de plus, elle a visé des populations musulmanes le mois sacré de ramadan. Une fois de plus elle a visé des mamans, des familles qui ont été malmenées et à qui ni les grossièretés, ni la violence n’ont été épargnées. Il semble bien que la période du ramadan soit particulièrement propice au déchaînement des forces de police. Souvenons-nous comment en 2005 déjà, à Clichy-sous-Bois, la pression policière avait aboutit à la mort de Zyad Benna et Bouna Traoré. Souvenons-nous comment dans cette même ville, des grenades lacrymogènes furent tirées à proximité et pour l’une d’entre elles à l’intérieur même d’une des mosquées, au cours de la répression qui a suivi.
C’est un simple constat : dans les quartiers populaires, et à Barbès notamment, en période de ramadan, les forces de police se comportent comme une armée d’occupation en zone de guerre. Les véhicules de police ostensiblement disposés, les contrôles au faciès, les insultes et autres vexations se multiplient. Soulignons que la profanation des sanctuaires ou autres lieux maraboutiques est un classique du genre dans la tradition coloniale. Souvenons-nous de l’armée coloniale française en 1947, à Madagascar, précipitant de leur avions vivants les chefs coutumiers au dessus des villages révoltés pour réduire à néant leur prestige auprès de la population. Les exemples de ce type ne manquent pas, hélas.
Mais fermons ici la parenthèse historique et méditons un instant. Pourquoi diable la police s’évertue-t-elle à provoquer les musulmans et habitants des quartiers précisément durant cette période de recueillement et de pardon, période de paix et de sérénité par excellence ? Il y a ici un enseignement qui ne doit pas nous échapper.
En effet, il semble que le resserrement des liens familiaux et communautaires, la fréquentation massive des mosquées, les rythmes de vie particuliers, propres à cette période soient vécus comme une véritable provocation par l’Etat. Lui qui pourtant organise la ségrégation sociale et spatiale des populations issues de l’immigration entend dans le même temps réaffirmer sur elles sa souveraineté absolue. Dans la pensée orientaliste classique, l’arabe n’a pas de patrie, c’est l’islam qui en fait office. En cela, l’islam établit une concurrence intolérable car il y a conflit de loyauté. La déclaration de ce Trappiste évoquée dans Le Monde du 20 juillet 2013 : « On n’a pas la haine par hasard. On se battrait pour la France, mais il faut arrêter de venir toucher à la religion tout le temps », dans son extrême ambivalence - à la fois profondément intégrationniste mais dévouée au sacré - peut témoigner de cette tension.
Ainsi, l’islamophobie de l’Etat témoigne d’une chose : Sa volonté de réaffirmer son empire sur 6 millions de musulmans. Il exprime aussi sa crainte que ceux-ci fort de cette autonomie cultuelle accrue en période de ramadan ne finissent par lui échapper complètement en s’autonomisant sur le plan politique. On n’a pas de peine à imaginer la teneur des réunions place Beauvau : Comment assurer le contrôle d’une communauté musulmane qui semble vouloir obéir à des principes transcendant le cadre national-républicain ? Comment contrecarrer son potentiel défaut de loyauté ? Dans cette tâche, il est secondé par tout un pan de la société française, jaloux de ses privilèges. C’est ainsi qu’il faut comprendre, à la fois les actes et agressions racistes de nazillons et groupes paramilitaires et le défaut de solidarité d’une grande partie de la société civile qui tacitement approuvent et partagent avec les agresseurs - non pas forcément les méthodes musclées - mais l’esprit.
Nous avons entamé cette réflexion par le souvenir de Clichy sous Bois, concluons par un autre souvenir : celui de la pendaison de Saddam Hussein le jour de l’Aïd. Rien ne permet de comparer le lynchage de l’ex-président irakien avec les évènements de Trappes ou de Clichy si ce n’est un Etat d’esprit : celui du pouvoir colonial lorsqu’il veut humilier sa victime et qu’il fait usage du sacrilège comme arme politique.
PIR, le 22 juillet 2013, Paris
Toussaint- Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010
Re: Islamophobie
mardi 23 juillet 2013
« Compatibilité » de l’islam avec la République ou incompatibilité de la République avec les musulmans ?
par Sadri Khiari
Il faut voir dans le renforcement de la Puissance indigène, revigoré par la revendication musulmane, l’une des causes fondamentales de ces crispations sur la République, la « laïcité à la française » et la nation. De même, l’hystérie anti- communautariste », si elle révèle quelque chose, c’est bien la crainte que les indigènes n’aspirent à une libération collective et plus seulement à une émancipation individuelle - nécessairement intégrationniste -, qu’ils ne se contentent pas d’interpeller les normes dominantes s’imposant aux individus mais en viennent à interroger les principes institutionnels de la République. Une crainte qui n’est pas d’ailleurs complètement injustifiée. Certes, aucune organisation musulmane, ou plus généralement indigène, ne revendique aujourd’hui de droits collectifs particuliers. L’égalité juridique entre individus abstraits - cette « valeur » républicaine qui masque la réalité persistante de communautés ou de groupes dotés de droits inégaux - n’est contestée par personne en tant que fondement du droit, de la citoyenneté et des institutions de l’État. Les revendications « régionalistes » apparues dans les années 1970 avaient déjà ébranlé le socle de la République nationale jacobine, « Une et Indivisible ». Nos organisations s’en défendent en revanche avec force. Par conviction intégrationniste ou pour ne pas donner des armes à l’adversaire, bien souvent les indigènes se revendiquent des principes sacrés de la République. Nombreux sont ceux qui, même s’ils sont français depuis des lustres, persistent en effet à se penser illégitimes. Ils s’interdisent le droit de discuter les « valeurs » de la France ni a fortiori de refaire la France.
Seuls les « vrais propriétaires » de la France, les Français blancs, européens, chrétiens, les « souchiens », seraient en droit de dire ce qui est sacré et ce qui ne l’est pas. Nous ne pourrions, quant à nous, que revendiquer notre insertion dans les dispositifs de l’égalité juridique (l’égalité abstraite « des chances »), tout en nous prosternant devant le drapeau français. Sauf que les « trois couleurs » ne sont pas simplement le symbole de l’égalité juridique ; elles sont aussi l’affirmation de la hiérarchie des groupes raciaux. L’égalité juridique porte en elle, en même temps, l’inégalité réelle et la réelle égalité. La première comme sa forme d’existence concrète, la seconde comme virtualité politique qui suppose la négation de la première. Lorsque les musulmans réclament, dans le strict cadre de l’égalité juridique des individus, la reconnaissance de l’islam comme culture collective d’une fraction de la population, ils débordent constamment les limites de ce cadre, fondé à la fois sur la négation des intérêts de groupes, des cultures collectives et sur l’infériorisation statutaire de l’islam. En d’autres termes, si elle reste prise aujourd’hui dans les filets de l’intégrationnisme, la revendication de l’égalité juridique des musulmans recèle en son sein l’exigence de l’égalité réelle, laquelle contient la volonté d’exister collectivement, d’être représentés institutionnellement en tant que tels et de participer à la définition même de la nation. Revendication intolérable au regard de la République nationale-raciale. Lorsque les républicains s’interrogent sur la « compatibilité » de l’islam avec la République, ils avouent, tout simplement, l’incompatibilité de la République avec les musulmans.
Loin d’être, comme certains d’entre nous le pensent, une régression par rapport à la Marche de 1983, l’expansion de l’islam s’inscrit ainsi dans la continuité, à côté et en rupture. Elle porte une charge subversive inédite. Elle décale la résistance indigène par rapport au clivage droite-gauche républicain qui lui interdisait de penser pour elle-même et de construire son autonomie politique. On pourra, bien sûr, objecter que les grandes organisations musulmanes participent aujourd’hui des dispositifs du Pouvoir blanc. Ce qui me paraît bien plus important, c’est la dynamique potentielle de la revendication musulmane. Sans conteste, la politique de la direction de l’UOIF, pour ne citer que cet exemple, vise notamment à assurer sa propre emprise sur les musulmans dans le cadre d’un partage des tâches avec l’État ; elle entrave, de ce point de vue, l’éclosion de toutes les virtualités de la Puissance indigène. Mais dans le même temps, les centaines de milliers d’indigènes qui affluent, annuellement, à la foire du Bourget font acte de résistance quelles que soient leurs motivations individuelles. Je me répète ? Il le faut. La constitution du CFCM, appareil bureaucratique de contrôle de l’islam, ne s’explique que comme réaction au potentiel déstabilisateur de la Puissance indigène. Sans concevoir clairement une politique anti-intégrationniste, les musulmans adoptent une démarche anti-intégrationniste en creusant la différence culturelle, en s’affirmant comme corps collectif et, pourquoi pas, comme « communautaristes ».
Même s’il ne se dit pas en termes de contestation politique, si on ne voit pas d’immenses manifestations et des grèves de musulmans, s’il n’y a pas encore de candidats musulmans drainant des centaines de milliers de voix aux élections, l’augmentation du nombre de mosquées, de barbes et de voiles constitue un phénomène politique majeur, une défaite flagrante de la stratégie de « beurisation » des jeunes issus de l’immigration. Cet islam procède du mouvement de consolidation de la puissance politique indigène. Éminemment contradictoire ? Oui, mais c’est le propre de toute résistance indigène (et de toute lutte des dominés). Sa signification historique n’est jamais donnée en amont, elle appartient au futur ; elle sera le fruit de l’évolution des rapports de forces.
Sadri Khiari
Extrait de son livre : La contre-révolution coloniale en France. De de Gaulle à Sarkozy, 2009 édition la fabrique
Toussaint- Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010
Re: Islamophobie
Pas un mot dans la LO de cette semaine sur les événements de Trappes.Va-t-il falloir quinze jours ou trois semaines à LO pour réagir, comme à propos des agressions d'Argenteuil ? On dirait vraiment que LO est paralysée dès que des événements ont un lien direct ou indirect avec l'islamophobie. Contrairement au NPA, dont l'article et le communiqués mis en ligne par Roseau sont très corrects et mettent en lumière les liens entre cette répression raciste et les questions sociales - comme l'a fait d'ailleurs aussi L'Humanité dans une enquête sur Trappes.
A noter qu'un collectif d'habitants s'est constitué à Trappes et a donné une conférence de presse pour contester la version policière du contrôle de la femme voilée qui a déclenché les manifestations et émeutes.
http://www.lesnouvelles.fr/2013/07/24/le-collectif-trappes-citoyens-conteste-la-version-policiere/
Ce collectif met lui aussi en avant le caractère social de cette situation :
Sa proposition de remettre des récépissés aux personnes contrôlées est évidemment à côté de la plaque. Ce sont les lois discriminatoires qu'il faut abroger, car ces lois offrent des points d'appui aux policiers racistes. Mais même cette abrogation sera insuffisante sans la mobilisation des habitants... qui a commencé ! à Trappes comme à Argenteuil.
Quelles que soient les limites des associations et organisations mises sur pied, nous devons être à leur côté.
A noter qu'un collectif d'habitants s'est constitué à Trappes et a donné une conférence de presse pour contester la version policière du contrôle de la femme voilée qui a déclenché les manifestations et émeutes.
http://www.lesnouvelles.fr/2013/07/24/le-collectif-trappes-citoyens-conteste-la-version-policiere/
Ce collectif met lui aussi en avant le caractère social de cette situation :
Pour Mohamed comme pour Alix et Fanta, si les troubles ont éclaté « dans un contexte d’islamophobie grandissante », ils procèdent surtout d’un « sentiment d’injustice » peu lié au sentiment religieux, mais davantage à des difficultés sociales.
Sa proposition de remettre des récépissés aux personnes contrôlées est évidemment à côté de la plaque. Ce sont les lois discriminatoires qu'il faut abroger, car ces lois offrent des points d'appui aux policiers racistes. Mais même cette abrogation sera insuffisante sans la mobilisation des habitants... qui a commencé ! à Trappes comme à Argenteuil.
Quelles que soient les limites des associations et organisations mises sur pied, nous devons être à leur côté.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Islamophobie
Pas beaucoup de messages de Vérié sans qu'il démontre avec constance sa fidélité à LO (il me semble qu'il y a pourtant un et même plusieurs fils dédiés aux organisations d'extrême-gauche et leurs politiques).
LO dit quelque chose : bing !
LO ne dit rien : bang !
Bonnes vacances quand même, Vérié, et n'oublie surtout pas de faire suivre ton abonnement à Lutte Ouvrière. Les crises de manque en pleine canicule, c'est totalement déconseillé.
LO dit quelque chose : bing !
LO ne dit rien : bang !
Bonnes vacances quand même, Vérié, et n'oublie surtout pas de faire suivre ton abonnement à Lutte Ouvrière. Les crises de manque en pleine canicule, c'est totalement déconseillé.
mykha- Messages : 1079
Date d'inscription : 19/06/2013
Re: Islamophobie
Merci Mykha. Mais que penses-tu toi-même des événements de Trappes ? Ce sont tout de même des événements de portée nationale commentés par tous les médias et tous les politiciens. Le seul point sur lequel tu t'es clairement prononcé, c'est pour défendre le libraire d'Argenteuil qui affirme être l'objet de menaces et soutenir, à quelques réserves près, le communiqué du Front de Gauche à ce sujet. Or cette affaire semble bien être utilisée comme contre-feu, comme si elle avait la même ampleur que les agressions, contrôles et brimades racistes et islamophobes dont toute une partie de la population est victime.Bonnes vacances quand même, Vérié
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Islamophobie
Sadri Khiari
Seuls les « vrais propriétaires » de la France, les Français blancs, européens, chrétiens, les « souchiens », seraient en droit de dire ce qui est sacré et ce qui ne l’est pas.
C'est vraiment triste qu'un intellectuel brillant comme Sadri Khiari en arrive à abandonner toute conception de classe pour défendre des idées pareilles. Il est clair que Khiari est passé du marxiste au nationalisme communautarisme. Mais il est non moins clair que l'incapacité du mouvement ouvrier à lutter contre le racisme et l'islamophobie, a assurer massivement de sa solidarité les victimes des agressions islamophobes, comme à Argenteuil et Trappes, ne pourra que donner un écho à ce genre de discours et favoriser une défense des populations agressées dans un cadre communautaire voire religieux...Loin d’être, comme certains d’entre nous le pensent, une régression par rapport à la Marche de 1983, l’expansion de l’islam s’inscrit ainsi dans la continuité, à côté et en rupture. Elle porte une charge subversive inédite. Elle décale la résistance indigène par rapport au clivage droite-gauche républicain qui lui interdisait de penser pour elle-même et de construire son autonomie politique.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Islamophobie
Dans ce que dit SK il y a une chose juste et une chose fausse. La chose fausse c'est "Elle décale la résistance indigène par rapport au clivage droite-gauche républicain qui lui interdisait de penser pour elle-même et de construire son autonomie politique." On échappe jamais au clivage droite-gauche, ou pour le dire plus clairement, au clivage de classe.
Il y a une chose juste c'est "Loin d’être, comme certains d’entre nous le pensent, une régression par rapport à la Marche de 1983, l’expansion de l’islam s’inscrit ainsi dans la continuité, à côté et en rupture." en ce sens que l'adhésion à l'islam est clairement vécu par un certains nombre de croyants comme un défi à l'idéologie dominante, ou au moins une évasion en dehors d'elle. Il est frappant à ce sujet que le couple victime à Trappes soit composée d'un français blanc et d'une antillaise : deux individus dont les ancêtres sont a priori français depuis plusieurs générations se sont mariés en passant ainsi outre le racisme envers les noirs, et qui se sont convertis à une religion désignée comme étrangère. Quelque part ils sont un exemple parfait d'"intégration" populaire, tout l'étant sous une forme qui les place "en-dehors" de la société dominante.
Il y a une chose juste c'est "Loin d’être, comme certains d’entre nous le pensent, une régression par rapport à la Marche de 1983, l’expansion de l’islam s’inscrit ainsi dans la continuité, à côté et en rupture." en ce sens que l'adhésion à l'islam est clairement vécu par un certains nombre de croyants comme un défi à l'idéologie dominante, ou au moins une évasion en dehors d'elle. Il est frappant à ce sujet que le couple victime à Trappes soit composée d'un français blanc et d'une antillaise : deux individus dont les ancêtres sont a priori français depuis plusieurs générations se sont mariés en passant ainsi outre le racisme envers les noirs, et qui se sont convertis à une religion désignée comme étrangère. Quelque part ils sont un exemple parfait d'"intégration" populaire, tout l'étant sous une forme qui les place "en-dehors" de la société dominante.
sylvestre- Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010
Re: Islamophobie
Certes, mais on ne peut que déplorer que ce défi lancé à l'idéologie dominante prenne un caractère religieux et non un caractère de classe. C'est à dire que les antagonismes religieux masquent les antagonismes de classe. Alors qu'il est au contraire important de souligner que l'islamophobie reflète une volonté de "mater" (pour reprendre l'expression d'Estrosi à propos des Roms) une partie de la population pauvre et même de la classe ouvrière et de l'opposer aux autres fractions. C'est d'une certaine façon ce qu'exprime l'article du NPA sur Trappes et, mais moins clairement, l'enquête de L'humanité sur Trappes et les déclarations de l'association d'habitants lors de sa confèrence de presse.l'adhésion à l'islam est clairement vécu par un certains nombre de croyants comme un défi à l'idéologie dominante
Constat social qui, à en croire Rue 89, n'a pas plu aux quelques islamistes présents qui souhaiteraient maintenir le clivage sur le terrain religieux.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Une xénophobie d'Etat
Interview Alain Brossat
http://www.lesinrocks.com/2013/07/17/actualite/la-france-a-peur-11409641/
http://www.lesinrocks.com/2013/07/17/actualite/la-france-a-peur-11409641/
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
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