De la nouvelle vague de désinformation sur l’islam politique…
publié par Yves, le mardi 22 février 2011
http://www.mondialisme.org/IMG/pdf/NPA_TUNISIE.pdf (une affiche du NPA qui reprend le croissant islamique... tout un programme !)
Sous le titre « Révolution arabe, « péril islamiste » en la demeure ? » (http://www.npa76.org/spip.php?arti cle391) un blog du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste, ex-Ligue communiste révolutionnaire reconvertie en parti attrape-tout) nous rend service en reproduisant trois articles récents : « Révolution post-islamiste », d’Olivier Roy paru dans « Le Monde » du 12 février 2011 ; « Les islamistes et la révolution égyptienne » de Hossam Tammam, traduit de l’anglais paru le 8 février 2011 ; et « Les Frères musulmans égyptiens face à la question sociale » de Hossam Tamman et Patrick Haenni, paru en mai 2009, que le site Lieux communs avait lui aussi déjà signalé et que nous avions reproduit.
Autant cette offre d’une information pluraliste puisée dans des contributions universitaires de qualité est la bienvenue et tranche avec les dis cours creux et incantatoires sur la « révolution arabe » que nous sert le NPA, autant l’analyse politique qui la motive est douteuse voire, disons-le carrément, réactionnaire.
En effet, on peut lire sur ce blog « Si, pour la gauche, ces partis [islamistes] sont clairement des adversaires politiques sur les questions des droits des femmes, sociales ou économiques, cette même gauche doit absolument plaider pour qu’ils puissent plei nement participer aux confrontations démocratiques et jouir des mêmes droits poli ti ques. Au-delà des oppo si tions pro grammatiques fondamentales entre la gauche et ces cou rants, il faut sur tout comprendre leur réalité afin de les replacer à leurs justes dimensions et démystifier les stéréotypes intéressés que l’on tente actuel le ment d’imposer vis-à-vis de la révolution arabe. »
Il est assez curieux qu’un parti « anticapitaliste » dont les dirigeants se prétendent « révolutionnaires » et ont été formés par le marxisme-léninisme-trotskysme orthodoxe considère qu’il soit important de lutter pour les libertés démocratiques en faveur, non pas des prolétaires égyptiens (qui souffrent, entre autres, de leur absence de droits depuis des déc ennies), mais… des partisans de l’islam politique.
Comme si les Frères Musulmans égyptiens (que l’on crédite de 15 à 30 % des voix en cas d’élections libres) avaient besoin du NPA ou des groupuscules trotskystes égyptiens pour cela !
C’est d’autant plus absurde que, dans un des articles reproduits par le site du NPA, les auteurs, Tammam et Haeni, montrent, à l’aide de multiples citations que les Frères musulmans égyptiens sont de chauds parti sans du « libéralisme », de la propriété privée, qu’ils comptent nombre de patrons dans leur direction, qu’ils dénoncent souvent les grèves, même s’ils infiltrent les syndicats, qu’ils ont approuvé une réforme agraire favorable aux intérêts des grands propriétaires fonciers, et sont de farouches « anticommunistes ».
On aimerait que plutôt que de se préoccuper des libertés démocratiques… des Frères musul mans, les militants du NPA se préoccupent d’abord des libertés et des droits démocratiques des travailleurs égyptiens (quel les que soient leurs opinions religieuses ou pas). Qu’ils laissent donc ce parti se débrouiller pour présenter ces lettres de créances démocratiques à l’Etat bourgeois, sa volonté de respecter toutes les opinions, à commencer par l’athéisme, le féminisme, la révolution sociale, le communisme, l’abolition du salariat et la suppression de la propriété privée. Chiche !
On remarquera d’ailleurs que l’offen sive des uni ver si tai res spéc ialistes de l’islam poli ti que dans les médias (Le Monde, Libération, Radio France Internationale, etc.) rejoint tout à fait celle du NPA qui n’a pas hésité pas à sortir une affiche (rouge comme le drapeau tunisien) avec le croissant islamique… Surtout ne fâchons pas les réactionnaires religieux, mettons notre faucille et notre marteau dans notre poche.... Battons-nous pour qu’ils soient plus écoutés et respectés. Traitons-les comme de chauds partisans des libertés démocratiques et débattons avec ces gentils « adversaires »…
Du point de vue des intellectuels spécialistes de l’islam politique, on comprend leur volonté d’occuper le champ médiatique pour promouvoir leurs livres, leurs travaux universitaires, leurs chaires, leurs personnes, et aussi, soyons honnêtes, pour partager souvent un savoir dont ceux qui ne lisent pas l’arabe et ne connais sent pas les réalités sociales et politiques de ces pays ont bien besoin.
Mais n’oublions pas en même temps que le point de vue de ces universitaires spécialistes de l’islam est un point de vue démocratique bour geois : ils veulent que les choses rentrent dans l’ordre le plus vite possible, que les partis islamistes deviennent gentils comme l’AKP (les Kurdes apprécient cer tai ne ment la « modération » du gouvernement islamiste turc à leur égard…) et que finale ment les idées conservatrices sur le plan religieux et politique puissent pouvoir continuer à s’exprimer dans un dialogue serein avec toutes les autres idées, puis que finalement toutes les idées se valent au sein du meilleur des mondes démocratiques…
Ces intellectuels qui font le pari d’une transformation et d’une adaptation de l’islam politique à la « modernité » ont sans doute raison, du point de vue démocratique bour geois qui est le leur. A long terme on peut pronostiquer que les partis islamistes, s’ils veulent continuer à exister et prospérer, devien dront de loyaux gérants des Etats et qu’ils apprendront à faire des compromis tout comme l’Eglise catholique a appris à en faire pour ne pas crever…
Mais il est quand même amu sant que ces intellectuels brandissent, pour se faire comprendre du grand public, l’exemple de la Démocratie chrétienne italienne, censée incarner les capa cités des reli gions à se trans for mer en objets poli ti ques inoffensifs. Ils semblent « oublier » ce qu’est devenu la DC en Italie : un solide partisan de l’ordre, un bon ami de la mafia, l’organisatrice de tous les coups bas contre l’extrême gauche et le mouvement ouvrier dans les années 60 et 70, puis après l’opération Mains propres, le plus fidèle soutien du parti de Berlusconi où ses poli ti ciens ont trouvé refuge… Et ne par lons pas de la Démocratie chréti enne chi lienne, qui sou tint Pinochet, pour ensuite s’en différ encier, une fois le sale boulot fait par ce dic ta teur san gui naire.
De la Démocratie chréti enne à l’AKP (1), nous ne voyons nulle raison de nous pré oc cuper des libertés démoc ra tiques de ces partis bourgeois-là, de la trans for ma tion de partis reli gieux intolérants en partis reli gieux plus sou ples, un peu peu moins tota li tai res. Les clas ses diri gean tes s’en char gent ou s’en char ge ront, sans les conseils ou l’appui du NPA, ni même des spéc ial istes uni ver si tai res de l’islam.
Y.C.
Ni patrie ni fron tières
1. A côté d’une cri ti que juste des diplo ma ties occi den ta les et notam ment de la diplo ma tie franç aise on trou vera dans l’arti cle ci-des sous d’Omar Bendera la même thèse que celle du NPA ou de François Burgat qu’il cite : intégrons les isla mis tes dans le jeu démoc ra tique bour geois et tout ira bien. On aime rait les croire... A notre connais sance, aucun parti reli gieux catho li que, pro tes tant, juif ou boud dhiste n’est jamais devenu autre chose qu’un fidèle servi teur de l’ordre. On ne voit pas pour quoi les partis musul mans feraient excep tion à la règle. Ils ont été, sont et seront des ennemis des tra vailleurs, aussi démoc ra tiques, qu’ils se prét endent.
http://blogs.media part.fr/blog/omar...
On remarquera que même Sadri Khiari, qui fut un dirigeant trotskyste tunisien jusqu’au milieu des années 1990 avant de devenir un des fon dateurs des Indigènes de la République n’avait, du moins dans son livre "Tunisie, coercition, consentement résistance, Le délitement de la cité" (Editions Karthala, 2003) aucune illusion sur les islamistes de Nhadda (ou Ennahda). Se refusant à caractériser de façon trop "dogmatique" la nature de sa base sociale (essen tielle ment "petite-bour geoise", si on en croit les données qu’il fournit, même s’il répugne à utiliser ce terme), il montrait quand même claire ment que l’isla misme tunisien (en tout cas sa principale tendance à l’époque) s’était construit avant tout contre la "gauche" étudiante et syndicale. Que Ghannouchi avait dénoncé les grèves, était un fer vent "anti communiste", et crai gnait que la gauche par vienne au pouvoir en Tunisie pour ins tal ler un régime socia liste. Son parti voulait et veut toujours "islamiser" le capi ta lisme et l’Etat "occi dentaux", et n’a aucune intention d’inven ter une troi sième voie isla mique qui ne serait ni le capitalisme ni le socialisme. Khiari critique dans son livre tous ceux qui pen sent que les isla mis tes seraient inca pa bles de s’adap ter à la démocratie bourgeoise, voire d’en devenir des déf enseurs prudents (en clair, il ridiculise les partisans de la thèse de l’islamofascisme), mais il les présente bien comme des adversaires de classe, des ennemis du socialisme.
Ses ex-camarades du NPA feraient bien de lire cet ouvrage...