Féminisme
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Questions féministes : comment utiliser les ressources offertes par ESSF ?
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article21293
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
140 ans de la Commune: les femmes s'y mettent...
http://www.npa2009.org/content/140-ans-de-la-commune-les-femmes-sy-mettent
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
La révolution sera féministe ou ne sera pas !
Manifeste féministe rédigé sur la place Puerta del Sol à Madrid, puis repris dans les autres villes.
http://orta.dynalias.org/inprecor/article-inprecor?id=1167
http://orta.dynalias.org/inprecor/article-inprecor?id=1167
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Féminisme
Communisation vs Sphères
28/06/2011
(...)
Dans ce processus de la lutte de classe débouchant sur l’abolition des classes, les individus étaient, de fait, posés comme au-delà des genres, car constituant une communauté d’individus immédiatement sociaux. Le dépassement des genres était implicite. C’est cet « implicite », ce « de fait », que cette deuxième partie tente d’expliciter. C’est ce dépassement comme naturellement inclus « dans le mouvement », ce dépassement comme allant de soi, vu la nature et le contenu du mouvement, qui doit être soumis, en tant que tel, à la critique. Il ne suffit pas de dire que la communisation étant communisation, par définition, elle est dépassement des genres. Bien qu’il ne puisse exister de « fronts » distincts dans la lutte, aucune instance de la société de classes ne sera dépassée sans être attaquée pour elle-même.
L’analyse de la domination de genre dans le capitalisme montre que celle-ci est immédiatement division de l’ensemble de la pratique sociale en deux sphères d’activités.
(...)
Que se soit dans une situation révolutionnaire ou dans toute lutte qui les opposent au capital, les femmes prolétaires remettent toujours pratiquement en cause l’existence de la sphère privée. Une grève d’ouvrières n’est jamais seulement une grève, mais toujours une grève de femmes qui, pour cette raison, placent la sphère privée, à laquelle elles sont indissolublement liées, au centre de la sphère publique. Elles remettent alors en cause non seulement l’existence de cette sphère privée, mais également celle de la sphère publique par le caractère intime et personnel des relations de lutte que les femmes font exister, relations remettant en cause le caractère politique et social que doivent revêtir les activités publiques dans leur distinction même d’avec les activités privées.
On peut non seulement dire que toute lutte de femmes est féministe, mais encore que toute lutte de femmes contient l’opposition des femmes à leur appartenance de genre, paradoxalement même si elles se revendiquent comme femmes !
(...)
La défense de la condition masculine est la défense de la domination masculine, elle est la défense de l’existence de deux sphères séparées d’activité comme on le voit très bien ici.
— « Je peux te raconter l’histoire d’une compagne qui participait au mouvement quand nous étions neuf quartiers, en 1996. La compagne était d’ici, de La Juanita, et elle s’est séparée de son mari parce qu’elle n’en pouvait plus. Il était au chômage, elle a commencé à participer et il est devenu fou, il a commencé à la battre. Puis il est parti. Le lendemain matin, il est revenu, l’a attachée et lui a mit le feu. La compagne est morte. Il ne supportait pas qu’elle sorte.
— Pourquoi ?
— Parce que sortir te change la vie ».
Texte intégral : http://dndf.org/?p=10120
Invité- Invité
Un tube de l'été qui développe un discours anti-avortement
A lire l'article de Libé en ligne ici :
http://www.liberation.fr/culture/01022350545-aurelie-l-argument-massue-des-pro-vie:sortBy-lastCommented:page-1:target-4272053#4272053
http://next.liberation.fr/culture/01012350545-aurelie-l-argument-massue-des-pro-vie
ramiro- Messages : 238
Date d'inscription : 01/04/2011
Re: Féminisme
50 pages sur le sujet islamophobie, 4 sur le feminisme
le glode- Messages : 121
Date d'inscription : 10/07/2011
Re: Féminisme
Normal car :
- le féminisme est complétement partagé aux seins de l'EG : nous sommes tous féministes (mais si putain on est féministe ! ).
- alors que l'islamophobie fait débat au sein même de l'EG... (mais ce n'est pas à débattre sur ce fil... Voir le fil correspondant...).
- le féminisme est complétement partagé aux seins de l'EG : nous sommes tous féministes (mais si putain on est féministe ! ).
- alors que l'islamophobie fait débat au sein même de l'EG... (mais ce n'est pas à débattre sur ce fil... Voir le fil correspondant...).
BouffonVert72- Messages : 1748
Date d'inscription : 10/07/2010
Age : 52
Localisation : sur mon réformiste planeur
Région arabe : Un printemps révolutionnaire et féminin
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article22329
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Débat « Féminix »
Reprendre les meilleures traditions des mouvements féministes : construire une orientation féministe inclusive pour le NPA
SAL Lisbeth, LARZILLIERE Capucine, LEVY Pascal
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article22781
SAL Lisbeth, LARZILLIERE Capucine, LEVY Pascal
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article22781
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Féminisme
J'ai reçu ça (désolé ce n'est que pour les parisien(e)s :
Les intégristes catholiques de SOS Tout Petits appellent à une réunion de prière
devant le hôpital Tenon ce samedi à 10h 30 “contre le crime de l’avortement”
- Le collectif unitaire Tenon a décidé d’y être présent avec un tract à diffuser massivement pour défendre les droits des femmes. Bien que le mouvement féministe ne réagit pas en général à ce type d’initiative des intégristes, le fait qu’ils viennent devant Tenon où nous venons de gagner la réouverture du Centre IVG est une situation spécifique qui exigent notre présence.
- Les intégristes peuvent venir à 15-20 ou à 10 fois plus, 150-200. Nous appelons tout(e)s les camarades de venir soutenir le collectif en étant sur place devant l’hôpital Tenon, rue de la Chine à 10h 15. Un SO unitaire a été mis en place pour bien gérer la situation, entre intégristes, le collectif et son soutien, le marché et, sans doute, la police.
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 68
Localisation : La terre
Re: Féminisme
Sur le site de Contretemps, un texte extrêmement utile :
Comprendre l’instrumentalisation du féminisme à des fins racistes pour résister
Comprendre l’instrumentalisation du féminisme à des fins racistes pour résister
sylvestre- Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010
Re: Féminisme
http://www.unites.uqam.ca/arir/pdf/interventionfeminineintersectionnelle_marchand_corbeil.pdf
L’INTERVENTION FÉMINISTE INTERSECTIONNELLE : UN NOUVEAU CADRE D’ANALYSE ET D’INTERVENTION POUR RÉPONDRE AUX BESOINS PLURIELS DES FEMMES MARGINALISÉES ET VIOLENTÉES 1
Christine Corbeil et Isabelle Marchand2
Janvier 2007
L’approche intersectionnelle suscite un intérêt croissant dans les milieux universitaires, communautaires et gouvernementaux francophones qui se préoccupent des questions de discrimination et d’exclusion des groupes marginalisés ou ethnicisés3. La recherche d’outils théoriques et méthodologiques pour penser l’articulation entre les divers rapports sociaux de sexe, de « race », de classe constitue une préoccupation majeure pour ceux et celles qui sont impliqués dans la défense des droits humains, de même que dans la lutte pour une plus grande justice sociale basée sur des valeurs d’égalité et de respect. Si le concept d’intersectionnalité, diffusé pour la première fois par la juriste Kimberlé Crenshaw en 1991, semble relativement nouveau dans le vocabulaire des chercheurs et chercheures ainsi que dans celui des intervenantes francophones, les enjeux fondamentaux qu’il soulève à propos de l’entrecroisement des systèmes d’oppression sont loin de l’être.
De fait, l’appareillage conceptuel sous-jacent à l’intersectionnalité est présent dans plusieurs travaux de féministes afro-américaines, hispano-américaines et lesbiennes (blanches et non-blanches) depuis les années 1970. Plus spécifiquement, ces intellectuelles ont remis en cause l’efficacité théorique et mobilisatrice de la pensée féministe, fréquemment dépeinte comme blanche et occidentale. Femmes instruites, citoyennes américaines pour plusieurs mais descendantes d’esclaves ou de pays anciennement colonisés, elles sont devenues les porte-parole d’une multitude de femmes issues du « tiers monde américain » (Sandoval (1991) qui militent en faveur d’un mouvement féministe plus inclusif et revendiquent la reconnaissance de la « diversité constitutive des femmes » (Fougeyrollas-Schewbel et al., 2005 :5), et ce, par opposition à l’imposition d’une norme de féminité universelle et homogène. Ainsi, à l’intérieur même des études féministes et du mouvement des femmes émerge un questionnement sur la capacité du féminisme à prendre en compte l’hétérogénéité des statuts sociaux et des expériences des femmes, tout comme la pluralité des composantes identitaires qui en découlent. En d’autres termes, le féminisme est plus que jamais interpellé quant à sa capacité à élaborer une analyse de l’oppression des femmes qui reconnaît les effets conjugués du sexisme, du racisme, du « classisme » ou encore de l’homophobie.
1 Cet article est inspiré d’une communication présentée au Colloque international de RÉSOVI intitulé Violences faites aux femmes : réponses sociales plurielles, Montréal, du 22 au 24 octobre 2006.
2 Les auteures sont respectivement professeure à l’École de travail social de l’UQAM ainsi qu’agente de recherche (MA) à l’Institut de recherches et d’études féministes de l’UQAM (IREF).
3 À ce titre, il y a lieu de mentionner quelques publications récentes au Québec et en Ontario, à savoir : Un rapport sur l'usage de l’intersectionnalité publié par la Commission ontarienne des droits de la personne en 2001; L’intersectionnalité : un outil pour la justice de genre et la justice économique de l’Association pour les droits de la femme et le développement paru en 2004; Les cadres d’analyse féministe intersectionnelle : une vision émergente, un document de l’Institut canadien de recherche (ICREF) sur les femmes publié en 2006. Depuis 2005, de nombreux séminaires et colloques ont été organisés dans les universités francophones: à ce sujet, le pôle intersectionnalité du Centre d’études ethniques des universités montréalaises (CEETUM) joue un rôle particulièrement dynamique dans le domaine; en octobre 2006, le CRIEC, en collaboration avec l’Association multiethnique pour l’intégration des personnes handicapées a tenu un colloque à l’UQAM sur la discrimination intersectionnelle.
Dans le cadre du présent article, nous exposerons dans un premier temps les principales critiques émises par des féministes anglo-saxonnes issues de groupes minoritaires à l’endroit du mouvement des femmes. Dans un deuxième temps, sera précisée la signification du concept d’intersectionnalité, tel qu’il émerge dans la littérature féministe aux États-Unis. Dans un troisième temps, nous examinerons l’apport de ce nouveau paradigme à l’intervention féministe, telle que conceptualisée et mise en œuvre au Québec depuis les deux dernières décennies. En conclusion, nous signalerons quelques-uns des enjeux et des défis que pose l’intégration de l’approche féministe intersectionnelle aux milieux de pratique.
Entre minorités et majorité : les critiques des femmes racisées et « tiers mondialisées »
S’inscrivant dans le sillage des mouvances contestataires qui traversent l’Occident au cours des années 1970, des féministes d’origines diverses, notamment des femmes noires, hispanophones et indiennes, critiquent les analyses féministes dominantes, jugées hégémoniques et ethnocentriques. Pionnières non seulement d’un paradigme en devenir mais aussi de courants que l’on nommera, a posteriori, féminisme postcolonialiste et féminisme multiracial, leur discours se focalise autour de l’entrecroisement des rapports de domination, tels que les rapports de sexe et de « race », rapports constitués en systèmes, notamment le colonialisme, le racisme, le patriarcat et l’hétérosexisme. Bien que notre propos se centre davantage sur les apports conceptuels des femmes racisées anglo-saxonnes, diverses théoriciennes européennes, telles que les féministes matérialistes françaises, ont aussi pensé la consubstantialité des rapports sociaux4. Précisons également que les questions liées au racisme sont apparues principalement aux États-Unis tandis que celles concernant les rapports de classe émanent largement des influences marxistes importées d’Europe. L’une n’étant pas irréductible à l’autre, des féministes afro-américaines ont « racisé » les rapports de classe (hook, 1981, 1984) alors que des féministes européennes ont « classifié » les rapports ethniques (James, 1975).
À la fin des années 1960, au confluent des mouvements de radicalisation liés à la cause des femmes ainsi qu’à celle des Noirs américains, émerge le féminisme noir (black feminism) ainsi qu'une série de groupuscules militants antiracistes, antisexistes et anti-homophobes, comme le Redstockings (Hasse-Dubosc et Lal, 2006) et le Combahee River Collective (Enns, 2005). Soulignons également l’apport significatif de bell hooks5 (1981, 1984) et d’Angela Davis (1981), deux figures de proue du féminisme intellectuel noir, dont les écrits dénoncent le fait que la réalité quotidienne des femmes racisées et les discriminations auxquelles elles sont confrontées ne trouvent guère de résonance, ni dans le mouvement de libération des Noirs, ni au sein de celui d’émancipation des femmes. Aux féministes blanches, elles rappellent à quel point le racisme demeure une expérience aussi visible, quotidienne et virulente que ne l’est le sexisme, si ce n’est davantage pour certaines d’entre elles (Belleau, 1996; Enns, 2005). Ainsi, pour ces « femmes de couleur », l’agenda féministe ne prend pas suffisamment en compte leurs conditions de vie ainsi que la spécificité de leur histoire coloniale, de leurs valeurs et de leurs besoins. Dans cette optique, il s’avère difficile pour elles de s’identifier au discours des féministes égalitaristes qui dénonce l’archétype de l’épouse, mère et ménagère, véritable symbole de l’aliénation des femmes (Enns, 2005). Plusieurs critiquent alors cette vision occidentale de la famille. À ce propos, bell hooks précise que : « les bourgeoises peuvent répudier la famille sans croire que, ce faisant, elles vont perdre la possibilité de relations sociales, de sécurité, et de protection » (1984 : 37, traduite dans Poiret : 2005, 201). Elles ajoutent également que la cellule familiale, contrairement à l’espace public, constitue un lieu exempt de racisme, en l’occurrence une sorte thébaïde où, en dépit du sexisme familial, les femmes noires peuvent trouver refuge.
4 Danièle Kergoat, dans ses travaux sur les femmes issues de la classe ouvrière publiés en 1984, évoquait déjà l’idée d’enchevêtrement entre les rapports de sexe et de classe.
5 En hommage à ses ancêtres issus de l’esclavagisme, bell hooks n’écrit pas son nom avec des majuscules.
En outre, elles déplorent le fait que les militantes du mouvement féministe n’aient pas intégré à leur plate-forme politique la dénonciation d’un système colonial et raciste au même titre que le système patriarcal (Belleau, 1996) comme l’indiquent les propos de Kimberlé W. Crenshaw (2005 : 53) : « Les recoupements évidents du racisme et du sexisme dans la vie réelle – leurs points d’intersection - trouvent rarement un prolongement dans les pratiques féministes et antiracistes ». En continuité mais dans un esprit subversif de déconstruction du féminin, bell hooks (1984) révoque les normes de féminité qui polarisent les représentations entretenues au sujet des femmes blanches, vues comme féminines et vertueuses, et celles des femmes noires, considérées comme dominantes et sexuellement affranchies. En cela, elle ambitionne à déconstruire les stéréotypes coloniaux et racistes et met plutôt l’accent sur le contexte historique et social dans lequel elles ont été soumises à des actes de violence et de domination tels que l’esclavagisme et son corollaire, le viol collectif. Une telle entreprise de déconstruction de la catégorie « femmes » a permis de mettre en exergue la bicatégorisation « femme blanche » d’un côté et « femme noire » de l’autre et, du coup, de dénoncer les rapports de domination et les pratiques sociales que ces construits induisent. Dans la même perspective, Chandra Talpade Mohanty (1988) conteste l’utilisation de la catégorie « femmes du tiers monde » comme s’il s’agissait d’un groupe homogène anhistorique et ansocial, catégorisation basée sur le caractère prétendument universel et généralisé de leur oppression. En d’autres termes, cette analyse féministe colonialiste occulte les systèmes structurels de « race », de classe, de caste, etc. et les hiérarchies catégorielles qui, non seulement informent les pratiques et représentations sociales, mais minorent aussi « les femmes tiers mondialisées » au profit d’un pouvoir occidental qui (re)construit cette vision de l’Autre.
Dans la foulée de ces écrits contestataires, d’autres féministes d’origines diverses vont alimenter le débat au cours des décennies suivantes. En outre, ces féministes minoritaires remettent en question la priorité accordée à la lutte contre l’oppression sexiste et à la sororité universelle sans égard aux rapports de pouvoir qui traversent le groupe des femmes. En cela, elles souhaitent mettre l’accent sur la variabilité des expériences d’oppression eu égard aux rapports de domination propres à une société raciste, sexiste, homophobe et colonialiste. Pour paraphraser Carby (1982, citée dans Haase-Dubosc, 2006 : 34), « La théorie et la pratique féministes blanches doivent reconnaître que les femmes blanches [occidentales] sont dans un rapport de pouvoir d’oppresseur de[s] femmes [racisées et colonisées]. Cet état de fait compromet toute théorie et pratique féministes fondées sur la notion de simple égalité ».
L’approche intersectionnelle pour penser la simultanéité des oppressions
La prise de conscience de leur position en tant que groupes minorisés, jumelée à la non reconnaissance des discriminations spécifiques et historiques qui jalonnent leur trajectoire de vie, sont autant de facteurs ayant stimulé la recherche d’un modèle d’analyse pour penser les effets conjoints des systèmes d’oppression. Dans cette optique, Patricia H. Collins (1990) introduit le concept de « matrice des oppressions » ou encore celui de « systèmes d’oppressions entrecroisées » pour désigner les effets multiples et imbriqués du racisme, du sexisme et du « classisme », auxquels elle greffe d’autres facteurs de discrimination tels que l’hétérosexisme, l’âge, etc. Dans un texte fondateur publié en 1991, la juriste Kimberlé W. Crenshaw propose pour la première fois le concept d’intersectionnalité pour appréhender les législations américaines qu’elle juge inefficientes en regard des besoins exprimés par les femmes racisées victimes de violence conjugale. Dès lors, ce concept apparaît comme un outil d’analyse pertinent, d’une part, pour comprendre et répondre aux multiples façons dont les rapports de sexe entrent en interrelation avec d’autres aspects de l’identité sociale et, d’autre part, pour voir comment ces intersections mettent en place des expériences particulières d’oppression et de privilège. À cet égard, l’approche intersectionnelle souligne le fait que, même si les femmes blanches et les femmes racisées subissent les contrecoups du patriarcat, les premières ont des privilèges que les secondes n’ont pas en raison du racisme et de ses effets subséquents : statut socio-économique précaire, ghettoïsation, isolement, dévaluation professionnelle, etc. (Sokoloff et Dupont, 2005). En d’autres termes, les femmes blanches, principalement celles qui sont issues des classes moyenne et supérieure, peuvent bénéficier de ressources auxquelles les femmes racisées n’ont pas forcément accès. C’est dans cette logique que chaque intervenante doit être consciente des prérogatives qu’accorde le statut de « blanche » dans une échelle de pouvoir; à ce titre, il lui faut savoir que le privilège de la « blancheur » découle d’une oppression historique à l’endroit des groupes ethnicisés. Précisons enfin que l’intersectionnalité désigne non pas un point d’ancrage fixe où les oppressions vécues s’accumulent et s’enchaînent mais plutôt une position sociale en mouvance où les effets interactifs des systèmes discriminants modèlent la personnalité d’un individu unique et complexe (Enns, 2005; Poiret, 2005).
Penser l’approche féministe à l’aune d’une perspective « intersectionnelle »
De toute évidence, l’usage et la portée d’un tel paradigme soulèvent l’intérêt d’un nombre grandissant de féministes préoccupées par « la diversité des rapports de pouvoir qui traversent le groupe des femmes » (Fougeyrollas-Schewbel et al., 2005 : 5). De fait, la notion d’intersectionnalité a transcendé les théories féministes et le domaine juridique pour atterrir dans le champ des sciences sociales et de la praxis d’intervention féministe. En effet, depuis les années 1990, nombre de thérapeutes féministes américaines invoquent la nécessité d’intégrer les discriminations diverses et simultanées auxquelles les femmes sont assujetties (Hill et Ballou, 1998; Rhodes et Johnson, 1997; Raja, 1998 ; Worell and Johnson, 2001; Williams, 1999; Wyche, 2001, etc.). Par exemple, Laura S. Brown (1994), dans un ouvrage intitulé Subversive Dialogue, mentionne que la « thérapie féministe ne peut s’appuyer sur une théorie qui exigerait qu’un individu choisisse d’émanciper un seul aspect de son identité, à savoir le sexe, sans égard aux autres dimensions identitaires qui le composent » (1994 : 69, traduction libre). Dans cette optique, plusieurs soulignent l’importance de recourir à une analyse intersectionnelle, notamment dans le cadre d’une intervention auprès de femmes ethnicisées victimes de violences diverses (Kasturirangan, Krishnan et Riger, 2004; Sharma, 2001; Sokoloff et Dupont, 2005). En l’occurrence, plutôt que d’adopter une lecture homogène et universelle de la violence subie par les femmes, elles proposent de regarder comment les expériences de violences vécues dans certaines communautés culturelles sont médiatisées par d’autres formes d’oppression. Sirma Bilge (2005 : 3) ajoute qu’il s’agit de « s’attarder sur les variations dans l’espace et dans le temps de cette domination et sur les mécanismes de multiplication pour certaines catégories qui accumulent les minorisations multiples ». Par voie de conséquence, la thérapie féministe, telle qu’elle est conceptualisée et mise en œuvre aux États-unis, s’est passablement enrichie au cours des dernières décennies en intégrant ce nouveau cadre d’analyse qui reconnaît les effets entrecroisés des systèmes d’oppression et de privilège.
S’inscrivant dans cette mouvance, nous proposons ici de redéfinir les fondements de l’intervention féministe, ses objectifs et ses stratégies à l’aune de l’approche intersectionnelle. Cependant, au préalable, nous rappelons sommairement les pourtours qui circonscrivent et guident les modalités d’intervention de ces deux approches.
L’intervention féministe intersectionnelle pour appréhender les besoins des femmes
Mise au monde au début des années 80, l’intervention féministe s’inspire d’une pratique alternative initiée aux États-Unis. Sa spécificité s’articule autour de ces quatre objectifs qui guident l’action de l’intervenante: 1) reconnaître l’influence des structures et des institutions sociales inégalitaires dans la vie des femmes, d’où le leitmotiv le privé est politique ; 2) croire au potentiel des femmes et mettre en exergue leurs expériences ; 3) établir des relations égalitaires entre l’aidée et l’aidante et 4) s’engager personnellement en vue d’un vaste changement social (Corbeil et al., 1983). Ces principes fondateurs ont, estimons-nous, conservé toute leur pertinence. Cependant, en greffant une perspective intersectionnelle à l’approche féministe, nous souhaitons remédier aux limites de l’intervention féministe telle qu’elle est actuellement pratiquée au Québec afin d’offrir aux femmes marginalisées et ethnicisées un espace où leurs trajectoires et leurs réalités particulières seront prises en compte. D’un même souffle, nous ajoutons que notre ambition n’est pas de contester le bien-fondé de l’intervention féministe, mais plutôt de l’actualiser en regard des enjeux actuels que posent les notions d’intégration, de diversité, de différences, et ce, sur toile de fond d’égalité et d’intégrité des droits.
L’intervention féministe intersectionnelle (IFI) vise, pour sa part, à établir des interfaces entre toutes les formes d’oppression, à développer des stratégies inclusives et à incorporer la réalité des groupes qui ont été, et demeurent encore, marginalisés ou minorisés. Dans cette perspective, l’approche intersectionnelle propose, entre autres, d’examiner le rôle de certaines composantes identitaires (le sexe, la « race », les handicaps, la religion, etc.) ainsi que les effets subséquents occasionnés par les positions sociales, telle que le statut socio-économique, puis, d’explorer l’influence que cette configuration singulière et complexe exerce sur l’identité personnelle et sociale des femmes. Cette dissection de la toile des oppressions permet de mettre en exergue les comportements et les stratégies de résistance développées par ces dernières et, a posteriori, de tisser la trame qui favorisera leurs différents modes d’empowerment (Williams, 1999). Par ailleurs, notons que le système sexiste ou patriarcal n’est pas identifié d’emblée et systématiquement comme la principale cause des difficultés rencontrées pour les femmes (Comas-Diaz et Greene, 1994; Enns, 2005; Sokoloff et Dupont, 2005). Pour nuancer cette affirmation, plusieurs intervenantes ajoutent cependant que le sexisme peut accompagner en filigrane toutes les autres formes d’oppression car, celui-ci a cette spécificité d’être présent dans toutes les organisations sociales et catégories, y compris au sein même des relations conjugales et familiales (Gaspard, 2001).
Dans le même registre, l’IFI s’attaque au racisme latent, souvent non conscient dans les référents en général et dans l’intervention en particulier. Ainsi, face à une attitude ethnocentrique, c’est-à-dire une propension à définir la normalité à partir de son propre regard, tout personnel intervenant, et particulièrement ceux et celles issues des groupes majoritaires, doit apprendre à se débarrasser de ses propres conceptions stéréotypées, monolithiques et universalisantes entretenues à l’égard des catégories de femmes, qu’elles soient immigrantes, lesbiennes, autochtones, handicapées, âgées, etc. (Enns, 2005 ; Raja, 1998; Sharma, 2001). À cet égard, diverses études québécoises soulignent ce risque de généralisation à propos des femmes issues de l’immigration, à savoir celui de leur apposer une étiquette de femmes « traditionnellement opprimées » de par leur appartenance culturelle ou familiale. Cette forme « d'obscurantisme traditionnel » pour reprendre l’expression de Vatz Laaroussi et al. (Ibid : 344), renvoie les femmes immigrantes à un statut homogénéisant, sans autre expérience possible que celle d’une soumission totale à l’oppression patriarcale. Conséquemment, cette attitude leur enlève toute capacité d’empowerment et toute autonomie dans la définition de leurs besoins. Or, s’il appert indéniable que les systèmes de valeur des intervenantes des groupes dominants et ceux des femmes d’origines diverses peuvent parfois apparaître éloignés, il demeure crucial d’éviter le cantonnement dans des schèmes restrictifs et plutôt négatifs à propos de l’autre, ce qui nuit au dialogue, à la construction d’une relation de confiance et élude complètement l’accent qui devrait être mis sur l’exploration des dimensions expérientielle et identitaire des femmes.
Sur cette lancée, et afin de comparer les deux approches, en l’occurrence l’intervention féministe (IF) et ce que nous nommons l’intervention féministe intersectionnelle (IFI), nous présentons, sous forme de tableau, les fondements, objectifs et stratégies de l’IF et ceux qui caractérisent l’IFI. Cet exercice schématique vise à mieux saisir les similitudes et les différences entre les deux cadres d’intervention.
FONDEMENTS, OBJECTIFS ET STRATÉGIES DE L’INTERVENTION FÉMINISTE ET DE L’INTERVENTION FÉMINISTE INTERSECTIONNELLE
Fondements théoriques de l’intervention féministe (IF)
1) Les théories traditionnelles en psychologie et en travail social, s’appuient sur une vision stéréotypée des rôles sexuels (épouse-mère et ménagère/ père-pourvoyeur; sexualité passive/agressive). Elles sont le reflet des représentations sociales véhiculées à propos du féminin et du masculin.
En regard des carcans sociaux, ces théories ont tendance à « pathologiser » les comportements des individus en général et des femmes en particulier ; Va te faire soigner, t’es malade !6
Les symptômes (dépression, folie, alcoolisme, etc.) sont parfois des stratégies de résistance pour survivre dans un environnement hostile.
Toute interprétation biologique ou naturelle des comportements des femmes (faiblesse, sensibilité, douceur, capacité à prendre soin, etc.) et des hommes (force, endurance, agressivité, etc.), basée sur la hiérarchisation binaire des catégories sexuelles, sert à justifier la subordination des femmes.
1) Les théories traditionnelles en intervention sociale ont une vision androcentrique, ethnocentrique, voire raciste et hétérosexiste, des difficultés vécues par les femmes et des solutions proposées.
Elles ont tendance à « pathologiser » les comportements des individus ou à faire du relativisme culturel. Les institutions (tribunaux, services policiers, services sociaux et de santé, etc.) et leurs experts-es véhiculent souvent des préjugés racistes, sexistes, homophobes, « classistes », etc., sans égard au contexte historique, économique, social et psychologique dans lequel vivent les femmes des groupes minoritaires.
Les symptômes (agressivité, alcoolisme, etc.) sont parfois des stratégies de résistance pour survivre dans un environnement hostile.
Spécialistes et intervenants-es ont souvent une conception homogénéisante et réductrice des groupes minoritaires (les Noirs, les Asiatiques, les pauvres, les homosexuels, les personnes handicapées, etc.).
Toute interprétation biologique ou naturelle des comportements est basée sur la hiérarchisation des diverses catégories (de sexe, de race, de classe, etc.), ce qui sert à justifier la subordination des femmes et celle des groupes minoritaires.
2) Le privé est politique
L’origine des problèmes et de la souffrance des femmes n’est pas principalement psychique. L’explication réside surtout dans un système sociopolitique et ses institutions inégalitaires qui perpétuent des valeurs, des prescriptions et des mythes discriminatoires à leur égard.
Les conséquences de l’oppression sexiste peuvent être dévastatrices: dévalorisation, dépendance, victimisation, pauvreté, violence, etc.
2) Le privé est politique
L’origine des conflits personnels et de la détresse des femmes n’est pas principalement psychique. L’explication réside surtout dans un système sociopolitique et ses institutions (sexistes, racistes, homophobes, etc.) qui (re)produisent des rapports de domination non seulement entre les sexes mais aussi entre les divers groupes sociaux.
Les conséquences de ces rapports de domination peuvent être dévastatrices: victimisation, aliénation, déni de soi, conflits identitaires, assimilation à la culture dominante, stress post-colonisation, etc.
3) Le patriarcat, en tant que système dominant d’oppression, opprime universellement toutes les femmes peu importe leur condition sociale, leur âge, leur origine ethnique, leur niveau d’éducation.
La domination patriarcale façonne identiquement les expériences d’oppression que vivent toutes les femmes d’où cette expression du mouvement des femmes Nous femmes (sisterhood), synonyme de sororité et d’unité entre les femmes.
La division sociale des sexes et les pratiques induites maintiennent un double standard à l’égard des femmes.
3) Le patriarcat modèle différemment la vie des femmes; l’approche intersectionnelle conteste l’idée d’une oppression universelle et univoque pour toutes les femmes.
Reconceptualisation de l’oppression des femmes à l’aune des systèmes d’oppressions entrecroisées, à savoir l’enchevêtrement du sexisme, racisme et du « classisme ».
D’autres facteurs de discrimination tels que l’orientation sexuelle, l’âge, la religion, etc., composent la « matrice des oppressions ».
Les intrications entre les composantes identitaires (sexe, race, etc.) et les positions sociales occupées (ex. statut socio-économique), investies par de multiples rapports de pouvoir et de domination qui se chevauchent et se renforcent mutuellement, façonnent les expériences et l’identité d’un individu.
Cette configuration singulière crée un contexte précis, complexe et distinct d’oppressions, de discriminations et de privilèges.
Dans cette perspective, il importe de reconnaître la diversité des expériences d’oppression que vivent les femmes non-blanches ou marginalisées.
La division sociale des sexes et les pratiques induites maintiennent un double standard à l’égard des femmes. Cependant, l’analyse intersectionnelle tient compte de la dialectique entre majoritaire et minoritaires - entre les marges et le centre - et des mécanismes de pouvoir qui s’opèrent entre les diverses catégories de femmes.
Objectifs de l’IF
Objectifs de l’IFI
1) Conscientiser les femmes aux rôles construits, limitatifs et stéréotypés auxquels elles ont été assujettis en :
- changeant la perception qu’ont les femmes d’elles-mêmes (hystériques, impuissantes, etc.), laquelle s’appuie sur des messages sociétaux intériorisés;
- dénonçant la socialisation sexuée comme mécanisme de contrôle social qui justifie l’enfermement des femmes dans la sphère privée et le confinement à leur rôle d’épouse, mère et ménagère;
- favorisant la prise de conscience des inégalités sociales entre les sexes.
1) Développer une conscience critique vis-à-vis des constructions sociales et des préjugés véhiculés par la société patriarcale, colonialiste et capitaliste en :
- déconstruisant les stéréotypes de femmes passives, séductrices, objet, etc.;
- saisissant l’impact de l’intériorisation de ces stéréotypes sur l’image de soi et sur les communautés desquelles sont issues les femmes;
- se distanciant du modèle dominant de la femme blanche, hétérosexuelle, de classe moyenne;
- favorisant la prise de conscience des inégalités sociales (inter et intra groupes);
- recontextualisant les problèmes des femmes en regard des différentes logiques de domination.
2) Cesser de blâmer les femmes individuellement pour des problèmes liés à leur environnement social en:
- rehaussant leur estime de soi
- travaillant à la dévictimisation des femmes. 2) Cesser de blâmer les femmes individuellement pour des problèmes liés à leur environnement social en:
- rehaussant leur estime de soi et les aidant à dépasser les images androcentriques et ethnocentriques véhiculées dans la société.
3) Considérer les femmes comme les expertes de leur vie en:
- partant de leur expérience pour mieux la valoriser.
3) Considérer les femmes comme les expertes de leur vie en:
- partant de leur expérience et en portant une attention particulière à leur bagage expérientiel sur le plan historique, social, culturel, religieux, etc.;
- reconnaissant les difficultés auxquelles se heurtent les femmes immigrantes, par exemple, l’acculturation à de nouvelles valeurs, la déstabilisation de la cellule conjugale et des rôles familiaux, la déqualification professionnelle, la perte des réseaux sociaux, etc.
4) Favoriser l’empowerment des femmes ou la reprise de pouvoir sur leur vie, sur leur corps, entre autres par l’éducation et la prise de conscience. 4) Favoriser l’empowerment des femmes et leur capacité d’agir sur leur environnement, entre autres par l’éducation et la prise de conscience.
5) Encourager l’expression de leurs désirs et de leurs besoins en :
- favorisant l’expression de la colère et les sentiments longtemps réprimés chez les femmes;
- encourageant la prise de décision autonome. 5) Encourager l’expression de leurs désirs et de leurs besoins :
- explorant les sentiments de colère et de désarroi des femmes qui ont accumulé des minorisations multiples et en favoriser l’expression;
- encourageant la prise de décision autonome.
6) Promouvoir le changement structurel et social, notamment par les activités militantes (défenses de droits, revendications sur le plan politique, juridique, etc.). 6) Promouvoir le changement structurel, social et personnel entre autres par l’implication sociale en :
- encourageant leur prise de parole en tant qu’agentes de changement au sein de leur communauté.
6 Titre de l’ouvrage de Louise Guyon, Louise Nadeau et Roxane Simard (1981)
Stratégies de l’IF
Stratégies de l’IFI
1) Prendre conscience des préjugés sexistes véhiculés dans l’intervention traditionnelle et leurs conséquences sur l’évaluation du problème, sur le potentiel d’action des femmes et les stratégies de réhabilitation à déployer.
1) Prendre conscience de ses propres préjugés en tant qu’intervenante et leurs conséquences sur les femmes et la relation d’aide (sentiment de blâme, de mépris, d’ignorance, etc.), c’est :
- reconnaître les différences entre les femmes de conditions sociales et culturelles diverses tout en misant sur les points communs dans leurs expériences de vie;
- se débarrasser de ses conceptions monolithiques et homogénéisantes entretenues à l’égard de diverses catégories de femmes (ex. les femmes arabes sont toutes opprimées par leur conjoint) ;
- se familiariser avec les croyances et les diverses cultures et religions des femmes (éviter une approche color-blind par exemple);
- améliorer ses connaissances des conditions de vie des femmes marginalisées et de leurs trajectoires personnelles et sociales;
- se familiariser avec les valeurs des femmes, à travers les récits narratifs qui facilitent la compréhension et favorisent l’instauration d’un rapport de collaboration;
- apprendre la pratique du décentrement de soi pour mieux s’ouvrir à l’Autre;
- éviter les généralisations à propos des différentes catégories de femmes.
2) Établir un rapport égalitaire entre l’aidante et l’aidée (refus de reproduire les rapports de domination dans la relation d’aide), c’est :
- faire alliance avec les femmes;
- partager son pouvoir d’intervenante avec les femmes en leur donnant voix au chapitre dans le processus d’intervention;
- remettre en question sa position d’experte;
- partager son expérience en tant qu’intervenante et femme;
- partager l’information, les connaissances, les méthodes de travail, etc. 2) Tendre vers un rapport égalitaire entre l’aidante et l’aidée en amoindrissant les rapports de pouvoir à l’œuvre, c’est :
- créer une alliance avec les femmes;
- remettre en question sa position d’experte, ce qui facilite la complicité, la coopération et la confiance des femmes;
- partager l’information et les lieux de pouvoir;
- encourager, le cas échéant, le recours aux ressources disponibles dans les communautés d’appartenance.
Le partage du pouvoir nécessite la prise de conscience de ses privilèges et de son pouvoir, le cas échéant, en tant que femme blanche, de classe moyenne, appartenant au groupe dominant et bénéficiant de l’appui institutionnel, etc.
3) L’intervenante partage ses valeurs personnelles et son idéologie féministe (égalité, équité, justice sociale, partage des tâches, etc.). 3) L’intervenante partage ses valeurs féministes et informe les femmes sur sa culture, ses croyances, etc. (aucune relation thérapeutique n’est neutre).
Si pertinent, elle tente de tisser des liens avec certaines personnes-ressources importantes dans les communautés d’appartenance.
4) Respecter le rythme et les choix des femmes en:
- jouant un rôle d’accompagnatrice;
- laissant les femmes définir leurs priorités d’action.
4) Respecter le rythme et les choix des femmes et ce, en dépit des modèles occidentaux en :
- jouant un rôle d’accompagnatrice;
- favorisant la participation des femmes à la définition du problème et à la recherche de solutions;
- offrant différentes solutions à un problème afin que les femmes puissent choisir la façon dont elles veulent procéder;
- convenant mutuellement des actions à adopter pour leur permettre de retrouver leur intégrité physique et psychologique (faire consensus).
5) Croire au potentiel des femmes, c’est :
- identifier et valoriser les forces des femmes par le partage des stratégies de survie et d’adaptation qu’elles ont déployées.
5) Croire au potentiel des femmes, c’est :
- identifier et valoriser les forces des femmes par le partage des stratégies de survie et d’adaptation qu’elles ont déployées;
- les aider à transcender les stigmas intériorisés.
6) Établir un contrat clair entre l’intervenante et la participante en :
- clarifiant les limites de l’intervention. 6) Établir un contrat clair qui définit les conditions de la relation et les objectifs visés.
7) Le travail en groupe offre plusieurs avantages : il brise l’isolement, favorise le partage des expériences, la solidarité entre les femmes et la prise de conscience, permet de collectiviser leurs problèmes. 7) Le travail en groupe offre plusieurs avantages : il brise l’isolement, favorise le partage des expériences, la solidarité entre les femmes et la prise de conscience, permet de collectiviser leurs problèmes.
S’impliquer en vue d’un changement social et structurel pour mettre un terme à l’oppression des femmes en :
- défendant les droits des femmes auprès des institutions et des experts. Travailler à un changement social pour mettre un terme à toutes les formes d’oppression vécues par les femmes marginalisées en :
- défendant les droits des femmes auprès des institutions et des experts;
- utilisant ses privilèges pour intervenir en leur faveur;
- agissant comme des agentes de liaison entre la culture dominante et la culture des femmes des communautés ethnoculturelles.
9) Une intervenante de sexe féminin facilite le rapport de confiance et l’identification à un modèle de femme plus positif. 9) Une intervenante de sexe féminin facilite le rapport de confiance
Les milieux d’intervention auraient avantage à promouvoir la diversité ethnique et culturelle au sein du personnel intervenant
En résumé, une intervention féministe qui intègre l’approche intersectionnelle reconnaît les effets simultanés des systèmes de discrimination, explore les sentiments de colère et de désarroi des femmes et ceux reliés au statut de minorité le cas échéant, insiste sur leur capacité à trouver des solutions à leurs problèmes et clarifie les liens entre l’environnement social et leurs difficultés personnelles (Comas-Diaz, 1987: 43-44, citée dans Enns 1993). Elle déconstruit aussi la polarité des images stéréotypées des femmes d’ici et d’ailleurs et fait appel à l’ouverture d’esprit des intervenantes face à la diversité des vécus de femmes (Coderre et Hart, 2003). De toute évidence, l’IFI se situe dans le continuum de l’IF puisque plusieurs fondements, objectifs et stratégies sont analogues. De fait, l’une et l’autre mettent en relief la construction sociale des rôles et des identités, visent l’identification des rapports de pouvoir à l’œuvre dans ces constructions et luttent pour mettre un terme aux rapports de domination ainsi qu’aux inégalités sociales. En outre, l’intervention féministe remodelée sous l’angle de l’intersectionnalité se veut holistique (Rhodes et al., 1997; Williams, 1999) et, à l’instar de l’approche élaborée dans les années 1980, ses pratiques et stratégies d’intervention pourraient s’avérer tout aussi hétéroclites.
Enjeux et défis pour les milieux de pratique
L’hétérogénéité du tissu social québécois et de ses populations marginalisées a ainsi remis en question les pratiques d’intervention sociale dans différents milieux, tant institutionnels que communautaires. Néanmoins, l’intégration à la fois de la diversité et des marginalités représente un défi d’envergure pour les intervenants et intervenantes qui souhaitent mieux accompagner les individus et renforcer leurs capacités d’empowerment. De fait, comme le soulignent Oxman-Martinez et Krane (2005 : 10) dans une étude sur les femmes immigrantes victimes de violence conjugale au Québec, il existe un décalage « entre la reconnaissance rationnelle de la diversité et l'application d'une pratique capable de distinguer clairement les axes d'oppression et les inégalités vécues par les femmes immigrantes » (Ibid, 2005 : 10).
Par ailleurs, dans les milieux féministes, l’approche intersectionnelle suscite des espoirs de renouvellement mais aussi des craintes et des questionnements. De quelle manière, en effet, pourra-t-on reconnaître les particularismes liés à l’histoire, à la culture, à la trajectoire personnelle, familiale et sociale des femmes tout en identifiant les systèmes d’oppression dans lesquels ces dynamiques s’inscrivent et, à la fois, de tenter d’endiguer les rapports de domination telle qu’elle s’exerce à travers les rapports de sexe ? En ce sens, est-il réellement possible d’arriver à éliminer, dans nos analyses et nos stratégies d’intervention, toute pensée hiérarchisante qui contribue à placer en amont un système discriminant plutôt que l’autre ? Autrement dit, est-il concrètement possible de mettre en œuvre une intervention qui reflète adéquatement la simultanéité des oppressions ? En revanche, est-il souhaitable de sectionner et d’isoler les discriminations et les difficultés vécues eu égard au contexte (culturel, social, etc.) et de focaliser l’attention sur les effets d’un système unique ? Comme l’écrit Amin Maalouf (1998 : « l’identité ne se compartimente pas, elle ne se répartit ni par moitié, ni par tiers, ni par pages cloisonnées, elle est faite de tous les éléments qui l’ont façonnée […] ».
Au-delà de ce questionnement, un autre enjeu se pose à l’IFI. De fait, ce modèle réitère l’importance de prendre en compte l’unicité de la personne, de son expérience et du contexte dans lequel elle évolue. Or, si nous estimons que l’intervention individuelle demeure nécessaire afin de répondre aux urgences, aux conflits émotionnels et aux besoins de sécurité des femmes, il importe également, compte tenu des structures sociétales dans lequel les problèmes émergent, de ne pas éluder les luttes collectives qui favorisent la solidarité. En conclusion, il est fort probable que l’approche de l’intersectionnalité contribue à l’enrichissement de la pratique féministe et comble les écueils maintes fois observés par différentes intervenantes œuvrant auprès des femmes minorisées ou ethnicités. Certes, l’imbrication d’une perspective intersectionnelle à l’intervention féministe semble répondre à un besoin certain en termes d’inclusion de la diversité expérientielle des femmes et notamment, de celles qui demeurent les plus ostracisées dans le discours dominant. Toutefois, il nous faudra développer des connaissances plus pointues sur le plan des stratégies d’intervention car l’opérationnalisation d’un tel cadre d’intervention demeure complexe et ambitieuse. Et, ultimement, ne doit-on pas souhaiter que toute intervention auprès des femmes marginalisées place celles-ci au centre de l’intervention, en d’autres mots, que nous les considérions comme les sujets de leur vie et non comme des objets sur lesquels nous pouvons agir.
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L’INTERVENTION FÉMINISTE INTERSECTIONNELLE : UN NOUVEAU CADRE D’ANALYSE ET D’INTERVENTION POUR RÉPONDRE AUX BESOINS PLURIELS DES FEMMES MARGINALISÉES ET VIOLENTÉES 1
Christine Corbeil et Isabelle Marchand2
Janvier 2007
L’approche intersectionnelle suscite un intérêt croissant dans les milieux universitaires, communautaires et gouvernementaux francophones qui se préoccupent des questions de discrimination et d’exclusion des groupes marginalisés ou ethnicisés3. La recherche d’outils théoriques et méthodologiques pour penser l’articulation entre les divers rapports sociaux de sexe, de « race », de classe constitue une préoccupation majeure pour ceux et celles qui sont impliqués dans la défense des droits humains, de même que dans la lutte pour une plus grande justice sociale basée sur des valeurs d’égalité et de respect. Si le concept d’intersectionnalité, diffusé pour la première fois par la juriste Kimberlé Crenshaw en 1991, semble relativement nouveau dans le vocabulaire des chercheurs et chercheures ainsi que dans celui des intervenantes francophones, les enjeux fondamentaux qu’il soulève à propos de l’entrecroisement des systèmes d’oppression sont loin de l’être.
De fait, l’appareillage conceptuel sous-jacent à l’intersectionnalité est présent dans plusieurs travaux de féministes afro-américaines, hispano-américaines et lesbiennes (blanches et non-blanches) depuis les années 1970. Plus spécifiquement, ces intellectuelles ont remis en cause l’efficacité théorique et mobilisatrice de la pensée féministe, fréquemment dépeinte comme blanche et occidentale. Femmes instruites, citoyennes américaines pour plusieurs mais descendantes d’esclaves ou de pays anciennement colonisés, elles sont devenues les porte-parole d’une multitude de femmes issues du « tiers monde américain » (Sandoval (1991) qui militent en faveur d’un mouvement féministe plus inclusif et revendiquent la reconnaissance de la « diversité constitutive des femmes » (Fougeyrollas-Schewbel et al., 2005 :5), et ce, par opposition à l’imposition d’une norme de féminité universelle et homogène. Ainsi, à l’intérieur même des études féministes et du mouvement des femmes émerge un questionnement sur la capacité du féminisme à prendre en compte l’hétérogénéité des statuts sociaux et des expériences des femmes, tout comme la pluralité des composantes identitaires qui en découlent. En d’autres termes, le féminisme est plus que jamais interpellé quant à sa capacité à élaborer une analyse de l’oppression des femmes qui reconnaît les effets conjugués du sexisme, du racisme, du « classisme » ou encore de l’homophobie.
1 Cet article est inspiré d’une communication présentée au Colloque international de RÉSOVI intitulé Violences faites aux femmes : réponses sociales plurielles, Montréal, du 22 au 24 octobre 2006.
2 Les auteures sont respectivement professeure à l’École de travail social de l’UQAM ainsi qu’agente de recherche (MA) à l’Institut de recherches et d’études féministes de l’UQAM (IREF).
3 À ce titre, il y a lieu de mentionner quelques publications récentes au Québec et en Ontario, à savoir : Un rapport sur l'usage de l’intersectionnalité publié par la Commission ontarienne des droits de la personne en 2001; L’intersectionnalité : un outil pour la justice de genre et la justice économique de l’Association pour les droits de la femme et le développement paru en 2004; Les cadres d’analyse féministe intersectionnelle : une vision émergente, un document de l’Institut canadien de recherche (ICREF) sur les femmes publié en 2006. Depuis 2005, de nombreux séminaires et colloques ont été organisés dans les universités francophones: à ce sujet, le pôle intersectionnalité du Centre d’études ethniques des universités montréalaises (CEETUM) joue un rôle particulièrement dynamique dans le domaine; en octobre 2006, le CRIEC, en collaboration avec l’Association multiethnique pour l’intégration des personnes handicapées a tenu un colloque à l’UQAM sur la discrimination intersectionnelle.
Dans le cadre du présent article, nous exposerons dans un premier temps les principales critiques émises par des féministes anglo-saxonnes issues de groupes minoritaires à l’endroit du mouvement des femmes. Dans un deuxième temps, sera précisée la signification du concept d’intersectionnalité, tel qu’il émerge dans la littérature féministe aux États-Unis. Dans un troisième temps, nous examinerons l’apport de ce nouveau paradigme à l’intervention féministe, telle que conceptualisée et mise en œuvre au Québec depuis les deux dernières décennies. En conclusion, nous signalerons quelques-uns des enjeux et des défis que pose l’intégration de l’approche féministe intersectionnelle aux milieux de pratique.
Entre minorités et majorité : les critiques des femmes racisées et « tiers mondialisées »
S’inscrivant dans le sillage des mouvances contestataires qui traversent l’Occident au cours des années 1970, des féministes d’origines diverses, notamment des femmes noires, hispanophones et indiennes, critiquent les analyses féministes dominantes, jugées hégémoniques et ethnocentriques. Pionnières non seulement d’un paradigme en devenir mais aussi de courants que l’on nommera, a posteriori, féminisme postcolonialiste et féminisme multiracial, leur discours se focalise autour de l’entrecroisement des rapports de domination, tels que les rapports de sexe et de « race », rapports constitués en systèmes, notamment le colonialisme, le racisme, le patriarcat et l’hétérosexisme. Bien que notre propos se centre davantage sur les apports conceptuels des femmes racisées anglo-saxonnes, diverses théoriciennes européennes, telles que les féministes matérialistes françaises, ont aussi pensé la consubstantialité des rapports sociaux4. Précisons également que les questions liées au racisme sont apparues principalement aux États-Unis tandis que celles concernant les rapports de classe émanent largement des influences marxistes importées d’Europe. L’une n’étant pas irréductible à l’autre, des féministes afro-américaines ont « racisé » les rapports de classe (hook, 1981, 1984) alors que des féministes européennes ont « classifié » les rapports ethniques (James, 1975).
À la fin des années 1960, au confluent des mouvements de radicalisation liés à la cause des femmes ainsi qu’à celle des Noirs américains, émerge le féminisme noir (black feminism) ainsi qu'une série de groupuscules militants antiracistes, antisexistes et anti-homophobes, comme le Redstockings (Hasse-Dubosc et Lal, 2006) et le Combahee River Collective (Enns, 2005). Soulignons également l’apport significatif de bell hooks5 (1981, 1984) et d’Angela Davis (1981), deux figures de proue du féminisme intellectuel noir, dont les écrits dénoncent le fait que la réalité quotidienne des femmes racisées et les discriminations auxquelles elles sont confrontées ne trouvent guère de résonance, ni dans le mouvement de libération des Noirs, ni au sein de celui d’émancipation des femmes. Aux féministes blanches, elles rappellent à quel point le racisme demeure une expérience aussi visible, quotidienne et virulente que ne l’est le sexisme, si ce n’est davantage pour certaines d’entre elles (Belleau, 1996; Enns, 2005). Ainsi, pour ces « femmes de couleur », l’agenda féministe ne prend pas suffisamment en compte leurs conditions de vie ainsi que la spécificité de leur histoire coloniale, de leurs valeurs et de leurs besoins. Dans cette optique, il s’avère difficile pour elles de s’identifier au discours des féministes égalitaristes qui dénonce l’archétype de l’épouse, mère et ménagère, véritable symbole de l’aliénation des femmes (Enns, 2005). Plusieurs critiquent alors cette vision occidentale de la famille. À ce propos, bell hooks précise que : « les bourgeoises peuvent répudier la famille sans croire que, ce faisant, elles vont perdre la possibilité de relations sociales, de sécurité, et de protection » (1984 : 37, traduite dans Poiret : 2005, 201). Elles ajoutent également que la cellule familiale, contrairement à l’espace public, constitue un lieu exempt de racisme, en l’occurrence une sorte thébaïde où, en dépit du sexisme familial, les femmes noires peuvent trouver refuge.
4 Danièle Kergoat, dans ses travaux sur les femmes issues de la classe ouvrière publiés en 1984, évoquait déjà l’idée d’enchevêtrement entre les rapports de sexe et de classe.
5 En hommage à ses ancêtres issus de l’esclavagisme, bell hooks n’écrit pas son nom avec des majuscules.
En outre, elles déplorent le fait que les militantes du mouvement féministe n’aient pas intégré à leur plate-forme politique la dénonciation d’un système colonial et raciste au même titre que le système patriarcal (Belleau, 1996) comme l’indiquent les propos de Kimberlé W. Crenshaw (2005 : 53) : « Les recoupements évidents du racisme et du sexisme dans la vie réelle – leurs points d’intersection - trouvent rarement un prolongement dans les pratiques féministes et antiracistes ». En continuité mais dans un esprit subversif de déconstruction du féminin, bell hooks (1984) révoque les normes de féminité qui polarisent les représentations entretenues au sujet des femmes blanches, vues comme féminines et vertueuses, et celles des femmes noires, considérées comme dominantes et sexuellement affranchies. En cela, elle ambitionne à déconstruire les stéréotypes coloniaux et racistes et met plutôt l’accent sur le contexte historique et social dans lequel elles ont été soumises à des actes de violence et de domination tels que l’esclavagisme et son corollaire, le viol collectif. Une telle entreprise de déconstruction de la catégorie « femmes » a permis de mettre en exergue la bicatégorisation « femme blanche » d’un côté et « femme noire » de l’autre et, du coup, de dénoncer les rapports de domination et les pratiques sociales que ces construits induisent. Dans la même perspective, Chandra Talpade Mohanty (1988) conteste l’utilisation de la catégorie « femmes du tiers monde » comme s’il s’agissait d’un groupe homogène anhistorique et ansocial, catégorisation basée sur le caractère prétendument universel et généralisé de leur oppression. En d’autres termes, cette analyse féministe colonialiste occulte les systèmes structurels de « race », de classe, de caste, etc. et les hiérarchies catégorielles qui, non seulement informent les pratiques et représentations sociales, mais minorent aussi « les femmes tiers mondialisées » au profit d’un pouvoir occidental qui (re)construit cette vision de l’Autre.
Dans la foulée de ces écrits contestataires, d’autres féministes d’origines diverses vont alimenter le débat au cours des décennies suivantes. En outre, ces féministes minoritaires remettent en question la priorité accordée à la lutte contre l’oppression sexiste et à la sororité universelle sans égard aux rapports de pouvoir qui traversent le groupe des femmes. En cela, elles souhaitent mettre l’accent sur la variabilité des expériences d’oppression eu égard aux rapports de domination propres à une société raciste, sexiste, homophobe et colonialiste. Pour paraphraser Carby (1982, citée dans Haase-Dubosc, 2006 : 34), « La théorie et la pratique féministes blanches doivent reconnaître que les femmes blanches [occidentales] sont dans un rapport de pouvoir d’oppresseur de[s] femmes [racisées et colonisées]. Cet état de fait compromet toute théorie et pratique féministes fondées sur la notion de simple égalité ».
L’approche intersectionnelle pour penser la simultanéité des oppressions
La prise de conscience de leur position en tant que groupes minorisés, jumelée à la non reconnaissance des discriminations spécifiques et historiques qui jalonnent leur trajectoire de vie, sont autant de facteurs ayant stimulé la recherche d’un modèle d’analyse pour penser les effets conjoints des systèmes d’oppression. Dans cette optique, Patricia H. Collins (1990) introduit le concept de « matrice des oppressions » ou encore celui de « systèmes d’oppressions entrecroisées » pour désigner les effets multiples et imbriqués du racisme, du sexisme et du « classisme », auxquels elle greffe d’autres facteurs de discrimination tels que l’hétérosexisme, l’âge, etc. Dans un texte fondateur publié en 1991, la juriste Kimberlé W. Crenshaw propose pour la première fois le concept d’intersectionnalité pour appréhender les législations américaines qu’elle juge inefficientes en regard des besoins exprimés par les femmes racisées victimes de violence conjugale. Dès lors, ce concept apparaît comme un outil d’analyse pertinent, d’une part, pour comprendre et répondre aux multiples façons dont les rapports de sexe entrent en interrelation avec d’autres aspects de l’identité sociale et, d’autre part, pour voir comment ces intersections mettent en place des expériences particulières d’oppression et de privilège. À cet égard, l’approche intersectionnelle souligne le fait que, même si les femmes blanches et les femmes racisées subissent les contrecoups du patriarcat, les premières ont des privilèges que les secondes n’ont pas en raison du racisme et de ses effets subséquents : statut socio-économique précaire, ghettoïsation, isolement, dévaluation professionnelle, etc. (Sokoloff et Dupont, 2005). En d’autres termes, les femmes blanches, principalement celles qui sont issues des classes moyenne et supérieure, peuvent bénéficier de ressources auxquelles les femmes racisées n’ont pas forcément accès. C’est dans cette logique que chaque intervenante doit être consciente des prérogatives qu’accorde le statut de « blanche » dans une échelle de pouvoir; à ce titre, il lui faut savoir que le privilège de la « blancheur » découle d’une oppression historique à l’endroit des groupes ethnicisés. Précisons enfin que l’intersectionnalité désigne non pas un point d’ancrage fixe où les oppressions vécues s’accumulent et s’enchaînent mais plutôt une position sociale en mouvance où les effets interactifs des systèmes discriminants modèlent la personnalité d’un individu unique et complexe (Enns, 2005; Poiret, 2005).
Penser l’approche féministe à l’aune d’une perspective « intersectionnelle »
De toute évidence, l’usage et la portée d’un tel paradigme soulèvent l’intérêt d’un nombre grandissant de féministes préoccupées par « la diversité des rapports de pouvoir qui traversent le groupe des femmes » (Fougeyrollas-Schewbel et al., 2005 : 5). De fait, la notion d’intersectionnalité a transcendé les théories féministes et le domaine juridique pour atterrir dans le champ des sciences sociales et de la praxis d’intervention féministe. En effet, depuis les années 1990, nombre de thérapeutes féministes américaines invoquent la nécessité d’intégrer les discriminations diverses et simultanées auxquelles les femmes sont assujetties (Hill et Ballou, 1998; Rhodes et Johnson, 1997; Raja, 1998 ; Worell and Johnson, 2001; Williams, 1999; Wyche, 2001, etc.). Par exemple, Laura S. Brown (1994), dans un ouvrage intitulé Subversive Dialogue, mentionne que la « thérapie féministe ne peut s’appuyer sur une théorie qui exigerait qu’un individu choisisse d’émanciper un seul aspect de son identité, à savoir le sexe, sans égard aux autres dimensions identitaires qui le composent » (1994 : 69, traduction libre). Dans cette optique, plusieurs soulignent l’importance de recourir à une analyse intersectionnelle, notamment dans le cadre d’une intervention auprès de femmes ethnicisées victimes de violences diverses (Kasturirangan, Krishnan et Riger, 2004; Sharma, 2001; Sokoloff et Dupont, 2005). En l’occurrence, plutôt que d’adopter une lecture homogène et universelle de la violence subie par les femmes, elles proposent de regarder comment les expériences de violences vécues dans certaines communautés culturelles sont médiatisées par d’autres formes d’oppression. Sirma Bilge (2005 : 3) ajoute qu’il s’agit de « s’attarder sur les variations dans l’espace et dans le temps de cette domination et sur les mécanismes de multiplication pour certaines catégories qui accumulent les minorisations multiples ». Par voie de conséquence, la thérapie féministe, telle qu’elle est conceptualisée et mise en œuvre aux États-unis, s’est passablement enrichie au cours des dernières décennies en intégrant ce nouveau cadre d’analyse qui reconnaît les effets entrecroisés des systèmes d’oppression et de privilège.
S’inscrivant dans cette mouvance, nous proposons ici de redéfinir les fondements de l’intervention féministe, ses objectifs et ses stratégies à l’aune de l’approche intersectionnelle. Cependant, au préalable, nous rappelons sommairement les pourtours qui circonscrivent et guident les modalités d’intervention de ces deux approches.
L’intervention féministe intersectionnelle pour appréhender les besoins des femmes
Mise au monde au début des années 80, l’intervention féministe s’inspire d’une pratique alternative initiée aux États-Unis. Sa spécificité s’articule autour de ces quatre objectifs qui guident l’action de l’intervenante: 1) reconnaître l’influence des structures et des institutions sociales inégalitaires dans la vie des femmes, d’où le leitmotiv le privé est politique ; 2) croire au potentiel des femmes et mettre en exergue leurs expériences ; 3) établir des relations égalitaires entre l’aidée et l’aidante et 4) s’engager personnellement en vue d’un vaste changement social (Corbeil et al., 1983). Ces principes fondateurs ont, estimons-nous, conservé toute leur pertinence. Cependant, en greffant une perspective intersectionnelle à l’approche féministe, nous souhaitons remédier aux limites de l’intervention féministe telle qu’elle est actuellement pratiquée au Québec afin d’offrir aux femmes marginalisées et ethnicisées un espace où leurs trajectoires et leurs réalités particulières seront prises en compte. D’un même souffle, nous ajoutons que notre ambition n’est pas de contester le bien-fondé de l’intervention féministe, mais plutôt de l’actualiser en regard des enjeux actuels que posent les notions d’intégration, de diversité, de différences, et ce, sur toile de fond d’égalité et d’intégrité des droits.
L’intervention féministe intersectionnelle (IFI) vise, pour sa part, à établir des interfaces entre toutes les formes d’oppression, à développer des stratégies inclusives et à incorporer la réalité des groupes qui ont été, et demeurent encore, marginalisés ou minorisés. Dans cette perspective, l’approche intersectionnelle propose, entre autres, d’examiner le rôle de certaines composantes identitaires (le sexe, la « race », les handicaps, la religion, etc.) ainsi que les effets subséquents occasionnés par les positions sociales, telle que le statut socio-économique, puis, d’explorer l’influence que cette configuration singulière et complexe exerce sur l’identité personnelle et sociale des femmes. Cette dissection de la toile des oppressions permet de mettre en exergue les comportements et les stratégies de résistance développées par ces dernières et, a posteriori, de tisser la trame qui favorisera leurs différents modes d’empowerment (Williams, 1999). Par ailleurs, notons que le système sexiste ou patriarcal n’est pas identifié d’emblée et systématiquement comme la principale cause des difficultés rencontrées pour les femmes (Comas-Diaz et Greene, 1994; Enns, 2005; Sokoloff et Dupont, 2005). Pour nuancer cette affirmation, plusieurs intervenantes ajoutent cependant que le sexisme peut accompagner en filigrane toutes les autres formes d’oppression car, celui-ci a cette spécificité d’être présent dans toutes les organisations sociales et catégories, y compris au sein même des relations conjugales et familiales (Gaspard, 2001).
Dans le même registre, l’IFI s’attaque au racisme latent, souvent non conscient dans les référents en général et dans l’intervention en particulier. Ainsi, face à une attitude ethnocentrique, c’est-à-dire une propension à définir la normalité à partir de son propre regard, tout personnel intervenant, et particulièrement ceux et celles issues des groupes majoritaires, doit apprendre à se débarrasser de ses propres conceptions stéréotypées, monolithiques et universalisantes entretenues à l’égard des catégories de femmes, qu’elles soient immigrantes, lesbiennes, autochtones, handicapées, âgées, etc. (Enns, 2005 ; Raja, 1998; Sharma, 2001). À cet égard, diverses études québécoises soulignent ce risque de généralisation à propos des femmes issues de l’immigration, à savoir celui de leur apposer une étiquette de femmes « traditionnellement opprimées » de par leur appartenance culturelle ou familiale. Cette forme « d'obscurantisme traditionnel » pour reprendre l’expression de Vatz Laaroussi et al. (Ibid : 344), renvoie les femmes immigrantes à un statut homogénéisant, sans autre expérience possible que celle d’une soumission totale à l’oppression patriarcale. Conséquemment, cette attitude leur enlève toute capacité d’empowerment et toute autonomie dans la définition de leurs besoins. Or, s’il appert indéniable que les systèmes de valeur des intervenantes des groupes dominants et ceux des femmes d’origines diverses peuvent parfois apparaître éloignés, il demeure crucial d’éviter le cantonnement dans des schèmes restrictifs et plutôt négatifs à propos de l’autre, ce qui nuit au dialogue, à la construction d’une relation de confiance et élude complètement l’accent qui devrait être mis sur l’exploration des dimensions expérientielle et identitaire des femmes.
Sur cette lancée, et afin de comparer les deux approches, en l’occurrence l’intervention féministe (IF) et ce que nous nommons l’intervention féministe intersectionnelle (IFI), nous présentons, sous forme de tableau, les fondements, objectifs et stratégies de l’IF et ceux qui caractérisent l’IFI. Cet exercice schématique vise à mieux saisir les similitudes et les différences entre les deux cadres d’intervention.
FONDEMENTS, OBJECTIFS ET STRATÉGIES DE L’INTERVENTION FÉMINISTE ET DE L’INTERVENTION FÉMINISTE INTERSECTIONNELLE
Fondements théoriques de l’intervention féministe (IF)
1) Les théories traditionnelles en psychologie et en travail social, s’appuient sur une vision stéréotypée des rôles sexuels (épouse-mère et ménagère/ père-pourvoyeur; sexualité passive/agressive). Elles sont le reflet des représentations sociales véhiculées à propos du féminin et du masculin.
En regard des carcans sociaux, ces théories ont tendance à « pathologiser » les comportements des individus en général et des femmes en particulier ; Va te faire soigner, t’es malade !6
Les symptômes (dépression, folie, alcoolisme, etc.) sont parfois des stratégies de résistance pour survivre dans un environnement hostile.
Toute interprétation biologique ou naturelle des comportements des femmes (faiblesse, sensibilité, douceur, capacité à prendre soin, etc.) et des hommes (force, endurance, agressivité, etc.), basée sur la hiérarchisation binaire des catégories sexuelles, sert à justifier la subordination des femmes.
1) Les théories traditionnelles en intervention sociale ont une vision androcentrique, ethnocentrique, voire raciste et hétérosexiste, des difficultés vécues par les femmes et des solutions proposées.
Elles ont tendance à « pathologiser » les comportements des individus ou à faire du relativisme culturel. Les institutions (tribunaux, services policiers, services sociaux et de santé, etc.) et leurs experts-es véhiculent souvent des préjugés racistes, sexistes, homophobes, « classistes », etc., sans égard au contexte historique, économique, social et psychologique dans lequel vivent les femmes des groupes minoritaires.
Les symptômes (agressivité, alcoolisme, etc.) sont parfois des stratégies de résistance pour survivre dans un environnement hostile.
Spécialistes et intervenants-es ont souvent une conception homogénéisante et réductrice des groupes minoritaires (les Noirs, les Asiatiques, les pauvres, les homosexuels, les personnes handicapées, etc.).
Toute interprétation biologique ou naturelle des comportements est basée sur la hiérarchisation des diverses catégories (de sexe, de race, de classe, etc.), ce qui sert à justifier la subordination des femmes et celle des groupes minoritaires.
2) Le privé est politique
L’origine des problèmes et de la souffrance des femmes n’est pas principalement psychique. L’explication réside surtout dans un système sociopolitique et ses institutions inégalitaires qui perpétuent des valeurs, des prescriptions et des mythes discriminatoires à leur égard.
Les conséquences de l’oppression sexiste peuvent être dévastatrices: dévalorisation, dépendance, victimisation, pauvreté, violence, etc.
2) Le privé est politique
L’origine des conflits personnels et de la détresse des femmes n’est pas principalement psychique. L’explication réside surtout dans un système sociopolitique et ses institutions (sexistes, racistes, homophobes, etc.) qui (re)produisent des rapports de domination non seulement entre les sexes mais aussi entre les divers groupes sociaux.
Les conséquences de ces rapports de domination peuvent être dévastatrices: victimisation, aliénation, déni de soi, conflits identitaires, assimilation à la culture dominante, stress post-colonisation, etc.
3) Le patriarcat, en tant que système dominant d’oppression, opprime universellement toutes les femmes peu importe leur condition sociale, leur âge, leur origine ethnique, leur niveau d’éducation.
La domination patriarcale façonne identiquement les expériences d’oppression que vivent toutes les femmes d’où cette expression du mouvement des femmes Nous femmes (sisterhood), synonyme de sororité et d’unité entre les femmes.
La division sociale des sexes et les pratiques induites maintiennent un double standard à l’égard des femmes.
3) Le patriarcat modèle différemment la vie des femmes; l’approche intersectionnelle conteste l’idée d’une oppression universelle et univoque pour toutes les femmes.
Reconceptualisation de l’oppression des femmes à l’aune des systèmes d’oppressions entrecroisées, à savoir l’enchevêtrement du sexisme, racisme et du « classisme ».
D’autres facteurs de discrimination tels que l’orientation sexuelle, l’âge, la religion, etc., composent la « matrice des oppressions ».
Les intrications entre les composantes identitaires (sexe, race, etc.) et les positions sociales occupées (ex. statut socio-économique), investies par de multiples rapports de pouvoir et de domination qui se chevauchent et se renforcent mutuellement, façonnent les expériences et l’identité d’un individu.
Cette configuration singulière crée un contexte précis, complexe et distinct d’oppressions, de discriminations et de privilèges.
Dans cette perspective, il importe de reconnaître la diversité des expériences d’oppression que vivent les femmes non-blanches ou marginalisées.
La division sociale des sexes et les pratiques induites maintiennent un double standard à l’égard des femmes. Cependant, l’analyse intersectionnelle tient compte de la dialectique entre majoritaire et minoritaires - entre les marges et le centre - et des mécanismes de pouvoir qui s’opèrent entre les diverses catégories de femmes.
Objectifs de l’IF
Objectifs de l’IFI
1) Conscientiser les femmes aux rôles construits, limitatifs et stéréotypés auxquels elles ont été assujettis en :
- changeant la perception qu’ont les femmes d’elles-mêmes (hystériques, impuissantes, etc.), laquelle s’appuie sur des messages sociétaux intériorisés;
- dénonçant la socialisation sexuée comme mécanisme de contrôle social qui justifie l’enfermement des femmes dans la sphère privée et le confinement à leur rôle d’épouse, mère et ménagère;
- favorisant la prise de conscience des inégalités sociales entre les sexes.
1) Développer une conscience critique vis-à-vis des constructions sociales et des préjugés véhiculés par la société patriarcale, colonialiste et capitaliste en :
- déconstruisant les stéréotypes de femmes passives, séductrices, objet, etc.;
- saisissant l’impact de l’intériorisation de ces stéréotypes sur l’image de soi et sur les communautés desquelles sont issues les femmes;
- se distanciant du modèle dominant de la femme blanche, hétérosexuelle, de classe moyenne;
- favorisant la prise de conscience des inégalités sociales (inter et intra groupes);
- recontextualisant les problèmes des femmes en regard des différentes logiques de domination.
2) Cesser de blâmer les femmes individuellement pour des problèmes liés à leur environnement social en:
- rehaussant leur estime de soi
- travaillant à la dévictimisation des femmes. 2) Cesser de blâmer les femmes individuellement pour des problèmes liés à leur environnement social en:
- rehaussant leur estime de soi et les aidant à dépasser les images androcentriques et ethnocentriques véhiculées dans la société.
3) Considérer les femmes comme les expertes de leur vie en:
- partant de leur expérience pour mieux la valoriser.
3) Considérer les femmes comme les expertes de leur vie en:
- partant de leur expérience et en portant une attention particulière à leur bagage expérientiel sur le plan historique, social, culturel, religieux, etc.;
- reconnaissant les difficultés auxquelles se heurtent les femmes immigrantes, par exemple, l’acculturation à de nouvelles valeurs, la déstabilisation de la cellule conjugale et des rôles familiaux, la déqualification professionnelle, la perte des réseaux sociaux, etc.
4) Favoriser l’empowerment des femmes ou la reprise de pouvoir sur leur vie, sur leur corps, entre autres par l’éducation et la prise de conscience. 4) Favoriser l’empowerment des femmes et leur capacité d’agir sur leur environnement, entre autres par l’éducation et la prise de conscience.
5) Encourager l’expression de leurs désirs et de leurs besoins en :
- favorisant l’expression de la colère et les sentiments longtemps réprimés chez les femmes;
- encourageant la prise de décision autonome. 5) Encourager l’expression de leurs désirs et de leurs besoins :
- explorant les sentiments de colère et de désarroi des femmes qui ont accumulé des minorisations multiples et en favoriser l’expression;
- encourageant la prise de décision autonome.
6) Promouvoir le changement structurel et social, notamment par les activités militantes (défenses de droits, revendications sur le plan politique, juridique, etc.). 6) Promouvoir le changement structurel, social et personnel entre autres par l’implication sociale en :
- encourageant leur prise de parole en tant qu’agentes de changement au sein de leur communauté.
6 Titre de l’ouvrage de Louise Guyon, Louise Nadeau et Roxane Simard (1981)
Stratégies de l’IF
Stratégies de l’IFI
1) Prendre conscience des préjugés sexistes véhiculés dans l’intervention traditionnelle et leurs conséquences sur l’évaluation du problème, sur le potentiel d’action des femmes et les stratégies de réhabilitation à déployer.
1) Prendre conscience de ses propres préjugés en tant qu’intervenante et leurs conséquences sur les femmes et la relation d’aide (sentiment de blâme, de mépris, d’ignorance, etc.), c’est :
- reconnaître les différences entre les femmes de conditions sociales et culturelles diverses tout en misant sur les points communs dans leurs expériences de vie;
- se débarrasser de ses conceptions monolithiques et homogénéisantes entretenues à l’égard de diverses catégories de femmes (ex. les femmes arabes sont toutes opprimées par leur conjoint) ;
- se familiariser avec les croyances et les diverses cultures et religions des femmes (éviter une approche color-blind par exemple);
- améliorer ses connaissances des conditions de vie des femmes marginalisées et de leurs trajectoires personnelles et sociales;
- se familiariser avec les valeurs des femmes, à travers les récits narratifs qui facilitent la compréhension et favorisent l’instauration d’un rapport de collaboration;
- apprendre la pratique du décentrement de soi pour mieux s’ouvrir à l’Autre;
- éviter les généralisations à propos des différentes catégories de femmes.
2) Établir un rapport égalitaire entre l’aidante et l’aidée (refus de reproduire les rapports de domination dans la relation d’aide), c’est :
- faire alliance avec les femmes;
- partager son pouvoir d’intervenante avec les femmes en leur donnant voix au chapitre dans le processus d’intervention;
- remettre en question sa position d’experte;
- partager son expérience en tant qu’intervenante et femme;
- partager l’information, les connaissances, les méthodes de travail, etc. 2) Tendre vers un rapport égalitaire entre l’aidante et l’aidée en amoindrissant les rapports de pouvoir à l’œuvre, c’est :
- créer une alliance avec les femmes;
- remettre en question sa position d’experte, ce qui facilite la complicité, la coopération et la confiance des femmes;
- partager l’information et les lieux de pouvoir;
- encourager, le cas échéant, le recours aux ressources disponibles dans les communautés d’appartenance.
Le partage du pouvoir nécessite la prise de conscience de ses privilèges et de son pouvoir, le cas échéant, en tant que femme blanche, de classe moyenne, appartenant au groupe dominant et bénéficiant de l’appui institutionnel, etc.
3) L’intervenante partage ses valeurs personnelles et son idéologie féministe (égalité, équité, justice sociale, partage des tâches, etc.). 3) L’intervenante partage ses valeurs féministes et informe les femmes sur sa culture, ses croyances, etc. (aucune relation thérapeutique n’est neutre).
Si pertinent, elle tente de tisser des liens avec certaines personnes-ressources importantes dans les communautés d’appartenance.
4) Respecter le rythme et les choix des femmes en:
- jouant un rôle d’accompagnatrice;
- laissant les femmes définir leurs priorités d’action.
4) Respecter le rythme et les choix des femmes et ce, en dépit des modèles occidentaux en :
- jouant un rôle d’accompagnatrice;
- favorisant la participation des femmes à la définition du problème et à la recherche de solutions;
- offrant différentes solutions à un problème afin que les femmes puissent choisir la façon dont elles veulent procéder;
- convenant mutuellement des actions à adopter pour leur permettre de retrouver leur intégrité physique et psychologique (faire consensus).
5) Croire au potentiel des femmes, c’est :
- identifier et valoriser les forces des femmes par le partage des stratégies de survie et d’adaptation qu’elles ont déployées.
5) Croire au potentiel des femmes, c’est :
- identifier et valoriser les forces des femmes par le partage des stratégies de survie et d’adaptation qu’elles ont déployées;
- les aider à transcender les stigmas intériorisés.
6) Établir un contrat clair entre l’intervenante et la participante en :
- clarifiant les limites de l’intervention. 6) Établir un contrat clair qui définit les conditions de la relation et les objectifs visés.
7) Le travail en groupe offre plusieurs avantages : il brise l’isolement, favorise le partage des expériences, la solidarité entre les femmes et la prise de conscience, permet de collectiviser leurs problèmes. 7) Le travail en groupe offre plusieurs avantages : il brise l’isolement, favorise le partage des expériences, la solidarité entre les femmes et la prise de conscience, permet de collectiviser leurs problèmes.
S’impliquer en vue d’un changement social et structurel pour mettre un terme à l’oppression des femmes en :
- défendant les droits des femmes auprès des institutions et des experts. Travailler à un changement social pour mettre un terme à toutes les formes d’oppression vécues par les femmes marginalisées en :
- défendant les droits des femmes auprès des institutions et des experts;
- utilisant ses privilèges pour intervenir en leur faveur;
- agissant comme des agentes de liaison entre la culture dominante et la culture des femmes des communautés ethnoculturelles.
9) Une intervenante de sexe féminin facilite le rapport de confiance et l’identification à un modèle de femme plus positif. 9) Une intervenante de sexe féminin facilite le rapport de confiance
Les milieux d’intervention auraient avantage à promouvoir la diversité ethnique et culturelle au sein du personnel intervenant
En résumé, une intervention féministe qui intègre l’approche intersectionnelle reconnaît les effets simultanés des systèmes de discrimination, explore les sentiments de colère et de désarroi des femmes et ceux reliés au statut de minorité le cas échéant, insiste sur leur capacité à trouver des solutions à leurs problèmes et clarifie les liens entre l’environnement social et leurs difficultés personnelles (Comas-Diaz, 1987: 43-44, citée dans Enns 1993). Elle déconstruit aussi la polarité des images stéréotypées des femmes d’ici et d’ailleurs et fait appel à l’ouverture d’esprit des intervenantes face à la diversité des vécus de femmes (Coderre et Hart, 2003). De toute évidence, l’IFI se situe dans le continuum de l’IF puisque plusieurs fondements, objectifs et stratégies sont analogues. De fait, l’une et l’autre mettent en relief la construction sociale des rôles et des identités, visent l’identification des rapports de pouvoir à l’œuvre dans ces constructions et luttent pour mettre un terme aux rapports de domination ainsi qu’aux inégalités sociales. En outre, l’intervention féministe remodelée sous l’angle de l’intersectionnalité se veut holistique (Rhodes et al., 1997; Williams, 1999) et, à l’instar de l’approche élaborée dans les années 1980, ses pratiques et stratégies d’intervention pourraient s’avérer tout aussi hétéroclites.
Enjeux et défis pour les milieux de pratique
L’hétérogénéité du tissu social québécois et de ses populations marginalisées a ainsi remis en question les pratiques d’intervention sociale dans différents milieux, tant institutionnels que communautaires. Néanmoins, l’intégration à la fois de la diversité et des marginalités représente un défi d’envergure pour les intervenants et intervenantes qui souhaitent mieux accompagner les individus et renforcer leurs capacités d’empowerment. De fait, comme le soulignent Oxman-Martinez et Krane (2005 : 10) dans une étude sur les femmes immigrantes victimes de violence conjugale au Québec, il existe un décalage « entre la reconnaissance rationnelle de la diversité et l'application d'une pratique capable de distinguer clairement les axes d'oppression et les inégalités vécues par les femmes immigrantes » (Ibid, 2005 : 10).
Par ailleurs, dans les milieux féministes, l’approche intersectionnelle suscite des espoirs de renouvellement mais aussi des craintes et des questionnements. De quelle manière, en effet, pourra-t-on reconnaître les particularismes liés à l’histoire, à la culture, à la trajectoire personnelle, familiale et sociale des femmes tout en identifiant les systèmes d’oppression dans lesquels ces dynamiques s’inscrivent et, à la fois, de tenter d’endiguer les rapports de domination telle qu’elle s’exerce à travers les rapports de sexe ? En ce sens, est-il réellement possible d’arriver à éliminer, dans nos analyses et nos stratégies d’intervention, toute pensée hiérarchisante qui contribue à placer en amont un système discriminant plutôt que l’autre ? Autrement dit, est-il concrètement possible de mettre en œuvre une intervention qui reflète adéquatement la simultanéité des oppressions ? En revanche, est-il souhaitable de sectionner et d’isoler les discriminations et les difficultés vécues eu égard au contexte (culturel, social, etc.) et de focaliser l’attention sur les effets d’un système unique ? Comme l’écrit Amin Maalouf (1998 : « l’identité ne se compartimente pas, elle ne se répartit ni par moitié, ni par tiers, ni par pages cloisonnées, elle est faite de tous les éléments qui l’ont façonnée […] ».
Au-delà de ce questionnement, un autre enjeu se pose à l’IFI. De fait, ce modèle réitère l’importance de prendre en compte l’unicité de la personne, de son expérience et du contexte dans lequel elle évolue. Or, si nous estimons que l’intervention individuelle demeure nécessaire afin de répondre aux urgences, aux conflits émotionnels et aux besoins de sécurité des femmes, il importe également, compte tenu des structures sociétales dans lequel les problèmes émergent, de ne pas éluder les luttes collectives qui favorisent la solidarité. En conclusion, il est fort probable que l’approche de l’intersectionnalité contribue à l’enrichissement de la pratique féministe et comble les écueils maintes fois observés par différentes intervenantes œuvrant auprès des femmes minorisées ou ethnicités. Certes, l’imbrication d’une perspective intersectionnelle à l’intervention féministe semble répondre à un besoin certain en termes d’inclusion de la diversité expérientielle des femmes et notamment, de celles qui demeurent les plus ostracisées dans le discours dominant. Toutefois, il nous faudra développer des connaissances plus pointues sur le plan des stratégies d’intervention car l’opérationnalisation d’un tel cadre d’intervention demeure complexe et ambitieuse. Et, ultimement, ne doit-on pas souhaiter que toute intervention auprès des femmes marginalisées place celles-ci au centre de l’intervention, en d’autres mots, que nous les considérions comme les sujets de leur vie et non comme des objets sur lesquels nous pouvons agir.
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fée clochette- Messages : 1274
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Re: Féminisme
http://www.jesuisfeministe.com/?page_id=1792
12 suggestions pratiques destinées aux hommes qui se trouvent dans des espaces féministes
Ceci est une traduction de la compilation produite par kettetastic. Traduction par Janik.
Source : http://community.livejournal.com/feminist/1362470.html
Règle #1. Prenez conscience du fait que les discussions ne tournent pas autour de vous. Oui, oui, vraiment! Troublé? En voici les raisons:
En corollaire à la règle #1 : le féminisme concerne les femmes. C’est à propos de nous, pour nous et mené par nous. Ce n’est donc pas à propos de comment vous vous sentez blessé ou menacé par le féminisme ou les femmes, ou à propos de comment vous êtes opprimé en tant qu’homme. Nous savons que le patriarcat a un impact négatif sur tout un chacun, mais ici n’est pas l’endroit pour attirer l’attention sur les souffrances des hommes. Nous vous encourageons fortement à mettre sur pied vos propres groupes pour discuter de ces enjeux.
Règle #2 : Soyez conscient de vos privilèges. Oui, vous en avez. Nous avons tous et toutes différents types de privilèges. Ce n’est pas parce que vous ne vous sentez pas privilégiés que vous ne l’êtes pas. Reconnaître que vous êtes privilégiés ne signifie pas que vous n’ayez jamais souffert. Le fait que l’on vous dise que vous avez des privilèges ne représente pas une insulte personnelle ou une attaque. Ça ne signifie pas non plus qu’une personne est en train d’essayer d’esquiver un argument ou de vous imposer le silence – nous sommes simplement fatiguées d’avoir à constamment tout vous expliquer. Consultez la règle #6 pour plus d’informations.
En corollaire à la règle #2 : le «sexisme à l’envers» n’existe pas. N’essayez même pas de nous servir cet argument. Le fait qu’un homme puisse être blessé par une femme ne remet pas en question l’existence de tout un système social misogyne.
Règle #3 : Apprenez à écouter. Ce serait vraiment bien. Nous vous prions de respecter nos sentiments et expériences personnelles.
Corollairement à la règle #3 : Si vous avez des doutes, bouclez-là. Si vous n’êtes pas sûr de saisir ce dont il est question, résistez l’impulsion d’appuyer sur le bouton «répondre» et tentez de comprendre ce que les femmes sont en train de dire avant d’agir.
Règle #4 : Résistez à la tentation inconsciente de dominer. Votre socialisation vous a appris à le faire, mais ici n’en est pas la place. Voyez la règle #1 et son corollaire. Si vous vous retrouvez à envoyer plus de messages que ne le fait le reste entier de la communauté, demandez vous pourquoi. Si vous sentez le besoin d’attirer constamment l’attention sur votre situation d’homme, examinez cette dynamique. Il s’agit souvent d’une façon inconsciente d’exercer le contrôle.
Règle #5 : Essayez de ne pas être défensif. Rappelez vous que lorsque les femmes expriment leur frustration à l’endroit du patriarcat, il ne s’agit pas d’une attaque personnelle contre vous et vous n’avez pas besoin de répondre comme si c’était le cas. Si vous le faites, il est fort probable que vous enfreignez aux règles #1 à 5. Faites-en une note mentale : si vous vous sentez attaqués par le féminisme, c’est probablement une contre-attaque.
Règle #6: Sachez que ce n’est pas notre tâche de vous éduquer. Les communautés féministes ne devraient pas avoir à constamment remâcher du «féminisme 101» en raison de l’arrivée constante de nouveaux membres hommes. Tout comme vous pouvez lire ceci, vous pouvez lire un livre. Et si ceci est trop vous demander, vous pouvez toujours consulter internet. Il existe plusieurs façons de s’informer sur les théories féministes fondamentales sans avoir à faire dévier toute une communauté des échanges qu’elle tente de construire. Si vous avez effectué votre recherche et avez encore quelques questions spécifiques laissées sans réponse, il est alors plus approprié de demander l’opinion de certaines – mais rappelez-vous qu’elles ne vous «doivent» toujours rien.
Règle #7 : Si des gens vous traitent de trolls, c’est qu’il y a probablement une bonne raison. Il n’est pas nécessaire d’avoir consciemment l’intention d’être un troll pour agir comme tel. Vous pouvez vous amuser à cœur joie à jouer l’avocat du diable, éteindre ensuite votre ordinateur et ne plus jamais avoir à vivre avec ces enjeux. Nous ne le pouvons pas. Il s’agit de nos réalités et nous n’apprécions généralement pas que des hommes traitent des enjeux qui nous affectent sérieusement comme s’il ne s’agissait que de simples exercices intellectuels.
Règle #8 : N’essayez pas de jouer au Chevalier Servant. Vous pensez que vous pouvez «sauver» le féminisme grâce à votre analyse pénétrante? Revenez-en. Il est extrêmement peu probable que vous ayez reçu, grâce à l’«intelligence supérieure de votre organe», une brillante révélation qui aurait échappé aux femmes depuis des siècles.
Règle #9 : Les femmes ne sont pas un bloc monolithique. Le féminisme n’est pas un collectif uni par la transmission de pensée. Il existe une grande diversité d’expériences et de perspectives à l’intérieur du féminisme. Ce n’est pas parce qu’une personne appartenant à une communauté féministe est d’accord avec vous que nous le serons toutes. Ce n’est pas parce que votre amie féministe pense d’une certaine façon que nous devrions toutes le faire. Les présuppositions et les généralisations à l’emporte-pièce à propos des femmes et du féminisme ne vous rapporteront pas de points.
En corollaire avec la règle #9 : ne tentez pas de dresser les femmes les unes contre les autres. Essayez de ne pas faire de vous le sujet de discussion. Ceci enfreint les règles #1, 3 et 4. Ne divisez pas pour régner.
Règle #10: Ne laissez pas faire d’autres hommes lorsqu’ils ont un comportement sexiste. Il s’agit de la meilleure façon de mettre la théorie en pratique, de même que d’utiliser vos privilèges d’homme à bon escient. Si vous réclamez être proféministe sur un forum mais riez avec vos amis lorsqu’ils font des blagues sexistes, nous allons assurément remettre en question votre sincérité.
Règle #11 : Ce n’est pas parce que vous vous qualifiez de féministe que vous êtes exempts de ces suggestions. Il est merveilleux que vous connaissiez des théories féministes. Vous voulez vous engager dans cette noble lutte – excellent!! Ceci ne vous donne toutefois pas le droit de vous lancer en ignorant ces suggestions parce que vous auriez «compris» et feriez partie de la «bonne gang».
En corollaire avec la règle #11 : Ne vous identifiez pas comme proféministe afin d’attirer l’attention des femmes. C’est pathétique et nous vous voyons venir de loin. Vous identifier comme féministe ne fait pas en sorte qu’il devienne plus approprié d’adresser des propos suggestifs à des femmes de la communauté féministe. Les sites de discussion féministes ne sont pas un endroit pour faire la drague.
Règle #12: Ne vous attendez pas à une tape dans le dos parce que vous suivez ces suggestions.Et ne vous plaignez pas si vous sentez que vous ne recevez pas suffisamment de crédit pour le simple fait d’agir comme un être humain décent. Vous ne devriez pas vous conduire de façon appropriée uniquement parce que vous désirez être récompensés – vous devriez le faire parce qu’il s’agit de la chose juste et respectueuse à faire.
fée clochette- Messages : 1274
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Localisation : vachement loin de la capitale
Re: Féminisme
La dernière esclave (Kollontaï, 1921)
Article paru dans le Bulletin communiste n°11 du 17 mars 1921.
Depuis des siècles, la femme orientale était silencieuse; il a fallu le puissant tocsin de la révolution prolétarienne en Russie pour la faire sortir de sa torpeur séculaire. L’annonce du communisme, du travail et de la camaraderie universels, de l’égalité des sexes et de la solidarité générale, a pénétré comme un appel irrésistible l’Orient lointain, a réveillé les masses aux couleurs vives et bigarrées. L’Orient a bougé. Les pauvres, avec toute la haine accumulée dans leur cœur contre les satrapes et les riches, on commencé leur ascension vers le drapeau rouge, symbole de liberté, d’égalité et de travail pour tous. Pour la première fois dans l’histoire, la femme de l’Orient a entendu l’appel adressé à elle, la plus opprimée entre les opprimées. Elle qui n’était presque qu’un chose, qu’un accessoire de ménage, un instrument humble et sans voix, le drapeau rouge du communisme l’appelle à l’égalité et à la possession de toutes les conquêtes de la Révolution.
La femme de l’orient, pour la première fois depuis bien des siècles, a rejeté le voile et s’est mêlé à la foule révolutionnaire en marche vers le symbole de l’affranchissement, vers le drapeau rouge du communisme.
Chaque mois d’existence de la République soviétique, en asseyant davantage le fondement du communisme, augmente la fermentation parmi les femmes d’Orient. Pour la première fois, la femme orientale apparaît dans l’histoire au Congrès des Peuples de l’Orient à Bakou. Dans toutes les régions de la Russie soviétiste où domine une population musulmane, dans les Républiques orientales, un profond travail d’idées se poursuit dans les masses féminines. L’idée soviétiste est comme une baguette magique qui entraîne tous les déshérités, qui fait écrouler les barrières séparant les races orientales des autres, et qui unit les forces dispersées. Les femmes réclament leur droit à l’instruction.
Autour des sections d’instruction publique se groupent les femmes orientales, débarrassées du voile. Les tartares, les Persanes, les Sartes, luttent contre cet attribut anti-hygiénique.
A Téhéran, où le capital a déjà préparé le sol pour une semence future de communisme, une conférence de femmes s’est tenue avec ce mot de ralliement: « A bas le voile ! »
Le Turkestan, avec sa petite industrie ménagère, voit grandir chaque jour le mouvement qui entraîne les femmes des artisans. Le nombre de cas de divorces venant devant les tribunaux augmente chaque jour; la femme, forte de son commencement d’émancipation économique, réclame de plus en plus catégoriquement son droit à l’existence indépendante.
Dans l’Azerbeidjan, les femmes musulmanes guidées par la section communiste, ont organisé un club, un jardin d’enfants, un atelier de couture, un réfectoire et une école.
Dans la Transcapie se tiennent des réunions régulières de femmes comme les assemblées de délégués en Russie. Il y a un syndicat de l’aiguille, groupant les musulmanes et les Russes.
A Samarcande, la section féminine du Comité communiste possède un groupement de musulmanes. Des sections féminines existent à Boukhara. Le Comité Exécutif du Turkestan compte quatre femmes, mais toutes n’ont pas encore enlevé leur voile.
En Bachkirie, parmi les femmes kalmouckes et kirghizes, dans la République Tartare et même dans les contrées lointaines du Nord, à Tioumen, le mouvement s’étend parmi les musulmanes, les sections féminines de notre parti poussent des racines profondes.
La femme orientale, surtout la fraction qui vit sur le territoire de la fédération Soviétiste, s’est éveillée et s’élance vers son complet affranchissement. Il suffit de savoir l’aider pour gagner des défenseurs nouveaux à la grande idée communiste.
La troisième conférence panrusse des Sections Féminines était assistée d’une section spéciale des femmes orientales. Elle a décidé non seulement d’intensifier cette partie de notre travail, mais encore de convoquer pour le 1er février, date ensuite reculée au 1er avril, un premier congrès panrusse des femmes de l’Orient. Dans toutes les provinces seront créées des commissions d’organisation pour préparer le congrès. Ces commissions seront composées de représentants des bureaux musulmans, des sections ouvrières et des comités de la jeunesse communiste. La même action sera faite dans les districts. On prépare des tracts, des affiches, des proclamations, on utilise les instituteurs, les médecins, les groupements communistes, toutes les associations éducatives musulmanes.
Dans les républiques autonomes, la préparation du congrès incombe également aux sections féminines. Des conférences préalables sont convoquées dans les provinces et les districts. Une large propagande est faite. L’ordre du jour du Congrès est le suivant: 1° questions actuelles; 2° le pouvoir des Soviets et les femmes d’Orient; 3° la situation juridique de la femme orientale autrefois et maintenant; 4° la petite industrie et la femme en orient; 5° la protection de la maternité et de l’enfance; 6° l’instruction publique et la femme orientale.
Ce Congrès sera général, sans considérations de parti: son but est de mettre en branle une masse encore vierge, d’intéresser à l’action soviétiste les populations féminines, d’éduquer les femmes orientales dans l’esprit communiste et de les affermir pour la lutte contre les ennemis des travailleurs. Mais comme il faut compter avec toutes les particularités économiques et traditionnelles de l’Orient il a été décidé de réunir après le congrès une conférence de femmes communistes musulmanes pour examiner diverses questions d’organisation et de programme concernant l’affranchissement de la femme orientale.
Nos efforts devront être concentrés sur deux points principaux: grouper et rassembler les forces éparses des femmes-artisans dans les localités où le capital industriel a déjà mis sa lourde patte sur la prolétaire orientale, grouper les éléments agricoles, semi-nomades ou nomades autour de coopératives agricoles, et d’autre part entraîner les masses féminines dans l’action éducative, puis politique de nos sections d’instruction publique. Plus que partout ailleurs, la science et l’instruction seront en orient le plus sûr instrument d’affranchissement. Une liaison étroite entre les femmes et les organes éducateurs est une nécessité dictée par la vie même.
Plus s’étendra l’action de nos sections féminines, parmi les femmes orientales, plus le communisme s’établira rapidement en Orient et plus décisif sera le coup porté à l’impérialisme occidental par les forces réunies du prolétariat oriental arraché à son séculaire sommeil.
Vals- Messages : 2770
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Féminisme
Intéressant texte de Kollontaï depuis la France de 2011 : l'abandon du voile y est considéré comme un symbole d'émancipation, mais absolument pas comme une barrière à la prise de responsabilité au sein du parti révolutionnaire. Tu penses quoi, Vals de
?
A Samarcande, la section féminine du Comité communiste possède un groupement de musulmanes. Des sections féminines existent à Boukhara. Le Comité Exécutif du Turkestan compte quatre femmes, mais toutes n’ont pas encore enlevé leur voile.
?
sylvestre- Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010
Re: Féminisme
Un détail qui n'en est pas un. J'ai travaillé quelques jours à Samarcande en 1996.
Les statues de Lénine, étaient toujours en place, alors que pas mal avaient été déplacées dans l'ex-URSS.
J'ai demandé et eu la réponse: la reconnaissance des droits culturels et y compris, m'a-t-on assuré,
le fait que la restauration des magnifiques monuments de la ville (madrassas) avaient été ordonnés par Lénine...
Les statues de Lénine, étaient toujours en place, alors que pas mal avaient été déplacées dans l'ex-URSS.
J'ai demandé et eu la réponse: la reconnaissance des droits culturels et y compris, m'a-t-on assuré,
le fait que la restauration des magnifiques monuments de la ville (madrassas) avaient été ordonnés par Lénine...
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Les couilles du capitaine
Le front de gauche, les pédalos et le hussard blanc de la république
par Collectif Les mots sont importants, 23 novembre
SAVOUREUX et DECAPANT
http://lmsi.net/Les-couilles-du-capitaine
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SAVOUREUX et DECAPANT
http://lmsi.net/Les-couilles-du-capitaine
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Féminisme
Roseau a écrit:Le front de gauche, les pédalos et le hussard blanc de la république
par Collectif Les mots sont importants, 23 novembre
SAVOUREUX et DECAPANT
http://lmsi.net/Les-couilles-du-capitaine
Excellent oui
fée clochette- Messages : 1274
Date d'inscription : 23/06/2010
Age : 59
Localisation : vachement loin de la capitale
Re: Féminisme
Les hommes proféministes : compagnons de route ou faux amis ?
par Francis Dupuis-Déri, chercheur et professeur de science politique
Quelles raisons peuvent mener un homme à se dire proféministe et que peut-il faire pour aider le mouvement féministe ? Voilà les deux questions discutées ici. J’entends proposer pour les hommes proféministes de pratiquer le contraire de l’empowerment (ou autonomisation), soit le disempowerment, c’est-à-dire une (auto)réduction du pouvoir individuel et collectif qu’exercent les hommes sur les femmes, et un (auto)positionnement d’auxiliaire par rapport aux féministes.
J’entends aussi rappeler que c’est toujours par l’effort déployé par des féministes que des hommes deviennent proféministes. Cette discussion s’inspire des analyses de féministes comme Simone de Beauvoir, Christine Delphy, Colette Guillaumin et Catharine MacKinnon, ainsi que des militantes qui m’ont confronté dans la sphère intime ou publique. Ces féministes m’ont convaincu que le patriarcat, comme n’importe quel système de domination, repose sur une division clivant la société en deux classes antagonistes. Dans le patriarcat, les hommes sont membres d’une classe dominante et privilégiée et les femmes, d’une classe dominée et exploitée.
Certes, divers systèmes de domination s’influencent et s’interpénètrent de multiples façons (comme le patriarcat, le capitalisme et le racisme). Les propositions avancées ici sont portées par un homme « blanc » hétérosexuel qui jouit d’une certaine aisance financière. Ces réflexions devraient être sans doute amendées dans le cas d’hommes de classes économiques et de communautés ethniques défavorisées et exploitées. Dans tous les cas, il s’agit d’une réflexion exploratoire et dont plusieurs éléments mériteraient d’être précisés ou nuancés.
***
À première vue, il est heureux que des hommes s’engagent dans la cause féministe, en ne laissant pas aux femmes seules le fardeau de s’émanciper. L’histoire occidentale compte d’ailleurs quelques exemples d’hommes qui se sont déclarés champions des femmes et qui ont dénoncé la misogynie de leur société (Badinter 1989 ; Groult 1977 ; Angenot 1977 ; Kimmel 1998). Cependant, si l’engagement des hommes dans le féminisme est positif, il produit aussi et inévitablement des effets négatifs, à tout le moins pour certaines femmes. Au XIXe siècle en France, par exemple, un lobby républicain pour les droits des femmes s’était formé autour d’une femme et d’un homme, Maria Deraismes et Léon Richer.
Ce dernier y a exercé une influence telle que sa présence a soulevé des insatisfactions chez des militantes qui noteront que « ces messieurs ne vont pas aussi loin que nous » dans les revendications qu’ils portent au nom des femmes, puisque « leurs intérêts ne sont pas les mêmes » (propos de Julie Daubié et Maria Deraismes, cités dans Rochefort (1995 : 193)). Pour un observateur de l’époque, ces « transfuges du camp des hommes » devraient « se cantonner dans le rôle modeste d’auxiliaire » (cité dans Rochefort (1995 : 193)). Les femmes ont repris le plein contrôle de leur mouvement après la mort de Léon Richer. Les hommes qui les y ont rejointes ont souvent été des conjoints des militantes et se sont contentés d’un rôle d’auxiliaire. Christine Delphy (2002a : 171), pour sa part, se rappelle la première grande manifestation pour l’avortement libre en France en 1971 : « Si un tiers des hommes était derrière, comme convenu, les autres deux tiers étaient devant, cachant les femmes […] Aucune exhortation ne pouvait les convaincre de se remettre, sinon derrière, au moins dans les rangs […] Il fallait que là encore ils soient, comme d’habitude, au premier rang de ce qui se passait. » Christine Delphy, constatant que ces compagnons de route (2002a : 172) « ne visent rien de moins qu’à maintenir leur pouvoir jusqu’à l’intérieur du petit bastion de résistance à ce pouvoir », soit le mouvement féministe, se demande ceci (2002a : 171) : « Où est alors la différence entre ces “amis” et nos ennemis déclarés […] ? »
Récemment encore, plusieurs hommes proféministes ont été critiqués pour divers motifs. Dans son texte intitulé « Nos amis et nous : fondements cachés de quelques discours pseudo-féministes », Christine Delphy met les féministes en garde contre les hommes proféministes. Ils sont inaptes – de par leur position de mâle – à percevoir aussi clairement que des femmes la complexité des enjeux féministes. Delphy précise que « l’oppression est une conceptualisation possible d’une situation donnée ; et cette conceptualisation ne peut provenir que d’un point de vue, c’est-à-dire d’une place précise dans cette condition : celle d’opprimé » (Delphy 2002b : 281 ; voir aussi Harding (2004)). Ils sont de plus réfractaires à laisser les femmes développer un mouvement et une pensée féministes par et pour les femmes, par crainte de perdre de l’influence et du pouvoir. Dans tous les cas, ces hommes proféministes continueront à tirer des avantages du patriarcat du simple fait d’être un homme (Dagenais et Devreux 1998 ; MacKinnon 2005 ; Valian 1999). Comme le soulignent Christine Delphy (2002a) et Peggy McIntosh (2001), un homme jouit en tout temps de privilèges symboliques ou matériels, du simple fait d’être un homme. Christine Delphy (2002a : 186 et 188) rappelle ainsi au sujet d’un homme hypothétique qui voudrait entretenir une relation égalitaire avec une femme « qu’il ne peut à lui tout seul supprimer, détruire ce qu’il n’a pas fait ». Elle ajoute que, « pour la même raison, il ne peut pas plus supprimer les désavantages institutionnels de la femme ». (…)
Même lorsque l’homme proféministe se positionne comme un protecteur de femmes et des féministes, il adopte un rôle masculin bien balisé par le patriarcat qui postule des dominants – prédateurs ou protecteurs – et des « femmes faibles » (Descarries 2005 : 139) et dominées, proies ou protégées. L’homme proféministe est donc problématique à la fois parce qu’il ne peut seul se départir de son statut de mâle et parce qu’il saura en certaines occasions, et surtout les plus contentieuses, agir comme un mâle et tirer profit de ses avantages de mâle.
Cela dit, Christine Delphy (2002a : 215, note 3) n’esquive pas « la question qu’on ne peut manquer de se poser : ’Mais alors, les hommes ne peuvent rien faire dans le cadre de la lutte antipatriarcale ?’ », à laquelle elle répond en pointant vers la pratique « de certains hommes qui, au lieu de nous donner des conseils [aux femmes et aux féministes], travaillent sur eux, sur leurs problèmes sexistes ; qui, au lieu de nous interpeller, s’interrogent, au lieu de prétendre nous guider, cherchent leur voie, qui parlent d’eux et non pas de nous. » Elle ajoute que ces hommes « cherchent en quoi la lutte antipatriarcale les concerne directement, dans leur vie quotidienne. Et ils le trouvent sans difficulté, inutile de le dire. Car c’est pour l’ignorer qu’il faut se donner du mal. » Lorsque Delphy suggère qu’un homme doit se demander en quoi la lutte antipatriarcale le concerne directement, on peut comprendre qu’il lui faut se considérer comme étant lui-même en position de pouvoir devant les femmes de par son appartenance à la classe des hommes. Il convient donc qu’il travaille à réduire ce pouvoir, c’est-à-dire qu’il s’engage dans un processus de disempowerment. (…)
Qu’est-ce qui mène un homme sur la route du féminisme ?
Cinq hypothèses permettent d’expliquer au moins partiellement le choix et l’engagement proféministe : 1) un désordre d’identité sexuelle ; 2) une éthique égalitariste ; 3) l’affection à l’égard des femmes ; 4) l’intérêt et la recherche d’avantages ; et 5) l’influence du féminisme.
La première hypothèse, soit un désordre d’identité sexuelle, est principalement critique des hommes proféministes et participe de l’offensive antiféministe, qui dénigre les hommes proféministes en prétendant qu’ils sont motivés par une haine de leur sexe (Dallaire 2001 : 67) ou encore parce qu’ils sont des « castrés » (Zemmour 2006 : 129 et 131) ou des « eunuques serviles » (Lebel 2006a). Dans cette perspective, la position politique des hommes proféministes s’explique « fondamentalement par manque de couilles » (Gélinas 2002 : 16). Il conviendrait alors de distinguer « les vrais » hommes des proféministes rongés par une « culpabilité névrotique » (Gélinas 2002 : 16 et 209). Les féministes connaissent bien cette tactique de dénigrement, puisque leur engagement est souvent réduit à des considérations psychologiques et sexuelles (elles sont féministes parce que « lesbiennes » ou « mal baisées »). La hargne et le mépris qu’expriment des hommes ouvertement antiféministes à l’égard des hommes proféministes tiennent de ce que les premiers considèrent que les seconds sont des « traîtres » à leur classe de sexe. « Nous avons besoin de “traîtres de genre” », dira d’ailleurs la féministe Sandra Bartky (1998 : XII ; voir aussi Digby (1998 : 3). On pourrait en déduire qu’un homme proféministe souffre de cette stigmatisation par ses pairs, comme le suggère le proféministe Michael Kimmel (1998 : 60). Or ce désagrément peut être largement compensé par le prestige ou la sympathie qu’accordent des féministes à leurs compagnons de route. Si l’homme proféministe voit diminuer son « pouvoir avec » les autres hommes, il y gagne un « pouvoir avec » les féministes.
La deuxième hypothèse, c’est-à-dire une éthique égalitariste, est plus sympathique envers les hommes proféministes dont l’engagement s’expliquerait par soif d’égalité. Cette hypothèse est idéaliste, c’est-à-dire qu’elle présuppose que les idées et les valeurs portées par un individu le font agir en correspondance avec celles-ci. Selon cette hypothèse, un homme qui accorde une part importante à l’idée d’égalité dans la construction de son identité aura – en principe – plus de chances d’être proféministe dans la mesure où il cherche ainsi à préserver sa cohérence identitaire à ses propres yeux et aux yeux des personnes à qui il accorde de l’importance. C’est d’ailleurs le plus souvent dans les milieux progressistes que l’on trouve des hommes portés à s’engager aux côtés des féministes. Cependant, tous les hommes « progressistes » ne sont pas proféministes, tant s’en faut. En France, par exemple, c’est à la droite que les femmes ont arraché le droit de voter et d’être élues. Par ailleurs, l’extrême gauche se plaît souvent à accorder la priorité à la lutte anticapitaliste, en laissant entendre que les autres « questions » sont secondaires et que le sexisme disparaîtra nécessairement après la chute du capitalisme. L’hypothèse éthique fait donc la part trop belle aux hommes proféministes (qui seraient des « justes ») et passe sous silence les luttes que des femmes ont menées au sein des organisations de gauche et d’extrême gauche pour convaincre leurs « camarades » d’adhérer à leur cause.
La troisième hypothèse, soit l’affection à l’égard des femmes, énonce que cette affection, soit l’amour et l’amitié, peut entraîner des hommes sur la voie du féminisme. Plusieurs féministes se méfient de l’amour dans un cadre hétérosexuel, l’« amour » pouvant être une arme efficace pour maintenir la domination d’un homme sur une femme (Atkinson 1975 ; Delphy 2002a : 187 ; Löwy 2006 : 53-57).
Toutefois, l’amour pourrait aussi permettre à l’aimée d’ouvrir chez son amoureux des brèches en faveur du féminisme. Michelle Perrot (1999 : 15) explique d’ailleurs qu’« il faut à un homme beaucoup d’abnégation, d’amour, de complicité » pour qu’il soit proféministe. Le compagnon de route et de coeur d’une féministe peut, en raison de son affection envers elle, réagir avec plus de solidarité lorsqu’elle lui explique la difficulté de sa lutte à mener et lui révèle les situations d’oppression qu’elle vit par rapport aux hommes. Des hommes peuvent également ressentir une solidarité pour des femmes dont ils se sentent proches – mère, soeur, amie, collègue, etc. – et se révolter contre l’oppression qu’elles subissent. Comme le dit Albert Camus (1951 : 29), « [l]a révolte ne naît pas seulement, et forcément chez l’opprimé, elle peut naître aussi du spectacle de l’oppression dont un autre est victime ». Cependant, l’affection et la solidarité ne sont pas synonymes d’égalité.
Comme le souligne Christine Delphy (2004b : 25), « [a]ucun degré d’empathie ne peut remplacer l’expérience. Compatir n’est pas pâtir. » Des hommes savent par ailleurs très bien aimer des femmes qu’ils méprisent, exploitent et brutalisent, l’amour leur permettant de parfaire leur prise de contrôle. Cette hypothèse romantique fait donc elle aussi la part trop belle aux hommes proféministes et à la prétendue noblesse de leurs valeurs et de leurs motivations.
Selon la quatrième hypothèse, c’est-à-dire l’intérêt et la recherche d’avantages, un homme sera d’autant plus porté à être proféministe, ou à tout le moins à se dire publiquement proféministe, qu’il y verra une possibilité d’en tirer des avantages. Certains hommes hors normes, dont le caractère ne cadre pas avec une masculinité viriliste, peuvent tirer profit du féminisme pour s’assurer une certaine cohérence identitaire. De plus, les hommes proféministes savent profiter de leur position politique d’au moins cinq façons, que l’on peut illustrer par cinq figures déjà présentées par Sandra Bartky (1998 : XIII) et David J. Kahane (1998 : 215) : l’opportuniste, le poseur, l’initié, l’humaniste, l’autoflagellateur.
L’opportuniste est celui qui se déclare « féministe » lorsqu’il sent que le féminisme est de bon ton et à la mode, à tout le moins dans certains milieux. Il espère ainsi se positionner avantageusement dans un champ professionnel précis (le monde universitaire, par exemple) ou se rendre plus sympathique aux femmes. Le poseur, pour sa part, s’intéresse aux théories féministes de façon abstraite. Son « féminisme de façade » (Descarries 2005 : 147) n’a pas d’impact dans sa vie. Il peut même se servir de ses connaissances du féminisme pour faire la leçon à des femmes.
L’initié, quant à lui, se sent partie prenante à la cause féministe et il milite dans des groupes proféministes. Il se gagne la sympathie des femmes – militantes, mères et soeurs, compagnes et amies – du simple fait qu’il se dit « féministe ». Il se sent supérieur par rapport aux autres hommes, car ce sont eux – et jamais lui – qui sont coupables de misogynie et responsables du patriarcat. De son côté, l’humaniste admet qu’il profite du patriarcat, mais il dit souffrir de ce système injuste au même titre que les femmes, car l’injustice et l’inégalité le révulsent par principe. Enfin, l’autoflagellateur, vit son féminisme tel un chemin de croix qui lui apportera rédemption. Il veut se libérer de son propre sexisme et rêve d’être un individu pur et sans contradictions. L’autoflagellateur et l’humaniste veulent à tout prix démontrer que le féminisme est bon pour les hommes et pour l’« Homme ».
Si l’humaniste adopte une approche plus philosophique, l’autoflagellateur aborde le féminisme d’un point de vue psychologique. Son féminisme est thérapeutique plutôt que politique. Les hommes peuvent donc être proféministes s’ils pensent en tirer divers avantages, que ce soit la construction et la justification d’une identité sexuelle en décalage avec la masculinité viriliste, une haute estime de soi en se comparant aux autres hommes, une image publique d’individu courageux et progressiste ou encore (et pour le dire de façon très crue) un accès plus aisé aux corps de féministes qui pourraient être plus enclines à tomber sous le charme d’un homme proféministe que sous celui d’un misogyne affirmé.
Enfin, selon la cinquième hypothèse, soit l’influence du féminisme, ce serait toujours à la suite de confrontations par des féministes qu’un homme en vient à se penser proféministe. Cette hypothèse peut paraître déprimante et même cynique, surtout pour des idéalistes qui espèrent que les idées et les valeurs déterminent les actions, mais elle est cohérente avec une approche politique qui voit les rapports de force et les intérêts de pouvoir comme les déterminants premiers des actions et des inactions des protagonistes politiques. Comme le rappelait l’ancien esclave Frederick Douglass (2004 : I), par ailleurs partisan du droit des femmes au vote et à l’éligibilité électorale, « [s]’il n’y a pas de lutte, il n’y a pas de progrès […] La lutte peut être morale, ou elle peut être physique, ou elle peut être morale et physique à la fois ; mais il faut une lutte. Le pouvoir ne concède rien sans revendications. Il ne l’a jamais fait et ne le fera jamais. » Anne-Marie Devreux (2004 : 11) rappelle, au sujet de la sphère domestique, que c’est lorsque « les femmes sont en mesure de faire valoir leurs droits à l’activité professionnelle, au temps personnel, au partage égalitaire du travail domestique » que l’on peut constater un engagement significatif des (rares) « nouveaux pères » dans les tâches domestiques et parentales. Ce sont donc les féministes qui produisent, par leurs efforts et leurs luttes, des hommes proféministes. Comme le dit l’adage, il y a derrière chaque homme proféministe plusieurs féministes épuisées d’avoir tant bataillé et de l’avoir tant confronté. (…)
Malheureusement, même la présence individuelle d’hommes proféministes dans le réseau féministe pose problème. Mélissa Blais a participé à la Coalition anti-masculiniste (2004-2005) qui comptait des femmes et des hommes et qui avait été mise sur pied pour contester le congrès Paroles d’hommes à l’Université de Montréal en avril 2005. Forte de cette expérience, et s’inspirant du bilan que les femmes y militant en ont proposé, elle porte un regard critique sur la mixité organisationnelle dans le contexte de la lutte féministe. Elle note que des hommes membres de cette coalition ont fait subir aux militantes des attitudes dominatrices et que les femmes ont dû consacrer énergie et temps pour rétablir un rapport de force acceptable pour elles. La présence d’hommes séducteurs peut aussi fissurer la solidarité entre femmes. « En somme », note Blais (à paraître), « il existe un décalage bien réel entre les intentions des hommes pro-féministes et les effets de leur présence au sein d’une organisation féministe. La bonne intention ne suffit donc pas à éliminer la hiérarchie. Conséquemment, la mixité comporte son lot de problèmes pour les femmes. » En fin de compte, l’apport militant positif des proféministes ne compense pas nécessairement les effets négatifs que leur présence occasionne aux féministes. Si la présence des hommes proféministes dans le mouvement féministe est positive, car ils apportent de l’énergie et des forces qui peuvent participer à son dynamisme, cette présence a également des effets négatifs puisqu’elle oblige certaines ou plusieurs femmes à dépenser énergie et force à les surveiller et – souvent – à les confronter. Les féministes devraient donc se méfier des hommes proféministes et se donner des mesures pour se prémunir contre leur influence néfaste. (…)
- Extraits de l’article « Les hommes proféministes : compagnons de route ou faux amis ? » par Francis Dupuis-Déri, publié dans Recherches féministes, vol. 21, numéro 1, 2008 (pp.149-169) - Recherches féministes. Ce numéro de Recherches féministes souligne les 20 ans de cette revue féministe universitaire. Nous recommandons de vous procurer ce numéro du 20e anniversaire de Recherches féministes.
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- Nous remercions l’auteur et la revue Recherches féministes de l’autorisation de publier de larges extraits de cet article sur le site Sisyphe. Nous espérons ainsi contribuer à la réflexion sur le sujet.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 15 mars 2010
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Féminisme et quartiers populaires
Publié dans europe sans frontière http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article23598
Une version courte de cette contribution, versée à la réflexion de féminix", a été publiée dans un bulletin préparatoire à des « rencontres féministes » préparées dans le cadre du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA, France).
Une version courte de cette contribution, versée à la réflexion de féminix", a été publiée dans un bulletin préparatoire à des « rencontres féministes » préparées dans le cadre du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA, France).
1442), Féminisme et capitalisme : une ruse de l’histoire.
Féminisme et quartiers populaires
JOHSUA Manue
16 novembre 2011
« Je n’ai jamais réussi à définir le féminisme. Tout ce que je sais, c’est que les gens me traitent de féministe chaque fois que mon comportement ne permet plus de me confondre avec un paillasson » Rebecca WEST. 1913.
Quel titre ambitieux ! Ou comment faire en sorte que personne ne soit d’accord avec vous. Avant de commencer cette contribution, il est bon de préciser qu’elle n’a vocation qu’à lancer un débat qui, il faut bien le dire, s’organise sur de très mauvaises bases. Question tripale s’il en est, question qui nous a déchiré-e-s, question qui n’est jamais prise par le biais du bilan politique mais toujours par le biais d’études sociologiques.
Autre précaution, les femmes des quartiers populaires ne sont pas « une », elles ont des visages variés, elles sont plurielles et avant de lire la suite, il faut faire un effort de mise à distance d’une image construite par les dominants.
Depuis plusieurs années les courants les plus réactionnaires mais aussi une partie de la gauche du pays se plaisent à faire passer les quartiers populaires pour des zones de non-droit pour les femmes et pour toute idée émancipatrice. Nous devons condamner cette vision due au mépris de classe et au racisme. Pour autant cette dénonciation ne doit pas nous faire basculer dans un autre sens. Beaucoup de contributions pour dénoncer cette dérive tombent dans un autre travers. Le féminisme est montré alors comme un potentiel danger, une source de confusion idéologique qui stigmatise les populations des quartiers populaires. A partir de là, par un effet domino, tout mouvement de femmes ou féministes dénonçant les violences faites aux femmes est marqué du sceau de la méfiance.
Nous devons dans les quartiers populaires, dénoncer le racisme et l’islamophobie mais aussi mettre en avant une vision féministe. Ne pas le faire serait considérer d’emblée que certaines populations ne sont pas prêtes à percevoir la complexité de la société dans la quelle nous vivons, ou ne seraient pas prêtes à lier les deux combats. Je renvoie sur cette question au texte de réponse à Capucine et Lisbeth écrit par Hélène, Marie-Do, Ingrid, Sophie et Josette. [1]
Quartier populaire et questions privées : une vieille histoire
(Parce que les pauvres sont toujours la plèbe)
Cette manière de criminaliser les couches les plus pauvres sur les questions de la vie privée n’est pas nouvelle. Au XIX° siècle la vision bourgeoise présentait les classes ouvrières ou paysannes comme quasi systématiquement violentes contre leurs enfants et leurs femmes. Cette vision stéréotypée de l’homme ouvrier, père de famille était bien évidemment scandaleuse. Pour autant certains problèmes existaient. Beaucoup de ces problèmes familiaux furent pris en charge par le mouvement ouvrier. Le problème de l’alcoolisme, du refus de la violence dans les familles paraît sur tous les tracts. Ainsi, le mouvement ouvrier, très rapidement s’est posé la question de la vie privée, basculant d’ailleurs souvent dans des visions normatives de ce que devait être une famille ouvrière ou paysanne honnête.
Une fois présenté ce tableau, peut-on dire que lorsque les instituteurs de la III° République enseignaient aux enfants qu’il ne fallait pas boire parce que cela rendait les gens violents, ils avaient tort ?
Par cet exemple, je veux montrer que mettre dans un même panier la vision de la bourgeoisie des forges, celle des institutrices et instituteurs de la III° République, et celle des bourses du travail, ne nous viendrait pas à l’idée.
Par ailleurs, alors que ce questionnement sur les conditions de vie familiales était posé, d’autres femmes issues de couches plus aisées de la population se battaient pour obtenir le droit de vote et le droit à l’éligibilité. Aujourd’hui dans l’histoire de l’évolution de la condition des femmes ces deux questions restent liées. A l’époque, tel ne fut pas le cas…. Une partie du mouvement ouvrier et de la gauche se battaient contre ces revendications dites bourgeoises qui dévoyaient la lutte de son combat essentiel.
Beaucoup, dans nos rangs se réclament aujourd’hui du « Black Feminism », et voient un titre qui leur semble intéressant (en le collant artificiellement à nos réalités nationales). Mais qui a lu « Racisme, féminisme et lutte des classes » d’Angela Davis, voit à quel point ces questions ont toujours été complexes. Il existait des suffragettes racistes, des abolitionnistes contre le droit des femmes et des hommes abolitionnistes et féministes qui se faisaient moquer par tous les autres.
Je ne reviendrai pas sur tous les aspects de cette problématique mais il règne dans notre parti une manière manichéenne de voir cette question. Le gouvernement et la gauche bien-pensante présentent le stéréotype de l’homme des quartiers (noir ou arabe) comme violent, machiste et réactionnaire. Il faut se battre contre cette vision. Mais si un homme des quartiers est violent, réactionnaire ou machiste, il faut y voir le produit de l’oppression sexiste et le combattre aussi.
Féminisme et associations de quartiers
Le recul du mouvement féministe qu’a connu la société a bien évidemment concerné aussi les quartiers populaires. La disparition des structures issues du PC, des militants chrétiens de gauche, la fin des équipes liées à la « Marche pour l’égalité », etc… ont laissé un vide, y compris sur ces questions.
Nous voilà revenues, à la base, réexpliquer que les femmes doivent sortir de la sphère privée, doivent se battre pour maintenir quelques droits. Les conditions de vie des femmes dans les cités marseillaises, par exemple, dépendent très souvent du travail effectué par les maisons de quartier. Celles qui ont la chance d’avoir un bon centre social militant, auront la chance de connaître leurs voisin-e-s, et seront plus résistant-e-s face à la détérioration des conditions de vie et aux oppressions qu’elles subissent. Clubs de couture, clubs cinéma, points de discussions entre parents (souvent les mamans), cours du soir ou aides aux devoirs sont autant de bases de potentielles résistances. Ce n’est pas obligatoirement du féminisme mais c’est un début de prise de conscience. Pourtant, cela ne règle pas tous les problèmes.
On reproche aux féministes d’être absentes des interventions dans les quartiers. C’est souvent un procès injuste qui leur est fait. Les féministes sont des militant-e-s, de moins en moins nombreus-es qui font leur maximum, là où elles (ils) sont : par exemple dans leur travail quand elles exercent dans un quartier populaire
Féminisme populaire, syndicats et partis
Avec la baisse de l’organisation des populations des quartiers dans les structures traditionnelles du mouvement de masse, le travail féministe de base a dû trouver d’autres biais pour exister. Il est plus facile de se battre collectivement pour le droit du travail dans une usine que de se battre pour les droits de femmes au chômage, cumulant des contrats précaires, des petits boulots ou se battant dans la jungle des démarches administratives pour les minimas sociaux. C’est en cela qu’une prise de conscience collective devient très difficile. Aujourd’hui, 80% des travailleurs précaires sont des travailleuses. Par ailleurs, c’est elles le plus souvent qui gèrent les obligations familiales. L’appellation politiquement correcte de « famille monoparentale » cache principalement l’expression « mère seule ».
Face à cela et comme dans beaucoup de pays pauvres, se développe, un « féminisme populaire », qui fait du féminisme sans le savoir ou en le sachant très bien, se battant pour des droits concrets et immédiats. Dans certains quartiers, si le tissu social reste dense, ces groupes voient le jour, vivent et organisent les femmes entre elles. Mais très souvent, ces structures, confrontées à des problèmes immédiats, cherchent des solutions immédiates. C’est tout à leur honneur mais cela pousse quelquefois à ne voir les femmes des quartiers que dans le cadre de la cellule familiale. On est aidé-e en tant que mère.
Autrefois, les réponses immédiates à des problèmes concrets finissaient par être absorbées et digérées par les structures traditionnelles du mouvement ouvrier. Même si cela nécessitait des batailles au sein même de ces groupes (débat sur le droit de vote, sur l’égalité des salaires, sur l’avortement….). Aujourd’hui chaque lutte acharnée menée par ces structures est aussitôt oubliée ou est à recommencer.
C’est en cela que le CNDF est une structure essentielle à préserver. Non pas parce qu’elle répond immédiatement aux problèmes des filles des quartiers populaires mais bien parce que cette mise en commun des organisations, ce lien entretenu avec les structures traditionnelles du mouvement social permet de créer une caisse de résonnance pour ce travail féministe quotidien. Notre intervention en tant que militant-Es politiques doit être de cet ordre là, lier les combats des femmes avec une histoire, et avec des groupes syndicaux, politiques pouvant faire caisse de résonnance. [2].
Et s’il faut tirer un bilan…. Tirons-le sérieusement
Le féminisme serait-il post-colonial ?
Il serait idiot de penser que la polémique sur le féminisme post colonial (voir appel de 2004) n’était qu’un simple piège. Il faut bien évidemment tirer les bilans du féminisme des années 1970. Pour autant, les mêmes qui se réclament d’un féminisme différent, ne font dans leur appel de 2004, aucune distinction entre les divers courants féministes qui existaient. Il n’y plus qu’une seule féministe blanche, potentiellement raciste et toujours donneuse de leçons. Souvent, le lien est fait aussi avec les institutions et quelquefois avec les théories de nos ennemis. Par exemple, on peut lire à Lyon, en mars 2007, dans un appel à un meeting par le groupe « Rebellyon.fr , collectif des féministes indigènes » : « Personnalités politiques, intellectuel-e-s, féministes, représentants institutionnels... en France, se penchant avec humanisme et compassion sur le sort des femmes issues de l’immigration post-coloniale que NOUS sommes ». On peut comprendre que cette généralisation et la confusion qu’elle autorise énervent.
Tirer le bilan du féminisme, ce n’est pas globaliser. Les féministes qui se réclamaient d’un féminisme lutte des classes se sont battues pied à pied pour que leurs idées l’emportent. Tel ne fut pas le cas… Mais c’est toujours un peu fort de café de voir que l’on accuse ces courants des dérives réactionnaires de leurs ennemis.
On glorifie le militant ouvrier qui s’est battu seul face à la droite, au stalinisme et aux trahisons de la gauche. Cela ne nous viendrait pas à l’idée de le renvoyer aux côtés de BHL, simplement parce que ce qu’il défendait ne l’a pas emporté.
Le mouvement féministe comme le mouvement ouvrier a subi les effets de la contre offensive ultralibérale. De nouveaux courants prétendent bousculer les rangs des féministes et posent aujourd’hui la question d’une possible dérive raciste mais ils prennent parfois un raccourci fort injuste et surtout fort malsain.
Le féminisme serait-il bourgeois ?
Le féminisme, on le sait est un mouvement qui traverse les classes et qui depuis les années 1970, traverse les murs de la vie privée. Les problèmes des femmes de la haute bourgeoisie n’ont rien à voir avec les problèmes de la femme de ménage sans-papier. Mais pourtant l’amélioration du droit du travail pour les unes donnera un peu d’air aux autres. C’est ce qui fait la force et la faiblesse de cette lutte. Ainsi, fallait-il se battre pour le droit de vote des femmes alors que les ouvrières mourraient de pneumonie dans les usines ? La réponse est « oui ». Les deux combats se mêlent. Les deux luttes se sont nourries. N’en déplaise à certain-e-s.
Alors est-ce qu’un féminisme porté par des femmes bourgeoises peut donner des réponses pour les femmes des quartiers populaires ? Les penseuses féministes de gauche (même les plus « postcoloniales » …) sont des intellectuelles, elles sont souvent issues de classes aisées. Ce constat est le même pour tout le mouvement ouvrier. Mais on note ici, que l’origine sociale des penseurs du socialisme revient peu, voire pas du tout dans nos débats. Il devrait en être de même pour les intellectuelles féministes.
Un exemple polémique : « Ni putes, ni soumises »
Difficile au regard du titre de ne pas tirer le bilan du mouvement « Ni putes, ni soumises ». Quand on lit la charte initiale, c’est sans conteste un cri de colère féministe que l’on retrouve dans le « Livre blanc des femmes des quartiers ». Le refus du silence et la réaction collective à la mort d’une jeune fille brûlée vive ont initialement été aussi marqués par le refus de la stigmatisation des populations des quartiers. Pourtant rapidement, le problème s’est posé… Fallait-il parler des conditions de vie des femmes dans les quartiers et alimenter jour après jour les escarcelles des racistes et des réactionnaires ? Je continue à penser que ce mouvement a répondu à une attente, à un problème. Mais l’absence d’une perspective d’émancipation prenant en compte l’articulation des dominations a entrainé une dérive rapide et catastrophique. En choisissant progressivement de se parer du seul rempart de la laïcité bourgeoise, la fin était prévisible. Cette évolution manifeste en négatif le fait que c’est justement dans une résistance s’appuyant sur une analyse liant entre elles les dominations que résident notre perspective pour le féminisme.
Le problème des violences faites aux femmes était alors renvoyé à un problème de « jeune de banlieues ». Fin du bal, tout le monde y retrouvait ses petits. Ceux qui voulaient voir dans ce mouvement, une simple stigmatisation de plus des populations des quartiers, ont fini par avoir raison. Le combat des jeunes filles des quartiers a fini dans l’imaginaire collectif à en être réduit à une simple alternative entre le port du voile ou non, gommant tous les autres combats. Fadéla Amara, ministre de Sarkozy a clôt le processus.
C’est la triste loi du rapport de force perdu lié à la loi de la société machiste. La faute est retombée sur les déjà bien fragiles épaules du mouvement féministe dans sa globalité. Et là dedans, pas de ligne de partage : le mouvement féministe lutte des classes s’est vu assimilé, voire accusé de cette dérive au même titre que les autres.
Qui se souvient aujourd’hui du départ des camarades marseillaises ou d’autres qui quittent NPNS pour protester contre ces dérives, qui se souvient encore du départ de NPNS du CNDF parce que ce dernier refusait de faire un Nième rappel aux valeurs de la république. Et surtout qui veut s’en souvenir ?
Cet exemple là, n’est que ce que Nancy Fraser explique à un niveau international, beaucoup mieux que moi. Elle cite dans son article « Féminisme et capitalisme : une ruse de l’histoire » [3], l’exemple des campagnes des ONG pour les droits humains : « les campagnes pour les droits humains des femmes, dit-elle, furent intégralement centrées sur les questions de violence et de reproduction, par opposition aux enjeux de pauvreté…. Ces efforts ont eux aussi fait passer la reconnaissance avant le redistribution ». Enjeu de reconnaissance, finalement plus facile à accepter pour les capitalistes.
Alors que faire ?
J’ai donné quelques pistes, en évoquant la participation au CNDF ou en se battant jour après jour dans les structures de masse auxquelles nous devons participer afin que les questions des droits des femmes soient portées de la façon la plus large possible. J’ai rendu hommage aussi aux associations de femmes, aux féministes, aux maisons de quartier qui jour après jour mènent des luttes concrètes. La crise du capitalisme, sans précédent, qui n’en finit plus de rebondir, a déjà eu des effets immédiats sur les quartiers populaires. Croire que cela n’augmentera pas les violences dans ces quartiers serait mal connaitre ce que c’est que subir la pauvreté et la fin de tout espoir. Comme souvent les femmes seront en première ligne. Il faudra alors recommencer un travail qui lie le féminisme aux questions de classe, tout en luttant pied à pied contre les stéréotypes.
Safia Lebdi (une des perdantes de la bataille dans NPNS) disait en 2004 : « On aborde souvent la problématique des cités comme un ailleurs avec ses codes, ses règles et ses rituels. En fait cet univers n’est que le miroir de la société où chacun de nous voit les traces de nos renoncements… car en réalité, il n’y a pire violence que celle du libéralisme sauvage qui manipule l’individu au point de ne plus lui laisser de conscience, sinon celle de sa fausse liberté qui tourne à vide et finit par le déprendre de lui-même »
Manue Johsua
JOHSUA Manue
Notes
[1] Publié dans la revue TEAN, octobre 2001. Disponible sur ESSF (article 23597), Articulation entre féminisme et antiracisme.
[2] cf. l’article de Josette Trat, publié dans Femmes, Genre, Féminisme, dans la petite collection Les Cahiers de Critique Communiste, aux éditions Syllepse en 2007, p. 9-32.
[3] Voir sur ESSF (article 2
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 68
Localisation : La terre
Re: Féminisme
Pas de réaction ? ¨Pourtant, il y aurait à dire, par exemple sur ce passage :
Un exemple polémique : « Ni putes, ni soumises »
Difficile au regard du titre de ne pas tirer le bilan du mouvement « Ni putes, ni soumises ». Quand on lit la charte initiale, c’est sans conteste un cri de colère féministe que l’on retrouve dans le « Livre blanc des femmes des quartiers ». Le refus du silence et la réaction collective à la mort d’une jeune fille brûlée vive ont initialement été aussi marqués par le refus de la stigmatisation des populations des quartiers. Pourtant rapidement, le problème s’est posé… Fallait-il parler des conditions de vie des femmes dans les quartiers et alimenter jour après jour les escarcelles des racistes et des réactionnaires ? Je continue à penser que ce mouvement a répondu à une attente, à un problème. Mais l’absence d’une perspective d’émancipation prenant en compte l’articulation des dominations a entrainé une dérive rapide et catastrophique. En choisissant progressivement de se parer du seul rempart de la laïcité bourgeoise, la fin était prévisible. Cette évolution manifeste en négatif le fait que c’est justement dans une résistance s’appuyant sur une analyse liant entre elles les dominations que résident notre perspective pour le féminisme.
Le problème des violences faites aux femmes était alors renvoyé à un problème de « jeune de banlieues ». Fin du bal, tout le monde y retrouvait ses petits. Ceux qui voulaient voir dans ce mouvement, une simple stigmatisation de plus des populations des quartiers, ont fini par avoir raison. Le combat des jeunes filles des quartiers a fini dans l’imaginaire collectif à en être réduit à une simple alternative entre le port du voile ou non, gommant tous les autres combats. Fadéla Amara, ministre de Sarkozy a clôt le processus.
C’est la triste loi du rapport de force perdu lié à la loi de la société machiste. La faute est retombée sur les déjà bien fragiles épaules du mouvement féministe dans sa globalité. Et là dedans, pas de ligne de partage : le mouvement féministe lutte des classes s’est vu assimilé, voire accusé de cette dérive au même titre que les autres.
Qui se souvient aujourd’hui du départ des camarades marseillaises ou d’autres qui quittent NPNS pour protester contre ces dérives, qui se souvient encore du départ de NPNS du CNDF parce que ce dernier refusait de faire un Nième rappel aux valeurs de la république. Et surtout qui veut s’en souvenir ?
Cet exemple là, n’est que ce que Nancy Fraser explique à un niveau international, beaucoup mieux que moi. Elle cite dans son article « Féminisme et capitalisme : une ruse de l’histoire » [3], l’exemple des campagnes des ONG pour les droits humains : « les campagnes pour les droits humains des femmes, dit-elle, furent intégralement centrées sur les questions de violence et de reproduction, par opposition aux enjeux de pauvreté…. Ces efforts ont eux aussi fait passer la reconnaissance avant le redistribution ». Enjeu de reconnaissance, finalement plus facile à accepter pour les capitalistes.
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 68
Localisation : La terre
Re: Féminisme
gérard menvussa a écrit:Pas de réaction ? ¨Pourtant, il y aurait à dire,
Ben, vas-y alors !
Bon, j'ai lu ce texte et je me suis d'abord dit une fois de plus que les textes qui ouvrent des sujets pour ne pas prendre position clairement m'énervent. Par exemple
il règne dans notre parti une manière manichéenne de voir cette question. Le gouvernement et la gauche bien-pensante présentent le stéréotype de l’homme des quartiers (noir ou arabe) comme violent, machiste et réactionnaire. Il faut se battre contre cette vision. Mais si un homme des quartiers est violent, réactionnaire ou machiste, il faut y voir le produit de l’oppression sexiste et le combattre aussi.
Bon, déjà personne dans le parti dit qu'il ne faut pas le combattre. Mais je me suis dit "c'est polémique, elle va ensuite développer pour expliquer comment le combattre. Non, pas du tout, elle passe à autre chose. M'énerve.
Dans un deuxième temps je me suis dit "Bon ce texte n'est pas clair, mais il doit bien avoir une fonction. Quelle est-elle ?". J'ai compris que le but était de défendre le CNDF comme cadre central d'intervention féministe. De façon générale, comme la plupart des interventions de ce côté-ci du débat c'est très défensif, et pas clair sur les questions qui fâchent - par ailleurs il y a un souci qui à mon avis est un souci de fond dans la démarche de la LCR puis du NPA, qui est de considérer le combat des femmes comme une question autonome, et non comme partie fondamentale de al lutte des classes - du coup on se rattrape en parlant de "féminisme lutte des classes", mais les dissonances sont forcément nombreuses, sur des questions comme les violences faites aux femmes, la prostitution, et bien entendu l'islamophobie.
Pour être plus explicite : je pense que si on ne prend pas en compte à la fois l'oppression des femmes, la compréhension marxiste de la religion, et la situation actuelle de l'impérialisme, on ne peut pas analyser correctement la question du foulard - de même pour la prostitution si on la sépare de la question des droits des migrantes et des violences policières, etc. Evidemment les camarades plus particulièrement impliqué-es dans l'"intervention féministe" ont des connaissances et des pratiques dans d'autres domaines, mais la tendance à séparer les questions a tout de même eu comme résultat une tendance à diviser les réponses.
sylvestre- Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010
Re: Féminisme
Pourtant moi, ça me semble tout a fait clair, au contraire ! ca se bat contre une conception du féminisme dans les quartiers SPECIFIQUE (et qui peut être aussi bien celle de la gauche bien pensante, que de celle de la gauche postcoloniale mal pensante) et avance la nécessité de se battre pour une structure femme "spécifique" (c'est a dire contre des structures "spécifiques" pour les femmes des quartiers, en butte au racisme et aux discriminations) Ce qui peut se défendre a condition de mener le combat tout a fait nécessaire pour la prise en compte de certains aspects spécifiques de leur combatles textes qui ouvrent des sujets pour ne pas prendre position clairement
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 68
Localisation : La terre
Re: Féminisme
gérard menvussa a écrit:Pourtant moi, ça me semble tout a fait clair, au contraire ! ca se bat contre une conception du féminisme dans les quartiers SPECIFIQUE (et qui peut être aussi bien celle de la gauche bien pensante, que de celle de la gauche postcoloniale mal pensante) et avance la nécessité de se battre pour une structure femme "spécifique" (c'est a dire contre des structures "spécifiques" pour les femmes des quartiers, en butte au racisme et aux discriminations) Ce qui peut se défendre a condition de mener le combat tout a fait nécessaire pour la prise en compte de certains aspects spécifiques de leur combatles textes qui ouvrent des sujets pour ne pas prendre position clairement
Mouais, ça ne me semble guère plus clair ! Faut dire que j'ai une tendance marquée au "monisme" dans ces questions. Femmes des quartiers populaires, ça fait logiquement à peu près 50% du prolétariat non ? (ou alors le prolétariat n'habite pas dans les quartiers populaires ? c'est nouveau ça.) et donc assez logiquement les questions qui touchent les dites femmes des quartiers populaires sont absolument centrales pour toute la classe, et faire des structures spéciales me semble zarb, et tout autant l'idée qu'il faut des structures spéciales pour les femmes.
Autre chose est d'avoir des structures spéciales (des fronts en fait) pour l'accès à l'avortement, pour le logement, ou contre les discriminations, toutes choses qui touchent les femmes des quartiers populaires, et qui devraient impliquer tout le parti (et toute la classe ouvrière) de toute évidence.
sylvestre- Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010
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