Féminisme et racisme
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Féminisme et racisme
http://lmsi.net/Quand-des-feministes-soutiennent
Quand des féministes soutiennent des lois racistes
Retour sur dix ans de dérives idéologiques
par Christine Delphy
17 août 2016
L’attitude française majoritaire à l’égard du « hijab », c’est-à-dire du foulard porté par certaines femmes musulmanes, est incompréhensible pour le reste de la planète. Pas seulement incompréhensible : elle est répréhensible. C’est ce qu’explique Christine Delphy dans une tribune publiée dans The Guardian. Nous publions ici la traduction en français du texte original.
La première mesure ouvertement anti-musulmane a été le passage d’une loi en 2004 qui interdit aux jeunes filles d’aller à l’école en portant un « foulard islamique » – ce qu’il était appelé alors, avant de devenir, dans le patois journalistique, un « voile ».
Cependant, l’islamophobie, la peur et la haine de l’Islam et des Musulmans, n’est pas spécifiquement française : elle est répandue en Europe, en Amérique du Nord, bref dans tout le monde occidental. Bush Jr a décrété l’Islam ennemi du monde occidental, et c’est ainsi que ce monde en est venu à justifier l’invasion et la destruction d’une grande partie du Moyen-Orient et de l’Asie centrale depuis les années 2000.
En France, cependant, en sus des raisons géopolitiques (l’alliance avec les Etats-Unis), l’islamophobie a des racines proprement françaises. La campagne idéologique contre l’Islam a commencé il y a plus de quarante ans. Thomas Deltombe a montré qu’entre les années 1980 et le milieu des années 2000, pas une semaine ne s’est écoulée sans que l’un ou l’autre des principaux hebdomadaires ne publie un numéro ayant un titre comme : « Devrions-nous avoir peur de l’Islam ? » ou « L’Islam est-il compatible avec la démocratie ? ». Les quotidiens, les radios et les télés faisaient preuve de la même obsession. Cela n’a fait qu’empirer au cours des années, au fur et à mesure que le public est devenu convaincu que la « civilisation occidentale » était menacée par l’Islam, et que ce danger était incarné en France par les cinq millions de descendants d’immigrés d’Afrique du Nord vivant en France – des Musulmans potentiels.
La loi de 2004 interdisant le port du foulard dans les écoles publiques se base sur la croyance que les signes religieux sont contraires à la laïcité, c’est-à-dire au sécularisme politique. Celui-ci repose sur une loi – la loi de 1905. Cette loi abroge la loi précédente (datant de Napoléon) qui établissait des liens forts entre l’Eglise (surtout catholique) et l’Etat, qui rémunérait les prêtres, les pasteurs et les rabbins. La loi de 1905 mit en place une nouvelle règle, qui est de fait celle de tous les Etats modernes : pas de religion d’Etat, toutes les opinions et croyances – religieuses ou non – étant mises sur un pied d’égalité. Pas d’interférence du clergé dans les affaires de l’Etat, ni de l’Etat dans les affaires religieuses. La liberté de conscience implique la liberté d’expression, et cette liberté signifie que les opinions – sur n’importe quel sujet – peuvent être exprimées en public comme en privé.
Aujourd’hui pourtant, cette loi est utilisée contre les Musulmans, car elle a subi une réinterprétation radicale de la part des politiciens, des journalistes et des lobbies ; elle a été, comme le dit Jean Baubérot, falsifiée. Elle est présentée comme disant le contraire exact de ce que la loi française et les Conventions internationales disent. Le président actuel, dans son dernier discours de campagne en 2012, a utilisé les mots des polémistes anti-musulmans : « la religion, a-t-il dit, est du ressort du privé, et même de l’intime ». Mais ni la loi française, ni les Conventions internationales ne font de distinction entre les opinions religieuses et les autres opinions : toutes ont le droit à l’expression publique. Or aujourd’hui, la réinterprétation de la loi de 1905 implique qu’on ne pourrait avoir d’expression religieuse que dans le secret de sa salle de bains.
Même avant la loi de 2004 excluant les adolescente portant foulard de l’école publique – violant ainsi leur droit fondamental à l’instruction – les groupes féministes établis n’acceptaient pas les femmes portant foulard dans leurs réunions. Elles avaient décidé, assez tôt, que ces femmes ne pouvaient pas être féministes, et même, qu’elles étaient contre tout ce que le féminisme représente. L’une des ironies de leur posture est qu’elle les a menées à essayer physiquement de sortir des femmes portant foulard d’une manifestation… pour le droit à l’avortement (2005) ! En 2003, les féministes blanches décidèrent que le foulard est un « symbole d’oppression », et seulement cela – et pour elles il va sans dire que porter un symbole d’oppression ne peut signifier qu’une chose : que vous êtes pour l’oppression.
Ces féministes blanches n’ont jamais mis en question ce qu’elles portent elles-mêmes. Seules les quelques féministes opposées à cette loi discriminatoire ont commencé à demander si les talons hauts, le rouge à lèvres et des centaines d’autres « signes de féminité » peuvent tout aussi bien être appelés des signes d’oppression. Les premières – les pro-loi – n’ont jamais non plus discuté des différents sens que l’on peut donner au même vêtement, ni demandé aux femmes portant le foulard quel sens elles donnent à celui-ci.
Ce mépris est contradictoire avec l’une de leurs positions principales : celui que ces femmes portent un foulard parce qu’elles y sont forcées par leurs hommes (maris, pères, frères), une position que l’on retrouve dans la loi elle-même : cette position est contradictoire en ce que, prétendant que les adolescentes sont forcées par leur famille, elles soutiennent une loi qui les renvoie dans ces familles jugées oppressives, justement en les excluant de l’école.
Si les féministes blanches voyaient vraiment les femmes portant le foulard comme des femmes opprimées, loin d’être une excuse pour les renvoyer de l’école et des mouvements féministes, ce devrait être une raison de les « prendre dans leurs bras ». L’attitude de ces féministes blanches pose une question : se voient-elles comme opprimées, ou estiment-elles qu’elles ont déjà surmonté leur oppression, et l’ont jetée sur le sol comme les serpents abandonnent leur vieille peau ? Voient-elles l’oppression comme quelque chose qui n’affecte que les « autres » femmes ? Se conçoivent-elles comme agissant non pour elles-mêmes mais pour d’autres femmes qui ne peuvent pas agir parce qu’elles sont « aliénées » ?
Le fait est qu’elles voient ces femmes portant le foulard comme des victimes consentantes de leurs hommes, et même comme des collaboratrices de ces derniers : en d’autres termes, comme des traîtres. Ou plutôt, comme des idiotes.
Les femmes qui portent le foulard sont pour la plupart les filles ou les petites filles de gens qui ont émigré d’Afrique du Nord, d’Algérie, du Maroc, de Tunisie, c’est-à-dire de territoires qui ont été conquis et colonisés par les Français. Ceux-ci leur ont attribué le statut d’ « Indigènes ». Durant toute la colonisation, qui a duré 130 ans pour l’Algérie, si les « Indigènes » étaient français, ils n’étaient pas des citoyens, mais des « sujets » de l’Empire français. C’est ainsi que les Français les connaissaient, et c’est ainsi qu’ils continuent de les voir : comme « pas vraiment » Français. C’est aussi ainsi qu’ils veulent les garder. Les femmes autant que les hommes subissent les manifestations de ce racisme. Les Blancs, quand on les interroge, expriment des sentiments extrêmement négatifs envers les Noirs et les Arabes. Ils adoptent aussi une posture de déni total vis-à-vis de la discrimination que notre société inflige aux Arabes et aux Noirs. Les femmes sont aussi discriminées que les hommes, et ont une conscience vive de cette communauté de destin.
Dans ces conditions, porter un signe religieux ostensible peut avoir plusieurs sens différents, et tous à la fois : cela peut signifier leur solidarité avec les autres membre du groupe racisé ; cela peut signifier la tentative d’échapper mentalement à leur condition objective en s’échappant dans la spiritualité que la religion leur offre ; ou revendiquer des racines que les Blancs jugent infamantes ; ou encore une protestation muette contre la façon dont les traitent les Blancs. Et bien d’autres sens encore.
Mais les Blancs, et parmi eux, un grand nombre de féministes, refusent de comprendre leur situation, et continuent de demander qu’elles agissent comme si elles n’étaient pas discriminées et humiliées tous les jours de leur vie ; comme si elles étaient « comme tout le monde », c’est-à-dire comme les Blancs ; or elles ne le sont pas. Au contraire elles font partie d’un groupe opprimé et défavorisé dans la société. Les fils et les filles d’immigrés africains, né.e.s en France, sont citoyen.ne.s aujourd’hui. Et cependant elles et ils sont deux fois plus au chômage que la population globale, sont persécutés par la police, et insultés par les Blancs.
Ainsi un sécularisme politique – la laïcité dévoyée de son sens – est utilisé pour priver les Musulmans de leurs droits fondamentaux – car en France les Musulmans sont majoritairement des Arabes. Ceci atteint d’abord les femmes. Les femmes musulmanes portant le foulard sont progressivement privées – loi d’exception après loi d’exception – de la plupart des possibilités d’emplois rémunérés.
Comme Saïd Bouamama l’a écrit en 2004, la version française de l’islamophobie n’est ni plus ni moins qu’une façon de rendre un racisme classique respectable. Que des féministes aident et encouragent une telle série de mesures racistes qui sont à la fois ouvertes et illégales, c’est plus qu’inquiétant. Les féministes devraient comprendre que les femmes portant le foulard partagent avec les autres l’oppression patriarcale, avec en plus le handicap de la discrimination raciste. Elles devraient comprendre que ces femmes, portant le foulard ou non, aient envie de développer leur propre féminisme, en partant de leur propre situation, et que ce féminisme prendra forcément en compte leur culture islamique d’origine. Les féministes blanches contribuent à aggraver l’une des pires coupures de la société française, alors qu’il est urgent de la réparer.
MO2014- Messages : 1287
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Re: Féminisme et racisme
Derrière les arrêtés anti-burkini, l'«humiliation» des musulmanes
24 août 2016 | Par Carine Fouteau
Médiapart
Des femmes sommées par des policiers de retirer leur vêtement sur des plages françaises… Le tour que prend la controverse anti-burkini n'est pas seulement grotesque, il est inquiétant en ce qu'il ouvre la voie à de nouvelles interdictions. De nombreuses personnalités, notamment des femmes racisées, protestent contre un régime « discriminatoire » réservé aux musulmanes.
« Arrêtez de nous humilier, de nous régenter, d’exécuter la violence sur nos corps » : ce tweet de Sana Saeed, écrivaine et productrice nord-américaine, engagée dans la lutte contre l’islamophobie et en faveur du mouvement Black Lives Matter, résume à lui-seul l’état d’exaspération de nombreuses femmes, en particulier racisées, provoqué dans le monde entier par l’interdiction du « burkini » sur plusieurs plages françaises.
La colère a été démultipliée avec la mise en œuvre de l’interdiction, inscrite dans des arrêtés municipaux, à Palavas, Cannes et Nice où, à quelques heures d’intervalle, des femmes ont été sommées de quitter les lieux ou de se dévêtir et de payer une amende – certaines d’entre elles n’étant recouvertes que d’un foulard. « Arrêtez d’être tellement en insécurité que vous voyez notre simple existence comme une menace pour vous », ajoute cette activiste sur Twitter, après avoir rappelé que « forcer les femmes à s’habiller d’une manière ou d’une autre est une valeur française de base : une longue histoire de la coercition contre les corps de femmes ».
L'une des images publiées dans le Daily Mail, à Nice le 23 août. L'une des images publiées dans le Daily Mail, à Nice le 23 août.
« Est-ce qu’humilier les femmes publiquement fait partie du plan pour les libérer ? », écrit Rav Danya Ruttenberg, femme rabbin américaine. Résidant à Nice, Feiza Ben Mohamed, porte-parole et secrétaire générale de la Fédération des musulmans du Sud, diffuse sur son compte les vidéos de « chasse aux femmes voilées » et commente : « Une honte absolue pour le pays. Les policiers font se déshabiller une femme voilée. J’ai envie de vomir. »
« Comment accepter l’humiliation publique infligée à cette femme voilée que la police oblige à se déshabiller ? », s’interroge Widad Ketfi, journaliste au Bondy Blog. Dans une tribune publiée sur le site Middle East Eye, elle décortique le paradoxe de ces politiciens français qui « veulent que les musulmanes cachent leurs opinions politiques mais découvrent leur corps ». Le burkini, qu’elle définit comme un « maillot de bain qui ressemble à une combinaison de plongée portée par des femmes conservatrices », passerait selon elle inaperçu « si les femmes (qui le portent) n’étaient pas musulmanes ». Les tenants de l’interdiction, poursuit-elle, « ne veulent pas libérer les femmes musulmanes. Ils veulent les déshabiller parce qu’en réalité, le but n’est pas, n’a jamais été, et ne sera jamais d’émanciper les femmes, mais seulement de contrôler leur corps ».
Honteuse, encore une fois, le mot s’impose pour qualifier cette polémique qui occupe l’espace public français depuis le début du mois d’août, et qui donne une idée des débats qui risquent d’avoir lieu lors de la campagne présidentielle. Honteuse parce qu’elle apparaît comme une réaction aux attentats qui ont ensanglanté la France depuis plus d’un an et demi – comme si un quelconque lien pouvait être tracé entre les tueries des djihadistes et le port de ce vêtement ; et parce qu’elle signale, une fois de plus, l’obsession française, voire de l’État français, à l’encontre des femmes musulmanes.
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Tout semble avoir été dit par ces éditorialistes en colère, sur les réseaux sociaux et dans les tribunes des journaux, notamment anglo-saxons, plus soucieux de relayer leurs analyses que les médias français. La contradiction inhérente à l’interdiction née dans la tête de quelques hommes blancs de plus de 50 ans exerçant le pouvoir est évidente. « Il y a quelque chose qui donne le vertige, développe en substance Amanda Taub, dans le New York Times, dans le fait d’interdire un vêtement au motif que les femmes ne doivent pas se laisser imposer leur vêtement. »
Cette interdiction, qui s’inscrit dans l’histoire coloniale de la France, ne vise pas à protéger les femmes contre le patriarcat, affirme-t-elle, contrairement à ce que ses défenseurs déclarent – Manuel Valls a lui-même fustigé une tenue qui serait la « traduction d’un projet politique, de contre-société, fondé notamment sur l’asservissement de la femme » et qui, à ce titre, ne serait « pas compatible avec les valeurs de la France et de la République ». L'objectif est tout autre : il est de donner le sentiment à la majorité non musulmane vivant en France qu’elle peut être « protégée » dans un pays « en mutation » qui refuse de se voir tel qu’il est, c’est-à-dire divers culturellement, racialement et religieusement.
Cette peur fabriquée d’une mise en péril de l’« identité française » fait l’objet dans l’Hexagone de déchirements récurrents, qui, autre spécificité nationale, se fixent quasiment systématiquement sur les femmes musulmanes. Alors même que cette population est reléguée aux places subalternes de la société, elle serait porteuse d’un danger en elle-même. Alors même que ces femmes sont cantonnées aux emplois de ménage, la nuit, ou d’aide à la personne, dans les maisons, quand elles ne sont pas contraintes de rester au foyer en raison des discriminations dont elles sont victimes, elles seraient une entorse à la définition de ce qu’est être français. Il est frappant de constater qu’elles sont appelées à plus de « discrétion » (selon le terme employé par Jean-Pierre Chevènement, nommé à la tête de la Fondation pour l’islam de France), au moment même où cette invisibilité commence à être remise en cause par de jeunes femmes issues de l’immigration, nées en France, qui revendiquent de multiples manières leur pratique de l’islam et, parfois, le port du voile comme un symbole de leur héritage.
Le burkini n’est en effet que l’ultime facette de cette stigmatisation qui s’est déjà portée, entre autres exemples, dans l’histoire récente, sur le foulard dans toutes ses versions : à l’école, où il est interdit depuis 2004 pour les jeunes filles ; à l’université, où Nicolas Sarkozy et Manuel Valls à l'unisson estiment son éviction urgente ; dans l’entreprise, où chaque affaire devant les prud’hommes est l’occasion d’une polémique ; lors les sorties scolaires, dont des mères risquent d’être exclues au motif qu’elles portent le foulard. La « jupe longue noire » est aussi dans le collimateur de certains chefs d’établissement, tandis que le voile intégral est banni de l’espace public depuis 2010.
« Le colonialisme a pratiqué une politique d’humiliation afin de montrer sa suprématie »
Cette fois-ci, comme les précédentes, les principales concernées – les femmes musulmanes portant le burkini – n’ont pas accès à la parole. Quelles ont été leurs motivations pour revêtir cette tenue ? Quelles conséquences cette décision a-t-elle eues dans leur vie ? Leur voix est restée jusqu’à présent inaudible, et les appels à témoin que viennent de lancer quelques journaux apparaissent comme l’aveu tardif d’un silence devenu assourdissant. La question des usages de ce vêtement est de même passée en arrière-plan : quelles en sont les trajectoires historiques et les réappropriations présentes collectives ou individuelles ? Pourtant nombreux, les travaux sociologiques et anthropologiques sur la diversité des significations n'ont guère été convoqués pour éclairer les débats. La linguiste Marie-Anne Paveau voit dans cet « oubli » le symptôme d’une « énonciation ventriloque ». « C’est un mécanisme tout à fait analogue d’invisibilisation et de réduction au silence qui préside à un autre procédé d’ordre énonciatif qui fait florès en ce moment dans la vie politique et médiatique française et qu’on peut appeler, en termes communs, “parler à la place des autres”, indique-t-elle. Cette forme énonciative cible particulièrement les individus habituellement minorisés, voire stigmatisés, et parfois vulnérables : les femmes, les individus racisés, les musulman.e.s. Et elle est, sans surprise, plutôt adoptée par des dominant.e.s, non racisé.e.s, non stigmatisé.e.s, et n’appartenant pas à des minorités, visibles ou invisibles. »
Cette fois-ci encore, les femmes musulmanes sont mises à l’index non pas en raison de leur pensée ou de leur attitude (l’une d’entre elles semblait assoupie quand elle a été verbalisée), mais de leur corps. Le choix vestimentaire pourtant généralement considéré comme relevant de l’ordre de l’intime s’est transformé pour elles en une question de politique nationale, discutée comme un problème mettant en cause soit les « valeurs de la République », soit l’« ordre public ». Cela n’est pas nouveau. Dès l’époque coloniale, l’État français n’a eu de cesse de chercher à dévoiler les « femmes indigènes ». Dans un article publié (avant la controverse estivale) sur le site Contre-attaque(s), Zhor Firar, militante associative, retrace cette « longue histoire française ». Elle évoque ainsi le rôle d’une association créée par les épouses des généraux Salan et Massu dans l’organisation d’un « dévoilement » public en mai 1958 de femmes d’Alger. « Dévoiler pour mieux régner et surtout pour contrôler ces consciences, cette arme colonisatrice s’est vue déployée lors de la guerre d’Algérie pour imposer le modèle civilisateur », indique l’auteure, qui explique que plusieurs « cérémonies » suivront lors de manifestations initiées par l’armée.
L’historienne Jennifer Boittin en a raconté le déroulement (« Feminist mediations of the exotic : french Algeria, Morocco and Tunisia, 1921-1939 », Gender & History, vol. 22, no 1, avril 2010, p. 133, citée dans Les Féministes blanches et l’empire, Félix Boggio Éwanjé-Épée et Stella Magliani-Belkacem, La Fabrique, octobre 2012, p. 30) : « À chaque occasion, on pouvait assister à une quasi identique, et théâtrale, mise en scène : des groupes de femmes voilées marchaient en parade jusqu’aux lieux traditionnellement dédiés aux cérémonies officielles (places centrales, hôtels de villes, monuments aux morts). À l’arrivée, une délégation de jeunes femmes, habillées à l’européenne ou portant le haïk (voile traditionnel algérien), partageaient l’estrade ou le balcon avec les généraux et les dignitaires présents, bouquets à la main, et délivraient de longs discours en faveur de l’émancipation des femmes avant de lancer leurs voiles à la foule. » « Par ces dévoilements, le colonialisme a pratiqué une politique d’humiliation afin de montrer sa suprématie face à l’Orient désigné comme barbare », conclut Zhor Firar, après avoir rappelé que les campagnes de « dévoilement » s’accompagnèrent d’un mouvement de « revoilement » décrit par Frantz Fanon comme un signe de résistance.
Cette obsession française est saluée par les communicants de l’État islamique. Dans sa revue francophone Dar-al-Islam #10, l’organisation djihadiste se réjouit du fait que la France ne serait plus une « zone grise », c’est-à-dire qu’elle serait devenue un pays où l’islam et la laïcité seraient désormais incompatibles. Interrogé sur France Info à propos des cas de verbalisation sur les plages de la Côte d’Azur, le reporter spécialiste du djihadisme David Thomson explique que « les sympathisants djihadistes semblent eux-mêmes surpris que la police municipale de Nice fasse leur travail de propagande à leur place. Pour eux, c'est du pain bénit. Le récit djihadiste martèle depuis des années qu'il serait impossible pour un musulman de vivre sa religion dignement en France ». « Pourtant, souligne-t-il, au début de la polémique sur le burkini, djihadistes et salafistes s'étonnaient de “tout le vacarme fait par des mécréants” au sujet d'un usage vestimentaire qu'eux-mêmes jugent contraire à leur dogme. »
Au regard de l’ampleur que prend la controverse, il semble que ses instigateurs aient, eux aussi, intérêt à l’alimenter. Aucun des défenseurs de l’interdiction n’avance d’ailleurs à visage découvert : loin d’envisager les effets discriminatoires et attentatoires aux libertés individuelles de leur geste, les maires-censeurs affirment agir pour le bien des femmes voilées elles-mêmes. Et donnent des arguments juridiques relatifs aux « valeurs de la République » et à l’« ordre public » pour se justifier, comme l’explique la professeure de droit public Stéphanie Hennette-Vauchez, directrice de Credof (Centre de recherches et études sur les droits fondamentaux à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense) dans un billet de blog sur Libération publié le 23 août.
Or, selon la juriste, ces arguments, bien que validés en première instance par la justice administrative, ne tiennent pas. Le fait de lier des risques de troubles au contexte généré par les attentats est « dangereux », affirme-t-elle, non seulement au plan théorique, en raison des amalgames risquant de porter atteinte indûment aux libertés fondamentales, mais aussi au plan technique puisqu’en principe, pour être reconnu, le trouble à la sécurité est censé être documenté, ce qui n’est pas le cas dans les situations répertoriées. Le recours aux « valeurs » est, d’après elle, tout aussi injustifié : le principe de laïcité, rappelle-t-elle, « ne saurait être lu comme générant une obligation de neutralité religieuse pesant sur les personnes privées dans l’espace public ». En déclarant que « les plages ne constituent pas un lieu adéquat pour exprimer de façon ostentatoire ses convictions religieuses » et que « dans un État laïc, elles n’ont pas vocation à être érigées en lieu de culte et doivent rester au contraire un lieu de neutralité religieuse », le juge administratif semble redéfinir en toute liberté « le statut de l’ensemble des plages françaises, ainsi que de la manière dont la liberté religieuse peut, ou non, s’y déployer ».
Cette histoire serait grotesque, si elle n’était pas grave. Car, ce faisant, des maires, qui n'ont pourtant pas de pouvoir législatif, préparent le terrain à de nouvelles interdictions nationales. Les policiers municipaux ne sont pas des sociologues, susceptibles de distinguer entre tel et tel usage. Les verbalisations de femmes simplement voilées en témoignent. Le rôle de police des mœurs qui leur est confié les place dans une situation juridiquement, politiquement et humainement intenable. Le Conseil d’État, appelé à se prononcer ce jeudi 25 août, saura-t-il rappeler les va-t-en guerre à la raison ?
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Féminisme et racisme
http://feminisme-revolution.pcf.fr/articles/burkini-pour-lemancipation-des-femmesBurkini : pour l'émancipation des femmes
Le débat autour du burkini qui a agité la France cet été est loin d'être anodin, même s'il relève globalement d'une surenchère politique, sécuritaire et raciste tendant à faire oublier les autres questions sociales. Il est symptomatique d'un climat délétère où l'extrême-droite comme la mouvance de l’islam radical ont pu avancer leurs pions, chacun au service de sa propagande pour des projets tout aussi dangereux les uns que les autres pour la libération des femmes. Hélas, l'invalidation par le conseil d’État des arrêtés anti-burkini, dont nous nous réjouissons, profite à la stratégie de communication de nos adversaires. Les uns, conservateurs religieux, crieront victoire, banalisant et dépolitisant ce vêtement sexiste et opprimant, les autres, dans le camp de l’extrême-droite ou de la droite décomplexée, gémiront à l’islamisation de la France. Tous continueront d'instrumentaliser la liberté des femmes dans un souci de conquête du pouvoir.
Nous ne pouvons supporter de voir les femmes subir une répression policière dictée par un climat sexiste et raciste
Parce que nous sommes féministes, nous savons l’apport des luttes féministes à notre émancipation, nous combattons sans ambiguïté les dogmes puritains et politico-religieux dont les femmes ont toujours fait les frais. Le contexte de crise économique et politique permet aux différentes églises de croire que leur heure est venue et qu'elles peuvent enfin mettre à mal la laïcité qui a mis en échec leurs velléités politiques. Nous dénonçons toutes les mouvances réactionnaires comme Civitas qui vient de créer un parti politique, « SOS tout-petits », « les Survivants » qui dénient aux femmes le droit à disposer de leur corps, « la Manif pour tous »,« les Veilleurs », « l’observatoire de la théorie du genre » qui infiltre nos écoles, déstabilise le corps enseignant et les parents d’élèves, ou les tenants d’un islam politique qui négocient l’autorisation du voile à l’école ou des piscines non-mixtes, en se victimisant ensuite pour mieux embrigader celles et ceux qui n’en peuvent plus de la xénophobie, des discriminations et des relégations. Nous dénonçons aussi les odieuses humiliations publiques que subissent les femmes, victimes et non-prescriptrices des usages patriarcaux. Nous ne pouvons supporter de les voir subir une répression policière dictée par un climat sexiste et raciste.
Toutes les stratégies machistes sont bonnes pour convaincre les femmes que leurs corps ne leur appartiennent pas
Pourquoi ? Parce que nous défendons les droits des femmes et nous conscientisons l'oppression qui nous est faite. Pour beaucoup d’entre nous, les représentants de cet État invisible qu’est le patriarcat sont sous nos toits, incarnant l’autorité et la domination. Nos corps sont alors réduits à être des butins souvent au service de la reproduction, du plaisir sexuel unilatéral des hommes et de l’exploitation domestique. Toutes les stratégies machistes sont bonnes pour convaincre les femmes que leurs corps ne leur appartiennent pas. Comment en vouloir aux femmes d’élaborer des stratégies de survie, de se couvrir, de faire un détour pour rentrer chez elles, de céder à des normes injustes et contraignantes pour éviter le pire ? Et comment accepter de devoir composer avec de telles règles du jeu ?
L’émancipation des femmes est une rude tâche qui ne s’improvise pas. À l’école, nous déplorons la suppression des ABCD de l’égalité qui auraient pu inculquer à nos enfants des valeurs fortes d’anti-sexisme. Nous en sommes au 73ème féminicide depuis le début de l’année commis par le compagnon ou l’ex-compagnon. Une femme est violée toutes les 3 minutes, seulement 10% portent plainte et seuls 2% des violeurs sont condamnés ! Qui s'en soucie ?
Pour faire reculer les intégrismes et l’extrême-droite, pour faire avancer les droits des femmes, il est indispensable de briser les stéréotypes dès le plus jeune âge, de permettre un accès réel et libre aux droits sexuels et reproductifs, de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité politique dotée de moyens nécessaires et conséquents, d’interroger la manière dont est rendu le droit en matière de féminicides. Une volonté politique réelle qui ne se contente pas de promesses, qui ne se sert pas des droits des femmes pour une cause réactionnaire ou pour monter dans les sondages, qui place le féminisme en valeur cardinale.
Prendre le parti des femmes, ce n’est pas les réprimer quand elles sont trop ou pas assez habillées
Prendre le parti des femmes, ce n’est pas les renvoyer dos à dos avec leurs oppresseurs en les accusant d’endosser le drapeau du patriarcat et d’en être complices. Prendre le parti des femmes, ce n’est pas leur faire violence, les réprimer quand elles sont trop ou pas assez habillées, parce qu’elles sont encore les jouets du fétichisme sexuel des hommes selon les enjeux qui leur importent, politiques, religieux, économiques ou sexuels. Prendre le parti des femmes, c’est les défendre quand elles sont violentées, humiliées, menacées, c'est garantir les valeurs d’une laïcité non dévoyée, de réclamer de véritables moyens, éducatifs, économiques, de solidarité, afin de gagner l'émancipation de toutes. Et ce n’est en aucun cas avec des arrêtés ou sous les coups de sifflet d’hommes en uniforme que nous y parviendrons !
Fatima Benomar, porte-parole de l'association les Effronté-e-s
Hélène Bidard, adjointe à la Mairie de Paris à l'égalité femmes-hommes
Marjolaine Christien Charrière, militante féministe à Ensemble!
Laurence Cohen, Sénatrice, responsable nationale du PCF pour les Droits des femmes et le Féminisme.
Karine Plassard, militante féministe du collectif de soutien à Jacqueline Sauvage
Suzy Rojtman, porte-parole du Collectif National pour les Droits des Femmes
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Féminisme et racisme
Ce texte est globalement très intéressant et a le mérite d'être sans équivoque sur les manœuvres de la réaction religieuse, qu'elle soit catho ou islamique:
L'introduction est très juste également:
Nous ne pouvons supporter de voir les femmes subir une répression policière dictée par un climat sexiste et raciste
Parce que nous sommes féministes, nous savons l’apport des luttes féministes à notre émancipation, nous combattons sans ambiguïté les dogmes puritains et politico-religieux dont les femmes ont toujours fait les frais. Le contexte de crise économique et politique permet aux différentes églises de croire que leur heure est venue et qu'elles peuvent enfin mettre à mal la laïcité qui a mis en échec leurs velléités politiques. Nous dénonçons toutes les mouvances réactionnaires comme Civitas qui vient de créer un parti politique, « SOS tout-petits », « les Survivants » qui dénient aux femmes le droit à disposer de leur corps, « la Manif pour tous »,« les Veilleurs », « l’observatoire de la théorie du genre » qui infiltre nos écoles, déstabilise le corps enseignant et les parents d’élèves, ou les tenants d’un islam politique qui négocient l’autorisation du voile à l’école ou des piscines non-mixtes, en se victimisant ensuite pour mieux embrigader celles et ceux qui n’en peuvent plus de la xénophobie, des discriminations et des relégations. Nous dénonçons aussi les odieuses humiliations publiques que subissent les femmes, victimes et non-prescriptrices des usages patriarcaux. Nous ne pouvons supporter de les voir subir une répression policière dictée par un climat sexiste et raciste.
L'introduction est très juste également:
Le débat autour du burkini qui a agité la France cet été est loin d'être anodin, même s'il relève globalement d'une surenchère politique, sécuritaire et raciste tendant à faire oublier les autres questions sociales. Il est symptomatique d'un climat délétère où l'extrême-droite comme la mouvance de l’islam radical ont pu avancer leurs pions, chacun au service de sa propagande pour des projets tout aussi dangereux les uns que les autres pour la libération des femmes. Hélas, l'invalidation par le conseil d’État des arrêtés anti-burkini, dont nous nous réjouissons, profite à la stratégie de communication de nos adversaires. Les uns, conservateurs religieux, crieront victoire, banalisant et dépolitisant ce vêtement sexiste et opprimant, les autres, dans le camp de l’extrême-droite ou de la droite décomplexée, gémiront à l’islamisation de la France. Tous continueront d'instrumentaliser la liberté des femmes dans un souci de conquête du pouvoir.
Lorry- Messages : 101
Date d'inscription : 14/04/2016
Re: Féminisme et racisme
http://www.liberation.fr/debats/2016/09/14/monsieur-le-premier-ministre-je-frequente-plus-de-femmes-voilees-que-vous_1496788
Tribune
«Monsieur le Premier ministre, je fréquente plus de femmes voilées que vous»
— 14 septembre 2016 à 16:57
Karima Mondon fait partie des femmes voilées citées dans le «New York Times» et dont le témoignage a fait bondir Manuel Valls. Aujourd'hui, elle l'interpelle sur son quotidien de discriminations.
«Monsieur le Premier ministre, je fréquente plus de femmes voilées que vous»
Monsieur le Premier ministre,
Permettez-moi tout d’abord de vous féliciter. En effet, en charge d’un pays qui traverse une crise économique, écologique, politique et sociétale, vous avez quand même trouvé le temps pour répondre à un article du New York Times. Bravo ! Quelle gestion ! Quelle maîtrise ! Car je ne doute pas que vous n’auriez jamais gaspillé du temps et de l’énergie au détriment des missions qui sont les vôtres, n’est-ce pas ?
Moi, je dois l’avouer, avec mes modestes responsabilités, j’ai eu bien du mal à trouver du temps pour vous écrire. Ah oui, je ne me suis pas présentée : je suis l’une de ces femmes publiées par le New York Times. Une de celles que vous condamnez dans votre réponse, allant presque jusqu’à dire que nos convictions nous disqualifient pour tendre un miroir à la société. Car cet article n’était rien d’autre que cela, un miroir. Si le reflet que vous y avez vu a blessé vos yeux, ce n’est pas le miroir qui est à blâmer mais le réel. Cet aspect du réel vous a, peut-être, échappé. Car, comme vous le savez, la réalité est plurielle et peut être, depuis Matignon, n’avez-vous pas vu ce qui se passait en France ? Je ne reviendrai pas sur les erreurs dont est truffée votre prose, le New York Times l’a déjà fait. Ce que je voudrais vous dire, monsieur le Premier ministre, c’est ma sidération face à l’absence de considérations envers vos concitoyennes, votre méconnaissance des conditions de vie de certaines de vos compatriotes.
Laissez-moi vous demander, monsieur le Premier ministre, comment vous sentiriez-vous si on vous interdisait l’accès à l’école, à l’emploi, à la plage, si on vous refusait la possibilité d’accompagner vos enfants en sorties scolaires ? Comment vous sentiriez-vous si, à chaque fois qu’un homme politique agressait sexuellement une femme, on exigeait de vous que vous vous désolidarisiez et que vous prouviez que vous n’êtes pas un violeur potentiel ? Comment vous sentiriez-vous si l’on refusait de vous servir au restaurant ou de vous soigner ? Comment vous sentiriez-vous, si, chaque jour, dans l’espace public, on vous renvoyait à votre étrangeté alors que vous êtes, depuis longtemps, membre de la communauté nationale ? Cette oppression, parce que c’en est une, arriveriez-vous à la supporter aussi dignement que le font mes concitoyennes depuis toutes ces années ? Permettez-moi d’en douter.
Monsieur le Premier ministre, je m’étonne qu’alors que nous pleurions nos morts, vous avez permis, et même encouragé, la libération d’une parole raciste. C’est indigne d’un homme politique en responsabilité. C’est la négation de l’Autre qui menace notre sécurité. Et vous, au lieu d’y répondre par plus de «nous», vous avez agrandi ces lignes de fractures jusqu’à les transformer en faille. Je ne peux croire que vous ignoriez l’existence de ces fractures, vous qui parliez d’apartheid en 2015. Dois-je en déduire que c’est donc, à dessein et en pleine conscience, que vous avez soufflé sur les braises ?
Monsieur le Premier ministre, laissez-moi vous dire que je refuse que vous utilisiez le tissu couvrant nos cheveux pour essuyer les plâtres de votre politique délétère. Ma France est plurielle, c’est ce qui fait sa force. La vôtre, vous la rêvez en République des clones. La liberté, vous ne la voyez qu’en monochrome quand je sais que ses chemins sont arc-en-ciel. L’émancipation, vous croyez qu’on la donne quand je sais qu’on la prend. Le New York Times n’a fait que donner la parole à celles que l’on n’entend jamais. Les médias nous invisibilisent et certains hommes politiques ont même pour projet de nous faire disparaître de l’espace public, sans que cela ne vous émeuve.
Je vais vous confier un secret, monsieur le Premier ministre, le voile n’existe pas. Il existe des individus portant mille et une formes de tissus pour mille et une raisons. Peut-être que dans toutes ces raisons, celle que vous nous prêtez existe. Personnellement, je ne l’ai jamais rencontrée. Accordez-moi que je fréquente certainement plus de femmes voilées que vous.
Monsieur le Premier ministre, ne nous libérez pas, nous le faisons très bien toutes seules, mais entendez-nous et surtout respectez-nous ! Nous savons, monsieur le Premier ministre, qu’il n’y a pas de remèdes simples aux maux dont nous souffrons mais, il est certain que votre potion est amère et dangereuse tant elle promeut la division. Je crois, pour ma part, que nous avons besoin de l’Autre car chaque pas vers l’Autre, c’est un pied de nez aux fondamentalistes de la ressemblance. Chaque rencontre avec l’Autre, c’est un barrage contre les tyrans du cloisonnement. Chaque réalisation avec l’Autre, c’est une victoire sur la méfiance, mère de la détestation. Ce rêve d’altérité, nous pouvons le construire, nous pouvons, de cette fragmentation programmée, inventer l’unité plurielle.
Voilà le rêve qui m’anime et qui me porte. Et vous, monsieur le Premier ministre, à quoi rêvez-vous ?
Karima Mondon, 37 ans, présidente de l'association Education en héritage, citoyenne libre et engagée
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Féminisme et racisme
Enfin (presque) tous d'accord contre cet abject voile islamique:
-contre ceux qui s'en servent pour reléguer les femmes et les soumettre-.
-contre les racistes et xénophobes qui l'utilisent comme repoussoir
-pour soutenir, sans préalable, toutes celles qui veulent se débarrasser de cette saleté et de ce qu'elle représente comme injure pour toutes les femmes.
-contre ceux qui s'en servent pour reléguer les femmes et les soumettre-.
-contre les racistes et xénophobes qui l'utilisent comme repoussoir
-pour soutenir, sans préalable, toutes celles qui veulent se débarrasser de cette saleté et de ce qu'elle représente comme injure pour toutes les femmes.
Lorry- Messages : 101
Date d'inscription : 14/04/2016
Re: Féminisme et racisme
Non seulement les racistes et xénophobes, auxquels il faut ajouter les islamophobes (même si ces catégories se recoupent en partie) utilisent le voile, je ne dirais pas comme "repoussoir" mais comme moyen de stigmatisation, mais c'est la fixation obsessionnelle, maladive sur cet attribut de la part de gens qui se veulent féministes, laïques etc, qui est déplorable. En lui donnant une signification que la plupart du temps elle n'a pas pour les femmes qui le portent, ils ajoutent de l'eau au moulin des racistes, xénophobes etc. Le qualificatif de "saleté" est absurde et inutilement offensant pour les femmes qui se croient obligés de dissimuler leurs cheveux.Lorry a écrit:Enfin (presque) tous d'accord contre cet abject voile islamique:
-contre ceux qui s'en servent pour reléguer les femmes et les soumettre-.
-contre les racistes et xénophobes qui l'utilisent comme repoussoir
-pour soutenir, sans préalable, toutes celles qui veulent se débarrasser de cette saleté et de ce qu'elle représente comme injure pour toutes les femmes.
Il va de soi qu'il faut soutenir les femmes qu'on voudrait obliger à porter le hijab (ou tout autre vêtement), mais il faut aussi soutenir le droit de le porter pour celles qui le décident. C'est aux femmes concernées et à elles seules de choisir leurs tenues.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Féminisme et racisme
LOrry, .... hors du temps et de l'espace.
Le patriarcat fait subir aux femmes les pires violences comme les violences conjugales qui font qu'en France une femme meure tous les deux jours sous les coups de son conjoint.
La surexploitation des femmes avec les tâches ménagères et familiales, cette "double journée" ce travail non rémunéré qui ajouté aux discriminations de salaires, de retraite (les femmes ont en moyenne une retraite intérieure de 40% à celle des hommes placent les femmes dans les pires conditions d'exploitation).
Etc. etc., etc.
En France les injonctions faites aux femmes sont nombreuses, Celle d'être mince qui entraine des problèmes psychologiques voire des anorexies graves. Celles des diktats de la mode par exemple la minijupe, du maquillage en sont également des symptômes, celle d'être séduisante, ... celle du racisme de l'état français qui fait des cheveux des musulmanes désignées une affaire nationale...
Parler du foulard religieux tant que "saleté" ou"injures", tandis que d'autres parlaient celles qui le portaient comme des "bâchées" ou des "Belphégor", tout ceux là abandonnent le terrain des luttes sociales, des luttes féministes et antiracistes pour choisir le camp des oppresseurs. Face à l'état patriarcal, classiste et raciste, toutes les femmes doivent pouvoir s'habiller comme elles le veulent. Elles en ont soupé des diktats, des recommandations, des conseils ... qui selon le lieu ou l'heure, leur ordonnent de se couvrir ou de se dénuder. La liberté est un droit qu'elles exercent sans avoir besoin des conseils des dominants qu'ils soient religieux, socialiste, patron, moralisateur, ou gauchiste... Les femmes, toutes les femmes, n'ont nul besoin qu'on les libère, elles s'en chargent elles mêmes.
Le patriarcat fait subir aux femmes les pires violences comme les violences conjugales qui font qu'en France une femme meure tous les deux jours sous les coups de son conjoint.
La surexploitation des femmes avec les tâches ménagères et familiales, cette "double journée" ce travail non rémunéré qui ajouté aux discriminations de salaires, de retraite (les femmes ont en moyenne une retraite intérieure de 40% à celle des hommes placent les femmes dans les pires conditions d'exploitation).
Etc. etc., etc.
En France les injonctions faites aux femmes sont nombreuses, Celle d'être mince qui entraine des problèmes psychologiques voire des anorexies graves. Celles des diktats de la mode par exemple la minijupe, du maquillage en sont également des symptômes, celle d'être séduisante, ... celle du racisme de l'état français qui fait des cheveux des musulmanes désignées une affaire nationale...
Parler du foulard religieux tant que "saleté" ou"injures", tandis que d'autres parlaient celles qui le portaient comme des "bâchées" ou des "Belphégor", tout ceux là abandonnent le terrain des luttes sociales, des luttes féministes et antiracistes pour choisir le camp des oppresseurs. Face à l'état patriarcal, classiste et raciste, toutes les femmes doivent pouvoir s'habiller comme elles le veulent. Elles en ont soupé des diktats, des recommandations, des conseils ... qui selon le lieu ou l'heure, leur ordonnent de se couvrir ou de se dénuder. La liberté est un droit qu'elles exercent sans avoir besoin des conseils des dominants qu'ils soient religieux, socialiste, patron, moralisateur, ou gauchiste... Les femmes, toutes les femmes, n'ont nul besoin qu'on les libère, elles s'en chargent elles mêmes.
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Féminisme et racisme
Tribune d'Hélène Noguerra dans Libération
Femmes de tous les pays, unissez-vous !
Par Helena Noguerra Actrice, grande tige dadaïste et féministe — 29 septembre 2016 à 17:31 (mis à jour à 18:21)
Voile ou burkini, il faut clore le débat de l’apparence des femmes. Et lutter contre toutes les formes de sexisme.
Amies féministes qui, tout comme moi, vous préoccupez de la place accordée aux femmes dans notre monde, je voudrais poser quelques questions : «Est-il judicieux de continuer à débattre du port du burkini et "associés"» ? «Devons-nous continuer à jouer le jeu d’un monde patriarcal qui nous impose la question de ce que doivent ou non porter les femmes ?» «Ne devrions-nous pas, plutôt, nous insurger de la possibilité même d’un débat qui nous ramène à un temps (1800) où une loi interdisait aux femmes de porter des pantalons ?» La question vestimentaire n’est pas le problème.
Bien sûr, il n’est pas souhaitable de voir les femmes se cacher. J’éprouve, personnellement, beaucoup de chagrin devant ce que symbolise cette tenue, réduisant le corps de la femme à son sexe et à la peur du désir qu’il provoque. J’éprouve néanmoins un chagrin égal (bien que prenant racine à un autre endroit) devant les femmes (dont je fais partie, parfois), habillées en «sex-toy». J’y vois la même oppression masculine, réduisant encore une fois la femme à son sexe et au désir qu’il provoque. J’y vois surtout la peur de la femme : peur de la solitude, peur de manquer de protection et, donc, le constat de son manque d’indépendance et de sa soumission aux hommes. (Loin de moi l’idée d’un monde sans désir, mais un désir où les cartes se distribuent de manière équitable !)
Comment sortir de ce dilemme ? Peut-être en commençant par être tolérantes les unes envers les autres et en luttant sur d’autres fronts que celui de notre apparence. Peut-être en laissant à chacune le soin de choisir sa tenue.
Tant que l’on continuera de se demander quelles tenues peuvent ou doivent arborer les femmes, tant que nous en débattrons sur la place publique, nous collaborerons à l’idée qu’il est possible de laisser à autrui (mais à qui d’ailleurs ?) le droit de décider, de penser ou d’imposer ce à quoi doivent, et peuvent, ressembler les femmes.
Il faut clore ce débat ! La femme s’habille comme bon lui semble. Il n’y a pas de «droits et devoirs vestimentaires pour la femme» ! Pourrait-on imaginer un débat sur ce que doivent porter ou non les hommes ? Comment une moitié de l’humanité s’arroge-t-elle le droit de décider de ce que doit faire l’autre ? Et comment cette autre moitié, en l’occurrence le sexe féminin, cherche-t-elle à s’en défendre en participant au dit «débat» ?
Refusons-le ! Battons-nous sur les terrains importants : ceux de nos droits et de nos libertés. N’oublions pas que les femmes sont encore et toujours une minorité maltraitée. Et tant que, de par le monde, une femme sera battue, violée, lapidée, excisée, vitriolée, et j’en passe, il sera possible, pour l’inconscient collectif, d’imaginer qu’au fond, les femmes sont susceptibles d’être traitées avec mépris. Et tant que cela sera possible, que ce soit dans nos pays où dans des contrées qui nous semblent lointaines, nous en payerons les conséquences. Restons vigilantes. Nous nous croyons à l’abri, nous, occidentales, dont les mères, grands-mères et arrières-grands-mères se sont battues pour ce qui nous semble être une égalité. Mais nous reculons et prenons le risque de perdre ce qu’elles ont gagné pour nous. Sommes-nous mieux loties que certaines, ailleurs dans le monde ? Certes. Mais nous sommes toutes liées et, que nous le voulions ou non, nous sommes solidaires. C’est l’effet papillon. Ouvrons nos œillères, ne restons pas aveugles, n’oublions pas que la place de la femme, de par le monde, reste peu enviable.
Il nous faut prendre le mal à la racine et travailler à construire, par l’éducation et la culture, une pensée critique et un libre arbitre capables de résister aux dogmes, qu’ils soient religieux, machistes, stupides, sexistes, etc. Travaillons à la liberté de pensée et à l’indépendance des femmes, œuvrons pour une éducation solide, prônant la tolérance, «le sens de l’autre», que l’on appelle communément «civique».
Demandons aux ministres de l’Education un programme sérieux, continuons à défendre la culture, car elle est, comme l’éducation, mise à mal en nos temps de crise et de régression. Luttons contre toutes les formes de sexisme. Préoccupons-nous de ne pas nous subordonner, de ne pas nous laisser «objetiser», de ne pas nous laisser dicter ce à quoi nous devons ressembler. Une fois cette liberté acquise, portons des plumes dans le cul ou des combinaisons intégrales si cela nous chante !
Helena Noguerra Actrice, grande tige dadaïste et féministe
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
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