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Réforme des retraites

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Message  Roseau Mar 4 Jan - 22:01

Comme d'habitude, faute d'arguments, des insultes qui ne seraient pas tolérées sur le site de LO,
mais qu'on utilise pour pourrir ce forum, et incapacité à supporter la critique.... A sanctionner.

Les provocs pour pourrir le fil donnent raison à ceux qui savent distinguer :
- appeler en disant "c'est le moment" (révos +quantité de travailleurs, LO compris, Vals en pète les plombs)
- se contenter de commenter en disant "c'est le début" (Edito LO cité par un camarade)
- affabuler en disant "seuls quelques gauchistes..." (Direction de LO dans résolution Congrès)

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Message  BouffonVert72 Mar 4 Jan - 22:22

Je suis entièrement d'accord avec Valls sur ce qu'il dit de la GG.
Et je suis aussi d'accord sur ce qu'il dit du Zozeau qui, prit la main dans le sac, nous ressort une énième fois ses phrases cultes ...
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Message  Roseau Mar 4 Jan - 22:34

Pas la peine BV, tu as déjà écrit contre la GG...
et que ce qui intéressait les travailleurs, c'était la bagnole et le logement...
C'est ton droit de préférer l'illusion des urnes.
Aucun problème, l'illusion électorale est le fondement de la domination du capital en vieille démocratie bourgeoise.

Cette illusion ne tombe que lors d'affrontements majeurs....
Mais en attendant, l'honnêteté reviendrait à reconnaitre l'affabulation de la phrase de la Direction de LO:
"seuls quelques gauchistes..."

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Message  Vals Mar 4 Jan - 22:49

Vals a écrit:
Ils sont écoeurés et ont raison.


A part la tendance "roseauiste de LO" (qui ne s'est visiblement pas fait remarquer au congrès), tu peux nous les citer tous ces militants "écoeurés"...
Sois précis, ça nous montrera que ce n'est pas une de tes affabulations habituelles sur les militants de LO qui sont en total désaccord avec leur direction .

Quitte à te prétendre concierge inspiré ou ramasseur/colporteur de ragots, démontre tes sottes et redondantes allégations....
Et si c'est l'ange Gabriel qui te raconte tout ça à l'oreille, cite tes sources, tu seras plus crédible.

Quand on voit que nous nous cite une soi-disant confidence d'un militant de LO (qui contredirait...LO.. Basketball ) et qu'on est obligé de te débusquer en te montrant que c'est un edito OFFICIEL de LO...............ça dit la bonne foi et le sérieux du Zozeau jocolor .............


Je vois que tu as "oublié" de répondre à ma question sur les sources de tes affabulations qui te permettent d'affirmer que les militants de LO sont écoeurés de la politique de leur parti...
Allez, Roseau, cesse de te débiner après avoir balancé et rebalancé en boucle les même radotages ragoteux.....
Quand on affirme des contre-vérités, on essaie au moins de faire semblant de les étayer.....

Et puis, rassure-toi, il n'y a pas d'âge pour les excitations gauchistes irresponsables (mais les années constituent des circonstances aggravantes ! )
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Message  Roseau Mar 4 Jan - 23:40

L'affirmation scandalise les équipes militantes en général, y compris des militants de LO, qui ont le droit de ne pas être balancés...
Sur le fond; Vals invente lorsqu'ilécrit
les militants de LO sont écoeurés de la politique de leur parti...
Personne n'a écrit ceci, mais que "des" militants...
Mais que Vals se rassure: la prise de conscience du degré d'affabulation de la résolution,
est bien minoritaire encore chez LO...C'est pourquoi ils souhaitent qu'on en parle...
En attendant que Vals dorme tranquille...Pas encore de nouvelle tendance à liquider à LO.

Sur le sujet du fil, les retraites, au lieu de s'enfoncer dans des attaques personnelles, provoc sans effet, que Vals démontre que seuls quelques gauchistes ont défendu l'appel à la grève générale.
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Message  BouffonVert72 Mer 5 Jan - 0:44

Roseau a écrit:Pas la peine BV, tu as déjà écrit contre la GG...
et que ce qui intéressait les travailleurs, c'était la bagnole et le logement...
Juste pour ne pas laisser grossir les calomnies : je suis pour la GG.
Ce qu'il y a, c'est qu'il faut absolument comprendre/étudier/analyser pourquoi la grosse majorité des Travailleurs ne veut pas la faire. On peut trouver plein de causes à ça...
Or certains préfèrent rester dans leurs illusions gauchistes plutôt que d'étudier la réalité des faits (étudier la réalité des faits constitue une bonne partie du marxisme, en passant...).
Il faut comprendre, pour ensuite trouver des mots d'ordre, etc, suffisemment efficaces pour réveiller les masses... Et ce n'est pas en se couvrant les yeux qu'on va arriver à comprendre mieux.


C'est ton droit de préférer l'illusion des urnes.
Aucun problème, l'illusion électorale est le fondement de la domination du capital en vieille démocratie bourgeoise.
C'est HS mais je réponds quand-même.
Je ne m'illusionne pas sur les urnes. Je considère que c'est l'un des moyens utiles, et non pas une fin en soi, pour l'avénement d'un nouveau type de société débarrassée du K.
Evidemment si tu parles de rester dans l'alternance des 2 faces politiques de la bourgeoisie dominante, là ok le K continuera de dominer, mais moi et d'autres pensons qu'on peut arriver à sortir de cette alternance politique bourgeoise par les urnes. Ce ne sera évidemment pas suffisant pour que la société entière devienne anti-capitaliste du jour au lendemain, mais ce serait déjà une grosse partie réalisée. Le tout est qu'il faut pour ça une candidature unitaire... Or certains freînent des 4 fers...


Cette illusion ne tombe que lors d'affrontements majeurs....
Mais en attendant, l'honnêteté reviendrait à reconnaitre l'affabulation de la phrase de la Direction de LO:
"seuls quelques gauchistes..."
Pour l'instant tout ce qu'on peut éventuellement reprocher à LO, c'est les trucs sur la Russie et un certain scientisme... Mais ce n'est pas parce qu'ils se trompent sur 2 trucs, qu'ils se trompent systématiquement sur tout...


BV72 ki/ Vas-y Vals, tu as tout notre soutient pour démonter les affabulations répétitives du Zozeau... jocolor
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Message  Roseau Mer 5 Jan - 1:02

Conclusion sur le sujet: BV , comme la direction de LO, n'a pas vu non plus des secteurs de la classe appelant à la GG...
Le réformisme électoral n'est pas le sujet, mais l'aveuglement,là, est délibéré...
Et il parle d'affabulation...
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Message  Vals Mer 5 Jan - 1:45

Roseau a écrit:Conclusion sur le sujet: BV , comme la direction de LO, n'a pas vu non plus des secteurs de la classe appelant à la GG...
Le réformisme électoral n'est pas le sujet, mais l'aveuglement,là, est délibéré...
Et il parle d'affabulation...

On peut répéter sans trêve la même stupidité, ça n'en fera jamais une vérité....
Qu'une petite minorité des grévistes ait pensé, au travers de combativités très localisées et ponctuelles, qu'il suffisait d'un "appel" à la grève générale pour qu'elle se réalise, sans doute.
Mais les grévistes, et les grévistes à temps complet en particulier sont toujours restés une petite minorité ...et une petite minorité d'une petite minorité, ça fait une infime minorité.
C'est regrettable, mais c'est comme ça.
Que des non-grévistes aient pu ça et là dire -"Une journée ,c'estr pas suffisant,mais si c'était la grève générale dure et jusqu'au bout, je suivrais...".....
Oui, comme d'habitude, ça existe.

Que des travailleurs relativement isolés, peu organisés puissent se tromper sur les rapports de force réels, ça se comprend et ça se respecte...

Mais que des groupes organisés, à prétention politique d'une certaine envergure, puissent, dans un tel contexte ,APPELER à la grève générale dans le déni de la mobilisation gréviste vérifiable, ce sont des gauchistes aveugles et sourds (malheureusement pas muets lorsqu'il s'agit de raconter des conneries et de faire prendre des vessies pour des lanternes.

La question n'est évidemment pas de savoir si le développement, l'approfondissement et la généralisation de la grève était souhaitable et même indispensable pour faire reculer le gouvernement .
La question pour les révolutionnaires , c'est de ne pas se tromper de situation, ne pas se contenter d'approximation, de "nouvelles formes de lutte No " pour palier l'insuffisance de la combattivité ouvrière.

A aucun moment, pour des militants sérieux, engagés les yeux ouverts dans le mouvement, discutant avec TOUS les travailleurs et les écoutant sans filtre euphorisant, la grève générale ou même une reconduction massive n'ont été à l'ordre du jour ...
Les syndicats ont pu sans problème surfer sur la vaguelette et même l'impulser...parce que c'est resté une vaguelette ...

Vouloir se préparer à jouer un rôle réel dans les luttes ouvrières, ça commence par un minimum de sérieux....et les gauchistes conseilleurs ou iradiés par quelques flamèches , loin de la volonté réelle des masses ne servent au mieux à rien, au pire à emmener des minorités dans le mur et à la démoralisation.
C'est assez chiant de répéter des évidences...
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Message  Roseau Mer 5 Jan - 3:33

Comme quoi, si on répond pas aux provocs, Vals se calme...

1. Une erreur factuelle
c'est resté une vaguelette ...
Le mouvement de l'automne 2010 une vaguelette ?
C'est cela l'erreur. Les cortèges entiers, y compris militants de LO, qui ont crié
"Tous ensemble, tous ensemble, grève générale !"
n'ont pas vécu le mouvement comme une "vaguelette".
Les grèvistes non plus. Le gouvernement encore moins, qui a même violé sa légalité (réquisitions).
L'Edito d'Arlette de mi-octobre que citait fort à propos un camarade de LO ne parle pas de vaguelette:
les manifestations contre son projet sur les retraites continuent d’être massivement suivies
.
et elle conclue même:
ce mouvement ne doit être que le début d’une lutte générale et explosive.

2. Une faute politique
Bref, c'est triste de devoir rappeler ce qui reste d'actualité dans Lénine,
mais par définition un parti révo marche un pas en avant des masses.
(rappel bref: trois pas en avant ,on perd son temps, mais pas un seul, on sert à rien...)

3. Dans un mouvement d'une telle durée, ampleur, et politisation, un parti,
si il est révolutionnaire, doit en principe recruter. Et en qualité.
Au bouton de veste, en "discutant", on ne touche pas la crème de la classe.
Dans un mouvement comme cela, si! A condition de ne pas faire des ronds dans l'eau...
Et un parti qui ne se construit pas, restera dans le commentaire..., sans faire aucune vague, c'est sûr.
Il serait par conséquent intéressant de savoir qui a recruté, et dans quel milieu social.
Je ne pense pas que l'on puisse avoir des chiffres fiables.
Et je n'ai pas les moyens d'appréhender cela sérieusement.
Le NPA (seulement moins pire...) affirme avoir recruté...Dans quelle proportion ? Et les autres ?


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Message  Sparta Mer 5 Jan - 6:29

Une grève générale ne peut pas se concevoir à partir exclusivement de la volonté du parti révolutionnaire. D’autres contingences s’ajoutent forcément pour déterminer la possibilité de réalisation de cette grève générale. Rosa Luxemburg avait déjà alerté à ce sujet les directions révolutionnaires de son époque de la possibilité de voir, durant un mouvement de lutte, une autre force ouvrière, beaucoup plus grande en nombre, dépasser la fraction la plus avancée des ouvriers et se placer à côté de la bureaucratie syndicale. Dans ces circonstances, la grève générale n'est non seulement pas possible, mais, si elle venait à se concrétiser, elle serait simplement catastrophique. Les directions social-démocrates avaient raillé, au début, cette observation de Rosa, la considérant comme "spontanéiste", mais, elles durent l'admettre quelques années plus tard (notamment Lénine et Trotsky). Dans le cas du mouvement ouvrier français de l’automne précédent, qu’avons-nous constaté ?
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Message  nico37 Mar 18 Jan - 21:23

Une stratégie perdante a priori Alain Bihr (9 janvier 2011)

La principale caractéristique du mouvement de cet automne a en effet été l’hégémonie qu’y ont exercée les organisations syndicales, réunies pour la circonstance en un cartel allant des plus droitières (CFTC, CFE-CGC, UNSA) aux plus « gauchistes » (FSU, SUD) en passant par les organisations soi-disant réformistes (CGT, CFDT), FO jouant les électrons libres pour tenter de cacher qu’elle se ralliait quant au fond et quant à la forme aux précédentes. Elles auront finalement contrôlé le mouvement de son début à sa fin, en en fixant les échéances et le rythme, en lui imposant sa stratégie, sans que les éléments de radicalisation qu’il a pu connaître et sur lesquels je reviendrai, ne parviennent à les déborder et encore moins à les subvertir.

La stratégie syndicale, clairement exprimée et répétée à souhait par les différents leaders syndicaux (François Chérèque et Bernard Thibault en tête), consistait à « gagner la bataille de l’opinion publique » : à mettre en évidence, à coup de manifestations de rue massives et répétées, appuyées de quelques journées de grève, que la reforme gouvernementale était impopulaire parce que perçue comme profondément injuste et que le gouvernement était de ce fait privé de toute légitimité démocratique en la matière, eût-il la légalité pour lui. Le présupposé en était qu’un gouvernement démocratique ne peut pas gouverner contre la rue et conduire à son terme une réforme aussi manifestement et massivement rejetée par le peuple (au sens politique du terme : l’ensemble des citoyens). Sauf à prendre le risque d’être lourdement sanctionné lors des prochaines élections générales. Elle visait donc à contraindre le gouvernement à retirer son projet, à tout le moins à ouvrir des négociations visant à l’amender d’une manière substantielle. Au cas où le gouvernement s’entêterait et passerait outre, en s’appuyant sur sa seule majorité parlementaire, elle impliquait que le mouvement s’arrête au terme de la procédure parlementaire et de la promulgation de la loi. Ce qui fut le cas.

Pareille stratégie n’était pas absurde a priori. Elle pouvait se prévaloir du précédent de novembre-décembre 1995 où, confronté à un mouvement social de grande ampleur, Alain Juppé (alors Premier ministre) et Jacques Chirac (Président) avaient dû sérieusement amender leur projet de « réforme » de l’assurance-maladie. Elle pouvait même invoquer un succès plus récent, celui du mouvement contre le « contrat premier emploi » (CPE) au printemps 2006, lorsque, face à la mobilisation massive de la jeunesse lycéenne et étudiante, à une série de manifestations de plus en plus imposantes de par le pays et à l’entrée en lice des syndicats de salarié·e·s, Dominique de Villepin (Premier ministre) et le même Chirac avaient été contraints de capituler, en suspendant l’application d’une mesure législative fraîchement votée et promulguée. Sans doute, ce souvenir était-il cet automne dans toutes les têtes… y compris celle de François Fillon (Premier ministre) et de Nicolas Sarkozy (Président).

Et, pourtant, cette fois-ci, cette stratégie a échoué, comme elle avait déjà échoué en 2003, lors du mouvement contre la précédente « réforme » de l’assurance vieillesse, alors déjà conduite par un dénommé François Fillon… Cet échec n’est pas imputable à la faiblesse du mouvement de cet automne, dont la durée et l’ampleur des manifestations ont dépassé celles des mouvements de 1995 et de 2006, et même celles du mouvement de 2003, au plus fort du mouvement. Il ne s’explique pas non plus seulement par le fait que, de l’une à l’autre des différentes équipes gouvernementales, si c’est bien toujours la même politique néolibérale qui constitue le paradigme de référence avec ce qu’il implique de défense des intérêts du capital et d’agression contre ceux des salarié·e·s, avec le tandem Sarkozy-Fillon, on a changé de style tout simplement parce qu’on se propose de franchir quelques notables échelons supplémentaires dans la mise en œuvre d’une pareille politique. Depuis 2007, à plusieurs reprises, Sarkozy et son gouvernement ont affirmé ne pas craindre l’affrontement social, voire le rechercher, en étant déterminés à ne rien céder : en un mot, ils ont clairement indiqué qu’ils étaient disposés à faire du Thatcher plutôt que du Chirac ou du Juppé.

En fait, dans ce changement de style et cette radicalisation dans la mise en œuvre la politique néolibérale, s’exprime l’approfondissement de la crise structurelle du capitalisme au cours des trois dernières années. Ce qui a changé depuis 2006, ce n’est pas seulement l’identité des occupants de l’Elysée et de Matignon, c’est la situation économique mondiale : sont survenus entre-temps, successivement, l’éclatement de la bulle financière transnationale constituée autour de l’émission des prêts subprime aux Etats-Unis, la plus sévère récession économique globale depuis les années 1930, l’explosion des dettes publiques du fait des plans de sauvetage du secteur financier, de la récession économique et des plans de soutien anticrise, explosion encore aggravée par les mesures antérieures d’allégements fiscaux au bénéfice du capital et des détenteurs de hauts revenus et de gros patrimoine, l’aggravation de l’austérité salariale et de l’austérité budgétaire pour tenter de limiter les déficits publics, risquant d’enclencher une spirale dépressive au niveau mondial, le déchaînement de la spéculation sur les titres des dettes publiques européennes, les menaces d’éclatement de la zone euro voire d’abandon pure et simple de l’euro, etc.

Tel a été l’arrière-plan immédiat de la « réforme » entreprise par Sarkozy et Fillon, qui explique à la fois la précipitation de son calendrier et l’intransigeance de sa mise en œuvre. Sous le regard des « marchés » (des opérateurs financiers porteurs et acquéreurs de titres de la dette publique) qu’il s’agissait de rassurer sur la capacité des Etats à contenir leurs déficits et à rembourser leurs dettes, il ne pouvait être question que de faire la preuve de sa capacité à imposer cette « réforme », quels que soient les moyens à employer à cette fin et quels que puissent en être les effets politiques (électoraux) à terme. Et cela même si, du point de la maîtrise des déficits publics et de la dette publique, la portée de cette mesure sera tout à fait insignifiante voire contre-productive : les économies réalisées au profit de l’assurance vieillesse risquent d’être compensées (négativement) par les dépenses supplémentaires qu’il faudra faire prendre en charge par l’assurance chômage, du fait de l’aggravation certaine du chômage des « seniors » consécutive à l’allongement de la durée de vie active qui va leur être imposée. A moins de pratiquer des coupes claires dans l’assurance chômage aussi, ce qui n’est pas exclu du tout.

Plus largement, ce qui condamnait la stratégie syndicale à l’échec, c’est l’invalidation même de son postulat dans les conditions actuelles. Le présent gouvernement ne considère plus qu’il tient sa légitimité des urnes et qu’il est comptable, auprès de ses électeurs et plus largement de l’ensemble des citoyens, de ses engagements antérieurs ni plus généralement du bien public. Sa seule légitimité est désormais celle qu’il tient de son inféodation totale aux intérêts du capital et notamment de sa fraction hégémonique, le capital financier transnationalisé, via la gestion de la dette publique. Et les signes de cette légitimité ne sont pas recherchés par lui dans l’assentiment de l’opinion publique à ses mesures mais dans les évaluations portées sur sa politique par la commission de l’Union européenne, la Banque centrale européenne, le Fonds monétaire international et, en définitive, les agences de notation évaluant les risques encourus par les acquéreurs de titres de la dette publique. Dans cette mesure même, la légitimité démocratique est plus que jamais devenue un leurre, un voile fallacieux qui masque la seule véritable allégeance que se sentent tenus de respecter Sarkozy, Fillon et consorts : celle au capital.

Dans ces conditions, comment expliquer la persistance des organisations syndicales dans une stratégie aussi manifestement perdante a priori ? L’illusion sur le souci de sa légitimité démocratique de la part du gouvernement a sans doute joué – exprimant la permanence des illusions sur la démocratie parlementaire de la part des dirigeants syndicaux mais aussi des syndiqués et, plus largement, de tous les salariés qui, à la suite des uns et des autres, ont poursuivi cette stratégie tout au long des mobilisations périodiques qu’elle exigeait. Sans doute y a-t-il eu aussi de la part des uns et des autres une part de calcul politicien : en forçant le gouvernement à s’entêter et à passer en force devant le parlement une réforme impopulaire, on préparait les conditions de sa défaite au printemps 2012. En oubliant que le revers subi par toute la droite lors de l’affaire du CPE en 2006 n’a pas empêché son champion de remporter les présidentielles l’année suivante ni ses troupes de se retrouver majoritaires à l’Assemblée nationale dans la foulée.

Plus fondamentalement, perdante pour les salariés et pour leur base, cette stratégie ne l’était pas nécessairement, bien au contraire, pour les directions des organisations syndicales. D’une part, parce qu’en faisant ainsi, une fois de plus, la preuve de leur capacité à (con)tenir leurs troupes et de leur « sens des responsabilités », elles ont conforté leur légitimité à l’égard du gouvernement, qui est visiblement de plus d’importance à leurs yeux que celle qu’ils disent vouloir obtenir de leurs syndiqués et du salariat en général. D’autre part, il n’était que trop évident que, pour certaines aux moins d’entre elles, ses directions étaient acquises aux principes et même aux éléments clefs de la « réforme » de l’assurance vieillesse (notamment l’allongement de la durée de cotisation et, partant, de la vie active), ne contestant que l’absence de « dialogue social » et quelques éléments de contenu. Il est tout à fait symptomatique de ce point de vue que les principales confédérations syndicales n’aient jamais exigé le retrait du projet gouvernemental de réforme, se contentant d’appeler à l’ouverture de négociations…

Le mouvement aurait pu se réduire à la précédente formule de la répétition de stériles manifestations de rue, appuyées de quelques « journées d’action », dans laquelle la stratégie syndicale prévoyait a priori de l’enfermer. Mais, rapidement, une partie du salariat et, plus largement, de la population française a adopté une posture plus offensive. Celle-ci exprimait la claire conscience que, pour faire reculer un gouvernement campant obstinément sur ses positions, il ne suffirait de battre le pavé avec insistance mais qu’une épreuve de force serait nécessaire. Elle signifiait donc implicitement une forme de rupture, au moins potentielle, par rapport à la stratégie syndicale. Mais le fait qu’elle n’ait commencé à s’exprimer qu’au bout d’un certain temps (les premiers signes en apparaissent dans la dernière décade de septembre et s’affirment nettement dans les premiers jours d’octobre 2010), après que plusieurs journées de manifestations et de grèves à l’appel des confédérations syndicales eurent mobilisé un nombre toujours croissant de personnes, y compris dans les plus petites sous-préfectures de province, administrant ainsi la preuve et de l’impopularité de la « réforme » et de la résolution d’une partie significative de la population de s’y opposer, signifie que, involontairement, la stratégie syndicale a eu sa part dans la réunion des conditions de la formation et de la consolidation de ce potentiel de lutte, notamment en suscitant la création d’intersyndicales au niveau local, qui vont se charger d’animer le mouvement… au moins dans un premier temps, avant que les directions nationales ne sifflent la fin de la récréation !

Autrement dit, destinée à lanterner le mouvement et y ayant en définitive réussi, la stratégie syndicale a aussi produit, pendant un moment, des effets pervers conduisant une base salariale de plus en plus large à la déborder pour envisager de s’inscrire dans une épreuve plus large et plus durable.

Cette perspective a commencé à se matérialiser lorsque, dans différents secteurs, suite à la « journée d’action » du 23 septembre, des salariés ont commencé à s’installer dans la grève reconductible. Lorsque le mouvement a touché les terminaux pétroliers, l’ensemble des douze raffineries de pétrole et les dépôts de produits pétroliers, en menaçant de paralyser à court terme le transport routier et, partant, une bonne partie de l’économie, notamment toute l’industrie fonctionnant à flux tendus, c’est la possibilité d’une généralisation de la grève qui a commencé et s’esquisser, tandis que des appels à la grève générale commençaient à se faire entendre. Et cette possibilité était manifeste au plus haut du mouvement, entre les journées du 12 et du 19 octobre, pendant laquelle ce sont plusieurs millions de personnes qui sont descendues dans la rue et que les grèves et blocages se sont multipliés localement.

On sait que, finalement, cette possibilité ne s’est pas actualisée. Les raisons en sont multiples. Les moindres sont à chercher du côté du gouvernement et des traditionnelles tactiques, en pareils cas, de provocation-répression et de pourrissement. Si les premières, à propos desquelles de nombreux témoignages ont circulé sur Internet (notamment en ce qui concerne la répression de la manifestation de Lyon le 19 octobre), ont pu avoir quelques incidences sur le nombre des manifestants, elles s’avéraient de toute manière peu efficaces face aux piquets de grève ou aux occupations d’entreprises : on a vu comment des dépôts ont été réoccupés par les grévistes à peine les CRS ou gendarmes mobiles qui les avaient fait évacuer s’en étaient-ils retirés. Quant à la tactique du pourrissement du mouvement, consistant à attendre que le temps joue contre le mouvement, elle repose par définition sur un pari risqué ; car le temps peut aussi bien permettre au mouvement de grossir et de mûrir, de s’élargir et de se radicaliser. Différents signes d’une certaine fébrilité voire d’un début d’affolement ont d’ailleurs été perceptibles dans les sphères gouvernementales dans la dernière décade d’octobre : précipitation de la procédure parlementaire de vote de la loi, déclarations de Raffarin [1], etc.

En fait, ce sont bien une fois de plus les organisations syndicales qui ont sauvé la mise au gouvernement. Par leur inaction tout d’abord, valant démission à l’égard de la défense des intérêts du salariat qui est en principe leur fonction : elles n’ont strictement rien fait pour exploiter le potentiel de lutte qui s’était accumulé en cherchant à élargir le mouvement et à le radicaliser et ont explicitement refusé une généralisation des luttes, grèves et blocages, pourtant possible. Leur communiqué commun, cependant non signé par FO et SUD, du 21 octobre est explicite à ce sujet : alors que les grèves et les occupations se multiplient, il en appelle au « respect des biens et des personnes » comme un vulgaire professeur de droit ou maître de moral ; et, le dimanche 24 octobre 2010, à l’émission C politique, Thibault a clairement déclaré qu’il n’était « pas question de bloquer le pays », ce qui revient implicitement à souhaiter le reflux du mouvement. Et, en effet, loin d’activer la lutte, elles auront tout fait pour la neutraliser ne jouant elles aussi la montre (c’est le cas à partir de la fin octobre où elles n’appellent plus qu’à deux « journées d’action » espacées de dix jours – les 28 octobre et 6 novembre), en sabotant délibérément des initiatives de la base ou en montant des opérations « coups de poing » bidon (mal préparées, dont personne n’est informé… pour constater qu’elles ont échoué, faute de mobilisation) [2], en ne coordonnant pas la lutte entre les différentes entreprises et les différents secteurs ainsi qu’en isolant et en étouffant les pôles de radicalité (en particulier des raffineries de pétrole) qui auraient pu servir de points d’appui pour généraliser le mouvement.

Cependant ni la répression policière, ni la propagande gouvernementale relayée et amplifiée par les médias, ni même le dévoiement du mouvement par les organisations syndicales n’auraient pu opérer si la mobilisation du salariat n’avait pas présenté, tout au long de ces semaines, un certain nombre de limites évidentes. C’est de leur côté qu’il faut chercher les raisons essentielles de sa défaite finale.

En premier lieu, en dépit de la primauté du secteur privé sur le secteur public (pour la première fois depuis longtemps) comme force motrice du mouvement, il n’y a qu’une minorité de salariés qui se sont mis en grève. Ils se sont de surcroît concentrés dans un petit nombre de secteurs : chimie (raffineries), transports (SNCF, transports routiers et ports), services publics (enseignement, déchetteries, santé, poste), pour l’essentiel – ce qui revenait, une fois encore, à faire supporter par une partie minoritaire du salariat la tâche écrasante de créer le rapport de force qui pourrait faire basculer le restant attentiste du salariat dans le mouvement. De même, il faut regretter la faible liaison et implication avec des franges et les marges du salariat (précaires et chômeurs), en dépit d’un début de mobilisation de la jeunesse lycéenne tandis que les étudiants ont été les grands absents, en dépit d’esquisses de mouvement de grève et de blocage dans quelques universités. Il est clair qu’on a payé ici le poids de la crise pesant sur la combativité des salariés par le biais du chômage, de la précarité, de la baisse du pouvoir d’achat sans compter les effets, sciemment recherchés, d’individualisation et de désorganisation des collectifs de travail par les nouvelles techniques de management des entreprises.

En deuxième lieu, il faut regretter l’absence ou, tout au moins, la faiblesse de la constitution de comités de lutte et de coordinations pour articuler et renforcer réciproquement les entreprises en lutte. La constitution de quelques assemblées locales interprofessionnelles (à Rennes, à Caen, à Tours, Paris, Le Havre, Lens, etc. – avec même une rencontre de délégués de ces assemblées à Tours le 6 novembre) et l’intervention de personnes extérieures venues renforcer les piquets de grève (notamment autour de certaines raffineries) et les opérations « coup-de-poing » (blocages routiers et autoroutiers, etc.) ont été autant d’embryons d’auto-organisation du mouvement, indiquant la direction que celui-ci aurait dû prendre massivement. Mais le caractère précisément embryonnaire de telles réalisations dit aussi combien le mouvement est resté en deçà du point où il lui aurait été possible de rompre l’hégémonie exercée sur lui par les organisations syndicales et commencer à créer une situation de réel affrontement avec le gouvernement en même temps qu’avec le capital. Ce point n’aurait pu être atteint qu’en généralisant les blocages des secteurs clefs de la production, à commencer par l’énergie et les transports. C’est une leçon à retenir pour la prochaine fois !

En troisième lieu, le renforcement quantitatif et la radicalisation politique du mouvement auraient supposé un élargissement de sa plate-forme revendicative. Discuter de l’avenir de l’assurance vieillesse et plus largement de la protection sociale, sur fond d’aggravation de l’endettement public et de poursuite des politiques néolibérales d’austérité salariale et budgétaire, d’allégements de l’imposition du capital, des hauts revenus et des gros patrimoines, devait fournir l’occasion de rouvrir les questions relatives à l’emploi, aux conditions de travail, à la redistribution des richesses, pour le moins. Et il n’est pas utopique de penser que, dans ces conditions, les questions relatives à l’exercice de la propriété des moyens de production – sous forme par exemple des plans de licenciements collectifs, des politiques d’embauche des salariés, des choix d’investissements effectués par les directions d’entreprises, des banques, des fonds de placement, des plans de sauvetage par l’Etat des opérateurs financiers les plus exposés, etc. – n’auraient pas tardé à se poser, ouvrant des perspectives de radicalisation de plus vaste envergure encore. Que rien de tel n’ait été proposé dans le fil du mouvement ni a fortiori préparé en amont de celui-ci par les organisations syndicales dit, une fois encore, combien elles ont abandonné toute perspective de transformation sociale, même simplement réformiste. Mais que le mouvement lui-même n’ait pas fait émerger de telles questions dit, là encore, combien il était loin du compte.

En dernier lieu enfin, à aucun moment, même les secteurs les plus en pointe n’ont cherché à remettre en cause l’hégémonie des organisations syndicales sur le mouvement. Il est symptomatique qu’ils aient continué à interpeller leurs directions pour qu’elle lance la grève générale, alors que tout indiquait que non seulement elles n’en avaient pas l’intention mais qu’elles travaillaient inversement à la rendre impossible. Et, surtout, cela signifiait que ces secteurs considéraient que la préparation et la mise en œuvre des conditions d’une grève générale n’étaient pas de leur ressort ; ce qui revient à dire que, en un sens, ils n’avaient pas encore compris ou réalisé ce que signifie une grève générale… Car on n’a jamais vu une grève générale lancée par une organisation syndicale ou un cartel de telles organisations.

La lutte des classes continue !

Et maintenant ? Gouvernement et patronat viennent d’enregistrer une nouvelle victoire. Pourtant, ils se sont bien gardés de tout triomphalisme. D’une part, parce qu’ils ont une claire conscience des conditions dans lesquelles la victoire a été obtenue (essentiellement grâce aux syndicats : cf. l’hommage répété de Sarkozy et de Fillon au « sens des responsabilités » des confédérations syndicales) et qu’ils sont passés près d’une épreuve de force dont il n’est pas certain qu’il s’en serait tiré victorieusement. Inutile donc d’agiter le chiffon rouge devant le taureau au risque d’indisposer les toréadors qui pourraient avoir du mal à contenir la bête excitée… D’autre part, patronat et gouvernement ont une conscience non moins claire de l’ampleur et de la profondeur de la crise structurelle dans laquelle le capitalisme est actuellement engagé et de ce qu’elle va impliquer : à la fois des dissensions de plus en plus graves entre les différentes fractions territoriales du capital sur le plan mondial (y compris et notamment à l’intérieur de l’Union européenne) et la nécessité (de leur point de vue) de nouvelles agressions contre le salariat, synonymes de nouvelles épreuves de force. Déjà se prépare une nouvelle « réforme » de l’assurance-maladie [3]. Plus que jamais, l’histoire continue et la lutte des classes en sera le moteur !

Dans ces conditions, on comprend aussi que les directions syndicales aient du souci à se faire. Certes, elles viennent de gagner un regain de légitimité auprès d’une partie du salariat (les nouvelles adhésions se sont multipliées à la CFDT et à la CGT durant le mouvement – ce qui dit la force de la persistance des illusions parmi les salariés) car elles semblent avoir été les seules capables de tenir tête au gouvernement – en dépit de la défaite finale. Mais, au fil de la répétition probable, dans les mois à venir, d’agressions du capital contre le salariat et de l’intransigeance croissante du premier qui ne leur laisse plus aucune marge de manœuvre (aucun « grain à moudre », comme disait l’ancien secrétaire de FO, André Bergeron), c’est leur discrédit qui risque au contraire de s’accroître au fur et à mesure où elles apparaîtront de moins en moins capables de défendre y compris les intérêts les plus immédiats des salariés, n’en ayant plus ni les moyens ni la volonté, et qu’elles pourront de moins en moins masquer leur nature de « chiens de garde » du capital. Sans compter que, sous l’effet de cette tension, non seulement le front syndical volera en éclats mais que certaines confédérations (et notamment la CGT) risquent de connaître une grave crise voire de scissionner.

Mais c’est du côté du salariat que les perspectives sont les plus contradictoires. Sans doute lui faudra-t-il un certain temps pour digérer ce nouvel échec, phase d’apathie et de repli que le gouvernement et le patronat vont sans doute mettre à profit pour tenter de lui asséner quelques mauvais coups supplémentaires. Mais, en même temps, comme toute phase de lutte de quelque ampleur et durée, et en dépit de son issue négative, cet automne se sera soldé par la hausse de la conscience politique chez tous ceux qui sont entrés dans le mouvement pour la première fois tout comme de ceux qui n’en sont pas à leur coup d’essai. Aux uns et aux autres, il est apparu plus ou moins clairement à la faveur du raidissement du gouvernement que, aujourd’hui, non seulement le gouvernement n’est plus que le simple fondé de pouvoir du capital en général et du capital financier en particulier (l’affaire Woerth-Bettancourt ayant simultanément souligné l’étroitesse des liens unissant aujourd’hui les maîtres capitalistes à leurs valets ministres) mais que la moindre lutte réformiste ou même seulement défensive confronte directement les salariés aux exigences de plus en plus drastiques et inhumaines du capital, qu’elle souligne donc la nécessité d’une autre société. En même temps, elle aura fait apparaître que, face à la démission et la « trahison » des organisations syndicales, ils ne peuvent plus compter que sur eux-mêmes, sur leur détermination, leur volonté et leur courage ainsi que sur leur capacité collective d’auto-organisation pour défendre leurs intérêts et construire une autre société. Certes, il s’agit là sans doute d’acquis fragiles, d’autant plus fragiles que les contours et le contenu de ces différents éléments restent encore nécessaires flous dans la conscience de la grande masse des salariés. Ce qui ne fait que souligner la nécessité et l’urgence d’un travail politique collectif (d’analyse, de discussion, de formation mais aussi d’organisation et de mobilisation) des groupes et des organisations qui entendent permettre au mouvement social de tirer les leçons de la lutte récente, de capitaliser son acquis et de s’armer idéologiquement pour les prochaines échéances, prévisibles ou non, de la lutte des classes et de les préparer activement ces dernières. Un travail qui reste largement à mener et qui sera certainement de longue haleine. Au taf, camarades !

1. « Il faut rompre avec la politique du gouvernement, il faut une rupture sociale…, (sinon attention) il peut arriver des choses désagréables avant 2012. » Le Monde, 21 novembre 2010.

2. François Ruffin en donne un exemple au début de son article « Dans la fabrique du mouvement social », Le Monde Diplomatique, décembre 2010, page 22.

3. Cf. Gérard Deneux, « Prochaine offensive du MEDEF contre l’assurance-maladie de la Sécurité Sociale », A Contre-Courant, n° 211, janvier-février 2011

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Message  nico37 Jeu 20 Jan - 19:59

L’enjeu de la décennie in Le Monde libertaire n°1616 (9-15 novembre 2010)

La notion d’« exception française » est agaçante. Cette façon ethnocentrique gauloise de se considérer à part, cette recette pour cultiver certaines niches culturelles, oscillant entre une vraie résistance à la globalisation marchande et une mascarade nationaliste, comporte trop d’ambiguïtés. Pourtant, la situation française ne manque pas d’originalité au sein des pays industrialisés occidentaux.
On y trouve en effet : un système de « protection sociale » issu du programme de la Résistance, donc d’un compromis, en gros, entre le gaullisme et la gauche ; un stalinisme fort historiquement qui, malgré Mai 68 puis l’amoindrissement du Parti communiste, continue à se faire sentir dans l’appareil cégétiste ; un postfascisme d’abord encouragé par l’ex-pétainiste Mitterrand – pour diviser la droite et réunir la gauche sous l’antienne d’un large front antifasciste, mobilisant même la jeunesse ; un écologisme bigarré qui troque son radicalisme pionnier à l’aune des strapontins politiques ou qui s’embrouille dans le catastrophisme décroissantiste. Tous ces ingrédients n’existent pas en même quantité ni de la même façon, dans les pays voisins.
Au Royaume-Uni, Thatcher a cassé le mouvement ouvrier et a ouvert la voie au blairisme suffocant. En Allemagne, l’écologisme dispute à une social-démocratie vieillissante la prime aux manœuvres d’alliances politiciennes. En Espagne, la transition postfranquiste a été menée de main de maître par une social-démocratie parée des atours de la rédemption, mais n’offrant d’autres perspectives que le néolibéralisme européen… Quant à l’Italie, prononcer le seul nom de Berlusconi suffit malheureusement à résumer la situation. Pour les États-Unis, celui d’Obama, qui a tant séduit les démocrates bobos du monde entier, devrait bientôt être synonyme d’illusion totale. Arrêtons la liste, et revenons à la France.

La France de Sarkozy à la pointe de la casse

La mission de Sarkozy est claire : anéantir les pans de protection sociale, les services publics (santé, éducation, transport…), et aligner la France sur les modèles libéraux dont les médias nous abreuvent, la mettre à la pointe de ces pays tant certaines mesures préfigurent la démocratie à la fois blindée et muselée. Soit pêle-mêle l’externalisation des tâches de l’État central sur les collectivités locales, que l’on prive au passage de moyens financiers (suppression de la taxe professionnelle) – ce qui mènera tôt ou tard au chaos ; le démantèlement des services publics reconfigurés à l’américaine, mais sans les moyens de l’Amérique ; la mise en concurrence exacerbée des communes, des villes et des campagnes, des associations laïques contre les nouveaux groupements privés ; la justice mise au pas, les médias télévisés présidentialisés…
La France sarkozyste est à l’avant-garde de la « stratégie du choc », récemment évoquée par l’essayiste Naomi Klein, et que je m’évertuais déjà à dénoncer depuis un bon moment dans ces colonnes en critiquant le catastrophisme véhiculé par les derniers marxistes-léninistes (un capitalisme qui s’effondrerait sous le poids de ses contradictions et de la baisse tendancielle du taux de profit) comme par les écologistes venus les remplacer auprès de la classe moyenne et de la jeunesse (un capitalisme qui s’effondrerait parce qu’il aurait trouvé ses limites physiques).
La chute du Mur de Berlin et la fin de l’Union soviétique devaient ouvrir un boulevard à l’anarchisme. L’amaigrissement des staliniens allait faciliter la vie syndicale. La confusion politicienne des écologistes devait ouvrir des espaces d’alternatives.
L’augmentation de l’absentéisme aux élections, qui abasourdit les démocrates sincères ne parvenant pas à se sortir de leur grille de lecture étatiste, donnait de l’espoir. Mais cela ne s’est pas passé comme prévu.
La nature politique a horreur du vide, et les anarchistes, tout matérialistes qu’ils soient, ont oublié que ce ne sont pas forcément les idées qui guident le monde, mais les pratiques concrètes. D’ailleurs, l’un des bilans de l’échec du marxisme est que les travailleurs ou les citoyens ne se laissent plus séduire aussi facilement par le dogme politique. Les pages prodigieuses d’un Bakounine ou d’un Malatesta ne suffisent pas à entraîner l’adhésion… Et c’est peut-être bien ainsi.

Le bilan malgré tout positif des deux derniers mois

Tout n’est pas perdu. La profondeur et, parfois, la détermination du mouvement social contre la réforme des retraites ouvrent de nouvelles perspectives. N’importe quel observateur honnête a pu constater que la colère dépassait la seule question des pensions. C’est pour cela que la plupart des médias se sont efforcés de revenir à un agenda classique – politicien – mais qu’ils ont eu bien du mal à masquer les expressions de ras-le-bol. C’est aussi pour cela que les directions et les bureaucraties syndicales ont freiné des quatre fers, et ont joué du grand écart. À court terme, elles semblent avoir gagné. À moyen terme, ce n’est pas sûr, à condition que les anarchistes ne campent pas sur l’Aventin.
En effet, de nombreuses pratiques d’action directe – pas nécessairement violentes – ont été menées : des piquets de grève (classiques), des blocages ciblés ou filtrants, visant moins les usagers que l’économie (preuve d’une maturité politique), des actions parodiques (qui agacent les puritains du mouvement ouvrier) et des coordinations issues de la base (cf. l’appel de Tours du 6 novembre). Différents secteurs, différentes générations se sont rejoints, souvent avec enthousiasme. La solidarité a été massive, immédiate.
Sans avoir lu une seule ligne de L’Insurrection qui vient, syndicats ou coordinations ont cherché à bloquer les flux économiques – pétrole, transport ferroviaire, tris postaux. Ils ont désigné les hauts responsables, les banques en premier lieu, dont les murs tagués ou encollés d’affiches ont goûté à d’autres joies que celles de la publicité pique-sous.
Beaucoup ont compris que la grève générale était au minimum un mot d’ordre à lancer, voire tenter. Que les directions syndicales ne l’aient pas relayé risque de leur coûter cher. Du moins, si l’on ne veut pas être trop euphorique, peut-on dénoncer le prétendu autisme de Sarkozy – qui n’est pas là pour écouter et prendre conseil auprès du peuple –, mais pour faire le sale boulot en le mettant sur le même plan que le prétendu autisme des bureaucraties syndicales – qui ne sont pas là pour faire gagner un mouvement, mais au contraire pour l’enterrer. À nous, anarchistes, d’enfoncer le clou, de les virer du paysage social.

L’impasse d’un référendum sur les retraites

À nous aussi de dénoncer la nouvelle manœuvre lancée par certains secteurs de gauche sous l’égide du magazine Politis qui appelle à un référendum sur la question des retraites et qui demande des signataires afin d’épauler d’éventuels députés, en vertu des nouvelles dispositions constitutionnelles. Certes, cet appel à un référendum sur les retraites semble de prime abord anodin, sinon sympathique, genre « démocratie directe ». Mais la victoire du « non » contre le traité constitutionnel européen a bien montré la valeur de ce type de consultation dans notre système : les dirigeants politiques et économiques refusent d’en tenir compte. Ils s’assoient dessus. Ils se débrouillent pour imposer leurs vues malgré tout, car ils en ont les moyens, eux. Ce qui a été rejeté par la porte rentre par la fenêtre. C’est bien ce qui s’est passé depuis sur l’Union européenne.
En outre, la victoire du « non » n’a pas entraîné une dynamique sociale suffisante pour inverser le cours des choses, contrairement à ce que certains espéraient. Cela s’explique facilement. Le « non » mêlait des motivations très diverses, et des électeurs provenant d’horizons politiques variés sinon antagonistes, puisant jusqu’à l’extrême droite. Dans les urnes, tous les bulletins se mélangent. En revanche, sur le terrain social, on voit tout de suite en quoi les pratiques sont à la hauteur des discours. Autrement dit, le référendum est largement une opération politique, pour ne pas dire politicienne. En France, on connaît ça depuis le bonapartisme, et avec le référendum de 1969, qui a permis aux giscardiens d’éjecter de Gaulle.
Enfin, il est significatif que, si cette possibilité constitutionnelle existe, il ne se soit pas trouvé un cinquième de parlementaires dans l’opposition pour la proposer et la mener à bien. Là encore, cela s’explique. Il faudrait en effet que les députés de gauche soient réellement opposés à la loi Sarkozy-Woerth sur les retraites. Or ce n’est pas une calomnie que de dire qu’ils y sont en majorité favorables (il suffit de lire certaines de leurs déclarations). En fait, ils souhaitent que la droite fasse le sale boulot en attendant 2012 pour lui ravir la place. D’ailleurs, en freinant des quatre fers, les directions syndicales ont placé la suite sur ce terrain-là – les élections présidentielles de 2012 – et certains l’ont même clairement dit.
Au final, l’appel à un référendum sur la question des retraites revient à consolider un système politique qui est en réalité discrédité, tant du côté d’un présidentialisme de plus en plus autoritaire, que d’un parlementarisme de plus en plus inopérant.
L’alternative ne se situe pas là. Le rapport de forces doit se réaliser dans les constructions économiques et sociales. D’ailleurs, le peuple ne s’y trompe pas puisqu’il déserte de plus en plus les urnes. L’y ramener reviendrait à le bercer encore d’illusions. À se tromper encore sur l’analyse politique, l’agenda, l’alternative. Ce référendum serait bien de la fausse démocratie directe, celle dont se gargarisent démagogiquement les élus pour se faire réélire (et se doter de belles retraites), y compris celui qui l’a fait mettre dans la Constitution : Sarkozy himself !
Que les déçus du « non » au traité constitutionnel européen y réfléchissent à deux fois… Et ne parlons même pas de l’hypothèse selon laquelle, grâce à un renfort médiatique massif (que l’on a déjà vu à l’œuvre…), le « oui » à Woerth-Sarkozy pourrait l’emporter ! Bref, le mouvement social contre la loi sur les retraites mérite une autre fin… si l’on considère qu’il est fini.

Le réveil de la lutte des classes

Face à ce qu’on doit appeler un réveil de la lutte des classes, le mouvement écologiste est démuni. Son programme tendance mani pulite, ou « nettoyons les écuries d’Augias », emmené notamment par Eva Joly, a un côté sympathique. Mais si jamais les écologistes arrivaient au pouvoir – après avoir avalé les couleuvres qui leur feraient édulcorer leur programme pour des alliances –, ils ne le pourraient pas. Demander à un banquier de ne pas spéculer est comme demander à un bandit de ne pas braquer. La force contre la force. Mais la force d’un État ne sera pas celle du mouvement social.
Pour autant, doit-on rester dans son coin à espérer une hypothétique révolution sociale ou à construire un petit groupe où l’on se tiendrait bien au chaud ? Cela nous apparenterait plus à une secte qu’aux forgerons de l’émancipation. Il ne faudrait rien faire parce que ce serait du « réformisme » ou que notre action serait « récupérée » ?
Les marxistes – les gauchistes mais aussi les communistes – ont vérolé le débat en opposant le réformisme et la révolution, tout en flattant démagogiquement, pour certains, les bouffées de jacqueries urbaines qui ont surtout conduit des jeunes dans ce pourrissoir qu’est la prison. Or cette opposition entre réformisme et révolution, si l’on relit bien les théoriciens anarchistes – Bakounine, Reclus, Malatesta, mais aussi Pouget, Rocker – ou les acteurs majeurs – Makhno, Garcia Oliver… – n’a jamais vraiment existé ni dans leur vocabulaire, ni dans leur analyse, ni dans leurs pratiques. Cela mérite discussion, mais du moins cela n’a pas été posé dans ces termes-là, à condition de ne pas confondre réformisme et parlementarisme, une confusion fréquente propagée par les léninistes.
En outre, après les dernières décennies du XIXe siècle et quelques autres épisodes, la dimension eschatologique supposant la révolution proche a laissé la place chez les anarchistes, une fois le bilan dressé, à une analyse et une pratique débarrassées de leur scorie catastrophiste (c’est en particulier le sens de la fameuse Lettre aux anarchistes de Fernand Pelloutier en 1899), certes un instant rallumée avec la Révolution russe dont on pensait qu’elle allait embraser le monde.
Si nous estimons que l’État est incapable de nous émanciper, ce n’est pas seulement en vertu d’une conviction quasi religieuse selon laquelle celui-ci incarnerait le mal, mais parce que l’État raisonne par le haut et non par le bas. Par le haut, c’est-à-dire par des institutions, des infrastructures héritées, des pensées figées, des logiques d’appareils, que ceux-ci soient politiques, syndicaux ou bancaires. Le fédéralisme libertaire raisonne et agit par le bas : par nous-mêmes, et d’abord par la commune. C’est la fédération des communes libres, de producteurs libres, des consommateurs libres et des associés libres (artistiques, sportifs, ludiques…) qui dessinent le mouvement.

Développer les Amap et les Sel

Autrement dit, l’action anarchiste se situe à ce niveau, en fonction de la possibilité de chacun : dans tel syndicat s’il est plus combatif ou si la perspective est meilleure, dans telle Amap ou telle association, sans perdre de vue la fédération, non seulement des luttes, mais aussi, ce qui est certes plus difficile, des fonctions (production, consommation, vie).
La mission historique de l’anarcho-syndicalisme peut trouver un second souffle. Notre nouvelle tâche est tout aussi importante dans le mouvement de base des Amap ou des Sel. Bien sûr, et c’est facile, on peut estimer que ceci ou cela n’est pas assez révolutionnaire, et qu’il faut s’en écarter. Ce serait une erreur. Ce mouvement est parti de la base et sans forcément l’action des anarchistes, ce qui prouve fondamentalement la pertinence de l’idéal anarchiste, de l’humanité qui s’émancipe d’elle-même. Que des individus, des groupes, aient jugé bon de se débarrasser des liens socio-économiques actuels, de prôner les circuits courts et une agriculture non polluante, de remplacer même dans certaines Amap comme en Alsace, la monnaie par une autre circulation fiduciaire, est fondamentalement réjouissant. Que cela ne soit pas parfait, c’est évident car la perfection relève du religieux, pas de l’humain, ni de l’anarchisme.
Du moins, peut-on améliorer les choses. Or trois dangers guettent le mouvement des Amap. Il existe un intégrisme bio qui refuse toute transition dans le mode de production agricole et qui ne raisonne qu’en qualité de produit (ce second aspect étant intégrable dans le capitalisme). La techno-bureaucratisation, sous couvert de certification et autre labellisation, risque ensuite de réduire les liens de confiance entre producteurs et « consomm’acteurs » et, surtout, elle débouche sur une fonctionnarisation dont on a vu les dégâts avec les permanents syndicaux. Enfin, la politisation par des partis intéressés à récupérer militants et électeurs passe par les financements issus des assemblées régionales, en particulier.

Vers le municipalisme de base

Il faut amplifier le renouveau syndical ou parasyndical, à l’image des coordinations intersecteurs qu’il faut structurer à partir d’une base autonome interrégionale. Il faut réaliser sa jonction avec le mouvement des consomm’acteurs et des paysans, des coopératives ouvrières ou de consommation, sans oublier le tissu associatif, artistique et sportif à mettre dans la boucle. La perspective est un municipalisme de base, concret et dégagé des enjeux politiciens.
C’est, au moins en France, l’enjeu qui se dessine, sans attendre une hypothétique taxe Tobin ou une illusoire réforme du capitalisme promise par Sarkozy et peut-être prochainement adoubée par Strauss-Kahn. Les individus laminés par le système, et qui vont être de plus en plus nombreux, avec les effets du sarkozysme doivent y vivre, et en vivre. Car pour paraphraser Errico Malatesta, qui transcendait le clivage réforme-révolution, l’anarchie n’est pas pour demain, dans dix ans ou dans mille ans, mais pour ici et maintenant.

Philippe Pelletier

nico37

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Message  nico37 Jeu 3 Fév - 19:36

La lutte sociale n’est pas morte : regards sur quelques collectifs « interpro »In Le Monde libertaire n°1621 (3-9 février 2011)

Fin 2010, alors que les organisations syndicales enterrent le mouvement social contre la réforme des retraites, un nouveau et inédit front de luttes de classe s’ouvre. Constitués à partir de collectifs syndicaux, mais recomposés au gré des événements, ou jaillis au cœur des manifs, ces comités ont tous une histoire différente, mais convergent vers un même but : « Ne rien lâcher ! »

Ces comités sont constitués de personnes – souvent des femmes – qui cherchent à faire converger la colère et la combativité, découragées par le mouvement syndical. Pour se donner les moyens de s’émanciper de la tutelle syndicale et de ses limites, des assemblées générales (AG Nîmes), Collectif unitaire interpro et citoyen (CUIC ou « Chambé en lutte », Chambéry) ou Collectif de solidarité pour la grève générale (Poitiers) émergent du mouvement, assez tôt. Lors de la deuxième rencontre nationale qui eut lieu à Nantes le 27 novembre 2010, trente-six collectifs locaux étaient recensés. Un site internet fut créé (www.onnelacherien.org), permettant de relier ces comités entre eux, en leur donnant de la visibilité et concrétisant une volonté de relier dans la cohésion et la solidarité.

Dans le détail, ces collectifs sont tous porteurs d’une histoire propre. Examinons cette diversité convergente. Selon Muriel, de l’AG de Nîmes (http://agnimes.blogspot.com), « le comité s’est créé en mai à l’initiative de quelques syndiqués (CGT, CNT, Sud), et était ouvert aux non-syndiqués mais s’est rapidement éteint. Il renaît en novembre à l’initiative de quelques syndiqués de Sud et comprend davantage de non-syndiqués (chômeurs, etc.) que de syndiqués. Il s’est réuni autour de la réforme des retraites et réclame le retrait de la loi sur les retraites, et plus largement entend créer un mouvement de résistance contre les réformes à venir sur la Sécu, la privatisation des services publics… Encore aujourd’hui, ce collectif est animé par des personnes qui ne veulent plus être baladées par les bureaucraties syndicales, les manifs plan-plan, et qui veulent davantage d’actions de blocage de l’économie que d’actions symboliques. Qui veulent reprendre en main leurs revendications et leurs modes d’action. Mais nous n’écartons pas de types d’actions a priori. Nous nous réunissons une fois par semaine et impulsons une rencontre régionale avec les collectifs de Sète, Montpellier et Alès qui se réunirait tous les deux mois.

En pratique, les comités organisent beaucoup de choses, comme à Poitiers, avec du soutien financier par une caisse de grève, qui a été effective et assez conséquente ; coordination d’une veille juridique (topo en ligne sur le droit de grève), repas (après une manif, un charivari), partage de temps libre et entraide (garde de mômes, dépannages divers…), discussions sur la situation, topo sur les actions passées et les actions à venir (agenda régulier), organisation d’actions, etc. À Chambéry, des soupes de rue furent organisées et à Nîmes on fait du théâtre de rue ».

Jean, du Collectif de solidarité pour la grève générale de Poitiers, précise : « Les modes de fonctionnement peuvent se définir comme anti-hiérarchiques, anti-autoritaires, les mandats éventuels sont ponctuels, tournants, impératifs et révocables. Le principe, c’est déjà de venir participer, éventuellement de s’impliquer ponctuellement et librement dans tel ou tel mandat collectif (garder la caisse, bricoler une pancarte, organiser une tambouille, etc.) en fonction des désirs et des disponibilités évidemment, de proposer tel ou tel débat, telle ou telle action. Les décisions éventuelles (par exemple, donner de l’argent aux grévistes qui en ont besoin) sont prises au consensus, avec les gens concernés. Les initiatives individuelles ou collectives des gens participant à l’assemblée restent totalement libres. »
On retrouve néanmoins des traits communs à ces comités locaux, par exemple, quant à leur composition. On y trouve fréquemment des militants aguerris, et aussi des gens qui sont hostiles aux groupements traditionnels (syndicats, partis…) ou s’en trouvent exclus du fait de leur condition sociale (précaires, chômeurs, travailleurs indépendants, etc.). Et si ces groupements entendaient au début pointer du doigt l’incurie syndicale concernant l’organisation de la grève générale, les appuis de syndicats ou d’organisations diverses (Sud, Attac, NPA, CNT, Fédération anarchiste, etc.) sont réels : tirage de tracts, prêts de locaux… En revanche, le désintérêt des unions départementales des syndicats traditionnels pour les AG est fréquent. Il y a tout de même une sorte de rencontre entre des secteurs militants combatifs, avec des personnes qui se considèrent « en dehors », mais qui conjuguent cette révolte et ce désir de ne « rien lâcher », sur un autre mode.

Toutefois, les limites de ce nouveau mouvement sont réelles, à commencer par un affaiblissement avéré depuis la fin du mouvement « officiel » de protestation contre la réforme des retraites. La recherche de nouveaux objectifs pour exister, et son mode d’organisation empruntant à l’assembléisme, sont de possibles embûches. Ceci dit, l’implication des militants anarchistes est sincère, à commencer par les militants de la Fédération anarchiste. Pour Fred, de Chambéry, « en tant qu’outil de lutte, ce type de rassemblement directement impliqué dans le mouvement, alimenté par des salariés en grève et des gens en lutte, a su montrer son efficacité en favorisant la participation de nombreuses personnes. Il permet de combler en partie l’incapacité des organisations syndicales à mobiliser au-delà de leurs rangs et du monde du travail proprement dit. Mais aussi leur incapacité à sortir des formes de mobilisations classiques (grève, manif). Il répond au besoin de fonctionnement plus participatif et d’agir directement, d’être acteur de la lutte, de ne rien lâcher et de s’en donner les moyens ».

Fred complète en globalisant : « Les collectifs comme celui de Chambéry n’émergent sûrement pas par hasard, aujourd’hui, à côté, tout contre même, les organisations syndicales… On peut combiner un certain nombre d’éléments :
- L’incapacité et/ou la non-volonté des principales organisations syndicales à construire la grève générale et les stratégies foireuses des confédérations.
- Des syndicats avec des fonctionnements souvent rigides, des prises de décisions allant du haut vers le bas qui accroissent la défiance envers ce type d’organisation de la part de ceux qui veulent lutter et aspirent à être acteurs de la lutte.
- De plus, une unité de façade des organisations syndicales au niveau confédéral lors du mouvement social qui ne trompe personne sur les désaccords et les dissensions entre boutiques. Plus globalement, l’incapacité et/ou la non-volonté d’un certain syndicalisme à s’adapter à l’évolution de l’organisation du travail et la faiblesse du syndicalisme en général (8 % de syndiqués ?). »

On retrouve du côté de Chambéry un regard critique sur les organisations issues du mouvement ouvrier : « Pour des millions de travailleurs précaires (en temps partiel, en contrat court, en apprentissage, les intérimaires, les intermittents, etc.), le monde du travail qu’ils fréquentent de manière discontinue n’est plus central (et souvent rejeté). De fait, l’action dans le monde du travail stricto sensu est moins efficace. La grève (générale), comme axe central de la lutte, reste pertinente, mais il faut reconnaître qu’elle ne permet pas forcément d’impliquer les chômeurs, les retraités, les jeunes et la cohorte des précaires. La mobilisation qui prend appui uniquement dans l’entreprise est moins efficace, implique moins de monde, ne suffit plus pour gagner. »

L’évolution actuelle de ces collectifs est d’étendre leur champ d’action au-delà du seul problème des retraites. Ils occupent le terrain dans leur ville, diversifient leurs interventions, globalisent leurs préoccupations, s’ouvrent, tout en associant des gens dans le dialogue. Muriel de Nîmes semblait pessimiste sur l’avenir de l’AG de Nîmes, mais a changé d’avis depuis. Un camarade de Poitiers précise : « Hormis les fonctionnements de type horizontaux, et sa souplesse, cette assemblée populaire répond assez bien à une circonspection de plus en plus grande de pas mal de gens vis-à-vis des organisations traditionnelles (y compris souvent les leurs). Plutôt que d’agiter des drapeaux et de défendre des chapelles, entretenant le spectacle d’une contestation et d’une pseudo-alternative au système, elle permet de se retrouver réellement pour s’entraider, s’informer, se soutenir, lutter. Et quand bien même elle ne servirait qu’à tisser des rapports sociaux entre quelques personnes qui ne se croisent pas souvent, et à les maintenir d’ici de prochains grands mouvements en cas d’arrêt du truc, via la liste mail, ce serait déjà beaucoup. Ça a le mérite d’être là, et c’est très bien. »

À Chambéry, les évolutions récentes du mouvement social s’appuient sur deux décennies de luttes où d’autres pratiques sont apparues et se sont développées : coordination, AG de salariés et AG « interpro », formes d’actions redécouvertes (occupation, blocage, etc.). Le mouvement social cherche ainsi de nouvelles voies d’organisation et de résistance. Les anarchistes accompagnent cette évolution qui semble aller vers des pratiques plus radicales et libertaires. Fred précise encore : « Ce type d’organisation [les comités interpro] puise sa vitalité dans la lutte en s’insérant dans un large mouvement social. Sa pérennité au-delà du mouvement général peut être vu comme positif car enfin, il n’y a pas un retour à la normale, comme si de rien n’était, lorsque le mouvement retombe. Par ailleurs, le collectif s’est construit autour de certaines pratiques comme les actions de blocages et la lutte contre une réforme avec un objectif simple et commun, le retrait. Des objectifs moins étroits pourraient faire émerger des questions plus idéologiques qui risquent de ne pas faire consensus. Quoi qu’il en soit, cette expérience est un acquis pour les luttes futures. »

Daniel Vidal Groupe Gard-Vaucluse de la FA

nico37

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Réforme des retraites - Page 33 Empty Re: Réforme des retraites

Message  nico37 Dim 6 Fév - 21:41

Nous organisons une réunion publique à Paris ce mercredi 9 février, à propos de ce texte

La réunion se déroulera à partir de 19h30 au "Tabac de la Bourse", 4 boulevard Magenta, Métro République (Paris)

Bienvenue à tous !


Novembre 2010 – janvier 2011

Collectif politique Lieux Communs – www.magmaweb.fr – lieuxcommuns@gmx.fr

Le texte qui suit ne dit fondamentalement rien de nouveau : les faits comme leurs interprétations présen tés ici sont connus. Nous nous tenons à ce qui nous semble être la lucidité, qui est encore la meilleure arme contre les illusions, l’impuissance, le désespoir. Pas plus nous ne visons l’objectivité ou l’exhaustivité : nous tentons de présenter ce qui nous paraît significatif, non au regard d’une humeur ou d’une quelconque science, mais en fonction d’un projet historique dans lequel nous nous re connaissons, l’instauration par le peuple d’une démo cratie radicale – ou di recte ; une société où l’ordre ne serait plus imposé par une minorité dirigeante au nom d’une autorité extérieure, séparée et inaccessible – Dieu(x), Traditions, Nature, Lois de l’Histoire ou du Mar ché – mais où la liberté et la justice sont reconnues comme des questions toujours ouvertes et dont nous sommes tous directement responsables en tant que femmes et hommes dignes, libres et égaux (car c’est seule ment à ce prix que nous le sommes effectivement). C’est de là que nous interrogeons le sens du mouve ment d’octobre autant que de la société qui l’a pro duit. Ce sens n’est prédonné par rien ni par personne ; il ne dépend que de ce que les gens feront dans l’ave nir. Nous parlons donc, autant que nous le pouvons, dans la perspective d’une autonomie indivi duelle et collec tive. Nous nous adressons donc en tant qu’égaux à des hommes capables de faire leur his toire, comme ils l’ont déjà faite dans le passé, et comme ils continuent de la faire, le sachant ou non. Enfin, ce n’est donc pas un bilan au sens propre : il aurait fallu pour cela un ob jet circonscrit, des critères admis, des objectifs clairs et des perspect ives tracées. Mais c’est tout cela même qui fait question, au moins pour nous, au sein de ce qu’on ap pelle « le » mouvement social contemporain.

***
Commençons par la surprise qui saisirait un observateur naïf du mouvement d’octobre 2010 :

- ce mouvement était prévu depuis des mois, mais il n’a été préparé ni par les militants syndicaux de la base, ni par les autres milieux ;

- la situation sociale a rarement été aussi catastrophique, l’avenir aussi sombre, et les élites discré ditées mais les déborde ments ont été plus que marginaux ;

-les manifestations ont été très suivies, mais les grèves ont été globalement très faibles et peu éten dues malgré quelques secteurs très localisés et très déterminés ;

- le mouvement très syndical a été chapeauté par une exceptionnelle « unité » des grandes centrales mais s’est conclu par une cuisante défaite, qui ne semble pas les désavouer, bien au contraire ;

- enfin cette déroute exemplaire ne semble avoir finalement désespéré personne...

A la fois cause et conséquence de tout cela, un très fort sentiment de répétition, de déjà-vu, a par couru les cortèges, les assemblées, les discussions de ce mois d’octobre. Il devient évident aux yeux de tous que ce que les « mouvements sociaux » d’il y a quinze ans pouvaient avoir de « nou veau » ou de sub versif s’est évaporé ou est devenu un rouage rou tinier. L’altermondia lisme qui a pu un temps bercer ces es poirs s’est avéré n’être finalement qu’un regain de vo lontarisme qui se nour rissait en partie de la dis parition du repoussoir que constituait l’empire sovié tique. Même victo rieux comme en 2006, les « mou vements sociaux » ne semblent plus aujour d’hui des siner une alternative à quelque niveau que ce soit. Il s’en dégage alors comme un sentiment d’impuis sance à seule­ment endiguer, à grand peine, de temps en temps, et par des soubre sauts laborieux, l’acharne ment de l’oligarchie à dé coudre ce que des siècles de luttes étaient parven u à établir contre tous les pou voirs. Celui d’oc tobre n’ayant porté aucun es poir sé rieux, c’est tout natu rellement que l’on se ré jouit qu’il ait seulement existé...

Les syndicats

Difficile, ici, de ne pas évoquer les responsabilités, certes limitées mais massives et dans tous les cas lamentables, des acteurs principaux, les syndi cats.

Comme tous les « mouve ments-veto » de ce type, la ligne officielle est toujours strictement dé fensive. Il s’agit avant tout de demander un statu quo et de pro poser la société telle qu’elle est comme unique hori zon et seule cause à défendre. La posi tion est d’em blée inte nable : elle plaide la cause du petit peuple au près d’un Etat-monarque, sans rien redire sur le fonde ment même de son existence indépen damment de ceux qu’il est censé servir. Et cela re vient simple ment à entéri ner les injustices criantes du fonctionnement actuel et donc à exclure d’emblée du mouvement des catégories qui auraient tout à gagner à un changement social radical. Mais il y a plus : les syndicats n’ont cette fois-ci jamais demandé collec tivement le retrait du projet de loi : toutes leurs rodomontades n’ont jamais eu d’autres objets que d’exi ger l’ouverture de négociations avec le gou vernement. La position n’est pas anecdotique et confirme leur at­titude du rant le mouvement, où toutes les tactiques de sabo tage semblent avoir été utilisées : absence to tale de prépara tion préalable à la base afin de garder l’initiative ; organisation de spectaculaires « jour nées d’actions » et de « mani festations » espa cées pour épuiser le mouvement et éviter d’avoir à géné raliser les grèves (postiers, en seignants, RATP, etc. qui ont été totalement ab sents – on a parlé de « grève - RTT ») ; isolement des sec teurs (hôpi taux, éboueurs,...) et régions (Marseille,...) mobilisés au profit d’un secteur unique « fer de lance » (les raffi neries) sur le quel tout re pose ; utilisation opportu niste de la rhéto rique du « blocage » ; etc.

Devant le succès croissant et in attendu des défilés natio naux, les confédérations syn dicales en ont fait l’essence même du mouvement, tout en testant un nouveau dispositif de sabordage, à la fois spectacu laire et invisible : la division systématique des mani festations en deux cortèges défilant à Paris dans des artères parallèles pour se re joindre finale ment déca lés dans le temps, voire, quelquefois, dé­boucher à deux en droits différents – place des In valides et place Vauban le 19 octobre.

Pathétique constat, perpétuellement redé couvert, chaque fois à nouveau frais par une « base » qui veut continuer à n’y voir que des dysfonctionne ments : les centrales syndi cales actuelles n’ont plus rien de com mun avec leurs ancêtres du mouvement ouvrier de la fin du XIXe siècle. Ceux-ci se voulaient, et ont été, de vé ritables contre-socié tés où bouillonnaient idées et ini tiatives, systé matisant l’alphabétisation et l’édu cation popu laire. Ils ont ainsi constitué pratiquement le germe de ce qui est devenu après-guerre les grandes institu tions de soli darités nationales, dont, faut-il le rappeler, le système des retraites par répar tition.... Bien entendu, celles-ci se sont largement dé naturées en se bureaucratisant, s’éloignant de l’esprit initial comme du peuple au point d’apparaître comme des institutions étrangères créées par l’État. Car aujour d’hui les centrales syndicales participent activement à la propagation de l’insignifiance au sein même des mouvements sociaux : slogans insipides à base de novlangue publicitaire, infâme bouillie de mots en guise de tracts, sonos assourdissantes crachant les dernières merdes commerciales (drague fourbe et dé magogique auprès d’une jeunesse déjà biberonnée au spectacle et qui mériterait autre chose)… Ces cen trales entretiennent par cette « gay pridisation » la quête infinie de reconnaissance identi taire, la mé connaissance absolue de l’histoire des mouve ments d’émanci pation, et l’évanescence quasi-totale des re pères les plus élémentaires.

Les syndicats n’ont donc en rien échappé à ce processus où c’est la société entière qui est perçue par ses individus comme extérieure à eux. Progressivement deve nus des appareils bureaucra tiques prati quant le lob bying pour leurs seuls intérêts au près des instances du pouvoir du moment, ils sont, de fait et depuis long temps, un rouage totalement in tégré au jeu institu tionnel. Des guerres internes que se livrent les clans et les factions qui se dis putent les postes et l’in fluence, les premières vic times sont évi demment les syndiqués eux-mêmes. Ces militants, souvent de bonne foi, ne voient alors d’autre alternat ive que de rallier la position trotskiste où la trahison des mauvaises directions explique les déroutes successives – argument que reprennent à profit les petits syndicats.

L’intersyndicale

Reste à constater que l’improbable « unité intersyndicale » qui a chapeauté le mouvement du début à la fin est due à une conjonction de facteurs.

On peut citer tout simplement la volonté de « la base » d’en découdre avec l’arrogance du président par l’intermédiaire d’un « front commun » le plus durable possible quitte à revoir à la baisse les mots d’ordre et les modes d’action.

Parallèlement, en refusant idéologiquement de jouer le jeu du « dialogue social », l’obstination gou vernementale a évidemment accompagné la formation de cette union contre nature. Dans le même sens, la loi sur la représentativité syndi cale de 2007 a mis fin aux monopoles des grandes centrales : en instituant la concurrence entre chacun lors des élections, elle a incité à un alignement conformiste qui achève de faire des représentants syndicaux des candidats perpétuellement en campagne électorale.

Enfin, roués à l’instrumentalisa tion des luttes et conscients du dé calage entre une agitation po pulaire tangible et la ri gidité de leurs di­rections, sans doute les syndicats ont-ils trouvé dans leur « unité » ma tière à contrôle. Car en ayant le monopole des pré avis, l’intersyndicale est ainsi ca pable de mettre fin d’une seule voix à n’importe quelle grève, en la ren dant illé gale. Et c’est ce qui s’est effective ment pas sé le 7 no vembre, sans parler de l’étrange fin de la mo bilisation dans les raffineries.

Quoi qu’il en soit, et même si comme d’habitude ce sont des franges de syndi qués particu lièrement motivés qui ont forcés les centrales à ren trer dans ce qui s’est avéré un petit rodéo syndical, l’intersyndi cale a gar dé le contrôle du mouve ment du début à la fin. Cer tainement les appa reils syndi caux ont-ils été les pre miers surpris par l’ampleur inattendue des ma nifestations (même si les chiffres ont été exagéré ment gonflés de part et d’autre) : il n’en reste pas moins qu’ils sont parve nus à n’en rien faire d’autre que ce qui était annon cé, un baroud d’honneur.

Les partis

Notons également que personne dans le jeu politique n’avait intérêt à ce qu’il en soit autrement : les petits partis de gauche pouvaient bien gesticu ler, ils sont de puis longtemps résignés à appe ler à voter « socialistes » au second tour de 2012. Et le PS, quant à lui, qui se tient coi pour recueillir les miettes du pouvoir qui s’effrite mécaniquement, ne semblait avoir aucune envie de faire passer lui-même, une fois au pouvoir, une réforme de toute manière dic tée par les instances supranationales. Comme l’avaient déjà proclamés publiquement les déci deurs inamovibles du parti, et notamment le probable can didat principal, Dominique Strauss-Kahn, bien familier des officines finan cières internationales, la liquida tion au moins progressive de la retraite par réparti tion est indiscu table. De son côté, le chef de l’Etat a subi un fort discrédit, mais rien ne permet de conclure qu’il ne res sortira pas, à terme, renforcé par cette « épreuve de la rue » qui manquait à son image de petit chef mafieux.

Les media

Dans tout ce jeu insipide, les média ont joué le leur, largement rodé depuis au moins le mouvement anti-CPE de 2006. Les militants s’y laissent en core avoir, persuadés qu’utiliser le « Système » média tique est sans effet-retour, ou bliant que les comités de ré daction restent avant tout des mar chands au prise avec une clientèle. Et les leçons des bourdes de 1995 ont quand même été tirées. Ainsi on les a d’abord vus ac compagner sans retard les pré misses, rivalisant de « repor tages » présentant les premières manifesta tions sous leur meilleur jour, donnant un large écho aux initiatives locales qui ne deman daient que ça. Les salles de rédaction vibrèrent donc de concert au fil de ce qui est finalement devenu des marronniers média tiques : le rapport de force entre les syndicats et le gouvernement ; les multiples « ques tions de sociét é » qu’il soulève ; les déborde ments au tour des éta blissements scolaires de ban­lieue (minimi sés : là aus si, le çons des émeutes de 2005...) ; la vio lence de la ré pression policière, le spectre du blocage du pays dou­blé de celui de la pé nurie d’es sence ; l’an nonce sans doute trop insis tante de l’entrée des étu diants dans la lutte, etc. La petite musique se changea au fil des se maines en re frain, puis tout bas cula, comme il se doit, lors de l’adoption finale de la loi par le Parlem ent et le Sé nat. En l’ab sence de nouvelles forces mobilisées, pourtant atten dues, la fin du mouve ment fut annon cée, donc dé­crétée.

L’actualité passa sans transition, le hasard fai sant décidément bien les choses, de la singerie du rema niement gouvernem ental aux gesti culations au tour des pri maires du PS. Puis les jour nalistes affron tèrent avec téméri té une nouvelle me nace de blocage qui pesait à pré sent sur le contri buable : la neige.

Le sentiment de mascarade n’a certainement ja mais été aussi intense, chez tous les partici pants, dont l’absence d’espoir placé dans les mobilisations ex plique sans doute cette excep tionnelle absence de désespoir visible. Sans doute le terme d’apathie pour caractéri­ser notre époque est ici particulière ment perti nent. Le mouvement d’octobre constitua le pa roxysme de ce décalage saisissant entre la machine rie institutionnelle regroupant syndicats, gouverne ment, partis et média qui gagnaient tous à ce que ce mouve ment soit mené en bonne et due forme, et une popu lation dont la rage diffuse et croissante ne trouve aucun lieu ni aucun lan gage pour son expres­sion. Ce chassé-croisé extraordi naire crée une situa tion grosse de régressions monu mentales comme de nouvelle donne : Pour la popu lation comme pour les militants, elle nécessite la sortie des cadres de pen sées et de pratiques pour la conquête d’une dimen sion proprement politique. Celle-ci ne pourrait se faire qu’à nouveaux frais - et per sonne n’en maîtrise les clefs. Si des tentatives existent en ce sens, bien peu prennent place dans le cadre d’un mouvement social. On peut essayer de caractériser quelques composantes nécessairement approximatives, mais nécessaires pour tenter d’y voir clair – ce qui semble aujourd’hui de la dernière effronterie. Elles se basent sur ce que les gens disent d’eux-mêmes, et font en si tuation, leurs options assumées ou non, bref tout ce qui peut contribuer à une auto-définition – toujours à la fois fuie et trouvée.

Les « mouvementistes »

Il y aurait, en premier lieu, l’ensemble très hétéro gène de ceux qu’on peut appeler les « mouvementistes ». L’ensemble regrouperait militants syndicaux de base opposés ou critiques vis-à-vis de leurs centrales, salariés insatisfaits en grève et déterminés, jeunes travailleurs découvrant la lutte, précaires et chômeurs sans lieu privilégiés de rencontre et d’actions, gauchistes de terrains enrégimentés ou non dans un groupuscule quelconque, etc. Ils ont formé, comme à chaque mouve ment, la frange la plus active et mobilisatrice, organisés à travers le pays sur une base territoriale, principalement en province comme l’ensemble des mouvements sociaux depuis dix ans. Confrontés à l’échec annoncé de la straté gie inter syndicale, ils se sont or ganisés tardivement en « AG interpro » (as semblées générales interprofession nelles) – rebap tisées quel quefois « AG de ville » ou « citoyennes ». Leur objectif aurait été de constituer une sorte de comité central de grève anticipé, parallèlement aux syndic ats.

Cette ambition à la fois tacite et affichée rappelle celle des coordi nations de la seconde moitié des années 80. Mais elle n’en a pas les moyens et surtout elle en garde la pire ambiguïté : l’impossibilité d’analyser claire ment le fait syndical actuel. A l’époque, les coordi­nations avaient réussi à s’imposer comme inter locuteurs incontournable et leur volonté d’ins trumentaliser les machines syndi cales permettait d’espérer en l’émer gence d’un autre type d’organe de lutte. Mais la guerre menée depuis à l’encontre de ces initiatives autonomes par les centrales (l’abcès de fixation créé par la lutte des raffineries et dépôts étant une stratégie parmi d’autres), l’apparition d’un syndicalisme « alter natif » (qui n’échappe déjà plus à la sclérose bureau cratique de ses aînés) et par-dessus tout l’in capacité, aujourd’hui de venue anthropolo gique, de concevoir un collectif durable qui ne se mue pas à terme en bu reaucratie, ont eu raison de ces coordi nations qui ap paraissent aujourd’hui comme des prolonge ments fi nissants de l’après-68. Ces AG ont été le lieu d’un étrange et consternant chassé-croisé : les syndiqués y viennent convaincus (au moins instinctivement) de ne rien pouvoir faire pour convaincre leur direction sclérosée de se bou ger, et ils rencontrent des militants persuadés qu’il faut absolument tenter de convertir les appareils syn dicaux. De fait ces « AG interpro » mobilisent l’es sentiel de leur énergie à cette tâche au point de ne rien pouvoir dire – ou faire – d’autre… L’ambition affi chée de dépasser le monopole syndical s’est heurtée à l’absence de moyens et de volonté réelle d’en faire une critique radicale. Enfermées dans cette contradic tion, les « in terpro » se sont résignées au rôle d’auxi­liaires turbulents, refuges volonta ristes de militants impuissants. Aucun mot d’ordre, par exemple, soit le requisit minima, n’est venu gê ner de quelques ma nières les manoeuvres des bureaucraties syndicales. Il en résulta les pires caractéristiques des assem blées contemporaines :

- confusion extraordinaire imbriquée avec un désir viscéral de mener des échanges consensuels pour conserver un semblant d’unité ;

- rivalités groupusculaires et luttes d’influences au milieu d’une majorité silencieuse prise au piège de la contestation consentante ;

- va-et-vient permanent et dilatoire entre des actions directes sans cohérence ni direction et des essais d’analyses encombrées de slogans incantatoires ;

- finalement, dissociation fondamentale entre les mots et les actes qui ne peut mener qu’à des poses aux prétentions dé mesurées, bluffs qu’internet démultiplie à distance.

Ces traits se répercutèrent, évidemment amplifiées, dans les quelques « AG des AG » organisées nationalement. Sans doute ces formes pour raient-elles constituer des ferments pour une société qui se ré veille confrontée à une réelle paupérisation telle qu’elle se profile. Mais ces AG, aujourd’hui rituel vide d’une tradition morte, seraient alors rendues méconnaissables.

Sans moyens pour étendre les grèves, les « mou vementistes » reprirent le mot d’ordre de « blo cage », pour tenter, à raison, de s’extraire de la cen tralité de la grève aux ordres et de l’emploi stable rendu rare. Mais si les pratiques salutaires qui y sont associées ne datent pas d’hier, le terme est malheu reusement devenu un mot-clef qui semble se suffire à lui-même, et qui masque tous les effets éminemment ambiva lents. Un des principaux est qu’un tel appel évite l’af frontement direct avec les bureaucra ties syndicales, dont il n’est pas certain qu’il ne soit que tactique. Et de manière strictement complémentaire, les centrales syndicale l’uti lisent à présent comme substitut pour éviter d’avoir à mobi liser les salariés fragilisés et / ou corporatistes rivés à leur poste, qui risquent toujours, une fois mis en mouvement, de leur échapper. La « forme grève » est bien mal en point aujourd’hui, moins du fait des me­sures coerci tives ou de la fragilisation générale de l’emploi que de l’attitude globalement attentiste des sala riés de puis un de mi-siècle qui ne jouent plus le rôle de gar de-fou des ambitions patronales. Bien entendu, la question de l’action d’ampleur pour la dépasser est d’autant plus ouverte que la frange précaire du salariat va grandissante. Reste que le projet d’obtenir une paralysie du pays par l’ac tion di recte n’est aujour d’hui qu’un fantasme verbeux qui feint d’ignorer la réalité territoriale, so ciologique et policière de la France ac tuelle. Sans parler de la dé fiance de toute la population pour les démarches dites « révolutionnaires », a fortiori celles qui pré­tendent parler en son nom tout en cultivant un uni vers qui lui paraît aussi étranger que baroque. Bref, cette façon de for muler une « solu tion » aux ter ribles impasses de notre époque en constitue égale ment une, qui per met d’éviter un examen idéolo gique douloureux. Dans le contexte idéologique ac tuel, la prolifération des termes mili tants comme ce lui « blocage » ou de « résistance » ne peut qu’invi ter chacun à se deman der « de quoi », « à quoi » et « pour quoi »...

Le milieu radical

Le même univers mental, bien plus concentré, irrigue le milieu radical. Nommé par le pouvoir « mouvance anarcho-autonome », ses fron tières avec les « mouvementistes » sont très poreuses. Il regroupe tout ce que le gauchisme a produit d’autoproclamé « radical » depuis quarante ans ; anarchistes individualistes, néo-ex-post-situation nistes, deuleuzo-foucaldiens, féministes postmodernes, squatteurs des beaux quartiers, écologistes anti-industriel, etc. Fédéré par un insurrectionnalisme maoïsant, ce petit en tre-soi vit dans une apesanteur sociale qui ne lui permet pas d’avoir un impact politique tangible. Mais il constitue un aimant significatif pour une fraction de la jeunesse qui s’est éveillée à la chose politique sur fond d’altermondialisme, et a vécu successivement les attentats du 11 septembre 2001, l’accession de Le Pen au second tour, les politiques Raffarin, le mouvement social de juin 2003, le mouvement ly­céen et les émeutes de banlieue qui s’ensui virent, le mouvement anti-CPE l’année suivante et enfin l’élec tion présiden tielle et ses suites. Et le contexte de crise profonde ne peut que grossir leurs rangs. Composé essentiellem ent d’étudiants très politisés, de jeunes en ruptures ainsi que de plus rares aînés, ces réseaux in formels à l’immaturité foncière constituent un re poussoir pour tous ceux qui seraient tenté par un dépassement des formes actuelles de la vie politique et intellectuelle – et c’est à ce titre qu’ils sont évoqués ici.

Cohérents à un certain niveau, leurs discours mil lénaristes et leurs actions coup-de-poing durant le mouvement servent à réaffirmer pratiquement qu’ils n’ont rien à voir avec le vulgum pecus : à Paris par exemple, la tentative de blocage de gares de voyageurs (pour « bloquer le capitalisme » !) ou de pénétration dans l’Opéra-Bastille ont été des fiascos célébrés avec triomphalisme dans des communiqués hallucinés (au moins la Bérézina de l’occupation de l’EHESS en 2006 n’aura pas été reconduite). Leur tactique de pro­vocation, qui consiste à se substituer aux « masses » pour l’initiative mais pas pour la répression, s’est totalement retourné contre eux : les gens, jusque dans leur propre rangs, les ont intuitivement assimilés aux forces de l’ordre, qui n’ont pas manqué d’user de la situation avec brio. Une telle posture pourrait permettre le passage à l’acte dans le cadre de manifestations sensibles à de possibles débordements, comme celles des étudiants anglais ou italiens de l’automne. Mais elle ne peut constituer d’issue aux révoltes violentes qui ne manqueront pas d’éclater dans les années qui viennent. Lorsqu’ils s’aper çoivent de leur inconsis tance, c’est pour verser dans le réformisme le plus plat : on les a ainsi vus ap peler à financer les opaques « caisses de grèves » des plus grands syn dicats (qui délièrent miraculeuse ment à la fin du mouvement d’insoupçonnables bourses...). Leur avachissement idéolo gique répond à leur im­portant turn-over et les condamne à ne res ter qu’un rite de passage anthropo logique pour une jeu nesse souvent aisée mais trans­gressive qui ne s’égare si bien que pour mieux arri ver, la trentaine pointant. Cette complémentarité, à la fois logique et tempo relle, de la marginalité agitée et de la normalité blasée signe la fin d’une période historique où l’adoles cence, alors brève, entraînait dans sa crise tout ima ginaire de sa société.

On peut espérer qu’un ample mouvement popu laire permettra un jour de se réapproprier, malgré eux, la visée d’une transformation radicale de la so ciété dont ils monopolisent les termes, en les déna turant. Encore faudrait-il ne pas oublier que leurs au teurs-fétiches sont ceux qui ont émergé de l’après-68, rationalisant son échec. En attendant, les ly céens actifs durant ce mois d’oc tobre leur paieront certai nement leur tribut.

Lycéens de banlieue

Il en va tout autrement de la jeunesse des ban lieues, dont l’activité de la frange lycéenne et collé gienne a été particulièrement remar­quée, bien qu’in dépendante et parallèle aux rythmes syndicaux. Car elle n’a été reliée, au grand désespoir des « radicaux » qui rêvent de s’adjoindre une telle force de frappe sans en avoir aucun moyen, que par des fils très ténus aux acteurs traditionnellement centraux du mouvement social. L’absence des enseignants, no tamment, a brillé du même éclat que lors de la mobilisation des lycées d’il y a cinq ans. Les profs terrés dans leurs établissements pendant que leurs élèves tentent, dehors, de se heurter au monde, est une image qui caractérise autant ce que l’on entend par éducation aujourd’hui que l’état d’émiettement du corps social lui-même.

La mobilisation des scolarisés utilisa autant les dispositifs militants convenus (grève, piquets de grève, manifestation) que les formes émeutières pour finir par ressembler à des monômes médiévaux. En Seine Saint-Denis, les saccages de magasins et les affrontements de rue quotidiens avec les forces de l’ordre, toujours décomplexées dans un tel contexte (avec hélicoptère et flash-ball), ont été tus par les média une fois passé l’épisode précoce de Montreuil. La simultanéité d’un em brasement comme celui de novembre 2005 avec un mouvement social corseté aurait provoqué une situation inédite, aussi grosse de régression de part et d’autre que de possi­bilités nouvelles. Mais la profonde désorientation existentielle de cette jeunesse sans perspectives élevée dans et pour le consumérisme et, pour une part impor tante, issue de l’immigration, semble de plus en plus s’ex primer en terme nihi listes, consumé­ristes ou eth nique - et de moins en moins pou voir se formuler en terme politique. Cette véritable, et seule, force popul aire et vivante, sans horizon mais pas sans espoir, se heurte à l’univers souvent irréel et cérébral des mi litants. Le sentiment mutuel d’étrangeté est tel que leurs interactions avec les quelques étu diants mobili sés furent émaillés d’incidents, sans at teindre les épi sodes de 2005 et 2006, où des cortèges avaient été très violemment attaqués et, pour l’un, dissous. Ces événements ont largement marqué les es prits des mani festants d’alors et ceux d’octobre avaient pris leurs précautions. En vain, puisque n’a pas été atteint ce point attirant où la li­berté et l’extraordinaire de la situation fait relativiser les règles jus qu’ici admises. L’enjeu est évidem ment d’importance pour l’avenir et le contexte d’aus térité croissante ne peut que le rendre plus crucial encore. Mais le cloi sonnement drama tique de la société tendrait à faire de ce milieu un al lié, pour l’instant objectif, des pou voirs en place - du moins tant que rien n’ouvrira un avenir qui ne peut être fait de camelotes sociales ou identitaires.

Fin des mouvements sociaux

Tout porte à croire que le mouvement d’octobre 2010 clôt la période ouverte quinze ans auparavant par celui de décembre 1995 et, étrangement, sur le même thème. Les mouve ments sociaux buttent sur l’héritage du mouve ment ouvrier, dont ils vou draient être les continuateurs, mais sans pouvoir / vouloir constater que l’élément vital qui en avait fait la force et l’inventivité est sérieusement brisé. Les tentatives de dépas sement de la situation, que ce soit par les « mouvementistes », les « radicaux » ou une cer taine jeunesse de banlieue, sont lourdement lestées par les grandes caractéristiques de l’époque, qui forment bien entendu système : repli sur la sphère privée et apathie de la popu lation ; confusion idéo logique sans précé dent et absence totale de projet politique positif même intuitif ; modification pro fonde de la so ciété, des liens qui y sont tissés, et du type d’être humain qui y est formé. Ces traits ne sont pas conjoncturels : ils proviennent directement (sans aucunement en dé couler logiquement) de l’ex périence historique du derniers siècle. Si autant de militants feignent d’igno rer les uns comme les autres, c’est afin de maintenir leurs illusions à n’importe quel prix, y compris celui de la cohérence et de la lucidité et, par-dessus tout, celui de tout lien réel avec la popu lation. Le mar xisme a dégénéré en autant de va riantes que de formes de résistances au constat de la faillite de ce qui s’est avéré être le quatrième grand mono­théisme. Il n’en reste aujourd’hui que le sque lette ju déo-chrétien où « l’occident » in carne tout en tier, et à lui seul, l’impossibilité des « dominés », qui ne sont que cela, à accéder à un bonheur dont rien ne pour rait être dit - sinon qu’il ressemble furieusement au mode de vie occidental actuel. De ce point de vue-là, mouvementistes, radi caux et jeunes de ban lieue dif fèrent moins que les apparences ne le laissent entre voir : ils sont le produits de leur époque.

Les reliquats du marxisme vulgaire dont la gauche semble organiquement incapable de se dé prendre servent à esca moter les changements capi taux sur venus durant le XXe siècle. Evidemment partie prenante dans ce naufrage, elle refuse d’en prendre la mesure alors même que leur prise de conscience s’est pourtant massi vement instal lée dans les men talités et les comporte ments de la po pulation. On ne peut ici que schématiquement les ré sumer, sous forme de trois constats :

- l’échec global des mouve ments révolution naires, soit qu’ils aient été écrasés dans le sang soit qu’ils aient provoqués l’engendrement, aux quatre coins du globe, les pires régimes que l’humani té ait jamais connus ;

- le développement exponentiel de la techno-s cience, et de son imaginaire de maîtrise rationnelle, qui a porté la capacité de contrôle, de destruction et de déshumanisation à un point inégalé dans l’his toire et qui pénètre aujourd’hui toutes les sphères de la vie quoti dienne ;

- enfin, l’adhésion profonde et active au mode de vie « occidental » qui se présente aux yeux du monde entier comme le mariage de la liberté effective et du fantasme de toute-puis sance, soit la promesse de l’illimité à porté de tous.

Évolutions insoupçonnables au XIXe siècle, elles sont devenues des évidences au XXIe, pour qui refuse tout à la fois les discours publicitaires du spectacle offi ciel et le racket idéologique des or ganes of ficiels de la subversion. Il semblerait que le peuple ait à re­créer entièrement la culture qui lui permet trait d’af fronter avec un mini mum d’espoir les politiques d’austérités qui se mettent en place – et dont rien ne permet d’estimer le terme. La notion de crise elle-même, qui sous-entend conflit, tension, bascule ment, semble avoir changé d’enjeu. Ce n’est pas que les classes sociales aient disparu : c’est plutôt qu’elles ne polarisent plus deux univers en contradic tion. L’alignement social, politique, cultu rel sur un modèle insipide à multiples facettes mais final ement unique, auquel tout le monde cherche à accéd er est un signe criant d’un effondrement géné ral d’un projet collectif, des valeurs qui y sont attachées, et d’un sens communément partagé. Ainsi l’incapacité ahu rissante qu’a eu le gratin po litico-intellectuel de « gauche » autant que les cercles mili tants à ré pondre à la manipulation gouvernementale qu’a re présenté le funeste « dé bat » sur « l’identité natio nale ». Leur im possibilité atavique à appréhen der l’ampleur de la crise an thropologique que nous vi vons en est un signe - et l’accom pagne.

Une colère conjoncturelle

Ce qui a pu chercher à s’exprimer dans ce mouve ment n’est a priori pas très difficile à cerner ; il suffit de lister l’actualité française des derniers mois, des suicides à France-Télécom au « débat » sur l’identité nationale, des séquestrations de patrons à l’omnipré­sence du discours sécuritaire, de l’annonce de profits et bénéfices indécents à l’humiliation de l’équipe na tionale de foot, et tout dernièrement, l’expul sion des Roms, et, entre autres « scandales » (Clearstream, Karachi, … ) et encore plus di rectement, l’affaire Woerth qui concernait le ministre en charge de la ré forme des retraites... Rarement la morgue et le mé pris ont été aus si ostentatoires chez un gouverne ment, tandis que les condi tions de vie et de travail se dé gradent progressi vement depuis des décennies. Bien entendu c’est tout naturellement que l’épouvantail national, M. Sarkozy sur lequel la gauche aime tant gloser – et pour cause – concentre sur lui toutes les haines et les ressentiments.

Un vertige anthropologique

La question des retraites est ainsi hautement si gnificative, de plusieurs points de vue. Rete nons-en un, le plus radical : il y est question du traitement de la vieillesse, qui est sans doute une des caractéris tiques fondamentales de l’hu manité puisqu’elle sous-tend, pour une société, la capacité à trans mettre d’une génération à l’autre la connaissance ac quise le long d’une existence, soit la culture. Bien entendu la gé rontocratie est également une des bases des ordres traditionnels, religieux, conserva teurs, bref hétéro­nomes dans l’histoire. Mais la consi dération pour l’ex périence n’est en rien une aliénation nécessaire : on sait par exemple le rôle central de l’expérience trans mise entre classes d’âge dans les longues et multi formes pratiques quoti dienne du mouvement ouvrier. Ici encore, la loi – la fameuse « réforme des re traites » - ne vient qu’enté riner un état de fait constaté depuis longtemps : que la vieillesse dans notre socié té n’a plus lieu d’être, reléguée comme le passé et l’histoire à une place marginale, Zone hon nie, par un faisceau convergent de phénomènes a priori séparés, qui en sont autant les causes que les conséquences : effon drement des fondements des connaissancees à trans mettre ; déve loppement expo nentiel des tech niques médicales ; stockage de tout le savoir humain parcellisé dans les réseaux informa tisés ; jeunisme perpétuel matra qué par les industries de la propa gande et du diver­tissement ; etc.

Faire disparaître la vieillesse, dans des mouroirs ou dans les Pôles-emploi, dans les cosmé tiques ou le lan gage, peut (et doit dans une certaine mesure) être in terprété comme une course à la pro ductivité et au rendement a court terme. Mais il faut comprendre et celle-ci, et ceux-là, et ce qui les rend envisa geables aujourd’hui – et pas hier, dési rables par certains, et tolérés de fait par tous.

Derrière la vieillesse, c’est la solitude, c’est la maladie, c’est l’angoisse, que l’on évacue. C’est tout ce qui marque les limites et, finalement, la limite de l’existence qui est dénié, au profit d’une liberté conçue non comme l’invention de ses propres bornes, mais comme leur absence totale. Il y a en fi ligrane certainement la plus souter raine, la plus mas sive et la plus terrible ten dance de l’évolution de la civilisation occi dentale, la plus formidable transfor mation qu’aucune société humaine n’ait vécu : la mort de la mort, la dispari tion sensible de toute conscience de la mortalité, de la finitude et de tout ce qui lui est lié et peut lui donner sens, soit, de proche en proche, de toute l’institution humaine. Pour le dire simplement : la mort ne se dit plus, ne se vit plus, n’est plus là, sym­boliquement dans au cun lieu, aucun temps, au cune figure (fût-ce celle du néant), donc n’existe plus, fantasmatiquement. En re tour elle sourd bien en tendu de partout, surgis sant à chaque instant et à toute occasion, chacun vi vant sous la menace indicible d’un danger inconnu, ou vrant grand les portes de la peur du voisin, de l’ave nir, de l’obsession de la violence et de la de mande de protection.

C’est bien cela la petite mon naie de l’alliance objective entre les mafias au pou voir et le banditisme nihiliste, ou en core de la dé rive catastrophiste de l’écologie contem poraine. Et il est clair que les mé canismes capita listes, ou en tous cas la pous sée vers l’accu­mulation illimitée, la re cherche infinie de puis sance, l’expansion de la vo lonté de maîtrise, sont ici pleinement à l’œuvre : certes dans la formation de l’être humain d’aujour d’hui qui ne tolère plus d’être pris au dépour vu, au contact de l’inconnu, et croit se réfugier dans le cy nisme – mais aussi dans la triviali té d’une réforme des retraites qui s’échine à détruire des organes de solidarité issus, mais déconnectés, d’un des plus grands mou vements d’émancipation que l’humanité ait connu.

En toile de fond, évidemment, la crise dite « économique » qui semble refer mer la pé riode de transi tion qui nous séparait de la fin des « trente glo rieuses » et qui interdit pour longtemps, chacun le sait, tout retour à cet « âge d’or » de toutes les gauches. Simultané­ment vécue comme une cala mité naturelle pas sagère et un obscène racket organi sé par les spéculations mondiales, elle participe silencieu sement depuis une génération à l’érosion de tout l’édi fice social, essentielle ment axé autour de l’accès au pouvoir et à la consommation. Le constat n’est pas nouveau, il avait déjà été énoncé en 1995, et re joint des consi dérations anthropologiques plus pro fondes : ce qui met en mouvement n’est pas la contes tation du pouvoir en lui-même, mais les abus qu’il commet et qui sont vécus comme tels. Le double phé nomène, auto-entretenu, de la bureaucra tisation géné rale de toutes les institutions et de désengagement gé néral de la population des affaires publique, fait appa raître cette société comme étran gère, extérieure, obéissant à des règles venues d’on ne sait où. On re trouve là des conditions sociales pa cifiées qui préva laient dans les sociétés tradition nelles, qui n’étaient nulle ment déchirées en leur sein comme le fut l’occi dent pendant au moins deux siècles. Aucun mouve ment social contemporain n’a donc remis en cause la so ciété telle qu’elle est : il conteste le prix du consentem ent tacite de chacun à l’ordre des choses, l’accep­tation de la vie dans cette société étrangère qui de vient, ou appa raît, trop éle vé.

Contrat social miné

Mais ce principe de contrat est triplement miné.

D’abord et simplement par la dynamique des oligarchies mondiales, qui ne rencontre plus aucune force sociale conséquente depuis trente ou quarante ans pour s’opposer à leurs projets de mise à sac de toutes les richesses naturelles, culturelles ou humaines. Les peuples sont laissés à la merci des puis sants depuis la disparition du mouvement ouvrier, évident depuis la pulvérisation des fallaces marxistes-léninistes qui l’avaient vérolé mais décelable dès l’après-guerre, puis l’affaissement des combats de moindre am pleur qui auraient pu en prendre le re lais – fémi nisme, décolonisation, écologistes. Des ré voltes locales ou des embrasements gé néraux, des ré­volutions mêmes sont largement possibles et même prévisibles dans ce contexte. Mais chacun sait que, sans un réveil que seul une mobilisation mas sive ren drait tangible, le chaos est plus probable que l’instaur ation d’une société fra ternelle. En consé quence la posture insurrectionn elle que sous-tend tout mouvem ent so cial n’est actuellement qu’une pose, que les dominants actuels ne feignent même plus de prendre au sérieux.

Ensuite, et de manière bien plus prégnante, le contrat implicite est miné par la dégradation de l’existence humaine. Ses ressorts sont beaucoup plus profonds que la guerre sociale menée par les domi nants, qui n’en est qu’une expression. Il est question ici de la disparition du sens de la vie, pour dire les choses simple ment, de la joie de vivre, du plaisir d’habiter au sein d’un peuple, de la force tirée indivi duellement d’une identité et d’un projet col lectifs, de l’élan d’une communauté qui s’enrichit de chaque nouveau membre qui y trouve sa place. Cette ta bula rasa de ces fondements millénaires gé nèrent une an goisse et une souf france qui im prègnent telle­ment l’air que l’on respire qu’elles ne sont même plus niées. Tout au contraire, elles sont présentées comme la contrepartie de la li­berté de l’« individua lisme ». Or ce qui est vu et vécu par chacun au fond de son être n’est pas une crise per manente due à un individu qui aurait à faire des choix douloureux en toute res ponsabilité, c’est au contraire un avachisse ment dû à l’im possibilité de répondre d’une exis tence moulée dans un confor misme qui n’assume même pas ses propres valeurs, contrairement aux tradi tions, us et coutumes d’au trefois.

Tout cela est enseveli sous l’amon cellement de bi belots, de jeux et de divertissement qui ne durent qu’un temps, malgré, ou parce que, haute ment technologisés. Ils nécessitent un ac croissement de dose, tout en délabrant les relations familiales, l’engage ment politique ou les vocations professionnelles. Ce la non plus n’est pas nou veau, et a été explicitement dénoncé - en Mai 68 par exemple. A contrario, les mouvements sociaux contempo rains se battent pour le maintien de la société de consommation qui, en sa dynamique propre, ne peut que produire des indivi dus insatisfaits, im matures, dépendants, en manque. Leurs ré actions aux poli tiques de rigueur en cours sont – le dévelop pement des appareils policiers l’an ticipe – pour le moins imprévisibles.

La fin d’un monde

Enfin, et cela est certainement historique ment « nouveau », le contrat entre l’Etat et la population est minée par d’autres tendances lourdes qu’on peut ras sembler sous le triptyque « Nature / Environnement / Ecologie ». Tout ce qu’on entend sous cette notion a rencontré un succès explosif de puis les années 80 – qui n’est pas « écolo » ? - et charrie, ou annexe, tout un ensemble d’idées, de postures, de mentalités extraordinairement ambivalentes : aliments « bio », voitures « vertes », air « pur », médecines « douces », énergies « propres », ma tériaux « sains », préservation de la biodiversité, etc. Tout ce qui s’y rapporte est au tant une simple exacerbation du « souci de soi » hyper-contemporain (santé, hygiène, personnalité, fi nance, cadre de vie, …) qu’une réelle appropriation des problématiques mondiales : le passage de l’un à l’autre est perma nent. Pour s’en tenir juste au ter rain poli tique, cela va des « décroissants » autogestionnaires aux authentiques fascistes obsédés par la pureté du sol, du sang, de la culture, en passant évidemment par le développement du rable gouverne mental, les grandes industries en plein greenwa shing, les entre preneurs du « bio », les idéo logies techno philes ou le primiti visme néo-ru ral... Ce qui surnage confusé ment, et en lien avec le « dé­veloppement » effectif de certains pays des l’ex-« tiers-monde », c’est que le mode de vie occi dental auquel aspire tous les pays n’est ni générali sable ni, surtout, viable. Ce qui s’ins tille massive ment dans la conscience, c’est ce senti ment diffus que, par ce biais présenté comme incon testable, se re ferme inexora blement l’accès à la « so ciété de consommation » qui a polar isé une bonne partie des luttes depuis des dé cennies. Mais, bien plus, que la si tuation de la pla nète de vient partout très problé matique, voire abso lument cau chemardesque pour ces fa meuses « géné rations fu tures ». Comme on dit, « on a mangé notre pain blanc », Sar kozy ou pas. La certitude qu’ont les pa rents actuels (ou grands-pa rents) que leurs enfants vivront « moins bien » qu’eux crée un malaise d’au tant plus profond qu’ils savent pertinem ment qu’ils n’y peuvent stricte ment rien, au moins pour une large part. Déterminer la quelle est bien tout l’en jeu de la question présente que l’époque semble s’échi ner à rendre inextricable.

Rage contre un président arrogant, un gouvernement offensif digne représentant de l’oli garchie mon diale corrompue et cynique mais aussi ressentiment et angoisse face à une société qui s’effrite de partout, peu à peu de par sa dynamique propre, et qui rend l’abondance matérielle pour tous de moins en moins possible par son pillage et la destruction des res sources natu relles – tout cela s’exprime contradictoi rement dans les ambiances des cortèges des manifest ations, et dans le désarroi que provoque toutes dis­cussions politiques sérieuses sur le sujet. Celles-ci dérivent spontanément et très vite vers des considé rations sur la raréfaction de l’eau potable, la surpopu lation et les crises alimentaires, le réchauffe ment cli matique,… Il est vrai que l’été pré cédent était domi né par une actualité « écologique » parti culièrement sombre : la plus grande marée noire de l’his toire dans le golfe du Mexique, canicule et in cendies spectacu laires en Russie, inondations dilu viennes au Pakistan, sans parler des orages et crues hexagonales qui semblent en une nuit mettre sens dessus des sous une des plus grandes puissances mon diales. Tout ce la dépasse bien entendu de très loin la question des retraites et en même temps s’y ramène d’une certaine manière, ou en tous cas s’y confine, le temps d’un conflit social. Mais, là, ces questions sont soigneu sement tues, alors mêmes qu’elles affleurent ailleurs en permanence.

Critique écologiste

Rien ne montre mieux l’effondrement per manent de tout ce qui se dit « de gauche » que l’argumentaire utilisé pour contrer le projet de loi sur les re traites : ramenant toute l’affaire à un calcul gestion naire, il démontrait brillamment qu’il suffisait de maintenir une crois sance à 2 % durant les cinquante pro chaines années pour maintenir le système de retraite par répartition... Comment dire plus claire ment l’adhésion aux fon damentaux de cette société hiérar chisée, consumé riste et dépressive que cette nostalgie de l’essor ca­pitaliste de l’après-guerre, cette crispation aveugle sur un statu quo ante ? Le plus frap pant n’est certes pas cette paralysie mentale qui couvre une addiction qu’on dirait organique à la so ciété de consommation, et qui a été formulée il y a des décennies : c’est plutôt l’incapacité, pour ceux qui en sont convaincus, et ils sont nombreux, à affirmer et à faire valoir des positions alternatives dans le cadre d’une mobilisation collective.

Il est très significatif que les seuls à tenter de le faire soient certains écologistes, parmi les plus radi caux et pas nécessairement encartés, c’est-à-dire ceux qui vont cher cher dans les contraintes exté rieures la légiti mité nécessaire pour transformer la société. Autrement dit, ceux qui font valoir plus vo lontiers que « ce n’est matériellement pas pos sible » - plutôt que « nous n’en voulons pas »... Et il est en core plus significatif qu’ils n’aient aucune visibilité lors d’un mouvement social tel que celui d’octobre. Il est vrai que les posi tions fonda mentales de la plu part des jeunes militants de ces nombreux milieux n’ont plus rien de commun avec celles qui décou laient d’une (auto-)formation poli tique comme il en existait il y a encore vingt ans. C’est évidem ment tout un hé ritage qui remonte au moins aux Lu mières qui ne se transmet tout simple ment plus, au profit d’un souci quasi-exclusif, ou en tous cas pre mier, de la sauve garde de la biosphère. Peut-être cela constitue-t-il aujour d’hui la seule sortie praticable du marécage auto-entretenu que représente les absurdités gauchi santes. Mais, en se débar rassant de ce qui a effecti vement largement contri bué à tuer les mouvements d’émancipation du XXe siècle (ou vrier, régionaliste, féministe, éco logiste, jeunes, mi norités ethniques), ce sont les cri­tères de jugement politique et sociaux les plus élé mentaires qui se dis sipent. Les revendica tions écolo gistes sur la ques tion des retraites, lors qu’elles existent, soit recon duisent toute la méca nique usée du marxisme-léninisme ap proximatif (volontarisme, économisme, scientisme,...) en s’alignant grosso modo sur les posi tions syndicales, soit ne font qu’entériner les phénomènes mas sifs de dépolitisation, comme, par exemple, la proposition, récupérée avant même d’avoir été subversive, d’un revenu garanti. Pourtant, rare ment mouvement social aura-t-il eu une telle occasion de poser la question des fonde ments maté riels de cette société.

L’occasion ratée de la « pénurie »

Qu’aurait été en effet le mouvement d’octobre 2010 sans la grève partielle et les tenta tives de blocages des raffineries et des dépôts ? Certainement bien moins encore que le mouve ment de juin 2003 sans les enseignants. Comme à l’époque, les syndicats ont annexé et dissous une lutte certes restreinte mais révélatrice d’une incapacité de la société actuelle à répondre au problème posé, avec la partici pation miti gée mais active des intéressés. Car la mo bilisation commencée dans les ports six mois avant la rentrée ne portait pas sur la réforme des retraites : elle remet tait en cause le déman tèlement de l’activité de raffi nage en France, au profit de nouvelles usines au plus près des sources d’extractions, notamment en Arabie saoudite, où les coûteuses normes environne mentales sont quasi-i nexistantes. Derrière la grève et le blo cage des termi naux pétroliers se posait donc en toile de fond toute la politique énergétique et écolo gique européenne, voire mondiale, depuis la pre mière crise pétrolière, soit certainement une des plus grandes transforma tions de l’histoire d’un occident dont l’opu lence s’est physiquement bâtie sur une ma tière pre mière qui au jourd’hui vient à man quer. Considérer que le « sys tème trouvera bien une solu tion », c’est déclarer for fait à l’avance devant le prix qu’il faudra de toute fa çon payer lors de ce boulever sement que l’oli garchie gérera sans partage. Mais c’est surtout ra tionaliser une crainte animale en omettant de voir que la spéci ficité culturelle essen tielle de cette région du monde (dite occidentale) de puis le haut moyen-âge était sa capacité à s’auto-transformer et que rien ne garanti le maintien de cette der nière. Tout indique au contraire son évanes cence depuis une cinquantaine d’années. C’est bien cela qu’illustre le fait qu’il n’y ait eu au cune place lors du mouvement des raffineries et dé pôts pour po ser la question du levier de l’action lui-même, le pé trole. Cela aurait pu se faire en visant une réappro priation po­pulaire de la source d’énergie prin cipale du pays en commençant par le contrôle des établis sements, en treprises, insti tutions à alimen ter en car burant. Bien entendu, l’intériorisation de la main mise syndicale, ainsi qu’un large, mais éminem ment am bigu, sou tien de la population (moral mais aussi fi nancier et quelquefois physique) a empêché que l’idée soit seulement émise. Et c’est bien la préfec ture qui a dé crétée les secteurs prioritaires où de vaient être ache minées les camions-citernes. Dire qu’il est utopique de chercher à établir un tel em bryon de contrôle dé mocratique sur les flux inté rieurs de matière pre mière, (en attendant d’en poser pratique ment tous les enjeux sociaux et écologiques, sans parler des monumentales questions géopoli tiques) re vient à prendre le problème à l’envers : cela n’a même pas été évoqué parce que non seulement per sonne ne croit réelle ment à la possibilité de le faire mais, tout autant, chacun se refuse délibéré ment à croire à la fin déjà palpable de cet or noir sur lequel la société de consommation repose mécani quement. D’une manière moindre mais analogue, et de l’autre côté, même si la situation en France n’at teint pas les dimensions prises en Grèce ou en Italie, la grève des éboueurs et déchetteries porte sur la première véritable production de nos sociétés : les ordures, loin devant l’agroalimentaire ou le divertis sement. Sans cesse dérobée au regard, leur accumu lation ostentatoire à l’occasion de ces luttes montre non seulement l’énorme travail humain investi dans l’économie du déchet, mais dévoile ce qu’est le consumérisme : non une recherche de confort, mais l’entretien d’une voracité angoissée par le renouvelle ment incessant d’objets à obsolescence incorporée.

Le même constat peut être à l’autre bout de la pro duction, chez les consommateurs : la perspective d’une pénurie, même rela tive, brandie à dessein par chacune des parties, n’a jamais été l’enjeu explicite d’une remise en cause quelconque de l’hystérie quo­tidienne. Faisons abs traction des possibili tés évi dentes qu’avait le gou vernement de pallier à un quel conque manque de fioul, d’es­sence, etc. Il paraît évident que les sou tiens aux raffineries auraient fon dus au rythme du tarissement de la circulation auto mobile... La ques tion du devenir d’un mouvement social qui ne s’ar rêterait pas par l’abandon d’une des partie, est ici cruciale et met à nu autant les illusions gauchistes que la vie plébiscitée par la po pulation.

Pourtant, la véritable addiction de cette der nière ne pourra être dépassée que de deux ma nières : la pre mière, qui se profile évidemment, est celle d’une hausse progressive ou brutale des prix, comme cela s’est produit, curieuse ment, dans les mois qui ont im médiatement précédés la crise « financière », et comme cela se produira dès qu’un semblant de « re prise économique » se produira. Il est évident que c’est le principal scénario d’entrée dans une phase po litique autoritaire comme l’occident en a perdu le sou venir. Les politiques d’austérité qui se mettent pro gressivement en place en sont certainement les signes annonciateurs. La seconde manière est juste ment le contexte de ce mois d’octobre 2010, et a été totale ment évacuée. Pourtant de nombreuses ré­flexions en ce sens se faisaient entendre dans des mi lieux popul aires que l’on ne soupçonnait pas – et à l’en trée de l’hiver... Sans doute vient-on de vivre col lectivement pour la première fois, cette alternat ive, Peut-être une telle occasion se représenter a-t-elle ? Mais il faudrait, pour y faire face, retrouver toute une socialité que le der nier siècle a progressi vement effri tée, une en traide spontanée au travail, une solidarité organique dans les quar tiers, en famille et dans la rue, qui est à l’opposé exact du fan tasme d’autarcie que véhicule l’actuel « égolo gisme » diffus. Le terme de réinven ter serait plus adéquat, puisque ce qui a disparu dans les villes, et qui a fondé ce qu’on a appelé la conscience de classe, puisait dans le fond anthropologique des campagnes fran çaises tradi tionnelles – et bien enten du pas dans le principe des chaînes de montage... Peut-être l’immigration actuelle pourrait-elle jouer le rôle de l’exode rural d’alors, et nourrir la réapparition et la propagation d’une com mon decency - sans la quelle aucune crise, aussi pro fonde soit-elle, ne peut prendre de sens politique ? Et la culture « écolo-bio-bobo » constituer le germe d’une nouvelle conscience politique populaire qui vi serait l’égalité pour tous ? On mesure ici à quel point les tendances actuelles prises dans leur globalité semblent, en tous points, exactement contraires à de telles perspec tives...

Ce mouvement creuse l’écart entre deux grands bouleversements de la seconde moitié du XXe siècle qui s’entrecroisent : la dispa­rition du mouve ment ou vrier, visible dans les formes creuses des dis positifs militants contemporains, qui ne touchent plus que par une tradition irrémédiable ment perdue, et l’émer gence, his toriquement fulgurante, du cou rant « éco logique » dans les mentalités contempo raines, et qui s’enracine dans le vécu le plus quoti dien. Les deux, pris radicalement, sapent les fonde ments les plus en­racinés de la société hiérar chique et produc tiviste : le drame de l’époque est d’entéri ner leurs évolutions en les ren dant an tagoniques. L’en jeu n’a rien d’intellec tuel et ne peut se réduire à une combinatoire de « critiques » qui s’accoupleront bien un jour : le mouvement ouvrier a été tué, entre autre, par l’inven tion de la société de consommation au quel il a contribué. Le courant « écologique » a de grande chance de l’être par l’ins tauration progres sive ou bru tale d’une paupérisation or ganisée par un régime se proposant de gérer, sans conteste, la pé nurie.

On pourrait objecter qu’une dic tature « verte » imposant - pour certains ! - l’aus térité ad vitam ae ternam ne pallierait ja mais aux ca­tastrophes écolo giques en cours et ne pourrait donc pas adve nir. Mais cela revient à croire que le consu mérisme dé bridé de l’après-guerre a aboli la domi nation so ciale que dénonçait le mouvement ouvrier.

***
Représentatif à l’extrême des occasions ratées par les mouvement sociaux, celui d’octobre 2010 était à la croisée des chemins : leur imaginaire momifié, étroitement entrelacé à celui de la société contemporaine, ne pourra qu’accompagner le naufrage chaotique de celle-ci. Ils se ré clament d’un courant qui appartient à un monde qui a disparu, sans arriver à voir celui qui arrive. Et la prise de conscience des limites physiques de la planète, quant à elle, ne se fond que trop facilement dans les dis cours de la rareté, de la rigueur, et de l’austé rité que les oligarchies mondiales (pseudo-libérales ou pseudo-marxistes) reprendront progressivement pour per pétuer leur règne. L’enjeu ne peut être surestimé : il exige de comprendre la fidélité à l’inestimable expérience des mouvements d’émancipation des siècles passés non comme l’entretien de braises froides, mais comme la relation, perpétuellement réinventée, à une culture vivante et toujours en commencement. C’est tout l’enjeu des troubles qui s’annoncent aujour d’hui aux quatre coins de la planète et auxquels appartiennent en plein les bou leversements qui se déroulent, à l’heure de cette conclusion, au Maghreb et au Moyen-orient. Ils peuvent être les signes éclatants d’un affrontement aux épreuves qui s’imposent aujourd’hui à toute l’humanité - mais aussi les foyers du chaos qui s’avance. Ici comme ailleurs, c’est ce que nous voulons être et faire qui a besoin de nous, certainement pas tout ce qui fait que nous en soyons arrivés là.

***
Eléments bibliographiques

Alphandéry P. & al., 1993 ; « L’équivoque écologique », La Découverte
Arendt H., 1972 ; « La crise de la culture, huit exercices de pensée politique », Gallimard 2000
Bercé Y. M, 1976 ; « Fête et révolte : des mentalités populaires du XVIe au XVIIIe siècle », Hachette
Bookchin M., Foreman D. 1994 ; « Quelle écologie radicale ? », Atelier de Création Libertaire
Castoriadis C, 2005 ; « Une société à la dérive », Seuil
Castoriadis C. 1986 ; « Les mouvements des années 60 » in « La montée de l’insignifiance », 1996, Seuil
Châtelet G. 1999 ; « Vivre et penser comme des porcs », Folio
Denis J. M., 1996 ; « Les coordinations », Syllepse
Fargette. G., 2006 ; « Le jeu de dupes du CPE », Le Crépuscule du XXe siècle n°17
Fargette. G., 2009 ; « La crise économique comme régime durable », Le Crépuscule du XXe siècle n°21
Festinger L., 1956 ; « L’échec d’une prophétie », Puf
Findley M.I. 1998 ; « Démocratie antique et démocratie moderne », préface de P.V. Naquet, Payot
Lasch.C., 2001 ; « Culture de masse ou culture populaire ? », Climats
Lasch.C., Castoriadis C., 1986 ; « Combattre le repli sur la sphère privée », entretien BBC
Lefort. C., 1999 ; « La complication, retour sur le communisme », Fayard
Manin B., 1995 ; « Principes du gouvernement représentatif », Flammarion
Michéa J. C., 1999 ; « L’enseignement de l’ignorance », Flammarion
Melman C., 2005 ; « L’Homme sans gravité. Jouir à tout prix », Gallimard
Terrasson F., 1995 ; « La peur de la Nature » Ed. Sang de la Terre
Thompson E. P., 1963 ; « La formation de la classe ouvrière anglaise », Seuil

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Message  nico37 Lun 14 Mar - 22:17

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Message  fée clochette Mar 29 Mar - 10:17

Retraites complémentaires
ARRCO - AGIRC
lundi 28 mars 2011
Après consultation de ses organisations, la CGT a décidé de ne pas signer l’accord
du 18 mars sur les retraites complémentaires ARRCO et AGIRC.
Une des principales raisons en est l’alignement des régimes complémentaires sur
les régimes de base en ce qui concerne les âges. La CGT refuse d’apporter sa
caution à un texte qui valide et grave dans le marbre le report des bornes d’âges
qui a été combattu avec force en 2010. Rien n’y oblige puisque ce sont les
organisations syndicales de salariés, à égalité avec les représentants des
employeurs, qui assurent le pilotage des régimes et qui sont en droit de maintenir
les bornes d’âges et ainsi, de ne pas aligner l’Arrco et l’Agirc sur la réforme
régressive de novembre 2010.
L’accord ne prévoit pas de ressources supplémentaires pour les régimes, alors que
le nombre de retraités ne fait qu’augmenter. Cela va conduire les régimes droit
dans le mur du fait de l’impossibilité de financer les droits dans laquelle ils vont se
trouver, une fois les réserves épuisées.
L’accord porte de nouvelles baisses des taux de remplacement, la valeur du point
étant toujours revalorisée d’abord sur les prix, puis sur le salaire moyen moins
1,5 %, ce qui revient au même. Cette baisse du taux de remplacement est encore
plus forte pour l’Agirc avec une revalorisation en 2011 très en dessous de
l’évolution des prix.
La CGT juge cet accord particulièrement dangereux pour les retraités actuels et
futurs. C’est la raison pour laquelle elle serait disponible pour exercer son droit
d’opposition si les conditions en étaient réunies, notamment si deux autres
organisations syndicales y étaient favorables.
Montreuil, le 28 mars 2011
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Message  nico37 Dim 8 Mai - 18:51

http://download.audioblogs.arteradio.com/3044562_5hleport.mp3

Chanson de 5 heures du mat' au port de commerce de Brest, sur l'air de Il est cinq heures… (Écho des luttes à Brestno 2, 3 novembre 2010)

[Couplet sur la crise du pétrole]
Le port de commerce est bloqué
Les patrons peuvent se rhabiller
Les camions-citerne au repos
S'alignent en amont du dépôt
Il est cinq heures
Le port s'éveille
Il est cinq heures
L'économie reste en sommeil

[Couplet sur l'insurrection populaire]
Sur tous les ronds-point c'est la fête
On allume des feux de palettes
Des voix s'élèvent dans la nuit :
«Ici, on bloque l'économie !»
Il est cinq heures
Le port s'éveille
Il est cinq heures
L'économie reste en sommeil

[Couplet sur les gardiens de la paix]
Le sous-préfet, le commissaire
Sont tous deux sur le pied de guerre
Venus de Colbert [commissariat de Brest] au galop
Les flics préparent les lacrymos
Il est cinq heures
Les porcs s'éveillent
Il est cinq heures
Nous n'avons pas sommeil

[Couplet sur le fichage des manifestants]
On agite nos p'tits drapeaux
Jojo [RG local] transmet toutes les infos
Un teubé filme à la sauvette
Pour s'faire mousser sur internet
Il est cinq heures
Le port s'éveille
Il est cinq heures
L'économie reste en sommeil

[Couplet censuré par l'intersyndicale]
Solidaires jamais à sec de piles
Nous chante des slogans faciles [variante : débiles]
À défaut de révolution
FO fout la musique à fond
Il est cinq heures
Le port s'éveille
Il est cinq heures
Nous n'avons pas sommeil

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Message  chejuanito Sam 21 Mai - 11:20

verié2 a écrit:Nous sommes un peu HS, puisque nous parlons surtout du mouvement pour la défense des retraites et plus de la candidature de Besancenot.

Pour ma part, je défendrai un point de vue plus nuancé que ceux des camarades de LO ou de leurs critiques, comme Roseau :
- L'extrême-gauche a, à mon avis, manqué d'audace et de visibilité dans ce mouvement. Et effectivement, il me semble que la direction de LO manque d'audace, d'enthousiasme, d'initiative, d'esprit unitaire etc.
-Il n'en reste pas moins que ce mouvement a eu des limites qu'on ne peut pas toutes imputer aux directions syndicales.
-Dire que ces directions syndicales "ont fait leur boulot" est équivoque. La CGT a poussé au mouvement pendant un certain temps ou ne s'y est pas opposé, elle a laissé faire, mais elle a aussi, sur la fin, fait le forcing pour faire reprendre dans certains coins. Par exemple dans les raffineries Total où elle a fait revoter plusieurs fois, dont à bulletins secrets, à Grandpuis.
-Surtout, les directions syndicales n'ont évidemment pas donné les moyens aux grévistes d'aller plus loin, mais elles n'ont pas eu besoin de s'opposer à des coordinations quii ne sont pas apparues.
-Souvent ce sont des AG et des intersyndicales qui ont géré démocratiquement le mouvement localement, mais sans se coordonner au delà d'un secteur ou d'une petite région.
-Mais surtout, la volonté de lutte des travailleurs avait aussi ses limites. Par exemple, à la SNCF, secteur que j'ai bien suivi, les AG étaient deux fois moins nombreuses que lors des mouvements précédents, même si elles étaient souvent combatives. Et cela, ni les directions syndicales ni l'extrême-gauche n'en furent responsables.
-Alors pour appeler à la "GG" de façon crédible, au delà d'une propagande de principe, il aurait fallu un organisme représentatif d'un secteur significatif de la classe ouvrière, un comité de grève, une coordination...

Je réponds ici à cette discussion qui était malencontreusement dans le fil sur la non candidature d'OB. Je pense que je partage à peu près l'avis de Vérié. Il n'est pas possible d'exonérer les directions syndicales, journées saute-mouton à contre-temps, forcing anti-grève parfois, refus des revendications qui avaient un tant soit peu de chance d'être motrices...
En même temps ils n'ont pas eu grand chose à combattre, pour cela il faudrait soit qu'elles aient eu des forces en présence pesant réellement sur le mouvement vers la GG, soit, et surtout, qu'elles aient eu à faire à une auto-organisation croissante. Et c'est là le véritable échec pour nous de ce mouvement. Dans la plus part des secteur, les AG étaient très faibles, et quand elles existaient, elles restaient souvent un simple espace vide, n'étant pas force de construction et de proposition mais un simple relai de l'intersyndicale, combien il y a eu de véritables comités de grève? Dans ces conditions, les AG interpros (à l'exception notable de 2, peut-être 3 villes) étaient des coquilles vides puisqu'elles ne peuvent vraiment exister qu'une fois qu'il y a déjà une auto-organisation sectorielle à coordonner.
L'autre chose qui me gène chez certains camarades c'est de dire que la GG n'a pas eu lieu à cause des directions syndicales, c'est presqu'une lapalissade, puisqu'elles n'en voulaient pas, c'est logique qu'elles aient fait ce qu'il faut pour qu'elle n'aient pas lieu. Ce serait un peu comme de dire que la commune a échoué à cause des bourgeois et de Thiers... ce serait sans intérèt, on cherche plutot quelles limites, chez les communards n'ont pas permis la victoire.
Et l'EG dans son ensemble, à un travail d'analyse à faire pour comprendre. LO, globalement (il y a sûremement des exceptions) était inaudible. Le NPA, en mots, étaient bien le parti de la GG. Mais dans les faits c'est beaucoup plus nuancé. Quand on osait titré les tracts "on n'est pas fatigué", c'était un encouragement aux travailleurs à continuer à s'épuiser en suivant les journées par ci par là des confs et à se donner bonne conscience en participant aux actions éparses.
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Message  Roseau Sam 21 Mai - 12:50

@ Vérié: pas besoin de nuancer ma position.
J'ai défendu en gros depuis longtemps celle que tu proposes ici, et que Chejuanito défend aussi il me semble.
Sur le conservatisme de la Direction de LO, on est d'accord.
Si il faut attendre que la GG tombe toute seule comme un fruit mûr, pas besoin de parti.
Chejuanito rapelle utilement que la Direction du NPA a été incohérente.
Cette critique a été utilement détaillée par la gauche du NPA et j'imagine que tu es aussi d'accord.
Ce qui serait intéressant, ce n'est pas la Discussion avec la direction de LO suiviste des bureaucrates sur ce point,
mais autres textes non contemplatifs.
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Message  verié2 Sam 21 Mai - 13:48

Roseau
Vérié: pas besoin de nuancer ma position.
J'ai défendu en gros depuis longtemps celle que tu proposes ici, et que Chejuanito défend aussi il me semble.
Il m'avait semblé que tu défendais une vision plus optimiste que la mienne sur la mobilisation des travailleurs au cours de ce mouvement, mais je peux me tromper.

J'ai l'impression aussi, mais ça ne te concerne pas, que certains semblent penser qu'il aurait suffi d'un appel plus vigoureux à la "GG" pour que celle-ci se déclenche. Alors, il vrai que, si on ne tente rien, on ne risque pas d'obtenir quoi que ce soit et que seul la tentative permet de vérifier. Mais, mon expérience de terrain ne m'a pas donné le sentiment que la majorité des travailleurs était prête à se lancer dans un vigoureux affrontement. Néanmoins, je crois que l'EG aurait pu être plus offensive à son niveau, et en particulier mettre le paquet pour aider à la création de comités de grève/coordinations.

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Message  Roseau Sam 21 Mai - 15:08


Tout à fait d'accord. Jusqu'où pouvait on aller ? Franchement, dire nulle part, comme les droitiers, ou à la Révolution, comme les gauchistes, est sans intérêt. On ne sait jamais.
En 68, nous savions, car immergé dans les luttes internationales, qu'on pouvait contribuer à embraser la jeunesse,
car on était immergé dans ses luttes, et contrairement à une idée franco-française,
on savait que les étudiants francais pouvaient suivre un mouvement général de la jeunesse.
Les étudiants français n'ont rien initié ni précédé...
Et on titrait donc "De la révolte à la révolution"...

Bien sûr qu'il y a des conditions où il faut tenter.
Et vu l'ampleur des mobilisations, en automne, il fallait appeler aux comités de grèves, occupations, grève active et centralisation, autrement dit la GG.
Mais le rôle clé d'un PR auquel a renoncé LO pendant l'automne, c'est beaucoup plus que cela: c'est éduquer.
Or si on n'éduque pas sur l'auto-organisation, dont les comités de grève, la grève active, la démocratie ouvrière et la GG quand les travailleurs sont mobilisés, c'est qu'on est HS ou on craint quelquechose...
Roseau
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Message  topaze Mar 14 Juin - 23:31

Voici une brochure qui vient de sortir concernant les assemblée populaire qui se sont tenues pendant le mouvement de cet automne contre la remise en cause des retraites.
Dans la piéce jointe , il y a un large extrait d'une présentation orale. En fin de page vous pourrez telechargez la brochure
http://fr.internationalism.org/ri423/assemblees_populaires_une_brochure_a_lire.html

Topaze. Lecteur de Révolution Internationale

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Réforme des retraites - Page 33 Empty La casse sociale redouble de violence vendredi 1er juillet 2011 !

Message  BouffonVert72 Jeu 30 Juin - 1:17

La réforme des retraites entre en vigueur vendredi

Par --par Jean-Marie Godard-- | AP – mer. 29 juin 2011

PARIS (AP) — Deux ans de plus. Tous les salariés nés à compter du 1er janvier 1956 devront désormais attendre l'âge de 62 ans pour bénéficier d'une retraite à taux plein, contre 60 ans jusqu'à présent, avec l'entrée en vigueur, vendredi, de la nouvelle réforme voulue par Nicolas Sarkozy. Elle avait été dénoncée par un mouvement social de grande ampleur en 2010.

Les salariés nés entre le 1er juillet 1951 et 1955 voient leur âge légal de départ reculer de plusieurs mois dès vendredi, quatre mois pour les premiers.

La contestation de cette réforme avait pris de l'ampleur à partir du mois de juin 2010, atteignant son apogée le 12 octobre avec entre 1,2 et 3,5 millions de manifestants dans les rues de toute la France, un record. Les syndicats dénoncent depuis l'année dernière une "réforme injuste et inefficace", selon eux, qui "fait peser tous les efforts sur les salariés alors qu'ils ne sont en rien responsables de la crise".

Le gouvernement, de son côté, a défendu tout au long de la réforme le fait, selon lui, qu'il s'agissait d'assurer le financement du système des retraites par répartition et son retour à l'équilibre d'ici à 2018, contre 32 milliards d'euros de déficit actuellement.

La loi, promulguée le 10 novembre dernier, aura des effets immédiats puisque dès ce 1er juillet selon les nouvelles règles, tous les salariés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1951 inclus et qui auraient envisagé de partir cet été à la retraite devront attendre quatre mois de plus.

Ceux nés en 1952 voient dès vendredi leur âge de départ passer à 60 ans et 8 mois, 61 ans pour ceux nés en 1953, 61 ans et 4 mois pour ceux nés en 1954, et 61 ans et 8 mois pour les salariés nés en 1955.

La durée de cotisation pour une retraite à taux plein sera relevée d'un trimestre en 2013 pour atteindre 41 ans et trois mois.

L'âge permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein sans avoir le nombre d'années de cotisation requis est aussi repoussé de deux ans, selon la même progressivité, passant de 65 à 67 ans.

Le taux plein à 65 ans reste en vigueur pour les personnes handicapées et celles nées entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955 ayant élevé au moins trois enfants et "interrompu ou réduit leur activité professionnelle" pour élever au moins l'un de ces enfants.

Une possibilité de départ anticipé à 60 ans est maintenue au titre de la "pénibilité" pour les personnes "justifiant d'une incapacité permanente d'au moins 20% au titre d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles d'une maladie professionnelle", selon le ministère du Travail.

Les personnes "justifiant d'une incapacité permanente comprise entre 10 et 20% à condition de pouvoir justifier qu'elles ont été exposées, pendant une durée minimum" de 17 ans, "à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels" peuvent également faire valoir ce droit.

Outre le report de l'âge de départ en retraite, ces dispositions très restrictives au titre de la pénibilité ont suscité de vives protestations du côté des syndicats et des associations de soutien aux salariés touchés par des maladies professionnelles.

"Une durée d'exposition de 17 ans, c'est très long. Et ça n'a pas de rapport avec la durée réelle d'exposition qui peut avoir un impact sur l'incapacité ou l'espérance de vie. On ne prend pas en compte les personnes qui partiront à la retraite en bonne santé apparente et développeront une maladie, par exemple un cancer, quelques années après, directement lié au risque professionnel", déplore un spécialiste du dossier à la CFDT.

Du côté des fonctionnaires, les syndicats dénoncent la fin de certains dispositifs -comme celui qui permettait aux femmes ayant élevé trois enfants de faire valoir leurs droits à la retraite après 15 années de service- ou encore l'alignement du taux de cotisation de la Fonction publique sur le privé.

"On aura maintenant du mal à agir sur certaines dispositions vu que la machine est lancée", a déclaré à l'Associated Press la secrétaire générale de la Fédération syndicale unitaire (FSU), Bernadette Groison. "Mais", a-t-elle ajouté, "je pense que les syndicats peuvent essayer de faire en sorte que le dossier soit rouvert. Cela fera partie des questions que l'on posera aux différents candidats en vue de la présidentielle".

"A 85%", estime le secrétaire national CFDT chargé des retraites, Jean-Louis Malys, "cette réforme, qui ne règle rien à long terme, repose sur les salariés et ce sont principalement les plus faibles d'entre eux qui en sont les premières victimes: ceux qui ont commencé à travailler le plus jeunes, et les personnes qui n'ont pas de carrière linéaire".

AP
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Message  BouffonVert72 Mar 5 Juil - 1:37

Les Kapitalistes n'en ont pas assez :

Retraites: le COR pourrait préconiser un nouvel allongement de la durée de cotisation

AP – il y a 11 heures

PARIS (AP) — Quelques jours après l'entrée en vigueur de la loi portant de 60 à 62 ans l'âge de départ à la retraite, le Conseil d'orientation des retraites pourrait rendre mercredi un avis préconisant d'allonger encore la durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux plein, selon le journal "Le Figaro" paru lundi.

Le COR "rendra mercredi un avis préconisant un allongement supplémentaire de la durée de cotisation pour obtenir une pension à taux plein. Pour les générations nées à partir de 1955, cette durée passerait à 166 trimestres soit 41,5 années", écrit notamment le quotidien, mettant en avant les mesures d'allongement prévues par la loi Fillon de 2003 sur les retraites.

D'ici à 2013, cette durée de cotisation sera déjà portée à 41,3 ans. Cette durée est en hausse d'un trimestre depuis 2009.

Dans un communiqué diffusé lundi, le président du COR a tenté de calmer le jeu, tenant "à rappeler que l'avis technique demandé au COR par la loi du 9 novembre 2010 ne porte que sur l'application de la règle fixée par la loi du 21 août 2003 tendant à faire évoluer la durée d'assurance en fonction des gains d'espérance de vie". "Il ne constitue en aucune manière une préconisation du COR. Il s'agit d'effectuer un constat factuel dans le cadre du dispositif législatif et réglementaire en vigueur", assure Raphaël Hadas-Lebel.

"Moins d'une semaine après l'entrée en vigueur de la loi de 2010 augmentant déjà la durée de cotisation nécessaire pour une pension à taux plein, le suivi intransigeant de cet avis s'appuyant sur l'allongement de la durée de la vie serait une véritable provocation pour les travailleurs", estime de son côté la CFTC dans un communiqué.

De son côté, le syndicat Sud-Rail qualifie cet éventuel allongement de "double peine" pour les salariés du régime général "sous des prétextes fallacieux présents dans les lois précédentes". "Si cet avis passe pour le régime général, il sera automatiquement étendu à la Fonction publique et donc aux régimes spéciaux", s'inquiète l'organisation syndicale. AP

god/mw
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Message  BouffonVert72 Mer 6 Juil - 16:08

Retraites: le COR confirme l'allongement à 41,5 ans de cotisation pour la génération née en 1955

AP – il y a 4 heures

PARIS (AP) — La génération née en 1955 devra cotiser sur 41,5 ans pour bénéficier d'une retraite à taux plein selon les conditions prévues par la loi, a confirmé mercredi le Conseil d'orientation des retraites (COR). Sans attendre cet avis "technique", Xavier Bertrand avait déjà annoncé la publication avant la fin de l'année d'un décret allongeant la durée de cotisation.

Le COR a examiné mercredi la question de la durée d'assurance requise pour une retraite à taux plein applicable à la génération née en 1955 qui aura 60 ans en 2015. La loi du 9 novembre 2010 sur la réforme des retraites prévoit que le gouvernement fixe par décret cette durée après avoir reçu un avis du COR, rappelle le communiqué.

Le COR, qui précise que son avis ne constitue "en aucune manière une préconisation", rappelle que "la durée d'assurance doit évoluer en fonction des gains d'espérance de vie à 60 ans", selon le principe arrêté par la loi de 2003. Or l'espérance de vie à 60 ans estimée par l'INSEE en 2010 atteint 24,42 ans. "Dans ces conditions, pour la génération née en 1955 qui aura 60 ans en 2015, l'application de la règle définie par la loi de 2003 conduit à une durée d'assurance de 166 trimestres (41,5 ans) pour une retraite à taux plein", conclut le COR.

Mais le COR souligne que plusieurs de ses membres, "parmi les représentants des organisations syndicales, ont exprimé leur opposition à l'allongement de la durée d'assurance pour la retraite à taux plein". "Ce principe d'allongement contenu dans la loi du 21 août 2003 ne fait pas consensus au sein du COR", insiste-t-il.

Dès mardi, le ministre du Travail Xavier Bertrand avait confirmé la publication avant la fin de l'année d'un décret portant à 41,5 ans la durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux plein. "C'est prévu, c'est la loi, c'est logique et nécessaire", avait-il déclaré sur Europe-1.

Cette annonce est intervenue quelques jours seulement après l'entrée en vigueur de la loi portant de 60 à 62 ans l'âge de départ à la retraite. AP

sb/com
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