La justice égyptienne a ouvert la voie, jeudi, à une possible dissolution ou neutralisation du Parlement, en jugeant "illégales" les conditions d'élection de l'ensemble des députés, et "illégitime" la composition de l'Assemblée. La tension est ainsi montée d'un cran au Caire, à deux jours du second tour de la présidentielle.
La cour a déclaré que la loi régissant les dernières élections législatives était invalide pour le tiers des sièges attribués au scrutin uninominal – les autres ayant été attribués au scrutin de listes.
Mais l'agence officielle Mena, citant les attendus du jugement, a toutefois annoncé que l'ensemble du processus d'élection des députés était de fait "illégal" et la composition de la chambre "entièrement illégitime".
Or, selon des sources militaires, le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui se trouvait jeudi après-midi en réunion extraordinaire, pourrait annoncer qu'il reprendrait le pouvoir législatif jusqu'à de nouvelles législatives.
Les précédentes, qui se sont étalées de novembre à février, avaient débouché sur une Assemblée du peuple de 508 membres composée pour près de la moitié de Frères musulmans et pour près d'un quart de fondamentalistes salafistes.
Chafiq maintenu
La révolution va-t-elle être confisquée ? Une partie de la population le redoute. La seconde décision rendue aujourd'hui par la Haute cour constitutionnelle n'est pas pour les rassurer. Celle-ci a en effet maintenu jeudi la candidature à la présidence du dernier Premier ministre de Hosni Moubarak, Ahmad Chafiq. Celui-ci va donc pouvoir affronter lors du second tour de la présidentielle, samedi et dimanche, le Frère musulman Mohammed Morsi dans un climat de vives tensions politiques.
La cour a en fait invalidé une loi, adoptée par le Parlement dominé par les islamistes, qui interdisait aux piliers du régime déchu – comme Ahmad Chafiq – de se présenter.
"La révolution est finie"
Le bâtiment de la cour, dans le sud du Caire, a été placé sous forte protection de l'armée en raison des enjeux politiques et de la sensibilité de ces décisions.
"Cela veut dire que la révolution est finie", s'est exclamé un manifestant venu protester contre le maintien dans la course d'un ancien proche de Hosni Moubarak, accusé par ses détracteurs d'être le favori du CSFA, qui dirige le pays depuis la chute de l'ancien président en février 2011.
"On ne veut plus des fouloul", ont scandé des manifestants, utilisant ce terme péjoratif pour désigner les "restes" de l'ancien régime.
La loi invalidée avait été adoptée en avril par le Parlement, puis ratifié par le Conseil militaire, mais la commission électorale avait décidé de renvoyer le texte devant la Haute cour constitutionnelle, permettant ainsi à Ahmad Chafiq de se présenter à la présidentielle en attendant son arrêt.
Une disposition de cette législation interdit à "tout président de la République, vice-président, Premier ministre" d'exercer des droits politiques pendant dix ans. La loi concerne les personnes ayant occupé un de ces postes pendant les dix années précédant le 11 février 2011, date de la démission sous la pression populaire de Moubarak.
Les Frères musulmans crient au coup d'Etat
Un haut dirigeant des Frères musulmans égyptiens a dénoncé la décision de la Haute cour constitutionnelle ne parlant de "coup d'Etat".
La décision de la cour est un "coup d'Etat total à travers lequel le Conseil militaire a effacé la période la plus honorable dans l'histoire de notre patrie", a dit Mohammed Beltagui sur la page facebook des Frères musulmans.
Selon ce député et dirigeant du Parti de la liberté et justice (PLJ), la vitrine politique de la confrérie, ce "coup d'Etat a commencé par l'acquittement des hauts responsables de la sécurité dans le procès de Moubarak", le 2 juin, en référence à des personnes poursuivies pour la mort de plus de 800 manifestants durant la révolte contre son régime début 2011.
"Cela s'est terminé à deux jours du second tour de la présidentielle par l'invalidation de la loi dite d'isolement politique", qui a permis à Ahmad Chafiq, le dernier Premier ministre de Hosni Moubarak, de rester dans la course à la présidence.