Islamophobie
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Re: Islamophobie
Je reprend le sujet ici, déjà évoqué par Gérard Ménussa plus haut. Ce fil convient mieux que celui sur le PIR.
Force est de constater que l'article de Daeninckx dans Le Monde et ses déclarations sur France Inter, cautionnant un dossier du Fig Mag intitulé "Molenbeek sur Seine", à propos de Saint Denis, ont un impact très important. Il suffit de parcourir les réseaux sociaux pour s'en assurer.
Quasiment tous les sites de la "Fachosphère" s'emparent de ces déclarations, reproduisent un article de Marianne qui en fait état, avec une grande photo de Daeninckx : Résistance Républicaine, Français de Souche, Stop à l'islam etc. Même la page Facebook du Front National 93 reproduit l'article et Nadine Morano, dans un tweet, conseille cet article "édifiant" (sic). Les sites réactionnaires comme Causeur ne sont pas en reste.
Pour ces gens qui jusqu'à présent vouaient Daeninckx (qualifié à tort de "gauchiste" ou de "communiste") aux gémonies, c'est visiblement la divine surprise.
Plus grave, ses propos sont parfois repris par des gens de gauche voire de la "gauche de la gauche". Ca en incite certains à se lâcher complètement et à écrire qu'ils ne sentent plus chez eux en France.
Daeninckx, qui s'était déconsidéré sur le plan politique, après ses campagnes délirantes et obsessionnelles contre des "rouges bruns" imaginaires, par exemple l'écrivain Gilles Perrault, fait donc un retour en force sur le terrain de l'islamophobie. C'est évidemment grave car il apporte la caution d'un écrivain connu pour son anticolonialisme et son antiracisme. On sait que le succès médiatique est souvent un mauvais conseiller. Daeninckx y avait succombé une première fois. Alors, va-t-il rectifier le tir et se démarquer catégoriquement de cette instrumentalisation, dénoncer la stigmatisation des Musulmans ? Ou bien va-t-il chercher à faire fructifier davantage ce créneau porteur qui vient de lui permettre de revenir en piste ?
Didier Daeninckx : l'islamisme à Saint-Denis, "une réalité niée et évitée du regard"
Force est de constater que l'article de Daeninckx dans Le Monde et ses déclarations sur France Inter, cautionnant un dossier du Fig Mag intitulé "Molenbeek sur Seine", à propos de Saint Denis, ont un impact très important. Il suffit de parcourir les réseaux sociaux pour s'en assurer.
Quasiment tous les sites de la "Fachosphère" s'emparent de ces déclarations, reproduisent un article de Marianne qui en fait état, avec une grande photo de Daeninckx : Résistance Républicaine, Français de Souche, Stop à l'islam etc. Même la page Facebook du Front National 93 reproduit l'article et Nadine Morano, dans un tweet, conseille cet article "édifiant" (sic). Les sites réactionnaires comme Causeur ne sont pas en reste.
Pour ces gens qui jusqu'à présent vouaient Daeninckx (qualifié à tort de "gauchiste" ou de "communiste") aux gémonies, c'est visiblement la divine surprise.
Plus grave, ses propos sont parfois repris par des gens de gauche voire de la "gauche de la gauche". Ca en incite certains à se lâcher complètement et à écrire qu'ils ne sentent plus chez eux en France.
Daeninckx, qui s'était déconsidéré sur le plan politique, après ses campagnes délirantes et obsessionnelles contre des "rouges bruns" imaginaires, par exemple l'écrivain Gilles Perrault, fait donc un retour en force sur le terrain de l'islamophobie. C'est évidemment grave car il apporte la caution d'un écrivain connu pour son anticolonialisme et son antiracisme. On sait que le succès médiatique est souvent un mauvais conseiller. Daeninckx y avait succombé une première fois. Alors, va-t-il rectifier le tir et se démarquer catégoriquement de cette instrumentalisation, dénoncer la stigmatisation des Musulmans ? Ou bien va-t-il chercher à faire fructifier davantage ce créneau porteur qui vient de lui permettre de revenir en piste ?
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Islamophobie
Si la discussion avait lieu dans le fil dédié au PIR c'était parce que l'ex gauchiste crypto stalinien et laïciste Daeninks s'en prenait Au PIR en ces termes au micro de France Inter :
"A Saint-Denis, il y a l'université, et il y a une influence assez importante d'un parti que je considère comme un parti raciste, le Parti des Indigènes de la République (PIR), qui a une très forte influence même sur les élus dans les banlieues." et l'article de Louis Haulsater ajoutait à son propos :
"L'écrivain proche de l'extrême gauche, qui est né et habite en Seine-Saint-Denis, s'inquiète de la progression de l'influence salafiste dans le département face à des élus "démunis". Et dénonce l'influence néfaste du Parti des Indigènes de la République (PIR).
Didier Daeninckx s'inquiète de voir "les corps s’éloigner, les embrassades se raréfier, les barbes et les voiles pousser"
Car comme pour Manuel Vals, le PS, facho sphère et le gauchisme laïciste un fil relierait l'Islam, l'islamisme, les "islamo-gauchistes" (catégorie dans laquelle tomberaient PIR, CCIF, FUIQP... voir jusqu'à Clémentine Autain d'Ensemble) et le Djihadisme. Tout récemment encore des cyber attaques, sur la bases de dénonciations calomnieuses ont eu lieu contre des piriens sur facebook, et qui on aboutit pour l'instant à des bannissements temporaires. Ces attaques n'ont pas grandes conséquences vu le faible impact qu'à facebook pour le militantisme décolonial. Cependant elles s'inscrivent dans un faisceau de déclarations dans les médias (Thomas guénolé, Daeninck, Finkelkraut...) qui matérialisent chez les intellectuels de gauche l'acharnement politique contre les organisations décoloniales et anti-islamophobie. C'est très inquiétant car cet acharnement contre le soi-disant "islamo-gauchisme" s'appuie sur un très large consensus de quasiment tout le champ politique blanc, d'une partie de l’extrême gauche, du PS, de la droite, de l'extrême droite, des organisations type SOS Racisme, le CRIF, les laicistes...etc. Le but est évidemment de tenter d'effacer du débat politique les luttes sociales (loi travail, anti-racisme..etc.) pour lui préférer un débat identitaire et sécuritaire.
"A Saint-Denis, il y a l'université, et il y a une influence assez importante d'un parti que je considère comme un parti raciste, le Parti des Indigènes de la République (PIR), qui a une très forte influence même sur les élus dans les banlieues." et l'article de Louis Haulsater ajoutait à son propos :
"L'écrivain proche de l'extrême gauche, qui est né et habite en Seine-Saint-Denis, s'inquiète de la progression de l'influence salafiste dans le département face à des élus "démunis". Et dénonce l'influence néfaste du Parti des Indigènes de la République (PIR).
Didier Daeninckx s'inquiète de voir "les corps s’éloigner, les embrassades se raréfier, les barbes et les voiles pousser"
Car comme pour Manuel Vals, le PS, facho sphère et le gauchisme laïciste un fil relierait l'Islam, l'islamisme, les "islamo-gauchistes" (catégorie dans laquelle tomberaient PIR, CCIF, FUIQP... voir jusqu'à Clémentine Autain d'Ensemble) et le Djihadisme. Tout récemment encore des cyber attaques, sur la bases de dénonciations calomnieuses ont eu lieu contre des piriens sur facebook, et qui on aboutit pour l'instant à des bannissements temporaires. Ces attaques n'ont pas grandes conséquences vu le faible impact qu'à facebook pour le militantisme décolonial. Cependant elles s'inscrivent dans un faisceau de déclarations dans les médias (Thomas guénolé, Daeninck, Finkelkraut...) qui matérialisent chez les intellectuels de gauche l'acharnement politique contre les organisations décoloniales et anti-islamophobie. C'est très inquiétant car cet acharnement contre le soi-disant "islamo-gauchisme" s'appuie sur un très large consensus de quasiment tout le champ politique blanc, d'une partie de l’extrême gauche, du PS, de la droite, de l'extrême droite, des organisations type SOS Racisme, le CRIF, les laicistes...etc. Le but est évidemment de tenter d'effacer du débat politique les luttes sociales (loi travail, anti-racisme..etc.) pour lui préférer un débat identitaire et sécuritaire.
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Islamophobie
Non, il n'y a pas de consensus : il y a une division sur le sujet au sein de la "gauche de la gauche" et, à mon avis, les courants islamophobes ont perdu du terrain. La réaction des personnalités et militants de Saint Denis à l'article du Figaro, publiée dans L'Huma, en atteste. De même que l'évolution de LO et la disparition de toute expression islamophobe au sein du NPA. LE PC est divisé, j'ignore dans quelles proportions, mais on peut remarquer que plusieurs journalistes de L'Huma figurent parmi les signataires du texte des habitants de Saint Denis.MO2014
cet acharnement contre le soi-disant "islamo-gauchisme" s'appuie sur un très large consensus de quasiment tout le champ politique blanc, d'une partie de l’extrême gauche, du PS, de la droite, de l'extrême droite, des organisations type SOS Racisme, le CRIF, les laicistes...etc.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Islamophobie
http://www.islamophobie.net/articles/2016/05/25/celine-pina-compare-le-voile-au-brassard-naziCéline Pina compare le voile au brassard Nazi
Le CCIF a pris connaissance des propos nauséabonds tenus par Céline Pina, suppléante du député Dominique Lefebvre (PS), lors de l’émission “public sénat”, tenue le 20 mai dernier sur l’Etat Islamique.
Après les propos d’une ministre du gouvernement comparant les femmes voilées aux “nègres afric...américains qui étaient pour l’esclavage”, voilà qu’une membre du parti socialiste compare le voile au “brassard nazi”. Aucune contradiction n’a été apportée par Jean-Pierre Elkabache qui animait l’émission.
La ligne rouge a été, encore une fois, largement franchie. Nous ne pouvons plus tolérer la moindre complaisance à l’égard de ces discours politiques, ouvertement racistes et islamophobes, qui jettent en pâture des femmes en raison de leur confession religieuse.
Le CCIF refuse d’attendre la prochaine agression d’une femme portant le foulard pour constater l’effet de ces discours. Pour la première fois en 2015, le nombre d’agressions physiques avaient dépassé le nombre d’agressions verbales. En 2015, c’est un peu plus de trois agressions de femmes portant le foulard par mois que nous enregistrions.
Le CCIF attend la plus grande fermeté de la part d’un parti qui veut rassembler sans se faire le porte-parole des idées d’extrême-droite. L'heure n'est plus au constat de la banalisation du racisme mais à tirer la sonnette d'alarme sur sa promotion des élites politiques et médiatiques.
Il est temps que le PS prenne ses responsabilités, sauf à croire qu’il cautionne ce type de discours.
Si le Parti Socialiste s'est tu face à l'obsession islamophobe du Premier Ministre Valls, va t-il encore se taire face à cette énième déclaration de cette suppléante d'un député PS?
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Islamophobie
On dirait bien que l'islamophobie, à certain niveau, conduit à la folie, comme hier l'antisémitisme. Céline Pina aurait de toute évidence sa place à Riposte laïque.Céline Pina compare le voile au brassard Nazi
J'écrivais plus haut que l'islamophobie a perdu du terrain au sein de la "gauche de la gauche". En revanche, il semblerait qu'une partie des islamophobes de gauche soient en voie de radicalisation. Il va falloir ouvrir des centres spécialisés pour les déradicaliser...
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Islamophobie
verié2 a écrit:
De même que l'évolution de LO et la disparition de toute expression islamophobe au sein du NPA.
Le NPA est pour l'instant le meilleur allié des organisations décoloniales. Il participe aux campagne BDS et au manifestations de solidarité internationale avec les palestiniens, aux meetings et manifestations anti-islamophobes...
LO en est très loin. Son "évolution" se limite à des éléments de langages homéopathiques et la proportion importante de leurs militants profs et instits sont encore sous influence laïciste.
Quand à la gauche sont agenda est clairement identitaire et sécuritaire pour tenter d'enfumer son bilan économique et social. Quand au PG et son républicanisme sans parler de la défense pathétique de C. Autain et d'Ensemble face aux accusations de Manuel Valls de collusion avec Tariq Ramadan...
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Islamophobie
Valls a essayé de se servir du légitime dégoût qu'inspirent des groupes réactionnaires et antisémites comme le PIR et l'UOIF pour faire diversion.
Heureusement, ça ne prend pas dans les milieux populaires, et n'en déplaise à Valls et aux racistes du PIR , la vraie mobilisation des travailleurs, de toutes origines, c'est contre la loi El Khomri, contre ce gouvernement anti-ouvrier.
Heureusement, ça ne prend pas dans les milieux populaires, et n'en déplaise à Valls et aux racistes du PIR , la vraie mobilisation des travailleurs, de toutes origines, c'est contre la loi El Khomri, contre ce gouvernement anti-ouvrier.
Lorry- Messages : 101
Date d'inscription : 14/04/2016
Re: Islamophobie
C'est certain que, dans le cadre de la mobilisation ouvrière et populaire contre la loi El Khomri, toutes l
les manoeuvres islamophobes, racistes passent sous la table. On peut remarquer aussi que le FN disparait lui aussi.
Si MO2014 a assisté à des manifs, il a du constater que les travailleurs de toutes origines étaient au coude à coude.
les manoeuvres islamophobes, racistes passent sous la table. On peut remarquer aussi que le FN disparait lui aussi.
Si MO2014 a assisté à des manifs, il a du constater que les travailleurs de toutes origines étaient au coude à coude.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Islamophobie
verié2 a écrit:C'est certain que, dans le cadre de la mobilisation ouvrière et populaire contre la loi El Khomri, toutes l
les manoeuvres islamophobes, racistes passent sous la table. On peut remarquer aussi que le FN disparait lui aussi.
Si MO2014 a assisté à des manifs, il a du constater que les travailleurs de toutes origines étaient au coude à coude.
Quoi de plus beau que des travailleurs de toutes couleurs et de toutes religions unis contre l'ennemi commun ?
marxmarx- Messages : 161
Date d'inscription : 13/01/2015
Re: Islamophobie
verié2 a écrit:C'est certain que, dans le cadre de la mobilisation ouvrière et populaire contre la loi El Khomri, toutes l
les manoeuvres islamophobes, racistes passent sous la table.
Ben voyons. Selon verié2, toutes les discriminations racistes et islamophobes (à l'embauche, au salaire, au déroulement de carrière, au type d'emploi, au logement...) les agressions de femmes voilées...etc... , la parole raciste comme l'ont montré les déclarations de responsables du PS... ont disparues.. Les tours de magie de
Il n'a pas fallu longtemps pour que la minuscule alliance anti-décoloniale et islamophobe du forum MR se reconstitue.
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Islamophobie
Parce que ça relèverait de l'islamophobie de constater que le gouvernement et le patronat ne parviennent pas à diviser les travailleurs en utilisant le racisme dans le cadre de la mobilisation contre la loi El Khomri ?la minuscule alliance anti-décoloniale et islamophobe du forum
Tout militant qui a une petite expérience des luttes d'ampleur a pu constater que les divisions racistes et sexistes tendent à s'effacer dans ces circonstances car ce qui unit, l'objectif commun, est plus fort que ce qui divise, la couleur de peau, la religion, l'origine. Mais bien entendu, ces luttes permettent aussi aux catégories les plus opprimées de se faire entendre plus facilement et éventuellement de faire valoir leurs revendications spécifiques.
Dernière édition par verié2 le Ven 27 Mai - 21:27, édité 3 fois (Raison : r)
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Islamophobie
verié2 a écrit:Parce que ça relèverait de l'islamophobie de constater que le gouvernement et le patronat ne parviennent pas à diviser les travailleurs en utilisant le racisme dans le cadre de la mobilisation contre la loi El Khomri ?la minuscule alliance anti-décoloniale et islamophobe du forum
Ce qui relève de l'islamophobie c'est d'être obsédé par la lutte contre l'islamisme comme ton bon camarade "MR" Lorry (ex hadrien, ex ...), c'est de faire de l'opposition à la loi de 2004 une question "tactique" et de nous faire croire que l'organisation laïciste LO n'est plus islamophobe (cela ne te rappelle personne verié2), c'est de c'est de boycotter ou combattre tous les meetings et manifestations anti-racistes décoloniales depuis des années... etc. etc. etc.
Les travailleurs et jeunes issus de l'immigration participent aux mobilisations contre le gouvernement et sa loi dans un contexte où ils sont toujours les plus frappés, les plus discriminés (chasse au faciès, logement, embauche, carrière, violences policières...etc.). Nous raconter que tout est tellement mignon dans le monde des bisounours et que les divisions ont disparues, que les noirs ne sont plus appelés "blanche neige" en rigolant par leur collègues, que les femmes voilées ne se font plus insultés dans la rue, que la police a définitivement cessée ses violences policières sur critères raciaux... pfffffff
La seule voie c'est l'auto-organisation les populations issues de l'immigration et des quartiers populaires sur la base de leur agenda, de leur programme et des formes de luttes qu'ils choisiront eux-mêmes. C'est sur la base de cette activité indépendante que pourra se construire des alliances et des combats unitaires.
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Islamophobie
MO2014, avec la meilleure volonté du monde, c'est très difficile de discuter avec toi. On parle d'un sujet, la mobilisation contre la loi El Khomri, et il faut encore que tu en reviennes à la loi de 2004 et à tes attaques contre LO complètement hors sujet.
Récemment, chez Keolis, filiale de la SNCF, il y a eu des luttes contre des discriminations dont étaient victimes des Blacks et des Beurs. Cette lutte a mobilisé des salariés de toutes origines, une organisation séparée n'a pas été nécessaire.
Mais reconnaître cela est impossible pour toi car ce serait reconnaître que le PIR n'a guère de raisons d'exister... Cela-dit, si le PIR se développait néanmoins parmi les travailleurs, ce qui parait très peu probable, je serais évidemment partisan de faire l'unité avec lui sur des revendications de classe et contre les discriminations.
Nous avons tous compris que tu défends cette conception. Mais tu te contredis. Plus haut, tu as admis l'importance de la lutte contre la loi El Khomri, maintenant tu nous reparles d'un agenda spéficique qui, selon ce que tu avais écrit précédemment, ne concernerait pas cette lutte.MO2014
La seule voie c'est l'auto-organisation les populations issues de l'immigration et des quartiers populaires sur la base de leur agenda, de leur programme et des formes de luttes qu'ils choisiront eux-mêmes. C'est sur la base de cette activité indépendante que pourra se construire des alliances et des combats unitaires.
Qui t'a dit que toute division, tout préjugé avait disparu ? J'ai souligné que ces divisions et préjugés reculent presque toujours dans les luttes. Il y a sans doute eu des situations dans l'histoire où la lutte commune était difficile voire impossible. Par exemple celle des ouvriers Blancs et Noirs dans le Sud - je ne suis pas un spécialiste de la question. Dans le film de Forest Whitaker, Légitime défense, que tu as peut-être vu, et qui est tiré de faits réels, dans une usine, tous les contremaîtres sont blancs et seuls les Blancs obtiennent des promotions. (Beaucoup de chefs et cadres appartiennent au KKK). Dans ces conditions, les ouvriers noirs créent leur propre organisation, et c'est évidemment justifié. Mais ce n'est pas du tout la situation qui prévaut en France, même s'il y a des discriminations plus feutrées. Les ouvriers de toutes origines peuvent parfaitement s'organiser ensemble comme ils le font contre la loi El Khomri.Nous raconter que tout est tellement mignon dans le monde des bisounours et que les divisions ont disparues
Récemment, chez Keolis, filiale de la SNCF, il y a eu des luttes contre des discriminations dont étaient victimes des Blacks et des Beurs. Cette lutte a mobilisé des salariés de toutes origines, une organisation séparée n'a pas été nécessaire.
Mais reconnaître cela est impossible pour toi car ce serait reconnaître que le PIR n'a guère de raisons d'exister... Cela-dit, si le PIR se développait néanmoins parmi les travailleurs, ce qui parait très peu probable, je serais évidemment partisan de faire l'unité avec lui sur des revendications de classe et contre les discriminations.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Islamophobie
verié2 a écrit:ce n'est pas du tout la situation qui prévaut en France, même s'il y a des discriminations plus feutrées. Les ouvriers de toutes origines peuvent parfaitement s'organiser ensemble comme ils le font contre la loi El Khomri.
ça on le sait et les travailleurs issus de l'immigration l'ont bien compris et il savent aussi qu'ils étaient seuls ou presque pour s'opposer au les lois racistes et islamophobes a commencer par celle de 2004 où LO a jouer un rôle central (lire ce témoignage édifiant : http://www.atramenta.net/lire/bref-retour-a-aubervilliers/56986 , applaudi sur le forum des amis de LO), seuls contre les contrôles au faciès et les violences policières frappant depuis des dizaines d'années noirs, arabes, musulmans réels ou supposés se retrouve seuls face à l'état colonial, seuls faces à toutes les autres discriminations ? Où elle est ton unité pour les damnés de la terre ?
verié2 a écrit:Cela-dit, si le PIR se développait néanmoins parmi les travailleurs, ce qui parait très peu probable, je serais évidemment partisan de faire l'unité avec lui sur des revendications de classe et contre les discriminations.
On sait ce que tu connais du PIR: RIEN. Tu ne vas pas aux manifestations (pour la dignité par exemple), ni aux meetings (comme celui de mercredi dernier qui rassemblait quasiment toutes les organisations décoloniales), bref à aucune des luttes engagées par les organisations décoloniales. Et c'est sur que dans les conditions de répression et de discriminations terribles, ces organisations sont loin d'être des organisations de masse. Mais L'extrême gauche en particulier trotskyste ou issue du, sont aussi des organisations peu implantées. LO par exemple organisation composée pour une majorité d'instits, de profs, de fonctionnaires, reste très marginale dans la classe et son influence est homéopathique.
Et si on élargit l'angle de vue, ceux qui comme toi font des leçons sur "l'unité de classe" ferait bien de regarder du côté des orgas qu'ils chérissent LO, POI et POI bis, NPA / Ensemble, plus une ribambelle de groupuscules... toutes INCAPABLES de faire l'unité sur quoique ce soit, se déchirant et scissionnant sans arrêt, ... c'est clair que vous êtes les plus mal placés pour nous donner des leçons d'unité.
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Islamophobie
Faut peut-être pas exagérer, non ? Bouteldja n'a pas été envoyée à Fleury Mérogis, que l'on sache. Quant à la population visée par le PIR, oui, elle subit des discriminations, des stigmatisations, mais personne ne l'empêche de s'organiser. Certains le font dans les syndicats, voire dans des associations locales. L'obstacle à l'organisation, ce sont plutôt la précarité et la pauvreté qui règnent dans les milieux populaires et aussi l'individualisme. Quand la priorité est de survivre, on n'a pas beacuoup de temps à consacrer à des réunions. C'est plus facile en effet de s'organiser quand on est enseignant...MO2014
les conditions de répression et de discriminations terribles
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Islamophobie
https://www.mediapart.fr/journal/france/010616/linterdiction-du-voile-au-travail-pourrait-obtenir-un-feu-vert-europeen?onglet=fullL'interdiction du voile au travail pourrait obtenir un feu vert européen
1 juin 2016 | Par Michaël Hajdenberg, MEDIAPART
Sollicitée par la France et la Belgique, la Cour de justice de l'Union européenne doit dire si une entreprise peut interdire à ses salariées musulmanes de porter le voile. Pour l'avocate générale, qui a rendu ses conclusions le 31 mai, la réponse est oui. Au vu des arguments déployés, le débat risque d'être vif dans les prochains mois.
La décision, hautement sensible, est attendue d’ici à quelques mois. Mais en attendant, les conclusions de l’avocate générale auprès de la Cour de justice de l’Union européenne, présentées le 31 mai, devraient largement nourrir les débats et les polémiques. Juliane Kokott, dont la mission est de proposer une solution juridique à la Cour, estime en effet que l’interdiction de porter un foulard en entreprise peut être licite dans certains cas.
La portée de la question dépasse largement le cas de Samira, licenciée par une entreprise belge en raison de son intention de porter un foulard islamique au travail. De façon générale, un employeur privé peut-il interdire à une travailleuse de confession musulmane de porter un tel signe religieux ? Peut-il la licencier si elle s’obstine ? À la demande de la Cour de cassation belge et pour la première fois, la Cour de justice européenne (CJUE) doit se prononcer sur ces questions, qu’elle qualifie de « délicates » et « passionnées ». Dans ses conclusions, l’avocate générale les resitue dans un débat sur « les moyens de parvenir à une intégration réussie des personnes issues de l’immigration », alors que « l’Europe est confrontée à un afflux absolument sans précédent de migrants ».
Juliane Kokott estime que « les questions juridiques qui entourent le foulard sont représentatives de la question plus fondamentale de savoir quelle mesure d’altérité et de diversité doit admettre en son sein une société européenne ouverte et pluraliste, et quelle mesure d’intégration elle peut exiger en retour de certaines minorités ».
Car la question ne se pose bien évidemment pas qu’en Belgique. La Cour européenne devrait d’ailleurs simultanément se prononcer sur une affaire française, qui a vu une salariée se faire licencier par l’entreprise Micropole car son voile indisposait un client important de l’entreprise. Tout comme la Belgique, la France attend une position de principe de la Cour, les pays européens apportant pour l’instant des réponses variables sur le sujet.
La question, ici, n’est donc pas le secteur public (écoles, administrations, tribunaux…). Ni les comportements dans l’espace public (rues, services publics, commerces…). Mais bien le secteur privé, et les règles qu’une entreprise a le droit ou non d’ériger. L’enjeu, pour la Cour, est d’interpréter la directive antidiscrimination du 27 novembre 2000 qui porte un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.
En l’occurrence, l’affaire a le mérite de la clarté et de la simplicité. Samira a été embauchée en 2003 en CDI comme réceptionniste à la société G4S Secure Solutions NV, une entreprise qui fournit des services de surveillance et de sécurité. En 2006, une règle non écrite au sein de l’entreprise devient officielle après l’approbation du comité d’entreprise : « Il est interdit aux travailleurs de porter sur le lieu de travail des signes visibles de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses ou d’accomplir tout rite qui en découle. »
De 2003 à 2006, Samira n’a porté son foulard qu’en dehors des heures de travail. Mais en avril 2006, elle fait savoir qu’elle compte désormais le porter également pendant la journée. G4S lui rétorque que ce serait contraire à la neutralité souhaitée par l’entreprise. Samira contrevient à l’ordre. Elle est licenciée. L’affaire chemine alors jusqu’à la Cour de cassation belge, qui choisit de la soumettre à la CJUE.
L’arbitrage est complexe. L’objet même de la directive est de lutter contre les discriminations. Par ailleurs, l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux énonce que la liberté de religion implique la liberté de toute personne de manifester sa religion en public ou en privé, y compris par les pratiques.
Cependant, pour l’avocate générale, il ne s’agit ici nullement de « discrimination directe » : elle considère que la personne n’a pas été traitée moins favorablement qu’une autre sur la base de la religion. « Il ne s’agit pas d’une mesure dirigée spécifiquement contre les travailleurs de religion musulmane ni spécifiquement contre les travailleuses de cette appartenance religieuse. » Un juif à kippa, un sikh à turban ou un chrétien désirant porter un tee-shirt « Jesus is great » sont tout autant concernés. Et le règlement n’est pas non plus lu comme anti-religion en général, le port de signes de convictions politiques ou philosophiques étant également interdits.
L’interdiction en cause pourrait cependant relever de la « discrimination indirecte », au motif que les travailleuses musulmanes sont particulièrement victimes de cette interdiction. Juliane Kokott considère toutefois que, même si c'était le cas, cette discrimination serait justifiée par « un objectif légitime » : le respect d’« une exigence professionnelle essentielle et déterminante ». L’avocate générale estime qu’une entreprise peut exiger le port d’un certain style vestimentaire (costume cravate par exemple), d’un uniforme particulier (policiers, agents de compagnie aérienne…), comme elle peut imposer de renoncer à un foulard.
Elle développe cependant cette idée sous la forme d’un parallèle assez surprenant : « Une entreprise peut se fixer délibérément pour objectif de recruter un personnel bigarré et diversifié et précisément faire de cette diversité affichée son image de marque. De manière tout aussi légitime, une entreprise peut cependant opter pour une politique de stricte neutralité en matière de religion et de convictions, et pour réaliser cette image de marque, imposer à son personnel dans le cadre des exigences professionnelles d’afficher une apparence neutre au travail. »
Liberté d'entreprise
Juliane Kokott considère que, dans certaines conditions strictes, des motifs économiques et commerciaux peuvent justifier une inégalité de traitement. Elle insiste lourdement sur la liberté d’entreprise (article 16 de la Charte des droits fondamentaux), qui doit permettre à l’entrepreneur de décider dans quelles conditions sont réalisées les tâches relevant de son activité. « Cela vaut a fortiori lorsque les travailleurs concernés – comme Samira – doivent entrer régulièrement en contact face à face avec la clientèle dans l’exercice de leur activité. »
La situation diffère pour les téléphonistes en centre d’appel ou les gestionnaires de dossiers dans des services comptables, mais en l’espèce, « il ne paraît nullement aberrant qu’une réceptionniste comme Samira soit tenue d’exercer ses fonctions en respectant un code vestimentaire déterminé ». Pour l’avocate générale, « il importe d’éviter que des personnes extérieures n’aient l’impression qu’il existe un lien entre les convictions qu’une travailleuse affiche par sa tenue vestimentaire et l’entreprise G4S ou avec un des clients de celle-ci, voire que ces convictions puissent leur être attribuées ».
L’avocate générale surprend par certains de ses développements : « Tout client est parfaitement en droit d’exiger d’être servi sans discrimination ainsi que de manière aimable et dans le respect des formes élémentaires de la politesse. Il est pleinement légitime pour une entreprise d’ériger le respect de ces attentes de la clientèle en condition d’exercice de l’activité de ses travailleurs. »
Interdire de porter le voile ne constitue-t-il pas cependant une mesure disproportionnée ? L’affaire est « délicate », reconnaît l’avocate générale, qui considère qu’il faut laisser une « marge d’appréciation » aux juridictions nationales. En l’espèce, elle écarte cependant l’idée que l’employeur pourrait mettre à la disposition de ses travailleuses un uniforme comprenant, en tant qu’élément facultatif, un foulard assorti à l’uniforme : « Si le signe religieux devient une partie de l’uniforme, l’employeur abandonne jusqu’à l’objectif de neutralité qu’il s’est lui-même fixé. » De même, elle estime inappropriée la réaffectation des travailleuses concernées dans d’autres services.
Mais si aucune autre solution n’est envisageable, l’atteinte aux intérêts des travailleurs n’en devient-elle pas excessive ? « Alors qu’un travailleur ne peut pas laisser au vestiaire son sexe, sa couleur de peau, son origine ethnique, son orientation sexuelle, son âge ni son handicap, on peut en revanche attendre de lui une certaine retenue pour ce qui concerne l’exercice du culte au travail. »
Or, pour Juliane Kokott, cette « retenue » s’examine à l’aune d’un contexte et de différents critères. Il s’agit de voir si les signes religieux sont « plus ou moins visibles et ostentatoires par rapport à l’apparence globale du travailleur ». Mais on peut également « probablement attendre une plus grande retenue de travailleurs occupant une position de premier plan ou une fonction d’autorité », ainsi que de la part « d’un travailleur dont les fonctions impliquent des contacts face à face fréquents et multiples avec des personnes extérieures ».
L’avocate générale va plus loin, dans un raisonnement assez alambiqué : « S’agissant d’une interdiction de porter le foulard, il ne faudrait pas présumer hâtivement et abstraitement qu’une telle mesure rendrait plus difficile l’intégration des femmes musulmanes dans la vie professionnelle et sociale. Le cas de Samira en constitue une excellente illustration : l’intéressée a exercé son activité comme réceptionniste chez G4S pendant environ trois ans sans porter de foulard au travail et était donc, comme musulmane, malgré l’interdiction du foulard, parfaitement intégrée dans la vie active. »
Enfin et de façon également inattendue, l’avocate générale convoque le concept d’« identité nationale » : « Pour une question comme celle qui nous occupe ici, cela peut impliquer que dans les États membres, comme la France, dans lesquels le principe de laïcité a rang constitutionnel et est dès lors d’une importance déterminante pour le vivre-ensemble dans la société, le port de signes religieux visibles peut être sujet à des restrictions plus importantes – y compris dans le secteur privé et d’une manière plus générale dans l’espace public, que dans d’autres États membres. » Les juges de la Cour vont pouvoir commencer à délibérer. Réponse attendue d’ici à la fin de l’année.
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Islamophobie
Une scission au sein de "Osez le féminisme" à propos du voile et de l'islamophobie :
https://www.zamanfrance.fr/article/osez-feminisme-en-pleine-fitna-voile-16103.html
https://www.zamanfrance.fr/article/osez-feminisme-en-pleine-fitna-voile-16103.html
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Islamophobie
http://labrique.net/index.php/thematiques/immigration/772-la-france-est-le-laboratoire-de-l-islamophobie-europeenne
« La France est le laboratoire de l'islamophobie européenne »
Julien O'Miel, Julien Talpin 13 mai 2016
Abdellali Hajjat, maître de conférence à l'université de Nanterre, a publié avec Marwann Mohammed, chargé de recherche en sociologie au CNRS, un ouvrage fort bien documenté sur la construction historique par les élites politiques, médiatiques et intellectuelles d'un « problème » musulman. Il revient pour La Brique sur les tenants et aboutissants des discriminations islamophobes.
Quelle est la réalité des comportements islamophobes en France aujourd'hui ? La France est-elle particulièrement islamophobe en comparaison d'autres pays européens ?
On ne compte plus les romans, essais, tribunes, émissions de radio (même sur France Culture), de télévision, discours politiques qui, d'une manière brutale ou subtile, participent à la racialisation des présumé.e.s musulman.e.s. La première réalité de l'islamophobie renvoie aux comportements des professionnels de la parole publique1. Des paroles aux actes, le chemin est complexe mais les données statistiques disponibles – enquêtes de victimation, statistiques du ministère de l'Intérieur et celles du CCIF2 – rendent compte de la prégnance des actes discriminatoires islamophobes (à l'école, au travail, dans l'espace public, etc.) pouvant aller jusqu'à ce que le ministère de l'Intérieur appelle les « actions » ou « menaces » racistes. Ces actes visent non seulement les individus, essentiellement des femmes, mais aussi des institutions (mosquées, cimetières, commerces musulmans). Cependant, chaque outil de mesure comporte des biais qui peuvent sous-estimer ou surestimer la réalité de l'islamophobie. Mais malgré les biais des uns et des autres, on peut affirmer que tous ces outils sont en dessous de la réalité et que l'appartenance réelle ou supposée à la religion musulmane constitue bel et bien une pénalité sociale dans beaucoup de situations. Ce processus est aggravé à chaque attentat commis par des groupes violents à référence islamique, ce pourquoi l'année 2015 a atteint tous les « records ».
Il est difficile de comparer la France avec d'autres pays dans la mesure où il existe des grandes différences de critères de mesure, de législations pénales, de degré de reconnaissance institutionnelle, etc. S'il existe une spécificité française, c'est dans la légitimité de l'islamophobie dans le champ médiatique et politique qu'il faut la chercher. En ce sens, la France est le véritable laboratoire de l'islamophobie européenne.
Pourquoi défendez-vous le terme d'« islamophobie » comme vecteur de lutte contre la stigmatisation de l'islam alors que beaucoup le critiquent ?
Comme beaucoup de chercheurs anglophones, je ne considère pas que le terme « islamophobie » soit parfait, notamment à cause de la dimension phobique. Mais il se trouve que c'est ce terme qui s'est imposé dans l'espace public et l'important n'est pas, selon moi, de tomber dans le piège du nominalisme, mais plutôt de proposer une définition de l'islamophobie qui fasse sens. Autrement dit, l'enjeu porte avant tout sur la définition et non sur les usages politiques du terme. C'est le même problème qui s'est posé pour le terme d'antisémitisme, et c'est même pire dans la mesure où il a été inventé par les antisémites pour théoriser leur racisme biologique anti-juif.
Le questionnement sur le terme a pris des proportions inimaginables en France. Alors que des milliers de personnes sont touchées par des actes racistes, je trouve indécent que certains personnages publics reviennent systématiquement à la charge contre l'usage du mot plutôt que de condamner le racisme. Ainsi, la discussion autour du mot, de son étymologie, de son origine, a pris une tournure particulière en France parce que le terme a été quasiment banni pendant dix ans dans l'espace public (2003-2013), sous prétexte que cela faisait le jeu des « islamistes » et empêchait la « critique » de l'islam, avant d'être reconnu par les médias et les institutions telles que la CNCDH3. Aujourd'hui, la plupart des professionnels de la parole publique qui refusent d'utiliser ce terme ne cherchent qu'à nier la réalité du phénomène et leur propre participation à l'élévation du niveau de violence symbolique et physique dans la société française.
Vous dites qu'il ne faut pas considérer les affaires Salman Rushdie4 et du voile à Creil5 comme les premières pierres d'une controverse autour de l'islam. Quelles en sont donc les racines plus profondes ?
Je refuse d'avoir une approche essentialiste de l'islamophobie, qui serait une caractéristique intrinsèque de l'« Europe » des croisades à nos jours en passant par 1492 (Reconquista en Espagne et colonisation de l'Amérique). L'islamophobie est plutôt un phénomène qui s'inscrit dans des structures sociales et dans des conjonctures particulières. Il existe ce que j'appelle une archive anti-musulmane, c'est-à-dire à la fois un « stock » de représentations et ce qu'il est possible ou impossible de dire à un moment donné sur l'islam et les musulman.e.s. Cette archive fournit un cadrage qui évolue dans le temps parce que certains éléments peuvent s'activer tandis que d'autres tombent en désuétude. Ainsi, l'orientalisme des XIXe et XXe siècles joue un rôle essentiel dans la fixation de certains schémas de pensée coloniaux, qui peuvent se réactiver dans la situation post-coloniale. Pour la période post-indépendance, il ne faut pas attendre 1989 (affaires Rushdie et de Creil) pour que la réactivation s'opère : les grèves ouvrières de 1982 contre les licenciements, étudiées par Vincent Gay, sont le moment d'une nouvelle phase de la construction du « problème musulman ». Le cadrage « lutte des classes » a été abandonné par les élites politiques, patronales et médiatiques au profit de celui du « conflit religieux », de l'opposition entre « islam » et « République » ou « laïcité ». Cette réactivation s'inscrit dans le cadre des rapports de force du moment : c'est au moment où les travailleurs immigrés demandent l'égalité de traitement que la racialisation s'accentue. L'assignation identitaire était un moyen de disqualifier des ouvriers que le gouvernement néolibéral avait décidé d'abandonner.
Comment se structure une « cause islamophobe » en France à partir des années 1980 ?
J'ai défini la cause islamophobe comme l'ensemble des mobilisations dont l'objectif est d'instaurer un régime juridique d'exception à l'encontre des présumés musulman.e.s. Les « pionniers » sont les intellectuels, acteurs associatifs et politiques qui ont dès 1989 souhaité exclure les filles voilées de l'école publique. Mais, à l'époque, ils furent minoritaires parmi les élites françaises. Ils se sont donc structurés grâce à un réseau dense de relations entre plusieurs espaces sociaux et sont parvenus, au début des années 2000, dans le contexte de l'après 11 Septembre, à renverser la vapeur : ce qui était considéré comme discriminatoire en 1980 est devenu légitime, normal, en 2003-2004. De ce point de vue, le Haut Conseil à l'intégration puis la commission Stasi6 ont fonctionné comme des lieux neutres particulièrement efficaces : un véritable consensus national s'est construit en 15 ans autour de l'idée qu'il existe un « problème musulman ». Un des points de bascule est la publication du rapport François Baroin sur la laïcité en 2003. Ce personnage, qui proclame être le garant de la laïcité en France, est pourtant la même personne qui affirme qu'il faut inventer une « nouvelle laïcité », quitte à ce qu'elle se fasse contre les droits de l'Homme. Pour reprendre l'expression de l'historien anglais Eric Hobsbawm, on a assisté en quelques années à l'invention d'une nouvelle tradition laïque qui s'oppose radicalement à la conception de la laïcité de la loi de 1905.
Les élites françaises sont-elles responsables d'un déni de reconnaissance de l'islamophobie ?
Le déni de l'islamophobie renvoie au déni du racisme en général. Il est très proche du déni d'autres formes d'inégalités : de race, de classe ou de genre. Nous sommes en train de parler de membres du groupe majoritaire qui monopolisent les positions dans quasiment tous les niveaux du champ du pouvoir (politique, culturel, médiatique, économique, etc.).
Pour eux, le fait de reconnaître les inégalités dans toute leur profondeur reviendrait à questionner l'existence même des privilèges sociaux, raciaux et genrés, dont l'arbitraire est dissimulé par différences qu'on rend naturelles : pour l'islamophobie, c'est tout le discours sur l'incompatibilité entre « islam » et « République ». C'est en ce sens que la question du passé colonial est décisive : l'enjeu, encore et toujours, est celui du refus de l'égalité réelle.
Peut-on dire que la fin d'une lecture en termes de lutte des classes a laissé la place à la religion comme caractère clivant de la société française ?
Votre question suppose qu'il y ait une opposition entre une lecture « lutte des classes » et une lecture « lutte des races ». Or l'histoire montre qu'elles ne s'opposent pas forcément. Dans les années 1970, le Parti communiste pouvait à la fois développer un discours classiste tout en contribuant à un discours nationaliste contre les « immigrés ». Autrement dit, la lecture « lutte des classes » peut très bien s'accommoder de l'exclusion d'une partie de la classe ouvrière. Mais, il est vrai que, de manière générale, l'affaiblissement des organisations ouvrières et l'adoption du néolibéralisme par le Parti socialiste ont laissé libre cours à d'autres principes de vision du monde social, notamment celui des demi-savants pseudo-universitaires et médiatiques. La racialisation des musulman.e.s en France doit beaucoup à la quasi-disparition de l'islamologie dans l'université, laissant la place aux experts ès islam qui fournissent du prêt-à-penser pour les médias et du prêt-à-agir pour les pouvoirs publics.
Il s'est produit une grande convergence entre experts, politiques, gouvernements, médias et pionniers de la cause islamophobe pour faire du « facteur religieux » le déterminant ultime de l'action et de la pensée des présumés musulman.e.s. Je ne dis pas que, par exemple, les attentats de janvier de 2015 « n'ont rien à voir avec la religion ». Aucun chercheur digne de ce nom n'oserait dire cela. Mais c'est cet argument, qui n'a jamais été prononcé par aucun universitaire sérieux, qui a été mobilisé pour disqualifier les sciences sociales. Au lieu d'étudier sereinement les usages politiques de la religion, les experts ès islam ont fait de l'islam un phénomène naturel, une caractéristique intrinsèque agissant dans le corps et la pensée des présumés musulman.e.s, qu'ils soient croyants ou pas.
D'où l'invention de néologismes révélateurs d'une pensée raciale euphémisée, qui ne dit pas son nom : « islamo-braqueur », « islam radical », « jihadisme », etc. La dernière invention sémantique est l'appropriation du concept de « radicalisation » complètement détourné de son sens sociologique : le fait d'être présumé.e musulman.e est devenu un attribut corporel et mental, toujours déjà-là, en sommeil, en attente de mise en éveil par le « processus de radicalisation ». On cherche donc les bons « indicateurs de radicalisation » qui permettraient d'identifier la « phase » de dangerosité. Cet aveuglement généralisé (et subventionné) sur les causes réelles de la violence politique est littéralement stupéfiant.
Comment s'organise la lutte contre l'islamophobie ?
La lutte contre l'islamophobie est passée de l'invisibilité totale à un début de reconnaissance publique, sans pour autant être devenue une cause antiraciste comme une autre. Le fait d'être musulman, de l'affirmer publiquement, continue à être un stigmate dans l'espace des mobilisations. Malgré la stigmatisation dont les acteurs musulmans sont l'objet, le front de la lutte contre l'islamophobie, qui est né en 2003-2004 durant les travaux de la commission Stasi et dans les années qui suivent (création du CCIF, du collectif Une école pour tou.te.s, réunions de la commission Islam et laïcité, Coordination contre le racisme et l'islamophobie, etc.), s'est élargi, même après les tueries de 2015. Il existe une composante du mouvement social qui considère que l'islamophobie est un problème majeur et décide de s'allier aux femmes, les premières concernées, de manière permanente ou ponctuelle (féministes pour l'égalité, collectif Maman toutes égales, etc.). La lutte s'est également complexifiée en termes de modes d'action, notamment pour le CCIF, qui s'est beaucoup investi sur le terrain juridique et dans les organisations internationales (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, ONU, etc.).
Une des principales tensions qui la traverse correspond aux effets des campagnes de disqualification des acteurs associatifs anti-islamophobie. La récente « affaire Bianco »7 est révélatrice du périmètre très circonscrit dans lequel les islamophobes veulent les cantonner, en particulier le CCIF. L'aveuglement généralisé dont je parlais produit toujours ses effets, surtout en période de sidération et d'état d'urgence. Alors même que les militant.e.s anti-islamophobie sont explicitement moqué.e.s et critiqué.e.s par l'organisation État islamique, on fait comme si militer contre l'islamophobie et s'allier avec des musulmans conservateurs revenait à alimenter l'« intégrisme musulman ».
Pourquoi les organisations de lutte contre l'islamophobie n'investissent-elles pas des formes d'actions plus protestataires alors qu'elles usent beaucoup du répertoire juridique ?
Il faut inverser la chronologie. Elles ont d'abord utilisé les modes d'action « classiques » (manifestations, rassemblements, pétitions, etc.) avant d'utiliser le répertoire juridique. Ce changement renvoie au constat de la défaite de la lutte dans la rue et signifie tout simplement que le mouvement social n'a généralement pas soutenu la lutte contre l'islamophobie. Au contraire, une grande partie de la « gauche » syndicale et politique a participé à la construction du « problème musulman ». Il n'est donc pas étonnant que les militants anti-islamophobie, surtout les nouveaux ayant des compétences juridiques, perçoivent le droit comme l'ultime rempart contre l'instauration d'un régime juridique d'exception. Ils ont remporté quelques batailles juridiques (notamment par la médiation) mais également connu de cuisantes défaites (notamment les arrêts de la Cour de cassation sur le port du hijab dans les organisations de droit privé).
Vu la centralité de l'expérience de l'islamophobie pour une partie des minorités françaises, cette cause peut-elle constituer le ferment d'un nouveau mouvement social ?
Difficile de répondre à cette question. Cette cause pourrait certes être un ferment mais, contrairement à ce que prétendent les fantasmes des islamophobes, il n'existe pas de « communauté musulmane » organisée. Si elle existait, les présumé.es musulman.es sortiraient de leur situation d'immense faiblesse sociale et politique et pourraient établir un rapport de force. Or les présumé.es musulman.es sont dans leur écrasante majorité des membres des classes populaires et adoptent le même comportement politique que leurs voisins de classe : évitement, abstention, etc.
Notes :
1. L'auteur parle d'« islamophobie de plume » pour qualifier l'ensemble de ces paroles islamophobes.
2. Collectif contre l'islamophobie en France.
3. Commission nationale consultative des droits de l'Homme.
4. Auteur des Versets sataniques, Salman Rushdie avait alors fait l'objet d'une fatwa émise par l'ayatollah Khomeini, guide de la révolution iranienne.
5. En septembre 1989, dans un lycée de la ville de Creil, trois lycéennes sont exclues alors qu'elles refusent d'enlever leur voile à la suite d'une injonction du proviseur de l'établissement.
6. À la suite de nombreuses controverses autour du port du voile à l'école, la commission Stasi, du nom de son président, médiateur de la République de 1998 à 2004, fut instaurée par Jacques Chirac le 3 juillet 2003 pour réfléchir à « l'application du principe de laïcité dans la République ».
7. Jean-Louis Bianco, ancien ministre socialiste et actuel président de l'Observatoire de la laïcité, a récemment cosigné une tribune avec des élus, universitaires, avocats, militant.e.s et religieux dont le CCIF. Cette tribune a suscité l'ire du Premier ministre Manuel Valls critiquant un observatoire qui « ne peut être quelque chose qui dénature la réalité de cette laïcité ».
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Islamophobie
http://www.islamophobie.net/articles/2016/06/08/maire-saint-gratien-appel-boycott-magasins-femme-voile
Une élue de la république appelle à boycotter les magasins recrutant les femmes voilées
Jacqueline Eustache-Brinio, maire Les Républicains de la ville de Saint-Gratien (95) appelle à “boycotter tous les magasins qui m’imposent des vendeuses et des caissières voilées, le premier de cette liste : La Grande Récrée à Argenteuil”
En 2016, en France, à l’heure où notre gouvernement se retrouve pointé du doigt par toutes les instances de défense des droits humains aussi bien nationales qu’internationales, une élue de la République utilise de son temps pour établir minutieusement des listes de magasin à boycotter en raison de la religion des salariés, en toute illégalité.
Pour rappel, tout appel au boycott en raison de la race, de la religion ou de la nationalité est interdit en France.
A l’heure où les femmes musulmanes portant un foulard subissent l’exclusion à toutes les étapes de leur vie et dans tous les aspects de la vie quotidienne, cette maire trouve encore des ressources pour déguiser son racisme en combat pour le féminisme.
Ces femmes souffrent déjà d’une situation de mort sociale, et cette élue, au nom de “l’égalité hommes-femmes” voudrait condamner les rares femmes portant le foulard ayant trouvé un emploi, à rester chez elles sans autres perspectives.
S’il était possible de douter encore de la posture islamophobe de cette élue, cette dernière n’en est pas à son coup d’essai. En 2011, elle avait refusé que des réfugiés puissent accéder à la cantine de l’école, et quelques jours plus tard que des musulmans puissent disposer d’une salle de prière, tout en fichant les immatriculations des fidèles se rendant quand même à la prière...
Le CCIF tire la sonnette d’alarme et appelle à une condamnation claire et univoque de la part des responsables politiques sur cette nouvelle sortie islamophobe d’une représentante de la République.
La question n’est non plus de savoir comment un simple foulard porté sur la tête peut susciter autant de haine, mais de rappeler qu’en France, notre socle constitutionnel doit prévaloir sur les idéologies personnelles de nos élu-e-s.
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Islamophobie
A mon (humble) avis, tout le monde s'en fout et chacun fait ses courses où il veut.
Lorry- Messages : 101
Date d'inscription : 14/04/2016
Re: Islamophobie
Lorry a écrit:A mon (humble) avis, tout le monde s'en fout et chacun fait ses courses où il veut.
On reconnait bien là la pratique de l'euphémisation lorsque le racisme et les discriminations s'appliquent aux musulmans.
Imaginons une seconde qu'un élu se prononce pour le boycott des magasins dont les employés porte la kippa, le tollé aurait été général sur ce forum. Il y a bien une hiérarchie des racismes et des anti-racismes défendus par quelques nostalgiques. La lutte contre l'anti-sémitisme selon la bien pensance serait respectable tandis que l'islamophobie serait une invention des mollahs comme le colportait Caroline Fourest, un temps égérie de l'organisation communautariste LO. Alors quand une élue appelle au boycott de magasin employant des femmes portant le foulard religieux c'est sans conséquence selon eux et c'est donc inutile de dénoncer de tels propos.
Bref ... vals/hadrien/Lorry porte-voie de LO sur ce forum est de retour.
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Islamophobie
Imaginons une seconde qu'un élu se prononce pour le boycott des magasins dont les employés porte la kippa, le tollé aurait été général sur ce forum.
Ohhh. Un tollé ?
Lorry- Messages : 101
Date d'inscription : 14/04/2016
Re: Islamophobie
Et oui pour LOrry l'incitation à la discrimination pour des employés portant le foulard n'est pas une division, n'est pas non plus un délit, c'est excusable car finalement, selon lui, "tout le monde s'en fout".
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Islamophobie
http://www.acrimed.org/Le-Figaro-a-Saint-Denis-Desinformation-sur-SeineLe Figaro à Saint-Denis : Désinformation-sur-Seine
par Sihame Assbague, Widad Kefti, vendredi 10 juin 2016
Suite à la parution, dans Le Figaro Magazine du samedi 21 mai 2016, d’une « enquête » consacrée à « l’islamisme » dans la ville de Saint-Denis, et sobrement titrée « Molenbeek-sur-Seine », Sihame Assbague (journaliste par obligation) et Widad Ketfi (journaliste indépendante) ont entrepris de mener une « contre-enquête ». Une fois leur travail achevé, elles ont proposé à Acrimed de le publier. Ce que nous avons accepté avec enthousiasme, même si l’article qui suit est d’un genre – et d’un format – différents de ceux que nous proposons habituellement.
Il s’agit en effet d’un travail de journalisme de terrain, s’appuyant sur de nombreux témoignages, qui propose une critique des médias « en actes » : démontrer que non seulement le « reportage » du Figaro Magazine concentre nombre de biais et de travers journalistiques qu’Acrimed a coutume de critiquer, mais aussi qu’il aurait été possible de faire un autre reportage. En somme, une démonstration de ce que d’aucuns semblent avoir oublié : un autre journalisme est possible.
Samedi 21 mai 2016, Le Figaro Magazine publiait l’enquête de Nadjet Cherigui sur la ville de Saint-Denis renommée pour l’occasion « Molenbeek-sur-Seine ». À la demande de plusieurs dionysiens et internautes effarés par l’angle choisi et les « insinuations abjectes », nous avons donc remis nos trenchs d’enquêtrices pour aller démêler le vrai du faux. Après deux semaines de rencontres, de présence sur place et d’entretiens, notamment avec les personnes citées, nos doutes quant à l’utilisation de procédés journalistiques équivoques et de simplifications outrancières ont été confirmés. Manipulation, déformation, falsification de plusieurs citations, informations non vérifiées devenues assertions, occultation délibérée de propos pouvant nuancer l’enquête : le résultat est pour le moins accablant. Ce que Le Figaro a présenté comme une enquête de trois mois, puis d’un mois et demi, n’est en fait qu’une succession de biais réducteurs et de témoignages peu fiables. Décryptage, point par point, ligne par ligne, d’un dossier désormais emblématique de la désinformation-sur-Seine.
C’est par la « Une » de l’édition – c’est souvent le cas – que la polémique est arrivée. Pour Madjid Messaoudene, élu à la ville de Saint-Denis :
C’est pas la comparaison avec Molenbeek qui nous a agacés mais les sous-entendus qu’il y a derrière. Nous assumons entièrement notre identité de ville ouvrière, terre d’immigrations et sommes solidaires de Molenbeek et de toutes les villes populaires mises à l’index mais de là à faire croire que nous sommes une fabrique à terroristes... c’est du journalisme de caniveau.
Il faut dire qu’en plus d’un titrage racoleur, l’iconographie choisie a de quoi laisser perplexe. La symbolique peut paraître anodine mais elle ne l’est pas : deux jeunes femmes voilées, aux visages floutés et tenues sombres, se tiennent debout devant la basilique de Saint-Denis. Avec cette annonce lapidaire : « À Saint-Denis, l’islamisme au quotidien ». Il y a là, de toute évidence, une confusion délibérément entretenue entre l’imaginaire auquel renvoie le terme « islamisme » et la figure de la femme voilée. Une confusion, des amalgames, des analyses réductrices que l’on retrouvera tout au long de l’enquête. Et puis évidemment, en trame de fond, l’idée qu’une menace plane, celle du... « grand remplacement » et de son acolyte le « choc des civilisations ».
Les premières lignes de l’article confirment la tendance : « Mosquée Tawhid. Nous sommes à moins de 200 mètres de la nécropole royale de Saint-Denis, aux portes de Paris et à quelques stations de métro de l’avenue des Champs-Elysées et de l’arc de Triomphe. » Les lieux n’ont pas été choisis au hasard. La journaliste aurait pu signaler que le centre Tawhid se situe à quelques mètres du meilleur grec du 93, du théâtre Gérard Philippe, du Stade de France, du périphérique, de la gare Saint-Lazare mais ça fait tout de suite moins Huntington. Non, ce qui semble important c’est de préciser qu’une mosquée se dresse, plutôt fière et pleine, à quelques mètres de lieux symboliques de l’Histoire de France. Bon. Avançons.
Premières lignes, premiers mythos
La tension monte, les échanges se font virulents, des insultes fusent. Quelques responsables de la mosquée sont obligés d’intervenir pour séparer deux hommes prêts à en découdre. Karim, chechia beige sur la tête et djellaba assortie, fait partie des cadres de la mosquée Tawhid. Il ne cache pas la proximité de cette salle de prière avec les frères musulmans et la présence d’un bureau alloué à Tariq Ramadan au sein des locaux. Mais Karim se dit complètement débordé : « Notre ville va devenir Molenbeek, nous sommes cernés par les intégristes. Daesh est aux portes de notre mosquée qu’ils veulent forcer pour imposer leurs lois obscurantistes. »
Nous sommes au tout début de l’article et déjà apparaissent les premiers arrangements avec la vérité. En lisant ce passage, difficile de ne pas penser que les tensions auxquelles il est fait allusion sont le fruit de rapports tendus avec les « frères musulmans » et/ou « les intégristes ». Seulement voilà, dans les faits, c’est la présence de la journaliste à proximité de la mosquée qui est à l’origine du trouble. Las du traitement médiatique réservé aux musulmans en général et gêné par l’insistance de la journaliste, un fidèle a voulu signaler sa désapprobation. Au moins quatre témoins directs nous le confirmeront. Pour Loïc, l’un des « témoins » cités dans Le Figaro (et que nous retrouverons plus tard), il n’y a pas eu « d’échanges virulents ni d’insultes » mais seulement « un homme qui refusait de répondre à la journaliste ». Nadjet Cherigui étant directement concernée, elle ne peut pas ne pas savoir qu’elle est la cause de cet emportement. Non, elle le sait pertinemment mais elle va subtilement passer cela sous silence et en profiter pour distiller de dangereux amalgames. Une introduction sur la défiance de certaines franges de la population envers les journalistes aurait sans doute été moins vendeuse qu’un paragraphe réussissant à mettre à la suite tous les mots-clé du moment, à savoir « chechia », « djellaba », « Tawhid », « Tariq Ramadan », « Molenbeek » et (bien sûr) « Daesh ».
Autre problème avec ce passage : la fiabilité du témoignage. Karim est le personnage clé de l’enquête du Figaro. Il est le premier cité dans l’article et c’est de son propos, du moins d’après l’explication de Nadjet Cherigui, que sera extrait le titre polémique « Molenbeek-sur-Seine ». Problème, après vérification auprès de la mosquée, le seul « cadre » se prénommant ainsi est Karim Azouz, le président de l’association Tawhid et... il n’a jamais été interrogé par Le Figaro. « Aucune demande officielle n’a été formulée auprès de la mosquée pour faire une interview. Je n’ai aucun problème avec les journalistes, je réponds à leurs sollicitations s’ils en formulent mais là nous n’avons rien reçu. Par ailleurs, nous n’avons pas réussi à retrouver quel est le cadre de la mosquée qui lui aurait répondu... » précise M. Azouz qui est également l’ancien Consul général de la Tunisie en France. Plutôt embêtant, d’autant que le « Karim » interrogé par le magazine porte des accusations très graves contre la mosquée. Le président du centre Tawhid pointe un « manque de professionnalisme » de la part de la journaliste qui, malgré « les horreurs qu’elle prétend avoir entendues » n’a pas daigné contacter la (vraie) direction de la mosquée pour les alerter et leur demander « s’ils sont au courant, s’ils condamnent, comment ils luttent contre ça, etc... ».
Même son de cloche du côté de Daoud, l’ancien président de la mosquée Tawhid, qui émet de très forts doutes sur la crédibilité du témoignage de « Karim » : « On n’arrive pas à retracer qui a répondu à cette journaliste. Ce qui est sûr c’est que les propos ne sont pas tenus par un cadre de l’association... À la limite, un ennemi de l’association pourrait dire ça en disant “je m’appelle Karim et je fais porter le chapeau à untel” mais pas quelqu’un qui est dans le bureau. Faut arrêter, ce n’est pas crédible. » Non, effectivement et ça l’est d’autant moins que certaines des citations attribuées à ce personnage correspondent aux poncifs journalistiques utilisés ici et là par Nadjet Cherigui. Ainsi, il aurait déclaré : « notre mosquée est toute proche de la basilique de Saint-Denis. Nous sommes à deux pas des sépultures des Rois de France et de Charles Martel qui a arrêté l’invasion des musulmans en 732 le symbole est fort pour cette poignée de fous d’Allah. » Vraiment ? Ça ne vous rappelle rien ? On est d’accord. De deux choses l’une : ou ce « Karim » a très très fortement inspiré l’article et mériterait donc des remerciements conséquents (il a tout de même donné le titre, les premières lignes et l’essentiel de la ligne directrice) ou c’est l’inverse. Eu égard aux informations dont nous disposons, nous privilégions la seconde hypothèse. En effet, à ce jour, « Karim » n’a toujours pas été retrouvé et surtout, d’autres personnes citées dans l’article se sont plaintes de la déformation de leurs propos.
Où t’es Loïc ? Où t’es ?
C’est le cas de Loïc, ce jeune converti dont la tenue et les propos ont suscité de nombreuses interrogations sur les réseaux sociaux. Il mettra quelques heures avant d’accepter de nous répondre craignant de se « faire encore avoir » par des journalistes. Il faut dire que Nadjet Cherigui n’a pas toujours été claire dans son approche. À certains, elle explique qu’elle travaille sur le manque de places à la mosquée pour un blog indépendant, à d’autres - comme Loïc - qu’elle veut « casser les préjugés sur la communauté ». Seuls les non-musulmans auraient eu le droit à la version complète avec mention du Figaro Magazine et des objectifs réels de l’enquête. Loïc nous l’assure, s’il avait su, il n’aurait pas répondu. Il voulait simplement donner une « autre image de la ville et des musulmans » et s’est retrouvé pris dans une polémique le dépassant.
Quand nous lui montrons la photo choisie par le magazine pour le représenter, et sur lequel on le voit poser avec son qamis blanc, un keffieh rouge maladroitement enroulé sur la tête et des lunettes de soleil, Loïc sourit, entre gêne et amusement. Si la tenue n’a, en soi, absolument rien de dérangeant, nous y avons décelé un manque flagrant de naturel. Il nous explique que c’est sa « tenue du vendredi » agrémenté d’accessoires « pour le fun ». En somme, un « petit délire » avec le photographe. Il ne s’attendait pas vraiment à se retrouver dans Le Figaro avec cette photo. Quand il l’a su, quelques heures avant la publication, il a demandé à ce que la photo ne soit pas publiée. En vain. Pourtant, le photographe avait pris une autre photo : on le voit dans ses vêtements de tous les jours, serrant la main du rabbin de la synagogue se situant à quelques mètres de la mosquée Tawhid. Moins vendeur, n’est-ce pas ?
Sur les propos que la journaliste lui attribue , il est formel : « j’ai jamais dit ça ! » Si nous ne pouvons l’attester, pour avoir longuement échangé avec lui, de vive voix et par textos, nous nous étonnons de la différence de langage entre les propos qui lui sont prêtés et ceux que nous avons entendus. À cette remarque, il sourit puis répond : « oui bon, je peux faire des belles phrases et tout mais là, c’est pas moi... en fait, les questions qu’elles m’a posées elle les a mises directement en réponse... c’est ça qui m’a étonné. » Pour Daoud, l’ancien président de l’association Tawhid qui le connaît bien, une autre hypothèse est possible : « Loïc est jeune, c’est la première fois qu’il répondait à un média. Il n’a pas forcément le recul nécessaire pour parler à une journaliste... il s’est fait avoir, on l’a orienté dans un discours et il a répondu à ce discours-là. C’est toujours pareil avec les médias, on prend quelqu’un, on lui fait dire ce qu’on veut, on sort la citation du contexte on écrit, et voilà. »
Quoi qu’il en soit, Loïc nous précise n’avoir jamais été approché par des recruteurs pour la Syrie et avoir été « déboussolé » en lisant l’article. Comme nombre des personnes que nous avons interrogées, il ne nie pas l’influence que peuvent avoir certains groupuscules extrémistes sur « deux ou trois gars » mais récuse les amalgames véhiculés par l’article. Alors qu’il s’apprête à nous quitter, Loïc nous confie qu’à la veille de la publication, Nadjet Cherigui lui a envoyé un message lui conseillant de ne pas se rendre à la mosquée les prochains jours de crainte que ce soit « tendu » pour lui. « En fait, elle pensait que les gens allaient m’en vouloir pour l’article mais c’est pas du tout ce qu’il s’est passé... ils me connaissent, ils savent que je n’aurais pas dit ça. Ils m’ont juste conseillé de me méfier des journalistes » précise-t-il. Et Daoud de confirmer : « elle lui a fait peur alors que nous on le connaît très bien. On l’aime beaucoup et on le soutient. »
Bien que cet épisode l’ait affecté, Loïc ne portera pas plainte, il préfère tourner la page.
Fanta, la mère de Mohamed, le jeune homme décrit comme « élégant, courtois, mais [qui ne] veille à ne croiser aucun regard féminin », envisage quant à elle de poursuivre la journaliste en justice. Elle s’est dite « extrêmement choquée » par les propos attribués à son fils, mineur ; des propos qui ne refléteraient en rien sa réalité. Ce dernier aurait déclaré : « un homme ne doit pas serrer la main d’une femme. C’est une question de pudeur. Si ces propos choquent les gens en France alors disons les choses autrement : les femmes sont libres de refuser de serrer la main des hommes pour préserver leur pudeur. » D’après Fanta, Mohamed n’a jamais tenu ces propos. Son fils lui aurait expliqué avoir été abordé aux abords de la mosquée alors qu’il sortait de la prière. « Elle [Nadjet Cherigui] leur a dit qu’elle était journaliste indépendante et qu’elle faisait un article sur la ville de Saint-Denis. Mon fils est investi dans la ville donc il a répondu à ses questions sur la vie locale mais à aucun moment ils ont abordé ces sujets. Tout est faux dans ce qu’elle a écrit ! » certifie la mère du jeune homme. « En plus, il a des photos de filles dans son portable et il en fréquente ! » tient-elle à préciser. En colère, la dyonisienne a contacté la municipalité pour se renseigner sur les modalités d’un dépôt de plainte contre le magazine et la journaliste.
« Ça veut dire quoi “salafistes”, d’abord ? »
Après quelques jours de réflexion, le maire qui, le 20 mai dernier, déplorait déjà « la volonté de ce magazine d’alimenter les polémiques et les clivages extrémistes pour doper ses ventes » a également décidé de porter plainte. Dans un communiqué en date du 3 juin 2016, il fustige un « article [qui] porte non seulement atteinte à l’image de Saint-Denis mais [qui] est en plus un tissu d’inexactitudes ». Didier Paillard en sait quelque chose puisque la journaliste du Figaro lui a prêté des propos sur « d’éventuelles suspicions de radicalisation de la part d’agents municipaux » qu’il affirme n’avoir jamais tenus. « Nous sommes d’autant plus étonnés par cette citation que ce n’est même pas un sujet évoqué en interne. Nous n’avons, à aucun moment, eu une quelconque suspicion sur des agents municipaux, nous n’avons jamais reçu aucune remontée, aucun échange sur cette question-là » précise le cabinet du maire. Là encore, il se pourrait que la journaliste ait pris ses questions pour des réponses.
Par ailleurs, dans un droit de réponse adressé au Figaro, Didier Paillard s’interroge sur le manque de précision de l’article qui ne s’appuie sur aucune donnée fiable ni aucune analyse sérieuse : « L’article n’est étayé par aucun chiffre précis. Pourtant, le nombre d’assignations à résidence suite aux attentats de novembre 2015, à savoir zéro, aurait pu aisément démontrer que les rues de Saint-Denis ne sont pas “investies ouvertement par les islamistes les plus radicaux”. » Des insuffisances que l’on retrouve dans le choix des mots et la confusion des concepts : « intégrisme », « salafisme », « islamisme », « terrorisme », « musulmans radicaux ». La majorité des personnes que nous avons rencontrées ont pointé du doigt cette tendance aux raccourcis et aux amalgames qui a de terribles conséquences sur leur quotidien. Sur l’utilisation du terme « salafiste » par exemple, qui n’est jamais précisément défini dans l’ « enquête », Zoubair, le bénévole du centre Tawhid, précise : « Oui, il y a des salafistes à Saint-Denis, mais ça veut dire quoi “salafistes” d’abord ? Les salafistes, c’est les prédécesseurs, ceux qui ont suivi le Prophète et les compagnons. Ils veulent être dans l’excellence de la pratique. C’est ça le mot, ils veulent se rapprocher de la pratique religieuse du Prophète... Donc salafistes et terroristes, c’est l’opposé, ça n’a rien à voir... C’est comme l’eau et le feu. » Un tel point de vue n’aurait-il pas mérité de figurer dans une « enquête » prétendant traiter de « l’islamisme » à Saint-Denis ? De toute évidence, pour Le Figaro, c’est non : quand on parle d’Islam, pas question de s’encombrer de nuances.
Philippe Galli, préfet de la Seine-Saint-Denis, est lui aussi moins caricatural. L’énarque, nommé dans le 93 en 2013, a longuement été interviewé par Nadjet Cherigui. Il ne voulait pas « entretenir la polémique » car conscient que quand il parle « aux journalistes ils peuvent en faire une transcription extrêmement partiale ». Il a donc pris le soin de recontextualiser un certain nombre de choses et de ne pas céder à l’analyse simpliste qui lui était proposée, notamment sur la comparaison avec Molenbeek : « J’ai essayé de lui expliquer que le parallèle qu’elle essayait de faire entre Saint-Denis et Molenbeek était erroné. Qu’est-ce que ça veut dire Molenbeek déjà ? Si Molenbeek est une ville avec une population issue de l’immigration, oui, vous en avez plusieurs comme ça. Si Molenbeek est une ville où vivent des musulmans pratiquants, oui, vous en avez plusieurs comme ça. Mais entre pratiquer un islam rigoriste et le fait de devenir terroriste, il y a une nuance. » C’est le cas de le dire. Philippe Galli nous indiquera que si quelques dionysiens ont « fort probablement » été placés sous surveillance, il n’y a, à ce jour, « aucune procédure civile en cours » à Saint-Denis et « deux individus assignés à résidence dans tout le département. »
Contrairement à ce qu’a laissé entendre la journaliste, toujours en filigrane, le président du centre Tawhid nous a expliqué entretenir de bonnes relations avec la préfecture. Des propos confirmés par Philippe Galli : « Nous entretenons des relations avec l’ensemble des centres cultuels du département. Je n’ai pas de contentieux particulier avec cette mosquée, et ils disent vrai quand ils affirment que nous entretenons de bonnes relations, on se voit régulièrement notamment concernant la prévention de la radicalisation. » Ou bien le préfet tient un double discours (peut-être est-il sous l’influence de la mosquée Tawhid qui serait elle-même sous celle de Tariq Ramadan ?) ou bien Nadjet Cherigui est passée maître(sse) en termes de petits arrangements avec l’honnêteté intellectuelle. La deuxième option nous semble bien plus plausible. Ici, pas de falsification des citations mais un agencement fallacieux qui cache l’essentiel. « Ce journalisme militant ne rend service à personne, ni au journalisme, ni à la cause qu’elle défend » résume le préfet.
C’est pas halal tout ça, c’est pas halal
Et ce n’est pas Jean Courtaudière, prêtre officiant à la basilique de Saint-Denis, qui va le contredire. Lui aussi a été interviewé par Le Figaro Magazine et lui aussi se dit « déçu » du résultat. Une phrase qui lui est attribuée nous a particulièrement intéressées : « Aujourd’hui à Saint-Denis, je ne peux plus, hélas, me fournir en viande non halal que chez Carrefour ou les jours de marché. » Interrogé sur ces propos, Jean nous précisera qu’il ne faisait que relayer les plaintes de certains de ses coreligionnaires : « j’ai un peu été le porte-parole de ce que certains me disent ou de ce que j’entends. Oui, parfois on me dit “on n’est plus chez nous” et sur le halal, j’ai expliqué à la journaliste que c’étaient des choses que j’avais déjà entendues, oui. » Sur la forme, la journaliste aurait donc dû, a minima, stipuler qu’il s’agissait de discours rapportés et non d’une citation directe du prêtre. Sur le fond, il est étonnant que Nadjet Cherigui, qui prétend avoir passé 45 jours sur place, n’ait pas penser à vérifier cette assertion. Elle aurait pu profiter de ses visites du vendredi devant le centre Tawhid pour faire le tour non pas du quartier mais tout simplement du pâté (sans jeu de mots) de maison ! Là, à quelques pas de la rue du Jambon (c’est son vrai nom), elle serait tombée sur la charcuterie que tiennent Carlos et José depuis plus de 11 ans déjà. En se renseignant, auprès des dionysiens ou de Google, elle aurait trouvé au moins deux autres boucheries vendant de la « viande non halal », un peu plus loin dans la ville.
Au-delà de ces faits, il aurait été intéressant que la journaliste démonte les fantasmes liés au « halal » en expliquant, à l’aide de sociologues, d’économistes, d’élus ou autres, pourquoi certains commerces se déplacent au profit d’autres. Elle en aurait sans doute conclu que ce qui ce « cache » derrière le marché du halal, ce n’est pas la main invisible du « grand remplacement islamique » mais celle de... l’offre et de la demande mue par des dynamiques de peuplement s’expliquant, elles-mêmes, par des facteurs historiques, sociaux et politiques. Une pratique plus rigoureuse et honnête qui lui aurait également permis de mettre en perspective le concept d’« islamisation » de la ville. En apportant de la nuance, elle aurait obtenu de la nuance et c’est ça qui est intéressant.
Pour Jean Courtaudière, par exemple, « le problème c’est que les pouvoirs publics n’ont, depuis des années, pas fait attention à la non-mixité de cette ville. Il y a une accumulation des pauvretés dans tous les domaines... Je ne fais pas l’amalgame musulmans et pauvreté, mais je constate la politique d’urbanisme des dernières années. » Mêmes réflexions chez Daoud, l’ancien président de la mosquée Tawhid : « C’est sûr que la population est plus diversifiée à Saint-Denis que dans le 16ème. Mais ça c’est l’héritage de la politique migratoire qu’on a eue en France et les cités d’urgence. On n’a pas mis les immigrés dans le 16ème arrondissement, on les a bien mis dans des bidonvilles notamment à Nanterre ou dans des cités en Seine-Saint-Denis. Donc il ne faut pas s’étonner qu’on les retrouve en banlieue. » Oui, c’est clair, ça fait tout de suite moins sensationnel. Sur ce point, le prêtre n’est d’ailleurs pas dupe : « J’ai refusé de faire les photos [pour l’article du Figaro] et j’ai bien fait ! Quand je vois les photos, le titre, accrocheur, racoleur, commercial, ce n’est pas normal de stigmatiser les gens comme ça. » Et de conclure : « Elle avait un angle, elle a choisi ce qu’elle avait envie de choisir. J’aurais peut-être mieux fait de refuser de lui répondre... À quoi ça sert ? À qui ça rend service ? À personne. Ah si, peut-être au Front national... »
Les mots sont importants
En relisant de plus près les parties de l’enquête du Figaro consacrées à l’église, par le biais de l’interview de Jean Courtaudière et à la mosquée Tawhid (et plus généralement aux musulmans), nous avons été frappées par le contraste des champs lexicaux utilisés. D’un côté, un vocabulaire très apaisant : le prêtre est amené à « tendre la main », « discuter » et il est associé au « dialogue », à la « conviction », la « foi », le « partage » et l’« échange ». De l’autre côté, c’est le champ lexical de la « tension » qui est privilégié : aux abords de la mosquée, par exemple, les gens se « toisent », « la tension monte », les propos sont « virulents », les « insultes fusent » et les fidèles sont « prêts à en découdre », le tout sur un fond de « colère », « crainte », « violence » et « intimidations ».
Le choix des mots ainsi que l’agencement de certaines remarques et citations contribuent à nourrir une charge assez virulente contre le centre Tawhid. Implicite, souvent, mais suffisamment acerbe pour laisser croire que cette mosquée serait la succursale du terrorisme made in 9-3. Nadjet Cherigui n’est pas la première journaliste à cibler ce centre cultuel. Ils sont régulièrement contactés par une presse en quête de reportages sur les mosquées de la Seine-Saint-Denis. Pour beaucoup, c’est la présence du bureau de Tariq Ramadan au sein des locaux de l’association Tawhid qui attire les projecteurs. Daoud précise que ce bureau était loué au théologien bien avant la création du centre culturel. Pour lui, ce qui gêne vraiment est que le philosophe suisse soit « un homme instruit, cultivé, qui parle bien et maîtrise les stratégies de communication... c’est ça qui dérange les politiques. Il a démonté encore et encore les diffamations le concernant mais un mensonge répété mille fois devient une vérité. » C’est à peu près la même chose que l’on nous rétorquera au sujet de la mosquée Tawhid. « Le truc avec Tawhid c’est que c’est pas les papas arabophones que l’on a l’habitude de voir dans les mosquées...sans stigmatisation, on se comprend. La majorité a grandi ici ; ils sont diplômés, conscients, bien organisés et ça, généralement, on n’aime pas trop » explique Najim, un dionysien fréquentant le lieu de culte depuis plusieurs années.
Comme lui, beaucoup de fidèles ont apporté leur soutien à la mosquée après la parution du dossier du Figaro. Pour Daoud, c’est le signe qu’ils font du bon travail. « Raconter des conneries sur l’islam, on a l’habitude. Mais là, c’est de la diffamation... ce sont des accusations graves. [...] Il y a sans doute des gens fichés, des gens surveillés, des gens à problèmes dans le département. S’il y des gens qui recrutent, c’est pas dans les mosquées qu’il faut les chercher mais sur les réseaux sociaux. Moi je mets au défi, qu’on nous montre qui, dans notre mosquée, fait ça. Ça voudrait dire qu’on est passé nous-mêmes à coté d’un truc et ça, c’est pas possible parce qu’on se réunit souvent, qu’il y a une vraie communication et que les gens font très attention. C’est comme les colis suspect dans les transports, les gens sont très sensibles à ça ! On est une mosquée plus qu’ouverte et le soutien des gens l’a montré. On n’a rien à cacher... c’est pour ça que je le dis en souriant : elle s’est vraiment plantée de mosquée. »
Même amusement pour Mohamed, un dionysien que l’on rencontrera plus tard et qui, bien que lassé, moque gentiment les amalgames que font certains medias entre pratique de l’islam et terrorisme. Il a été approché par la journaliste un vendredi soir, lors d’une soirée spirituelle organisée par le centre Tawhid : « la journaliste m’a demandé s’il y avait des jeunes radicalisés dans la mosquée. Je lui ai répondu qu’elle ne risquait pas de les trouver ici. Je lui ai dit “si vous cherchez des jeunes radicalisés, ils sont dans les dancing, dans les bars à chichi, pas ici” » explique-t-il en se référant aux profils des auteurs des récents attentats en France et en Belgique.
« Donner la parole à ces femmes et cesser de parler à leur place »
Ces choix sémantiques nous les retrouvons dans la partie évoquant le port du voile. Les femmes qui ne le portent pas ou plus : portent « fièrement une cascade de boucle méchée de blond » ou redécouvrent « le plaisir de se promener […] cheveux au vent. » La fraîcheur, les teintures, la liberté... face à un voile présenté unilatéralement comme un « symbole de soumission » enfermant les femmes « dans un monde de plus en plus restreint ». La caricature est poussée à l’extrême et servie par des choix iconographiques douteux et une répartition de la parole plus que pernicieuse. De fait, la quasi totalité des femmes qui apparaissent sur les photos présentées par Le Figaro Magazine portent soit le jilbeb soit le niqab. La seule femme à ne pas le porter (et à avoir eu le droit à sa photo posée) est Sarah Oussekine, la « farouche militante laïque » qui « s’inquiète de voir de plus en plus de jeunes se tourner vers la religion » et le voile.
Avec Sara et Nadia, toutes deux étudiantes à Paris 8, et Élisabeth qui a retiré sa fille des cours d’arabe dispensés au sein du centre Tawhid parce qu’elle avait été « affublée d’un voile sur la tête » et qu’on lui aurait expliqué que « les jupes trop courtes étaient indécentes », Sarah Oussekine fait partie des seules femmes à être citées dans l’article. Un choix loin d’être anodin puisque les quatre « témoins » se prononcent ouvertement contre le voile, sont dans des processus de dévoilement ou dénoncent des pressions de la communauté. Il est bien question d’une femme qui a fait le choix de se voiler et qui semble l’assumer mais bizarrement, elle n’a pas le droit à la parole. Étrange procédé pour une journaliste qui explique à qui veut l’entendre que l’enquête n’avait « pas pour objet de caricaturer ». Ça semble évident, non ?
Souad et Raoudha, toutes deux dinoysiennes depuis des années, ne se sont pas reconnues dans ce dossier du Figaro Magazine et sa manière de présenter les femmes voilées. Pour Souad, qui gère l’entreprise familiale avec son mari, « certains sont obsédés par le voile des femmes musulmanes et leur obsession cache mal leur islamophobie. Le voile dérange car il devient visible et celles qui le portent n’occupent plus des postes de femmes de ménage mais des bancs de l’université. » Comme d’autres, elle dénonce des choix éditoriaux qui rompent avec la réalité de la ville : « Il y a des femmes voilées comme des femmes non voilées. Affirmer qu’il n’y a que des femmes voilées est faux. Et puis après tout ce sont des femmes et des citoyennes avant tout. Leur voile ne fait pas d’elles des extrémistes ou des dangereuses. » Elle-même porte le voile depuis son adolescence. À l’instar de plusieurs femmes que nous avons rencontrées ces dernières années, elle nous explique avoir pris cette décision « contre la volonté même de [sa] famille ».
Raoudha enchaîne, elle qui est également voilée, nous explique que c’était « une volonté de m’accomplir spirituellement. J’approche la quarantaine et à aucun moment, je ne me suis senti oppressée si ce n’est par la société qui ne cesse de me pointer du doigt. Ceci est le cas de la majorité de mes coreligionnaires. Ce n’est pas parce qu’une infime minorité vit sous la pression qu’il faut en faire une généralité. C’est aussi absurde que de penser que les pères catholiques sont tous pédophiles... » Des points de vue, là encore, qui auraient mérité de figurer dans une « enquête » digne ce nom… Souad et Raoudha regrettent que la journaliste, qui accorde visiblement – et à juste titre – une place importante aux combats féministes n’ait pas évoqué les pressions et la stigmatisation subies par... les femmes voilées. « Il y a des femmes aujourd’hui qui ont dû renoncer à leurs études et à leur travail car on leur a mis des bâtons dans les roues et ce ne sont pas leurs époux ni leurs pères les responsables mais leur propre pays ! » précise Souad avant de conclure « il serait plus judicieux de la part de ces pseudo-journalistes de donner la parole à ces femmes et de cesser de parler à leur place. » À bon entendeur.
Je ne suis pas raciste, j’ai moi-même...
Dans l’article du Figaro, la partie sur les femmes voilées est suivie du témoignage d’un certain « Abdallah » qui peste contre les « jeunes filles drapées de noir en jilbeb ». Si nous n’avons pas été en mesure de le retrouver, quelques éléments de sa description nous ont interpellées. Il est, par exemple, introduit comme « français d’origine tunisienne ». Notons que c’est, avec les deux étudiantes de Paris 8, l’un des rares protagonistes dont l’origine est précisée. Il est, surtout, décrit comme un « entrepreneur propriétaire d’un restaurant » et « musulman très pratiquant ». Sa pratique religieuse le pousserait même à fermer son établissement la journée pendant le ramadan. En outre, on apprend qu’il fait ses cinq prières quotidiennes et qu’il fera bientôt le pèlerinage à la Mecque. Eu égard à toutes ces informations, il nous est donc permis de penser que son restaurant propose certainement de la viande halal. Or, fait assez paradoxal, le personnage est utilisé pour critiquer la présence de magasins « communautaires » et de restaurants halal. « Les magasins deviennent communautaires » dit-il, « on trouve de plus en plus de boutiques de vêtements islamiques, des restaurants halal ou des librairies religieuses. » Hum... Quel genre de propriétaire, entrepreneur, critiquerait de manière aussi virulente un commerce dont il est lui-même partie prenante ?
Parmi les personnes que nous n’avons pas été en mesure de retrouver, enfin, le lycéen en terminale S rêvant de devenir journaliste. Au sujet des attentats de 2015, Hassan aurait tenu les propos suivants : « Beaucoup se sont réjouis, évoquant l’argument du blasphème. Aucun ne voulait entendre parler de liberté d’expression. Les attentats suivants ont tout changé. Ça a été un choc pour toute la communauté musulmane. […] Les jeunes sont plus dans le shit et le rap que dans la kalachnivov et le Coran […] » Il est présenté comme un « fervent musulman » fréquentant « assidûment la mosquée Tawhid ». Problème, aucun des cadres, bénévoles ou fidèles que nous avons rencontrés ne l’a identifié. Ils avaient pourtant réussi à reconnaître Loïc et Mohamed sans problème...
Au fil de nos déambulations à Saint-Denis – et grâce à des relais solides – nous avons, en revanche, pu discuter avec quelques personnes dont les interviews n’ont pas été conservées par la journaliste du Figaro. Pour Houari, approché un vendredi alors qu’il sortait de la prière collective, cela ne fait aucun doute : « elle n’a gardé que les interviews qui allaient dans le sens de ce qu’elle voulait montrer, le reste elle l’a passé à la trappe. » Il est vrai que le discours de ce trentenaire très actif dans la ville va à contre-courant de ce que Nadjet Cherigui a décrit. Même constat pour Céline et Stanislas, deux « blancs habillés plutôt bourgeoisement », abordés alors qu’ils sortaient d’un concert d’orgue donné à la Basilique de Saint-Denis.
Après avoir demandé si nous habitions à Saint-Denis, la journaliste, plutôt que de nous poser une question neutre sur la réalité de notre vie dans la ville, nous a posé d’emblée une question orientée, en nous demandant si nous avions remarqué des changements à Saint-Denis depuis notre arrivée, et en particulier une hausse du communautarisme. Dès cette première question, le manque d’intégration de la communauté musulmane était présenté comme l’opinion majoritaire, qu’elle nous demandait simplement de confirmer.
Le couple ne se laisse pas orienter, répond que la ville « accueille beaucoup de migrants et sans doute moins d’ouvriers blancs que dans le passé » mais que « les gens cohabitent très bien ». La journaliste persiste et signe, rétorque que ce témoignage ne correspond pas aux autres (ceux qu’elle a conservés ou tous les autres ?) et en remet une couche sur les « problèmes d’intégration de la communauté musulmane ». Las, Stanislas lui suggère d’aller enquêter sur les communautés du sud-ouest parisien « parce qu’il n’y a pas moins de raisons qu’il y ait du communautarisme dans le 16e que dans une ville comme Saint-Denis ». Visiblement vexée, la journaliste fera allusion à ses origines maghrébines et à sa culture religieuse pour se défendre de toute approche malveillante à l’égard des personnes d’origine étrangère. C’est un « argument » qu’elle semble avoir utilisé à plusieurs reprises, avec Loïc, le prêtre et d’autres. Comme si nos origines nous prémunissaient de biais réducteurs et racistes.
***
Cas d’école de la malhonnêteté intellectuelle, du manque de rigueur et surtout d’un journalisme militant obsédé par l’islam et les musulmans, ce dossier du Figaro Magazine aura fait couler beaucoup d’encre et de salive. Premiers sur le front : les dionysiens qui ont initié des dizaines d’actions pour dénoncer les manipulations du journal. Outre les procédures judiciaires, les pétitions et les rassemblements, plusieurs jeunes se sont rendus au siège du Figaro afin d’obtenir des explications. Pour Mehdi Messai, l’un des organisateurs de cette visite, l’idée était de dénoncer des « allégations mensongères qui ne reflètent en rien la réalité de notre ville ». Comme nombre de ses voisins, il aurait souhaité que les journalistes viennent parler « des vrais problèmes » à savoir : « le chômage, le logement, les discriminations... ».
C’est, en substance, ce qui ressortait de la réunion publique organisée par la municipalité ce mardi 7 juin 2016. Une cinquantaine d’habitants étaient venus témoigner et proposer des réponses face à ce qu’ils ont qualifié de « violence médiatique ». Nombre d’entre eux ont ainsi expliqué à quel point ils s’étaient sentis « humiliés » par cet article « diffamatoire », « mensonger », « irresponsable », « stigmatisant ». Certains, comme Jérôme, n’ont pas hésité à pointer du doigt « l’absence de condamnation de la part d’autres journalistes » qui auraient dû, selon lui, s’indigner face à une « telle pratique de leur profession ». Un #NotInMyName aurait été plus que bienvenu.
D’autres, comme Adjera, étaient venus exprimer leur colère : « J’entends beaucoup de féministes tenir des discours sur la laïcité, mais je n’en vois pas beaucoup venir dans les quartiers… Nous on débat sur tous les sujets, on a organisé un débat sur la laïcité mais ces féministes on ne les a pas vues » raconte cette membre de l’Association des Femmes du Franc-Moisin, qui nous avouera avoir refusé de répondre au Figaro. « En réalité, ce qui ressort de nos débats ce n’est pas la religion…qu’ils soient athés, musulmans, peu importe, ce qui intéresse les gens dans cette ville c’est la propreté, la sécurité, l’emploi… » Sûrement, avec ceux cités par Mehdi Messai, les problèmes les plus prioritaires à Saint-Denis et dans plusieurs villes de France et de Belgique d’ailleurs. Des sujets dont Le Figaro aurait pu s’emparer si l’objectif réel était de rendre compte des « inquiétudes des musulmans », de raconter des faits et d’exposer des réalités bien plus explicatives que des citations remixées.
En attendant, la seule réalité à avoir été exposée là, c’est la médiocrité du Figaro. Mais bon, ce n’est pas un scoop, n’est-ce pas ?
MO2014- Messages : 1287
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Re: Islamophobie
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Toussaint- Messages : 2238
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