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Islamophobie

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Message  gérard menvussa Lun 28 Mar - 11:03

Dans la série "Didier Dénonce"

Didier Daeninckx : après les attentats, « le sentiment d’être pris en étau

Je vis, dans mon quartier, avec le sentiment d’être pris en étau  : d’un côté, la menace mortelle des nihilistes ; de l’autre, la faillite des institutions.

Dans les jours qui ont suivi le massacre des terrasses et du Bataclan, le chef djihadiste Abdelhamid Abaaoud s’est caché dans un terrain vague, à Aubervilliers, à quelques centaines de mètres de l’endroit où j’habite. Puis il a rejoint la rue du Corbillon, à Saint-Denis, pour y mourir, là où j’ai passé une partie de mon enfance. La proximité avec les tueurs n’est pas que géographique. Pour la première fois dans ma vie, un ami, Tignous, est tombé, fauché par une rafale de kalachnikov.

Nous sommes ainsi une multitude à voir l’ombre portée des fossoyeurs du Néant s’étendre sur nos existences. Les choses les plus insignifiantes sont aujourd’hui gorgées de sens et de sang. Un kiosque où l’on achète le journal du mercredi, une table ronde et deux chaises cannées posées sur un trottoir de Paris, la réservation d’une place pour un concert, le frottement du passe Navigo sur le lecteur avant de descendre dans le labyrinthe du métro.

Les signes avant-coureurs de la catastrophe étaient visibles. En ce qui me concerne, depuis trois ans, ici, j’ai vu les corps s’éloigner, les embrassades se raréfier, les barbes et les voiles pousser, les regards s’aiguiser, les murs s’élever. Il a fallu s’habituer à croiser des imams rétrogrades installés dès le petit matin dans les commerces, pour y faire pression sur les fidèles

Et ce n’est pas par hasard que l’accélération a coïncidé avec les dernières élections municipales. Par son importance à Aubervilliers, la communauté musulmane a été l’une des clés et l’un des enjeux du scrutin. Le Parti de gauche local n’a pas hésité, par exemple, à placer sur les rangs un futur maire adjoint qui engageait le dialogue avec les troupes d’Alain Soral sur le site conspirationniste MetaTV, la Palestine servant de ciment. Un autre futur maire adjoint, membre du Parti communiste, s’amusait à relayer les messages de La Manif pour tous afin d’inciter les « frères » à se détourner des socialistes, vecteurs de décadence. La réalité n’a pas tardé à leur rendre la monnaie de leur pièce.

La semaine dernière, l’un des principaux agents électoraux du Front de gauche local, promu responsable d’un des services municipaux les plus importants au mépris de toutes les règles administratives, a été condamné à six mois de prison. Il avait menacé de mort un voisin, lui promettant de l’égorger, tout en brandissant un bonnet siglé Daech. Une perquisition à son domicile a permis de trouver des drapeaux de la même organisation djihadiste.

Dans une telle situation, chacun cherche à conjurer le désespoir, se met en quête de solidarités. De plus en plus, l’écriture m’apparaît comme un espace de résistance, de ré-existence. Continuer à interroger l’Histoire au moyen de la fiction, immerger des personnages dans les villes chancelantes, aller à la rencontre des habitants provisoires des décharges de Calais pour y entendre les traumatismes centenaires nés des tracés franco-anglais des frontières… Ramasser les éclats du temps un à un. Une écriture qui ambitionnait de changer le monde et qui peine, aujourd’hui, à simplement le dire.
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Message  verié2 Lun 28 Mar - 11:56

Le texte de Daeninckx est surtout confus et pleurnichard.
-Dans une partie de ce texte, il semble régler des comptes avec des personnalités de la gauche locale, du Parti de gauche et du PCF. (On peut noter qu'il a prononcé l'éloge funèbre de l'ancien maire PS Salvador, qui, en dépit d'un passé honorable au PSU, faisait partie du courant DSK - donc pas vraiment la gauche de la gauche.) Daeninckx a toujours été impliqué dans ces polémiques locales... Faudrait être sur place pour décoder son discours.
-Dans l'autre partie, il s'inquiète de la montée des pratiques religieuses visibles à Aubervilliers. Daeninckx, qui a dénoncé le massacre des Algériens du 17 octobre 1961, s'inquiète d'avoir des voisins musulmans parmi lesquels il pourrait y avoir des djihadistes.
Il nous fait donc savoir qu'il se réfugie dans sa tour d'ivoire (sa baraque) pour écrire ses livres, désespéré du monde qui l'entoure.

L'idée qu'il pourrait y avoir des alternatives autres que la gauche PS, puis Mélenchon, pour laquelle il a appelé à voter, ne semble pas lui être venue à l'exprit...

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Message  MO2014 Lun 28 Mar - 12:10

Attentats : Daech, le résultat d'un vice de l'islam ? Une idée reçue nourrie d'ignorance
Publié le 27-03-2016 à 14h55 - Modifié le 28-03-2016 à 10h48
Par Pascal Menoret et Baptiste Lanaspeze

Comment expliquer la violence djihadiste ? Cinq mois après les attentats de Paris et de Saint-Denis, les attaques qui viennent de frapper Bruxelles interrogent de nouveau sur les motivations des terroristes de Daech. Pour Pascal Menoret et Baptiste Lanaspeze, établir un lien entre "violence terroriste" et essence de l’islam est toutefois une idée fausse et dangereuse

Depuis les attentats de 2015, sous couvert de lutte contre le terrorisme, diverses institutions françaises ont mis en place une islamophobie d’État. Les attaques de Bruxelles risquent de ne pas enrayer ce dispositif dangereux.

De Matignon à l’Académie française en passant par Sciences-Po, le nouveau sport à la mode consiste à soutenir l’existence d’un lien entre la "violence terroriste" et l’essence de l’islam. Daech serait le résultat d’un vice interne de l’islam – et non, par exemple, de l’invasion désastreuse de l’Irak par les États-Unis et leurs alliés en 2003.

Initiée depuis une décennie par quelques intellectuels médiatiques, renforcée récemment par une poignée d’intellectuels musulmans, l’idée s’est imposée : le djihadiste serait dans le musulman comme le papillon dans la chrysalide.

Une pensée totalisante

Cette idée naguère isolée s’est répandue au point de devenir officielle. Politiciens et intellectuels s’affairent à décomplexer l’islamophobie et à retoquer ceux qui invitent au respect des musulmans.

Vouloir défendre l’islam des accusations qui sont proférées à l’encontre d’un milliard et demi de musulmans, c’est aujourd’hui s’exposer en France à l’accusation d’"islamo-gauchisme", d’allégeances islamistes, c’est-à-dire djihadistes – bref, de trahison.

Ce nouvel antidreyfusisme, énième forme d’un racisme institutionnel au moins aussi ancien que l’entreprise coloniale, repose sur un pataquès d’idées reçues, qui forment un système clos, nourri d’ignorance, de peur et de haine. Cette pensée totalisante devenue doctrine d’État a vocation à masquer la violence exercée par notre pays et ses alliés au Moyen-Orient.

Il y a selon nous urgence à désamorcer cette bombe, à démonter ses rouages.

1. "On a le droit de critiquer l’islam !"

C'est ce qu'affirment les libéraux bien-pensants, avant de s’acharner, non sur une religion qu’ils ne connaissent pas, mais sur les musulmans.

Même lorsqu’ils admettent que l’islam, pas plus que le judaïsme ou le christianisme, n’est une religion de haine, ils affirment que les musulmans sont plus violents que les autres. Même lorsqu’ils confessent que l’islam n’est pas incompatible avec la démocratie, ils exigent des musulmans qu’ils soient rééduqués.

2. "L’islam fait régresser la condition des femmes"

Quelle société dénuée d’industrie pornographique et de violence faite aux femmes peut donner avec une telle bonne conscience des leçons de mœurs à un milliard et demi d’êtres humains ?

Aux États-Unis, une femme sur quatre est victime de violence conjugale durant sa vie, une femme sur cinq en Europe. Au cours des douze derniers mois, plus d’une Européenne sur deux a été victime de harcèlement sexuel. Au nom de quelle mission civilisatrice la cause féministe peut-elle être instrumentalisée, violentée, tournée en oripeau du racisme structurel ?

3. "L’islamophobie est une invention des islamistes : la dénoncer c’est s’incliner"

Cette thèse fantaisiste (puisque le terme d’islamophobie est une invention française de l’ère coloniale) est également dangereuse, parce qu’elle nous enferme dans une alternative : devenir soit islamophobe, soit islamiste (c’est-à-dire, pour qui ne s’embarrasse d’aucune nuance, djihadiste).

L’islamophobie est une politique d’État, qui se manifeste, depuis le début de l’état d’urgence, par le ciblage systématique de la communauté musulmane par la police. C’est cette politique, pas sa dénonciation, qui fait le lit du djihadisme.

4. "Mais enfin, le principal danger aujourd’hui, c’est le péril vert"

Ah oui ? Eh bien, comptons nos morts. Depuis 2001, la guerre euro-américaine contre le terrorisme a fait entre 1,3 et 2 millions de victimes en Afghanistan, au Pakistan et en Irak, dans leur immense majorité des civils musulmans (selon l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire, IPPNW, Prix Nobel de la Paix).

C’est au nom de la sécurité des Occidentaux et de la démocratisation des musulmans que ces massacres ont eu lieu.

Cultivons nos jardins communs

La plus grande violence aujourd’hui ne vient pas "du monde d’Allah", mais bien de l’Occident. Elle n’émane pas du djihad, mais de nos guerres de civilisation. Alors, plutôt que de vouloir réformer l’islam, la culture européenne pourrait avoir l’élégance d’examiner ses failles.

Elle pourrait devenir plus respectueuse, plus pacifique, moins fermée à l’apport arabe et musulman. Nous pourrions revendiquer ces identités euro-musulmanes et arabo-françaises qui font la fierté de millions de nos compatriotes.

Il faut mettre un terme à l’état d’urgence, aux ventes d’armes massives, à l’aventurisme militaire. Cesser la "chasse aux sales musulmans" qui flatte le goût autoritaire des élites et déshonore notre époque. Nous retirer d’une énième guerre injuste et destructrice, combattre l’islamophobie et la militarisation des esprits.

Il nous faut, de toute urgence, cultiver ces jardins communs, euro-arabes et franco-méditerranéens, que notre pays recèle et qui sont l’une de ses plus grandes richesses.
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1498865-attentats-daesh-le-resultat-d-un-vice-de-l-islam-une-idee-recue-nourrie-d-ignorance.html

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Message  verié2 Lun 28 Mar - 12:40

Il faut tout de même noter que Daeninckx a écrit des choses beaucoup mieux, par exemple sur la question de "l'assimilation" :
Le vocabulaire colonial revient aujourd’hui dans le discours politique, en particulier le terme d’ « assimilation » que Nicolas Sarkozy, par exemple, déclare préférer à celui d’ « intégration » en ce qui concerne l’accueil des migrants…

Les mots reviennent dès lors que le travail critique, historique, pédagogique n’a pas été fait à temps. Beaucoup de gens de bonne foi ne voient pas en quoi ce mot pose problème, ils pensent qu’il signifie simplement que ceux qui viennent s’installer en France doivent respecter les lois républicaines. Ils ne savent pas que l’« assimilation » était la troisième phase de la colonisation après la « conquête » et la « pacification ». Ce terme historiquement daté, au contenu extrêmement agressif vis-à-vis des migrants dont il exige l’abandon de tous leurs repères culturels, sert aujourd’hui des opérations politiques d’un cynisme absolu. […]

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Message  Toussaint Jeu 31 Mar - 0:37

Rossignol évoque les «nègres» favorables à l’esclavage puis concède une «faute de langage»

Par  AFP   — 30 mars 2016 à 13:03 (mis à jour à 15:31) La ministre des Droits des femmes Laurence Rossignol a fait mercredi un parallèle entre les femmes qui choisissent de porter des vêtements islamiques et les «nègres» qui étaient favorables à l’esclavage, avant de finalement reconnaître une «faute de langage».

Mme Rossignol dénonçait sur RMC et BFMTV le développement par certaines marques et enseignes de distribution, de vêtements adaptés aux traditions musulmanes comme le «burkini» (maillot de bain intégral) ou le hijab (foulard islamique).

Alors que le journaliste lui faisait remarquer que certaines femmes «choisissent» de porter ces vêtements, la ministre a répondu: «Mais bien sûr. Il y a des femmes qui choisissent, il y avait des nègres afr..., des nègres américains qui étaient pour l’esclavage».

Interrogée par l’AFP, la ministre a reconnu une «faute de langage» sur l’emploi du mot «nègre», en soulignant qu’elle n’employait jamais ce terme «sauf quand on évoque l’esclavage et les négriers».

«J’ai employé le mot +nègre+ dans le seul usage qu’on puisse en faire pour parler de l’esclavage en Amérique et des négriers. Mais je n’ai pas mesuré la perception la plus répandue. Et qu’on ne dit pas +nègre+ même quand c’est autorisé à propos de l’esclavage. En dehors de cette faute de langage, je ne retire pas un mot de ce que j’ai dit» sur les lignes de vêtements, a déclaré Mme Rossignol.

L’utilisation de ce terme avait déclenché de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux et sur internet.

«En fait c’est pas de sa faute a juste raté la formation du gouvernement contre le racisme ...», a ironisé Widad.K (@widadk).

«Non, décidément, le racisme anti-Noir n’est pas l’apanage des opposants au mariage pour tous, lorsqu’ils insultaient Christiane Taubira en la traitant de +guenon+ ou de +Banania+», ont réagi Mehdi Thomas Allal, maître de conférence à Sciences Po, et Asif Arif, avocat, dans une tribune publiée par liberation.fr.

Interrogé par l’AFP, l’entourage de Mme Rossignol a affirmé qu'«il n’y a pas de provocation de la part de la ministre, ni de volonté de choquer».

«Le mot nègre est un mot péjoratif qui ne s’emploie plus que pour évoquer l’esclavage, en référence à l’ouvrage abolitionniste +De l’esclavage des nègres+ de Montesquieu», a-t-on ajouté de même source.

«C’est un mot que la ministre n’emploie en aucune autre circonstance que par rapport à cette référence. Elle a sous-estimé que la référence n’était peut-être pas évidente».
AFP

Encore une belle démonstration caricaturale des saletés de l'islamophobie d'état, de son rapport avec le racisme colonial, l'esclavagisme et de son lien à travers la campagne d'état contre le port du voile avec le sexisme structurel de leur République.
Mais c'est un concentré de ce que l'on entend depuis des années jusque dans des organisations se réclamant du marxisme, et dans des sectes ouvriéristes.
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Message  marxmarx Jeu 31 Mar - 14:18

Un mensonge de plus pour le sieur Mo2014

Les termes employés n'ont rien à voir avec ceux de l'extreme gauche, quelle qu'elle soit (negre etc...)

N'en reste pas moins que le voile n'a rien d'emancipateur et qu'il reste le premier pas vers l'enfermement des femmes

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Message  verié2 Jeu 31 Mar - 14:35

marxmarx a écrit:Un mensonge de plus pour le sieur Mo2014

Les termes employés n'ont rien à voir avec ceux de l'extreme gauche, quelle qu'elle soit (negre etc...)

N'en reste pas moins que le voile n'a rien d'emancipateur et qu'il reste le premier pas vers l'enfermement des femmes
L'emploi du terme "nègre" n'est peut-être qu'une maladresse. La ministre n'est peut-être pas raciste. Mais sa comparaison n'en reste pas moins, non seulement inadéquate, mais stupide et islamophobe.

Comment oser comparer l'horreur de l'esclavage avec le port du voile, même obligatoire ? Comment oser comparer les chaînes, le fouet, le travail forcé, la vente en place publique avec le port d'un morceau de tissu, même si celui-ci est un symbole sexiste ? Des Noirs partisans de leur propre esclavage ? Allons donc ! Il y avait tout au plus ceux qui réussissaient à s'adapter en se taillant une place "privilégiée" dans le système esclavagiste. A-t-on vu des manifs de Noirs pour demander le rétablissement de l'esclavage ?

La comparaison est d'autant plus malhonnête qu'une bonne partie des femmes qui portent le foulard islamique en Occident le portent par affirmation identitaire. Elles sont donc dans la position inverse de l'Oncle Tom !

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Message  verié2 Jeu 31 Mar - 16:38

Un des aspects de cette affaire, pas souvent souligné, c'est que Mme Rossignol s'indigne du commerce des grandes marques de vêtements qui vendent des "burkinis" et autres produits vestimentaires islamiques, mais absolument pas du commerce de Dassault, EADS etc qui vendent des engins de mort au Qatar et à l'Arabie saoudite....

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Message  MO2014 Jeu 31 Mar - 17:39

Signez la pétition :
https://www.change.org/p/tousuniscontrelahaine-du-gouvernement-que-laurence-rossignol-soit-sanctionn%C3%A9e-pour-ses-propos-racistes?recruiter=161262694&utm_source=share_petition&utm_medium=facebook&utm_campaign=autopublish&utm_term=des-lg-share_petition-no_msg&fb_ref=Default

Que Laurence Rossignol soit sanctionnée pour ses propos racistes !
Hawa N'DONGO France

C'est avec colère et exaspération que nous avons, une fois encore ce matin, été confrontées à la violence verbale d'un responsable politique.

Invitée sur la plateau de Jean-Jacques Bourdin, le coup est cette fois venu de Laurence Rossignol, ministre de la Famille, des Enfants et des Droits des femmes. Interpellée sur le faux débat de la "mode islamique", elle a tenu des propos scandaleux alimentant les amalgames et les stigmatisations visant les femmes musulmanes et les millions de déporté-e-s de l’esclavage.

Quelle ironie pour un membre de ce même gouvernement qui a lancé la campagne #TousUnisContreLaHaine ! Y incluait-il le racisme de ses propres ministres ?

Ôtant aux concernées leur subjectivité, leur pouvoir d'agir et de raisonner par elles-mêmes, elle les a réduites à des poupées de porcelaine nécessitant une aide extérieure pour savoir ce qui est bon et moins bon. Que les goûts vestimentaires de Laurence Rossignol et consorts les amènent loin de la mode islamique est une chose, qu'ils érigent leurs préférences en norme absolu et indépassable en est une autre. Qui sont-ils pour dicter aux femmes leurs codes textiles ?

Alors que Bourdin lui opposait que certaines femmes se voilent par choix, Laurence Rossignol a répondu "mais bien sûr il y a des femmes qui choisissent, il y a des nègres américains qui étaient pour l’esclavage".

Cette comparaison anachronique et dénuée de tout sens historique et politique est une insulte à la mémoire des millions d’individus, de familles et de pays détruits par l’esclavage et ses conséquences, et ce venant d’une ministre d’un pays qui refuse d’ouvrir le dossier des réparations.

Il est terrible de voir que cette France qui se revendique partout dans le monde comme le pays des droits humains débatte, en 2016, des choix vestimentaires de certaines de ses citoyennes. Il est terrible de voir que la négrophobie persistante est ici utilisée pour justifier et légitimer une islamophobie genrée.

Nous ne sommes pas dupes, nous savons que ce n’est pas la première fois et que le racisme d’État s’exprime sous différentes formes - mais toujours - librement depuis des décennies. Seulement quand c’est aussi limpide que cela, il appartient aux responsables politiques et médiatiques de sanctionner. Nous appelons donc :

   le Président de la République à prendre les mesures nécessaires contre cette ministre dont les propos font honte à la fonction ministérielle

   le CSA à prendre des résolutions fermes contre la libération médiatique des paroles racistes en sanctionnant les chaînes concernées

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Message  verié2 Jeu 31 Mar - 18:05

Le reste de la pétition est correct, mais ce passage est assez ridicule :
le Président de la République à prendre les mesures nécessaires contre cette ministre dont les propos font honte à la fonction ministérielle

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Message  MO2014 Jeu 31 Mar - 18:32

verié2 a écrit:Le reste de la pétition est correct, mais ce passage est assez ridicule :
le Président de la République à prendre les mesures nécessaires contre cette ministre dont les propos font honte à la fonction ministérielle

Non je ne trouve pas et puis nous dénonçons suffisamment le racisme d'état par ailleurs pour clarifier cette phrase. La pétition et l'exigence de sanction et d'une poursuite en justice pour propos raciste sont en effet correctes.

On va voir qui à l'extrême gauche va la soutenir et appeler à sa signature massive. Pour l'instant c'est calme...

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Message  MO2014 Ven 1 Avr - 14:10


Racismes hyper-décomplexés

Réflexions sur le Doublé Rossignol / Plantu

par Faysal Riad
1er avril 2016

Avec la déclaration de Laurence Rossignol, le racisme républicain des libéraux français actuellement au pouvoir atteint un niveau extraordinaire, non pas dans son fond mais dans sa forme : islamophobie + négrophobie complètement décomplexées, totalement assumées et exprimées dans un langage qu’on doit bien qualifier d’ordurier, où le mépris, la haine, l’inculture et la bêtise le disputent à l’ignominie et l’abjection. Rappelons les faits. Interrogée sur RMC, la "ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes" Laurence Rossignol déclare que les enseignes de mode vendant des "vêtements islamiques" (voiles ou foulards) sont ‘"irresponsables" car ils font "d’un certain point de vue la promotion de l’enfermement du corps des femmes". Et lorsque l’animateur lui objecte que des femmes portaient des foulards et des voiles par choix, elle ose cette réponse : "Il y avait aussi des nègres américains qui étaient pour l’esclavage (…) Je crois que ces femmes sont pour beaucoup d’entre elles des militantes de l’islam politique."

Islamophobie - Page 28 Dessinplantuok-810x625-fbcb0

Laurence Rossignol n’est pas contente.
 Quand on me l’a annoncé, j’ai d’abord cru naïvement qu’elle était peut-être devenue féministe, en un mois et demi, pourquoi pas, et que donc c’était à cause de l’intitulé ridicule et rétrograde de son ministère « des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes » qu’elle s’énervait.


Mais non, ce n’est pas cela qui la rend furax Laurence Rossignol. 
C’est la « mode islamique ».
 Alors, interloqué, je me suis réellement demandé : quelle mode ? La mode islamique, c’est-à-dire ? Est-ce la mode d’être musulman ? Ou la mode, dans le sens de mode vestimentaire... Mais du coup, oui, quelle mode ? Celle de tous les Musulmans ? Mais lesquels ? Les Marocains, les Indonésiens, les Turcs ? Et pourquoi cela intéresse-t-il la ministre ? Pourquoi les médias relaient-ils son avis sur ce sujet ? 
Puis j’ai compris : ce qui inquiète notre ministre des familles (et de l’enfance et des droits des femmes en France) ce sont les produits sortis récemment par certaines grandes marques qui visent un segment de consommation particulier, composé, vous l’aurez compris, de femmes musulmanes.

Oui, encore une fois, les femmes musulmanes. Ces « corps infirmes », pour reprendre le concept de Pierre Tevanian – « corps maintenu sous la tutelle d’un bienfaiteur et dont l’image est marquée essentiellement par le négatif, le manque, la carence (de ce corps, il existe principalement deux paradigmes : d’une part la maladie, d’autre part l’immaturité ou l’enfance). »). Devenus même des « corps furieux » – corps construits et perçus comme « proliférants et menaçants ».

Et encore une fois des dirigeants politiques, délaissant les problèmes urgents qu’ils s’acharnent à ne pas vouloir régler, vont se mêler de ce qui ne les regarde pas, pour y imposer leur point de vue de vieux dominants nauséabonds à côté de la plaque.
 Laurence Rossignol appartient au gouvernement Valls – ce même Valls qui avait lancé sa carrière de militant fourestien en s’en prenant à un supermarché Franprix de la ville d’Evry dont il était maire, qu’il voulait forcer à vendre de l’alcool et de la viande de porc. Le propos était tout aussi incongru que celui de Laurence Rossignol aujourd’hui : on ne voyait pas du tout en quoi un maire pouvait se mêler de ce qu’une boutique avait décidé de vendre dans ses rayons, dès lors que lesdits produits n’étaient pas illégaux. C’était une des premières occurrences de cette confusion devenue classique chez les dirigeants français entre les différents sens du mot « public »...

Aujourd’hui, quoi qu’on pense de cette « mode » détestée de Laurence Rossignol, qu’on l’aime qu’on la déteste ou qu’on n’en pense rien du tout, notons qu’il est extrêmement bizarre qu’une ministre se mêle ainsi de ce secteur-là, des vêtements que des marques, des entreprises privées, décident de lancer, alors que tant d’autres produits à la nocivité directe avérée, non seulement n’inquiètent pas notre ministre, mais peuvent même être, pour la plupart, promus tranquillement, enrichissant ainsi de nombreuses très grosses entreprises – qu’au passage la politique économique du gouvernement favorise. 
Entre autres exemples : armes, alcool, tabac, sans parler de la junk food, de tous les aliments qui donnent du diabète ou du cholestérol, ou encore des téléphones et jeux vidéos dont des études montrent l’impact négatif sur les capacités scolaires des enfants...

Et même en ce qui concerne la mode, pourquoi madame Rossignol ne s’en prend-elle pas à d’autres modes vestimentaires, plus blanches et moins métèques, mais qui peuvent tout autant faire l’objet d’analyses critiques féministes – comme les talons aiguilles, le décolleté ou la minijupe (contre lesquels par ailleurs je n’ai rien, je le précise, pas plus et pas moins que contre les talons plats, les robes longues et les foulards) ?

En écoutant son affligeant galimatias on reconnaît en gros deux causes deux présupposés à l’origine de ? de sa haine : 


1) Le voile en général est contre les femmes
.

2) C’est le signe d’une adhésion politique ennemie de la République.

Réactivant le vieux cliché du « voile-étendard-du-fascisme », et se prenant pour le Professeur Xavier des X-men, le grand mutant expert télépathe, Laurence Rossignol sait que les femmes qui veulent s’acheter une robe longue couleur unie chez Mark & Spencer, au fond d’elles-mêmes, quoi qu’elles disent et quoi qu’elles fassent, sont en réalité « pour beaucoup d’entre elles des militantes de l’islam politique ». 
Devant malheureusement encore une fois user de l’analogie avec l’antisémitisme pour mettre en lumière l’islamophobie évidente de ces propos, et sa gravité, imaginez qu’on dise :

« Je crois que les porteurs de kippa sont pour beaucoup d’entre eux des militants sionistes qui n’aiment pas le système républicain. »

Ce serait antisémite, n’est-ce pas ? 
Et donc grave.

Puis survient la fameuse allusion aux « salafistes ». Pas pour critiquer la politique étrangère de la France alliée d’Etats ne respectant ni les Droits humains en général, ni bien sûr les droits de Femmes, mais là encore pour s’en prendre aux femmes musulmanes qui choisissent de porter un foulard. Ah, ces salafistes... On le sait, pour notre Premier Ministre, « les réseaux salafistes » sont les coupables des attentats qui nous ont touchés récemment. Donc, « logiquement » si je puis dire, tous les salafistes sont des terroristes en puissance. Et comme il suffit d’être clientes de certains rayons de Mark & Spencer pour être accusées de « salafisme », on voit en quoi les propos de Laurence Rossignol sont extrêmement graves. 


Le lien est fait en plus haut lieu, Plantu lui a donné forme avec le talent qu’on lui connaît, et si l’on voulait inciter n’importe quel taré voulant sauver l’Occident menacé en éliminant quelques membres de « réseaux salafistes » plus ou moins complices des attentats, on ne s’y serait pas pris autrement : amis patriotes, vos ennemies seront au fond du deuximème étage, rayon « femme », de Zara, côté « mode islamique »... Et la ministre osait parler « d’irresponsabilité » !

La focalisation sur le caractère prétendument islamique de ces vêtements, explicitement visé par cette expression ridicule de « mode islamique », révèle encore une fois la synecdoque raciste : au-delà des habits qu’elles choisissent de porter c’est en réalité la présence même de ces femmes dans l’espace public qui pose problème, et qu’on voudrait faire disparaître. Après les avoir virées de l’école par une loi, nos dirigeants et leaders d’opinionévoquent régulièrement l’interdiction du foulard à l’université, sur les terrains de sport, dans l’entreprise, lors des des sorties scolaires... Et il s’agit maintenant de s’en prendre aux magasins qui leur vendent des habits !

Manuel Valls nous avait prévenus :

"Le voile qui interdit aux femmes d’être ce qu’elles sont doit rester pour la République un combat essentiel."

Il ne s’agit donc pas d’une question de laïcité comme on le prétend souvent, mais plutôt, prétendument, des droits des Femmes – dixit le chef d’un gouvernement où ces droits des Femmes vont avec l’enfance et la famille... Pour le bien de certaines femmes, au lieu de lutter contre les nombreuses discriminations et agressions qui les visent, interdisons-leur d’aller à l’école, de travailler, de s’acheter des habits !

Cette chasse est hissée au rang de « combat essentiel » de la République. Adieu la lutte contre la fraude fiscale, les inégalités économiques et sociales, les abus de la Finance... Adieu la lutte le racisme. Adieu la lutte contre le viol, le harcèlement sexuel, le partage inégal des tâches domestiques, l’inégalité salariale... Le combat essentiel de notre République sera encore, pour quelques années, le voile.

L’argument prétendument féministe pour s’en prendre au voile est aussi un très vieux cliché, employé sans frémir depuis très longtemps par des super sexistes. On se fout de notre gueule ainsi depuis très longtemps. Jadis on a colonisé aussi nos parents pour leur bien.
 Ce qui est nouveau est le relâchement dans la forme au niveau de l’Etat : quand Brice Hortefeux avait sorti qu’il y avait trop d’Arabes, il s’était vite rétracté en prétendant qu’il plaisantait au sujet des Auvergnats. Il avait bien prononcé l’horreur qui traduisait sa pensée mais, pour des raisons de « communication » comme on dit, il n’avait pas voulu l’assumer. L’euphémisation du racisme républicain telle que l’ont analysée notamment Sylvie Tissot et Pierre Tevanian ne semble plus nécessaire : la preuve de la « servitude volontaire » des femmes voilées ? « Il y avait aussi des nègres américains qui étaient pour l’esclavage ».


Oui : des « nègres ». Cette phrase contient tellement de violence qu’il serait fastidieux de tout relever. Elle n’est pas d’un-e poète de la négritude travaillant à revaloriser ce qui a longtemps été dévalorisé par l’Histoire coloniale... C’est le propos d’une femme blanche qui dirige, qui a la parole, qui domine. Dans la bouche de cette dame le mot nègre est évidemment un mot d’un racisme insupportable.
 On l’a peu relevé, mais avant de dire « nègres américains », elle a hésité, a commencé à dire « afr... », révélant peut-être ainsi que pour elle, tout le commerce triangulaire était aussi souhaité, soutenu par des Africains complices.


Le mot n’a même pas surpris le présentateur, qui n’a demandé aucun éclaircissement sur cet écart d’un autre âge – du moins c’est ce qu’on nous apprend à l’école. Seuls les réseaux sociaux honnis de nos dominants ont relayé l’information, en proposant d’emblée les nombreuses analyses et réactions que n’importe quel humaniste digne de ce nom attendait. Signe que les dirigeants politiques et les médias sont dangereusement éloignés des préoccupations de la population, et presque complètement imperméables aux progrès majeurs d’un point de vue civilisationnel qui sont réalisés loin des ministères et des plateaux de télé. Dans l’établissement scolaire de Seine Saint Denis dans lequel je travaille, un de ces établissements méprisés par nos dominants, il est interdit d’employer de tels mots : un élève qui le ferait serait immédiatement puni, ce manquement inacceptable révélant une perversité inquiétante ou une ignorance appelant une remise à niveau urgente. S’il s’agissait d’un professeur, il serait convoqué et sanctionné par sa hiérarchie.
 La hiérarchie des ministres c’est qui ? Le peuple, non ?
http://lmsi.net/Racismes-hyper-decomplexes

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Message  Toussaint Mer 6 Avr - 18:16

La gauche identitaire contre la gauche qui vient

6 avril 2016 | Par stéphane alliès


Manuel Valls juge « essentielle » la bataille « culturelle et identitaire », davantage que « l’économie et le chômage ». Une façon d’incarner une vision « républicaine » se concentrant sur une islamophobie assumée sous couvert de laïcisme, un sentiment majoritaire dans la classe politique de gauche actuelle. Mais la jeunesse qui se mobilise est à mille lieues de cette obsession néfaste.

La gauche identitaire contre la gauche qui vient

6 avr. 2016 | Par stéphane alliès
- Mediapart.fr

Manuel Valls juge « essentielle » la bataille « culturelle et identitaire », davantage que « l’économie et le chômage ». Une façon d’incarner une vision « républicaine » se concentrant sur une islamophobie assumée sous couvert de laïcisme, un sentiment majoritaire dans la classe politique de gauche actuelle. Mais la jeunesse qui se mobilise est à mille lieues de cette obsession néfaste.


« Bien sûr, il y a l’économie et le chômage, mais l’essentiel, c’est la bataille culturelle et identitaire. » En une phrase d’un discours tout entier consacré au péril salafiste lundi 4 avril au soir, Manuel Valls a résumé et assumé comme jamais son obsession principielle. Et celle-ci n’a plus à s’encombrer de prolégomènes sur la compétitivité, le réformisme, l’amour de l’entreprise ou de l’ordre républicain, elle peut se résumer en une grande confusion entre salafisme, djihadisme et port du foulard, le tout amalgamé en un seul et même ennemi implicite. L’islam.

Organisé par la branche française d’un think tank néoconservateur américain (l’American Jewish committee), la fondation Jean-Jaurès (liée au PS) et la Fondation pour l'innovation politique (liée à Les Républicains), le « forum citoyen » que le premier ministre a conclu lundi soir est la continuité d’une tribune signée par de nombreux artistes, et qu’on croirait écrite par les plumes de Matignon. « La barbarie puise sa force dans l’idéologie islamiste. Elle est un fléau pour l’Europe et le reste du monde, y est-il écrit. Nous nous opposons à tous les relativistes qui viendraient excuser ou minimiser cette menace, nous savons que tous les discours de complaisance suscitent la montée des populismes et surtout encore et toujours la mort de nouveaux innocents. »

La sortie du premier ministre vient ponctuer une série de déclarations de plusieurs de ses ministres qui ne laisse guère de doutes sur l’axe idéologique exclusif de la nouvelle gauche identitaire. Avant lui, la ministre de la famille, Laurence Rossignol, a déjà évoqué les “franco-musulmans” (des binationaux ayant des attaches en “musulmanie” ?) et comparé les femmes portant volontairement le voile à des « nègres américains qui étaient pour l’esclavage ». Avant elle, le ministre de la ville, Patrick Kanner, a estimé à une centaine les potentiels “Molenbeek français”, sa façon à lui d’évoquer les banlieues qu’il est censé promouvoir. Avant lui, le ministre des transports, Alain Vidalies, a justifié le contrôle au faciès dans les gares par souci d’efficacité.

Avant lui, alors ministre du droit des femmes, Pascale Boistard s’était prononcée en faveur de l’interdiction du voile à l’université. Ce que Manuel Valls a aussi défendu lundi soir avec ferveur. À ses côtés et signataire de tous les textes possibles sur le sujet, le préfet Gilles Clavreul, ancien du cabinet de Nicolas Sarkozy quand il était ministre de l’intérieur, nommé par Manuel Valls délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Dilcra), tient les mêmes discours et la même ligne.

Se sachant en échec sur le social et l’emploi, et sur tout le reste d’ailleurs, le pouvoir – élu par la gauche – et ses derniers défenseurs ont fait le choix de l’obsession identitaire, sécuritaire et inégalitaire, comme un nouveau triptyque républicain davantage fidèle à la gauche coloniale de Jules Ferry qu’à celle de Georges Clemenceau. Manuel Valls devrait d'ailleurs relire leurs échanges sur le sujet, avant d’apporter son soutien à Élisabeth Badinter pour estimer de concert qu’« une partie de la gauche est imprégnée de l’idée que toutes les cultures et traditions se valent et que nous n’avons rien à leur imposer ». Comme cela est très justement expliqué dans cet article de Slate.fr, il est « dit en substance que toutes les cultures ne se valent pas et qu’il faudrait, pour garantir l’égalité et les libertés individuelles, imposer ce qui “nous” semble juste et bon à ceux et ceux dont nous avons décrété qu’ils étaient moins nobles et valeureux que nous, et ce à l’intérieur même de notre pays. En excluant de fait les musulmans du “nous” et en remettant en cause l’unicité du peuple français, alors même que c’est ce qu’elle semble reprocher aux “islamogauchistes” et aux femmes voilées qu’elle prétend vouloir défendre ».

En agitant le spectre de ces « groupes salafistes qui sont en train de gagner la bataille idéologique et culturelle dans l’islam de France », Manuel Valls retrouve cependant des alliés de gauche qui se tiennent d’habitude à distance, mais marquent leur accord avec une vision de la laïcité de fer. Consciemment ou non, l’initiative du “Sursaut,” comme celle du “Printemps républicain” avant elle, font irrémédiablement penser à ce que Pierre Bourdieu avait pointé lors de la première affaire du foulard à Creil, en 1989 : « Du fait que la question patente – faut-il ou non accepter à l’école le port du voile dit islamique ? – occulte la question latente — faut-il ou non accepter en France les immigrés d’origine nord-africaine ? –, [les éternels prétendants au titre de maître à penser] peuvent donner à cette dernière une réponse autrement inavouable. »

Pour Manuel Valls et une partie de la gauche politique et intellectuelle, tout est désormais bon à combattre dans l’islam, et envisager seulement d’en débattre est en soi le début d’une complicité avec l’ennemi. La sociologie est devenu une culture de l’excuse. L’interdiction de parole de Tariq Ramadan, un acte de courage et de résistance. Même “l’intersectionnalité”, une notion universitaire certes subversive mais tout de même inoffensive, est devenue un objet à combattre, sur le même plan que le racisme. C’est en effet ce qui a été énoncé par la maire du XXe arrondissement de Paris Frédérique Calandra, en ouverture du Printemps républicain. Le mouvement créé par l’universitaire Laurent Bouvet, théoricien de « l’insécurité culturelle », compte parmi ses soutiens aussi bien François Morel, Anne Sinclair ou Marcel Gauchet que plusieurs figures socialistes (Frédéric Cuvillier, Fleur Pellerin, Olivier Faure), et même deux hérauts de l’aile gauche du PS, Emmanuel Maurel et Jérôme Guedj.

De son côté, s’il ne partage pas la volonté d’en faire une priorité programmatique exclusive, loin de là, Jean-Luc Mélenchon n’a pas une vision très éloignée de celle du premier ministre sur le sujet. Hostile aux sorties scolaires ouvertes aux mamans voilées et guère à l’aise en règle générale sur la question du foulard, le candidat de “la France insoumise” a soutenu Laurence Rossignol face aux critiques (à l’exception de l’emploi du mot “nègre”).

Puisque « l’économie et le chômage » ne sont pas « l’essentiel » aux yeux de Valls, et si tout ce monde se retrouvait sur l’identité ? Enfin une bonne nouvelle pour l’unité de la gauche. Avec Caroline Fourest en conseillère politique et Élisabeth Badinter en intellectuelle organique, à nous les croisades héroïques contre l’emploi du terme “islamophobie”, vivement les dénonciations courageuses de la “prison mentale” que représenterait le port du foulard, même en version haute couture. Peut-être même que cette union de la gauche républicaine permettra de doubler LR et le FN lors de la prochaine campagne présidentielle, en étant le premier des trois à se prononcer pour l’interdiction du voile dans l’espace public. Au rythme où vont les choses, le sujet n’est plus de savoir si cela aura lieu, mais quand et à l’initiative de qui…

« L’essentiel identitaire et culturel » implique aussi la glorification de l’ordre républicain, subtil mélange de déchéance de nationalité réservée aux binationaux, avortée, et de police à qui l’on donne tous les droits. Celui de perquisitionner à la place des juges, par la grâce d’un état d’urgence devenu permanent. Celui de pouvoir s’armer même en dehors du service, même quand on n’est que policier municipal. Celui d’avoir son propre service de renseignement. Et même si la corporation semble aujourd’hui majoritairement séduite par le vote FN, cela ne détonne finalement pas avec l’attitude de l’État français, qui assume désormais ses contrôles au faciès jusque devant la Cour de cassation. La fin justifie les moyens de guerre, cette fameuse « guerre au terrorisme » que Manuel Valls cite à l’envi et jusqu’à la lie, face aux djihadistes du Levant comme aux « ennemis intérieurs » de nos quartiers. Il n'est d'ailleurs pas anodin de voir aujourd'hui les bataillons policiers présents en nombre impressionnant autour et dans les manifestations.

Gauche qui agit et gauche qui agite

Mais si cette gauche d’antan est hégémonique dans le paysage politicien actuel, elle n’a pourtant rien à voir avec la gauche de maintenant. À force de marteler sa « gauche du réel », qui « assume » ses « responsabilités », Manuel Valls en vient à incarner une “gauche du fantasme”, totalement déconnectée de la gauche réelle. Illustration géographique de ce décalage, le théâtre Déjazet où se tenait la table ronde de Manuel Valls se trouve à quelques mètres de la place de la République, occupée par la “Nuit debout”, lieu de convergences depuis le 31 mars des désirs d’alternative citoyenne, loin des stratégies de partis et des obsessions identitaires.

Ils ont dix-huit, vingt ou trente ans, et sont beaucoup moins crispés sur « l’essentiel identitaire et culturel » que la gauche de leurs parents ou même de la génération des quadras. Ils ne jurent pas que par Voltaire, et certains ont aussi connaissance de son antisémitisme forcené. Ils pensent le monde tel qu’ils le voient, préfèrent le débat ouvert aux arguments d’autorité, la vraie liberté d’expression à celle à géométrie variable, qui cache en réalité les pires oukases. Quand ils croisent une femme voilée dans la rue, ils n’ont aucune envie de l’insulter, de la dévêtir, d'en faire un fantasme sexuel ou de la comparer à un fantôme. Elle fait juste partie de la vie telle qu’elle est.

Ils ne considèrent pas par principe qu’un bout de tissu est une prison ou un tremplin vers le djihadisme, mais préfèrent parler avec celles qui le portent de religion peut-être, mais surtout de tout le reste, car ils estiment que la façon dont on s’habille demeure secondaire par rapport à ce qu’on a à se dire. Cela n’empêche pas en tout cas de s’engager ensemble. Et avec comme sens de « l’essentiel » le partage du travail et des richesses, plutôt que l’obsession identitaire.

On a pu le voir dès les manifs lycéennes en défense de Leonarda, dans les classes comme dans les campus, ou aujourd’hui dans les cortèges étudiants. On avait déjà remarqué ces derniers mois des alliances militantes ponctuelles entre les autonomes et le collectif Stop contrôle au faciès ou Urgence, notre police assassine ! (lire ici), entre le CCIF et la Quadrature du Net ou les associations de défense des droits de l’homme, entre les “Pas sans nous” et France nature environnement, le Dal et le Secours catholique (lire ici), ou encore lors de la COP21 (lire ici). La gauche qui agit est là, laissant la classe politique actuelle être la gauche qui agite les épouvantails et attise les peurs.

Il est assez réjouissant de voir la révolte désordonnée déborder les corps intermédiaires traditionnels et les appareils en ruine, après avoir contourné l’ordre médiatique installé. Les réseaux sociaux et numériques sont leur principal outil, et ils en font une arme politique. Cruel constat pour des responsables politiques qui ont regardé de loin les printemps arabes, en estimant que Facebook et Twitter avaient permis leur émergence dans une société bloquée. Toute proportion gardée, c’est aujourd’hui le même type de processus qui est à l’œuvre en France.

Le besoin de neuf se fait urgent dans la vie politique française. Le personnel politique est décrédibilisé, gangréné par l’accumulation des mandats et la professionnalisation de sa pratique. Les élites politiques vivent de la politique toute leur carrière, et leur vie dépend de leur capacité à conserver leur mandat. Cette étrange caste n’a aucun souci de la diversité, sociale ou ethnique, de sa représentation. C’est elle qui présente le plus sûr danger de communautarisme, celui des mâles blancs de plus de 50 ans qui ne vivent que de leurs fonctions et squattent l’Assemblée nationale, imperméables à toute remise en cause, ou même à une quelconque introspection.

La gauche politique est à bout de souffle, et son adhésion ou son incapacité à s’organiser face à l’évolution “identitaire républicaine” du pouvoir socialiste fut finalement le meilleur marchepied à une mobilisation inédite, dont on espère qu’elle restera le plus longtemps indépendante de ceux qui pourraient la gâcher. Une hypothèque reste à lever, celle du débouché politique. Mais ceux qui ont tweeté, pétitionné, marché ou passé des nuits debout ces dernières semaines, bousculant les appareils syndicaux et politiques au point de les contraindre à se ranger derrière eux, ont-ils envie de se passionner pour une présidentielle qui ne leur donnerait pas voix au chapitre ?

Si Internet et les réseaux sociaux ont permis la croissance et la structuration d’une « fachosphère » et accompagné la “droitisation” de la libre expression, ils ont aussi rendu possibles l’émergence et la visibilité de nouveaux militantismes de gauche, souvent intellos précaires et toujours soucieux d’autonomie des luttes. Quartiers populaires et lutte contre les méthodes policières, néoféminismes, lutte antiprécarité, affirmations minoritaires (afro, musulman, lesbien, parfois les trois à la fois), écolo-zadistes, antifas, militants du logiciel libre, etc.

Un nouveau personnel s’exprime aussi, non pas dépolitisé, mais ayant choisi de se politiser autrement, hors les murs fissurés et délabrés de la gauche traditionnelle. Ce dernier mois, on a ainsi vu s’imposer sur le devant de la scène Caroline de Haas et ses amis de la pétition « Loi travail non merci ! », des YouTubeurs étudiants ou fraîchement diplômés imaginant le hashtag culte “On vaut mieux que ça”, le réalisateur de « Merci patron ! » François Ruffin et l’équipe du journal Fakir…

Comment ne pas penser en les voyant à ceux qui furent au départ de Podemos, quoi que l’on pense de ce que ce mouvement advient : quelques universitaires précaires issus d’un même laboratoire de recherche en sciences politiques. En mémoire reviennent les mobilisations de la marche de la dignité ou de la COP21. Et résonne cette remarque de l’anthropologue Margaret Mead : « Ne doutez jamais qu'un petit groupe d'individus conscients et engagés puisse changer le monde. C'est même la seule chose qui se soit jamais produite. »

URL source: https://www.mediapart.fr/journal/france/060416/la-gauche-identitaire-contre-la-gauche-qui-vient
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Message  Toussaint Mer 6 Avr - 18:32

N'en déplaise à tous les Tartuffe, les termes employés par Rossignol, et les autres croisés anti-musulmans, colonialistes et racistes, misogynes, sont des termes que l'on retrouve dans les argumentaires de toutes les bêtes immondes du racisme islamophobe, le mot nègre mis à part.
Mais le parallèle entre le port du voile et l'esclavage, oui, par exemple dans des textes internes de la LCR, de 2004, que je viens de relire, le parallèle entre la jupe plus ou moins courte, voire la nudité, et la libération de la femme, oui, à de multiples reprises, par exemple dans un film raciste diffusé par LO, la journée de la jupe. La chasse à Tarik Ramadan, aux communautarismes et au voile symptôme d'un militantisme salafiste, islamiste ou intégriste, oui, etc... etc... De même que l'attaque en règle simultanée contre les nouveaux militants antiracistes, accusés au moment où ils se rejoignent régulièrement de rouler chacun pour sa communauté, en concurrence avec les autres, oui, on l'a retrouvée à satiété dans ce forum et on l'admire dans la presse bourgeoise cette semaine, dans un chorus touchant avec le Valls en chef d'orchestre... Enfin, la glorification de la loi raciste de 2004, comme laïque, républicaine, etc... cela aussi a été, reste défendu à satiété sur ce forum.
Certes, les racistes islamophobes se réclamant du féminisme, de la laïcité ou du marxisme, ne reprennent pas l'intégralité des propos de x ou y, pas plus que x ne reprend la totalité de y d'ailleurs, mais l'unité dans la traque, dans la préparation de la suite, est bien flagrante.
Et cette unité embarque ceux qui appellent à voter pour des partis qui participent régulièrement de ce front islamophobe. On ne peut pas regretter le sort fait à Ilhem et sa logique abjecte et appeler à voter LO... On ne peut pas venir draguer les racisés et appeler à voter LO. Je le sais par expérience. Very Happy
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Message  MO2014 Ven 8 Avr - 13:26


Communiqué du CCIF suite aux propos de Manuel Valls
Le CCIF condamne avec la plus grande fermeté les propos tenus hier par le Premier Ministre Manuel Valls, à l’occasion de la tenue de l’événement le “sursaut” au théâtre Dejazet à Paris.

Ces propos d’une extrême gravité, tenus au plus haut sommet de l’Etat, marquent un point de non retour dans la banalisation des discours islamophobes au sein du gouvernement. Ils sont de nature à légitimer l’islamophobie galopante, dans une société où les tensions sont déjà vives, exacerbées par la surenchère des identitaires.

“Ces attentats, ces actions, ces comportements se font au nom de l’Islam” ; “Ils [salafistes] doivent représenter 1% aujourd’hui des musulmans dans notre pays, mais leur message, leurs messages sur les réseaux sociaux, il n’y a qu’eux finalement qu’on entend”, d’emblée Manuel Valls entend ne plus s’embarasser de nuances et veut assimiler l’essence de la religion musulmane avec les actes terroristes. Rien que ça. Par ce discours prononcé dans un grand élan de sincérité, Manuel Valls livre ses millions de compatriotes musulmans à la défiance populaire et à la haine.

N’oublions pas que le 24 décembre 2015, en plein état d’urgence, c’est une salle de prière à Ajaccio qui a été mise à sac par un groupe de “manifestants” qui entendaient “punir” les musulmans d’un acte qu’ils n’avaient pas commis. Cette expédition punitive d’un autre âge n’avait pas trouvé matière à appliquer l’état d’urgence, comme si la Corse était devenue une zone de non-droit.

Epousant le récit narratif des terroristes, opposant l’Islam à l’Europe, Manuel Valls, à défaut d’avoir pu protéger les citoyens français de deux vagues d’attentats terroristes en 10 mois entend nourrir les foyers de recrutement des terroristes.

Parlant sans cesse de combat, d’opposition et de confrontation, Manuel Valls montre qu’il n’a absolument aucun projet ni pour la France, ni pour les valeurs républicaines qu’elle incarne. Ses échecs parlent pour lui et démontrent qu’il détourne sa mission de chef de gouvernement s’adressant à tous citoyens français à des fins qui lui sont toutes personnelles.

Alors même que les citoyens français expriment leur exaspération d’une politique économique et social désastreuse, le Premier Ministre entend mettre la question identitaire et culturelle au premier plan de la prochaine élection présidentielle.

En pleine contestation sociale autour de la loi El Khomry et la loi Urvoas débouchant sur l’émergence de la mobilisation “Nuits Debouts” sur la Place de la République, le Premier Ministre nous dicte son agenda politique dans les années qui suivent, bien décidé à éluder sa responsabilité politique vis-à-vis du marasme économique et social dans lequel s’enfonce la France.

Le Premier Ministre s’est ensuite prononcé sur le voile, signe selon lui "politique et “d’asservissement”. Ces propos d’une extrême violence, alors que les femmes musulmanes sont à hauteur de 80% les premières victimes d’agression islamophobes en 2015, reviennent à légitimer leur agression, leur discrimination et leur exclusion.

L’absence même des femmes concernées face aux invectives du Premier Ministre signale au mieux une lâcheté, au pire l’incapacité de reconnaître en ces personnes des êtres humains.

Quant à son appel à agir, Manuel Valls est en retard car ces femmes sont déjà victimes de la haine aveugle de personnes qui se sentent dans l’impunité lorsqu’elles arrachent les foulards de ces femmes, leur portent des coups de poing ou des coups de poignard.

A l’heure où la cohésion nationale est mise à rude épreuve par les idéologies extrémistes qu’il prétend combattre, Manuel Valls adopte la posture d’un chef de clan déconnecté des préoccupations urgentes des français pour servir un agenda idéologique. Le raisonnement adopté par Manuel Valls est identique à celui de l’extrême droite et des groupes identitaires pour qui l’intérêt particulier prime sur l’intérêt général.

Cet événement prétendant être “sursaut républicain” s’est avéré n’être rien d’autre qu’un sursaut identitaire, incendiant notre pacte républicain.

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Message  verié2 Lun 11 Avr - 19:22

Un communiqué très correct des JC. Ils ne se trompent que sur un point : l'islamophobie comporte bien une composante de peur, laquelle engendre l'hostilité.
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Message  MO2014 Ven 15 Avr - 12:16



A Manuel Valls,

Vous revoilà encore une fois avec vos obsessions sur l’islam que vous voulez imposer à la nation. Alors que le pays est en ébullition et se remet à peine d’une année sanglante, la seule chose qui vous préoccupe, ce sont vos concitoyens musulmans.

La semaine dernière, vous étiez au Théâtre Déjazet pour les fustiger ainsi que le port du voile par certaines femmes, tout en admettant : «Oui il y a du chômage.» Mais pour ajouter aussitôt : «L’essentiel c’est la bataille identitaire, la bataille culturelle.» Nos priorités sont vraiment différentes, Monsieur le Premier ministre.

Nos jeunes sont en train de manifester pour leur avenir et se joignent à eux les contestataires de tous bords. Mais vous n’avez pas eu un mot pour eux alors que vous vous produisiez à quelques mètres de la place de la République. Quel symbole !

Le Premier ministre de la République ignore le peuple qui manifeste et, au lieu de l’écouter, lui rétorque que le véritable souci ne doit pas être son avenir mais… la femme voilée. Qu’elle soit bannie de l’école et du travail ne vous suffit pas, vous voulez en plus la bannir de l’université.

J’avoue être habitué à vos excès de langage, mais, là, vous avez fait bien fort.

Vous étiez attendu pour combattre le chômage, or il a explosé, nous voilà revenus au niveau de 1997. Vous vous deviez de nous protéger, or nous avons subi deux vagues d’attentats et perdu 149 des nôtres. Vous aviez le devoir moral de nous rassembler, or vous nous avez divisés avec votre débat sur la déchéance de nationalité. Vous auriez pu faire la une de Libération avec des propositions concrètes pour le pays, or vous l’avez faite pour commenter l’actualité sans rien proposer. A l’instar de Gaston Defferre, qui déclarait que les grèves des ouvriers musulmans étaient «des grèves saintes» commandées par «les mollahs iraniens», vous déclarez que la femme qui décide de ne pas se dénuder est une militante politique commandée par les salafistes.

Qu’avez-vous à dire au sujet de l’école publique, socle de notre pacte républicain, devenue la plus inégalitaire d’Europe occidentale ? Qu’avez-vous à dire aux 140 000 jeunes qui décrochent chaque année sans le moindre diplôme ? Qu’avez-vous à dire au sujet des 2,53 millions de personnes réduites à vivre au RSA, un chiffre jamais atteint jusqu’ici ?

Qu’avez-vous à dire au sujet de l’évasion fiscale en pleine affaire des Panama Papers – fraude qui nous coûte chaque année 80 milliards d’euros ? Qu’avez-vous à dire au sujet de tout cet argent détourné par les riches alors que nous sommes asphyxiés par les impôts ? Qu’avez-vous à dire à nos jeunes dont près de 26% sont au chômage ? Qu’avez-vous à proposer à ceux qui ont perdu espoir ? Que leur problème, c’est le voile ?

Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez pas fustiger le voile, symbole selon vous de l’intégrisme, alors que vous venez de passer plusieurs contrats d’armement avec le régime saoudien. C’est beaucoup trop gros.

Peut-être que vous êtes incapable de bien faire, peut-être que vous ne voulez pas, mais vos résultats parlent pour vous, et je comprends que, tel le cancre voulant cacher ses mauvaises notes, vous préférez parler d’autre chose.

Vous osez même demander si l’islam est compatible avec la République. Ben voyons. C’était la religion de ces dizaines de milliers de soldats tombés pour elle pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale. C’était aussi la religion de ces dignitaires de la mosquée de Paris qui protégeaient les Juifs des camps de concentration alors que le maréchal Pétain les déportait par trains entiers.

C’est aussi la religion de millions de personnes qui ne demandent qu’à vivre en paix ici, chez eux, et qui, pour la plupart, ont fait souche sur notre territoire bien avant que vous n’y émigriez. S’il vous plaît, ce n’est pas la compatibilité de l’islam avec la République qu’il faut démontrer mais plutôt la vôtre.

C’est vrai que vous avez besoin de vous positionner pour la présidentielle de 2017. Mais quel genre de candidat serez-vous ? Celui qui continuera de voiler son bilan et ne nous parlera que de son obsession pour l’islam et les musulmans ? Nous valons bien mieux que ça, Monsieur le Premier ministre, et tant de violence ne cache qu’autant de faiblesse.

Que restera-t-il de votre passage ? Pas grand-chose, sauf le mauvais souvenir d’un homme qui n’était pas à la hauteur mais qui, dépassé par ses propres échecs, aura préféré nuire à son pays plutôt que de se remettre en question.
Yasser Louati Porte-parole du CCIF, le Collectif contre l’islamophobie en France

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Message  Toussaint Sam 16 Avr - 23:58

Trois vidéos du camarade Omar Slaouti

https://www.youtube.com/watch?v=EW6CD4VdciY

https://www.youtube.com/watch?v=YMvwZ3xobOU

https://www.youtube.com/watch?v=ij9XLqsu2TQ

Une vidéo de Sibony, responsable de l"Union des Juifs Progressistes de France parlant notamment de la question du rapport entre la politique du pouvoir et d'Israël, la défense apparente des juifs contre l'antisémitisme et l'islamophobie, le racisme anti-juif.

https://www.youtube.com/watch?v=cPtOjH1URH0
Toussaint
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Message  verié2 Lun 18 Avr - 9:43

Le ministre belge nationaliste flamand Jan Janbon s'en prend aux Musulmans qui dansent :
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/de-nombreux-musulmans-ont-danse-apres-les-attentats-selon-un-ministre-belge_1783448.html

verié2

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Message  MO2014 Mer 20 Avr - 18:54


Lettre ouverte d’un musulman de France à Monsieur Serge Grouard

Un musulman de France (et d’Orléans), Rachid CHRAÏBI, répond à Serge Grouard et à sa lettre aux musulmans

« En tant que musulman de France, de l’agglomération Orléanaise de surcroît, dont vous avez été Maire, je me sens concerné par votre lettre ouverte aux musulmans de France, et je tiens à exercer mon droit de réponse dans cette lettre à votre intention.
Permettez-moi, monsieur le député, d’apporter quelques informations et précisions sur plusieurs points de votre lettre, que vous semblez très mal maîtriser.

Vous dites : « Les musulmans sont nouveaux sur la terre de France ». Vous semblez très mal connaître cette terre et son histoire. La France, et ses 2000 ans d’histoire, a eu en son sein des musulmans depuis plus de 14 siècles, et non pas seulement une cinquantaine d’années comme vous le prétendez. Étudiez donc l’histoire de la principauté musulmane de Narbonne au VIIème siècle et la principauté musulmane de Saint-Tropez du IXème au XIième siècle. Un peu plus récemment, ce sont les maures andalous qui, au XVIème siècle, ont appris aux pêcheurs vendéens les techniques de pêche de la sardine, encore utilisées jusqu’au début du XXème siècle. Vous semblez ignorer également plus de 100 ans d’histoire algérienne française.
Non, monsieur le député, bien que cela ne vous plaise pas, les musulmans sont en France depuis bien plus longtemps que vous ne le croyez.
Vous dites encore : « Les musulmans devraient avoir, selon l’éthique, plus de devoirs que de droits.» Mais quelle étrange conception de votre devise « Liberté ! Egalité ! Fraternité ! » vous avez. Il y aurait donc, selon vous, une citoyenneté à géométrie variables, plusieurs catégories de citoyens, avec des droits et devoirs en fonction de leur ancienneté dans la nation. Ce sont là des idées dangereuses, et qui doivent être condamnées avec la plus grande fermeté. La France est un pays républicain, démocratique et un état de droit qui ne reconnaît qu’un seul type de citoyen.
Aujourd’hui, la grande majorité des français musulmans, sont des français nés en France, qui ont grandis en France, qui sont allés à l’école de la République et sont imprégnés de la culture française. Doit-on remonter leur arbre généalogique pour déterminer leurs proportions de droits et de devoirs ?
Cessez donc de parler d’intégration ou d’assimilation. Le temps des colonies est révolu, les français de confession musulmane sont autant Français que vous ou que quiconque.

Sur le terrorisme, vous dites qu’il est le fait de quelques dégénérés, et j’en conviens tout à fait. Et je vous informe que les musulmans sont les premières victimes de ce terrorisme; victimes d’abord des attentats terroristes, dans les pays à majorité musulmane où ils y sont les plus nombreux et catastrophiques, et également en France, parce qu’une bombe ne fait pas de distinction dans ses dégâts. Ils sont également victimes dans leur foi et dans leur spiritualité, parce que ces dégénérés tuent au nom de l’Islam et salissent ainsi cette religion.
Les musulmans de France et du monde entier ne vous ont pas attendu pour condamner et dénoncer ces ignominies. Si vous preniez la peine d’écouter les prêches tenus par les imams de France tous les vendredis, vous n’auriez pas besoin de demander aux musulmans de faire leur autocritique et condamner ces groupes extrémistes d’assassins et d’imposteurs.
Je tiens à vous rappeler par ailleurs que les groupes Action Directe, Bande à Baader et les Brigades rouges, se réclamaient d’une certaine gauche, et qu’on a pourtant jamais fait l’amalgame avec la gauche de l’époque. D’autres se réclamaient d’un certain intégrisme chrétien, mais on n’a jamais exigé de l’Eglise qu’elle dénonce ou condamne les écrits de la Bible.
Vous dites que : « les français sont tolérants »
Je confirme, la France est une nation tolérante et accueillante, et vous avez raison de le préciser. J’ai eu l’occasion de le vérifier, à travers différents voyages aux quatre coins de ce pays que j’ai fait avec ma famille. Nous n’avons jamais senti de regards stigmatisants ou propos désobligeants de la part des populations locales. Le peuple français est tolérant, ouvert et respectueux.
Il faut également noter que, dans de nombreuses régions, l’Église a souvent été la première à aider les musulmans, notamment pour avoir un premier lieu de prière, et nous en sommes reconnaissants. Je ne manquerai pas d’ailleurs de citer feu père De Givenchy, avec qui j’ai travaillé plusieurs années, et qui a fait de la Maison de la Recouvrance à Orléans un lieu de vivre ensemble pour des associations de tout bord et de toute spiritualité.
Vous renvoyez ensuite les musulmans de France à leur supposé pays d’origine et leur prétendu manque de tolérance envers les communautés de confessions non musulmane. Encore une fois votre manque de connaissance des ces pays vous fait cruellement défaut. Au Maroc, sous le protectorat, les français chrétiens qui y vivaient avaient de vraies églises et des cimetières communautaires qui leur étaient propres, et ce dans pratiquement toutes les villes où ils se trouvaient. Ces églises et ces cimetières existent toujours aujourd’hui, bien que la plupart des chrétiens aient quitté le Maroc depuis l’indépendance. Sachez donc, Monsieur le Député, que le peuple musulman marocain sait lui aussi être tolérant.
Vous parlez également du droit des femmes. Les musulmans de France et d’Europe, se sont déjà emparés de cette problématique et progressent sur cette question. Il y a bien sûr encore du chemin à faire, mais on se passera volontiers de certaines directives dignes d’une époque coloniale aujourd’hui révolue. La charge du devoir de civiliser les « autres » est aujourd’hui sans objet.
Dois-je vous rappeler qu’en Turquie, pays musulman, le droit de vote pour les femmes existe depuis 1905, alors qu’en France, il a fallu attendre 1945. Jusqu’aux années 60, la femme française devait avoir l’autorisation de son époux pour ouvrir un compte bancaire.
Dans notre état républicain, il a fallu attendre une loi de parité pour permettre la présence des femmes dans les différentes instances représentatives, et malgré cela les femmes sont toujours sous-représentées ! Et l’unique fois où une femme a été nommée premier ministre, elle n’est pas restée plus de 6 mois.
Il y a encore beaucoup à faire pour la cause de l’égalité homme/femme en France, et ceci concerne tous les citoyens français, et non pas seulement les citoyens de confession musulmane. Vous nous mettez en garde, « Attention ce peuple tolérant est aussi violent et il l’a montré dans son histoire.
Effectivement, dans l’histoire de la France, il y a eu des périodes de grandes violences. On se souvient de la Saint Barthélémy, de la révolution française, du régime de Vichy. Est-ce donc à ces sombres moments que vous voudriez nous renvoyer ?
Je vous réponds que ces propos sont irresponsables, dangereux et insensés, dirigés contre des français musulmans dont vous questionnez la citoyenneté. C’est là un appel indirect à des esprits simplistes et extrémistes et à des actions dangereuses et graves contre une population dont le simple tort serait d’être musulmane.
J’attends aujourd’hui de cette lettre qu’elle vous éclaire sur la portée de vos propos, que vous preniez conscience du jeu dangereux auquel vous vous prêtez, et que vous présentiez vos excuses à tous les citoyens de France, pour cette « lettre ouverte aux musulmans de France » que vous avez publiée. »

Rachid CHRAÏBI
Musulman de France
http://www.magcentre.fr/95567-lettre-ouverte-dun-musulman-de-france-a-monsieur-serge-grouard/

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Message  MO2014 Jeu 28 Avr - 15:36

Tribune collective : « Quand nous disons "je", c’est à nous tou-te-s que nous pensons »
Tribune collective / lundi 18 avril 2016 /

Laurence Rossignol, Manuel Valls, Gilles Clavreul, Laurent Joffrin...ces dernières semaines ont été marquées par les déclarations outrancières de plusieurs responsables politiques et éditorialistes. Qu’elles insultent la mémoire des déportés de l’esclavage, le libre-arbitre des femmes voilées ou les pratiques militantes des antiracistes politiques, ces déclarations n’ont qu’un seul effet : renforcer les stigmates visant une partie de la population. Plusieurs acteurs associatifs ont ouhaité réagir à cette sombre actualité ; nous publions ici leur tribune.


Nous assistons avec un triste amusement à la déchéance de rationalité d’un État en roue libre. Et avec lui, les hérauts d’une élite désuète qui, face à la remise en cause de ses privilèges, est prête à faire brûler la maison France qu’elle dit tant aimer.
Comme chaque jour apporte son lot de nouvelles polémiques autour de l’islam et des musulmans, des Noirs et des Arabes, des migrants et des Roms, hier pas plus que demain ne déroge à la règle.

Douce France, cher pays en pleine souffrance, que nous réserves-tu aujourd’hui ? Quel foulard, quelle barbe, quelle couleur, quelle culture te posera problème ? Quel sujet naitra, sinon de ton ennui, du moins de tes errances ou stratégies racialistes ?

Sur nos écrans s’affichent les tensions du jour qui, dans nos rues comme dans nos institutions, dans nos écoles comme dans nos entreprises, portent leurs fruits amers, construisant et légitimant le rejet de l’autre, son exclusion. La violence des mots, souvent. La violence des gestes, aussi.

Et face à cela, un État coupable de lui-même, non plus uniquement de ses renoncements face aux racismes, mais également de ses discours et de ses actions ; une puissance publique qui, plutôt que d’apporter la rationalité de l’analyse, l’humanisme de l’écoute et la fraternité dans l’action, est incapable d’offrir un autre visage que celui du mépris.

L’antiracisme d’État n’est et ne sera pas la grande force issue de tous les secteurs et de tous les paysages de la société française, permettant à chacun-e de ne plus faire face à l’exclusion de part sa couleur de peau, son origine ou sa religion supposée. Au contraire, il aura été l’obstruction des institutions, empêchant les premiers intéressés d’accéder aux moyens politiques et institutionnels de changer positivement leur condition. Il aura été la domination d’une élite, produisant un discours vertical descendant, à l’attention des populations cibles du racisme que l’on aura voulu « civiliser » et « pacifier », sans jamais dépasser ses réflexes post-coloniaux. Il aura été 30 ans de retard, en donnant à voir l’illusion d’une France fraternelle, signalant sur le plan du marketing ce que nous avons été incapables de faire vivre dans le réel de l’action institutionnelle. Une France pourtant rescapée, sauvée au quotidien par l’expérience humaine de gens qui veulent tout simplement vivre ensemble, bien loin des outrances politiques de ceux qui nous gouvernent. 

Au Président de la République comme au Premier Ministre, au Délégué interministériel prétendument contre le racisme et l’antisémitisme comme aux polémistes qui les soutiennent, aux videurs de l’antiracisme patenté comme aux racistes de tout poil qui se sentent soudainement pousser les ailes d’un républicanisme jacobin, à cette infime minorité qui truste l’espace médiatique névrosé tout en poussant des cris d’orfraie à chaque fois qu’on contredit leurs certitudes, nous disons simplement : 



Votre antiracisme est un racisme, puisqu’il revient à nous imposer la manière dont nous devrions vivre et les mots que nous devrions choisir pour nous exprimer, juste par notre différence.
Votre féminisme est un sexisme, puisqu’il aboutit à dicter aux femmes ce qu’elles devraient ou non porter, tout en confisquant la parole des premières intéressées.
Votre progressisme est une régression, puisqu’il valide le passage de nouvelles lois qui, en son nom, viennent restreindre toujours plus les droits et les libertés de chacun-e.
Votre liberté d’expression est une censure, puisque asymétrique, elle vous permet d’insulter les autres tout en leur interdisant de vous répondre.

Fuyez donc les miroirs, vous risqueriez de vous y voir.

Quand des ministres s’érigent en défenseur des droits tout en convoquant, comme l’a fait Mme Rosignol, la mémoire de l’esclavage pour mieux ostraciser les Noir-e-s et les femmes musulmanes, sans qu’aucun responsable politique de premier plan ne la condamne mais plutôt la défende, on prend la mesure de l’ancrage raciste dans notre société. 

Quand un premier ministre en exercice se sert, une fois de plus, des femmes musulmanes comme bouc émissaire de ses échecs, couvrant le trou béant du chômage et les échecs de l’anti-terrorisme par des déclarations toujours plus abjectes, on a envie de lui rappeler que le premier « asservissement » que les premières intéressées dénoncent est celui de leur exclusion de l’éducation et du travail, auquel Manuel Valls a si ardemment participé.

Et lorsque le directeur d’un journal dit de Gauche, comme Laurent Joffrin, prend la plume pour donner des leçons sur la manière de bien lutter contre un racisme qu’il n’a lui-même jamais vécu, en s’arrogeant le droit de dicter qui sont les bons et les mauvais, on serait presque tentés de rire si la situation n’était pas si grave, pour finalement lui dire :
Promis, à la minute où on aura besoin de la permission de qui que ce soit pour savoir comment lutter contre les problèmes qui NOUS affectent, on vous fera signe. D’ici là, vous pouvez prendre un ticket et rejoindre la chorale de ceux qui, dans leur long sanglot, pleurent un antiracisme jusque là garant de leurs privilèges.

De la même manière, si on a besoin de conseils sémantiques pour savoir comment qualifier la négrophobie, l’islamophobie ou le racisme dont NOUS sommes la cible, nous saurons que nous pouvons compter sur des experts en linguistique sélective qui ont a cœur de préserver la pureté et la conformité d’une langue qui, républicaine ironie, est la nôtre tout autant que la leur.

D’ici là, nous continuerons notre travail.

Nous continuerons à dénoncer le racisme là où il se trouve, comme un système et non un accident, sans hésiter à parler de la responsabilité de l’État dans son institutionnalisation, au travers des discriminations, des pratiques policières abusives ou encore de l’accès aux services publics.

Nous continuerons à nous organiser en toute indépendance et à choisir nos mots, nos moyens, nos causes, nos stratégies autonomes pour préserver nos droits à tou-te-s.
Et si votre dernière défense est de nous accuser de communautarisme, quand vous avez été le groupe de reproduction sociologique des élites le plus stable de notre histoire, c’est que vous ne concevez d’égalité que soumise à vous :

Quand vous dites « nous », c’est à vous seuls que vous songez. 
Quand nous disons « je », c’est à nous tou-te-s que nous pensons. Comme vos discours, votre universalisme est en perpétuelle rotation, autour de votre nombril.

Nous sommes libres, comme des êtres humains dans toute leur dignité.

Et si cela vous pose problème, c’est qu’il vous faudra apprendre à vivre avec vous-mêmes, de vos indignations sélectives à votre égalité incantatoire, de votre vision civilisatrice et raciste à votre cécité lorsqu’il s’agit de faire face à vos propres biais et mécanismes d’exclusion. Atteints d’une fracture de l’œil à la vue d’un foulard ou d’une femme noire s’exprimant librement, menacés par une barbe ou un turban troublant votre aseptisé paysage, traumatisés par la mémoire d’un pain au chocolat arraché à votre enfance, vous pourrez trouver une oreille attentive et réconfortante auprès de ceux qui pensent comme vous. Si seuls, vous pourrez vous tenir chaud et évoquer les souvenirs d’antan... vestiges révolus d’un temps où vous pouviez encore nous dominer.

Mais comme nous ne vous ressemblons pas, nous n’avons pas de revanche à prendre ni de souffrance à projeter sur les autres. C’est pourquoi notre lutte sera toujours et uniquement celle de la justice et de la dignité, pour tou-te-s. Accrochez-vous bien.

Sihame Assbague, activiste et journaliste par obligation
Houria Bouteldja, porte-parole du Parti des Indigènes de la République
Ismahane Chouder, membre du Collectif des Féministes Pour l’Égalité
Nabil Ennasri, essayiste et président du Collectif des Musulmans de France
Amadou Ka, président des Indivisibles
Leyla Larbi, membre du Labo Décolonial
Marwan Muhammad, directeur exécutif du Collectif Contre l’Islamophobie en France
Fania Noël, militante afroféministe
http://contre-attaques.org/magazine/article/tribune

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Message  Toussaint Dim 1 Mai - 2:54

Un bon texte de Marlière, avec cependant une grosse erreur qui commence à me raser, le jacobinisme n'était pas la caricature que l'on en présente. C'est esquiver pas mal de choses que manier ce terme comme le fait Marlière. Tariq Ali a raison, vive Lénine...



Publié sur Contretemps (http://www.contretemps.eu)

« Printemps républicain » : le rappel à l’ordre de la bourgeoisie jacobine



Dans cet article, Philippe Marlière analyse l'émergence et la signification politique du "Printemps républicain". Il montre notamment comment s'exprime, à travers ce collectif et son manifeste, ce qu'il nomme un "communautarisme national", autrement dit une Union sacrée fondée pour l'essentiel sur l'essentialisation de l'islam et la stigmatisation des musulman•e•s.

Philippe Marlière est professeur de sciences politiques à University College London. Il est notamment l'auteur de La Social-démocratie domestiquée. La voie blairiste (Aden, 2008) et La Gauche radicale en Europe (Éditions du Croquant, 2013), avec Jean-Numa Ducange et Louis Weber.



Selon son promoteur, le politologue Laurent Bouvet, le Printemps républicain est un collectif indépendant des partis. La publication de son manifeste dans le magazine Causeur a été suivie d’un rassemblement public à Paris le 20 mars1. Parmi les premiers soutiens, on trouve de nombreux cadres et sympathisants du Parti socialiste. À deux exceptions près (Emmanuel Maurel et Jérôme Guedj), l’aile droite du PS y est surreprésentée (des proches de François Hollande et de Manuel Valls – dont Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, d’ex-partisans de Dominique Strauss Kahn), ainsi que le chevènementiste Mouvement républicain et citoyen. Quelques communistes, au moins un membre et un ex-membre du Parti de gauche sont présents.

Élisabeth Badinter et Catherine Kintzler sont également parmi les signataires. Elles étaient les instigatrices d’un autre article-manifeste en 1989 qui avait fait beaucoup de bruit à l’époque : « Profs, ne capitulons pas ! »2. Dans ce texte co-signé avec Régis Debray, Alain Finkielkraut et Élisabeth de Fontenay, les auteures mettaient en garde contre un « Munich de l’école républicaine », et s’opposaient à la position pragmatique et conciliatrice du ministre de l’Éducation Lionel Jospin et du Conseil d’État relative au port des signes religieux à l’école. Caroline Fourest n’a pas signé le manifeste du Printemps républicain, faisant savoir sur son compte tweeter qu’elle se battait « pour un compromis laïque bien plus modéré que le radicalisme de certains membres du Printemps républicain (sur les questions des accompagnements scolaires par exemple) ».



Des principes et des valeurs

Le manifeste est paru au moment même où les manifestations et grèves salariales contre le projet de loi El Khomri se propageaient et se radicalisaient. Les médias dominants ont d’ailleurs assuré une promotion appuyée du mouvement, ce qui a permis une diversion médiatique aussi bienvenue qu’inespérée. Le manifeste ne fait aucune référence aux luttes en cours ; il est exempt de tout contenu « social ». Il se réfère, de manière abstraite, à des « principes » et des « valeurs ». Revenant sur les attaques terroristes à Paris en 2015, le texte désigne deux dangers majeurs : le terrorisme islamiste et l’extrême droite. Sans préciser exactement qui sont les « assaillants » (l’ensemble procède par sous-entendus et amalgames), le manifeste affirme que la « République est attaquée », que « son esprit laïque est mis en cause » et « ses défenseurs [sont] pointés du doigt », qu’elle est « manipulée à des fins politiques », « attaquée à des fins religieuses » ou tout simplement « ignorée dans l’indifférence générale ». Il s’agit d’un appel pour que la République « reprenne sa place au cœur du contrat civique et social » des Français.

Les propos s’inspirent dans le contenu et la forme d’un célèbre discours d’Ernest Renan3 : « pour nous, la République, c’est ce qui nous est commun » ; « pour nous, la Nation est à la fois une histoire et un destin communs ». Les signataires entendent combattre le racisme, l’antisémitisme, la discrimination liée au sexe et à l’orientation sexuelle. Qui, notamment à gauche, pourrait s’opposer à un tel programme ? En théorie, personne. Mais, nous le verrons, tout est question de contexte et de mise en pratique des « principes » et des « valeurs ».

La réunion publique dans la salle de la Bellevilloise, le 20 mars, a permis de préciser les objectifs généraux fixés dans le manifeste. Entre autres invités, on trouve Gilles Kepel, le politologue, Richard Malka, l’avocat de Charlie Hebdo et de la crèche Baby Loup, Élisabeth Lévy et Marc Cohen, journalistes à Causeur, Fadela Amara, ex-ministre sarkozyste ou encore Zined El Rhazoui, journaliste à Charlie Hebdo.

Dans la salle, les débats se concentrent sur le « clientélisme communautaire » et les « territoires perdus de la République ». Frédérique Calandra (maire du 20e arrondissement de Paris) s’exclame : « la patrie et la laïcité ne sont pas des mots sales. N’ayez pas peur du mot islamophobe, car c’est nous le dernier rempart contre les extrémistes »4. Ces propos sur le « courage d’être islamophobe » font écho à ceux tenus par Élisabeth Badinter récemment5. L’élue socialiste a soutenu et maintenu à son poste le directeur général des services à la mairie qui avait interdit aux agents municipaux de parler l’arabe. Ce cadre administratif avait argué que l’arabe renvoie à une foi religieuse (l’islam) et son utilisation, par conséquent, contrevient à la laïcité6. Samuel Mayol, directeur de l’IUT de Saint-Denis, prend également la parole. Il a été suspendu par son autorité de tutelle pour avoir introduit lui-même des tapis de prière dans un local de son université pour faire croire à une menace islamiste7.

La grande majorité des interventions porte sur l’islam et l’islamisation de la France : « l’anti-islamisme » est incontestablement le dénominateur commun de ce rassemblement. Le compte tweeter du Printemps républicain rapporte les propos d’un contrôleur de la RATP8 : « Dans le nord de Paris, il y a une ligne de bus où il est difficile de rentrer si on n’est pas barbu ». Un intervenant déclare : « Nous ne voulons pas du concept d’islamophobie qui ne sert qu’à museler toute critique de l’islam ». Un autre participant estime que les mères portant le hijab doivent être interdites de sorties scolaires (une mesure qui serait illégale au regard de la loi et de la jurisprudence laïques). Nadia Remadna, présidente de l’association « La brigade des mères », décrit des « banlieues islamisées et arabisées ».



La république, entre conservatisme et consensus mou

Au-delà de cercles idéologiquement proches des acteurs du Printemps républicain, l’initiative a été reçue avec circonspection à gauche. La gauche française est pourtant pétrie de « valeurs républicaines ». Toutefois, la démarche suscite des réserves et des critiques dans la gauche sociale, pour deux raisons. D’une part, la notion de « république » (comme son pilier, la laïcité qui, selon Élisabeth Badinter, n’est plus défendue que par Marine Le Pen9) sont devenues des notions « omnibus ». Plus on l’évoque, plus son contenu s’appauvrit, plus elle est l’objet d’un consensus – de la gauche radicale à l’extrême droite – moins elle apparait capable de revêtir un sens progressiste concret. La droite sarkozyste a récemment renommé son parti Les Républicains et, en 2011, Jean-Marie Le Pen a fait acte de candidature à l’élection présidentielle depuis le champ de bataille de Valmy, au nom des « valeurs républicaines ». Qui voudrait cohabiter avec un tel voisinage républicain ?

Comme l’écrivait Pierre-Joseph Proudhon : « Républicain, oui ; mais ce mot ne précise rien. Res publica, c’est la chose publique ; or quiconque veut la chose publique, sous quelque forme de gouvernement que ce soit, peut se dire républicain »10. Nonobstant la répression sanglante de la Commune par les troupes républicaines d’Adolphe Thiers en 1871, la colonisation républicaine au nom de la « supériorité des races sur d’autres » (Jules Ferry à la Chambre des députés le 28 juillet 1885) ou encore le raz-de-marée républicain contre les grévistes en mai 68, la république reste, bon gré mal gré, une référence positive à gauche. La gauche possède son eschatologie républicaine depuis Jean Jaurès11 : la république bourgeoise ou libérale, issue de la période révolutionnaire, est incomplète et peut être dépassée. Sociale, elle sera la forme chimiquement pure du socialisme français12. Il y a, d’autre part, une autre critique qui insiste sur le « radicalisme » et la « rigidité » de ce Printemps républicain : ce dernier serait excessif dans son interprétation de la loi république ou de la laïcité, bref « laïcard »13.

Une critique de gauche cohérente doit commencer par observer que le régime républicain en France a presque toujours été synonyme de conservatisme et de « consensus mou »14. Dans sa stimulante étude sur la guerre civile pendant les années 1793-95, Daniel Guérin a montré que la révolution française a été la source de deux grands courants de pensée socialiste qui se sont perpétués jusqu’à nos jours : un courant jacobin autoritaire et un courant libertaire. Le premier est d’inspiration bourgeoise, centralisateur et orienté de haut en bas. Le second, prolétarien, fédéraliste, orienté du bas vers le haut, met au premier plan la sauvegarde de la liberté et l’autonomie de l’individu15.

La clé de lecture du Printemps républicain est là. Son aspect le plus douteux n’est pas tant son « déficit social », même s’il est avéré. Le problème majeur est qu’il se positionne dans la tradition jacobine et bourgeoise de la gauche française. Ce républicanisme-là prend refuge dans un discours holiste et abstrait. Les mots d’ordre « d’indivisibilité de la nation » et de « l’égalité des droits » - l’antienne universaliste des Lumières - semblent dispenser les tenants de ce courant de toute réflexion sur les situations concrètes d’inégalité liées à la position sociale, mais aussi au genre ou à l’ethnie. Bref, les participants au Printemps républicain se désintéressent des inégalités réelles. Depuis 1789, c’est une constante : il suffirait de proclamer des droits dits « universels » pour que, selon un procédé magique, les hommes et les femmes soient égaux et que le racisme ou le sexisme disparaissent.



Un communautarisme national

Mais il est une aporie encore plus inquiétante au cœur de cette initiative : le discours universaliste et abstrait du Printemps républicain se double d’une vision culturaliste de la citoyenneté. J’appelle ceci un communautarisme national. Le repli sur une conception normée et exclusive de la citoyenneté n’est pas simplement le fait de groupes religieux ou culturels, mais peut connaitre une traduction nationale. Ce que suggère à demi-mot le Printemps républicain, c’est que les éléments allogènes doivent se conformer à un modèle culturel et à un mode de vie national et français (les pratiques linguistiques et religieuses, les habitudes alimentaires et le code vestimentaire). Ce ne sont pas d’aimables recommandations, mais des injonctions symboliquement violentes qui sont énoncées à l’égard de citoyen-nes issu-es de cultures et de religions minoritaires.

Soyons précis : c’est l’islam – ou plus particulièrement « l’islam visible » – qui est ici en ligne de mire ; c’est-à-dire l’islam des femmes portant le hijab et des « hommes barbus ». Le rassemblement de la Bellevilloise a amplement mis en scène cet « islam visible » : les musulmanes qui portent le hijab ne peuvent être que soumises et dominées, et les hommes barbus dans les lignes de bus sont des terroristes potentiels. Le 31 mars, le Printemps républicain a apporté son soutien à Laurence Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes et l’une des fondatrices de SOS-Racisme. La ministre avait comparé les femmes qui portent volontairement le hijab aux « nègres américains qui acceptaient l’esclavage ». Laurence Rossignol a confirmé ses propos en précisant que ces musulmanes sont des « militantes d’un islam politique »16.

Peu importe que des musulmanes décident de leur propre chef de porter le hijab : le républicanisme communautarien entend émanciper ces femmes contre leur gré. Il se moque de l’autonomie individuelle, un principe pourtant au cœur de toute société libre et tolérante. Pour nos républicains communautariens, les choix de vie individuels ne sont respectables que quand ils s’accordent totalement à la culture dominante. Bref, ôtez vos hijabs, rasez vos barbes, parlez français, ne vous faites pas remarquer et surtout ne vous plaignez de rien. Il est, à ce propos, symptomatique que la discussion nourrie à propos des « territoires perdus de la république » (perdus au « communautarisme musulman », bien entendu) ne s’est pas accompagnée d’une réflexion sur les raisons de cet état des lieux. Ces territoires n’ont, de fait, pas été « perdus » par la « République », mais celle-ci, après y avoir rassemblé des populations immigrées et pauvres, s’en est retirée.

En résumé, le Printemps républicain véhicule les craintes et préjugés socio-culturels de la bourgeoisie jacobine. L’idéologie républicaine fait office de récit politiquement correct qui permet d’euphémiser des objectifs peu avouables : la stigmatisation et le rejet d’un « islam visible ». Cette initiative est un rappel à l’ordre qui trahit une aversion profonde pour le pluralisme et la diversité culturelle. Le républicanisme communautarien est par ailleurs totalement compatible avec la politique sécuritaire et néolibérale de Manuel Valls. Nombre des signataires du manifeste sont des proches du premier ministre.



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•1. « Manifeste pour un printemps républicain » [4], Causeur, 10 mars 2016.
•2. Élisabeth Badinter, Régis Debray, Alain Finkielkraut, Élisabeth de Fontenay, Catherine Kintzler, « Profs, ne capitulons pas ! », Le Nouvel observateur, 2-8 novembre 1989.
•3. Ernest Renan, « Qu’est-ce qu’une nation ? » [5], Paris, Sorbonne, 1882.
•4. Guillaume Gendron, « Au lancement du ‘Printemps républicain’ : ‘N’ayez pas peur du mot islamophobe’ » [6], Libération, 21 mars 2016.
•5. Louis Hausalter, « Il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe » [7], Marianne, 6 janvier 2016.
•6. « Paris. À la mairie du 20e, les agents priés de ne plus parler l’arabe » [8], 20 Minutes, 26 septembre 2014.
•7. Renaud Lecadre, « Nouveau pataquès à l’IUT de Saint-Denis : le directeur suspendu » [9], Libération, 13 novembre 2015.
•8. Jérôme Martin, « Le Printemps républicain en 5 tweets » [10], Contre-attaque(s). Pour en finir avec l’islamophobie, 21 mars 2016.
•9. « Élisabeth Badinter déplore qu’en dehors de Marine Le Pen, plus personne ne défend la laïcité » [11], Le Monde, 29 septembre 2011.
•10. Pierre-Joseph Proudhon, Qu’est-ce que la propriété?, Paris, le Livre de poche, 2009 (1e éd. 1840).
•11. « C’est parce que le socialisme proclame que la République politique doit aboutir à la République sociale, c’est parce qu’il veut que la République soit affirmée dans l’atelier comme elle est affirmée ici, c’est parce qu’il veut que la nation soit souveraine dans l’ordre économique pour briser les privilèges du capitalisme oisif, comme elle est souveraine dans l’ordre politique, c’est pour cela que le socialisme sort du mouvement républicain », Jean Jaurès, discours à l’Assemblée nationale, 18 novembre 1893.
•12. Kévin Victoire, « L’Hiver social du Printemps républicain » [12], Le Comptoir, 21 mars 2016.
•13. Loïc le Clerc, « L’extrême laïcité du Printemps républicain » [13], Regards, 21 mars 2016.
•14. Philippe Marlière, « La république est un consensus mou » [14] (entretien avec Max Leroy), Ballast, 3 juin 2015.
•15. Daniel Guérin, Bourgeois et bras-nus. Guerre sociale durant la révolution française 1793-1795, Paris, Libertalia, 2013 (1e éd. 1973), p. 439.
•16. Franz Durupt, « Laurence Rossignol et les ‘nègres qui étaient pour l’esclavage’ » [15], Libération, 30 mars, 2016.




date:
04/04/2016 - 15:52 Philippe Marlière [16]


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Liens:
[1] http://www.contretemps.eu/interventions
[2] http://www.contretemps.eu/interventions/%C2%AB-printemps-r%C3%A9publicain-%C2%BB-rappel-ordre-bourgeoisie-jacobine
[3] http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/
[4] http://www.causeur.fr/manifeste-pour-un-printemps-republicain-37179.html%20
[5] http://classiques.uqac.ca/classiques/renan_ernest/qu_est_ce_une_nation/qu_est_ce_une_nation.html
[6] http://www.liberation.fr/france/2016/03/21/au-lancement-du-printemps-republicain-n-ayez-pas-peur-du-mot-islamophobe_1440912
[7] http://www.marianne.net/elisabeth-badinter-il-ne-faut-pas-avoir-peur-se-faire-traiter-islamophobe-100239221.html
[8] http://www.metronews.fr/info/paris-a-la-mairie-du-xxe-les-agents-pries-de-ne-plus-parler-arabe/mniy!iKAO0YPjtvF2U/
[9] http://www.liberation.fr/france/2015/11/13/nouveau-pataques-a-l-iut-de-saint-denis-le-directeur-suspendu_1413217
[10] http://contre-attaques.org/magazine/article/le-printemps
[11] http://abonnes.lemonde.fr/politique/article/2011/09/29/elisabeth-badinter-en-dehors-de-marine-le-pen-plus-personne-ne-defend-la-laicite_1580125_823448.html
[12] https://comptoir.org/2016/03/21/printemps-republicain-hiver-social/
[13] http://www.regards.fr/web/article/l-extreme-laicite-du-printemps%20
[14] http://www.revue-ballast.fr/philippe-marliere-la-republique/
[15] http://www.liberation.fr/france/2016/03/30/laurence-rossignol-et-les-negres-qui-etaient-pour-l-esclavage_1442820
[16] http://www.contretemps.eu/auteurs/philippe-marliere
Toussaint
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Message  Toussaint Dim 1 Mai - 3:10

Publié sur Contretemps (http://www.contretemps.eu)

Féminisme et anti-racisme : savoir d’où l’on part, pour savoir où aller


C’est la lecture de l’article « Comprendre l’instrumentalisation du féminisme à des fins racistes pour résister [3] » qui a motivé la rédaction de ce texte. Sans vouloir nous opposer aux analyses et aux orientations que cet article déploie, il nous a semblé important d’apporter une contribution critique à ce texte ; non pas sur l’analyse – que nous partageons – des mutations des discours de la droite réactionnaire mais sur la réalité des pratiques et des discours féministes et antiracistes de l’extrême gauche.

En effet, il nous paraît aujourd’hui primordial de ne pas occulter les politiques hésitantes voire problématiques des organisations anticapitalistes et révolutionnaires, mais de les analyser concrètement et de les critiquer fermement dans une perspective de reconstruction d’une politique féministe et antiraciste radicale.

Alors que l’État français et – de manière plus générale – les États impérialistes mènent une offensive raciste et sexiste sur l’ensemble des populations, il est important d’analyser non seulement les méthodes employées par les gouvernements pour légitimer cette offensive, mais aussi les réponses de notre propre camp politique et social et plus particulièrement celles des organisations françaises d’extrême gauche. Cela nécessite de revenir sur les positions qui ont été celles de ces organisations en 2003, qui ont ceci de commun qu’elles exprimaient un refus de prendre résolument position contre la prohibition et l’exclusion des jeunes filles voilées de l’école publique. En effet, plusieurs déclinaisons du prohibitionnisme se sont exprimées. Si une organisation comme Lutte Ouvrière a rapidement tranché en faveur de la loi d’interdiction, les débats au sein du PCF et surtout de la LCR ont été vifs. Alors qu’une minorité de militant·es ainsi que les JCR prenaient part aux luttes anti-prohibitionnistes, la majorité de l’organisation tranchait en faveur d’une orientation « Ni loi, ni voile », avec pour mot d’ordre « Pas besoin de loi pour combattre le voile », adhérant en pratique au principe de l’exclusion de ces jeunes filles.

La répression raciste et sexiste de 2003 ne s’est pas arrêtée là. Alors que Nicolas Sarkozy présente la France comme une terre d’asile pour les femmes victimes de violences, est adoptée la loi d’interdiction du port du voile intégral exposant les contrevenantes à des amendes, puis signée une circulaire ayant pour effet d’empêcher les mamans portant le foulard d’accompagner les sorties scolaires de leurs enfants[1]. Pendant ce temps, le NPA persistait dans l’indécision qui avait été celle de la LCR et reproduisait en son sein, à propos de la candidature d’Ilham Moussaïd, un débat symétrique à celui de 2003. La difficulté à admettre la capacité d’une femme portant le foulard, militante, à représenter le parti témoigne de la persistance d’une défiance à l’encontre de ces femmes.

En cette fin d’année 2011 débutent les campagnes présidentielles des partis politiques français. Cette dernière décennie a été marquée par de nombreuses mesures antisociales, racistes et sexistes : traque des sans-papiers, des Rroms, fermeture de centres IVG. Concrètement les résistances n’ont pas été assez puissantes pour, d’une part, empêcher réellement l’instauration de ces mesures et, d’autre part, lutter contre la légitimation idéologique de ces pratiques.

C’est à l’aune de ces constats que doivent être analysées et critiquées les politiques menées par l’extrême gauche française afin de repenser l’intervention de celle-ci dans les futurs défis. Ce texte portera spécifiquement sur la LCR (et le NPA depuis sa création) en raison de la vivacité des débats qui ont animé (et animent toujours) cette organisation sur cette question et des conséquences de ces hésitations sur son implication dans les luttes.

C’est en étudiant l’un des moments-clés qui révèle selon nous les failles et les lacunes de l’extrême gauche sur l’articulation féminisme-antiracisme, c’est-à-dire les luttes de 2003 et 2004 contre l’exclusion de jeunes filles voilées des écoles publiques (I), que peut se construire une critique féconde à partir de laquelle un féminisme et un antiracisme radical, matérialiste doivent se ré-élaborer (II).



I. Laïcité, islamophobie et responsabilité de l’extrême gauche

La position « Ni loi, ni voile » adoptée par la LCR en 2003 camoufle mal une adhésion de fait à la possibilité pratique pour le corps enseignant d’exclure de l’école publique des jeunes filles portant le foulard. En prétendant sortir du débat entre prohibitionnisme et anti-prohibitionnisme, la majorité de la LCR n’en a en réalité changé que les termes, en en conservant le fond et a en conséquence fait le choix de ne pas participer aux initiatives menées contre la loi ou en défense de ses victimes.

Dans un contexte d’islamophobie mondiale et de « guerre des civilisations », la position de la LCR était révélatrice de sa perméabilité à ce discours : le changement de position sur cette question entre 1989 et 2003 n’est pas anodin et doit être analysé à la lumière de l’évolution de la situation et du discours national et international.

La position majoritaire de la LCR témoigne d’une adhésion à une laïcité « nouvelle version », qui viserait non plus à garantir la liberté d’exercice des religions (de toutes les religions) et la neutralité de l’État vis-à-vis de celles-ci, mais au contraire à restreindre cette liberté d’exercice, au nom de l’athéisme. Que cette position ait été justifiée par le recours à des arguments féministes, marque l’imprégnation des organisations d’extrême gauche par un contexte international de stigmatisation d’un sexisme « pire que les autres » qui serait essentiellement arabo-musulman et dont il conviendrait d’en libérer les victimes, y compris par la répression.



A. La laïcité : de la protection à la répression…

Il est important pour analyser la gravité du racisme qui imprègne la société française – ses organisations de la gauche révolutionnaire comprises – d’une part de revenir aux textes de lois et à la définition du principe de laïcité en France et d’autre part d’opérer un retour sur les événements importants qui jalonnent le lent processus de transformation de la laïcité à des fins islamophobes. Processus qui s’inscrit, à l’échelle internationale, dans une politique plus large de défense de l’Occident capitaliste, mâle et blanche.



1. 1989-1905

C’est en 1989 que s’enclenche le double processus de transformation du concept de laïcité et de ré-élaboration d’un nouveau discours raciste et sexiste. Distinguer l’un de l’autre nous conduirait à des errements qui permettraient de nier la responsabilité de l’extrême gauche dans ces processus.

En septembre 1989, trois jeunes filles sont exclues provisoirement du collège de Creil (Oise) au motif que le port du foulard peut être considéré comme une atteinte à la laïcité. C’est à ce moment-là qu’est exposée médiatiquement la question du « danger » qui menacerait le principe de laïcité[2].

Le ministre de l’Éducation nationale, Lionel Jospin, demanda au Conseil d’État de rappeler le texte de loi : les élèves disposant de la « liberté de conscience » ont le « droit de porter des signes religieux ». Le prosélytisme peut être un motif d’exclusion.

Ce n’est qu’en 1994 que se rouvre l’affaire lorsque le ministre de l’Éducation nationale d’alors, François Bayrou, signe une circulaire à l’attention des directeurs d’établissements scolaires dans laquelle « le foulard est défini comme un "signe ostentatoire en soi", qui manifesterait donc une attitude prosélyte (contrairement à la croix ou la kippa)[3] ».

Alors que 18 lycéennes de Strasbourg sont exclues de l’école publique, le Conseil d’État « conclut, le 10 juillet 1995, qu’il ne peut y avoir interdiction générale ni exclusion automatique des jeunes filles portant le foulard islamique. Il énonce à nouveau qu’aucun signe ne saurait être considéré "ostentatoire" par nature et, se référant à la loi sur la séparation des Églises et de l’État de 1905 (populairement appelé loi sur la laïcité), qu’un signe religieux ne peut être en lui-même contraire à la laïcité »[4].

La loi de la séparation des Églises et de l’État repose sur le principe de laïcité qui garantit ainsi la liberté de conscience et de culte à chaque citoyen. Comme l’écrit Catherine Samary : « La laïcité [est] un ordre institutionnel, pas une philosophie anti-religieuse »[5]. L’on s’abstiendra ici d’étudier la transformation des valeurs et des principes chrétiens et ses résurgences théoriques et pratiques dans les processus historiques de sécularisation. Toutefois, on ne peut faire l’impasse sur le fait que la société française, quand bien même elle s’affirme laïque, est déterminée par la culture chrétienne. Cette dernière irrigue, de manières divergentes certes, toutes les composantes de cette société : des plus au moins militantes, des plus conservatrices au plus révolutionnaires[6]. Cela s’effectue de manière transversale par les lois, les institutions, les coutumes, l’organisation sociale, les productions artistiques, les discours, les pratiques quotidiennes ; que l’on y adhère ou qu’on les combatte, consciemment ou non.



2. Un contexte occidental d’islamophobie

2001 est l’année des manifestations massives anti-G8 à Gênes ainsi que des attentats du World Trade Center. Le gouvernement états-unien de Bush, après avoir annoncé que les attentats étaient revendiqués par Oussama Ben Laden, déclare la « guerre contre le terrorisme » et l’instauration d’un « état d’exception permanent ». La « guerre préventive » ainsi théorisée permettra à l’OTAN d’organiser des opérations belliqueuses en Afghanistan, puis aux États-Unis et au Royaume-Uni d’intervenir (sans mandat de l’ONU cette fois-ci) en Irak en 2003.

Larguer des bombes sur des populations civiles devient l’outil occidental de lutte contre le « terrorisme » ainsi que « pour la libération des femmes » des jougs de l’islamisme.

Ces événements permettent de réactualiser les thèses de Samuel Huntington publiées dans Le Choc des civilisations en 1996 : après l’effondrement des régimes soviétiques, les antagonismes ne se situeraient plus sur le plan des orientations politiques de classes mais sur celui des cultures. S’ouvre alors, avec les attentats du WTC, la théorie-socle du nouvel impérialisme : le « conflit de civilisations ».

Celui-ci repose sur une stratégie de décalage des problématiques politiques internes à chaque nation. L’existence du « mode de vie occidental » (présenté comme libéral et égalitaire) est menacé par le fantasme d’une « théocratie islamique expansionniste » qui impose son orientation par le terrorisme : les luttes de classes sont déniées.

L’exposition de femmes afghanes portant la burqa devient le prétexte « féministe » pour les États occidentaux d’intervenir en Afghanistan : a contrario le sexisme occidental est nié, l'Occident présenté comme l'eldorado de l'égalité entre les sexes.

La présentation médiatique de traductions (souvent contredites) de textes anti-impérialistes produits par différentes organisations arabes, religieuses ou non, devient la justification d’une guerre menée à des fins « antiracistes » : l’anti-impérialisme des peuples arabes est qualifié par l’Occident comme une forme de racisme, masquant ainsi les politiques véritablement racistes menées par les États occidentaux que ce soit à l’échelle internationale comme à l’échelle nationale.[7]



3. Le climat français d’islamophobie (2003-2004)

Le « choc des civilisations » est repris en France par nombre d’intellectuel·les et de politicien-ne-s. La théorie d’Huntington selon laquelle certaines civilisations (toutes de cultures musulmanes !) ne pourraient se « moderniser » permet au cirque médiatique – dont Éric Zemmour, Alain Finkielkraut ou Élisabeth Lévy en sont les principaux représentants – de théoriser l’échec de l’« intégration » (voire de l’« assimilation ») pour les individus « de culture musulmane ».

Cela leur a permis de poser dans le débat un double enjeu : d’une part, il faudrait lutter contre l’immigration (musulmane) parce que la culture musulmane ne permettrait pas de s’inscrire dans la société française ; d’autre part, pour lutter contre le terrorisme, il faudrait s’attaquer aux ennemie·s de l’intérieur (les Arabes et les noir·es), tou·tes potentiellement suspect·es de par les liens qu’ils et elles manifesteraient à toute religion ou culture musulmane (qu’ils soient d’ordre vestimentaire, langagier, culinaire…). Au racisme biologique s’est substitué un racisme culturel[8].

La suspicion à l’égard des Arabes et des noir·es s’est exacerbée en 2003. C’est dès la rentrée scolaire que deux jeunes filles portant le voile, Alma et Lila Lévy, sont exclues du lycée Henri Wallon d’Aubervilliers. Un coup d’un professeur d’extrême droite ? D’un lecteur attentif des chroniques d’Éric Zemmour ? Non. Le mérite revient à Pierre-François Grond, Mathiew Berrebi tous deux militants de la Ligue Communiste Révolutionnaire ainsi qu’à Georges Vartaniantz, Loris Castellani, Lise Tchao, militant·es à Lutte Ouvrière[9].

On ne peut a priori imputer la responsabilité de ces exclusions aux organisations politiques auxquelles ces militant·es appartiennent, et quand bien même ils auraient été membres de leur Bureau Politique (comme P.-F. Grond par exemple). C’est bien plutôt l’intervention de ces organisations au cours de ces exclusions et du débat sur la loi relative au port de signes religieux à l’école qu’ils ont réactivé qui est préoccupante.

Si LO s’est rangée comme un seul homme (blanc) du côté des prohibitionnistes – et donc du côté de l’État capitaliste, sexiste et raciste – on ne peut nier que de nombreux débats ont traversé et divisé la LCR. Une minorité de militant·es de cette organisation, ainsi que la majorité de son organisation de jeunesse, les JCR, se sont opposées à l’exclusion des filles voilées des écoles, s'opposant ainsi à la position adoptée par la majorité de l'organisation.

Le (seul) tract national de la LCR était titré : « Pas besoin de loi pour combattre le voile ! » C’est un coup dur pour tous les matérialistes dialectiques ! Pas besoin de loi pour combattre un symbole : nos militant·es expulsent ce symbole et les femmes qui le portent des écoles publiques. Ce n’est pas comme si la religion était « tout à la fois l’expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle »[10].

La politique du « ni-ni » a permis à la LCR de ne pas trancher sur une position : s’opposer à une mesure d’un gouvernement réactionnaire ne mange pas de pain et en même temps on continue d’affirmer que l’on soutient les exclusions des écoles après le « dialogue, [la] médiation, le temps à y consacrer, le moment de la décision »[11]. On rappelle : l’exclusion d’Alma et Lila Lévy a eu lieu le mercredi 24 septembre, 3 semaines après la rentrée !

Le principe de laïcité est devenu un outil, non plus de protection des individu·es d’une menace théocratique, de protection de la liberté de culte et de conscience mais, d’une part, de répression des femmes qui afficheraient ostensiblement leur appartenance religieuse à l’islam et le symbole de leur oppression, d’autre part, de renforcement de l’hégémonie culturelle de l’Occident. La laïcité en France est l’un des outils aujourd’hui qui permet de contribuer à « la défense de l’Occident »[12].



B. L’adhésion à un féminisme paternaliste

La position adoptée par la majorité de la LCR s’est avérée être dans la pratique une position d’approbation de l’exclusion de l’école publique des jeunes filles portant le foulard. Que cette position ait été justifiée par la nécessité de lutter pour l’égalité entre les hommes et les femmes est pour le moins paradoxale quand on sait les effets que sont susceptibles d’avoir en termes de stigmatisation et de déscolarisation de telles exclusions. Cette position ne peut être défendue et mise en œuvre qu’au prix de l’adhésion à un féminisme paternaliste et autoritaire qui revient à libérer, sans elles et parfois malgré elles, les premières concernées et ce y compris à l’aide de moyens répressifs.



1. Le refus d’entendre la parole des jeunes filles portant le foulard

L’adhésion à « une version extralégale du prohibitionnisme »[13] ne peut se faire qu’à condition de priver de droit à la parole les premières concernées. En effet, le refus quasi-général d’entendre et de prendre en compte la parole des jeunes femmes portant le foulard est l’un des éléments marquant des débats qui ont eu lieu en 2003. Si un tel refus se comprenait aisément de la part de la commission Stasi, il était et demeure plus étonnant de la part d’organisations politiques telles que la LCR ou LO. Et pourtant, ce refus s’est manifesté à plusieurs reprises et témoigne d’une « appréciation unilatérale de la signification du foulard »[14] en contradiction avec la parole même des premières concernées.

Ainsi, dans le tract daté du 15 décembre 2003, la LCR affirmait, en guise de préambule que « le port du foulard islamique exprime l’oppression et l’infériorité de la femme ». Cette appréciation définitive et univoque du port du foulard est révélatrice de l’absence de prise en compte des « motivations individuelles des jeunes filles porteuses de voiles […] y compris lorsqu’elles traduisent des formes personnelles d’émancipation »[15] telle par exemple l’affirmation d’une appartenance à un groupe religieux et culturel stigmatisé et discriminé.

Davantage, une telle position exprime la volonté de lutter contre le voile et l’oppression dont il est le signe, sans les jeunes filles voilées, en se passant purement et simplement de leurs expériences et de leurs avis. Dès lors, c’est avec mépris et indifférence qu’a été considérée leur parole. Un militant de la LCR exprimait d’ailleurs cette indifférence violente en s’indignant de ce qu’un tract des JCR qui s’opposait à l’exclusion des jeunes filles portant un foulard mettait « en valeur les propos d’une femme voilée »[16].



2. « L’émancipation des opprimés sera le fait de ceux qui ne le sont pas »[17]

Opprimées muettes ou plutôt privées de parole, les jeunes filles voilées ont pu dès lors être décrites comme des victimes, « aliénées a priori »[18], que l’on forçait à se parer d’un foulard. Ainsi c’est au nom du féminisme qu’il fallait les libérer, les émanciper. Le foulard est alors devenu LE signe « incomparablement pire que tout autre »[19] de LA violence sexiste, signe qu’il fallait à tout prix combattre même s’il fallait pour cela s’attaquer à celles qui le portaient. En effet, malgré le refus affiché d’approuver une loi interdisant le port de signes religieux dans l’école publique, la majorité de la LCR a en pratique approuvé, voire participé à la démarche d’exclusion et donc de déscolarisation des filles portant le foulard.

Par le recours à des « arguments pseudo-féministes »[20] on a construit une image mystifiée de LA jeune fille voilée, même s’il fallait pour cela « favoriser le symbole au détriment de la réalité »[21]. Leur foulard, rien que leur foulard : voilà ce à quoi ont été réduites ces jeunes filles et ces femmes. Peu importe ce qu’elles disaient ou faisaient, leur entière personnalité était réduite à ce foulard. Voulaient-elles aller au lycée, participer à une manifestation ou militer dans une organisation politique – activités dont nul·le ne doutera qu’elles participent de l’émancipation ? – elles en étaient privées en raison même de leur oppression trop visible, ostentatoire.

Le refus de prendre en compte la parole des premières concernées a conduit à les mettre en position d’objets à libérer au lieu de les voir comme des sujets, actrices de leur propre émancipation : c’est « pour leur bien qu’on ne doit pas prendre en compte leur avis »[22]. La lutte contre le foulard, objectif affiché de la LCR s’est ainsi faite aux dépens de celles que l’on prétendait libérer : c’est par leur stigmatisation et leur réification que pouvait se justifier le refus de lutter pour leur droit à l’éducation et donc contre la loi. Ce n’est plus contre le foulard qu’on lutte, c’est contre celles qui le portent.

De l’émancipation forcée à l’émancipation sanction, il n’y a qu’un pas, qui fut vite franchi. L’exclusion de l’école publique a été considérée comme une « sanction » envisageable, « si un dialogue n’est pas possible »[23].

Le fait d’exclure les jeunes femmes voilées de l’école publique revient à sanctionner celles dont il a pourtant été répété jusqu’à plus soif qu’elles étaient les victimes. La contradiction n’étant pas des moindres, il fallait justifier que l’on réprime celles-là mêmes qui avaient été décrites comme des incapables, tellement aliénées qu’il fallait pour cela les libérer, y compris par la force.



3. De bien menaçantes victimes

Pour justifier le fait d’adopter, au nom du féminisme, une position qui légitime le droit d’une équipe enseignante d’exclure une jeune fille qui porte le foulard, on ne pouvait se contenter de les décrire comme des victimes. Un tel processus « d’exclusion de l’école des jeunes filles voilées, est d’une grande violence – d’une violence disproportionnée à ces objectifs avoués »[24].

De telles mesures ne pouvant se justifier par l’intérêt même de ces jeunes filles, tant il est évident que leur intérêt premier consiste dans la défense de leur droit à l’éducation, il était nécessaire de justifier autrement leur exclusion. Il fallait en conséquence les présenter comme une menace. Contre la réalité des faits[25], le port du foulard fut présenté comme un phénomène en augmentation exponentielle, menaçant par son existence même les droits chèrement acquis de l’ensemble des femmes vivant en France et plus largement l’ensemble des femmes luttant dans le monde pour ne pas porter le foulard. Le recours à une émancipation pour autrui répressive se justifiait donc par la défense des droits des autres femmes.

Par un habile retournement de situation, celles-là même que l’on avait décrites comme des victimes, à libérer par tous les moyens, devenaient des prosélytes, complices de musulmans intégristes et susceptibles à ce titre de menacer, par leur présence même au sein de l’école publique, l’ensemble des droits des femmes.

Une telle position revient à faire croire que l’on peut défendre les droits des femmes en réprimant certaines d’entre elles, comme si une loi ou une pratique sexiste, qui a pour effet de stigmatiser et sanctionner une partie des femmes pouvaient être bonnes pour les femmes et aptes à défendre leurs droits.



II. « Pas de luttes présentes sans mémoire des luttes passées »[26]

Après 2004, ces divergences ont resurgi en 2005 lors de l’Appel des Indigènes de la République[27] contre le néo-colonialisme dont la loi sur l’interdiction du port de signe religieux à l’école publique était l’une des manifestations.

Nous ne reviendrons pas ici sur les divisions internes à l’extrême gauche sur ce texte. L’on se concentrera davantage sur la pratique concrète du NPA lors de la candidature d’Ilham Moussaïd (A) avant de revenir sur la nécessité de s’emparer des acquis du féminisme radical dans une perspective de ré-élaboration d’un antiracisme et d’un féminisme radical (B).



A. La persistance de la divergence sur le voile : le cas du NPA

La LCR annonçait après la présidentielle de 2007, la volonté de construire un « Nouveau Parti Anticapitaliste » et de s’y dissoudre. Plutôt que de poursuivre de vaines discussions avec LO sur la possibilité, maintes fois repoussée, de rassembler les révolutionnaires, ou avec le PCF, les Alternatifs, etc. sur la possibilité de constituer un pôle antilibéral, la majorité de la LCR préféra amorcer un processus de construction « par le bas » et non plus « par le haut ».

Rapidement l’ouverture du NPA à toutes les luttes et à toutes les expériences d’oppressions et de résistances se referma sur les questions économiques et électorales sapant ainsi les débats stratégiques sur l’articulation des luttes et la nécessité de mener plusieurs combats de front sans en délaisser « tactiquement » d’autres.



1. Une militante « pas comme les autres ». NPA, élections régionales et représentation

Le porte-parole Olivier Besancenot rappela à plusieurs reprises que l’un des éléments moteurs de cette construction était la nécessité d’élaborer un rassemblement de tous ceux et toutes celles qui ne se sentent plus représenté·es par les partis politiques traditionnels.

La promesse du rassemblement et de l’ouverture à de nouvelles cultures (militantes ou non) s’accompagna d’un afflux important (bien que souvent éphémère) de « nouveaux et nouvelles venu·es à la politique ». L’objectif de construction d’un parti qui ne soit pas qu’anticapitaliste mais également « féministe, antiraciste, écologiste et internationaliste » rassembla des individu·es pour lesquel·les l’oppression et l’exploitation capitaliste n’était pas forcément celle qui primait.

Lors des élections régionales de 2010, les militant·es du Vaucluse présentaient sur leur liste une camarade, Ilham Moussaïd, portant un hijab. De nombreux·ses militant·es se sont empressé·es de dénoncer publiquement cet acte qualifié de « recul sur le plan du féminisme », leurs déclarations étaient très largement reprises dans les médias et elles allaient de concert avec toutes celles qui émanaient du PCF, du PS (qui ont des élues portant le foulard), de l’UMP, du FN…

La question de la laïcité revenait sur le devant de la scène à l’intérieur du parti comme à l’extérieur. Cette fois-ci, on se demandait si un parti « laïc et féministe » pouvait présenter sur sa liste une candidate voilée à des élections régionales dans un État « laïc ». Ou encore : est-ce qu’un parti « des opprimé·es » permet à une de ses militantes d’afficher publiquement et de manière aussi ostensible « un symbole de l’oppression » ? Autrement dit, la question qui traversa le parti fut : une opprimée peut-elle publiquement apparaître opprimée ? Si oui, peut-elle réellement représenter le « parti des opprimé·es et des exploité·es » ?

La réponse par la négative formulée par les politicien·nes et une partie du NPA fut apparemment plus convaincante que la réponse maladroite – sinon totalement antagonique à la perspective d’une émancipation féministe – de la direction du parti qui renvoyait la question du port du voile à un banal choix relevant de la « sphère privée », refusant ainsi d’assumer publiquement et politiquement la présentation d’une candidate portant le hijab.



2. Une question stratégique de hiérarchisation des luttes

Publiquement, le débat a été présenté de cette manière : « prohibitionniste » d’un côté et « pro-voile » de l’autre, fausse opposition. Les « prohibitionnistes » du NPA (souvent les mêmes qui avaient soutenu ou participé à l’exclusion des filles voilées des écoles publiques à la LCR) ne voyaient chez leurs opposant·es que des défenseurs suspects du voile, autrement dits des militant·es qui ne faisaient qu’organiser un « coup électoraliste ». Au contraire, les militant·es ayant défendu la candidature d’Ilham Moussaïd se sont opposés au prohibitionnisme dominant, émanant d’une société déterminée à dominante chrétienne. Bien plus, ils et elles ont lutté contre la vision paternaliste et néo-colonialiste qui réduisait Ilham Moussaïd à rien d’autre qu’un voile, rien d’autre qu’un symbole. C’est sa capacité à lutter, à s’émanciper qui a été totalement niée : « Ne te libère pas, je m’en charge et après tu pourras représenter le parti de ceux qui luttent pour leur émancipation. »

Cette conclusion ne découle pas seulement d’une islamophobie doublée d’un sexisme qui traverse l’ensemble des organisations politiques. Elle est aussi l’expression d’un point aveugle des théories révolutionnaires d’inspiration marxiste. S’il peut être admis du bout des lèvres au sein du NPA que le racisme et le sexisme ne sont pas totalement dépendants de l’existence du capitalisme, il n’en demeure pas moins que la pratique repose encore et toujours sur l’idée que le capitalisme est la contradiction principale de la société, les autres ne sont que secondaires. Cela fait longtemps que l’on sait que ce ne sont pas les partis qui désignent quelle contradiction doit être principale dans la situation. En revanche ce sont encore les partis qui organisent leur intervention et ce sont eux qui hiérarchisent les luttes dans lesquelles ils souhaitent intervenir en priorité.

Symboliquement le nom NPA signifie que le parti est d’abord et avant tout « anticapitaliste », que l’antiracisme et le féminisme sont subordonnés à l’anticapitalisme. Si le système économique dans lequel nous vivons tire profit des inégalités liées à la race ou au sexe, c’est une erreur stratégique de considérer que ces inégalités ne s’inscrivent pas dans d’autres systèmes d’oppression et d’exploitation qui traversent, certes, le capitalisme mais qui n’en sont pas totalement dépendants.

Qu’une lutte anticapitaliste permette d’amorcer une lutte antisexiste ne signifie pas que cela s’opère mécaniquement, ni qu’une lutte antisexiste ne serait pas réprimée, dès lors qu’elle entrerait en conflit avec les intérêts des travailleurs « mâles » et il y aura toujours des militant·es pour rappeler qu’il faut prioriser la lutte anticapitaliste et que les autres oppressions ne sont que des reliquats idéologiques qui s’effondreront d’eux-mêmes après la chute du capitalisme. Cela est faux est relève d’une analyse matérialiste mécaniste, « vulgaire » comme dirait Marx. Tout sauf dialectique.



3. Actualité du débat

À l’heure de la campagne présidentielle et de la naissance d’un courant « unitaire anticapitaliste » – cette fois-ci, nous dit-on, réellement « féministe » – le débat se repose au sein du NPA. Lors du dernier congrès, l’essentiel des débats s’est cristallisé autour des questions de la tactique de l’organisation lors des prochaines échéances électorales. Le débat sur « Religion et émancipation » fut animé et les délégués se rendirent compte que les votes du congrès sur la question « Religion et émancipation » (qui ne gravitait qu’autour de l’islam et du voile pour être honnête) ne correspondaient pas à ceux des différents comités[28] ! Pourquoi ? Tout simplement parce que les délégué·es n’étaient mandatés qu’en fonction de leur position sur la question électorale et non pas sur leur position relative au voile, dont la ligne de démarcation traversait toutes les tendances ! Pour celles et ceux qui adorent positionner les débats politiques sur la question du symbole[29], voilà un autre signe de secondarisation d’un antagonisme politique qui est central pour nombre de personnes qui subissent le racisme et le sexisme.

De nombreux·ses militant·es déclarèrent dans un communiqué au moment des régionales en 2010 que « la candidature d’Ilham nous a empêché de mettre les questions sociales au cœur de la campagne »[30]. Comme l’explique Denis Godard : « Dans la période actuelle les capitalistes ne cherchent pas seulement à diviser les travailleurs pour affaiblir leurs capacités de résistance. Ils cherchent aussi à souder autour de leur classe et de l’État une fraction des couches populaires et des catégories intermédiaires »[31] afin de mener des politiques racistes et sexistes.

Cette question revient sur le devant de la scène pour le NPA. Des fondateur·rice-s du nouveau courant « unitaire anticapitaliste » ont publié « Quelques éléments pour un bilan du NPA »[32]. Ils·elles y expliquent que la présentation d’une candidate voilée était un « coup de force » d’un seul comité et que cela a eu des répercussions immédiates sur la politique du NPA.

Pendant une campagne déjà fort courte, le NPA est devenu absolument inaudible sur ses propositions politiques, uniquement ramené au parti qui présente une femme voilée.

De toute évidence, cette question a joué un rôle important dans la marginalisation électorale et donc politique du NPA. Pire encore, elle a suscité incompréhension, et souvent rupture, de militant·es du mouvement social avec lesquel·les nous avions l’habitude de travailler de longue date. Cerise sur le gâteau, cette opération s’est traduite par des départs significatifs, notamment de militantes qui y ont vu la négation d’années de combats féministes.[33]

Les auteur·es expliquent donc que, d’une part, le fait de « présenter une opprimée qui porte les symboles de son oppression » a froissé des militant·es ainsi que des partenaires potentiels pour d’éventuels futurs accords électoraux ; d’autre part que cela a rendu le NPA inaudible sur son programme politique.

Dans un climat d’islamophobie croissant où les actes politiques du pouvoir (intérieur comme extérieur) sont accompagnés par les discours racistes de l’extrême droite et de la droite, où une grande partie de la gauche radicale ou de l’extrême gauche valide (au mieux se tait) les mesures répressives mises en place au nom de la laïcité, une partie du NPA propose de trancher plus fermement en faveur d’une dissimulation de ces militantes voilées en refusant de considérer leur exclusion de la sphère publique comme une question politique !

Comment s’étonner de la « décomplexion » de la droite sur les mesures antisociales, racistes et sexistes qu’elle met en œuvre quand des organisations de la gauche radicale ont accompagné la loi raciste de 2004, et qu’elles proposent ensuite de balayer ces questions de la table pour ne pas rompre avec d’autres fractions du mouvement ouvrier ?



B. La nécessité de prendre acte des apports du féminisme radical

Durant les mois qu’a duré l’« hystérie politique »[34] qui a caractérisé les débats relatifs au foulard islamique et pendant lesquels s’est manifesté le coupable refus de choisir exprimé par une partie de la « gauche » et certaines féministes, d’autres féministes on lutté aux côtés des jeunes filles voilées pour défendre leur droit à l’éducation. Tenantes d’un féministe radical, qui prend en compte, sans les hiérarchiser, les multiples oppressions que subissent ces jeunes filles, ces militantes œuvraient à la construction d’un féminisme inclusif qui part des expériences et de la parole de chacune.



1. Le refus de singulariser le port du voile

Ce qui a caractérisé la position des féministes qui manifestaient aux côtés des jeunes filles que l’on prétendait émanciper malgré elles, y compris s’il fallait pour ce faire les exclure de l’école, c’est une analyse particulière du port du foulard. Contrairement aux caricatures qui ont été faites de ces positions, il ne s’agissait pas pour ces féministes de nier le fait que le foulard soit un signe de l’oppression des femmes ou d’affirmer que le foulard serait « un signe d’émancipation en soi »[35]. Il s’agissait au contraire, en s’opposant clairement à toute démarche prohibitionniste, de réfuter l’interprétation univoque qui en était faite par ceux·celles qui refusaient précisément de s’opposer à toute exclusion des jeunes filles voilées de l’école publique.

Le voile a été en conséquence analysé comme une pratique, certes singularisante, mais non singulière. En effet, si le voile peut sans nul doute être qualifié de singularisant en ce sens qu’il signifie les femmes en tant que femmes, c’est une erreur de considérer cette pratique comme singulière, c'est-à-dire fondamentalement et essentiellement différente des autres pratiques – tout à fait occidentales – visant à singulariser et humilier les femmes. En effet, « tout ce que portent les femmes, et qui signifie "femmes", ne signifie-t-il pas du même coup leur infériorité »[36] ? Penser le voile comme une pratique de différenciation singulière a pour conséquence de masquer les pratiques occidentales de différenciation des femmes, qui consistent le plus souvent à pousser celles-ci, particulièrement les plus jeunes, à des pratiques d’hypersexualisation (talons aiguilles, mini-jupe ou maquillage…). Or, « tous les signes de distinction entre les femmes et les hommes étant des signes de distinction hiérarchique profitent à la partie supérieure de cette division hiérarchique. Tout ce qui indique le genre indique l’infériorité des groupes. »[37] Le port du foulard ni plus ni moins que le port de talons aiguilles : « détourner le regard des hommes ou l’attirer, c’est la même chose. Cela se fait toujours par rapport aux hommes. »[38]

Produire un discours qui légitimerait l’exclusion des jeunes filles voilées de l’école publique en faisant du port du foulard une pratique de différenciation spécifique a conduit, d’une part, à marginaliser les jeunes filles qui le portent en les désignant comme plus aliénées que les autres et, d’autre part, à masquer les signes de l’oppression qui sont produits et imposés aux femmes par notre société et la culture occidentale. Contre ce discours, la position des féministes anti-prohibitionnisme révèle la nécessité de prendre en compte l’expérience et la parole des opprimées elles-mêmes pour lutter à partir de leur réalité et non du signe de l’oppression.



2. « Non, la race n’existe pas. Si la race existe. »[39]

Partir de la réalité de l’oppression implique de saisir que les jeunes filles voilées subissent certes le sexisme mais également le racisme.

De la même manière que la répression qui s’exerce contre un groupe de femmes ne saurait être bénéfique pour aucune femme, la répression qui s’exerce à l’encontre d’une partie d’un groupe racisé ne saurait être bonne pour les femmes de ce groupe. Les femmes qui portent le foulard ne subissent pas que le sexisme, mais aussi, au même titre que les hommes racisés, le racisme. Les considérer et les traiter comme des victimes particulières, plus aliénées que les autres, soumises à un sexisme qui serait de nature différente de celui qui s'exerce dans société globale revient à stigmatiser davantage un groupe déjà discriminé tout en camouflant le sexisme qui s’exprime dans la société occidentale. Or, ce n'est qu'à partir de cette double oppression, de genre et de race que ces femmes peuvent lutter pour leur émancipation.

Cette prise en compte de la double oppression que subissent ces femmes permet de ne pas analyser le port du foulard de manière désincarnée et intemporelle. Quoi qu’aient pu en dire certain·es : « le foulard rebaptisé voile, ne signifie pas la même chose ici en France, porté par quelques centaines de jeunes filles, souvent contre la volonté de leurs parents, qu’en Afghanistan, où il est imposé sous menace de viol et de mort par des hommes armés. »[40] Entretenir cette confusion c’est d’abord refuser de voir les discriminations racistes que subissent ces jeunes filles, pour lesquelles le port du foulard peut devenir un moyen d’affirmation d’une appartenance culturelle dévalorisée. Mais c’est aussi désigner ces jeunes filles comme des ennemies qui mettraient en péril non seulement les libertés acquises par les femmes en Occident, mais aussi les luttes des femmes qui, dans le monde, refusent de porter le voile. Une telle analyse fait le jeu à la fois du racisme et du patriarcat. Le jeu du racisme, par l’essentialisation d’un groupe culturel et religieux dont les mœurs seraient réputées être plus sexistes. Le jeu du patriarcat, puisqu’il s’agit d’une stratégie patriarcale bien connue que celle qui consiste à montrer la paille du voisin pour mieux cacher la poutre que l’on a dans le sien. Cela revient dans les faits à refuser de prendre en compte à la fois la violence du patriarcat et celle du racisme. Or, si la race n’a pas d’existence biologique, elle existe bien socialement, « elle est la plus tangible, réelle et brutale des réalités. »[41]



3. Pour un féminisme anti-raciste

L’apport théorique de nombreuses féministes telles que Christine Delphy ou Colette Guillaumin consiste précisément à rechercher la manière d’articuler les oppressions multiples que subissent les femmes des groupes racisés. Pour cela il importe de prendre en compte les rapports de dominations entre les hommes et les femmes mais également entre les blanc·hes et les non-blanc·hes.

Il est par conséquent nécessaire de lutter contre la tentation d’un « universalisme ethno-centré »[42] qui conduirait à désigner implicitement comme plus sexistes les cultures non occidentales ou comme plus aliénées les femmes qui portent sur elles le stigmate d’une oppression qui ne dérange que parce qu’elle est trop visible. Car quelle serait la légitimité d’un féminisme qui, au nom de la lutte contre le signe, accepterait la répression de et imposerait le silence à celle qui le porte ? Quelle serait la légitimité d’un féminisme qui admet l’exclusion et la sanction des seules femmes d’un groupe ? D’un féminisme qui s’en prendrait aux femmes ?

« Le féminisme doit être mondial ou ne pas être. Il doit prendre en compte les luttes de toutes les femmes du monde et de tous les groupes de femmes. Ces femmes ne peuvent lutter qu’à partir de leur propre vie et de leur propre expérience. Un féminisme qui exclut la vie et l’expérience de certaines femmes ne peut pas être valable. »[43] Le féminisme pour être « mondial », se doit certes de prêter une grande attention à la situation de violence et d’exploitation que subissent les femmes à travers le monde. Mais il doit d’abord partir de l’oppression que les femmes, dans leur diversité, subissent ici et maintenant. S’il est bel et beau de soutenir les femmes d’Iran qui souhaitent se débarrasser du foulard, il est tout aussi important de soutenir, face au racisme et au sexisme qu’elles subissent, le droit à l’éducation des jeunes filles voilées en France. Plus largement il importe de lutter sans relâche contre le patriarcat qui est « un système de domination dont il faut se libérer, toutes les femmes le subissent, pas davantage les musulmanes que les athées, mais pas moins non plus. »[44]

Il ne s’agit pas pour nous de renoncer à dénoncer les projets de sociétés qui sont ceux des religieux et des patriarches quels qu’ils soient et aussi proches qu’ils soient de nous. Mais dénoncer du haut de sa tour d’ivoire ne suffit pas. Dénoncer en refusant de donner la parole aux premières concernées en prétextant qu’elles sont trop aliénées pour avoir quelque chose à dire est aisé mais inefficace. Car c’est précisément de la parole et de l’expérience de ces femmes que peut naître un féminisme fondamentalement anti-raciste. L’enjeu est d’inventer un militantisme qui articule, sans les hiérarchiser, les oppressions de race, de sexe et de classe et qui parte du vécu et de l’expérience de chacune.


Ce n’est qu’à partir d’un bilan réellement critique des interventions (passées et présentes) des organisations politiques d’extrême gauche que peut se ré-élaborer une véritable politique antiraciste et féministe qui ne soit pas totalement assujetti au seul capitalisme. L’attitude du néocolonialiste consiste à penser que nous avons des choses à apprendre aux opprimé·es tandis que l’attitude des révolutionnaires devrait consister à penser que nous avons des choses à apprendre des luttes et des résistances, d’ici et d’ailleurs.




[1] Cf. http://mamans-toutes-egales.tumblr.com [4].


[2] Cf. Natalie Benelli, Ellen Hertz, Christine Delphy, Christelle Hamel, Patricia Roux, et Jules Falquet, « De l’affaire du voile à l’imbrication du sexisme et du racisme », Nouvelles Questions Féministes, n° 1, 2006, p. 4-11.


[3] ibid., p. 5.


[4] ibid.


[5] Catherine Samary, « La laïcité n’est pas anti-religieuse », Que faire ?, n° 3, mars/avril 2010, p. 29. Disponible ici : http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no03-mars-avril-2010/article/la-laicite-n-est-pas-anti [5].


[6] Personne ne s’égosille devant le fait que des philosophes s’autoproclamant communistes défendent « l’héritage chrétien » (Slavoj Zizek), fasse de Saint Paul la figure de l’universalisme militant (Alain Badiou), de Saint François d’Assises la figure du nouveau prolétaire (Toni Negri) ou que Daniel Bensaïd puisse comparer les pratiques trotskistes au « marranisme », écrire un livre sur Jeanne d’Arc (Jeanne de Guerre lasse), des articles sur l’écrivain socialiste et catholique Charles Péguy ou sur la « sentinelle messianique » Walter Benjamin dont la rencontre féconde du marxisme et du judaïsme n’est pas l’objet d’une exclusion de la bibliothèque des militant·es. Que penser alors de la « théologie de la libération » dans laquelle le prêtre Gustavo Gutiérrez Merino s’inspire des critiques marxistes du capitalisme et de l’État pour s’engager dans une lutte politique contre la pauvreté tout en renouant avec une volonté de reconstruction d’une forme de communisme chrétien ?


[7] De la même manière, toute critique de la politique de l’État d’Israël est, du moins en France, considérée par de nombreux intellectuels comme relevant de l’antisémitisme. L’assimilation de l’antisionisme à l’antisémitisme s’inscrit dans une stratégie plus large, non pas de défense d’Israël et d’un État juif, mais de « défense de l’Occident ». Cf. Ivan Segré, La Réaction philosémite ou La Trahison des clercs, Lignes, 2009.


[8] « Idéologiquement, le racisme actuel, centré chez nous sur le complexe de l’immigration, s’inscrit dans le cadre d’un "racisme sans races" déjà largement développé hors de France, notamment dans les pays anglo-saxons : un racisme dont le thème dominant n’est pas l’hérédité biologique, mais l’irréductibilité des différences culturelles ; un racisme qui, à première vue, ne postule pas la supériorité de certains groupes ou peuples par rapport à d’autres, mais "seulement" la nocivité de l’effacement des frontières, l’incompatibilité des genres de vie et des traditions : ce qu’on a pu appeler à juste titre un racisme différentialiste (P.-A. Taguieff). » Étienne Balibar, « Y a-t-il un "néo-racisme" ? », in Étienne Balibar et Immanuel Wallerstein, Race, nation, classe. Les identités ambiguës, La Découverte, 1988, p. 33.


[9] Lire Laurent Lévy, « La gauche », les Noirs et les Arabes, La Fabrique, 2010.


[10] Karl. Marx, Pour une critique de la philosophie du droit, in Philosophie, « Folio essais », Gallimard, p. 90.


[11] Tract de la LCR du 15 décembre 2003.


[12] Cf. Ivan Segré, op. cit.


[13] Laurent Lévy, op. cit., p. 105.


[14] ibid., p. 103.


[15] Étienne Balibar, « Dissonances dans la laïcité », in Charlotte Nordmann (dir.), Le foulard islamique en questions, Éditions Amsterdam, 2004, p. 15.


[16] Caroline Monnot et Xavier Ternisien « L’exclusion de deux lycéennes voilées divise l’extrême gauche », Le Monde, 8 octobre 2003.


[17] Laurent Lévy, op. cit., p. 28.


[18] Christine Delphy, Un universalisme si particulier, Syllepse, 2010, p. 244.


[19] Christine Delphy, Classer, dominer. Qui sont les Autres ?, La Fabrique, 2008, p. 181.


[20] Christine Delphy, in Un racisme à peine voilé.


[21] ibid.


[22] Saïd Bouamama, « Ethnicisation et construction idéologique d’un bouc émissaire », in Charlotte Nordmann (dir.), op. cit., p. 41.


[23] Caroline Monnot et Xavier Ternisien, art. cit.


[24] Christine Delphy, Un universalisme si particulier, op. cit., p. 238.


[25] Ainsi, en 2002-2003, seuls 150 « cas » de port de foulard ont été recensés par l’Éducation nationale. Voir à ce sujet Françoise Gaspard, « Femmes, foulards et République », in Charlotte Nordmann (dir.), op. cit., p. 74.


[26] Christine Delphy, Un universalisme si particulier, op. cit.


[27] Si de nombreux membres de la LCR ont signé l’appel des Indigènes de la République, la LCR en tant qu’organisation n’a pas été signataire de cet appel.


[28] Le flou résidant dans les textes issus des compromis du congrès permet, comme indiquer dans une motion, des pratiques divergentes quant à l’application des motions. Une motion a été adopté par le congrès expliquant que celui-ci prenait acte de cette divergence et mandatait le Comité Politique National pour organiser une Conférence Nationale sur le thème "Religion émancipation, féminisme".


[29] Après le vote en faveur de la présence d’Ilham Moussaïd sur les listes du NPA, des militantes décidèrent de quitter l’organisation. L’une d’elles déclara : « C’était intenable, explique l’une d’elle, pour moi, il y avait une incompatibilité à être dans un parti laïc et féministe avec un signe religieux ostensible, symbole d’une forme d’oppression de la femme. » : http://www.liberation.fr/politiques/0101617578-le-npa-mal-fichu-sur-le-foulard [6].


[30] « Il s’agit là d’une réduction économiste qui influence toute la politique de notre parti. Car le racisme n’est pas une simple diversion. » Denis Godard, « S’il ne s’agissait pas de la religion ? », Que faire ?, op. cit., p. 3.


[31] ibid.


[32] Frédéric Borras, Pierre-François Grond, Ingrid Hayes, Anne Leclerc, Guillaume Liégard, Myriam Martin, Coralie Wawrzyniak, « Quelques éléments pour un bilan du NPA » : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article23334 [7].


[33] ibid.


[34] Emmanuel Terray, « L’hystérie politique », in Charlotte Nordmann (dir.), op. cit., p. 103.


[35] Josette Trat, « De nouveaux défis pour les féministes » : http://www.contretemps.eu/lectures/nouveaux-défis-féministes [8].


[36] Christine Delphy, Un universalisme si particulier, op. cit., p. 234.


[37] ibid., p. 243.


[38] ibid., p. 242.


[39] Colette Guillaumin, Sexe, race et pratique du pouvoir. L’idée de nature, Côté-femmes, 1992, p. 217.


[40] ibid., p. 235.


[41] ibid.


[42] Chandra Tapadle Mohanty, « Under Western Eyes : Feminist Scholarship and Colonial Discourses », in Chandra Tapadle Mohanty, Feminism without borders, Duke University Press, 2004, p. 21.


[43] ibid.


[44] Monique Crinon : http://mamans-toutes-egales.tumblr.com/post/8992396718/reunion-publique-du-collectif-mamans-toutes-egales [9].



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09/12/2011 - 19:08 Marie Papin [10] et Thomas Voltzenlogel [11]


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[7] http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article23334
[8] http://www.contretemps.eu/lectures/nouveaux-d%C3%A9fis-f%C3%A9ministes
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Message  Toussaint Lun 2 Mai - 2:02

Un texte intéressant.
Cette étrange obsession française pour le voile
VUE DE L’ETRANGER

Orient XXI > Magazine > Joan Wallach Scott > 27 avril 2016
L’obsession française pour le foulard ne se retrouve pratiquement nulle part ailleurs dans le monde. Pourquoi ? Analyse d’une historienne américaine spécialiste de la France.
La crispation du gouvernement français sur « le voile » est sans commune mesure avec ce qui se passe dans la plupart des autres pays occidentaux. Dans le monde anglo-américain, même après le 11-Septembre, le voile n’est pas considéré comme l’étendard d’une insurrection. Le gommage de toute différence ethnique, raciale et religieuse n’est pas une condition nécessaire pour l’intégration dans la nation. Une phrase du poète américain Walt Whitman résume à peu près la manière dont la diversité est conçue : « Je suis grand, je contiens des multitudes ».
Ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas de problèmes de discrimination terribles et persistants basés sur les différences (raciales en particulier) aux États-Unis ; simplement ces différences sont reconnues comme partie intégrante de l’héritage national. Elles sont relevées dans les recensements, décrites dans les collections de données institutionnelles, et comprises comme étant la source de notre richesse culturelle. Les appellations composées (« Africain-Américain », « Italien-Américain », « juif-Américain », « musulman-Américain ») disent assez l’acceptation du fait que les identités politiques et culturelles peuvent coexister sans porter atteinte à la nécessaire unité nationale. Si durant les primaires en cours de la prochaine élection présidentielle des failles majeures se sont révélées, elles sont plus fondées sur les disparités économiques que sur les différences ethniques ou religieuses. Ce sont les énormes inégalités de revenus et non les affiliations communautaires qui divisent l’électorat et nos hommes politiques en ce moment.
UNE « HYSTERIE POLITIQUE »
Pour toutes ces raisons, l’obsession française du voile islamique nous semble correspondre à ce qu’Emmanuel Terray nommait en 2004 une « hystérie politique ». La rhétorique déchaînée, les menaces et les lois punitives visant les vêtements féminins (hijab, voile intégral, abaya) semblent excessives, pour ne pas dire insensées. L’alarme lancée en 1989 par Alain Finkielkraut, Élisabeth Badinter et d’autres, prédisant que la non-interdiction du hijab dans les écoles serait le « Munich » de la République a conduit certains d’entre nous à se demander comment ces supposés intellectuels sérieux pouvaient grossir le trait à ce point. Récemment, le commentaire de Laurence Rossignol comparant le port du voile à la soumission volontaire à l’esclavage a suscité une interrogation du même ordre : avait-elle la moindre idée de l’épisode historique auquel elle faisait allusion ? Et quand Charlie Hebdo puis la rédaction de Libération ont mis en garde contre l’inévitable pente glissante conduisant du voile aux attentats terroristes et fustigé les « islamo-gauchistes » qui dénonçaient l’amalgame entre les traditions musulmanes et l’islam politique, il était difficile de ne pas lire dans leurs articles autant d’exemples de l’islamophobie qu’ils niaient si bruyamment.
Un autre aspect troublant de la focalisation sur l’habillement des femmes musulmanes est l’idée que la « laïcité » exigerait l’interdiction du voile au nom de l’égalité entre hommes et femmes. Ceux d’entre nous qui connaissent un peu l’histoire de ce mot sont surpris de le trouver invoqué comme principe de l’égalité de genre. Cela n’était certainement pas la préoccupation des anticléricaux qui ont inventé le terme en 1871, ni celle des auteurs de la loi de 1905 qui prescrit la neutralité de l’État en matière de religion et ne dit absolument rien de la façon dont les femmes doivent être traitées. C’est plutôt la « nouvelle laïcité » (ainsi nommée par François Baroin en 2003 lorsque l’interdiction du voile était en débat) qui a fait entrer l’égalité entre les hommes et les femmes dans les principes fondateurs de la République. Elle transfère l’exigence de neutralité de l’État à ses citoyens, des institutions et des représentants de l’État à tout l’espace public et à tous ses habitants. La « nouvelle laïcité » exige des individus qu’ils comprennent que la neutralité, définie comme l’absence du plus modeste signe d’affiliation religieuse, est la condition sine qua non de l’appartenance à la nation.
Le mot « laïcité » est polémique depuis sa création en 1871 par les militants anticléricaux. À l’époque, il servait à contrer le pouvoir de l’Église catholique ; à présent, il est utilisé pour définir une identité française qui exclut les musulmans. Dans les deux cas, les femmes sont considérées comme un danger potentiel pour la République. Au XIXe et au début du XXe siècle, on soupçonnait les Françaises d’être sous l’influence des prêtres ; au XXIe siècle, ce sont les femmes musulmanes dont les foulards sont le signe d’un « défaut d’assimilation » inacceptable, et d’un refus agressif de l’égalité soi-disant caractéristique de la République. Finkielkraut l’a dit sans détour dans un entretien au New York Times1 : « la laïcité l’a emporté. Et nous ne pouvons faire aucun compromis sur le statut des femmes. (…) Tout vient de là.
MARIANNE DEVETUE
L’assimilation culturelle est une caractéristique bien connue de l’identité française. Le souci de représenter la France comme une nation homogène est ancien ; des générations d’immigrants ont ainsi été sommés de perfectionner leur pratique de la langue, s’identifier à « nos ancêtres les Gaulois » et déclarer avant tout leur loyauté envers les fondamentaux culturels et politiques du pays. Mais les partisans de l’assimilation n’ont que très rarement ciblé les femmes comme ils le font actuellement. Pourquoi sont-elles devenues l’objet d’une telle attention ? La plupart des terroristes sont des hommes ; les armées de l’organisation de l’État islamique sont complètement masculines. Pourquoi les politiciens français, notoirement rétifs à voter des lois sur la violence domestique, le harcèlement sexuel ou l’égalité salariale, et (pour la plupart) résistant activement à la mise en œuvre de la loi sur la parité en politique, pourquoi ces hommes — avec quelques soutiens féministes — sont-ils si soucieux du statut des femmes dès lors qu’il s’agit de l’islam ? Qu’est-ce que leur obsession du vêtement des femmes musulmanes nous dit sur les angoisses des républicains français ?
Certes, ils en appellent à la vieille idée d’une identité française homogène et à une vision de la laïcité dans laquelle la religion est privatisée — une question de conscience individuelle qui n’a pas à être publiquement exposée. De ce point de vue, peut-être, l’habillement des femmes musulmanes est vu comme marquant plus visiblement leur appartenance religieuse que les vêtements des hommes musulmans. On puise aussi dans les réminiscences de la « mission civilisatrice » coloniale qui vantait le traitement supérieur des femmes françaises (bien avant qu’elles aient le droit de vote ou qu’elles soient libérées des restrictions du Code napoléonien) sur celui des femmes « indigènes », dont les voiles avaient alors un attrait érotique, et n’étaient pas comme aujourd’hui un signe de répression sexuelle. Et puis, il y a la Marianne dévêtue, symbole de la nation ; poitrine nue, elle est La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix et l’icône qui figure en bonne place dans les hôtels de ville d’un grand nombre de municipalités. Dans la polémique actuelle, Marianne à la gorge offerte incarne les femmes françaises émancipées par opposition aux femmes voilées qui seraient soumises à l’islam.
ÉGALITE DU MEME, INEGALITE DE L’AUTRE (SEXE)
Mais je pense qu’il y a plus que tout cela. Quelque chose qu’on pourrait appeler l’inconscient politique du républicanisme français, qui alimente l’hystérie autour du vêtement des femmes musulmanes. Cette hystérie dont nous sommes témoins provient d’une contradiction inavouée, mais persistante entre l’égalité politique et la différence sexuelle. Il est possible que ce ne soit pas le motif direct dans le cas de Badinter ou de Manuel Valls, mais je pense que cela va jusqu’à entacher leur défense inflexible de la République laïque et contribue à expliquer plus généralement la fixation sur les femmes musulmanes et leurs foulards.
La contradiction est évidente depuis 1789 et n’a pas disparu quand les femmes ont obtenu le droit de vote en 1944. La citoyenneté en France est basée sur un individualisme abstrait. L’individu est l’unité essentielle, indépendamment de la religion, de l’ethnie, de la position sociale ou de la profession. Une fois ôtés tous ces éléments, les individus sont tous pareils, c’est-à-dire égaux. Mais dans la longue histoire de la politique française, la différence sexuelle a constitué le principal obstacle au « même », à la ressemblance, vue comme une distinction naturelle et donc impossible à éliminer. La nature a décrété un manque de similitude (donc une inégalité de ce point de vue) que la société ne peut pas corriger. Il y a une profonde incompatibilité entre la promesse universelle d’égalité dans la théorie politique républicaine et la différenciation sexuelle créée par la nature. Cela n’entre pas dans la logique républicaine.
Quand les femmes ont obtenu le droit de vote, ce fut en tant que groupe particulier, non en tant qu’individu(e)s. Dans les débats sur la parité, l’argumentation qui a finalement permis à la loi de passer a été celle qui a remplacé l’individu par le couple hétérosexuel. Sylviane Agacinski a ainsi affirmé (pour la parité et contre le PACS en 1999) qu’il ne pouvait pas y avoir de Parlement monosexué comme il ne pouvait y avoir de familles monosexuées. La complémentarité s’est ainsi substituée à l’égalité des individus. Dans l’éloge de la séduction comme trait de caractère national, la complémentarité est asymétrique : les femmes « consentent amoureusement » à leur subordination aux hommes.
L’accent mis sur le jeu de séduction ouvert entre hommes et femmes, et en particulier l’affichage public du corps des femmes, sert à démontrer leur différence et la nécessité de les traiter autrement. En ce sens, le problème que pose le sexe à la théorie politique républicaine est nié. Paradoxalement, l’« objétisation » de la sexualité féminine sert à « voiler » une contradiction inhérente au républicanisme français : son incapacité à réconcilier la différence sexuelle « naturelle » avec la promesse d’égalité pour tous.
LE VOILE AU PIED DE LA LETTRE
Le voile des femmes musulmanes semble présenter un défi de ce point de vue, menaçant d’exposer la contradiction niée ou réprimée de la théorie républicaine. L’habillement « modeste » répond directement aux problèmes posés par le sexe et la sexualité dans les relations sociales et la politique. Il atteste que les relations sexuelles sont interdites sur la place publique. Certaines féministes musulmanes affirment que c’est ce qui les libère en fait, mais que ce soit le cas ou non, ou que chaque femme qui met un voile en comprenne le symbolisme de cette manière ou pas, le voile signale l’acceptation de la sexualité et même sa célébration, mais seulement dans des circonstances particulières — en privé, au sein de la famille. Le paradoxe ici est que le voile rend explicites — visibles pour tous — les règles de l’interaction de genre qui déclarent que les échanges sexuels se font hors de l’espace public.
C’est la reconnaissance explicite d’un problème que la politique française veut nier qui rend le voile « visible » au sens sexuel du terme. Le vêtement des femmes musulmanes est la preuve des difficultés que présente le sexe pour les échanges dans la sphère publique — difficultés que les républicains français veulent nier. Leurs pieuses déclarations sur l’égalité sont en totale contradiction avec leur profond malaise dès qu’il s’agit de partager le pouvoir avec l’autre sexe. La séduction est pour eux une alternative préférable.
Je ne veux pas nier les aspects patriarcaux des pratiques musulmanes, mais nous ne devons pas ignorer non plus le fait qu’il n’y a pas d’égalité de genre parfaite en France. Les femmes sont objétisées dans les deux systèmes, quoique différemment. Je veux simplement dire que l’hystérie politique sur le voile doit être comprise non pas comme une réponse simple et logique au terrorisme, ni comme la défense de l’égalité de genre. C’est plutôt une façon de nier la persistance d’inégalités à l’intérieur de la société française (inégalités qui vont du genre à la race et à l’ethnie). Ces inégalités ne sont pas accidentelles ; elles sont consubstantielles à un système politique qui fait du « même » abstrait le fondement de l’égalité, et de la différence sexuelle concrète l’exception et la justification d’une inégalité qui, parce qu’elle est « naturelle », ne peut pas être nommée.
C’est peut-être une autre manière de dire que toute l’attention portée à l’inégalité qui caractériserait le sort des seules femmes musulmanes est un moyen d’évacuer les problèmes concernant les femmes françaises en général — différents bien sûr, mais qui n’ont pas été résolus par la loi (le vote, les modifications du Code civil, la parité) ni par d’autres moyens. Une chose est sûre, si l’inégalité de genre existe également dans le monde anglo-américain, elle n’a pas pris la forme de cette obsession des femmes musulmanes et de leurs voiles dont on peut dire qu’elle est une singularité française.

Joan Wallach Scott

1Adam Nossiter, « Once Hopeful for Harmony, a Philosopher Voices Discord in France », 11 mars 2016.

Toussaint
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Message  MO2014 Lun 23 Mai - 13:53

Portrait d'un avocat courageux qui défend et qui a défendu le CCIF, La voix des Rroms, Said Bouamama et Saidou ...

Henri Braun: La voix des autres
Par Kim Hullot-Guiot — 22 mai 2016


Jovial et libertaire, l’avocat s’est fait une spécialité de défendre les minorités, roms, sans-papiers et musulmans en tête.

Les miroirs au mur donnent l’impression que les tas de dossiers sont démultipliés. On écrit «dossiers», mais on devrait plutôt évoquer des feuilles volantes empilées, qui offrent au bureau haussmannien d’Henri Braun un air désordonné, raccord avec l’ambiance du quartier populaire de la Chapelle, à deux pas de Barbès (XVIIIe arrondissement de Paris), où il est situé. «C’est le combat de ma vie d’avoir à ranger ce bordel», s’amuse cet avocat volubile qui, au reste, livre des combats autrement plus politiques.

On l’a rencontré début avril à une conférence de presse du Collectif contre l’islamophobie en France (le CCIF), juste après que la ministre Laurence Rossignol eut assimilé les femmes voilées à des esclaves. L’avocat du collectif dénonçait alors le «racisme d’Etat infusé» par les responsables politiques. On a ensuite découvert que Braun était engagé de longue date pour la défense des minorités (Tsiganes, sans-papiers), membre de la Ligue des droits de l’homme et qualifié par le site extrême droitiste Riposte laïque d’«imposteur de l’antiracisme». De fait, les «imposteurs» seraient plutôt, pour Henri Braun, des mouvements comme la Licra ou le Mrap - qu’il se garde bien de qualifier ainsi -, avec lesquels il ne s’accorde pas sur l’existence d’un «racisme anti-Blanc». «Qu’il puisse y avoir une hostilité des Noirs ou des Arabes contre les Blancs, je veux bien, mais ce n’est pas du racisme. Le racisme est quelque chose de structurel. Personne n’a raté un job ou un logement en France parce qu’il est blanc, ça n’existe pas», explique-t-il sur le ton de l’évidence, dans une des rares phrases de l’entretien qu’il termine. «Il y a une offensive sur la laïcité qui a réussi à en faire une valeur conservatrice alors qu’au départ, ça a à voir avec le progrès, l’émancipation. Je sens quelque chose du même type dans la lutte contre le racisme, on va déposséder les victimes du racisme de ce combat, alors que c’est le leur», poursuit celui qui a défendu Houria Bouteldja, du Parti des indigènes de la République, qui avait évoqué les «souchiens» en 2007 et avait été relaxée des poursuites pour «injure raciale» fin 2012, ou encore le rappeur Saïdou du groupe ZEP, accusé en 2015 de «provocation à la haine» pour avoir chanté Nique la France.

1983. A 380 kilomètres de Dreux, un lycéen limougeaud de 15 ans, admirateur du maquisard Georges Guingouin et de Louise Michel, ne décolère pas. Le FN vient d’entrer à la mairie, avec la droite. Henri Braun a compris deux ans plus tôt, pendant les débats sur la loi sécurité et liberté de 1981 et ceux sur la peine de mort, qu’il deviendrait avocat. Quand, en 1984, Le Pen passe à l’Heure de vérité, il se «dit que c’est l’ennemi à combattre», se rappelle Braun, entre deux volutes de fumée. Fils unique d’un père professeur et d’une mère chercheuse, «à fort capital culturel», le jeune homme, qui fera ensuite droit et Sciences-Po, à Paris, est habitué aux discussions politiques à la maison, même si ses parents, de gauche, ne sont «pas tant que ça» engagés. «A l’époque, tout le monde était hyperpolitisé. Je me souviens très bien du 11 mai 1981 au matin : on lisait l’opinion des gens sur leur visage. On voyait qui était content que Mitterrand ait été élu et qui ne l’était pas», raconte-t-il, laissant entendre un défaut de prononciation semblable à un chuintement. Lui s’est, depuis, éloigné des urnes.

Qu’une partie de sa famille, juive allemande, ait été déportée, il n’en fait pas étendard. Même s’il reconnaît que ne pas être d’ascendance française pourrait l’avoir sensibilisé à la lutte contre le racisme. Plus de trente ans après ses premières indignations, prêter sa voix aux victimes de discriminations lui paraît naturel : «L’islamophobie, c’est un peu différent - musulman, c’est pas une race - mais, moi, je défends les gens qui sont persécutés.» En 2011, via un copain avocat, Braun se met à travailler pour le Collectif contre l’islamophobie en France. A ceux qui l’accusent de faire le jeu d’un islam politique, il répond que c’est en donnant une signification univoque au voile qu’on entre dans le processus d’essentialisation, d’assignation. «C’est très dangereux de figer les gens dans des identités, raciales, sexuelles, il faut, au contraire, les remettre en question.» L’homme sourit. Athée, il «est de sensibilité libertaire…». Henri Braun croit voir dans les désaccords internes à la gauche sur le voile une affaire générationnelle : «Je me sens plus proche des jeunes d’aujourd’hui», qui seraient moins gênés par l’affichage religieux que les gens de sa génération. «On a, en France, une confusion entre ce qui est universel - et je ne suis pas pour l’abandon de ces principes - et ce qui est français. Il faut un universalisme qui prend en compte les différences et la pluralité, qui s’en nourrisse, avec un rapport dialectique entre l’un et le pluriel, c’est évident.» Dans ses dossiers «militants», a-t-il besoin d’être sur la même ligne que ses clients ? Il faut que «je sois d’accord avec les gens sur [la stratégie à adopter dans] le dossier, mais pas forcément sur tout ce qu’ils disent. J’ai mes propres idées. Mais quand je plaide, je ne fais pas état de divergences», répond-il sans se départir de son air jovial, bonhomme.

Après quinze ans de pratique, l’avocat a «moins d’illusions sur le fonctionnement de la justice». «J’ai déjà entendu des propos de magistrats ouvertement racistes, par exemple des commentaires sur les modes de vie des Roms dans les bidonvilles… Il y a certains juges qui ne libèrent jamais les étrangers en rétention, jamais, et qui n’ont pas de problème. A l’inverse, on a un juge à Nîmes qui a des soucis parce qu’il libérerait trop d’étrangers [Jean-Louis Galland qui a dénoncé, fin 2015, des pressions de sa hiérarchie, ndlr]», se désole-t-il.

Entre dossiers militants et réguliers (du pénal, la pratique du civil l’ennuie), l’avocat, qui travaille sans secrétaire, se verse environ 3 000 euros par mois. Pas suffisant pour économiser, mais de quoi faire vivre sa famille - sur laquelle il ne s’étend pas - aller au resto, au théâtre (il a adoré la pièce de Joël Pommerat sur la Révolution française), ou acheter des bouquins sans compter. Il lit en ce moment un Umberto Eco, le Cimetière de Prague, qu’il juge «impressionnant d’érudition mais un peu lourdingue». Si, aujourd’hui, Henri Braun accepte moins de dossiers pro bono qu’avant, il regrette le «montant minable» de l’aide juridictionnelle : «On n’arrive même pas au Smic [horaire].» La semaine où on le revoit, il a des audiences du lundi au dimanche, notamment des dossiers de sans-papiers en centre de rétention. «Parfois, j’arrive à les faire sortir», dit-il en souriant. Dans ses yeux, il y a alors de la fierté.

1er juin 1968 Naissance à Limoges
1998 Adhésion à la Ligue des droits de l’homme (LDH).
11 janvier 2001 Prestation de serment.
2001 Premier dossier portant sur la défense de sans-papiers.
2011 Avocat du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF).
Kim Hullot-Guiot
http://www.liberation.fr/france/2016/05/22/henri-braun-la-voix-des-autres_1454391

MO2014

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