Indigènes de la République
+40
Jonhy
ybaG
sleepy
Matrok
hadrien
marxmarx
Egor la combine
alexi
lomours
Prado
Dinky
Carlo Rubeo
MO2014
tomaz
Babel
Achille
mykha
Roseau
iztok
Byrrh
Duzgun
le glode
vilenne
chejuanito
Nomade
Eugene Duhring
Axenstar
gérard menvussa
GGrun
sylvestre
Oudiste
Copas
yannalan
Vérosa_2
Toussaint
verié2
Vals
Gauvain
fée clochette
nico37
44 participants
Page 16 sur 40
Page 16 sur 40 • 1 ... 9 ... 15, 16, 17 ... 28 ... 40
Re: Indigènes de la République
Prendre comme point de comparaison en France des morts de 2005 - 9 ans...- , cela me fait bien rire, encore une fois une gôche bien éloignée des situations réelles sur son territoire national. Les morts racistes dans les quartiers populaires, ce sont des dizaines par an probablement, et dans l'impunité la plus totale. Si on devait aller chercher dans le passé, il y aurait à ce moment ce jeune - arabe, il est vrai, ce qui atténue évidemment la gravité de la chose en France - abattu d'une balle dans la tête à bout portant, alors que le flic l'avait fait agenouiller. Le chien raciste avait prétendu avoir pensé qu'il avait mis le cran de sureté, sans rire, et avait été bien sûr suivi par les autres chiens de la justice française raciste, pzrdonnez le pléonasme...
Alors pour les français bien de chez eux une vidéo sur ce sujet d'Omar Slaouti (merde, encore un arabe, tant pis, on fera avec), au printemps des quartiers 2012:
https://www.youtube.com/watch?v=Tr-JOyrnREw
D'accord avec Babel par ailleurs.
Alors pour les français bien de chez eux une vidéo sur ce sujet d'Omar Slaouti (merde, encore un arabe, tant pis, on fera avec), au printemps des quartiers 2012:
https://www.youtube.com/watch?v=Tr-JOyrnREw
D'accord avec Babel par ailleurs.
Toussaint- Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010
Re: Indigènes de la République
Le point de comparaison, ce ne sont pas les morts, mais la réaction politique qui s'en est suivie (ce que la presse convenable appelle "émeute de banlieue") Que ce soit aux usa ou en france, les meurtres policiers suscitent des réactions (mais pas toujours) de la part de la jeunesse qui se sent d'une façon comme d'une autre au bout du viseur... C'est cela qu'on "compare" éventuellement...
Celle de 2005 avait la particularité d'avoir été "nationale" (alors que les émeutes sont en général locales) Ce qui fait qu'on s'en souvient encore. Pas parce qu'on fait partie de la "france blanche" (ça me fait ricaner d'avoir ce genre de jugement à l'emporte piéce de quelqu'un qui contribue au maintient de l'ordre colonial en guyanne) mais parce qu'il s'agit d'un événement important ! Les émeutes en cours aux états unis ont ce même caractére, et c'est ce qu'il peut sembler intéressant à analyser...
Celle de 2005 avait la particularité d'avoir été "nationale" (alors que les émeutes sont en général locales) Ce qui fait qu'on s'en souvient encore. Pas parce qu'on fait partie de la "france blanche" (ça me fait ricaner d'avoir ce genre de jugement à l'emporte piéce de quelqu'un qui contribue au maintient de l'ordre colonial en guyanne) mais parce qu'il s'agit d'un événement important ! Les émeutes en cours aux états unis ont ce même caractére, et c'est ce qu'il peut sembler intéressant à analyser...
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Re: Indigènes de la République
Je viens d'en prendre connaissance. Merci à mon tour.MO2014 a écrit:
Merci Babel.
Pour ceux qui souhaitent comprendre un peu plus le PIR, sa constitution, son histoire, le contexte dans lequel il s'inscrit, ses priorités...:
La suite de la conférence est consacrée à un assez long exposé de Youssef Boussoumah sur le rôle majeur joué par la solidarité à la cause palestinienne dans la constitution du PIR.
Le début est ici.
Une autre conférence, tenue probablement en 2011, revient sur les fondements théoriques qui justifient aux yeux du PIR la nécessité de son existence, comme organisation politique indépendante menant des combats spécifiques :
Race et mondialisation, par Felix Ewanje Epée
https://youtu.be/yOo9r1Qv--E
Race et capitalisme, par Sadri Khiari
https://www.youtube.com/watch?v=IymdOZ0Kai0
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Re: Indigènes de la République
Babel a écrit:
Race et capitalisme, par Sadri Khiari
https://www.youtube.com/watch?v=IymdOZ0Kai0
Merci ! en effet à écouter absolument. Remarquons l'actualité de cette vidéo concernant le prochain congrès du NPA (http://www.npa2009.org/agir/le-npa-en-debats). Le NPA est sans doute l'organisation qui prend le plus en compte la question des discriminations racistes, la lutte contre l'islamophobie et le colonilaisme, de toute la gauche radicale. Et bien en lisant ces cinq tribunes vous ne trouverez aucune position concernant la situation des émigrés, des discriminations raciales, l'islamophobie...etc (à moins d'avoir mal lu). Et ne venez surtout pas dire que ce n'est pas évoqué parce qu'il y a accord sur ce point, car à contrario, d'autres points où il y a consensus, apparaissent dans les textes publiés. Alors ?
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Indigènes de la République
On arrive à se mettre d'accord sur un point au npa ? On progresse !ce n'est pas évoqué parce qu'il y a accord sur ce point
Effectivement, a aucun moment, l'islamophobie et la question "post coloniale" n'apparait dans les différents points de vue présentant les plates formes. Ce qui veut dire que la question de l'islamophobie n'est pas considérée comme "stratégique" (ce qui ne veut pas dire qu'elle n'est pas sans importance constatée dans l'activité du npa, on peut le constater dans chaque numéro de "l'anticapitaliste")
Et cela ne ressort pas, contrairement à ce qu'on pourrait trop rapidement en penser à une non prise en considération du "fait post colonial" dans l'activité du npa, que de sa drole de façon de présenter la question "stratégique" : pour le npa, ce qui est "stratégique" c'est ce qui permet de poser la question du pouvoir. Et pour pouvoir poser la question du pouvoir, il faut arriver à mobiliser de larges masses. Or on n'arrive pas a mobiliser les larges masses sur la question de l'islamophobie ou du fait post colonial. Par contre si on arrivait a mobiliser la dessus, il y aurait 50 pages sur le théme... C'est bien pour cela que le terme "palestine" revient à 4 reprises, et l'islam aucun ! Sauf que la derniére fois que j'ai vu le pir a une mobilisation la dessus, les manifestants étaient moins de 1000 (et eux moins de 100)
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Re: Indigènes de la République
Sadri Khiari : « Intervention typique de l'antiracisme blanc : les immigrés coûtent moins qu'ils ne rapportent. On pourrait en citer des tas d'autres arguments du même ordre. Ainsi du fameux : il ne faut pas exagérer le nombre des immigrés en France, c'est l'extrême-droite qui les surévalue. Ou encore dans la version anti-islamophobes : il ne faut pas exclure les jeunes filles voilées de l'école publique parce que c'est dans cette école qu'elles apprendront les valeurs de la république et s'arracheront aux griffes de leurs familles et de leurs frères. Ce genre de propos, je l'ai entendu dans tous les spectres de l'antiracisme blanc, de la gauche de gouvernement jusqu'à l'extrême-gauche. Il y a pourtant une question très simple qu'ils pourraient se poser avant d'essayer ainsi de rassurer "les Français" au mépris de notre dignité : un immigré ou un enfant d'immigré peut-il se réapproprier ces arguments ? A cette question, la réponse est évidente : Non ! Vous nous voyez, nous, en train de dire que nous ne "coûtons" pas cher ? Vous nous voyez, nous, dire "ne vous inquiétez pas, finalement nous ne sommes pas vraiment nombreux" ? Vous voyez une lycéenne qui porte le voile affirmer "laissez-moi garder le voile à l'école; je finirais bien par comprendre ce que sont les valeurs de la république, je cracherai sur père et frère et porterai la mini-jupe" ? Si vous ne comprenez pas cela, camarades antiracistes blancs, si vous ne comprenez pas que l'enjeu fondamental de l'antiracisme, c'est notre honneur, eh bien allez vous faire foutre ! »
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Indigènes de la République
Je n'en suis pas certain. En revanche, toutes les manifestations d'islamophobie sont clairement dénoncées, sans la moindre ambiguité, dans la presse du NPA. Je déplore tout de même que les textes présentés n'y fassent pas allusion (selon vous car pour ma part je n'ai pas encore tout lu...)ce n'est pas évoqué ( l'islamophobie) parce qu'il y a accord sur ce point
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Indigènes de la République
Je ne vois pas ce qu'il y a de choquant à espérer qu'une lycéenne voilée finisse par décider d'elle-même de retirer son voile, non pas au nom des valeurs de la république mais de sa propre liberté de femme de montrer sa chevelure si ça lui chante. Ce qui ne l'oblige nullement à porter un string ou une mini jupe si ça ne lui plait pas...Vous voyez une lycéenne qui porte le voile affirmer "laissez-moi garder le voile à l'école; je finirais bien par comprendre ce que sont les valeurs de la république, je cracherai sur père et frère et porterai la mini-jupe" ?
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Indigènes de la République
Les textes en parlent bien évidemment. Ce sont les tribunes dans le journal qui n'en parlent pas. Dans un nombre de signes limités et alors que ce n'est pas la question faisant divergence entre plateformes, ça n'a rien d'étonnant.verié2 a écrit:Je n'en suis pas certain. En revanche, toutes les manifestations d'islamophobie sont clairement dénoncées, sans la moindre ambiguité, dans la presse du NPA. Je déplore tout de même que les textes présentés n'y fassent pas allusion (selon vous car pour ma part je n'ai pas encore tout lu...)ce n'est pas évoqué ( l'islamophobie) parce qu'il y a accord sur ce point
Duzgun- Messages : 1629
Date d'inscription : 27/06/2010
Re: Indigènes de la République
Exister, c'est exister politiquement, Sadri Khiari
On connait la fameuse formule d'Abdelmalek Sayad : « Exister, c'est exister politiquement. » Elle a été maintes fois citée. Elle dit simplement la vie en société. Le lien social est politique. Nombreux l'avaient dit avant lui. Mais Sayad ne le dit pas pour parler de l'Homme. Il parle de l'Immigré. Il parle de l'Immigration. De l'immigration issue des colonies. De Nous. Noirs, Arabes, musulmans. Présents en France depuis peu ou très longtemps. « Première, deuxième; troisième génération... » Français. Non-Français. Nous qui n'existons pas. Ne sommes pas censés exister. Et qui pourtant EXISTONS TERRIBLEMENT. Sayad parle de cette distorsion de l'existence: ne pas exister politiquement, c'est ne pas exister. La société française refuse notre existence; par conséquent, elle refuse notre existence politique. La République refuse notre existence politique; par conséquent, elle refuse notre existence. En France, il n'y aurait que des Français et des étrangers de passage. Tous libres égaux, indistincts. Sauf irrespect de la Loi, bien sûr. La République ne veut pas nous voir et ne veut pas qu'on nous voie. La République ne peut pas nous sentir. Elle ne nous entend pas. Marianne- la-Blanche est sourde. Elle n'entend que son coq. Car nous voir, nous entendre, nous sentir serait voir l'indigénat, sentir la puanteur de l'indigénat. Serait connaitre sa propre négation: la République existe par ses indigènes. Indigènes d'aujourd'hui colonisés d'hier on esclaves d'avant-hier. L'égal est le contraire de l'égalité. La citoyenneté est déni de la citoyenneté. La fraternité est le mépris. La nation est la race.
Il vaut mieux donc, pour assurer la tranquillité de tous, que nous n'existions pas. Ou alors seulement comme concept. Un «problème», par exemple; c'est un beau concept. Le « problème de l'immigration ». La « question noire », à rigueur. Les « banlieues », aussi; autre abstraction pour parler de nous sans parler de nous. Le bel humaniste dira « l'Autre »: « Il faut accepter l'Autre. » Le « tolérer ». Si le Blanc est de gauche il parlera de « bouc émissaire »: « L'infâme gouvernement de droite utilise les immigrés comme bouc émissaire pour détourner les travailleurs de leurs luttes légitimes. » Un « bouc émissaire» n'agit pas et donc n'existe pas. Bouc émissaire toi-même ! Ou alors, il parlera d'« épouvantail »: «Les fascistes utilisent l'immigration comme épouvantail », etc.
Un « épouvantail » fait peur mais n'agit et n'existe pas plus qu'un sac de paille. Épouvantail toi-même! En somme, la gauche antiraciste dit ceci: seule l'illusion raciste fait croire que les Arabes et les Noirs existent en France. C'est d'ailleurs bien ce que signifie le fameux argument « antiraciste »: « Contrairement à ce que la droite prétend, l'immigration n'est pas en hausse. » Rassure-toi, brave peuple de France, les immigrés n'existent pas plus aujourd'hui qu'hier et continuent de voter à gauche! Le Blanc de gauche a aussi un faible pour le « sans-papiers ». Sans doute parce que celui-ci n'existe pas du tout. Et que pour exister un tant soit peu, il est bien obligé de demander l'aide de la gauche. Le sans-papiers n'existe pas du tout parce que pour exister il doit menacer de mettre fin à son existence. La preuve que j'existe, dit-il, c'est que je meurs. Et il arrête de s'alimenter. Et la gauche y voit une bonne raison de dénoncer la droite: « Donnez-lui des papiers, qu'il se nourrisse et cesse d'exister ! » Car, s'il obtient des papiers, il n'est plus un sans-papiers et si, comme sans-papiers, il n'existait pas du tout, quand il a des papiers, il n'existe pas, c'est tout. Ce qui est un progrès. Le sans-papiers n'existe pas du tout parce qu'il n'est même pas un étranger; puisque la loi dit précisément à quoi doit ressembler mi étranger et que lui ne ressemble pas à cette définition. Lui, il est un hors-la-loi, mi délinquant mi clandestin, mi irrégulier. Ce qui fait beaucoup de mots pour quelqu'un qui n’existe pas. Il est un humain irrégulier. « Régularisation de tous les sans-papiers » dit encore le militant gauche qui est très à gauche. Ainsi, le sans-papiers deviendra un humain régulier.
Ça me rappelle, au temps de l'esclavage, ces abolitionnistes blancs qui considéraient que les rapports de forces - entre Blancs - ne permettaient pas encore d'exiger davantage que le droit des esclaves à porter des chaussures ou une chemise. En 1799, en Angleterre, la gauche de l'époque a obtenu une très grande victoire : désormais, selon les termes de la nouvelle loi, dans la cale des navires qui les transportaient en Amérique, les déportés africains devraient disposer d'un espace moyen 0,7 m2 et non plus 0,46 m2! C'est sûr que c’est un progrès puisque la droite, elle, si elle en connaissait le procédé, aurait sans doute proposé qu'on les emballe sous vide pour éviter la pourriture.
Je ne nie pas ma mauvaise foi. Le Blanc de gauche qui est très à gauche ne demande pas que la régularisation de tous les sans-papiers. Il réclame aussi le droit de vote pour les immigrés. Ainsi pourront- ils voter... à gauche. Car, à ses yeux, l'immigré n'existe que s'il est de gauche. S'il a une nature, c'est sa nature : être de gauche. Il doit être fidèle à la gauche. C'est la gauche qui le met au monde comme être humain régulier et qui un jour peut-être lui donnera le droit de vote; comment donc pourrait-il être de droite? « Le combat, déclarait le grand leader abolitionniste américain, William Lloyd Garrison, exige que vous (les Noirs) vous comportiez non seulement comme des Blancs, mais encore mieux que des Blancs. »
D'ailleurs, si l'immigré n'est pas de gauche, c'est qu'il est de droite. Il ne peut pas être lui-même. La France, c'est la droite et la gauche; le monde c'est la droite et la gauche; si l'immigré prétend être lui-même, il retourne au néant; il n'existe plus. Il était un malheureux fantôme, une victime, un bouc émissaire, la preuve que la droite ce n’est pas bien; il devient une autre sorte de spectre : un « communautariste », un « islamiste », un « raciste anti-blanc », et que sais-je encore ! ...Bref, pour la droite, nous sommes du muscle; pour la gauche, nous sommes de gauche. Donc, nous n'existons pas. Ou nous existons à travers eux. Ce qui revient au même. Nous n'existons pas, parce que nous ne devons pas exister. Nous n'existons pas, parce que reconnaître notre existence serait reconnaître notre existence politique et que reconnaître notre existence politique serait reconnaître qu'on -Eux- ne veut pas de cette existence politique; qu'elle est véritablement niée, cette existence politique; que la politique doit se faire sans nous, en dehors de nous, par-dessus nos têtes, mais jamais avec nous. A la limite contre nous. Ça s'est toléré. Et encore ! La formule ne tient pas. Quand c'est contre nous, ce n'est pas vraiment contre nous. C'est contre les travailleurs, les masses populaires, les exclus; la droite utilise le racisme pour mettre la gauche dans l'embarras, c'est tout. Nous ne sommes même pas des victimes, mais des victimes indirectes, dommages collatéraux d'une autre bagarre. Boucs émissaires, ils disent. Et cela aussi : reconnaître notre existence politique serait reconnaître nos luttes; celles que nous menons pour nous-mêmes et qui bouleversent la France. Ce serait reconnaître que tout ne passe pas par eux. Que le conflit entre la « droite » et la « gauche », le « Progrès « et la « réaction », la « Modernité » et « l'obscurantisme », ou alors entre la « bourgeoisie » et le « prolétariat », ne fait pas le tout du monde. Reconnaître notre existence politique les conduirait à cette découverte horrifiante : le lien social, dans la société contemporaine, est aussi racial. Le mot race fait peur; il pue. Dites-leur que c'est la société qui pue ! Et que si ce mot leur fait peur, ce n'est pas parce qu'il a servi à maintenir les Noirs en esclavage et à asservir les peuples des colonies, au prix de multiples génocides, mais parce qu'il a servi à des Blancs pressés d'exterminer d'autres Blancs. Le lien social est racial, cela signifie que la politique est raciale. La politique est raciale, cela signifie que le lien social se noue autour de l'inégalité raciale. La politique est raciale, cela signifie que l'inégalité raciale est une lutte de la race sociale dominée contre la race sociale dominante. Et vice versa. Les rapports de force sociaux qui se tissent dans cet affrontement sont des rapports de forces politiques et ces rapports de force politiques sont des rapports de forces entre races sociales.
NOUS EXISTONS PARCE QUE NOUS EXISTONS POLITIQUEMENT ET NOUS EXISTONS POLITIQUEMENT PARCE QUE NOUS SOMMES LES OBJETS ET LES SUJETS DES RAPPORTS DE FORCES POLITIQUES DE RACES.
Ça, ils ne veulent pas le savoir.
Et nous non plus, bien souvent... Nous croyons exister en nous emparant du regard blanc. Difficile de faire autrement, du reste. Nous éprouvons cette honte abyssale d'être fiers de parler tout comme eux. Parfois, nous éprouvons cette joie incommensurable de les avoir couillonnés. On cherche à leur plaire, seulement pour les trahir. Marrons jusqu’au bout des ongles, on fuira quand il faudra fuir. Nous ne sommes rien, soyons fourbes. Je dis « Oui, Bwana » et, dès que tu as le dos tourné, j'y plante ma lame. Résistance. « Les Blancs maîtres du langage? Maîtres - malheureux d'ailleurs - de la définition, quand à partir d'un point choisi par eux et qu'ils nomment Occident, ils sectionnent tout le reste du monde en Proche-Orient, Orient, Extrême-Orient. » C'est Jean Genet, notre frère - leur ennemi déclaré -, qui écrivait cela. Impuissant, comme nous, à briser des mots justes avec des mots. Le langage, la pensée, la « science » leur appartiennent. Aucune vérité n'est vraie sans le bâton qui va avec. Pour les mots, on utilisera des mots venimeux. Mais comment nous débarrasser complètement des catégories du monde blanc qui nous submergent? Genet, encore : «Tout jeune Noir américain qui écrit se cherche et s'éprouve et quelque fois, au centre de lui-même, en son propre cœur, rencontre un Blanc qu'il doit anéantir. » Stokely Carmichael, le fondateur du Black Power, ne dit pas autre chose: « II nous faudra combattre pour avoir le droit d'inventer les termes qui nous permettront de nous définir et de définir nos rapports avec la société, et il nous faudra lutter pour les faire accepter. Tel est le premier besoin d'un peuple libre; et c'est aussi le premier droit que refuse tout oppresseur. » Comment penser en dehors d'eux?
Personnellement, je n'en sais rien. Je suppose que ce n'est qu'à travers nos luttes - contre les institutions qui fabriquent les mots - que nous pourrons produire nos propres catégories. Pas dans une bibliothèque. Ou pas que. Ce livre, en tout cas, n'est pas libre. Une tentative d'évasion, tout au plus. J'aime le prisonnier qui, muni d’une simple cuillère en aluminium, n’en finit pas de creuser des galeries. Lui non plus n’existe pas. Ou plutôt, il existe quand il creuse. Creusons !
Ma cuillère à moi, c'est le Mouvement des Indigènes de la République. Il m'a dit que j’existais et, avec d'autres, je transmets le message. Les pages qui suivent ont donc pour objet de dire que nous existons. Elles balbutient. « Le balbutiement en la circonstance est précieux car il nous éloigne des certitudes raides et mécaniques. » A travers l'analyse, balbutiante donc, du lacis des rapports de forces raciaux qui se sont noués depuis quelques décennies pour aboutir à la révolte de novembre 2005 et à l'élection de Sarkozy, ce livre dit que nous existons depuis une multitude de temps. Que le marronnage et les insurrections dans 1'Amérique esclavagiste, les soulèvements et les guerres de nos ancêtres colonisés, les manifestations, les grèves, les émeutes des immigrés et de leurs enfants sont l'une des vérités de leur existence. Et de la nôtre. Ceux d'Avant ont changé le monde comme le monde les avait changés; ils ont changé la France comme la France les avait changés. Partout, dans la France d'aujourd'hui, leur existence est visible, même si leurs corps ont disparu depuis longtemps, même si la République brouille les regards et prétend que cette existence n'est qu'une illusion d'optique. La France, dit la France, a toujours été la France et sera toujours la France. On ne sait pas trop quel numéro choisir pour de nouvelles lunettes, qu'importe! Brisons, donc, les verres déformants que la République nous fiche sur les naseaux et regardons nous-mêmes.
Nous verrons que Ceux d'Avant ont existé et qu'ils continuent d'exister. Le « devoir de mémoire », ce n'est pas juste dire qu'ils et qu'ils ont souffert, exposer les routes qu’ils ont construites et pleurer sur leurs traditions perdues. Ce n'est pas seulement demander qu'ils aient droit à quelques lignes dans les manuels scolaires, 0,7 cm2 plutôt que 0,46 cm2 de papier blanc et éventuellement une petite photo. Encore moins faire un musée à Vincennes. C'est affirmer leur existence politique. Faire le récit de leurs luttes et de leurs résistances et de l’apprendre par cœur, c'est déjà pas mal, mais ce n’est qu’un récit. Il faut affirmer l'efficace politique de leurs luttes et de leurs résistances, montrer que Ceux d’Avant n'ont pas seulement fabriqué des voitures mais également des rapports de forces politiques qui se sont cristallisés dans les institutions, les modes de pensée, les relations sociales, qui agissent continûment dans les rapports de forces politiques d'aujourd’hui, qui bougent et se métamorphosent sous nos yeux et transforment la société où nous vivons. Redonner vie à Ceux d'Avant, c'est bien sûr se couler dans leurs luttes, les poursuivre – les suivre et les prolonger -, démentir leur inexistence et la nôtre. Non pas pour ouvrir enfin les yeux des Blancs, mais pour fermer définitivement les yeux de la suprématie blanche. Redonner vie à Ceux d'Avant, c'est notre émancipation.
Ce livre est simplement un acte d’existence. C'est-à-dire de Dignité.
Sadri Khiari
Extrait de son livre : « La contre-révolution coloniale en France : De de Gaulle à Sarkozy », La fabrique éditions, 2009, pages 9-18.
On connait la fameuse formule d'Abdelmalek Sayad : « Exister, c'est exister politiquement. » Elle a été maintes fois citée. Elle dit simplement la vie en société. Le lien social est politique. Nombreux l'avaient dit avant lui. Mais Sayad ne le dit pas pour parler de l'Homme. Il parle de l'Immigré. Il parle de l'Immigration. De l'immigration issue des colonies. De Nous. Noirs, Arabes, musulmans. Présents en France depuis peu ou très longtemps. « Première, deuxième; troisième génération... » Français. Non-Français. Nous qui n'existons pas. Ne sommes pas censés exister. Et qui pourtant EXISTONS TERRIBLEMENT. Sayad parle de cette distorsion de l'existence: ne pas exister politiquement, c'est ne pas exister. La société française refuse notre existence; par conséquent, elle refuse notre existence politique. La République refuse notre existence politique; par conséquent, elle refuse notre existence. En France, il n'y aurait que des Français et des étrangers de passage. Tous libres égaux, indistincts. Sauf irrespect de la Loi, bien sûr. La République ne veut pas nous voir et ne veut pas qu'on nous voie. La République ne peut pas nous sentir. Elle ne nous entend pas. Marianne- la-Blanche est sourde. Elle n'entend que son coq. Car nous voir, nous entendre, nous sentir serait voir l'indigénat, sentir la puanteur de l'indigénat. Serait connaitre sa propre négation: la République existe par ses indigènes. Indigènes d'aujourd'hui colonisés d'hier on esclaves d'avant-hier. L'égal est le contraire de l'égalité. La citoyenneté est déni de la citoyenneté. La fraternité est le mépris. La nation est la race.
Il vaut mieux donc, pour assurer la tranquillité de tous, que nous n'existions pas. Ou alors seulement comme concept. Un «problème», par exemple; c'est un beau concept. Le « problème de l'immigration ». La « question noire », à rigueur. Les « banlieues », aussi; autre abstraction pour parler de nous sans parler de nous. Le bel humaniste dira « l'Autre »: « Il faut accepter l'Autre. » Le « tolérer ». Si le Blanc est de gauche il parlera de « bouc émissaire »: « L'infâme gouvernement de droite utilise les immigrés comme bouc émissaire pour détourner les travailleurs de leurs luttes légitimes. » Un « bouc émissaire» n'agit pas et donc n'existe pas. Bouc émissaire toi-même ! Ou alors, il parlera d'« épouvantail »: «Les fascistes utilisent l'immigration comme épouvantail », etc.
Un « épouvantail » fait peur mais n'agit et n'existe pas plus qu'un sac de paille. Épouvantail toi-même! En somme, la gauche antiraciste dit ceci: seule l'illusion raciste fait croire que les Arabes et les Noirs existent en France. C'est d'ailleurs bien ce que signifie le fameux argument « antiraciste »: « Contrairement à ce que la droite prétend, l'immigration n'est pas en hausse. » Rassure-toi, brave peuple de France, les immigrés n'existent pas plus aujourd'hui qu'hier et continuent de voter à gauche! Le Blanc de gauche a aussi un faible pour le « sans-papiers ». Sans doute parce que celui-ci n'existe pas du tout. Et que pour exister un tant soit peu, il est bien obligé de demander l'aide de la gauche. Le sans-papiers n'existe pas du tout parce que pour exister il doit menacer de mettre fin à son existence. La preuve que j'existe, dit-il, c'est que je meurs. Et il arrête de s'alimenter. Et la gauche y voit une bonne raison de dénoncer la droite: « Donnez-lui des papiers, qu'il se nourrisse et cesse d'exister ! » Car, s'il obtient des papiers, il n'est plus un sans-papiers et si, comme sans-papiers, il n'existait pas du tout, quand il a des papiers, il n'existe pas, c'est tout. Ce qui est un progrès. Le sans-papiers n'existe pas du tout parce qu'il n'est même pas un étranger; puisque la loi dit précisément à quoi doit ressembler mi étranger et que lui ne ressemble pas à cette définition. Lui, il est un hors-la-loi, mi délinquant mi clandestin, mi irrégulier. Ce qui fait beaucoup de mots pour quelqu'un qui n’existe pas. Il est un humain irrégulier. « Régularisation de tous les sans-papiers » dit encore le militant gauche qui est très à gauche. Ainsi, le sans-papiers deviendra un humain régulier.
Ça me rappelle, au temps de l'esclavage, ces abolitionnistes blancs qui considéraient que les rapports de forces - entre Blancs - ne permettaient pas encore d'exiger davantage que le droit des esclaves à porter des chaussures ou une chemise. En 1799, en Angleterre, la gauche de l'époque a obtenu une très grande victoire : désormais, selon les termes de la nouvelle loi, dans la cale des navires qui les transportaient en Amérique, les déportés africains devraient disposer d'un espace moyen 0,7 m2 et non plus 0,46 m2! C'est sûr que c’est un progrès puisque la droite, elle, si elle en connaissait le procédé, aurait sans doute proposé qu'on les emballe sous vide pour éviter la pourriture.
Je ne nie pas ma mauvaise foi. Le Blanc de gauche qui est très à gauche ne demande pas que la régularisation de tous les sans-papiers. Il réclame aussi le droit de vote pour les immigrés. Ainsi pourront- ils voter... à gauche. Car, à ses yeux, l'immigré n'existe que s'il est de gauche. S'il a une nature, c'est sa nature : être de gauche. Il doit être fidèle à la gauche. C'est la gauche qui le met au monde comme être humain régulier et qui un jour peut-être lui donnera le droit de vote; comment donc pourrait-il être de droite? « Le combat, déclarait le grand leader abolitionniste américain, William Lloyd Garrison, exige que vous (les Noirs) vous comportiez non seulement comme des Blancs, mais encore mieux que des Blancs. »
D'ailleurs, si l'immigré n'est pas de gauche, c'est qu'il est de droite. Il ne peut pas être lui-même. La France, c'est la droite et la gauche; le monde c'est la droite et la gauche; si l'immigré prétend être lui-même, il retourne au néant; il n'existe plus. Il était un malheureux fantôme, une victime, un bouc émissaire, la preuve que la droite ce n’est pas bien; il devient une autre sorte de spectre : un « communautariste », un « islamiste », un « raciste anti-blanc », et que sais-je encore ! ...Bref, pour la droite, nous sommes du muscle; pour la gauche, nous sommes de gauche. Donc, nous n'existons pas. Ou nous existons à travers eux. Ce qui revient au même. Nous n'existons pas, parce que nous ne devons pas exister. Nous n'existons pas, parce que reconnaître notre existence serait reconnaître notre existence politique et que reconnaître notre existence politique serait reconnaître qu'on -Eux- ne veut pas de cette existence politique; qu'elle est véritablement niée, cette existence politique; que la politique doit se faire sans nous, en dehors de nous, par-dessus nos têtes, mais jamais avec nous. A la limite contre nous. Ça s'est toléré. Et encore ! La formule ne tient pas. Quand c'est contre nous, ce n'est pas vraiment contre nous. C'est contre les travailleurs, les masses populaires, les exclus; la droite utilise le racisme pour mettre la gauche dans l'embarras, c'est tout. Nous ne sommes même pas des victimes, mais des victimes indirectes, dommages collatéraux d'une autre bagarre. Boucs émissaires, ils disent. Et cela aussi : reconnaître notre existence politique serait reconnaître nos luttes; celles que nous menons pour nous-mêmes et qui bouleversent la France. Ce serait reconnaître que tout ne passe pas par eux. Que le conflit entre la « droite » et la « gauche », le « Progrès « et la « réaction », la « Modernité » et « l'obscurantisme », ou alors entre la « bourgeoisie » et le « prolétariat », ne fait pas le tout du monde. Reconnaître notre existence politique les conduirait à cette découverte horrifiante : le lien social, dans la société contemporaine, est aussi racial. Le mot race fait peur; il pue. Dites-leur que c'est la société qui pue ! Et que si ce mot leur fait peur, ce n'est pas parce qu'il a servi à maintenir les Noirs en esclavage et à asservir les peuples des colonies, au prix de multiples génocides, mais parce qu'il a servi à des Blancs pressés d'exterminer d'autres Blancs. Le lien social est racial, cela signifie que la politique est raciale. La politique est raciale, cela signifie que le lien social se noue autour de l'inégalité raciale. La politique est raciale, cela signifie que l'inégalité raciale est une lutte de la race sociale dominée contre la race sociale dominante. Et vice versa. Les rapports de force sociaux qui se tissent dans cet affrontement sont des rapports de forces politiques et ces rapports de force politiques sont des rapports de forces entre races sociales.
NOUS EXISTONS PARCE QUE NOUS EXISTONS POLITIQUEMENT ET NOUS EXISTONS POLITIQUEMENT PARCE QUE NOUS SOMMES LES OBJETS ET LES SUJETS DES RAPPORTS DE FORCES POLITIQUES DE RACES.
Ça, ils ne veulent pas le savoir.
Et nous non plus, bien souvent... Nous croyons exister en nous emparant du regard blanc. Difficile de faire autrement, du reste. Nous éprouvons cette honte abyssale d'être fiers de parler tout comme eux. Parfois, nous éprouvons cette joie incommensurable de les avoir couillonnés. On cherche à leur plaire, seulement pour les trahir. Marrons jusqu’au bout des ongles, on fuira quand il faudra fuir. Nous ne sommes rien, soyons fourbes. Je dis « Oui, Bwana » et, dès que tu as le dos tourné, j'y plante ma lame. Résistance. « Les Blancs maîtres du langage? Maîtres - malheureux d'ailleurs - de la définition, quand à partir d'un point choisi par eux et qu'ils nomment Occident, ils sectionnent tout le reste du monde en Proche-Orient, Orient, Extrême-Orient. » C'est Jean Genet, notre frère - leur ennemi déclaré -, qui écrivait cela. Impuissant, comme nous, à briser des mots justes avec des mots. Le langage, la pensée, la « science » leur appartiennent. Aucune vérité n'est vraie sans le bâton qui va avec. Pour les mots, on utilisera des mots venimeux. Mais comment nous débarrasser complètement des catégories du monde blanc qui nous submergent? Genet, encore : «Tout jeune Noir américain qui écrit se cherche et s'éprouve et quelque fois, au centre de lui-même, en son propre cœur, rencontre un Blanc qu'il doit anéantir. » Stokely Carmichael, le fondateur du Black Power, ne dit pas autre chose: « II nous faudra combattre pour avoir le droit d'inventer les termes qui nous permettront de nous définir et de définir nos rapports avec la société, et il nous faudra lutter pour les faire accepter. Tel est le premier besoin d'un peuple libre; et c'est aussi le premier droit que refuse tout oppresseur. » Comment penser en dehors d'eux?
Personnellement, je n'en sais rien. Je suppose que ce n'est qu'à travers nos luttes - contre les institutions qui fabriquent les mots - que nous pourrons produire nos propres catégories. Pas dans une bibliothèque. Ou pas que. Ce livre, en tout cas, n'est pas libre. Une tentative d'évasion, tout au plus. J'aime le prisonnier qui, muni d’une simple cuillère en aluminium, n’en finit pas de creuser des galeries. Lui non plus n’existe pas. Ou plutôt, il existe quand il creuse. Creusons !
Ma cuillère à moi, c'est le Mouvement des Indigènes de la République. Il m'a dit que j’existais et, avec d'autres, je transmets le message. Les pages qui suivent ont donc pour objet de dire que nous existons. Elles balbutient. « Le balbutiement en la circonstance est précieux car il nous éloigne des certitudes raides et mécaniques. » A travers l'analyse, balbutiante donc, du lacis des rapports de forces raciaux qui se sont noués depuis quelques décennies pour aboutir à la révolte de novembre 2005 et à l'élection de Sarkozy, ce livre dit que nous existons depuis une multitude de temps. Que le marronnage et les insurrections dans 1'Amérique esclavagiste, les soulèvements et les guerres de nos ancêtres colonisés, les manifestations, les grèves, les émeutes des immigrés et de leurs enfants sont l'une des vérités de leur existence. Et de la nôtre. Ceux d'Avant ont changé le monde comme le monde les avait changés; ils ont changé la France comme la France les avait changés. Partout, dans la France d'aujourd'hui, leur existence est visible, même si leurs corps ont disparu depuis longtemps, même si la République brouille les regards et prétend que cette existence n'est qu'une illusion d'optique. La France, dit la France, a toujours été la France et sera toujours la France. On ne sait pas trop quel numéro choisir pour de nouvelles lunettes, qu'importe! Brisons, donc, les verres déformants que la République nous fiche sur les naseaux et regardons nous-mêmes.
Nous verrons que Ceux d'Avant ont existé et qu'ils continuent d'exister. Le « devoir de mémoire », ce n'est pas juste dire qu'ils et qu'ils ont souffert, exposer les routes qu’ils ont construites et pleurer sur leurs traditions perdues. Ce n'est pas seulement demander qu'ils aient droit à quelques lignes dans les manuels scolaires, 0,7 cm2 plutôt que 0,46 cm2 de papier blanc et éventuellement une petite photo. Encore moins faire un musée à Vincennes. C'est affirmer leur existence politique. Faire le récit de leurs luttes et de leurs résistances et de l’apprendre par cœur, c'est déjà pas mal, mais ce n’est qu’un récit. Il faut affirmer l'efficace politique de leurs luttes et de leurs résistances, montrer que Ceux d’Avant n'ont pas seulement fabriqué des voitures mais également des rapports de forces politiques qui se sont cristallisés dans les institutions, les modes de pensée, les relations sociales, qui agissent continûment dans les rapports de forces politiques d'aujourd’hui, qui bougent et se métamorphosent sous nos yeux et transforment la société où nous vivons. Redonner vie à Ceux d'Avant, c'est bien sûr se couler dans leurs luttes, les poursuivre – les suivre et les prolonger -, démentir leur inexistence et la nôtre. Non pas pour ouvrir enfin les yeux des Blancs, mais pour fermer définitivement les yeux de la suprématie blanche. Redonner vie à Ceux d'Avant, c'est notre émancipation.
Ce livre est simplement un acte d’existence. C'est-à-dire de Dignité.
Sadri Khiari
Extrait de son livre : « La contre-révolution coloniale en France : De de Gaulle à Sarkozy », La fabrique éditions, 2009, pages 9-18.
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Indigènes de la République
L'«homme blanc hétérosexuel» toujours privilégié en France
AFP 10 avril 2014 à 17:30
Accès au logement et à l'emploi, écarts de rémunération... l'Insee a compilé plusieurs études qui démontrent qu'en France, les discriminations en fonction du sexe, de l'origine, de la sexualité ou de l'état de santé «se portent bien».
Deux ans d’attente en plus pour un logement social pour un non-Européen, 6% de salaire en moins pour un homosexuel, plus de deux millions de malades et handicapés qui se sentent stigmatisés : les discriminations «se portent bien en France», selon des experts. L’Insee a compilé onze études sur l’influence du sexe, de l’origine, de l’orientation sexuelle ou de l’état de santé sur les inégalités, dans sa revue Economie et statistique parue jeudi, un fait inédit pour l’institut de la statistique.
En matière de logement social, une étude relève une différence «d’environ deux ans entre les durées moyennes d’accès» pour «les ménages d’origine non européenne et pour les ménages d’origine européenne, en faveur de ces derniers». Si une part de cet écart peut s’expliquer par des facteurs comme les impératifs de mixité des bailleurs sociaux ou une meilleure connaissance du système par les Européens, 40% des cas restent inexpliqués et sans doute le fait d’une discrimination.
Une autre enquête note que les hommes vivant avec un «ami» de même sexe ont un salaire environ 6% plus faible que leurs homologues en couple hétérosexuel, à caractéristiques identiques. En matière d’accès à l’emploi, les chercheurs constatent aussi 40% de chances en moins à CV identique, pour un candidat issu de l’immigration. Et même une fois sur le marché du travail, les minorités visibles sont moins souvent à des postes en contact avec le public, le facteur linguistique n’expliquant pas tout.
Les chercheurs se sont aussi intéressés aux inégalités de salaires hommes-femmes, de l’ordre 25%. Hors effet du temps de travail, du secteur d’activité... L’écart «inexpliqué» reste de 7 à 9%, disent-ils. Sous l’encadrement d’une femme, ces écarts se réduisent (jusqu’à 85%) mais l’ensemble des salariés touchent entre 2,5 et 4% de moins que sous l’autorité d’un homme.
«Action publique insuffisante»
Du côté des personnes en situation de handicap ou ayant des problèmes de santé, 2,4 millions d’entre elles disent avoir été «victimes de comportements stigmatisants» : moqueries, injustices ou encore mises à l’écart.
Certains des auteurs de ces études ont saisi l’occasion de cette publication pour dénoncer dans une tribune l'«insuffisance de l’action publique», surtout en ce qui concerne les discriminations liées à l’origine ethnique. «Les discriminations se portent bien en France», regrettent ces six chercheurs, notant que certains profils restent privilégiés : «les hommes blancs, hétérosexuels entre 30 et 50 ans».
Ils reconnaissent toutefois que la mobilisation des pouvoirs publics s’est traduite par «d’importantes avancées» dans le champ du handicap et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais ils déplorent l’absence «de politique spécifique pour lutter contre les inégalités dues à l’origine» et une «insuffisance de l’action publique».
En février, le gouvernement avait publié une «feuille de route» pour l’intégration des immigrés et la lutte contre les discriminations, qui ne comprenait aucune annonce spectaculaire, ni moyen supplémentaire. Ce plan d’action se contentait de préconiser de renforcer la formation des agents publics (enseignants, conseillers d’orientation, agents de Pôle emploi, inspecteurs du travail).
Le recueil d’études de l’Insee est paru le jour même du décès du Défenseur des droits Dominique Baudis, qui avait repris en 2011, les missions de la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde). L’originalité de l’ouvrage est de compiler des études utilisant les trois grandes méthodes de recensement des discriminations : la première dite «indirecte», mesure un écart entre deux populations et la part qui ne s’explique pas par des critères objectifs (origine sociale, niveau d’éducation...). Le seconde, dite «expérimentale», repose sur du «testing». Et la dernière, «subjective», se fonde sur le ressenti des interviewés.
AFP
http://www.liberation.fr/societe/2014/04/10/l-homme-blanc-heterosexuel-toujours-privilegie-en-france_994690
AFP 10 avril 2014 à 17:30
Accès au logement et à l'emploi, écarts de rémunération... l'Insee a compilé plusieurs études qui démontrent qu'en France, les discriminations en fonction du sexe, de l'origine, de la sexualité ou de l'état de santé «se portent bien».
Deux ans d’attente en plus pour un logement social pour un non-Européen, 6% de salaire en moins pour un homosexuel, plus de deux millions de malades et handicapés qui se sentent stigmatisés : les discriminations «se portent bien en France», selon des experts. L’Insee a compilé onze études sur l’influence du sexe, de l’origine, de l’orientation sexuelle ou de l’état de santé sur les inégalités, dans sa revue Economie et statistique parue jeudi, un fait inédit pour l’institut de la statistique.
En matière de logement social, une étude relève une différence «d’environ deux ans entre les durées moyennes d’accès» pour «les ménages d’origine non européenne et pour les ménages d’origine européenne, en faveur de ces derniers». Si une part de cet écart peut s’expliquer par des facteurs comme les impératifs de mixité des bailleurs sociaux ou une meilleure connaissance du système par les Européens, 40% des cas restent inexpliqués et sans doute le fait d’une discrimination.
Une autre enquête note que les hommes vivant avec un «ami» de même sexe ont un salaire environ 6% plus faible que leurs homologues en couple hétérosexuel, à caractéristiques identiques. En matière d’accès à l’emploi, les chercheurs constatent aussi 40% de chances en moins à CV identique, pour un candidat issu de l’immigration. Et même une fois sur le marché du travail, les minorités visibles sont moins souvent à des postes en contact avec le public, le facteur linguistique n’expliquant pas tout.
Les chercheurs se sont aussi intéressés aux inégalités de salaires hommes-femmes, de l’ordre 25%. Hors effet du temps de travail, du secteur d’activité... L’écart «inexpliqué» reste de 7 à 9%, disent-ils. Sous l’encadrement d’une femme, ces écarts se réduisent (jusqu’à 85%) mais l’ensemble des salariés touchent entre 2,5 et 4% de moins que sous l’autorité d’un homme.
«Action publique insuffisante»
Du côté des personnes en situation de handicap ou ayant des problèmes de santé, 2,4 millions d’entre elles disent avoir été «victimes de comportements stigmatisants» : moqueries, injustices ou encore mises à l’écart.
Certains des auteurs de ces études ont saisi l’occasion de cette publication pour dénoncer dans une tribune l'«insuffisance de l’action publique», surtout en ce qui concerne les discriminations liées à l’origine ethnique. «Les discriminations se portent bien en France», regrettent ces six chercheurs, notant que certains profils restent privilégiés : «les hommes blancs, hétérosexuels entre 30 et 50 ans».
Ils reconnaissent toutefois que la mobilisation des pouvoirs publics s’est traduite par «d’importantes avancées» dans le champ du handicap et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais ils déplorent l’absence «de politique spécifique pour lutter contre les inégalités dues à l’origine» et une «insuffisance de l’action publique».
En février, le gouvernement avait publié une «feuille de route» pour l’intégration des immigrés et la lutte contre les discriminations, qui ne comprenait aucune annonce spectaculaire, ni moyen supplémentaire. Ce plan d’action se contentait de préconiser de renforcer la formation des agents publics (enseignants, conseillers d’orientation, agents de Pôle emploi, inspecteurs du travail).
Le recueil d’études de l’Insee est paru le jour même du décès du Défenseur des droits Dominique Baudis, qui avait repris en 2011, les missions de la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde). L’originalité de l’ouvrage est de compiler des études utilisant les trois grandes méthodes de recensement des discriminations : la première dite «indirecte», mesure un écart entre deux populations et la part qui ne s’explique pas par des critères objectifs (origine sociale, niveau d’éducation...). Le seconde, dite «expérimentale», repose sur du «testing». Et la dernière, «subjective», se fonde sur le ressenti des interviewés.
AFP
http://www.liberation.fr/societe/2014/04/10/l-homme-blanc-heterosexuel-toujours-privilegie-en-france_994690
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Indigènes de la République
ce qui montre bien la nature profondément petite bourgeoise du pir, c'est préciément de montrer que la divergence de caste (qui regroupe également les différences d'origine ethnique) existe indépendemment de la classe sociale (alors que les deux choses s'articulent)
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Re: Indigènes de la République
La réponse Sadri Khiari à ceux qui ne supportent pas que les indigènes s'organisent politiquement et indépendamment contre les privilèges des blancs :
https://www.youtube.com/watch?v=IymdOZ0Kai0
https://www.youtube.com/watch?v=IymdOZ0Kai0
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Indigènes de la République
Cela, c'est Sadri Khiari face A, s'exprimant devant quelques dizaines d'universitaires plus ou moins marxistes ou anarchistes. Mais il faut écouter aussi la face B : Sadri Khiari traçant des perspectives lors d'un meeting à Bagnolet. Les principes politiques qui y sont présentés ne sont pas vraiment les mêmes.MO2014 a écrit:La réponse Sadri Khiari à ceux qui ne supportent pas que les indigènes s'organisent politiquement et indépendamment contre les privilèges des blancs
Prado- Messages : 1274
Date d'inscription : 02/09/2011
Re: Indigènes de la République
Les millions de pauvres en France apprécieront à sa juste mesure les propos éclairants de MO2014 : de bénéficier du privilège de vivre avec quelques euros chaque jour. Mon pauvre MO2014 ... Quand les "races" effacent les classes, on finit par dire des conneries sans borne.MO2014 a écrit:La réponse Sadri Khiari à ceux qui ne supportent pas que les indigènes s'organisent politiquement et indépendamment contre les privilèges des blancs :
https://www.youtube.com/watch?v=IymdOZ0Kai0
Eugene Duhring- Messages : 1705
Date d'inscription : 22/09/2011
Re: Indigènes de la République
Il faut faire un effort pour sortir de son moule.
Je crois que MO2014, lorsqu'il parle de "privilèges des blancs",
ne parle pas que des privilèges matériels, qu'ils sont loin de tous partager, en effet,
mais des privilèges symboliques,
de ce qui fait la différence entre colonisé et colonisateur,
et qui subsiste largement, longtemps après la défaite des colonisateurs.
Par ailleurs, je conseille cette video
où Rokhaya Diallo vient de démonter les arguments paléolitiques
de JL Amselle contre l'expression des minorités opprimées
ALTER-EGAUX : le Racisme qui vient... por Mediapart
Je crois que MO2014, lorsqu'il parle de "privilèges des blancs",
ne parle pas que des privilèges matériels, qu'ils sont loin de tous partager, en effet,
mais des privilèges symboliques,
de ce qui fait la différence entre colonisé et colonisateur,
et qui subsiste largement, longtemps après la défaite des colonisateurs.
Par ailleurs, je conseille cette video
où Rokhaya Diallo vient de démonter les arguments paléolitiques
de JL Amselle contre l'expression des minorités opprimées
ALTER-EGAUX : le Racisme qui vient... por Mediapart
Dernière édition par Roseau le Sam 6 Déc - 23:27, édité 2 fois
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Indigènes de la République
Eugene Duhring a écrit:Les millions de pauvres en France apprécieront à sa juste mesure les propos éclairants de MO2014 : de bénéficier du privilège de vivre avec quelques euros chaque jour. Mon pauvre MO2014 ... Quand les "races" effacent les classes, on finit par dire des conneries sans borne.MO2014 a écrit:La réponse Sadri Khiari à ceux qui ne supportent pas que les indigènes s'organisent politiquement et indépendamment contre les privilèges des blancs :
https://www.youtube.com/watch?v=IymdOZ0Kai0
Pour sa part, Sadri Khiari a introduit la notion d'indigénisation d'une partie de la population non indigène : "Leurs privilèges en tant que Français et Blancs s’effacent relativement face à ce que l’on peut appeler une indigénisation tendancielle."
http://indigenes-republique.fr/les-blancs-indigenises-des-cites-populaires/
(extrait du livre La contre-révolution coloniale en France).Sadri Khiari a écrit:Enracinées dans une même condition sociale, un même sentiment de relégation, un même contrôle institutionnel, notamment policier, une même extériorité par rapport au champ politique et aux mécanismes décisionnels, une conscience commune et des solidarités puissantes se construisent entre jeunes Blancs – ou ceux que la précarité économique maintient durablement dans un entre-deux-âges social – et indigènes.
Ensemble, également, ils subissent les vieux stéréotypes associés aux « classes dangereuses » du XIXe siècle, tellement analogues aux représentations raciales du « sauvage » des colonies. Et si les indigènes sont stigmatisés, en sus, parce qu’ils sont indigènes, les jeunes Blancs des cités pâtissent de leur propre proximité sociale, culturelle, affinitaire, aux « sauvages » proprement dit, ces descendants de colonisés auxquels ils sont souvent assimilés. Leurs privilèges en tant que Français et Blancs s’effacent relativement face à ce que l’on peut appeler une indigénisation tendancielle. Le Noir déteint sur le Blanc – j’aurais pu dire l’Arabe ou le musulman, bien sûr.
Prado- Messages : 1274
Date d'inscription : 02/09/2011
Re: Indigènes de la République
Pour en être certain, il faudrait commencer par lire les hadits. Or certains auteurs en ont recensé plus de sept cent mille, qui sont plus ou moins véridiques (les premiers recueils ont presque tous été établis plus de 150 ans après la mort de Mahomet) et qui doivent être comparés et interprétés. Les différents courants de l'islam se distinguent notamment par les hadiths auxquels ils se réfèrent. Daesh a sans doute les siens. Sur le wahhabisme et les hadiths, on peut se faire une idée de la complexité de la question en écoutant cette video d'Islam Ibn Ahmad, un jeune érudit algérien établi en France, qui a rompu avec le wahhabisme :Toussaint a écrit:
On ne tirera jamais de textes de Marx ou Lénine les saletés débitées sur ce forum et ailleurs contre les musulmans et surtout les musulmanes. Pas plus qu'on ne tirerait sérieusement Daesh de la lecture des Hadith. Pas plus qu'on ne tirerait les bûchers de l'Inquisition des Evangiles ou le goulag de Lénine.
Prado- Messages : 1274
Date d'inscription : 02/09/2011
Re: Indigènes de la République
J'en ai lu pas mal et ils sont suffisamment contradictoires pour tirer le contraire de tout ce qui pourrait fonder une ligne politique cohérente de type Daesh, par exemple sur les chrétiens et les juifs, ou les femmes, qui voit le prophète revenir explicitement sur certaines choses reproduites ailleurs comme si elles n'avaient pas été rectifiées. Sur la question de la temporalité la question n'est vraiment pas de savoir si même ces discours sont "vrais", on s'en tape, et les Evangiles sont aussi très éloignés de la mort supposée de JC dont par ailleurs, à ma connaissance, l'existence réelle n'a pas de preuve scientifique claire. Les textes sont toujours interprétés et ne sont jamais la base réelle des religions qui s'en réclament, ils sont sélectionnés, modifiés...
Toussaint- Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010
Re: Indigènes de la République
C'est vrai de tout texte "idéologique". Religieux, bien entendu, mais tout autant politique. Il n'y a qu'a voir l'histoire même du marxisme, qui a pu être défini comme l'ensemble des controverses sur les textes de marx et d'engels...Les textes sont toujours interprétés et ne sont jamais la base réelle des religions qui s'en réclament, ils sont sélectionnés, modifiés...
Mais ce ne sont pas des textes religieux qui servent de fondement au PIR, à ma connaissance, mais une vision d'un "mouvement autonome des population néo coloniales", ce qui n'a rien à voir (et qui ne concerne pas uniquement d'ailleurs l'islam !)
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Re: Indigènes de la République
La question raciale dans la question sociale :
La lutte contre les discriminations raciales au travail : un axe fondamental du mouvement décolonial
Après des années de déni institutionnel, d’aveuglement des instances judiciaires, des organisations patronales et, plus grave encore, des principales centrales syndicales ouvrières, la question des discriminations raciales qui concernent les travailleurs issus des migrations coloniales et postcoloniales a commencé à être reconnue depuis le milieu des années 1990.
Sous la pression de décisions prises à l’échelle européenne, des mesures législatives et des procédures diverses ont été mises en place mais il n’existe aucune volonté politique réelle d’engager les réformes profondes qu’exige le caractère systémique des inégalités raciales.
Ainsi, la loi de novembre 2001 relative aux discriminations aménage la charge de la preuve, et renforce le pouvoir des inspecteurs du travail en ce qui concerne les discriminations, reconnaissance des « discriminations indirectes » sans pour autant qu’une définition précise n’en soit donnée. La possibilité de porter plainte pour discrimination (loi L122-45 du Code du travail) se heurte aux multiples collusions entre pouvoir économique, pouvoir politique et pouvoir judiciaire. Quant à la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde) mise en place en 2004, elle n’est qu’une coquille vide, sans pouvoir réel ni désir d’agir.
Des discriminations massives qui affectent tous les domaines de l’existence
Discriminés à l’embauche, à la formation professionnelle, à l’affectation, au salaire, à l’évolution des carrières, recrutés dans des emplois déqualifiés souvent même lorsque nous avons acquis compétences et formation, premiers licenciés, précarisés, nous sommes également l’objet d’humiliations, de harcèlements, de mépris, qui ne sont pas seulement le fait de l’encadrement mais aussi parfois de nos collègues de travail blancs. Les inégalités de traitement concernent tout autant ceux qui ont des qualifications et des diplômes que ceux qui n’en ont pas. Ces discriminations sont encore plus terribles pour ceux d’entre nous qui ne sont pas français et sont privés de nombreux droits, y compris lorsqu’ils sont à la retraite, sans parler des travailleurs sans papiers contraints de vivre dans la crainte de l’expulsion, de travailler dans la précarité la plus grande, sans aucune protection, face à des patrons qui profitent de leur détresse pour leur imposer des conditions proches de l’esclavage. Les discriminations au travail se prolongent dans les multiples inégalités raciales à tous les niveaux de nos existences : au logement, à la formation, au loisir, à l’école en ce qui concerne nos enfants, face à la justice, à la police, etc. Que l’on soit français ou non, au travail comme dans la vie, être noir, arabe ou musulman, ou considérés comme tels, c’est être un indigène de la république. L’abjecte politique de la « préférence nationale » recouvre en vérité un système basé sur la préférence raciale.
Les syndicats divisent-ils la classe ouvrière ?
Pendant de très nombreuses années, nous avons espéré que la solidarité de tous les ouvriers face au patronat soit également une solidarité contre le racisme. Nous avons participé aux luttes sociales, nous avons mené de grands combats qui ont bénéficié à l’ensemble des travailleurs (une mémoire généralement occultée et qu’il nous appartient de restaurer). Mais, force est de constater que la cause anti-raciste a été marginalisée et qu’elle continue d’être considérée comme une question secondaire alors qu’elle est la condition de l’unité ouvrière qu’on invoque à longueur de temps pour délégitimer nos luttes spécifiques. Certains syndicats ont constitué des structures chargées d’enquêter sur les discriminations raciales, mené quelques campagnes de dénonciation du racisme ou se sont prononcés officiellement contre les nouvelles lois discriminatoires adoptées par le Parlement, notamment en ce qui concerne les sans papiers, mais si dans telle ou telle entreprise des combats ont effectivement été menés contre les discriminations raciales, les principales organisations syndicales refusent d’en faire un de leurs axes fondamentaux d’intervention. Bien trop souvent, ils considèrent que le racisme au travail se réduirait « seulement » aux comportements répréhensibles de quelques patrons ou chefs racistes. Que de fois n’avons-nous pas entendu dire que nous serions parano et même que, d’une certaine manière, nous serions responsables du racisme parce qu’« inadaptés» à la société « civilisée », trop attachés à nos « particularismes » voire « communautaristes ». Il faut le reconnaître, les syndicalistes comme les autres travailleurs blancs ne sont pas à l’abri d’un racisme qui traverse l’ensemble de la société et qui va, hélas, en s’aggravant, comme l’ont montré les dernières élections présidentielles. Comment expliquer sinon la très faible représentation des travailleurs indigènes dans les syndicats et dans les instances syndicales ? Comment expliquer les réticences des organisations syndicales à présenter leur candidature aux Prud’hommes ? Ils ne se syndiquent pas assez, nous dit-on. Et cela est vrai. Mais s’ils ne se syndiquent pas assez, comme du reste l’ensemble des travailleurs, c’est parce que leurs revendications spécifiques ne sont pas vraiment prises en compte par les syndicats et qu’ils ne peuvent se sentir représentés par des syndicats où les travailleurs issus des anciennes colonies ont les plus grandes difficultés à accéder à des responsabilités syndicales. Qu’on le veuille ou non, nous ne sommes pas considérés comme des militants comme les autres. Dans les syndicats, nous sommes aussi des indigènes de la république. Et de même qu’il faut décoloniser la République, il faut décoloniser les syndicats ! Il est impératif que les travailleurs directement concernés par les discriminations raciales s’unissent et prennent en mains leurs propres luttes dans les syndicats mais aussi en constituant des espaces de lutte autonome de travailleurs indigènes dans les entreprises où ce serait la seule possibilité de faire avancer notre combat.
Cet article est paru dans le n°8 (juin-juillet 07) de « L’Indigène de la république »
http://indigenes-republique.fr/la-lutte-contre-les-discriminations-raciales-au-travail-un-axe-fondamental-du-mouvement-decolonial/
La lutte contre les discriminations raciales au travail : un axe fondamental du mouvement décolonial
Après des années de déni institutionnel, d’aveuglement des instances judiciaires, des organisations patronales et, plus grave encore, des principales centrales syndicales ouvrières, la question des discriminations raciales qui concernent les travailleurs issus des migrations coloniales et postcoloniales a commencé à être reconnue depuis le milieu des années 1990.
Sous la pression de décisions prises à l’échelle européenne, des mesures législatives et des procédures diverses ont été mises en place mais il n’existe aucune volonté politique réelle d’engager les réformes profondes qu’exige le caractère systémique des inégalités raciales.
Ainsi, la loi de novembre 2001 relative aux discriminations aménage la charge de la preuve, et renforce le pouvoir des inspecteurs du travail en ce qui concerne les discriminations, reconnaissance des « discriminations indirectes » sans pour autant qu’une définition précise n’en soit donnée. La possibilité de porter plainte pour discrimination (loi L122-45 du Code du travail) se heurte aux multiples collusions entre pouvoir économique, pouvoir politique et pouvoir judiciaire. Quant à la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde) mise en place en 2004, elle n’est qu’une coquille vide, sans pouvoir réel ni désir d’agir.
Des discriminations massives qui affectent tous les domaines de l’existence
Discriminés à l’embauche, à la formation professionnelle, à l’affectation, au salaire, à l’évolution des carrières, recrutés dans des emplois déqualifiés souvent même lorsque nous avons acquis compétences et formation, premiers licenciés, précarisés, nous sommes également l’objet d’humiliations, de harcèlements, de mépris, qui ne sont pas seulement le fait de l’encadrement mais aussi parfois de nos collègues de travail blancs. Les inégalités de traitement concernent tout autant ceux qui ont des qualifications et des diplômes que ceux qui n’en ont pas. Ces discriminations sont encore plus terribles pour ceux d’entre nous qui ne sont pas français et sont privés de nombreux droits, y compris lorsqu’ils sont à la retraite, sans parler des travailleurs sans papiers contraints de vivre dans la crainte de l’expulsion, de travailler dans la précarité la plus grande, sans aucune protection, face à des patrons qui profitent de leur détresse pour leur imposer des conditions proches de l’esclavage. Les discriminations au travail se prolongent dans les multiples inégalités raciales à tous les niveaux de nos existences : au logement, à la formation, au loisir, à l’école en ce qui concerne nos enfants, face à la justice, à la police, etc. Que l’on soit français ou non, au travail comme dans la vie, être noir, arabe ou musulman, ou considérés comme tels, c’est être un indigène de la république. L’abjecte politique de la « préférence nationale » recouvre en vérité un système basé sur la préférence raciale.
Les syndicats divisent-ils la classe ouvrière ?
Pendant de très nombreuses années, nous avons espéré que la solidarité de tous les ouvriers face au patronat soit également une solidarité contre le racisme. Nous avons participé aux luttes sociales, nous avons mené de grands combats qui ont bénéficié à l’ensemble des travailleurs (une mémoire généralement occultée et qu’il nous appartient de restaurer). Mais, force est de constater que la cause anti-raciste a été marginalisée et qu’elle continue d’être considérée comme une question secondaire alors qu’elle est la condition de l’unité ouvrière qu’on invoque à longueur de temps pour délégitimer nos luttes spécifiques. Certains syndicats ont constitué des structures chargées d’enquêter sur les discriminations raciales, mené quelques campagnes de dénonciation du racisme ou se sont prononcés officiellement contre les nouvelles lois discriminatoires adoptées par le Parlement, notamment en ce qui concerne les sans papiers, mais si dans telle ou telle entreprise des combats ont effectivement été menés contre les discriminations raciales, les principales organisations syndicales refusent d’en faire un de leurs axes fondamentaux d’intervention. Bien trop souvent, ils considèrent que le racisme au travail se réduirait « seulement » aux comportements répréhensibles de quelques patrons ou chefs racistes. Que de fois n’avons-nous pas entendu dire que nous serions parano et même que, d’une certaine manière, nous serions responsables du racisme parce qu’« inadaptés» à la société « civilisée », trop attachés à nos « particularismes » voire « communautaristes ». Il faut le reconnaître, les syndicalistes comme les autres travailleurs blancs ne sont pas à l’abri d’un racisme qui traverse l’ensemble de la société et qui va, hélas, en s’aggravant, comme l’ont montré les dernières élections présidentielles. Comment expliquer sinon la très faible représentation des travailleurs indigènes dans les syndicats et dans les instances syndicales ? Comment expliquer les réticences des organisations syndicales à présenter leur candidature aux Prud’hommes ? Ils ne se syndiquent pas assez, nous dit-on. Et cela est vrai. Mais s’ils ne se syndiquent pas assez, comme du reste l’ensemble des travailleurs, c’est parce que leurs revendications spécifiques ne sont pas vraiment prises en compte par les syndicats et qu’ils ne peuvent se sentir représentés par des syndicats où les travailleurs issus des anciennes colonies ont les plus grandes difficultés à accéder à des responsabilités syndicales. Qu’on le veuille ou non, nous ne sommes pas considérés comme des militants comme les autres. Dans les syndicats, nous sommes aussi des indigènes de la république. Et de même qu’il faut décoloniser la République, il faut décoloniser les syndicats ! Il est impératif que les travailleurs directement concernés par les discriminations raciales s’unissent et prennent en mains leurs propres luttes dans les syndicats mais aussi en constituant des espaces de lutte autonome de travailleurs indigènes dans les entreprises où ce serait la seule possibilité de faire avancer notre combat.
Cet article est paru dans le n°8 (juin-juillet 07) de « L’Indigène de la république »
http://indigenes-republique.fr/la-lutte-contre-les-discriminations-raciales-au-travail-un-axe-fondamental-du-mouvement-decolonial/
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Indigènes de la République
On Wednesday, after the announcement that NYPD Officer Daniel Pantaleo would not be indicted for killing Eric Garner, the NAACP's Legal Defense Fund Twitter posted a series of tweets naming 76 men and women who were killed in police custody since the 1999 death of Amadou Diallo in New York. Starting with the most recent death, what follows are more detailed accounts of many of those included in the Legal Defense Fund's tweets.
http://gawker.com/unarmed-people-of-color-killed-by-police-1999-2014-1666672349
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Indigènes de la République
Cadeau
Sainte Caroline contre Tariq Ramadan, le livre de Sadri Khiari en téléchargement gratuit
Le livre qui met un point final à Caroline Fourest !
Avec l’aimable autorisation des Editions La Revanche et de l’auteur, nous mettons à votre disposition « Sainte Caroline contre Tariq Ramadan, le livre qui met un point final à Caroline Fourest ! ».
http://indigenes-republique.fr/download/sainte-caroline-contre-tariq-ramadan/ (1003 téléchargements)
Sainte Caroline contre Tariq Ramadan, le livre de Sadri Khiari en téléchargement gratuit
Le livre qui met un point final à Caroline Fourest !
Avec l’aimable autorisation des Editions La Revanche et de l’auteur, nous mettons à votre disposition « Sainte Caroline contre Tariq Ramadan, le livre qui met un point final à Caroline Fourest ! ».
http://indigenes-republique.fr/download/sainte-caroline-contre-tariq-ramadan/ (1003 téléchargements)
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Indigènes de la République
Appel urgent : Plus aucun mineur dans les rues de Paris !
Publié le 22 décembre 2014 par Collectif du 172 boulevard de la Villette
Nous, jeunes réfugiés, âgés entre 12 et 17 ans, sommes depuis deux mois livrés à nous-mêmes dans les rues de Paris. Originaires de divers pays d’Afrique, nous vivons et dormons dans la rue, en cette période de grand froid. Pour faire face à cette épreuve, nous avons décidé de nous regrouper. Ainsi, nous dormons ensemble le long du boulevard de la Villette dans le 19e arrondissement.
L’Etat refuse de nous reconnaître pour ceux que nous sommes, à savoir des mineurs isolés en danger, allant cyniquement jusqu’à nous soupçonner de mentir sur notre âge. Pour l’heure, nous ne bénéficions d’aucun droit fondamental à notre survie et à notre sécurité.
La seule option qui nous est proposée est de faire la queue à la Permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers (Paomie) pour espérer obtenir une improbable place d’hôtel réservée pour 25 personnes alors que nous sommes plus de 100 à être confrontées à cette situation d’extrême précarité..
Dans ce calvaire, nous avons rencontré des personnes et des associations qui nous soutiennent ( en nous apportant de la nourriture, des vêtements chauds…). Ensemble, nous avons convenu d’une chose : cette situation ne peut plus durer !
En l’absence d’une autre solution, nous avons décidé de trouver par nous-mêmes un refuge en investissant un gymnase, ce dimanche 21 décembre, au 116, quai de Jemmapes – 75010 Paris (Métro Jaurès, Louis Blanc).
Par cette action, nous exigeons que l’État assume ses responsabilités et revendiquons notre droit d’être pris en charge, comme la loi l’impose dans le cadre de la protection des mineurs.
Afin de rendre efficace cette initiative, nous appelons tout le monde à venir nous rencontrer et à nous soutenir. Nous avons besoin de volontaires pour assurer des permanences de jour comme de nuit à nos côtés. Seuls, nous ne pourrons faire entendre raison aux autorités compétentes qui préfèrent ignorer la réalité de notre situation, et n’éprouve aucun scrupule à passer les fêtes de Noël au chaud, pendant que des enfants, dont ils devraient avoir la charge, crèvent de froid et de faim sous leurs fenêtres.
Nous avons besoin de votre aide à tous. Nous continuons à manquer cruellement de vêtements chauds (manteaux, écharpes, gants, pulls) et de couvertures, de serviettes, de nourriture, de repas chauds…
Pour réussir à obtenir une solution d’hébergement, rejoignez-nous en toute urgence dès lundi matin devant le gymnase au 116, quai de Jemmapes – 75010 Paris (Métro Jaurès, Louis Blanc).
Nous le disons haut et fort : quand l’État manque à ses responsabilités les plus élémentaires, nous sommes en droit de les lui rappeler en employant tous les moyens à notre disposition !
Amis, frères et sœurs, nous comptons sur votre soutien.
Collectif du 172 boulevard de la Villette
http://indigenes-republique.fr/appel-urgent-plus-aucun-mineur-dans-les-rues-de-paris/
Publié le 22 décembre 2014 par Collectif du 172 boulevard de la Villette
Nous, jeunes réfugiés, âgés entre 12 et 17 ans, sommes depuis deux mois livrés à nous-mêmes dans les rues de Paris. Originaires de divers pays d’Afrique, nous vivons et dormons dans la rue, en cette période de grand froid. Pour faire face à cette épreuve, nous avons décidé de nous regrouper. Ainsi, nous dormons ensemble le long du boulevard de la Villette dans le 19e arrondissement.
L’Etat refuse de nous reconnaître pour ceux que nous sommes, à savoir des mineurs isolés en danger, allant cyniquement jusqu’à nous soupçonner de mentir sur notre âge. Pour l’heure, nous ne bénéficions d’aucun droit fondamental à notre survie et à notre sécurité.
La seule option qui nous est proposée est de faire la queue à la Permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers (Paomie) pour espérer obtenir une improbable place d’hôtel réservée pour 25 personnes alors que nous sommes plus de 100 à être confrontées à cette situation d’extrême précarité..
Dans ce calvaire, nous avons rencontré des personnes et des associations qui nous soutiennent ( en nous apportant de la nourriture, des vêtements chauds…). Ensemble, nous avons convenu d’une chose : cette situation ne peut plus durer !
En l’absence d’une autre solution, nous avons décidé de trouver par nous-mêmes un refuge en investissant un gymnase, ce dimanche 21 décembre, au 116, quai de Jemmapes – 75010 Paris (Métro Jaurès, Louis Blanc).
Par cette action, nous exigeons que l’État assume ses responsabilités et revendiquons notre droit d’être pris en charge, comme la loi l’impose dans le cadre de la protection des mineurs.
Afin de rendre efficace cette initiative, nous appelons tout le monde à venir nous rencontrer et à nous soutenir. Nous avons besoin de volontaires pour assurer des permanences de jour comme de nuit à nos côtés. Seuls, nous ne pourrons faire entendre raison aux autorités compétentes qui préfèrent ignorer la réalité de notre situation, et n’éprouve aucun scrupule à passer les fêtes de Noël au chaud, pendant que des enfants, dont ils devraient avoir la charge, crèvent de froid et de faim sous leurs fenêtres.
Nous avons besoin de votre aide à tous. Nous continuons à manquer cruellement de vêtements chauds (manteaux, écharpes, gants, pulls) et de couvertures, de serviettes, de nourriture, de repas chauds…
Pour réussir à obtenir une solution d’hébergement, rejoignez-nous en toute urgence dès lundi matin devant le gymnase au 116, quai de Jemmapes – 75010 Paris (Métro Jaurès, Louis Blanc).
Nous le disons haut et fort : quand l’État manque à ses responsabilités les plus élémentaires, nous sommes en droit de les lui rappeler en employant tous les moyens à notre disposition !
Amis, frères et sœurs, nous comptons sur votre soutien.
Collectif du 172 boulevard de la Villette
http://indigenes-republique.fr/appel-urgent-plus-aucun-mineur-dans-les-rues-de-paris/
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Indigènes de la République
La reconnaissance de la Palestine, le BDS et la survie d’Israël
Publié le 26 décembre 2014 par Joseph Massad
Les horreurs que le gouvernement Netanyahu inflige au peuple palestinien démasquent l’effroyable réalité que les libéraux israéliens tentent depuis des décennies de dissimuler.
Que se passe-t-il dans les parlements européens ? Au cours du dernier mois et demi, la Chambre des Communes britannique, les parlements espagnols, français, portugais et irlandais ont tous reconnus le « droit » éternel d’Israël à être un État raciste par une reconnaissance, dont on fait grand cas, d’un supposé État palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, régions de la Palestine qu’Israël a occupées en 1967.
Ces initiatives ont succédé à l’exemple du nouveau gouvernement centre gauche de la Suède qui a décidé, peu après son entrée en fonction, de « reconnaître l’État de Palestine », dans le cadre de la « solution à deux États ».
Comme il n’existe aucun État palestinien à reconnaître au sein des frontières de 1967, ni d’aucune autre, ces initiatives politiques sont destinées à éviter la mort de la solution à deux États, dont l’illusion a assuré, pendant des décennies, la survie d’Israël en tant qu’État juif raciste. Ces résolutions parlementaires visent en réalité à imposer, de facto, les conditions qui empêcheront l’effondrement d’Israël et son remplacement par un État qui garantisse des droits égaux à tous ses citoyens et ne se fonde pas sur des privilèges coloniaux et raciaux.
Contrairement au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, lequel croit pouvoir obliger le monde à reconnaître, de jure, un plus grand Israël raciste annexant les territoires qu’Israël a occupé en 1967, les parlements européens insistent sur le fait qu’ils ne font que garantir la survie d’Israël, en tant qu’État raciste, qu’au sein des frontières de 1948 et sur toutes les nouvelles terres des territoires de 1967 que l’Autorité palestinienne (AP) – collaborant avec Israël – accepte de concéder sous la forme d’« échanges de territoires ».
Le parlement du Danemark et le Parlement européen lui-même sont les derniers organismes à envisager des votes garantissant la survie d’Israël dans sa forme actuelle dans les frontières de 1948 seulement. Même la Suisse neutre a accepté, à la demande de l’AP, d’accueillir une réunion des signataires de la Quatrième Convention de Genève pour discuter de la seule occupation israélienne de 1967. Comme on pouvait s’y attendre, en plus des colonies juives, les grandes colonies de peuplement dans le monde – les États-Unis, le Canada et l’Australie – se sont opposées à la réunion et n’y participeront pas.
Ces initiatives se déroulent alors que le soutien international au mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), initié par les Palestiniens, connaît une évolution accélérée en direction du grand public aux États-Unis et en Europe occidentale. Parmi les associations universitaires qui appellent au soutien de BDS : l’Association des études asiatiques et américaines (AAAS), l’Association des études amérindiennes et indigènes (NAISA), l’Association des études américaines (ASA) et l’Association des anthropologues américains (AAA) (qui vient par son vote de rejeter une résolution anti-BDS).
Une exception, MESA, Association des études moyen-orientales, dont les membres ont récemment voté pour se donner le droit de débattre du BDS, et dans le processus, ils ont accordé bien involontairement une année pleine aux sionistes pour faire pression et préparer le rejet d’une résolution BDS que les membres auraient pu être amenés à voter l’année prochaine.
Même le Centre universitaire d’études de Palestine à Columbia – qui avait refusé avec insistance en avril 2011 d’accueillir et parrainer une conférence et une dédicace par Omar Barghouti, et avait accueilli à la place un orateur, le 4 avril 2013 (une conférence fermée, sur invitation uniquement), qui s’en était pris à Barghouti pour tenter de délégitimer PACBI -, même ce Centre a récemment inversé la tendance, et a invité Barghouti lui-même pour donner une conférence ce mois-ci. Barghouti est cofondateur de PACBI, la Campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël.
Que signifient toutes ces initiatives ?
Les racistes libéraux d’Israël exposés
Le contexte de ces mesures est en lien avec la récente conduite du gouvernement Netanyahu dont l’impatience met dans l’embarras les politiciens racistes libéraux d’Israël – ceux qui préfèrent une démarche plus calme mais pour atteindre les mêmes objectifs politiques racistes. La situation est devenue si insoutenable que les sionistes libéraux américains fervents, conduits par nul autre que Michael Walzer, professeur émérite à l’Institut d’étude avancée à Princeton, se sont sentis obligés d’intervenir.
Walzer, bien connu pour ses justifications de toutes les conquêtes d’Israël comme « guerres justes », et un groupe de personnalités partageant les mêmes points de vue s’appelant eux-mêmes « les universitaires pour Israël et la Palestine », ont récemment demandé au gouvernement américain d’imposer une interdiction de voyager aux politiciens israéliens de droite qui soutiennent l’annexion de ce qui reste de la Cisjordanie.
Si les gouvernements israéliens successifs ont montré une détermination inébranlable pour renforcer le droit d’Israël à être un État raciste sur toute la Palestine historique, ils l’ont fait par la ruse du « processus de paix » qu’ils s’étaient engagés à maintenir pendant les décennies à venir sans aucune résolution.
Cette stratégie a très bien fonctionné pendant les deux dernières décennies, sans pratiquement de réaction de la part de l’Autorité palestinienne, laquelle est redevable de son existence même à ce « processus » sans fin. Plus récemment, la direction politique du Hamas, particulièrement sa branche au Qatar où est basé le dirigeant du groupe Khaled Meshal, a également recherché le meilleur moyen de se joindre à ce projet.
Mais comme la politique en cours de Netanayhu est d’infliger des horreurs au peuple palestinien sur tous les territoires que contrôlent Israël – une politique qui a montré le « processus de paix » pour le simulacre qu’il a toujours été, aussi bien que pour la revendication d’Israël à être « démocratique », et comme l’un des plus frauduleux –, le consensus international que les libéraux israéliens ont construit au cours des décennies, pour protéger du monde l’horrible réalité d’Israël, se trouve affaibli, si ce n’est menacé d’un effondrement total.
Les libéraux israéliens prennent conscience que ce que Netanyahu est en train de faire constitue une menace pour l’ensemble de leur projet et pour la survie même d’Israël comme État raciste. C’est dans ce contexte que les parlements européens se sont précipités au secours des libéraux d’Israël en leur garantissant la survie d’Israël dans sa forme raciste par la reconnaissance d’un État palestinien qui est inexistant « dans les frontières de 1967 ».
C’est aussi dans ce même contexte que les gouvernements européens, l’an dernier, ont commencé à parler du BDS comme d’une arme possible qu’ils pourraient utiliser pour menacer le gouvernement Netanyahu s’il persistait dans son refus de « négocier » avec les Palestiniens (l’utilisation européenne de la menace BDS se limitant à une menace de boycotter uniquement les produits des colonies israéliennes dans les territoires occupés), c’est-à-dire, pour conserver l’illusion d’un « processus de paix » continuel. C’est là qu’est le dilemme pour les partisans du BDS.
BDS : un moyen ou une fin en soi ?
PACBI, basée à Ramallah, a toujours affirmé clairement que BDS est un instrument, un moyen à utiliser pour atteindre des objectifs stratégiques – à savoir la fin de l’occupation par Israël des terres palestiniennes en 1967 et depuis, la fin du racisme israélien institutionnalisé au sein des frontières de 1948 d’Israël, et le retour des réfugiés palestiniens sur leurs terres et dans leurs foyers. Ces dernières années cependant, BDS a été transformé, de moyens devenant une fin en soi. Beaucoup de ceux qui sont solidaires des Palestiniens ont commencé à articuler leurs positions en tant que positions soutenant BDS comme un objectif plutôt que comme un moyen.
Les récents votes d’organisations universitaires en sont un bon exemple. Alors que trois de ces organisations qui ont voté pour BDS ont déclaré leur soutien à la fin de l’occupation de 1967, deux seulement, NAISA et AAAS, se sont explicitement opposées à la politique raciste de l’État d’Israël contre ses propres citoyens palestiniens.
Seule, la résolution de NAISA a mis en doute les lois et les structures racistes israéliennes. ASA, par contre, n’a cité que l’occupation des territoires de 1967, pendant que l’Association du langage moderne (MLA) ne censurait Israël que pour son déni de la liberté universitaire pour les universitaires et étudiants palestiniens, sans condamner l’occupation ni le racisme de l’État israélien. La résolution de MESA ne mentionne même aucun des objectifs du BDS.
Bien que ces résolutions constituent une étape dans la bonne direction, et dans de nombreux cas, qu’elles soient le résultat de batailles longues et acharnées par des membres profondément engagés pour tous les droits palestiniens, elles ne vont pas la plupart du temps jusqu’à articuler des positions qui s’accordent avec les objectifs explicites du BDS. En effet, aucune de ces organisations ne mentionne le troisième objectif de BDS, à savoir le droit au retour des réfugiés palestiniens, qu’Israël persiste à refuser au mépris des résolutions des Nations-Unies et du droit international, afin de préserver une majorité juive dans le pays.
Comme les politiciens européens l’ont reconnu, BDS peut maintenant être utilisé comme moyen pour atteindre des finalités dont ceux qui l’ont adopté peuvent décider. Le monopole des Palestiniens sur les prises de décision, par le biais de PACBI, du Comité national de boycott et de sa détermination des objectifs du BDS, n’est pas garanti.
Différentes parties se déclarant solidaires des Palestiniens peuvent écarter, et écartent, totalement PACBI, devenant l’une seulement des nombreuses organisations internationales qui soutiennent BDS, arguant que chaque partisan de BDS peut déterminer ses propres objectifs qu’il estime appropriés. En bref, le soutien accru à BDS aux États-Unis et en Europe ne s’étend pas nécessairement à un soutien accru aux objectifs de mettre un terme au racisme israélien, à l’occupation d’Israël et à l’exil des réfugiés palestiniens, mais plutôt à un soutien à utiliser simplement le BDS comme moyen pour parvenir à ce que ceux qui l’utilisent déterminent comme le but à atteindre.
Comme je l’ai écrit et expliqué depuis la signature des Accords d’Oslo en 1993, toutes les « solutions » proposées par les gouvernements occidentaux et arabes et par les libéraux israéliens et de l’AP, pour mettre fin au soi-disant « conflit israélo-palestinien », toutes s’appuient sur la garantie de la survie d’Israël comme un État juif raciste indemne. Toutes les « solutions » qui n’offrent pas une telle garantie sont rejetées a priori comme non réalisables, non pragmatiques, et même antisémites. Les récentes tentatives visant à coopter BDS, avec cet objectif justement, sont dans la ligne de cet engagement.
Cela explique la soudaine dégradation de la menace BDS, de quelque chose d’intouchable par les responsables européens et américains et les universitaires et militants libéraux – qui ont assimilé son but ultime comme non seulement refusant de garantir la survie d’Israël en tant qu’État raciste, mais aussi visant spécifiquement au démantèlement de toutes ses structures racistes –, à quelque chose qui sera, de plus en plus sûrement, adopté par la plupart d’entre eux, car il peut désormais servir à sécuriser la survie d’Israël.
Les Palestiniens et leurs défenseurs doivent être vigilants à propos de cette cooptation du BDS, et ils doivent reconnaître qu’avec la réalisation d’une intégration viennent aussi de sérieux risques. À moins de réaffirmer que ce soutien à BDS est un soutien à tous les objectifs explicites que PACBI a fixés initialement, alors cette récente et apparente « transformation » dans les attitudes, laquelle n’est absolument pas une transformation en réalité, va déboucher sur une pente glissante – l’objectif final qui est, hélas, trop familier aux Palestiniens pour qu’ils le retrouvent une fois encore.
En raison de l’absence continue d’un mouvement de libération palestinien indépendant, représentatif et unifié, capable d’articuler une stratégie cohérente et de conduire la lutte de libération, BDS va continuer, contrairement aux objectifs déclarés de PACBI, à être utilisé au mieux comme une « menace » pour Israël pour qu’il cesse son occupation de 1967. Cela n’est rien de moins qu’un écran de fumée pour pérenniser les autres formes du contrôle colonial d’Israël sur la Palestine historique et les Palestiniens, et pour préserver son racisme institutionnalisé et légal.
Plutôt que d’appeler la communauté internationale à adopter BDS sans un engagement explicite pour ses objectifs, les Palestiniens doivent insister pour que celles et ceux qui leur sont solidaires adoptent BDS comme une stratégie, et non comme un but, afin de provoquer la fin du racisme et du colonialisme d’Israël sous toutes ses formes, à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières de 1948.
Sinon, BDS peut être, et sera, utilisé au renforcement de la colonisation de peuplement juive, et du projet libéral israélien qui la soutient.
Joseph Massad est professeur d’histoire politique et intellectuelle arabe moderne à l’université de Columbia. Son dernier livre : L’Islam dans le libéralisme, (presse de l’université de Chicago)
The Electronic Intifada : http://electronicintifada.net/content/recognizing-palestine-bds-and-survival-israel/14123
Traduction : JPP pour BDS FRANCE
Publié le 26 décembre 2014 par Joseph Massad
Les horreurs que le gouvernement Netanyahu inflige au peuple palestinien démasquent l’effroyable réalité que les libéraux israéliens tentent depuis des décennies de dissimuler.
Que se passe-t-il dans les parlements européens ? Au cours du dernier mois et demi, la Chambre des Communes britannique, les parlements espagnols, français, portugais et irlandais ont tous reconnus le « droit » éternel d’Israël à être un État raciste par une reconnaissance, dont on fait grand cas, d’un supposé État palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, régions de la Palestine qu’Israël a occupées en 1967.
Ces initiatives ont succédé à l’exemple du nouveau gouvernement centre gauche de la Suède qui a décidé, peu après son entrée en fonction, de « reconnaître l’État de Palestine », dans le cadre de la « solution à deux États ».
Comme il n’existe aucun État palestinien à reconnaître au sein des frontières de 1967, ni d’aucune autre, ces initiatives politiques sont destinées à éviter la mort de la solution à deux États, dont l’illusion a assuré, pendant des décennies, la survie d’Israël en tant qu’État juif raciste. Ces résolutions parlementaires visent en réalité à imposer, de facto, les conditions qui empêcheront l’effondrement d’Israël et son remplacement par un État qui garantisse des droits égaux à tous ses citoyens et ne se fonde pas sur des privilèges coloniaux et raciaux.
Contrairement au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, lequel croit pouvoir obliger le monde à reconnaître, de jure, un plus grand Israël raciste annexant les territoires qu’Israël a occupé en 1967, les parlements européens insistent sur le fait qu’ils ne font que garantir la survie d’Israël, en tant qu’État raciste, qu’au sein des frontières de 1948 et sur toutes les nouvelles terres des territoires de 1967 que l’Autorité palestinienne (AP) – collaborant avec Israël – accepte de concéder sous la forme d’« échanges de territoires ».
Le parlement du Danemark et le Parlement européen lui-même sont les derniers organismes à envisager des votes garantissant la survie d’Israël dans sa forme actuelle dans les frontières de 1948 seulement. Même la Suisse neutre a accepté, à la demande de l’AP, d’accueillir une réunion des signataires de la Quatrième Convention de Genève pour discuter de la seule occupation israélienne de 1967. Comme on pouvait s’y attendre, en plus des colonies juives, les grandes colonies de peuplement dans le monde – les États-Unis, le Canada et l’Australie – se sont opposées à la réunion et n’y participeront pas.
Ces initiatives se déroulent alors que le soutien international au mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), initié par les Palestiniens, connaît une évolution accélérée en direction du grand public aux États-Unis et en Europe occidentale. Parmi les associations universitaires qui appellent au soutien de BDS : l’Association des études asiatiques et américaines (AAAS), l’Association des études amérindiennes et indigènes (NAISA), l’Association des études américaines (ASA) et l’Association des anthropologues américains (AAA) (qui vient par son vote de rejeter une résolution anti-BDS).
Une exception, MESA, Association des études moyen-orientales, dont les membres ont récemment voté pour se donner le droit de débattre du BDS, et dans le processus, ils ont accordé bien involontairement une année pleine aux sionistes pour faire pression et préparer le rejet d’une résolution BDS que les membres auraient pu être amenés à voter l’année prochaine.
Même le Centre universitaire d’études de Palestine à Columbia – qui avait refusé avec insistance en avril 2011 d’accueillir et parrainer une conférence et une dédicace par Omar Barghouti, et avait accueilli à la place un orateur, le 4 avril 2013 (une conférence fermée, sur invitation uniquement), qui s’en était pris à Barghouti pour tenter de délégitimer PACBI -, même ce Centre a récemment inversé la tendance, et a invité Barghouti lui-même pour donner une conférence ce mois-ci. Barghouti est cofondateur de PACBI, la Campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël.
Que signifient toutes ces initiatives ?
Les racistes libéraux d’Israël exposés
Le contexte de ces mesures est en lien avec la récente conduite du gouvernement Netanyahu dont l’impatience met dans l’embarras les politiciens racistes libéraux d’Israël – ceux qui préfèrent une démarche plus calme mais pour atteindre les mêmes objectifs politiques racistes. La situation est devenue si insoutenable que les sionistes libéraux américains fervents, conduits par nul autre que Michael Walzer, professeur émérite à l’Institut d’étude avancée à Princeton, se sont sentis obligés d’intervenir.
Walzer, bien connu pour ses justifications de toutes les conquêtes d’Israël comme « guerres justes », et un groupe de personnalités partageant les mêmes points de vue s’appelant eux-mêmes « les universitaires pour Israël et la Palestine », ont récemment demandé au gouvernement américain d’imposer une interdiction de voyager aux politiciens israéliens de droite qui soutiennent l’annexion de ce qui reste de la Cisjordanie.
Si les gouvernements israéliens successifs ont montré une détermination inébranlable pour renforcer le droit d’Israël à être un État raciste sur toute la Palestine historique, ils l’ont fait par la ruse du « processus de paix » qu’ils s’étaient engagés à maintenir pendant les décennies à venir sans aucune résolution.
Cette stratégie a très bien fonctionné pendant les deux dernières décennies, sans pratiquement de réaction de la part de l’Autorité palestinienne, laquelle est redevable de son existence même à ce « processus » sans fin. Plus récemment, la direction politique du Hamas, particulièrement sa branche au Qatar où est basé le dirigeant du groupe Khaled Meshal, a également recherché le meilleur moyen de se joindre à ce projet.
Mais comme la politique en cours de Netanayhu est d’infliger des horreurs au peuple palestinien sur tous les territoires que contrôlent Israël – une politique qui a montré le « processus de paix » pour le simulacre qu’il a toujours été, aussi bien que pour la revendication d’Israël à être « démocratique », et comme l’un des plus frauduleux –, le consensus international que les libéraux israéliens ont construit au cours des décennies, pour protéger du monde l’horrible réalité d’Israël, se trouve affaibli, si ce n’est menacé d’un effondrement total.
Les libéraux israéliens prennent conscience que ce que Netanyahu est en train de faire constitue une menace pour l’ensemble de leur projet et pour la survie même d’Israël comme État raciste. C’est dans ce contexte que les parlements européens se sont précipités au secours des libéraux d’Israël en leur garantissant la survie d’Israël dans sa forme raciste par la reconnaissance d’un État palestinien qui est inexistant « dans les frontières de 1967 ».
C’est aussi dans ce même contexte que les gouvernements européens, l’an dernier, ont commencé à parler du BDS comme d’une arme possible qu’ils pourraient utiliser pour menacer le gouvernement Netanyahu s’il persistait dans son refus de « négocier » avec les Palestiniens (l’utilisation européenne de la menace BDS se limitant à une menace de boycotter uniquement les produits des colonies israéliennes dans les territoires occupés), c’est-à-dire, pour conserver l’illusion d’un « processus de paix » continuel. C’est là qu’est le dilemme pour les partisans du BDS.
BDS : un moyen ou une fin en soi ?
PACBI, basée à Ramallah, a toujours affirmé clairement que BDS est un instrument, un moyen à utiliser pour atteindre des objectifs stratégiques – à savoir la fin de l’occupation par Israël des terres palestiniennes en 1967 et depuis, la fin du racisme israélien institutionnalisé au sein des frontières de 1948 d’Israël, et le retour des réfugiés palestiniens sur leurs terres et dans leurs foyers. Ces dernières années cependant, BDS a été transformé, de moyens devenant une fin en soi. Beaucoup de ceux qui sont solidaires des Palestiniens ont commencé à articuler leurs positions en tant que positions soutenant BDS comme un objectif plutôt que comme un moyen.
Les récents votes d’organisations universitaires en sont un bon exemple. Alors que trois de ces organisations qui ont voté pour BDS ont déclaré leur soutien à la fin de l’occupation de 1967, deux seulement, NAISA et AAAS, se sont explicitement opposées à la politique raciste de l’État d’Israël contre ses propres citoyens palestiniens.
Seule, la résolution de NAISA a mis en doute les lois et les structures racistes israéliennes. ASA, par contre, n’a cité que l’occupation des territoires de 1967, pendant que l’Association du langage moderne (MLA) ne censurait Israël que pour son déni de la liberté universitaire pour les universitaires et étudiants palestiniens, sans condamner l’occupation ni le racisme de l’État israélien. La résolution de MESA ne mentionne même aucun des objectifs du BDS.
Bien que ces résolutions constituent une étape dans la bonne direction, et dans de nombreux cas, qu’elles soient le résultat de batailles longues et acharnées par des membres profondément engagés pour tous les droits palestiniens, elles ne vont pas la plupart du temps jusqu’à articuler des positions qui s’accordent avec les objectifs explicites du BDS. En effet, aucune de ces organisations ne mentionne le troisième objectif de BDS, à savoir le droit au retour des réfugiés palestiniens, qu’Israël persiste à refuser au mépris des résolutions des Nations-Unies et du droit international, afin de préserver une majorité juive dans le pays.
Comme les politiciens européens l’ont reconnu, BDS peut maintenant être utilisé comme moyen pour atteindre des finalités dont ceux qui l’ont adopté peuvent décider. Le monopole des Palestiniens sur les prises de décision, par le biais de PACBI, du Comité national de boycott et de sa détermination des objectifs du BDS, n’est pas garanti.
Différentes parties se déclarant solidaires des Palestiniens peuvent écarter, et écartent, totalement PACBI, devenant l’une seulement des nombreuses organisations internationales qui soutiennent BDS, arguant que chaque partisan de BDS peut déterminer ses propres objectifs qu’il estime appropriés. En bref, le soutien accru à BDS aux États-Unis et en Europe ne s’étend pas nécessairement à un soutien accru aux objectifs de mettre un terme au racisme israélien, à l’occupation d’Israël et à l’exil des réfugiés palestiniens, mais plutôt à un soutien à utiliser simplement le BDS comme moyen pour parvenir à ce que ceux qui l’utilisent déterminent comme le but à atteindre.
Comme je l’ai écrit et expliqué depuis la signature des Accords d’Oslo en 1993, toutes les « solutions » proposées par les gouvernements occidentaux et arabes et par les libéraux israéliens et de l’AP, pour mettre fin au soi-disant « conflit israélo-palestinien », toutes s’appuient sur la garantie de la survie d’Israël comme un État juif raciste indemne. Toutes les « solutions » qui n’offrent pas une telle garantie sont rejetées a priori comme non réalisables, non pragmatiques, et même antisémites. Les récentes tentatives visant à coopter BDS, avec cet objectif justement, sont dans la ligne de cet engagement.
Cela explique la soudaine dégradation de la menace BDS, de quelque chose d’intouchable par les responsables européens et américains et les universitaires et militants libéraux – qui ont assimilé son but ultime comme non seulement refusant de garantir la survie d’Israël en tant qu’État raciste, mais aussi visant spécifiquement au démantèlement de toutes ses structures racistes –, à quelque chose qui sera, de plus en plus sûrement, adopté par la plupart d’entre eux, car il peut désormais servir à sécuriser la survie d’Israël.
Les Palestiniens et leurs défenseurs doivent être vigilants à propos de cette cooptation du BDS, et ils doivent reconnaître qu’avec la réalisation d’une intégration viennent aussi de sérieux risques. À moins de réaffirmer que ce soutien à BDS est un soutien à tous les objectifs explicites que PACBI a fixés initialement, alors cette récente et apparente « transformation » dans les attitudes, laquelle n’est absolument pas une transformation en réalité, va déboucher sur une pente glissante – l’objectif final qui est, hélas, trop familier aux Palestiniens pour qu’ils le retrouvent une fois encore.
En raison de l’absence continue d’un mouvement de libération palestinien indépendant, représentatif et unifié, capable d’articuler une stratégie cohérente et de conduire la lutte de libération, BDS va continuer, contrairement aux objectifs déclarés de PACBI, à être utilisé au mieux comme une « menace » pour Israël pour qu’il cesse son occupation de 1967. Cela n’est rien de moins qu’un écran de fumée pour pérenniser les autres formes du contrôle colonial d’Israël sur la Palestine historique et les Palestiniens, et pour préserver son racisme institutionnalisé et légal.
Plutôt que d’appeler la communauté internationale à adopter BDS sans un engagement explicite pour ses objectifs, les Palestiniens doivent insister pour que celles et ceux qui leur sont solidaires adoptent BDS comme une stratégie, et non comme un but, afin de provoquer la fin du racisme et du colonialisme d’Israël sous toutes ses formes, à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières de 1948.
Sinon, BDS peut être, et sera, utilisé au renforcement de la colonisation de peuplement juive, et du projet libéral israélien qui la soutient.
Joseph Massad est professeur d’histoire politique et intellectuelle arabe moderne à l’université de Columbia. Son dernier livre : L’Islam dans le libéralisme, (presse de l’université de Chicago)
The Electronic Intifada : http://electronicintifada.net/content/recognizing-palestine-bds-and-survival-israel/14123
Traduction : JPP pour BDS FRANCE
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Page 16 sur 40 • 1 ... 9 ... 15, 16, 17 ... 28 ... 40
Sujets similaires
» Indigènes de la République
» Peuples indigènes
» TERRA MATER
» République Centrafricaine
» République d'Irlande
» Peuples indigènes
» TERRA MATER
» République Centrafricaine
» République d'Irlande
Page 16 sur 40
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum