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Indigènes de la République

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Indigènes de la République - Page 9 Empty Re: Indigènes de la République

Message  Roseau Mar 25 Juin - 18:41

C'est l'évidence même!
Et cela s'est vérifié dans beaucoup de pays.
J'ai soutenu très jeune les Black Panthers aux USA,
qui n'étaient pas sur une base de classe,
à cause, plus encore qu'en France,
d'un mouvement ouvrier gangréné par le racisme.
Et quand Malcolm X a compris la nécessité d'une mobilisation sur base aussi de classe,
se rapprochant même des MR (SWP, proche IV), 
il s'est fait assassiner.

Il faut continuer à expliquer, même sur un site MR,
que la défense des droits démocratiques, et des opprimés
est le socle de la mobilisation de classe et de masse.
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Indigènes de la République - Page 9 Empty Re: Indigènes de la République

Message  Eugene Duhring Mar 25 Juin - 18:44

verié2 a écrit:Duhring, il y a beaucoup de choses à reprocher à Houria, d'un point de vue communiste révolutionnaire, mais il faut tout de même lire l'ensemble de son texte et replacer ses propos sur Merah dans ce contexte. Il est faux de lui faire dire qu'elle se désintéresse des victimes juives :
Souvent, trop souvent, ce sont des enfants que l’on tue. Des innocents.
C’est ce dont s’est rendu coupable Mohamed Merah si sa culpabilité était confirmée. Par son acte, qu’il soit un jeune homme paumé ou agent de la DCRI, il a rejoint le camp de ses propres adversaires. De NOS adversaires. Par son acte, il s’empare d’une des dimensions principales de nos ennemis : celle de considérer les Juifs comme une essence sioniste ou une essence tout court.
Tu peux prendre son intervention par le bout qui te convient, il n'empêche qu'elle brosse une certaine jeunesse révoltée et antisémite dans le sens du poil. D'un côté elle parle d'une femme, de son fils, avec des trémolos dans le texte en les personnifiant et de l'autre côté une intervention abstraite, sur des victimes abstraites dans un contexte abstrait. J'appelle cela une adaptation du discours aux sentiments antisémites d'une fraction de son auditoire. C'est curieux quand même que sur l'islamophobie tu sois aussi sourcilleux mais pas sur le reste.

Eugene Duhring

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Indigènes de la République - Page 9 Empty Re: Indigènes de la République

Message  Achille Mar 25 Juin - 20:15

Roseau a écrit:Et quand Malcolm X a compris la nécessité d'une mobilisation sur base aussi de classe,
se rapprochant même des MR (SWP, proche IV), 
il s'est fait assassiner.
les évènements sont liés ou indépendants ? La phrase dans sa construction laisse entendre que l'assassinat de Malcolm X serait lié à son "rapprochement" avec le SWP. Tu as des références, des éléments pour étayer cela ?

Achille

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Indigènes de la République - Page 9 Empty Re: Indigènes de la République

Message  verié2 Mar 25 Juin - 20:18

C'est curieux quand même que sur l'islamophobie tu sois aussi sourcilleux mais pas sur le reste.

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Oui, je peux paraître sourcilleux sur l'islamophobie car c'est l'idéologie qui a le vent en poupe aujourd'hui, et sans doute la plus dangereuse, car elle a réussi à mordre sur la gauche voire l'extrême-gauche. Sinon, face à des antisémites, je suis tout aussi virulent.
Mais il n'y en a pas sur ce forum, alors que certains sont complaisants avec l'islamophobie ou la nient tout simplement.

Pour en revenir à Bouteldja (on ne va pas l'appeler par son prénom, comme l'a fait remarquer Byrrh - c'était involontaire), d'une manière générale elle fait effectivement de la démagogie "indigèniste"...  comme en fait un Morales en Bolivie que tant de tiers-mondistes et le Front de Gauche adulent, mais, contrairement à lui, elle ne fait pas tirer sur les ouvriers. Mais le passage que j'ai cité montre qu'on ne peut pas la taxer d'antisémitisme. Elle essaie dans ce texte de comprendre ce qui a conduit Merah à ces crimes dont elle ne nie pas l'horreur.

verié2

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Message  Roseau Mar 25 Juin - 21:10

Achille a écrit:
Roseau a écrit:Et quand Malcolm X a compris la nécessité d'une mobilisation sur base aussi de classe,
se rapprochant même des MR (SWP, proche IV), 
il s'est fait assassiner.
les évènements sont liés ou indépendants ? La phrase dans sa construction laisse entendre que l'assassinat de Malcolm X serait lié à son "rapprochement" avec le SWP. Tu as des références, des éléments pour étayer cela ?

Sans doute liés à l'ensemble de son évolution politique,
que je n'ai pas encore vue mise en doute.
Mais ne suis pas historien...

Son évolution inclue son départ de la NOI (Nation of Islam),
et sa décision de créer une organisation révolutionnaire noire non confessionnelle.
Ceux qui l'ont tué (de NOI infiltré ou pas par le FBI) avaient donc de bonnes raisons
de craindre cette évolution, parallèle à contacts avec dirigeants tels que Ben Bella, N'Khruma ou Castro,
sans compter que MX ne tarissait pas d'éloges sur le Che... 

Sur Malcolm X, les positions des MR, y compris celles de Trotski, il faut lire cet excellent texte:
Exposé d'une session de formation NPA
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article22968
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Message  Duzgun Ven 28 Juin - 19:39

mykha a écrit:Je ne sais pas, mais on est en 2013 et je ne vois pas pourquoi, pour "blanchir" les "indigènes", il faut tenter de parler de positions supposées de LO il y a quarante ans.
Ces positions ne sont malheureusement pas "supposées". Et malheureusement, aujourd'hui encore LO défend des points de vue réactionnaires, sur le nucléaire par exemple, et ça ne nous empêche pas de penser qu'il faut travailler en commun.

Pour les Indigènes de la République, on ne construira pas une force politique commune et de toute façon ils n'en ont pas envie. Par contre construire l'unité d'action sur toute une série de thèmes est indispensable. Même si on ne construira évidemment pas l'unité d'action avec eux sur les luttes LGBTI!
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Message  Invité Dim 30 Juin - 17:25

Un pavé pour pas dire grand chose finalement ...
concernant l'avortement les grands débats d'aujourd'hui ne sont là que pour noyer le poisson,et ziva que jte fous de l'islam et des droits de la femme de partout ,que jte fous des grands débats ,sur le fétus est il un être?!

Alors que là , maintenant ici en France, il y a des grands malades harcelant jusque dans les hôpitaux les femmes qui passent sur le billard ainsi que les gynécos et ce en toute impunité

Alors que là , maintenant ici en France, les gynécologues pratiquant ce type d'intervention sont en voie d'extinction ,car ils sont constamment sous pression et leur spécialité est une des moins payé par la sécurité sociale

alors il vient d’où le danger là ??

http://www.senat.fr/questions/base/2012/qSEQ121203362.html


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Message  mykha Dim 30 Juin - 17:43

Duzgun a écrit:
mykha a écrit:Je ne sais pas, mais on est en 2013 et je ne vois pas pourquoi, pour "blanchir" les "indigènes", il faut tenter de parler de positions supposées de LO il y a quarante ans.
Ces positions ne sont malheureusement pas "supposées". Et malheureusement, aujourd'hui encore LO défend des points de vue réactionnaires, sur le nucléaire par exemple, et ça ne nous empêche pas de penser qu'il faut travailler en commun.

Pour les Indigènes de la République, on ne construira pas une force politique commune et de toute façon ils n'en ont pas envie. Par contre construire l'unité d'action sur toute une série de thèmes est indispensable. Même si on ne construira évidemment pas l'unité d'action avec eux sur les luttes LGBTI!

Total désaccord sur tout.
Mais bon, c'est comme ça. Tu réserve le qualificatif de réactionnaire à LO et pas aux "indigènes" qui ne sont qu'une gangrène racialiste, homophobe, religieuse et anticommuniste (surtout si les cocos sont des sales blancs, évidemment neo-colonialistes et qu'ils pensent que les exploités ont tous fondamentalement les mêmes intérêts)
Rien à dire ou faire commun avec ces gens là comme avec le front national.
Que tu veuilles "travailler en commun" avec LO en diffusant de telles positions te laisse peu de chance d'y arriver.
Les seules unités qui vaillent, c'est celles des masses ouvrières et opprimées; Et tout ceux qui, comme les "indigènes" ou les autres racistes et nationalistes tentent de flatter les haines et rancoeurs entre prolétaires d'origine, de culture, de nationalité, de couleur différentes sont des ennemis des communistes révolutionnaires et à traiter comme tels.
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Message  verié2 Dim 30 Juin - 18:02

Mychka
"indigènes" qui ne sont qu'une gangrène racialiste, homophobe, religieuse et anticommuniste (surtout si les cocos sont des sales blancs
Plus caricatural, tu meurs ! Etonnes-toi après cela que certains soient excessifs dans leurs critiques de LO...

verié2

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Message  Eugene Duhring Dim 30 Juin - 18:18

mykha a écrit:
Duzgun a écrit:
mykha a écrit:Je ne sais pas, mais on est en 2013 et je ne vois pas pourquoi, pour "blanchir" les "indigènes", il faut tenter de parler de positions supposées de LO il y a quarante ans.
Ces positions ne sont malheureusement pas "supposées". Et malheureusement, aujourd'hui encore LO défend des points de vue réactionnaires, sur le nucléaire par exemple, et ça ne nous empêche pas de penser qu'il faut travailler en commun.

Pour les Indigènes de la République, on ne construira pas une force politique commune et de toute façon ils n'en ont pas envie. Par contre construire l'unité d'action sur toute une série de thèmes est indispensable. Même si on ne construira évidemment pas l'unité d'action avec eux sur les luttes LGBTI!

Total désaccord sur tout.
Mais bon, c'est comme ça. Tu réserve le qualificatif de réactionnaire à LO et pas aux "indigènes" qui ne sont qu'une gangrène racialiste, homophobe, religieuse et anticommuniste (surtout si les cocos sont des sales blancs, évidemment neo-colonialistes et qu'ils pensent que les exploités ont tous fondamentalement les mêmes intérêts)
Rien à dire ou faire commun avec ces gens là comme avec le front national.
Bizarre tout de même de mettre sur un même plan le PIR et le FN. Et l'unité d'action syndicale circonstanciée entre la CFTC et ton syndicat ?
Et sur un plan historio-trotskyste, la création d'un parti noir pour une nation noire américaine ? Trotsky n'a jamais fait de la couleur rouge de cette nation noire américaine, une condition !

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Message  mykha Dim 30 Juin - 18:31

verié2 a écrit:
Mychka
"indigènes" qui ne sont qu'une gangrène racialiste, homophobe, religieuse et anticommuniste (surtout si les cocos sont des sales blancs
Plus caricatural, tu meurs ! Etonnes-toi après cela que certains soient excessifs dans leurs critiques de LO...

Tu peux trouver mon point de vue sur ces gens là, caricatural;
Mais je ne vois pas en quoi ça te permet de justifier les critiques contre LO...???????

Un point de vue de LO sur ce courant (LDC été 2005).

Cette montée du communautarisme s’inscrit dans une période qui voit une montée, dans tous les milieux, des idées religieuses, des idées de droite.
En France aujourd’hui, cela s’affiche dans la rue, sur le plan vestimentaire, par le port de la kippa, du voile ou de la barbe islamiques. Car cela touche aussi bien la jeunesse d’origine juive que la jeunesse d’origine maghrébine ou africaine.
Les thèmes de nature « communautariste » fournissent un fonds de commerce en quelque sorte tout trouvé à des démagogues tels que le prédicateur musulman Tariq Ramadan, qui est en fait un homme dont l’objectif est politique. Pour quelqu’un comme lui, la jeunesse qu’il milite à embrigader sous la bannière de l’islam n’est qu’une base, un tremplin.
En cherchant à différencier ces jeunes de façon visible de l’ensemble de la société avec des campagnes aussi ostentatoires, par exemple, que celle du port du voile islamique par les jeunes filles et les femmes, il vise à un contrôle étroit de la vie de toutes, y compris les « insoumises », et de tous, car il fait des garçons des gardiens de prison.
Il faut bien constater que des aliments pour entretenir leurs feux, ces gens-là peuvent facilement en trouver. Ainsi, par exemple, à travers l’héritage dans la société française actuelle du passé esclavagiste et colonialiste de la bourgeoisie.
L’« Appel des Indigènes de la République », lancé à l’initiative d’organisations musulmanes (notamment, des groupements proches de Tariq Ramadan) et de personnes de la mouvance altermondialiste, peut ainsi faire un constat incontestable lorsqu’il dénonce, au nom de jeunes issus des ex-colonies françaises et des DOM-TOM, les discriminations dont ils sont victimes : « Discriminées à l’embauche, au logement, à la santé, à l’école et aux loisirs, les personnes issues des colonies, anciennes ou actuelles, et de l’immigration post-coloniale sont les premières victimes de l’exclusion sociale et de la précarisation ». Encore qu’il faudrait faire le même constat de discrimination à propos des jeunes Turcs, ou des jeunes venus de l’Europe de l’Est, bien que leur pays d’origine n’ait jamais été une colonie française ! Car ce n’est pas tant feu le colonialisme français que le bien vivant capitalisme français qui est responsable de leur situation.
Mais il est vrai que « l’idéologie coloniale perdure ». On a pu le constater encore récemment avec le vote de la loi du 23 février 2005 qui demande que les programmes de recherche universitaire ainsi que les programmes scolaires « reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord (...) ».

On peut relever en passant que les manoeuvres de réhabilitation des empires coloniaux sont dans l’air du temps aussi en Grande-Bretagne, véhiculées par exemple par Gordon Brown, ministre des Finances, plus ou moins considéré comme l’héritier de Tony Blair, pour lequel « l’époque est révolue où la Grande-Bretagne devait présenter des excuses pour son histoire coloniale » (Daily Mail, 5 janvier 2005).
Mais en dépit de la justesse d’une partie de son constat, l’« Appel des indigènes de la République » ne se place pas, bien au contraire, sur le terrain de la libération des opprimés.
On peut d’ailleurs se demander pourquoi il incrimine avec tant d’insistance « la République » -comme si les monarchies et les empires qui se sont succédé au XIXe siècle n’avaient pas joué un rôle de premier plan dans l’expansion coloniale de la France. À moins que ce ne soit pour éviter d’avoir à utiliser les mots bourgeoisie, capitalisme et impérialisme ! Car ce texte met tous « les Français » dans un même sac, en occultant les oppositions de classes
. Il est pourtant facile de voir que Noirs et Arabes ne sont pas seuls à être victimes du chômage.
Ne pas dire que c’est l’exploitation capitaliste qui est, à la source, responsable de cette situation, et des oppressions de type racial qui s’y intègrent, s’attacher à donner une coloration ethnico-communautariste à la question, qui est sociale, revient à affaiblir la conscience de ceux qui sont tous des victimes de l’exploitation capitaliste, en les divisant ; à entraver la prise de conscience par les exploités et les opprimés de la nécessité d’une lutte de classe solidaire et fraternelle.
Le texte fait plus que montrer le bout du nez de la nature de ses inspirateurs : « Discriminatoire, sexiste, raciste, la loi anti-foulard est une loi d’exception aux relents coloniaux »... « Sous le vocable jamais défini d’ »intégrisme« , les populations d’origine africaine, maghrébine ou musulmane sont désormais identifiées comme la Cinquième colonne d’une nouvelle barbarie qui menacerait l’Occident et ses »valeurs« . Frauduleusement camouflée sous les drapeaux de la laïcité, de la citoyenneté et du féminisme, cette offensive réactionnaire s’empare des cerveaux et reconfigure la scène politique ».
Ces affirmations manifestent évidemment un culot assez incroyable : « sexiste », la loi anti-foulard ? Cette loi est ce qu’elle est et vaut ce qu’elle vaut -et la cause des femmes eût été mieux défendue si elle avait été prise au nom de l’égalité des sexes plutôt que sous d’ambigus prétextes de « laïcité »- mais « sexiste », « raciste » ? On vise avant tout ici à piéger un public précis, celui qui a peur de se faire traiter de « raciste » par ces escrocs politiques. De même lorsqu’on profère les accusations de nostalgies coloniales, qu’on parle d’un « racisme post-colonial » à propos de ceux qui se refusent à servir de marchepied aux militants islamistes tels que Tariq Ramadan.
Brandir l’anti-impérialisme, l’anticolonialisme, l’antiracisme, c’est évidemment une arme maniée par les islamistes à destination des milieux « de gauche » ou « progressistes » dans un but de chantage et d’intimidation. Elle y rencontre un certain écho, en particulier au sein de la mouvance altermondialiste, qu’on a vue offrir à Tariq Ramadan des tribunes lors de forums altermondialistes tels que celui de Saint-Denis ou lors du Forum social européen de Londres en octobre 2004, soutenir les manifestations en faveur du voile dans les écoles ou encore les appels des « indigènes de la République » et pour des « Assises de l’anticolonialisme post-colonial » au mois de mai.
Cette mouvance altermondialiste est tellement hétérogène, diffuse et sans principe, qu’elle peut même exhiber le film « Un racisme à peine voilé », militant haineusement contre les opposant(e)s au voile islamique, dans des « forums sociaux » dans le pays.


À l’extrême gauche, certains justifient leur complaisance vis-à-vis des représentants de l’islamisme en invoquant les impératifs de l’anti-impérialisme, l’anticolonialisme, l’antiracisme. À ce titre, il faudrait remiser toute analyse critique de l’intégrisme musulman, car cela reviendrait à « stigmatiser » la jeunesse maghrébine... Le piège est grossier mais apparemment il fonctionne -quitte à sacrifier les principes du combat communiste et en même temps la cause des femmes.
Une autre préoccupation apparaît dans la tribune de Rouge à propos de « l’Appel des indigènes de la République » que nous avons déjà citée. À en croire ses signataires, qui proposaient de s’y rallier, « le plus grave c’est la méfiance que nous risquons de susciter auprès de militantes et de militants (...) nos amis, des alliés de toujours dans le combat pour l’égalité et contre le racisme », sans d’ailleurs préciser desquels il s’agit au juste. On retrouve la même crainte dans un texte du « Secrétariat anti-raciste de la LCR » (dont on peut par ailleurs se demander à quoi son existence correspond !) concernant cette manifestation des indigènes de la République, d’être « considérés comme partiellement responsables d’un possible échec ». Cela témoigne d’un même souci : se faire accepter, qui sait, gagner la confiance. Mais cette complaisance, c’est avant tout aux Tariq Ramadan et autres réactionnaires et à leurs militant(e)s qu’elle profite en premier lieu, car elle les cautionne.
On voit déjà à quoi cela aboutit, y compris au sein de la gauche et de l’extrême gauche, lorsque toute critique d’un symbole criant d’oppression comme le voile des femmes en vient à être assimilée... à du racisme ; que toute critique de la politique de l’État d’Israël ou de l’idéologie nationaliste du sionisme se retrouve assimilée... à de l’antisémitisme !

On peut compléter par un article Lutte Ouvriere en 2005 :

L'appel des «Indigènes de la République» : dénoncer le colonialisme... ou renforcer le communautarisme ?

«Nous sommes les indigènes de la République...». C’est le titre d’un texte, diffusé sur Internet, qui appelle à la convocation d’«Assises de l’anticolonialisme». En deux mois, il a reçu des milliers de signatures, dont celles d’intellectuels et de responsables politiques de gauche et même d’extrême gauche.
Les initiateurs de l’appel, qui se proclament porte-parole des «descendants d’esclaves et de déportés africains, filles et fils de colonisés et d’immigrés», dénoncent la situation révoltante qui est aujourd’hui celle de nombreux fils et filles d’immigrés issus des anciennes colonies françaises. «Discriminés à l’embauche, au logement, à la santé, à l’école et aux loisirs, les personnes issues des colonies, anciennes ou actuelles, et de l’immigration post-coloniale sont les premières victimes de l’exclusion sociale et de la précarisation. (...) Contrôles au faciès, provocations diverses, persécutions de toutes sortes se multiplient tandis que les brutalités policières, parfois extrêmes, ne sont que rarement sanctionnées par une justice qui fonctionne à deux vitesses.»
On ne peut qu’être d’accord avec ce constat des conditions de vie dans les banlieues les plus pauvres. De même, on ne peut qu’être d’accord avec l’appel, quand il dénonce les crimes qui ont jalonné l’histoire de la colonisation: les massacres perpétrés par les armées coloniales, la spoliation des richesses des colonies, l’utilisation des soldats d’Afrique comme chair à canon pendant les deux guerres mondiales...
Mais derrière ces dénonciations indiscutables on trouve malheureusement autre chose. En opposant «Les filles et fils de colonisés et d’immigrés» à «La France» –un terme qui ne veut rien dire ne serait-ce que parce qu’il confond volontairement les travailleurs et le baron Seillière– les initiateurs de cet appel semblent ignorer que le fond du problème est l’opposition entre, d’un côté, les plus pauvres et, de l’autre, ceux qui détiennent les richesses et le pouvoir et imposent aux premiers des conditions de vie lamentables. Comment peut-on réduire les choses à une telle opposition entre «Les filles et fils de colonisés et d’immigrés» et «La France», comme s’il s’agissait d’un tout? Ne savent-ils pas que, même dans les villes ouvrières où il y a eu peu d’immigration en provenance du Maghreb ou d’Afrique Noire, les victimes du chômage et de l’exclusion sont bel et bien présentes même si elles ont majoritairement la peau claire? Et ils n’ignorent sûrement pas non plus que dans les anciennes colonies, là où ne vivent donc que des anciens colonisés et leurs descendants, il existe aussi une opposition criante entre les plus pauvres et les plus riches!
En occultant ainsi les oppositions de classes et en s’appliquant à tout éclairer à la lumière du nationalisme, ceux qui se proclament les «indigènes de la République» renforcent en fait le communautarisme. De plus, quand ils écrivent: «Discriminatoire, sexiste, raciste, la loi antifoulard est une loi d’exception aux relents coloniaux», ils introduisent volontairement un autre combat. En vilipendant la possibilité qui est offerte aux jeunes filles d’origine musulmane d’échapper, au moins à l’école, au port du voile, c’est-à-dire à l’oppression des hommes de leur famille et de leur milieu, ils montrent pour le moins de la complaisance vis-à-vis des religieux intégristes, c’est-à-dire d’obscurantistes qui considèrent les femmes comme des sous-hommes et voudraient leur imposer cette marque de leur oppression.
On ne combat pas le racisme par le communautarisme. Et, parmi les signataires de cet appel, ceux qui se disent de gauche ou d’extrême gauche et le soutiennent font preuve d’inconscience, voire de démagogie, en s’accrochant ainsi aux basques des barbus.

Sophie GARGAN


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Message  Roseau Dim 30 Juin - 18:34

Eugene Duhring a écrit:
Et sur un plan historio-trotskyste, la création d'un parti noir pour une nation noire américaine ? Trotsky n'a jamais fait de la couleur rouge de cette nation noire américaine, une condition !
Incontestable. Voir ici les positions de Trotski
(que je crois avoir déjà signalé sur un des fils de ce forum)
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article22968
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Message  mykha Dim 30 Juin - 18:40

Et sur un plan historio-trotskyste, la création d'un parti noir pour une nation noire américaine ? Trotsky n'a jamais fait de la couleur rouge de cette nation noire américaine, une condition !

La lecture de quelques posts de toi ne m'a pas amené à penser que tu étais trotskiste mais plutot militant du front de Melenchon.
Mais peut-être me trompé-je.

En tout cas, l'anachronisme complet et absurde que tu commets en parlant de Trotsky et des USA semble plutôt confirmer ton appartenance à un regroupement politique totalement étranger aux idées communistes révolutionnaires et au trotskisme militant.
Mais ce n'est pas une critique, c'est parfaitement ton droit (si c'est le cas) de préférer le charisme de Jean Luc aux idées de Leon..
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Message  gérard menvussa Dim 30 Juin - 19:55

Sur la qualification des uns et des autres (et des uns par les autres) on en sortira jamais, et de toute façon ça sert a rien. Revenons cependant aux questions posées par LO dans ses textes :

À en croire ses signataires, qui proposaient de s’y rallier, « le plus grave c’est la méfiance que nous risquons de susciter auprès de militantes et de militants (...) nos amis, des alliés de toujours dans le combat pour l’égalité et contre le racisme », sans d’ailleurs préciser desquels il s’agit au juste. On retrouve la même crainte dans un texte du « Secrétariat anti-raciste de la LCR » (dont on peut par ailleurs se demander à quoi son existence correspond !) concernant cette manifestation des indigènes de la République, d’être « considérés comme partiellement responsables d’un possible échec ». Cela témoigne d’un même souci : se faire accepter, qui sait, gagner la confiance. Mais cette complaisance, c’est avant tout aux Tariq Ramadan et autres réactionnaires et à leurs militant(e)s qu’elle profite en premier lieu, car elle les cautionne.

Expliquons d'abord comment la lcr fonctionnait : nous avions une intervention "spécifique" au niveau de l'antiracisme, donc nous avons une structure qui permet de centraliser celle ci et d'en tirer des bilans (a partir d'une discussion sur une véritable intervention) LO ne centralise pas son intervention au niveau de ses terrains d'intervention ? Ben la lcr le faisait.. Cette question étant réglée, passons aux choses sérieuses, et au véritable débat politique. Il se trouve que notre expérience (en terme d'intervention spécifiquement anti raciste) nous amène à la conclusion que nous ne pourrons pas avancer dans la prise en compte politique de l'antiracisme sans intervention AVEC la jeunesse de ce pays en butte au racisme. Et celle ci est MASSIVEMENT d'origine de nos anciennes colonies, en particulier africaines (pour le mali, la cote d'ivoir, l'algérie, le maroc, etc) Effectivement il n'y a pas qu'eux, mais ils constituent l'immense majorité des jeunes français victime de racisme. C'est comme si on prétendait s'adresser aux travailleurs sans jamais parler des ouvriers de l'industrie.... Or il y a une vieille méfiance de ces jeunes envers les organisations du mouvement ouvrier, et ce pour de trés bonnes raisons (en particulier le racisme régnant au sein de certaines de ces organisations, syndicales par exemple) Ne pas répondre a cette méfiance (comme le fait et l'a fait LO ) c'est justement pourquoi des gens comme TR ou équivalent ont 'l'oreille" de cette jeunesse, ou d'une partie significative d'entre elle.
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Message  Eugene Duhring Dim 30 Juin - 20:25

mykha a écrit:
Et sur un plan historio-trotskyste, la création d'un parti noir pour une nation noire américaine ? Trotsky n'a jamais fait de la couleur rouge de cette nation noire américaine, une condition !

La lecture de quelques posts de toi ne m'a pas amené à penser que tu étais trotskiste mais plutot militant du front de Melenchon.
Mais peut-être me trompé-je.

En tout cas, l'anachronisme complet et absurde que tu commets en parlant de Trotsky et des USA semble plutôt confirmer ton appartenance à un regroupement politique totalement étranger aux idées communistes révolutionnaires et au trotskisme militant.
Mais ce n'est pas une critique, c'est parfaitement ton droit (si c'est le cas) de préférer le charisme de Jean Luc aux idées de Leon..

Je me définis avant tout comme marxiste, et de grandes affinités pour Trotsky pour la qualité de ses analyses, pour Lénine pour ses qualités organisationnelles.
JLM ce n'est pas ma tasse de thé, j'en hérite par effet de bord du fait de mon engagement au PCF et à la riposte en particulier. De la même manière que j'hérite de Lepaon et de la bureaucratie en tant que militant à la CGT comme probablement une grand nombre de camarades de LO je suppose.
Anachronique dis-tu ? Comme tout trotskyste héritier de la tradition scissionniste et ou sectaire de l’œuvre des prétendants à la continuité de Trotsky, tu considères qu'on peut "faire son marché" dans le marxisme sans le considérer comme un tout. Mais c'est ton droit de picorer du marxisme et de crier haut et fort que cette méthode est dans la continuité du trotskysme !

Eugene Duhring

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Message  verié2 Mar 2 Juil - 18:06

On ne combat pas le racisme par le communautarisme. Et, parmi les signataires de cet appel, ceux qui se disent de gauche ou d’extrême gauche et le soutiennent font preuve d’inconscience, voire de démagogie, en s’accrochant ainsi aux basques des barbus. (LO - Sophie Gargan)
Passons sur l'emploi du terme méprisant "barbus". LO ne se permettrait pas d'utiliser un épithète du même genre pour qualifier des Juifs religieux.

Donner des leçons sur le communautarisme, c'est une chose, être capable d'offrir une alternative en menant la lutte antiraciste sur le terrain en est une autre. Certes le PIR est avant tout l'émanation d'intellectuels qui ambitionnent de devenir les porte-parole de "leur communauté", mais le développement du communautarisme est avant tout le produit de la discrimination, du racisme, des relents coloniaux et de l'incapacité du mouvement ouvrier, LO comprise, de les combattre.

Franchement, à Argenteuil, lors des meetings de riposte aux agressions de femmes voilées, c'était désespérant de ne pas voir l'extrême-gauche ni même le PC, même pas en tête du mouvement, mais massivement présents. Quand on constate qu'il a fallu 15 jours à LO pour réagir à ces agressions dans son hebdo, sans même évoquer deux meetings de 1500 et 1000 habitants de la ville, comment s'étonner que d'autres forces prennent la tête des réactions populaires ? Et comment le leur reprocher ?

Sans doute la comparaison entre la situation des descendants d'immigrés en France 2013 et celle des descendants d'esclaves aux Etats-unis dans les années trente est excessive. Mais on ne peut exclure une "communautarisation" plus forte dans les années à venir si le mouvement ouvrier ne prend pas clairement en charge la lutte contre l'islamophobie et la laisse à des organisations comme le PIR, le CCIR voire à des religieux. Il ne s'agit pas de flatter les préjugés religieux et les pratiques rétrogrades mais de montrer que nous sommes pas dupes des campagnes qui stigmatisent les musulmans sous couvert de laïcité et de féminisme. Des campagnes qui constituent des points d'appui pour les racistes et fascistes, encouragés à passer à l'acte. Et, si les populations concernées s'organisent pour se défendre, même si ce n'est pas, en partie par notre faute, sur des bases de classes mais communautaires, elles auront néanmoins raison de le faire et nous devrons les soutenir.

Et cette comparaison entre le PIR et le FN, ces accusations d'intégrisme contre Ramadan sont grotesques et ne font que déconsidérer ceux qui les prononcent.

verié2

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Message  sylvestre Jeu 4 Juil - 10:55

Article intéressant sur les positions d'Houria Bouteldja et la lutte LGBT en articulation avec les luttes des "indigènes"
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Message  Toussaint Mer 24 Juil - 23:01

Sainte Caroline contre Tariq Ramadan, le livre de Sadri Khiari en téléchargement gratuit
par Sadri Khiari

Avec l’autorisation des éditions La Revanche et de l’auteur, le site du Parti des indigènes de la république offre à ses lecteurs, en téléchargement gratuit, l’essai de Sadri Khiari, "Sainte Caroline contre Tariq Ramadan. Le livre qui met un point final à Caroline Fourest." Toujours d’actualité, cet ouvrage rigoureux et mordant est à ce jour la tentative la plus complète de décrypter les ressorts racistes et islamophobes de la rhétorique fourestienne mais également les enjeux politiques qui lui ont assuré le succès que l’on sait. A travers Caroline Fourest, c’est tout un pan de la gauche française dont sont mises au jour les représentations profondément européocentristes.

http://www.indigenes-republique.fr/IMG/pdf/S.Khiari_-_Sainte_Caroline_contre_Tariq_Ramadan.pdf
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Message  Toussaint Mer 7 Aoû - 14:24

lundi 17 décembre 2012

Quitter l’univers colonial


par Sadri Khiari, membre du PIR

Il y aurait beaucoup à dire - à apprécier et à critiquer - sur l’internationalisme tel qu’il a été porté par le mouvement ouvrier, et notamment par ses tendances les plus radicales, au cours du siècle dernier. Idéal généreux d’émancipation humaine, il a connu des moments glorieux dont il m’est difficile de parler sans émotion. Les deux exemples qui me viennent immédiatement à l’esprit sont l’extraordinaire mouvement de solidarité suscité par la révolution espagnole et, évidemment, puisque cela me concerne directement, le soutien apporté par de nombreux mouvements internationalistes, communistes ou anarchistes, aux luttes anticolonialistes.

Je pourrais évoquer quantité d’autres exemples. Il se trouve qu’un ami m’a envoyé récemment un court extrait d’un texte de Trotsky datant de mai 1938 que je mourrais d’envie de partager à mon tour sans en trouver l’occasion. Cette conférence me la fournit. Le voici, il est magnifique : « Supposons que, dans la colonie française d’Algérie, éclate demain une rébellion, sous la bannière de l’indépendance nationale et que le gouvernement italien, poussés par ses propres intérêts impérialistes, livre des armes aux insurgés. Quel devrait être dans ce cas, le comportement des ouvriers italiens ? J’ai délibérément pris l’exemple d’une révolte contre un impérialisme démocratique et d’ingérence en faveur de rebelles par un impérialisme fasciste. Les ouvriers italiens doivent-ils empêcher l’envoi d’un navire avec des armes pour les Algériens ? Supposons qu’un quelconque gauchiste réponde à cette question par l’affirmative. Tout révolutionnaire, de concert avec les ouvriers italiens et les Algériens rebelles, rejetterait avec indignation cette réponse. Même si dans l’Italie fasciste à ce moment éclate une grève générale des marins, dans ce cas les grévistes doivent faire une exception en faveur des navires qui apportent de l’aide aux esclaves coloniaux, sinon ils seraient des syndicalistes jaunes, et non des ouvriers révolutionnaires » [1].

En ces temps de guerres impériales, d’interventions ou de menaces d’intervention impérialistes ici ou là, ces phrases pourraient être longuement commentées, tant du point de vue des militants de gauche agissant dans le cadre d’un Etat impérialiste que du point de vue des militants agissants dans un pays en révolution auxquels un Etat impérialiste, en fonction de ses propres calculs, fournit une aide militaire. Mais là n’est pas le sujet de cette communication. Je me bornerais ici à souligner une des idées fortes de ce paragraphe, en l’occurrence : la priorité absolue que devraient donner les ouvriers au soutien à la lutte anticoloniale menée dans un pays dominé y compris lorsque ce soutien se fait au détriment de leurs propres luttes et risquent de les diviser eux-mêmes. Bon, je m’arrête pour en venir à ce dont je voudrais parler ici et qui n’est pas nécessairement sans rapports.

La question coloniale, sous une forme renouvelée, se pose désormais au cœur des métropoles impériales. Elle s’était déjà posé de cette manière aux Etats-Unis à travers la question noire. A propos de l’esclavage et de la guerre de sécession Marx avait proposé, quant à lui, des réponses inspirées d’une approche internationaliste. Au XXème siècle, le Parti communiste américain et les organisations trotskistes avaient également abordé de front cette problématique. Les Afro-américains, hélas, ne sont toujours pas sortis de l’auberge. La domination raciale, ce colonialisme intérieur, est toujours omniprésente aux Etats-Unis. Elle se double de plus en plus d’une autre forme de conflictualité raciale engendré par l’afflux massif de populations immigrées, originaires notamment des pays d’Amérique Latine.

C’est cela la forme nouvelle de colonialisme surgie au cours de ces dernières décennies et qui interroge profondément l’internationalisme traditionnel : l’émigration massive de populations du sud vers les métropoles impériales, leur stabilisation et leur reproduction. J’aborderai plus particulièrement cette question à partir du cas de la France où la gauche radicale a une fâcheuse tendance à oublier dans ses réflexions stratégiques l’importance décisive de populations opprimées issues des anciennes colonies et de ses « territoires d’Outre-mer ».

La gauche radicale ne méconnait pas totalement le lien étroit qui associe l’oppression subies par les populations issues de l’immigration et la domination impérialiste néo-coloniale. Elle n’en retient cependant qu’une des facettes, occultant ce qu’expliquait pourtant le sociologue Abdelmalek Sayyed, en l’occurrence que l’immigré n’est jamais seulement un immigré. Il demeure un émigré, indissociablement émigré-immigré. Lorsqu’en outre, il est originaire d’un pays colonisé ou dépendant et qu’il s’installe dans un Etat impérial, comme la France, un Etat producteur, en son propre sein, de hiérarchies raciales, l’émigré-immigré se déplace, en fait, dans un même continuum de relations de pouvoir marquées par la colonialité. Alors même qu’il s’insère dans la trame du pouvoir capitaliste, il reste, dans son statut social, politique, culturel, symbolique, pris, enserré dans les rapports coloniaux ou néo-coloniaux de domination. En cela, il se distingue réellement des immigrations intra-européennes. En cela, contrairement à ces dernières, il transmet à sa descendance son propre mouvement d’émigration-immigration et le rapport colonial qui en est la matrice. Pour la gauche radicale, cependant, une fois en France, l’immigré n’est plus qu’immigré et les générations qui le prolongent des Français comme les autres, non pas soumis aux rapports impérialistes néo-colonialistes mais à un manque de droits, à des préjugés racistes et aux discriminations qui en seraient la conséquence.

A cette incompréhension de la spécificité de l’immigration issue des anciennes colonies s’ajoute une vision réductrice de la notion de racisme. L’une des dimensions du rapport néo-colonial qui échappe, en effet, à la gauche, c’est qu’il perpétue également le rapport racial produit par la colonisation. Cette dernière, identifiée généralement à une période révolue de l’expansion impériale, est comprise par la gauche comme occupation de territoire, comme une forme d’oppression nationale doublée d’une exploitation de type capitaliste. Or, c’est sous l’angle des rapports sociaux qu’elle a développés qu’il faut appréhender la colonisation. Et l’une des caractéristiques sinon la caractéristique fondamentale de ces rapports sociaux, c’est leur racialisation. Le colonialisme moderne, en effet, cette forme sociale qui a accompagné la modernité capitaliste et étatique, c’est la construction d’une hiérarchisation sociale mondiale basée sur la notion de race, c’est la constitution d’une stratification statutaire des pouvoirs, fondement de la suprématie blanche, à tous les niveaux du lien social. On peut l’appeler colonialité ou racialité des rapports de pouvoir, elle continue d’être reproduite à l’échelle internationale par les nouvelles formes de domination impérialiste, indépendamment de l’occupation de territoires.

Dans son écrasante majorité, cependant, la gauche persiste à interpréter le racisme d’un point de vue moral. Il serait une idéologie venant d’un passé pré-moderne, toujours vivace, l’expression de la haine de l’Autre, du rejet de la différence, d’une intolérance qui viendrait des âges les plus obscures, une disposition qu’attiseraient les forces les plus réactionnaires, relayées de manière démagogique par la bourgeoisie pour diviser les classes populaires.

L’incapacité à saisir le racisme dans la profondeur de ses rapports avec le capitalisme et l’impérialisme, n’est pas sans conséquences sur l’action que la gauche radicale mène sur le front de la lutte antiraciste. Elle se borne ainsi à une attitude pédagogique (« L’ennemi, c’est le banquier, pas l’immigré »), et agit contre les différents types de discriminations comme le ferait n’importe quelle association de défense des droits de l’homme, tout en l’accompagnant parfois d’un discours anticapitaliste. La démarche d’ensemble vise à favoriser l’intégration de tous dans la lutte considérée comme principale, en l’occurrence la lutte anticapitaliste.

Cette stratégie, finalement plus droitsdelhommiste qu’anticapitaliste ou internationaliste, a cependant lamentablement échoué. Les couches subalternes blanches sont de plus en plus sensibles à la rhétorique raciale, dans ses expressions nouvelles, tandis que les populations issues de l’immigration regardent la gauche, y compris la gauche radicale, avec méfiance. L’illusoire « Français, immigrés, même patron, même combat », version hexagonale du « prolétaires de tous les pays unissez-vous », ne fait recette ni chez les uns ni chez les autres. Ce n’est pas par hasard.

La gauche vitupère, donc, contre les forces politiques racistes, accusées d’opposer les travailleurs blancs aux travailleurs issus de l’immigration. Elle n’a pas tort. Ou seulement pour une part. Elle fait le même reproche aux mouvements qui, comme le Parti des indigènes de la république, affirment la nécessité de l’indépendance politique des populations issues de l’immigration. Elle a tort. Complètement. Elle ne perçoit pas, en effet, que, outre d’autres formes de hiérarchisations sociales propres notamment aux logiques capitalistes ou patriarcales, le monde du travail est déjà divisés, stratifiés, par les rapports raciaux et que les classes populaires blanches, en tant que groupe, que collectif, et non pas comme somme d’individus, ont des privilèges par rapport à l’ensemble des populations des anciennes colonies.

Ce sont ces privilèges, reposant sur la domination impériale et les rapports raciaux qui la prolongent en métropole, qui hiérarchisent les classes populaires et développent en leur sein des conflictualités qu’entretiennent à leur profit les classes dirigeantes. Dans l’entreprise comme dans les quartiers populaires, nous n’avons pas seulement les prolétaires, travailleurs, précaires ou chômeurs, qui s’opposent aux classes supérieures. Nous avons également les prolétaires blancs qui défendent leurs maigres privilèges de Blancs ou de « vrais Français » face aux prolétaires issus des colonies. La convergence entre les deux, induite par leur confrontation objective à un même système capitaliste, n’existe qu’à l’état de potentiel, un potentiel dont la réalisation se heurte à la barrière raciale qui structure l’ensemble du corps social. Loin d’être une vertu immanente aux rapports de production capitaliste, l’unité de classe ne saurait prendre forme autrement qu’en termes d’alliances conflictuelles qui dépendent pour exister de l’action stratégique, c’est-à-dire à la fois de la capacité des populations issues de l’immigration à s’organiser de manière indépendante autour de leurs propres enjeux et de la capacité des forces prolétariennes blanches à intégrer une démarche internationaliste.

Nous en sommes cependant encore loin. Car, l’internationalisme réclame à son tour d’être revisité. La gauche française a tenté de prendre la mesure des mutations impliquées par la dernière mondialisation et par la construction de l’Union européenne pour concevoir de nouvelles politiques en France, intégrées dans un projet internationaliste renouvelé, dont elle a cru un temps trouver l’ébauche au sein de l’altermondialisme. Il est vrai que l’internationalisme doit revêtir une nouvelle formulation. Il ne peut plus être compris uniquement en termes de solidarité entre les prolétariats par delà les frontières ni même en termes de convergence du prolétariat des Etats dominants avec les peuples colonisés et opprimés. On n’en trouvera pas cependant l’alternative si on fait l’impasse sur les transformations internes à l’Hexagone provoquées par l’afflux des populations originaires des anciennes colonies et leur enracinement en France. Cela peut sembler paradoxal mais les différentes mondialisations historiques, qui dans leurs logiques et dans leurs formes ne se sont sans doute pas succédées mais superposées, n’ont pas seulement développé des formes de globalisation de la lutte des classes dans un espace dépourvu pour partie de frontières, elles ont aussi juxtaposé des espaces et internalisé des frontières. Il est important, de ce point de vue là, de saisir les modalités et l’ampleur des bouleversements qu’implique l’internalisation des rapports coloniaux dans l’espace français. Non pas qu’ils en étaient complètement extérieurs à l’époque de l’Empire, mais, aujourd’hui, les rapports entre groupes racialisés, dominants et dominés (qu’autrefois, dans les territoires occupés, on appelait colons et colonisés), se tissent à la fois sur deux territoires - les pays dépendants et la puissance dominante - et sur un même territoire, le territoire français, lui-même reconfiguré, en fonction d’enjeux raciaux. Avec le territoire, c’est l’ensemble des relations sociales, des conflictualités et des enjeux politiques au sein de l’Hexagone, qui est profondément remodelé.

Autrement dit, une stratégie de classe dans les limites de l’espace politique français ne peut se concevoir qu’internationaliste et un internationalisme revu et corrigé doit intégrer nécessairement une nouvelle dimension, à savoir le déplacement partiel de l’espace de la lutte décoloniale et anti-impérialiste sur le territoire français où il se superpose et croise l’espace de la lutte des classes. Il faut désormais substituer à un internationalisme, conçu comme un rapport au-delà des frontières, un internationalisme domestique dont la question raciale, dans toutes ses dimensions, serait centrale. En un mot, un internationalisme décolonial.

Or, penser un internationalisme décolonial implique de rompre avec l’économisme profond qui caractérise l’acception du capitalisme qui me semble hégémonique encore au sein de la gauche radicale française. Une telle rupture aurait des conséquences importantes et positives sur sa manière de concevoir la lutte anticapitaliste. Le capitalisme est en effet principalement saisi, en France, à travers ses modalités économiques d’exploitation et la lutte politique anticapitaliste est principalement appréhendée comme une lutte contre l’exploitation capitaliste. Les rapports immédiats de production qui, selon Marx, détermineraient « en dernière instance » l’ensemble d’une formation sociale donnée, tendent ainsi à devenir la première instance de la politique. On le sait, pourtant, et Marx lui-même ne s’est pas privé de le répéter, que le Capital n’est pas qu’un rapport de production. C’est beaucoup d’autres choses. Et la lutte contre le capitalisme, si elle doit briser le rapport d’exploitation, doit briser ou démanteler aussi beaucoup d’autres choses. Plus encore, je dirais que la lutte politique a d’abord pour objet le pouvoir d’Etat et non pas le pouvoir dans l’usine.

N’importe quel militant appartenant à la gauche radicale me reprochera de formuler ainsi des évidences et, certes, on trouvera dans la littérature et dans la pratique des différents mouvements de la gauche radicale une certaine attention à d’autres dimensions de la société bourgeoise. Elles demeurent cependant subordonnées à la question du capitalisme comme rapport d’exploitation et n’acquièrent de réelles légitimités qu’après avoir subi une mise en forme qui les « articulerait » à ce rapport d’exploitation.

Le féminisme, pour donner cet exemple, a en gros trouvé les moyens de cette mise en forme, aidé par la puissance des mouvements de femmes dans les années 1970 et par les nombreuses femmes présentes dans les organisations de gauche. La lutte antiraciste, non. Elle y parvient d’autant moins que, bien que victimes directes des rapports de production capitalistes, les populations issues de l’immigration semblent n’en n’avoir rien à battre. Le principal de leur combat est ailleurs. Il se développe autour de questions dont la gauche radicale ne saisit pas toujours le rapport avec la domination du capital ou qui lui paraissent sinon négligeables du moins secondes. Elles se résument en trois mots : dignité, respect, honneur. Que signifient politiquement ces trois mots ? Ils expriment la volonté d’en finir avec un statut ; un statut non-dit mais furieusement actif ; un statut qui n’est pas immédiatement lié à l’exploitation économique mais à toutes les dimensions du lien social ; le statut de race inférieure. Alors qu’un militant blanc anticapitaliste devrait y voir une mise en cause du Capital et de l’Etat bourgeois impérial à partir d’une autre perspective, il y voit une inversion dommageable des priorités, quand il n’aperçoit pas dans certaines revendications des populations immigrées (ainsi du droit de pratiquer leurs cultes comme ils l’entendent), une menace contre les acquis du mouvement ouvrier ou, dans les revendications culturelles, une entreprise de diversion encouragée par la bourgeoisie.

La conséquence d’une telle myopie, on en a eu un exemple ahurissant, il y a quelques années lorsque la majorité de la gauche radicale s’est alliée de fait aux partis bourgeois pour interdire le port du voile musulman à l’école. Plus généralement, ce qu’il faut noter pour le regretter, c’est l’impasse stratégique que révèle l’indifférence dramatique de la gauche radicale à l’égard d’une fraction importante du prolétariat des quartiers populaires, en l’occurrence les non-blancs.

Certes depuis la révolte de novembre 2005, la gauche radicale, à l’instar de tous les partis, semblent s’y intéresser plus que ce n’était le cas auparavant. Il n’en demeure pas moins qu’elle n’est pas prête à prendre en compte ce qui fait sa spécificité en tant que groupe dominé racialement, c’est-à-dire notamment ses revendications les plus importantes telles qu’il les exprime lui-même, sa culture de résistance dans ce qu’elle a de particulier, les formes et les contenus à travers lesquels il se politise et se radicalise, enfin sa volonté affirmée d’autonomie politique. Tout cela, qu’un internationalisme décolonial permettrait d’appréhender et de reconnaître, est perçu comme infra-politique, non-anticapitaliste, régressif voire parfois réactionnaire par la majorité de la gauche radicale.

Plutôt que de procéder aux révisions qui s’imposent, cette dernière fait généralement le choix conservateur de l’entre-soi blanc où l’on est sûr de parler le même langage, d’avoir les mêmes valeurs et de partager les mêmes enjeux. A la recomposition stratégique, peut-être douloureuse, qui permettrait de construire des passerelles entre le prolétariat blanc et le prolétariat non-blanc, elle ne cesse de préférer la recomposition tactique entre Blancs. Que d’exemples pourrais-je donner, en effet, de tentatives de recomposition qui ont vu, ces dernières années, se regrouper, se séparer, se rassembler à nouveau, différentes composantes de la « gauche de la gauche », sacrifiant systématiquement la question raciale et anti-impérialiste sur l’autel de l’unité, pour finalement se retrouver bon gré mal gré contraintes de s’allier au sein d’un Front de gauche, charpenté par des forces antilibérales, certes, mais également nationales-républicaines !

Si, comme je le crois, l’objectif politique de la gauche radicale est de prendre le pouvoir pour démanteler les mécanismes du capital, alors elle n’a pas d’autres choix, quitte à perdre certains alliés au sein du monde blanc, que de se tourner vers les catégories à la fois les plus exploités et les plus opprimés que sont les masses prolétariennes issues des anciennes colonies et aux conditions que fixeront celles-ci. C’est la condition d’un nouveau bloc social révolutionnaire qui, pour continuer à parler comme on le faisait dans les années 60, sera décolonial ou ne sera point !

[1] Léon Trotsky, Il faut apprendre à penser, 20 mai 1938.


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Message  Toussaint Sam 10 Aoû - 14:40

vendredi 9 août 2013
La banlieue rouge tient à rester une banlieue blanche

par Sadri Khiari

Au tournant des années 1960 et 1970, marqué par la puissance du mouvement ouvrier, y compris dans le tissu urbain. L’État social est encore une réalité, même si s’amorce timidement un certain désengagement notamment en terme de logement social. La colonisation et le traumatisme de la décolonisation ont moins de dix ans. Le nombre d’immigrés issus des colonies a connu un nouvel essor. L’héritage de la colonisation est encore tout à fait direct et transparent dans les modalités de gestion de cette immigration, aussi bien dans les entreprises, dans l’habitat que dans le traitement politique et administratif. Et bien sûr dans les représentations dominantes. Nous sommes alors dans un contexte politique et économique bien différent de sa réalité actuelle. Pourtant, dans les quartiers populaires, la résistance blanche est déjà bien réelle. Elle est conduite principalement par le PCF ; ce même PCF dont une des forces, dans la première moitié du XXe siècle, résidait dans sa capacité à intégrer les immigrés européens, mais qui fait alors le choix de défendre les ouvriers blancs au détriment des travailleurs immigrés d’origine coloniale. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et jusqu’à la fin des années 1970, les « Banlieues rouges » étaient fières d’être ce qu’elles étaient, c’est-à-dire le territoire où se prolongeaient les luttes sociales, où les acquis de ces luttes s’inscrivaient dans l’espace de vie et de résidence de la classe ouvrière. Dans les grands ensembles, se côtoient les ouvriers qualifiés mais aussi les couches mieux loties du salariat (employés, techniciens ...), sur lesquelles s’appuient principalement les municipalités communistes. Les projets de rénovation urbaine qu’elles impulsent semblent alors pouvoir garantir aux travailleurs l’accession à un cadre urbain et à des normes de logement « modernes », reflets d’une mobilité sociale et culturelle qui les rapprocherait des conditions d’habitation, des manières d’être et de vie des classes moyennes. Car l’ambition du prolétaire est de ressembler au petit-bourgeois. Et l’ambition de la ville prolétaire est de ressembler à la ville petite-bourgeoise. La ville tout entière veut voir progresser son niveau de vie ; elle veut changer de statut, pour s’élever en dignité. Et la dignité française impose d’être blanc. La banlieue rouge tient à rester une banlieue blanche.

Dans ces conditions, la contrariété des élus communistes face à l’afflux d’immigrés (surtout algériens et marocains, à cette époque) dans leurs communes n’a rien de surprenant. Car la présence des immigrés fait baisser la valeur sociale et symbolique de la ville. Ils sont non seulement arabes mais, de surcroît, condamnés à faire partie des couches subalternes de la classe ouvrière, dont se désintéressent largement le PCF et son bras syndical, la CGT. J’ai écrit « contrariété » un peu par politesse. En fait, j’aurais dû dire : ils sont fous de rage ! Tous ces bougnoules, misérables, qui vivent n’importe comment, tirent la commune vers le bas. Et il y a d’autant moins de raisons de les accueillir qu’ils vont coûter plein de fric. En plus, il n’y a rien à attendre d’eux sur le plan électoral puisqu’ils n’ont pas le droit de vote ! C’est ce que pense alors un élu communiste avant de fermer la porte au nez d’un ménage immigré qui souhaite être relogé dans un HLM. Dès le début des années 1960, relayée par le PCF, la résistance blanche s’exprime déjà par la volonté d’écarter et de distribuer dans l’ensemble de l’espace urbain tous ceux dont la présence, trop visible, souille la ville. A la fin de la décennie et dans le courant des années suivantes, tandis que le gouvernement multiplie les décisions destinées à faire porter sur les communes de gauche le poids financier des logements sociaux et la charge de l’accueil des étrangers, la question de l’immigration et, plus particulièrement, des indigènes obsède les élus communistes. Ceux-ci mènent alors campagne pour s’opposer à l’installation sur leurs communes d’immigrés dont ils réclament la dispersion. Sans employer le terme, ils revendiquent, en 1969, la « préférence nationale » : « A l’heure où des centaines de milliers de familles françaises attendent un logement, le financement du relogement des travailleurs immigrés ne peut et ne doit en aucun cas être à la charge du budget communal. » Le fardeau symbolique, politique et budgétaire que représentent les immigrés est ainsi un enjeu de la lutte entre gouvernement de droite et élus communistes, entre villes rouges et villes bourgeoises. A juste titre, il est vrai, les responsables du PCF appréhendent les immigrés comme un boulet que la droite leur balance dans les pattes. Et le prolétariat blanc s’en défend.

Sous le couvert de prétextes sociaux, d’alibis « antiracistes » ou au nom de la « défense des travailleurs immigrés contre les marchands de sommeil », eux-mêmes souvent immigrés, les communistes veulent purger leurs villes du « surplus » d’indigènes. Un tract diffusé à Gennevilliers en 1973 ne fait d’ailleurs pas mystère de la volonté de mobiliser les « bons Français » contre l’immigration : « Nous appelons la population tout entière à soutenir l’action du conseil municipal pour stopper d’abord et réduire ensuite le pourcentage de l’immigration dans notre ville. » Le PCF adoptera graduellement un langage moins explicite, mais il ne changera guère de politique au cours des décennies suivantes. Il perdra ses principaux bastions urbains, mais ses successeurs de la droite ou du PS, qui rivaliseront d’efforts pour miner la « conscience ouvrière » et disloquer les espaces de résistance, se feront également les porte-parole des couches populaires blanches paniquées par leur déclassement social et statutaire, aggravé par les bouleversements économiques et les métamorphoses du champ politique. Car, avec la décomposition de la puissance politique indépendante de la classe ouvrière et des organes qui la représentent, ce qui se joue, ce n’est pas seulement le démantèlement des acquis sociaux, c’est en même temps leur statut de citoyen. Citoyenneté sociale dans l’entreprise, citoyenneté « urbaine », enracinée dans les municipalités, citoyenneté politique à travers leurs représentations parlementaires, les travailleurs perdent peu à peu la plupart des médiations qu’ils ont conquises et qui leur permettaient de n’être pas simple « force de travail » mais plus que cela : corps politique indépendant, nation dans la nation, avenir de la nation. Le suffrage universel lui-même perd sa signification. En d’autres termes, ce qui se délite avec la fin de l’État-providence et que s’effiloche une citoyenneté médiée à la fois par l’État et les institutions propres à la classe ouvrière, ce sont deux choses : d’une part leur intégration dans l’Etat-national et, d’autre part, leur dignité en tant que communauté de travailleurs. La nationalité se vide de tout contenu social et citoyen, sinon par rapport à ceux qui ne sont pas nationaux ou considérés comme tels ; elle n’a plus, ou plutôt elle tend à ne plus avoir pour seule dimension que la « francité », mélange instable des mythes historiques confectionnés par la IIIe République et d’une ferme croyance en la supériorité européenne, chrétienne et blanche. La nationalité décitoyennisée fait alors voir son noyau racial ; la « blanchitude » est le dernier privilège accordé par la République aux classes populaires blanches. Et ce privilège d’être « bien français » et « bien blanc » doit absolument être protégé contre les hordes indigènes qui s’emparent de la France.

Cet enjeu devient d’autant plus crucial dans les zones urbaines périphériques que s’en échapper tient de plus en plus souvent du rêve inaccessible. Pauvreté, chômage, précarité, hausse générale des loyers et du foncier interdisent à de nombreux habitants des quartiers populaires, y compris aux couches supérieures de la classe ouvrière, tout espoir de relogement ou d’accession à la propriété dans des espaces résidentiels mieux lotis. Plus : des secteurs qui avaient autrefois les moyens de dédaigner les logements sociaux sont désormais contraints d’y avoir recours. L’aggravation des différenciations internes au monde du travail et des différenciations au sein du parc social, consécutive notamment au désengagement graduel de l’État et à l’adoption de normes managériales de gestions du logement social, contribue à confiner les couches les plus vulnérables du prolétariat blanc dans les segments urbains les plus défavorisés, caractérisés par une présence de plus en plus massive d’indigènes. La fuite n’étant plus guère possible, il ne reste plus au prolétariat blanc qu’à défendre mordicus sa supériorité statutaire.

Olivier Masclet a publié un long ouvrage, particulièrement révélateur, où il analyse les processus urbains à travers lesquels certaines couches des classes populaires s’engagent dans la résistance blanche. Je suis tenté d’en citer un long passage : « L’éventualité que certains ménages français quittent ces immeubles au cas où leur "aspect arabe" s’accentuerait ne constitue qu’un aspect de la pression qui s’exerce sur les responsables de l’Office. Elle se manifeste aussi et peut-être surtout sur le terrain électoral. Les bâtiments Lénine et Diderot sont de ceux qui à Gennevilliers fournissent au Front national le plus de suffrages (avec les immeubles en accession à la copropriété). Ces électeurs ne sont pas seulement perdus pour la municipalité, ils sont aussi les portes-parole de "la cause sécuritaire" qui s’est peu à peu imposée à l’ensemble des locataires. Contraints de vivre à proximité de bâtiments peuplés de familles immigrées, se sentant menacés par des jeunes qui "traînent" près de chez eux, les locataires français des bâtiments municipaux font en permanence état de leur peur et de leur ressentiment. Le maintien des ménages français dotés de revenus moyens et le tri des locataires ont en effet pour autre conséquence d’accroître le sentiment de vulnérabilité, voire les dispositions répressives des Français captifs. Le rassemblement de retraités, de femmes seules, de ménages ouvriers pauvres, de Français aux revenus moyens qui n’ont pas pu suivre la trajectoire collective de sortie des HLM aboutit à coaliser en une même expression de rejet des Arabes les ressentiments engendrés par le vieillissement, la précarisation de la condition salariale, le dénuement familial, l’élévation des normes de consommation en matière d’habitat, la solitude. A la manière d’un "effet pervers", ce durcissement des opinions résulte d’une politique de sélection des ménages qui tente de préserver la valeur sociale du quartier. Il oblige alors la municipalité à transformer ces immeubles en de véritables ’bunkers" pour protéger leurs occupants des "risques" de l’environnement. » On aura compris que « l’environnement », ce sont les indigènes !

Les classes populaires blanches vivent ainsi la présence des immigrés dans leur « environnement » comme un déclassement statutaire, d’autant plus difficile à vivre qu’elles ont multiplié les sacrifices dans l’espoir vain de ressembler aux classes moyennes. Olivier Masclet note encore que « les habitants [des quartiers] qui se sentent à la fois relégués socialement, dépossédés territorialement et menacés dans leur avenir sont disposés à compenser leur déclassement en valorisant le fait qu’ils sont français ». Mais, comme le signale Abdelmalek Sayad, le fait que de nombreux immigrés et leurs enfants sont désormais français déprécie, en quelque sorte, la nationalité française. Celle-ci devient une nationalité « au rabais ». Pour défendre son statut symbolique, le souchien se trouve alors dans l’obligation de défendre la « qualité » de la nationalité française : être un « vrai Français » signifie désormais être blanc, européen et d’origine chrétienne. Le prolétaire blanc ne fait pas partie de la classe dominante, mais il fait partie de la communauté dominante. Une gratification assurément loin d’être négligeable.

La résistance populaire blanche apparaît dans ce cas comme un effet pervers de la lutte des classes. Ainsi la fameuse « mixité sociale », qui figure au centre de l’offensive raciale contre la Puissance indigène, est-elle également, écrit Sylvie Tissot, « l’arme pauvre des communes pauvres ». Elle constitue « l’un des rares outils laissés à disposition de ces villes, quand leurs voisines plus riches peuvent fermer de manière extrêmement efficace leurs territoires aux populations "indésirables", sans l’aide de dispositifs d’action publique, voire en les contournant si nécessaire ». Défendre son statut de Blanc, c’est aussi, dans ce contexte particulier, une forme de la lutte prolétarienne contre la déchéance qu’entraînent les politiques patronales et néolibérales ; une forme, certes vaine, à la fois antagonique et complémentaire de la résistance blanche bourgeoise, mais néanmoins réelle. Il parait ainsi particulièrement simpliste, voire naïf, de parler d’« articulation » entre la lutte antiraciste ou décoloniale et la lutte des classes populaires sans prendre en compte que cette dernière s’articule déjà avec la lutte statutaire blanche. C’est leur double condition - dominés socialement et dominants statutairement - qui fait des classes populaires blanches à la fois une médiation et un enjeu capital pour la stratégie du Pouvoir blanc. Il ne s’agit pas simplement de « diviser » la classe ouvrière ou de détourner les travailleurs français contre le « bouc émissaire » que seraient les immigrés. Mais, plus encore, alors que progresse le démantèlement de l’État social et que le nationalisme français coïncide de moins en moins avec les intérêts des classes dominantes, il s’agit d’unifier les Blancs, par-delà leurs oppositions sociales, au sein d’un Pacte républicain recomposé autour de sa dimension raciale. La catégorie de « quartiers sensibles », qui dit et contribue à faire la territorialisation des clivages sociaux, représente un moment privilégié de cette stratégie. Les quartiers populaires sont, en effet, la traduction dans l’espace d’un rapport de forces politique. « La ville du colon, écrivait Frantz Fanon, est une ville en dur, toute de pierre et de fer. C’est une ville illuminée, asphaltée, où les poubelles regorgent toujours de restes inconnus, jamais vus, même pas rêvés (...). La ville du colon est une ville de blancs, d’étrangers. La ville du colonisé, ou du moins la ville indigène, le village nègre, la médina, la réserve est un lieu mal famé, peuplé d’hommes mal famés. On y nait n’importe où, n’importe comment. On y meurt n’importe où, de n’importe quoi. C’est un monde sans intervalles, les hommes y sont les uns sur les autres [...]. La ville du colonisé est une ville affamée, affamée de pain, de viande de chaussures, de charbon, de lumière. La ville du colonisé est une ville accroupie, une ville à genoux, une ville vautrée. C’est une ville de nègres, une ville de bicots. »

L’auteur des Damnés de la terre ne décrit pas ici une fracture territoriale mais bien la transposition de la fracture coloniale dans la configuration urbaine. De même que, à l’époque glorieuse des « banlieues rouges », les luttes menées à partir et au sein de ces territoires constituaient une extension spatiale de la lutte des classes au niveau des entreprises, un moment de la lutte des classes, de même, aujourd’hui, les luttes menées dans les quartiers ne doivent pas être comprises comme liées à des problèmes essentiellement urbains mais comme le cadre spatial d’une lutte raciale globale. Il n’en résulte pas pour autant que les « communautés imaginées » à l’échelle des cités soient simplement imaginaires. Elles sont à la fois imaginaires et réelles. Le « quartiérisme », qui en est l’une des figures politiques, n’est pas seulement le reflet d’une fausse conscience mais aussi l’expression de la connaissance d’une réalité tout à fait réelle : celle de la distribution et de la hiérarchisation des populations au sein d’espaces résidentiels différenciés. Le quartiérisme ne voit pas que ces hiérarchies recouvrent la matérialisation dans le processus urbain de conflits sociopolitiques dont la logique se construit en dehors des quartiers. Le quartiérisme apparaît comme le frère jumeau du syndicalisme le plus étroit qui confine la lutte des classes au cadre de l’entreprise.

Sadri Khiari

Extrait de son livre : La contre-révolution coloniale en France. De de Gaulle à Sarkozy, 2009, La fabrique éditions
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Message  nico37 Mar 10 Sep - 22:32

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Message  Toussaint Mer 11 Sep - 4:39

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Message  sylvestre Mer 18 Sep - 12:55

A Farida Belghoul et aux héritiers de la Marche des « beurs ». Du bon usage d’un héritage.
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Message  Toussaint Ven 27 Sep - 17:22

La Marche pour l’égalité, un moment fondateur

Publié le 22 septembre 2013 par Sadri Khiari



Nous publions ci-dessous un extrait d’un essai paru en janvier 2009 aux éditions La Fabrique, intitulé « La Contre-révolution coloniale en France. De de Gaulle à Sarkozy ». Analysant les prolongements de la Marche pour l’égalité de 1983, l’auteur y affirme notamment que celle-ci, malgré ses ambivalences et ses faiblesses, constitue le moment fondateur d’un nouveau rapport de force, caractérisé par le mouvement ascendant de la Puissance politique indigène.

La Marche pour l’Egalité et contre le Racisme de décembre 1983 a fait beaucoup de bruit sur le moment avant de sombrer dans les oubliettes de la mémoire française. Peu aujourd’hui, y compris parmi nous, s’en souviennent. Certains, cependant, en gardent quelques traces dans leurs têtes. Qu’était-ce déjà ? La « Marche des beurs », un « grand moment de fraternité », l’émergence de SOS-Racisme ? On sait plus trop. Certains la mythifient, oubliant les luttes de l’immigration qui l’ont préparé. Il devient impossible d’en souligner les limites sans prendre le risque de se faire bastonner. D’autres sont plus désabusés ou carrément intransigeants : la Marche n’aurait été qu’un gigantesque spectacle, téléguidé par l’Elysée ou manipulé par les gauchistes. Nombreux, souvent acteurs ou témoins directs des mobilisations des années 1980, en font la critique au regard de ses prolongements ultérieurs qu’ils appréhendent, du reste, avec une sévérité imméritée. Plutôt que de saisir cet événement du point de vue de la dynamique historique – nécessairement longue et contradictoire – dans laquelle il s’est inscrit, ils l’interprètent de biais, à travers leurs propres espoirs déçus, les défaites subies, l’échec – relatif, à mon avis – des projets politiques et organisationnels qu’ils ont eux-mêmes porté ou dans lesquels ils ont cru.

La Marche a pourtant représenté un tournant majeur, un basculement historique ; elle a ouvert une nouvelle période. Depuis 1968, il y avait eu, certes, en France des mobilisations de plus grande ampleur que cette manifestation qui a réuni, selon les estimations favorables, 100 000 personnes ; il y a eu d’autres conflits, des crises sociales parfois bien plus spectaculaires. Il n’en a résulté, cependant, que du bricolage institutionnel. Même quand elles ont été engagées par des partis politiques, les luttes les plus importantes sont restées finalement des luttes syndicales, inscrites dans la continuité républicaine. Polarisées généralement autour de la question de la redistribution des richesses, elles ont rarement contesté, ou alors seulement à la marge, les fondements politiques du Pacte républicain. Les combats dits « sociétaux » ont parfois mobilisé beaucoup de monde ; ils ont induits certaines transformations culturelles, idéologiques, sociales, qu’on ne peut évidemment négliger. Ces évolutions, cependant, apparaissent comme la conséquence de l’onde de choc produite par la grande crise politique de mai-juin 1968 et non comme le résultat de nouvelles ruptures. Quand on en tire le bilan, 25 ans plus tard, l’élection de Mitterrand en mai 1981 n’a pas non plus représenté l’événement historique que l’on dit. Le long intérim assuré, dans les instances de l’Etat, par les équipes de gauche qui se sont substituées aux politiciens et autres technocrates de droite, s’est inscrit dans la continuité républicaine, rétif même à bousculer les institutions mises en place par de Gaulle. Si l’accession au pouvoir des socialistes a profondément renouvelé le champ politique, c’est peut être uniquement, qu’on le regrette ou qu’on s’en félicite, dans la mesure où elle a accéléré le dépérissement du Parti communiste et, plus généralement, contribué à la dissolution de la puissance politique indépendante de la classe ouvrière et à son potentiel de remise en cause du Pacte républicain, au moins dans certaines de ses dimensions.

Pour le dire avec Sayad, « l’irruption sur la scène publique, donc sur la scène politique, de la jeunesse de l’immigration » a été, en elle-même, le vecteur d’un bouleversement du champ politique. Elle a constitué, « à n’en pas douter, ajoute-t-il justement, le fait essentiel de cette décennie, l’avant-dernière du siècle. » Elle « marque une rupture» parce que « la revendication des « droits civiques », la revendication de l’engagement politique au sens plein du terme et, par suite, du déplacement sur le terrain proprement politique des luttes qui, traditionnellement, étaient confinées dans le seul espace concédé aux immigrés, à savoir les luttes directement liées au travail et menées sous la bannière du travail, est reprise un peu partout.» Elle « marque une rupture », parce qu’elle accomplit la conscience que « la défense des immigrés, l’amélioration de leur condition, leur promotion sur tous les plans ne peuvent plus être assurées aujourd’hui que si elles se situent délibérément et ouvertement dans le champ politique, que si les immigrés eux-mêmes et, surtout, leurs enfants s’y engagent directement et engagent leur action dans la sphère politique.» Sans projet politique clair, sans stratégie, sans organisation, ne concernant immédiatement qu’une petite minorité de personnes, la Marche pour l’Egalité apparaît pourtant comme le premier événement depuis mai 1968, parce qu’il a amené l’immigration à l’existence politique. Et cette existence politique a questionné la République elle-même, construite sur la négation de l’existence politique indigène. Certes, la plupart des Marcheurs ne la contestaient pas explicitement ; ils se réclamaient bien souvent de ses « valeurs » ; nombreux parmi eux pouvaient encore croire que le pouvoir socialiste était différent de ceux qui l’avaient précédé, qu’il pouvait avoir pour ambition de mettre en conformité le faire et le dire de la République. Cependant, la mobilisation de dizaines de milliers d’indigènes, suivie avec complicité par des centaines de milliers d’autres, a bousculé en pratique certaines des assises fondamentales du Pacte républicain. La nation France, ses contours culturels, son identité ethno-centrée, son rapport au monde, les frontières de la citoyenneté qu’elle a instauré, percutés par les colonisés de l’extérieur trente ans plus tôt, ont été, emboutis par l’irruption des colonisés de l’intérieur sur la scène politique, en décembre 1983. La Marche, indissociable, comme événement, des résistances indigènes qu’elle a galvanisées, indissociable également de la contre-offensive qu’elle a suscitée, a fait tout bonnement chavirer le champ politique hexagonal ; elle l’a transfiguré. Bien calée depuis les années 1960 sur les luttes internes au Pouvoir blanc malgré les poussées des luttes de travailleurs immigrés, la scène politique s’est retrouvée à nouveau charpentée autour de son axe national-racial. Non pas que celui-ci ait auparavant cessé d’exister ou de déterminer la réalité politique française, mais il ne s’exprimait plus directement comme l’un des ressorts majeurs des conflits d’hégémonie à l’intérieur des frontières de l’Hexagone. Désormais, deux plans de conflits se chevauchent et se croisent, sans jamais se confondre, le plan des luttes politiques « traditionnelles » ou républicaines et le plan des luttes décoloniales. La Marche a ainsi représenté l’acte de naissance d’un rapport de force indigénal, enraciné immédiatement et durablement dans la réalité hexagonale, le moment de cristallisation d’une nouvelle matérialité politique, d’un nouveau rapport de force racial. Elle n’a pas été, comme beaucoup d’entre nous le déplorent, une « occasion manquée », une défaite à cause de ces imbéciles de SOS-Racisme et autres conspirations mitterrandiennes, mais un formidable point de départ, malgré les imbéciles en question, malgré les manœuvres socialistes. La Marche a ouvert un nouveau cycle politique en France, lui-même scandé par des cycles plus court de luttes, d’offensives et de contre-offensives, de déplacements des fronts, de périodes d’avancées et d’autres de retraits ou de cessez-le-feu provisoire, opposant les forces indigénales et les forces blanches.

Cette première grande offensive indigène s’est développée jusqu’aux années 1990. Elle a pris dans un premier temps, la forme de nouvelles marches sur Paris (Convergence 84 pour l’égalité, en 1984, suivie l’année d’après par la Marche pour les droits civiques). Toujours imposantes, elles ont cependant rassemblé moins de monde que la Marche de 1983. On y a vu à tort, à mon avis, le signe d’un déclin, de l’effet mortifère des divisions. Ce n’est pas le cas, même si les divergences qui ont opposé les différents pôles indigènes engagés dans la résistance ont pu effectivement susciter des désenchantements, inéluctables, en vérité, au lendemain d’un grand mouvement de mobilisation. Ce qui a assurément décliné, par contre, c’est le soutien des courants de gauche qui appréciaient dans la « Marche des beurs » les illusions intégrationnistes qui l’ont caractérisé. Les manifestations suivantes, plus fermes dans leur volonté d’autonomie politique, ne pouvaient que rompre le consensus apparent de l’hiver 1983, dissuader les Blancs de s’engager dans le mouvement (pour l’appuyer ou le « récupérer ») et inquiéter certains des nôtres, encore prisonniers de leurs illusions républicaines. A posteriori, c’est toujours facile à dire, mais il me semble vraiment que le choix de la clarté politique était justifié, quand bien même il devait conduire à amoindrir les capacités immédiates de mobilisation. A l’espoir, chimérique, qu’il suffisait d’un gigantesque « tous ensemble » à Paris pour influencer la politique, se sont substituées de multiples tentatives d’organisation, de définitions politiques et d’élaborations stratégiques, dont il est vain de penser qu’elles pouvaient progresser de manière linéaire et aboutir rapidement sans polémiques, sans heurts et sans divisions. Celles-ci ont découragé nombre d’entre nous, mais elles étaient inévitables alors que naissait à peine le mouvement et qu’il devait – qu’il doit encore ! – s’inventer lui-même, s’arracher aux forces blanches, construire son propre espace politique, son propre regard, avant de pouvoir s’unifier durablement. Il faut au contraire se féliciter que, malgré sa jeunesse, celle de son apparition et celle de la plupart de ses membres, malgré la faiblesse de ses acquis politiques et de l’expérience accumulée, malgré la puissance de l’hostilité qu’il a suscité, il a pu néanmoins continuer pendant au moins une dizaine d’années à produire un foisonnement de cadres de résistance organisés ou de réseaux plus ou moins informels, capables d’intervenir sur de nombreux plans – social, politique, culturel, spirituel – et d’agir sous différentes formes – constitution de mouvements indépendants et autres associations, luttes « sur le terrain », incursions dans le champ médiatique, expérimentations électorales, ou tentatives d’infiltration des partis blancs. Ce qui est décisif dans cette période, ce n’est pas leurs hésitations politiques, l’éclatement des résistances, leur incapacité à s’unifier autour d’un projet clair, la dépendance de nombre d’entre elles par rapport aux forces blanches. C’est bien plutôt, dans un contexte de recul des luttes sociales et politiques en France qui durera jusqu’au milieu des années 1990, leur profusion, la floraison de ses formes et de ses domaines d’intervention, la jeunesse de ses acteurs, la pléthore des personnes directement engagées dans ses luttes, qui les ont appuyées un moment ou seulement observées avec sympathie, le rayonnement des idées nouvelles. Surtout, à travers tout cela, ce qui a été cruciale, c’est que du fait même que de nombreux indigènes se sont engouffrés dans le champ politique, une problématique réfractaire à l’ordre national-racial s’est trouvée posée.

La réaction blanche a été brutale. Elle s’est déployée sur une myriade de fronts, a développé différentes stratégies d’endiguement. L’élan de la Marche s’est essoufflé à partir des années 1990. Elle a déserté nos mémoires. Souvent, les jeunes frères et sœurs des marcheurs ne croient plus en rien, terrassés par la violence économique, sociale et policière dans les quartiers. Les espaces de lutte qui avaient acquis le plus de visibilité se sont effilochés, émiettés ; nombreux ont été vassalisés à la périphérie du Pouvoir blanc, clientélisés, pris en otages ou, simplement, graduellement enchaînés par les multiples compromis nécessaires à la survie de quelques activités ; les réseaux se sont détissés ; d’innombrables militants ont été découragés, se sont résignés, ont pris leur pantoufles, ou se sont recroquevillés sur la seule animation d’une résistance local, sur des causes fragmentaires mais vitales ; l’effort de clarification politique s’est asséché ; des expériences accumulées ont été dilapidées. Tout cela est vrai, mais tout cela n’est vrai que dans une certaine mesure : celle qui n’appréhende les progrès d’une puissance politique que comme une accumulation continue de forces et non comme une respiration. Qu’il y ait eu, à partir des années 1990, des défaites, des reculs, une certaine perte de substance, ne fait guère de doute. Mais ces formules sont par trop unilatérales. Elles manquent un pan entier de la réalité. Elles sont distordues par la tendance à ne voir la progression des rapports de force qu’à travers les notions d’événements, de ce qui est censé faire l’« actualité » dans le prisme du regard sélectif des médias blancs pour lesquels l’actualité réelle des immigrés ou de leurs enfants, leurs luttes et leurs résistances, restent largement invisibles.

Plutôt que de regretter la désagrégation de certaines formes de luttes indigènes, il faut souligner le déplacement des résistances, la multiplication des fronts, l’apparition de significations inédites. Les tentatives de constituer une force unifiée de l’immigration et de ses enfants ont échoué, mais, à vrai dire, le contraire eut été étonnant, compte tenu de la jeunesse du mouvement. Ce qui importe, c’est que ces tentatives aient été constamment renouvelées. Certaines dynamiques de lutte se sont amoindries comme, depuis les grandes grèves de l’automobile en 1983-1984, celles des travailleurs immigrés, à l’instar des luttes générales de la classe ouvrière. D’autres ont pris le relais, comme celle des sans-papiers, qui, malgré les épreuves et les revers, ne cessent de rebondir depuis les grandes mobilisations de 1996 jusqu’à nos jours. (…)

Le principal foyer de cette puissance (indigène) est indiscutablement les quartiers indigénisés. Les tentatives d’organisation politique y ont toujours été timides et précaires, concentrées sur l’action locale, rarement en mesure, également, d’impulser de vastes mobilisations populaires. Il ne faut pas, pour autant, sous-estimer la multiplicité et la diversité des espaces et des formes de la résistance qui se sont développées depuis les années 1980, souvent dans l’urgence, généralement articulée autour de revendications liées au traitement d’exception auquel sont soumises les populations issues de la colonisation qui y résident. Contre les brutalités et le harcèlement policiers, le racisme, l’accès et les conditions de logements, le chômage, les discriminations à l’Ecole, les carences des infrastructures municipales, la ségrégation religieuse à l’encontre des musulmans, les restrictions apportées, de fait, au droit d’association, l’exclusion des instances représentatives, les expulsions, la double-peine, autant de questions qui ont suscité une pluralité d’actions et de mouvements de protestation qui ont souvent donné naissance à des espaces de lutte structurés, plus ou moins pérennes. La contre-offensive blanche, à l’échelle nationale et locale, la volonté de soudoyer les animateurs des nouvelles associations, de museler, d’asphyxier, de marginaliser, les espaces de résistances les plus rebelles, ont eu, certes, des effets délétères, fortement visibles encore. Elles n’ont pas cependant aboli toutes les solidarités ; elles n’ont pas éteint la révolte profonde de la jeunesse des cités ; ni bridé toute forme de contestation organisée.

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Message  Toussaint Mer 20 Nov - 2:08

du 25 au 30 novembre 2013 à Lille

La semaine pour l’égalité et contre le racisme


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Reprenons la Marche enclenchée en 1983 !

Quelles leçons tirer des expériences de luttes passées ?
En présence de : Mognis Abdallah, Alima Boumediene, Kaissa Titous, Salika Amara, le Collectif « Quelques unes d’entre nous »

Indigènes de la République - Page 9 Progra10

Programm en pdf de la semaine:
http://indigenes-republique.fr/wp-content/uploads/2013/11/programme_semaine_egalite.pdf


Cinéma l’Univers – Lille – 25/26 novembre 2013
La Maison de Quatrier Vauban – Lille – 27/28 novembre 2013
La Condition Publique – Roubaix – 29/30 novembre 2013
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