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Prostitution/Travail du sexe

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Message  Invité Ven 15 Juil - 16:05

sylvestre a écrit:Comme disait un ex-camarade à moi qui n'avait pas le don de la pédagogie : "tu as atteint avec brio le niveau de la logique formelle, mais il reste encore un effort à faire pour arriver à la dialectique".

Je vais essayer de ne pas tomber dans ses travers, et tenter d'expliquer un peu mieux : les choses dans ce monde ne sont pas toujours telles qu'elles apparaissent, car la classe dominante doit masquer sa domination en construisant une idéologie. Ainsi ce que tu nommes "attaques contre l'islam" sont en réalité efforts de la bourgeoisie française pour diviser la classe ouvrière et justifier ses aventures impérialistes, même si elles prennent bien sûr la forme d'attaques contre des musulmans réels et d'un discours stigmatisant l'islam. En réponse nous devons non pas défendre l'islam mais défendre les musulmans et pointer la nature réel de ce discours.

En ce qui concerne le thème de la traite des êtres humains le gouvernement français attaque en apparence les réseaux mafieux proxénètes mais ce qu'il vise réellement c'est la migration depuis les pays pauvres et l'atteinte aux bonnes mœurs (et à son tour ces attaques visent à diviser le prolétariat, etc.). En réponse nous devons dénoncer la nature réelle de ces actions, et défendre l'extension des droits des personnes migrantes et prostituées.

Plus tu t'expliques et plus tu t'enfonces. Tu n'as fait que reformuler ce que tu dis à longueur d'interventions en particulier sur ce fil. Reformuler ton idée ne la rendra pas plus acceptable pour autant. Il manque toujours un élément dans ta reformulation, et cet élément fait toute la différence entre un universitaire de la pensée, et un militant ouvrier. Défendre l'extension des droits des personnes prostituées, ce n'est pas défendre un prétendu droit à un salariat dans le cadre d'une activité marchande entourée de bons prostituteurs ceintes du code du travail pour réglementer son travail, vendant ainsi sa marchandise - son corps comme n'importe quelle marchandise. Le marxisme ce n'est pas défendre le droit du capital d'investir le moindre recoin de l'activité humaine sous prétexte d'un développement des forces productives. On ne peut tout accepter sous prétexte d'être contre sa bourgeoisie.
En tout tu te places non pas en militant ouvrier mais en militant contre sa bourgeoisie, ce qui est nettement différent. En militant contre sa bourgeoisie, tu ne retiens de la lutte de classe que l'opposition à la bourgeoisie et peu importe le contenu. Du moment que la bourgeoisie est contre un contenu, le contenu est bon et doit être défendu tel quel. Le militant ouvrier évaluera le contenu indépendamment de la bourgeoisie et défendra ce qu'il est défendable du contenu toujours indépendamment de la bourgeoisie. Franchement, si c'est ta façon de procéder, change de militantisme et reste dans la dialectique universitaire !

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Message  fée clochette Ven 15 Juil - 16:22

loriot2010 a écrit:En militant contre sa bourgeoisie, tu ne retiens de la lutte de classe que l'opposition à la bourgeoisie et peu importe le contenu. Du moment que la bourgeoisie est contre un contenu, le contenu est bon et doit être défendu tel quel. Le militant ouvrier évaluera le contenu indépendamment de la bourgeoisie et défendra ce qu'il est défendable du contenu toujours indépendamment de la bourgeoisie.

je suis d'accord avec ça
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Message  sylvestre Ven 15 Juil - 16:50

loriot2010 a écrit:
Défendre l'extension des droits des personnes prostituées, ce n'est pas défendre un prétendu droit à un salariat dans le cadre d'une activité marchande entourée de bons prostituteurs ceintes du code du travail pour réglementer son travail, vendant ainsi sa marchandise - son corps comme n'importe quelle marchandise. Le marxisme ce n'est pas défendre le droit du capital d'investir le moindre recoin de l'activité humaine sous prétexte d'un développement des forces productives. On ne peut tout accepter sous prétexte d'être contre sa bourgeoisie.

J'ai du mal à saisir. Tu as l'air de faire comme si la prostitution n'existait pas. Elle existe. Et bien entendu à partir de là il faut défendre le droit de celles et ceux qui la pratiquent de ne pas être inquiété-es par la police. Ça ne me semble vraiment pas très compliqué.

D'autre part il faut bien sûr défendre les droits des prostitué-es contre leurs exploiteurs, mais tout en gardant à l'esprit que l'Etat se targue de cette mission pour faire tout autre chose : empêcher les immigrants d'arriver dans nos pays. Il faut vraiment être d'une grande naïveté pour penser que les mesures contre les "passeurs" par exemple ont pour objet le bien-être des migrant-es...
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Message  Ellie Ven 15 Juil - 17:02

loriot2010 a écrit:
En tout tu te places non pas en militant ouvrier mais en militant contre sa bourgeoisie, ce qui est nettement différent. En militant contre sa bourgeoisie, tu ne retiens de la lutte de classe que l'opposition à la bourgeoisie et peu importe le contenu. Du moment que la bourgeoisie est contre un contenu, le contenu est bon et doit être défendu tel quel. Le militant ouvrier évaluera le contenu indépendamment de la bourgeoisie et défendra ce qu'il est défendable du contenu toujours indépendamment de la bourgeoisie. Franchement, si c'est ta façon de procéder, change de militantisme et reste dans la dialectique universitaire !

Ben c'est bien beau d'évaluer le truc en toute indépendance, bla bla, sauf que quand il y a des attaques gouvernementales je vois pas comment ça ne peut pas influencer sur des alliances que tu fais à court terme.

Par exemple sur l'homophobie, je suis pas du tout d'accord avec les arguments "on nait homo alors il faut le respecter", sauf qu'en pratique je vais plus facilement manifester avec ces gens là qu'avec des cathos de droite qui nous reprochent de vouloir détruire la famille hétérosexuelle, quand bien même je suis d'accord avec eux (oui, je veux effectivement détruire la famille hétérosexuelle).

Sur la prostitution c'est pareil : je vais plus facilement me retrouver avec des personnes qui défendent le droit des putes, quand bien même leur discours me va pas franchement sur tout, qu'à soutenir de fait une politique répressive qui essaie certes de mettre un vernis de "on va les aider" mais dont la seule mesure concrète c'est plus de keufs, plus de répression, plus d'expulsion de sans-paps, les putes qui sont obligées de plus se cacher, de prendre plus de risques, etc.

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Message  Invité Ven 15 Juil - 18:41

Ellie a écrit:
loriot2010 a écrit:
En tout tu te places non pas en militant ouvrier mais en militant contre sa bourgeoisie, ce qui est nettement différent. En militant contre sa bourgeoisie, tu ne retiens de la lutte de classe que l'opposition à la bourgeoisie et peu importe le contenu. Du moment que la bourgeoisie est contre un contenu, le contenu est bon et doit être défendu tel quel. Le militant ouvrier évaluera le contenu indépendamment de la bourgeoisie et défendra ce qu'il est défendable du contenu toujours indépendamment de la bourgeoisie. Franchement, si c'est ta façon de procéder, change de militantisme et reste dans la dialectique universitaire !

Ben c'est bien beau d'évaluer le truc en toute indépendance, bla bla, sauf que quand il y a des attaques gouvernementales je vois pas comment ça ne peut pas influencer sur des alliances que tu fais à court terme.

Par exemple sur l'homophobie, je suis pas du tout d'accord avec les arguments "on nait homo alors il faut le respecter", sauf qu'en pratique je vais plus facilement manifester avec ces gens là qu'avec des cathos de droite qui nous reprochent de vouloir détruire la famille hétérosexuelle, quand bien même je suis d'accord avec eux (oui, je veux effectivement détruire la famille hétérosexuelle).

Sur la prostitution c'est pareil : je vais plus facilement me retrouver avec des personnes qui défendent le droit des putes, quand bien même leur discours me va pas franchement sur tout, qu'à soutenir de fait une politique répressive qui essaie certes de mettre un vernis de "on va les aider" mais dont la seule mesure concrète c'est plus de keufs, plus de répression, plus d'expulsion de sans-paps, les putes qui sont obligées de plus se cacher, de prendre plus de risques, etc.

C'est bel et bien beau mais depuis quelques pages le fond de la discussion c'est la légalisation de la prostitution et non pas la défense des prostituées qui, je pense, ne fait pas débat ici.
Quant à "détruire la famille hétérosexuelle", qu'est-ce à quo ? Je pensai qu'on se battait pour détruire le capitalisme, abattre l'Etat bourgeois ?

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Message  sylvestre Sam 16 Juil - 15:59

loriot2010 a écrit:
C'est bel et bien beau mais depuis quelques pages le fond de la discussion c'est la légalisation de la prostitution et non pas la défense des prostituées qui, je pense, ne fait pas débat ici.

Tu fais erreur. Le débat en général c'est tout ce qui a trait à la prostitution/travail du sexe, et la discussion de ces derniers messages tournait autour d'un article que j'ai posté sur la manipulation du concept de traite des êtres humains pour justifier des politiques de répression envers les migrant-es et les prostitué-es.

Au risque de me répéter : le débat sur la légalisation de la prostitution en France est particulièrement abstrait, puisqu'elle est déjà légale.

Quant à "détruire la famille hétérosexuelle", qu'est-ce à quo ? Je pensai qu'on se battait pour détruire le capitalisme, abattre l'Etat bourgeois ?

C'est indissociable de la destruction de la famille, en particulier de son caractère hétéronormatif - mais ce serait là un autre sujet, merci de l'ouvrir si vous voulez continuer la discussion.
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Message  Ellie Sam 16 Juil - 16:32

loriot2010 a écrit:
C'est bel et bien beau mais depuis quelques pages le fond de la discussion c'est la légalisation de la prostitution et non pas la défense des prostituées qui, je pense, ne fait pas débat ici.
Oui, sauf qu'à chaque fois qu'il y a des textes présentant des paroles de prostituées avec lesquelles certaines personnes sont en désaccord, ces personnes expliquent que c'est parce que c'est parce qu'elles sont manipulées, que c'est le lobby proxénète, etc. Donc c'est pas "la défense des prostituées", c'est manifestement "la défense des prostituées qui tiennent le bon discours"...

Oui, sauf que si certaines personnes admettent du bout des doigts que la loi qui est en cours de préparation actuellement en France est pas terrible et qu'elles la soutiennent pas, la priorité va manifestement à dénoncer les personnes qui se mobilisent contre... Ce que je trouve quand même un poil hypocrite...

Et oui, effectivement, à chaque fois qu'il y a des tentatives pour parler de trucs concrets sur le rôle des lois répressives qui soit sont en place, soit sont en discussion à l'assemblée, la discussion part sur la légalisation, enfin plutôt, "vous voulez légaliser vous êtes des tenants du lobby proxénète omg!!!11"

Après, je sais pas si c'est le fond du débat ou le débat qui touche le fond...
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Message  Vals Dim 17 Juil - 11:01

Toussaint a écrit:
vraiment du blabla : comme si les prostitué-es n'étaient pas déjà reléguées dans des zones spécifiques, loin des regards des "gens bien" etc. et ce dans tous les pays, quelle que soit leur législation.

Exact! Merci donc de reconnaître que la légalisation ne changera rien à cet état de choses... Le problème, c'est que ce blabla dont tu t'indignes est un des arguments-phares du lobby proxénète pour demander la légalisation et refuser la pénalisation des clients et du proxénètisme. Parce que ce que vous évitez soigneusement de reconnaître, c'est que vous êtes favorables à la régularisation des proxénètes et leur blanchiment en chefs d'entreprise. Tu vas te récrier, certes. Mais c'est cela qui se passera forcément dans le cadre du système capitaliste, et c'est bien pour cela que ces personnes ont pu quitter le trottoir pour manifester. Leurs patrons étaient avec elles. Ainsi que leurs clients.

Quant à la polémique sur la réglementation, le mot en lui-même est arbitraire en partie. C'est sa signification historique dans les débats qui compte. Se battre pour la réglementation est considéré comme se battre pour une légalisation de la prostitution. Et non son abolition ou sa prohibition, par exemple.

Quant à dire que la prostitution n'est pas un métier comme un autre, en effet tu as raison, c'est une sottise, ce n'est simplement pas un métier tout court. Le proxénète est un criminel, pas un patron, le prostitueur est un agresseur, pas un client. Et la prostituée est leur victime, et la victime d'un continuum de violence de classe et de genre.

Il me semble que cette intervention de Toussaint comme a peu près tout ce qu'il dit sur ce sujet est ce qu'il y a de plus cohérent et surtout de juste pour des communistes....Je le répète, l'expression "travail du sexe " est une injure faite à la dignité humaine et une justification de clients salauds et des proxénètes criminels, qu'ils aient ou non pîgnon sur rue grâce à une "bonne" réglementation...
ëtre prostitué n'est pas plus une liberté à défendre que celle d'être esclave ou prisonnier...
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Message  fée clochette Mer 20 Juil - 9:07

Désolée pour ceux qui ne lisent pas le castillan

http://www.publico.es/espana/250085/el-gran-negocio-hipocrita-de-la-prostitucion




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Message  fée clochette Mer 27 Juil - 18:34

CONGRÈS INTERNATIONAL MONDES DES FEMMES 2011
Compte-rendu des échanges sur l’abolition de la prostitution à l’exposition "Les draps parlent"

21 juillet 2011


Le récent congrès international Mondes des femmes 2011, du 3 au 7 juillet 2011, a fait l’objet d’échanges intenses entre féministes venues à Ottawa de 92 pays, qui ont notamment parlé de l’industrie de la prostitution et du projet de donner aux femmes les moyens de créer des solutions de rechange à cette forme de violence et d’y mettre fin. Le congrès a ainsi exposé en détail le modèle nordique de soutien des femmes en prostitution et de dissuasion/pénalisation de leurs exploiteurs, appliqué en Norvège et ailleurs.



Réunies autour de l’exposition très innovatrice « Les draps parlent », créée à Vancouver puis à Montréal l’an dernier, les participantes au congrès – animées par des féministes des organisations Vancouver Rape Relief and Women’s Shelter et La Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle - ont discuté durant quatre jours, entourées des draps de l’exposition, de ce qu’elles vivaient chacune dans leur pays.

Voici, en exclusivité sur Sisyphe, la version française de ces échanges, rédigée à partir de leur compte-rendu au jour le jour par Fazeela Jiwa.

Premier jour, le 4 juillet - Liens entre racisme, pauvreté, prostitution et traite

Hier, environ 2100 féministes du monde entier ont convergé vers Ottawa pour le onzième congrès international Mondes des femmes. MdF 2011 sera l’hôte d’une variété d’ateliers, présentations, conversations, installations artistiques, actions et plus encore au cours de cette semaine du 3 au 7 juillet.

Un élément quotidien en vedette au congrès est l’exposition mondiale multilingue et multimédia Fleshmapping / « Les draps parlent » / La Resistencia de las Mujeres : La prostitution dans un monde globalisé. Elle intègre des vidéos interactives, des jeux et 70 draps récupérés, transformés en tableaux sur lesquels des femmes de partout au pays ont exprimé leur résistance à la prostitution et à la traite à des fins sexuelles. Chaque jour de la conférence, 16 femmes du monde entier se réuniront pour partager des échanges spontanés et publics de prise de conscience et de discussion au sujet des liens entre la traite mondiale et l’exploitation sexuelle des femmes dans leurs propres régions. Ce groupe comprend des femmes qui ont quitté la prostitution, des travailleuses de première ligne, des universitaires, des organisatrices communautaires et d’autres personnes.

Aujourd’hui, coup d’envoi des quatre jours d’élaboration de stratégies féministes durant l’exposition “Les draps parlent”, quelque 90 participantes ont entendu des femmes autochtones du Canada et de Norvège, ainsi que des femmes des pays suivants venues à Mondes des femmes : Haïti, Maroc, Mexique, Australie, Corée du Sud, d’Okinawa, Bangladesh, Italie et Nigeria. Les femmes autochtones qui ont guidé le travail des féministes canadiennes ont été unanimes dans leurs audacieuses revendications pour la reconnaissance de la prostitution comme une forme de violence coloniale perpétuée contre les femmes autochtones, qui sont surreprésentées dans la prostitution de rue.

Jeannette Lavell, présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC), a parlé de la récente décision de son organisation : « Le risque de voir légalisée l’industrie de la prostitution nous a rassemblées et unies, à l’AFAC, nous amenant à adopter très fortement la position que cela serait inacceptable, et contraire à ce que nous voulons en tant que femmes autochtones. » Fay Blaney et Cherry Smiley, du Réseau d’action des femmes autochtones (AWAN), et Michelle Audette, de l’Association des femmes autochtones du Québec, ont rappelé aux participantes que les peuples autochtones font face à la violence systémique et à la pauvreté, et que la dislocation continue et le déplacement des femmes ont perturbé la transmission d’enseignements et de traditions.

Les participantes ont mis en évidence la corrélation entre le racisme, la pauvreté et la prostitution et la traite. Alors que Clorinde Zéphir, d’Haïti, a parlé de l’augmentation de la prostitution en Haïti depuis la catastrophe de 2010, Esohe Agathise a désigné la normalisation de la vente des femmes et des filles au Nigeria et le mythe de la libération sexuelle en Italie. Beaucoup de femmes ont fait le lien entre la hausse de prostitution et l’installation de bases militaires nord-américaines, y compris Suzuyo Takazato, d’Okinawa, et Teresa Ulloa Ziaurriz, originaire du Mexique.

Cette dernière a expliqué que son pays est un « cimetière clandestin » de femmes à cause du tourisme sexuel américain et canadien, les cartels de la drogue, la police et les militaires locaux. Rajaa Berrada. du Maroc, a relié le trafic à la prostitution en décrivant les femmes visitant le pays en transit ou en tant que domestiques ou travailleuses agricoles et qui se retrouvent piégées dans des réseaux de prostitution. Young Sook Cho a dit interpréter la prostitution comme une violation des droits humains, sur la base de son expérience de travail auprès des femmes des bordels de Corée du Sud, car « encore et encore, les femmes meurent, peu importe l’endroit où se trouvent les bordels ».

La description faite par Sigma Huda des lois au Bangladesh a semblé familière à beaucoup de femmes canadiennes dans la salle : même si la prostitution y est illégale, les lois sont suffisamment opaques pour faciliter dans ce pays un débat similaire au nôtre sur les façons de créer des conditions juridiques qui permettraient de mieux protéger les femmes. Une décision prise par la juge Susan Himel, l’année dernière, a invalidé certaines lois touchant la prostitution en Ontario, et l’appel qui a été entendu le mois dernier a permis, jusqu’à présent, un sursis à l’abrogation de ces lois. Le pays attend maintenant la longue bataille qui va sans doute aboutir en Cour suprême dans les années à venir.

Sheila Jeffreys, de l’Université de Melbourne et de la Coalition internationale contre la traite des femmes – Australie, a partagé certaines de ses expériences dans un pays où la prostitution est légalisée (dans certaines provinces). Elle a décrit une augmentation de la criminalité organisée et de la corruption de la police locale, ainsi que peu d’entraves dans l’exploitation des bordels illégaux. En contrepartie, Marit Smuk, de Norvège, a rappelé son expérience d’une protestation réussie contre l’installation de maisons closes dans sa communauté.

Elle a décrit la lutte pour ce qui est maintenant connu comme le modèle nordique, qui reconnaît la prostitution comme une forme de violence contre les femmes en dépénalisant les personnes prostituées et en criminalisant la demande – les clients-prostitueurs, les proxénètes et les propriétaires de bordels. Ce modèle inclut une aide sociale accrue, comme un revenu de subsistance garanti afin que la pauvreté ne contraigne pas les femmes à la prostitution, ainsi que des services pour celles qui veulent en sortir.

Les femmes venues à la table d’aujourd’hui croient que ce modèle crée les conditions juridiques nécessaires pour établir une véritable égalité entre les sexes.

Deuxième jour, le 5 juillet - Solidarité avec Soeurs d’esprit et stratégies à développer

Ce matin, des centaines de participantes du 11e congrès international Mondes des femmes ont défilé jusqu’au Parlement en solidarité avec l’initiative Sœurs d’esprit pour dénoncer le nombre inacceptable de femmes autochtones disparues et assassinées au Canada.

Cette Marche des femmes a bien amorcé les sujets de discussion abordés à l’exposition « Les draps parlent » aujourd’hui. Dans le contexte d’un système d’État raciste et capitaliste que les femmes, et particulièrement les femmes autochtones,vivent comme oppressif, comment les personnes qui militent pour l’abolition de la prostitution peuvent-elles utiliser la structure du gouvernement ? Quelles stratégies réformistes, appelant des féministes à travailler dans le cadre de l’État patriarcal, en valent le temps et l’effort ? Quelles sont les stratégies véritablement transformatrices et conformes aux normes féministes révolutionnaires ?

Cherry Smiley, de l’Aboriginal Women’s Action Network (Réseau d’action des femmes autochtones - AWAN), a dit au groupe qu’AWAN était bien conscient de la contradiction d’attendre quoi que ce soit de l’État quand il a été un oppresseur des femmes autochtones sous la forme des pensionnats, de la criminalisation et de l’incarcération, et du placement familial, entre autres politiques génocidaires. « Toutefois, a-t-elle poursuivi, ce que l’on perd souvent de vue quand les gens réclament le retrait de toutes les lois, c’est que cela nous laisse encore aux prises avec le capitalisme non réglementé et la destruction qui l’accompagne. »

Considérant que beaucoup des participantes à la discussion lient la prostitution à la marchandisation sexiste du corps des femmes en régime capitaliste, elles conviennent avec Teresa Ulloa Ziaurriz, du Mexique, que la prostitution doit être traitée comme « la plus ancienne expression du patriarcat ». Elle préconise le modèle juridique nordique, qui voit effectivement la prostitution de cette façon et donc dépénalise les personnes prostituées, tout en criminalisant la demande de corps de femmes par les prostitueurs, proxénètes et propriétaires de bordels.

Kim Pate, de l’Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry, rappelle aux participantes que ce changement juridique ne serait pas suffisant. De son expérience de travail avec les femmes criminalisées, elle craint qu’un agenda strictement juridique puisse être coopté par les fonctionnaires de police afin de promouvoir la criminalisation rigoureuse de certaines personnes. Elle exhorte les participantes à se montrer très claires sur le fait que la position abolitionniste ne se contente pas d’exiger des changements juridiques. Elle doit également être « clairement liée à des stratégies anticapitalistes comme un revenu garanti décent ».

Une perspective antiraciste doit faire le lien entre la prostitution et la traite des femmes de couleur, aussi bien domestique que transnationale, vers des situations de prostitution à l’intérieur. Enfin, une analyse de classe doit faire comprendre que « les bordels n’élimineront absolument pas la prostitution de rue », puisque les femmes les plus marginalisées demeureront sur les rues dangereuses. Son organisation a récemment remplacé son soutien de longue date à une décriminalisation totale de la prostitution par une perspective qui dénonce comme criminelles les actions de ceux et celles qui font la promotion de la prostitution et en tirent profit.

D’autres participantes ont souligné la nécessité de stratégies de transformation, comme les actions directes et l’éducation publique. Par exemple, Suzanne Jay, de l’Asian Women’s Coalition Ending Prostitution (Coalition des femmes asiatiques pour éradiquer la prostitution – AWCEP), a parlé de la stratégie de cet organisme de dénoncer les salons de massage de Vancouver auprès des femmes asiatiques pour les sensibiliser au racisme opérant dans ce type de prostitution intérieure. En assemblant une carte de ces salons de massage, le groupe a constaté que « des 81 salons de massage de la ville, 50 annoncent des femmes asiatiques ». Le groupe vise à changer le conditionnement social qui raconte à la communauté que le massage asiatique est « un phénomène culturel » et à faire comprendre qu’il s’agit plutôt de l’exploitation des femmes asiatiques.

De même, beaucoup de femmes ont invoqué des mythes que des actions directes et d’éducation populaire pourraient exposer en tant que tels. Nous avons trouvé particulièrement puissantes les paroles et les stratégies des femmes qui avaient quitté l’industrie du sexe après des années d’exploitation. Vednita Carter, du groupe américain Breaking Free, s’est inquiétée de la distinction faite entre la prostitution des enfants et la prostitution adulte, parce que « quand la jeune fille grandit et qu’elle demeure impliquée dans la prostitution, nous disons alors que c’est de sa faute, alors qu’il ne s’agit pas d’un choix. Lorsque vous faites un choix, vous savez ce qui est impliqué dans ce choix. » Trisha Baptie, de l’organisme Formerly Exploited Voices Now Educating (Voix jadis exploitées et faisant maintenant de l’éducation – EVE) a parlé de l’idéologie de la réduction des méfaits : « À un certain niveau, je veux que mes copines soient plus en sécurité ce soir en disposant de condoms, mais nous devons voir plus grand ... l’abolition, c’est voir plus grand que la réduction des risques, parce qu’on vise l’élimination des méfaits. »

De nos discussions d’aujourd’hui à l’événement « Les draps parlent », il ressort clairement que les féministes considèrent l’État comme une institution patriarcale. Cependant, il semble que la plupart des femmes à la table aujourd’hui ne considèrent pas la réforme et la transformation comme s’excluant mutuellement ; la promulgation de changements juridiques et sociaux peut être utilisée conjointement avec d’autres stratégies pour accélérer la possibilité d’un monde exempt de violence contre les femmes.

Troisième jour, le 6 juillet - Écouter la voix des femmes dans la prostitution

C’était l’avant-dernier jour du congrès des femmes Mondes des femmes, qui s’est tenu cette semaine à Ottawa avec la participation de milliers de féministes du monde entier.

Les échanges d’hier lors de l’événement « Les draps parlent » ont commencé par reconnaître le leadership que les femmes ex-prostituées et autochtones ont donné au mouvement abolitionniste au Canada. Des participantes de divers endroits et pays – tels Haïti, le Maroc, le Bangladesh, le Danemark, la Corée du Sud, les États-Unis, le Mexique, le Japon et l’Italie – se sont fait poser la question suivante : considérant que les femmes qui sont actives dans ce mouvement ont différents niveaux et types de privilège, quelles sont les meilleures façons pour le mouvement abolitionniste de travailler en alliance avec des femmes qui ont quitté la prostitution ou y sont actuellement, ainsi qu’avec des femmes de couleur et autochtones ? Comment les femmes peuvent-elles faire preuve de solidarité d’une manière qui ne soit pas purement théorique, condescendante ou exploitante ?

Les femmes ont offert beaucoup de réponses, mais ce qui est apparu le plus clairement est l’importance de l’écoute et du respect du leadership des femmes qui sont les plus touchées par la prostitution. Trisha Baptie et Véronique Bourgeois ont toutes deux commencé en opinant que même si elles, en tant que survivantes, ont une voix très spécifique dans la conversation, toutes les femmes sont touchées par la prostitution dans la mesure où celle-ci encourage la commercialisation des femmes en tant qu’objets. Cela dit, elles ont toutes deux souligné la nécessité pour les féministes d’avoir des opinions objectives et exemptes de jugement envers les femmes dans la prostitution, afin de faire alliance avec elles. Corroborant ce sentiment, Teresa Ulloa Ziaurriz a informé le groupe que les femmes dans la prostitution au sein du mouvement abolitionniste latino-américain exigent d’être traitées comme des égales absolues : « Elles ne sont pas des objets d’études, elles ne sont pas des objets à classer. »

Les participantes d’AWAN ont dit aux participantes que les femmes autochtones sont souvent ignorées par les chercheurEs, les universitaires et les femmes non autochtones, qui se permettent parfois de parler à leur place, d’où l’importance d’avoir leurs propres voix. Fay Blaney, du même groupe, a rappelé aux participantes que, bien que certaines d’entre elles parlent de la prostitution à la deuxième et à la troisième personne, « nous discutons de ces questions à la première personne... Il n’y a pas de lutte pour combler un fossé entre nous ». Cherry Smiley a cité une autre membre de AWAN : « Nous n’avons pas besoin de vous pour nous accorder de l’espace - nous l’avons, et vous êtes dedans. Nous n’avons pas besoin que vous nous donniez la parole – nous avons une voix, et vous avez besoin d’écouter. »

Cette déclaration a rappelé les paroles de Jeannette Lavell, présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, quand elle a dit plus tôt cette semaine : « Nous, les femmes autochtones, avons eu beaucoup de difficulté à faire entendre nos voix et nous avons besoin des femmes non autochtones pour nous aider à arrêter la légalisation de la prostitution, dans l’intérêt des femmes autochtones et dans votre propre intérêt aussi. » Beaucoup de femmes présentes à la table ont exigé un espace permettant aux femmes de s’organiser, plutôt que des offres condescendantes de « sandwichs, de conseils ou de plaidoyers », comme l’a formulé la travailleuse de première ligne Erin Graham.

Parmi les autres sujets mentionnés par les participantes, j’ai noté la nécessité de garder la discussion sur la prostitution axée sur la demande émanant des proxénètes, des prostitueurs et des propriétaires de maisons closes, ainsi que l’importance des mots utilisés dans le discours des positions pro-et anti-prostitution. Par exemple, si « la pauvreté est souvent ce qui amène les femmes à se prostituer », comme l’a dit Bourgeois en se basant sur son expérience antérieure dans la prostitution, le fait d’appeler cette coercition du « travail du sexe » légitime implicitement sa situation comme une solution viable à la pauvreté des femmes, qui découle en fait d’une inégalité systémique.

Parmi l’ensemble des sujets abordés, il a semblé que les participantes estimaient unanimement que s’allier avec les femmes les plus marginalisées équivalait à souligner la nécessité de programmes sociaux pour quiconque en a besoin. Vednita Carter, fondatrice du groupe Breaking Free et survivante de la prostitution, a déclaré qu’avant toute chose, les femmes ont besoin de choses tangibles pour être en mesure de quitter la prostitution, comme un endroit pour vivre et de quoi manger. Mais Esohe Agathise, du Nigeria et de l’Italie, a noté que « si ces ressources ne sont simplement pas là, c’est que les problèmes des femmes ne sont pas à l’ordre du jour ».

En réponse à la même réalité dans sa région, Clorinde Zéphir, d’Haïti, a fait un appel énergique à du soutien : « Il nous faut demander aux gens de soutenir les changements nécessaires à apporter à notre société ... La lutte abolitionniste prend racine dans des exigences de base qui sont incontournables ... Nous devons oser rêver de ce monde ; faire appel à des gens, des écrivains et des médias, pour nous aider à développer cette vision et à aller contre le courant des siècles passés, où la prostitution semble être, pour la plupart des gens, une réalité naturelle. »

Quatrième jour, le 7 juillet - La prostitution, une forme de violence patriarcale

Les organisatrices ont commencé la dernière session de la rencontre internationale « Les draps parlent » en déposant une déclaration écrite et signée par quelques-unes des femmes autochtones présentes à Mondes des femmes. Cette déclaration condamne la prostitution comme une forme de violence patriarcale imposée de manière coloniale aux femmes autochtones. Répondant à une invitation, lancée à toutes les femmes indigènes, à lire et à envisager de signer cette déclaration, les femmes de la région Saami dans le nord de la Norvège, de l’île d’Okinawa qui a été annexée par le Japon, ainsi que d’autres femmes de diverses nations du pays sont venues à la table pour y apposer leur nom. Jeannette Lavell a pris un moment pour expliquer qu’elle signait ce texte pour s’opposer à la légalisation de la prostitution au nom de toutes les organisations qui forment l’Association des femmes autochtones du Canada, parce que « en tant que femmes autochtones, des Premières nations, inuites et métisses, nous savons grâce à nos traditions et nos enseignements que nous ne sommes pas cela ».

Pour la dernière rencontre de « Les draps parlent », les organisatrices ont axé l’échange sur la façon de maintenir et de développer la solidarité internationale qui avait été construite au cours de l’organisation de cette exposition multicouches. Beaucoup de femmes ont parlé de stratégies, comme la rédaction et la publication de déclarations telles que celle des femmes autochtones, en particulier, Young Sook Cho, de Corée du Sud, qui a parlé au groupe d’une vaste rencontre des survivantes de la prostitution dans la région Asie-Pacifique qui avait publié de concert une déclaration semblable.

D’autres ont souligné la nécessité de comprendre dans leur propre contexte culturel la prostitution et les autres formes de violence contre les femmes dans les différentes régions du monde. Par exemple, Esohe Agathise a expliqué la « situation désespérée » en Afrique sub-saharienne, où elle est harcelée pour avoir parlé de la traite des femmes, parce que le féminisme est considéré par certaines personnes comme imposé par l’Occident, ou parce que certains considèrent que la traite est due à ce que « les femmes ne donnent pas à leurs filles une formation morale suffisante ». Parmi les autres sujets de préoccupation, beaucoup de femmes ont attiré l’attention sur le lien entre le militarisme et la prostitution.

Suzuyo Takazato, d’Okinawa, a dit que l’augmentation de la prostitution est due à la base militaire américaine qui est restée sur son île depuis la guerre du Vietnam, en suggérant que « le militarisme est l’élément au cœur du maintien de la prostitution ». Clorinde Zéphir, d’Haïti, a confirmé le sentiment de Madame Takazato en parlant aux participantes de la destruction causée à Haïti par la milice internationale et le commerce des armes : « Nous savons comment le viol et la prostitution sont liés au militarisme.

Partout où il y a eu des troupes, des bordels sont apparus. Et puis, quand l’armée quitte, la prostitution est naturalisée. » Les deux femmes ont proposé que le mouvement abolitionniste jette les bases d’une solidarité avec des organisations antimilitaristes, et que « ses efforts de mobilisation devraient être particulièrement dynamiques dans les pays pauvres où la militarisation est un problème », comme a dit Zéphir.

Sigma Huda, du Bangladesh, a nuancé cette analyse en se référant à l’exemple des femmes autochtones du Bangladesh qui souffrent de « viols commis au hasard et avec impunité par l’armée » dans la région. Elle voulait ainsi rappeler aux participantes que « la militarisation ne se limite pas à des forces externes, mais aussi internes ». Trisha Baptie, d’EVE, a corroboré ces voix internationales avec son expérience sur la côte ouest de la Colombie-Britannique, où les militaires « jouent un rôle énorme dans l’économie et dans des violences correspondant à leur présence dans le port ».

Il est clairement ressorti de cette rencontre mondiale au cours de la semaine, comme l’a dit l’organisatrice Lee Lakeman, que l’abolition de la prostitution « ne peut être l’objet d’une campagne menée isolément », étant donnés ses liens étroits avec les systèmes du militarisme, du capitalisme et du colonialisme.

Comme autre exemple, Alice Lee, de l’AWCEP, a demandé aux participantes de s’intéresser aux politiques d’immigration dans leur propre pays. Elle était préoccupée par l’effet de division de la politique canadienne d’immigration actuelle qui légitime les immigrants légaux et emprisonne les migrants illégaux : « Cela crée un fossé entre ces deux groupes, qui s’avère difficile à combler », a-t-elle expliqué. Cet enjeu était particulièrement pertinent dans le contexte de Mondes des femmes puisque le gouvernement canadien n’avait pas traité à temps les visas de plusieurs femmes originaires de pays africains qui devaient donner des présentations au congrès.

Des participantes ont suggéré que les femmes canadiennes auraient pu exercer plus de pressions sur leur gouvernement à ce sujet, ce qui a rappelé le thème connexe de notre plus récent échange « Les draps parlent », à savoir que les féministes disposant de plus de privilèges du fait de la géographie, de la race ou de la classe ont pour obligation d’utiliser ce privilège à l’avantage de leurs sœurs. Pour bâtir une solidarité internationale, les abolitionnistes doivent se soutenir mutuellement dans des campagnes mondiales pour mettre fin à la prostitution par tous les moyens dont elles disposent.

Les participantes ont unanimement souligné la nécessité de poursuivre les échanges amorcés cette semaine. Cependant, toutes ont approuvé l’impression des animatrices, Diane Matte et Lee Lakeman, que la situation des femmes ne changera pas sans un mouvement féministe autonome qui n’est pas endetté envers le gouvernement, la grande entreprise, ou toutes autres institutions, que ce soit au plan économique ou idéologique. Pour réaliser un monde de femmes, le genre de monde que le nom de cette conférence invoque, les féministes doivent construire un mouvement des femmes global et autonome, dont l’objectif central est d’appeler les femmes du monde entier à participer à la libération de toutes les femmes.

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Message  fée clochette Mar 2 Aoû - 18:01

LETTRE AU MOUVEMENT DES FEMMES, AUX FÉMINISTES
Prostitution - Les féministes abolitionnistes ont le droit de s’exprimer sans être dénigrées

http://sisyphe.org/article.php3?id_article=3926
10 juillet 2011

par la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES)

Montréal, le 30 juin 2011

Face à une série d’attaques ciblées, parfois subtiles, d’autres fois lourdes, qui visent les féministes abolitionnistes, nous vous interpellons en tant que membres du mouvement féministe au Québec en vous demandant d’y réagir.

Les féministes abolitionnistes s’attaquent au caractère fondamentalement patriarcal, mais aussi raciste, capitaliste et colonialiste de l’institution de la prostitution. Leur travail politique d’éducation, de prévention et d’intervention vise à outiller plus de féministes à saisir que l’industrie du sexe est illégitime et qu’elle doit disparaître. Il consiste aussi à donner aux femmes le droit de s’extirper de la situation d’exploitation inhérente à cette industrie. Elles travaillent de concert avec les femmes qui sont ou ont été dans l’industrie du sexe afin de s’organiser, de collectiviser leur vécu et d’agir dans une visée de transformation sociale. Elles savent que toutes les féministes ne sont pas d’accord avec l’analyse qu’elles portent. Mais, elles revendiquent le droit d’exister, de penser et de travailler dans cette perspective.

Les féministes abolitionnistes sont dénigrées publiquement et traitées, dans divers milieux, tels que les universités (incluant de la part de professeurEs), les médias sociaux (pages Facebook d’individuEs ou de groupes, blogs, sites Web) comme étant : « des moralisatrices chrétiennes ; de vieilles grosses laides qui n’ont rien à faire ; des cinglées ; des salopes et des nazies ». Des activités visant à faire connaître des outils de prévention d’entrée dans la prostitution s’adressant à un jeune public sont contestées, bien que ces outils impliquent des femmes qui auraient voulu bénéficier de ces mêmes ressources préventives. La publicité pour des services d’aide aux femmes exploitées sexuellement dans l’industrie du sexe est boycottée. Les féministes abolitionnistes luttent explicitement contre la violence masculine et elles se font dire qu’elles sont « dangereuses pour les femmes dans la prostitution » et, dernière injure, elles seraient « violentes envers les femmes dans la prostitution !!! ».

Des féministes qui prennent le risque de nommer et dénoncer la violence des hommes, des féministes ayant subi la violence des milliers d’hommes dans la prostitution, pendant 10, 20 ou plus de 30 ans, parfois dès l’âge de 2 ans, sont traitées de violentes envers d’autres femmes. Peu importe notre vécu ou notre expérience, nous croyons que de tout temps, il a été et est inacceptable de tolérer que des féministes utilisent des tactiques visant à museler d’autres féministes même lorsque nous avons des désaccords. C’est pourtant ce qui se passe présentement.

Ces stratégies sont indignes d’un mouvement, où l’on souhaite avoir des débats et faire des réflexions communes, nous menant vers de nouvelles actions ou un renforcement du féminisme. Il est inacceptable de dire que les féministes abolitionnistes sont violentes envers les femmes dans la prostitution. C’est d’autant plus inacceptable pour celles d’entre elles ayant été dans la prostitution !! Ces tactiques ont pour but de les faire taire et font aussi en sorte que certaines femmes et, particulièrement des féministes, hésitent à prendre position, car elles ne veulent pas être prises dans cet étau et vivre les pressions qui en découlent. Ces mêmes tactiques empêchent aussi des femmes dans la prostitution d’avoir accès à une autre perspective et d’autres choix. Évidemment, les féministes abolitionnistes n’ont pas l’intention de se taire.

De plus, depuis les 20 dernières années, au Québec, il a été très difficile de trouver l’espace pour présenter l’analyse féministe abolitionniste. Certaines reprochent aux féministes abolitionnistes d’être trop radicales ou « agressives » dans la défense de leurs idées. D’autres trouvent que le débat est trop émotif et ne veulent pas avoir à prendre position pour diverses raisons : peur du conflit et de la division possible dans leur groupe et/ou dans le mouvement, peur de ne pas respecter les femmes qui ont un vécu en lien avec la prostitution, etc. Même si les féministes abolitionnistes déplorent cet état de fait et espèrent, par leurs actions, permettre à de plus en plus de femmes de considérer que l’analyse féministe abolitionniste est la plus cohérente avec les idéaux de liberté, d’égalité et de solidarité, elles respectent le libre arbitre des individuEs ou des groupes à se positionner.

En tant que signataires, nous aimerions cependant entendre des féministes s’élever, de façon solidaire, contre les tactiques de dénigrement et de boycott. Nous réitérons que nous respectons le fait que certaines féministes n’aient pas la même analyse que les féministes abolitionnistes. Par contre, traiter les féministes abolitionnistes de tous les noms, les « étudier » comme phénomène de violence envers les femmes, appeler à boycotter des organismes comme la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle, au nom du danger que les féministes abolitionnistes représenteraient pour les femmes dépasse toutes les bornes.

Le mouvement féministe n’est pas uniforme dans ses pensées, ses priorités et ses actions. Il nous semble cependant qu’aucun autre sujet pouvant nous diviser comme mouvement féministe, sauf la prostitution, ne semble susciter une aussi grande réaction d’un côté et un aussi grand silence de l’autre.

C’est pourquoi nous vous interpellons aujourd’hui pour que cessent ces tactiques et que nous puissions débattre, librement. C’est tout particulièrement important dans le processus des États généraux du féminisme. Nous vous demandons de ne plus tolérer ou endosser le dénigrement et de ne participer d’aucune façon au muselage de la position féministe abolitionniste. Quelles que soient les analyses portées par certains groupes féministes, quels que soient les enjeux, nous vous demandons d’agir quand ces groupes se font traiter de « cinglés » ou de « violents ». Certaines n’aiment peut-être pas entendre les féministes abolitionnistes, comme ces dernières n’aiment pas entendre des féministes défendre l’industrie du sexe. Les féministes abolitionnistes ne peuvent cependant les empêcher de parler et d’agir selon leurs convictions et ont droit au même traitement. C’est sur le plan des idées que nous devons mener nos discussions.

Plus spécifiquement, nous vous demandons à titre individuel de :

Signer cette lettre (peu importe votre position sur la question de la prostitution) ;
Dénoncer le dénigrement des féministes abolitionnistes lorsque vous en êtes témoin dans les espaces de discussion (que ce soit lors de réunions ou dans les médias sociaux) ;
Vous engager à favoriser un espace exempt d’intimidation et de dénigrement lors des États Généraux du féminisme.

Cette lettre a déjà été signée par une centaine de personnes. Voir les signatures sur le site de la CLES

Pour signer cette lettre à votre tour, adressez votre signature à info@lacles.org

Source : la CLES

Mis en ligne sur Sisyphe, le 30 juin 2011

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Message  sylvestre Mer 3 Aoû - 9:37

En même temps réclamer le droit de s'exprimer sans être dénigré... sur le web, c'est une utopie complète. Perso je réclame le droit de dénigrer les féministes abolitionnistes, pas dans certains termes débiles cités (mais non sourcés), mais je suis tout à fait d'accord par exemple que l'abolitionnisme est dangereux pour les femmes dans la prostitution, dans la mesure où il a maintes fois servi de couverture à des mesures répressives, etc.
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Message  fée clochette Mer 17 Aoû - 11:25

http://infos.fondationscelles.org/index.php?option=com_content&view=article&id=318%3Adossier-du-mois-moi-si-jetais-un-homme&catid=81%3Afondation-scelles-infos-nd2-dec-2010&Itemid=103&lang=fr

Moi, si j'étais un homme...

Pour certains, c'est de la naïveté : « je suis très gentil et je les aide financièrement... ». Pour d'autres, ce sont des dommages collatéraux : « lorsque j'achète ma viande, je ne me demande pas si la bête a souffert avant d'être dans mon assiette... ». Comment responsabiliser les clients de la prostitution ?

Alors que s'achève 2010, année de grande cause nationale consacrée à la lutte contre les violences faites aux femmes (dont la prostitution fait partie), une nouvelle cause s'annonce pour 2011 : la solitude. Ce sera l'occasion de s'occuper de ces « chers » hommes esseulés, qui, d'après les dires de certaines personnes prostituées, viennent les voir comme à une séance de psychothérapie.

Nous parlons principalement des hommes car, même si le paysage prostitutionnel s'est transformé depuis la première enquête sociologique sur les clients du Suédois Sven-Axel Mansson en 1984, les usages de la prostitution demeurent avant tout masculins.

Le client est un Monsieur-tout-le-monde en mal affectif, cherchant une épaule pour être rassuré et surtout, consommant du sexe comme on achète son pain. Il ne veut pas connaître l'envers du décor et ne se sent aucunement responsable des causes et conséquences de la prostitution comme les violences, les trafics, l'argent sale, la corruption...


Un commerce à banaliser à tout prix

Peu à peu, la sexualité s'est transformée en marchandise : il n'est plus question d'une relation intime mais de la consommation d'un produit. De ce fait, le marché du sexe s'est développé et tout un réseau économique s'est tissé pour attirer, divertir et satisfaire le client de la prostitution. Et les marchands de sexe, en particulier dans les pays où la prostitution est légale et organisée, ne manquent pas d'imagination en ce domaine. On parle de business, de chiffres d'affaires, de rentabilité, de recherche de nouveaux profits...

En Allemagne, on propose des tarifs spéciaux aux retraités et aux chauffeurs de taxi, des forfaits « deux pour le prix d'un » ou encore, crise oblige, des formules discount comprenant sexe, boissons et nourriture à volonté où le client « fait tout ce qu'il veut, autant qu'il le veut, aussi longtemps qu'il le peut »...

En Suisse, suite à des plaintes d'habitants vivant à proximité des quartiers de prostitution, la police zurichoise a proposé en septembre dernier d'installer des sex-boxes, sorte de drive-in du sexe sur le modèle allemand. Grâce à trois panneaux métalliques sommaires, le client peut garer sa voiture dans un espace à l'abri des regards, tandis qu'un couloir passager permet à la personne prostituée de monter et descendre du véhicule. Quel romantisme !

Peut-on aller plus loin dans l'organisation et la banalisation de l'activité prostitutionnelle ? Oui ! Aux Pays-Bas, fer de lance du réglementarisme, une agence de voyage fait visiter le quartier d'Amsterdam avec un guide, comme une véritable attraction touristique, tarif réduit pour les enfants de moins de 12 ans et gratuit pour les moins de 4 ans.

L'achat d'actes sexuels est devenu tellement banal que la plupart des clients l'assument pleinement. Le « consommateur » se croit tout permis, se sent légitime dans sa démarche où rien n'est grave.


Le client sort de l'anonymat

Si l'industrie du sexe se porte bien, c'est grâce aux clients, de plus en plus nombreux. Beaucoup de pays, même ceux qui ont légalisé la prostitution, reconnaissent que c'est la demande qui crée l'offre et que le client est le premier acteur et responsable de ce système. Un pas de plus est bien franchi vers la reconnaissance du rôle premier du client.

Pourtant, face à ce déploiement de moyens pour faire consommer du sexe, comment dire au client que la prostitution est une violence à l'égard de l'être humain ? Comment lui expliquer pourquoi certains pays organisent ce commerce en toute légitimité et impunité, alors que d'autres pays le condamnent et l'interdisent ? Comment lui faire comprendre qu'il est au cœur de l'échange mercantile et que, souvent, il enrichit les réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains ?

Pour que le client de la prostitution prenne conscience de son acte, faut-il le sensibiliser ? Le pénaliser ? Pas si simple. Il faut avant tout réfléchir à ce qui pousse des hommes à avoir ou non recours à la prostitution.

Quelles sont les motivations de ces hommes en quête de sexe monnayé ? D'après les nombreuses recherches sur ce sujet, on distingue principalement deux groupes de clients.

Les acheteurs occasionnels : pour la plupart de jeunes hommes dont la sexualité a été façonnée par la pornographie, l'hypersexualisation de l'image de la femme dans la publicité et les médias. Ceux-là sont plus réceptifs aux mesures légales qui peuvent décourager leur comportement.

Les acheteurs habituels : ces hommes, peu nombreux, « consomment » beaucoup de pornographie et de prostitution, ce qui engendre pour eux des difficultés financières, professionnelles, relationnelles et personnelles. Ceux-ci décrivent leur problème comme étant « hors de contrôle », ce qui veut dire que les contraventions ou la prison ne les empêcheront pas de recommencer à acheter du sexe.


Sensibilisation ou pénalisation ?

En 2002, la France a déjà adopté une loi pénalisant l'acheteur de services sexuels de personnes prostituées mineures. Mais qu'est-ce qui distingue une prostituée de 17 ans protégée par la loi d'une autre de 18 ans, surtout aux yeux du client ?

Avant que la société française en vienne à accepter une loi pénalisant l'achat de services sexuels, même auprès de personnes prostituées adultes, il faudra passer par différentes étapes. La Suède, qui poursuit pénalement le client de la prostitution depuis 1999, s'est d'abord donné les moyens de faire comprendre le sens de ce nouveau dispositif à la population : d'importantes sommes ont été allouées dans des programmes d'information destinés à la population, dans l'aide aux personnes prostituées, dans la formation de différents intervenants police-justice.

Nous n'avons plus de temps à perdre. A l'instar de la Suède, il faut repenser fondamentalement la question de la sexualité et des relations de genre en développant des campagnes de sensibilisation destinées aux enfants et aux jeunes en particulier, sur le long terme. Il faut envisager de mettre en place des écoutes psychosociales à destination des clients pour les aider à parler de leur comportement. Comme l'explique S.A. Mansson, ouvrir le dialogue peut « provoquer une prise de conscience masculine sur les conséquences de l'achat dans la prostitution et signifier une libération pour les hommes qui décident de relever le défi d'une relation socialement égalitaire avec leurs partenaires ».

Mais rien n'est gagné..., surtout si l'on se réfère à ces propos d'un client sur Internet : « J'espère qu'elle reviendra, même si c'est très égoïste. Car si pour elle c'est mieux de choisir une autre voie, j'en pleurerais presque... ». Nous aussi, mais pas pour les mêmes raisons...


S.A



Pour en savoir plus :

- Sven-Axel Mansson, The practices of male clients of prostitution : influences and orientations for social work, Gothenburg University, 2003.
- Martin A. Monto, Joseph N. McRee, "A Comparison of the Male Customers of Female Street Prostitutes with National Samples of Men", International Journal of Offender Therapy and Comparative Criminology, t. XX(X), 2005 p. 1-25.
- Saïd Bouamama, Claudine Legardinier, Les clients de la prostitution : l'enquête, Paris, Presses de la Renaissance, 2006.

Dossier complet de nos positions
Des études consacrées au client sur le site du CRIDES (se connecter en "invité")
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Message  Toussaint Jeu 18 Aoû - 19:54

« J'espère qu'elle reviendra, même si c'est très égoïste. Car si pour elle c'est mieux de choisir une autre voie, j'en pleurerais presque... »

Finalement, la corvée de bois, ce n'avait pas que du mauvais.
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Message  sylvestre Ven 23 Sep - 11:05

http://lmsi.net/Le-viol-des-putes-et-leur-parole

Accueil du site > Études de cas > Sexismes > Le viol des putes, et leur parole

Le viol des putes, et leur parole

Réflexions sur l’affaire DSK

par Thierry Schaffauser, 22 septembre

Je ne sais pas ce qui s’est exactement passé dans la chambre d’hôtel du Sofitel de New York. Mais nous savons que le stigmate de putain est devenu une arme de la défense dans le procès qui s’en suit. La plaignante nie le fait d’être prostituée, or malgré tout, c’est un des arguments entendus pour disqualifier sa parole.

Prostitution/Travail du sexe - Page 13 Mic-63fe9

Le message est clair : une prostituée ne peut être crédible car elle serait prête à faire n’importe quoi pour de l’argent. Si elle est prête à « vendre son corps », elle est sans doute prête à accuser faussement un homme de viol pour en récupérer un avantage financier.

Lors des procès pour viol, la réputation de la victime est toujours utilisée contre elle. Dans Carnal Knowledge, Rape on Trial, Sue Lees démontre comment la crédibilité du défendant et de la plaignante est genrée. L’absence de casier judiciaire de la plaignante n’est pas importante pour sa crédibilité, mais sa réputation sexuelle l’est. En revanche, si elle a un passé judiciaire cela devient important. Pour un homme, son occupation et l’absence d’antécédents judiciaires sont les deux principaux facteurs pour évaluer sa crédibilité. Lees Sue, Carnal Knowledge, Rape on Trial, Penguin Books, 1997, chapter 5.

Qu’est ce qu’une bonne réputation ?

"La menace du stigmate de putain agit comme un fouet qui maintient l’humanité femelle dans un état de pure subordination. Tant que durera la brûlure de ce fouet, la libération des femmes sera en échec". [1]

Par cette phrase, la psychologue et féministe Gail Pheterson affirme que le ‘stigmate de putain’ est utilisé contre toutes les femmes afin de limiter leurs libertés. Elle donne également l’exemple d’un procès pour viol que la victime a perdu parce que son témoin principal était une prostituée. Le simple fait d’être pute suffit pour qualifier la mauvaise réputation. Le déni de Justice dont beaucoup de femmes souffrent en cas de violences de genre est en fait généralisé pour les travailleuSEs du sexe qui incarnent l’image traditionnelle de la « mauvaise femme », celle de la pute.

La force de la loi

L’effet des lois contre la prostitution est que chaque prostituée est regardée comme criminelle quand bien même elle serait victime de crime. La loi permet ainsi de légitimer les violences contre les travailleuSEs du sexe. Dans les années 1970, à la suite des meurtres du criminel en série Peter Sutcliffe surnommé le Yorkshire Ripper, la police britannique n’a commencé son enquête qu’après avoir identifié une victime (la quatrième identifiée) comme « innocente » car jeune vierge de 16 ans et surtout, non prostituée. Mais encore lors du procès, l’Attorney General déclara que le plus triste dans cette affaire fut que le tueur en série s’en soit pris aussi à des femmes « respectables ». Les travailleuses du sexe assassinées ne méritaient donc pas le respect. Plus récemment en 2002 et 2003, sept gendarmes de Deuil la Barre dans le Val d’Oise ont violé une travailleuse du sexe albanaise en la menaçant d’expulsion du territoire à cause de son statut non documenté. Elle fut la seule à porter plainte et fut en effet, en conséquence, éloignée du territoire français.

Il est très rare que les travailleuSEs du sexe portent plainte surtout quand les actes criminels sont commis par la police ou des hommes de pouvoir. Nous savons tres bien que la parole d’une pute ne compte rien ou si peu surtout face à celle d’un homme puissant ou représentant l’Etat.

L’une des plus grandes activistes pour les droits des travailleuSEs du sexe, Griselidis Real, était dans une situation similaire voire pire à celle de Nafissatou Diallo. Elle a eu aussi un amant noir en prison, elle fut sans papier pendant des années en Allemagne et a été incarcérée pour trafic de drogues car elle revendait de l’herbe aux GI américains. En revanche, elle n’a jamais porté plainte pour les nombreux viols qu’elle a subis, sachant sans doute le sort qui lui aurait été réservé.

Lorsque je travaillais dans la rue Place de la Porte Dauphine à Paris, je n’ai jamais cherché à porter plainte contre mes agresseurs. J’avais en effet été prévenu par un policier que si mon corps était retrouvé en sang dans le caniveau, il en rirait, car il nous aurait assez prévenu de ne pas rester dans la rue, et que Sarkozy ne voulait pas de nous ici… Lorsqu’une amie a souhaité dénoncer auprès de la police un homme qui a arnaqué plus d’une centaine d’escortes, et pourtant bien connu de tous, y compris des forces de police depuis des années, elle s’est vu répondre : « T’as qu’à arrêter tes conneries  ».

Le message ici est donc que pour toute violence subie, les travailleuSEs du sexe en sont toujours responsables et n’ont donc pas à s’en plaindre. C’est le même discours que peuvent tenir certains militants anti-prostitution contre les travailleuSEs du sexe activistes qui refusent d’arrêter un métier considéré comme dangereux par nature, et qui en choisissant de l’exercer malgré tout, contribueraient à son maintien. Peut être la violence dans ce cas serait même méritée. C’est en tout cas cette logique qui a poussé par exemple à renforcer la loi contre le racolage sous prétexte de lutter contre le proxénétisme, considérant que c’est en pénalisant les travailleuSEs du sexe, que l’on pouvait atteindre les proxénètes, qu’elles protégeaient soit disant.

D’où vient cette idée que les putes sont menteuses, vénales et qu’elles ne peuvent être violées ?

Parce que les mots sont importants, voyons comment le stigmate de putain (ou la putophobie, selon comment on veut l’appeler) opère, et avec plusieurs sens, parfois contradictoires, mais la contradiction n’est pas un problème lorsqu’il s’agit de discriminer. Plusieurs courants s’entremêlent dans ce qui fait le système putophobe.

Commençons par les courants les plus prohibitionnistes la pensée abolitionniste qui ont produit de nombreux discours sur la prostituée en tant que représentation mais ce ne sont pas les seuls. Certaines représentations abolitionnistes de la prostituée comme « victime » par essence renforcent l’idée qu’elle serait désespérée au point de faire n’importe quoi, tel « vendre son propre corps » et donc ne plus se respecter elle-même, devoir se mentir à elle-même et aux autres, et en particulier sur sa propre condition. Les tenants de cet abolitionnisme nous expliquent souvent que la parole des putes en exercice doit être prise avec précaution.

C’est le cas de la députée PS Danielle Bousquet qui justifie par exemple : « Aucune personne prostituée pendant qu’elle exerce la prostitution ne dira jamais qu’elle est contrainte, jamais. Tout le monde effectivement dit que ‘je le fais volontairement’. Ce n’est qu’au moment où la prostitution s’arrête que les personnes disent en fait ce n’était pas ce je disais » [2] C’est seulement après que la « personne prostituée » (comme ils nous appellent) a été réhabilitée qu’elle commencerait à parler vrai sur elle-même.

Un autre aspect plus conservateur du discours putophobe (qui peut aussi être une frange de l’abolitionnisme) décrit la prostituée comme n’ayant aucune éthique, aucun sens moral, aucune dignité, aucun honneur. La prostituée est décrite dans le moralisme empreint de christianisme comme une femme déchue (fallen woman), qui est tombée dans le péché, et dont l’identité entière est marquée par le fait de commettre des actes immoraux. La réhabilitation des travaillleuSEs du sexe toujours prônée de nos jours par l’Etat et financée par nos impôts, vient de cette idée que la pécheresse peut se repentir de ses actes, telle Marie Madeleine rencontrant le Christ. Les origines chrétiennes d’un certain abolitionnisme sont plus évidentes lorsqu’on sait que cette philosophie provient de philantropistes et missionnaires de l’Angleterre Victorienne ou que l’expression de « vente du corps » utilisée en opposition à la vente de sa force de travail, se rapproche étrangement de l’idée de « vente de son âme », concept manifestement religieux.

Le discours putophobe s’appuie enfin sur des principes sexistes. Etre pute est décrit dans le discours machiste comme le fait d’être une voleuse (pour ceux qui s’attendent à ce que les femmes leur fournissent des services sexuels gratuitement), une menteuse manipulatrice, par définition infidèle et poussant les hommes mariés à l’adultère, qui coucherait avec n’importe qui, y compris l’ennemi en tant de guerre, séduisant les hommes (qui ne sauraient résister) pour son profit personnel égoïste, par paresse et/ou manque d’intelligence, transmettant des maladies vénériennes (aux hommes, puis indirectement à leur épouse ou femme légitime), donc une menace pour la famille, et une humiliation pour la nation entière qui exigerait ainsi de la tondre en représailles. C’est dans ce contexte que soit le contrôle par la réglementation, soit la punition par la criminalisation sont adoptées contre les travailleuSEs du sexe.

L’ensemble de ces courants justifie un système putophobe dans le cadre duquel, le viol des putes devient soit improbable soit insignifiant. Les plaintes au commissariat sont rarement enregistrées et encore moins suivies d’enquête. Quand bien même la crédibilité de la victime parviendrait à être établie malgré son statut de pute, il apparait que le crime serait « moins grave » car les putes auraient l’habitude de se faire baiser, et que ce ne serait pour nous qu’une « passe gratuite ». Les conséquences seraient donc moins sérieuses et certains juges ont pu considérer qu’il suffisait à l’accusé de payer une amende correspondant au prix de la passe afin de réparer l’acte commis.

Réactions féministes

Prenons à part la question des mouvements féministes qui ne peuvent être confondus avec la fabrique idéologique de la putophobie issue du partiarcat. Ce ne sont que certains de ses groupes, certes encore majoritaires en France, qui influencés par un certain abolitionnisme tendant vers le prohibitionnisme, entretiennent un discours putophobe, et paradoxalement à travers lui, une forme de sexisme contre les femmes travailleuses du sexe. Aussi, ses intentions ne sont clairement pas les mêmes que celles de la putophobie machiste. Il est cependant important de mentionner le rôle de ces mouvements ou personnalités féministes - ou se prétendant à l’occasion féministes - car ils contribuent eux aussi souvent aux mêmes effets d’essentialisation et de mise sous silence de la parole des putes, parfois même de sa confiscation, en instrumentalisant la question du viol dans ce but.

En réaction à l’affaire dite DSK, des organisations féministes ont justement dénoncé le sexisme qui l’entourait et en particulier les commentaires des uns et des autres. Osez Le Féminisme (OLF) et la Barbe ont rédigé un manifeste et organisé un rassemblement commun en invitant les organisations féministes à y prendre part. Or manifestement, les travailleuSEs du sexe n’ont pas été considéréEs comme féministes car jamais invitéEs ou mentionnéEs en tant qu’actRICEs politiques ayant potentiellement une analyse sur le viol en général et le leur en particulier.

Aussi, leur texte mettait en parallèle le sexisme et le racisme en disant qu’on ne traite que les femmes de cette façon, (et pas les minorités racialisées, vues par implicite comme hommes). Or, précisément dans le cas Diallo, il ne s’agit pas que de sexisme. Il y a bien sur du racisme et du classisme à prendre en compte, mais aussi de la putophobie dont personne ne parle mais qui est pourtant flagrante dans cette affaire, que Diallo soit effectivement travailleuse du sexe ou non.

La question du viol des putes est souvent mal analysée par certains mouvements féministes du fait de la domination d’une partie de la pensée abolitionniste. En parlant parfois de viols dans l’enfance et autres traumatismes pour expliquer que certaines femmes soient putes parce que cela semble inimaginable pour elles mêmes, certaines féministes ne font en fait rien pour lutter contre ces violences, mais trouvent une excuse pour justifier la négation de la parole des putes en la décrivant comme aliénée. C’est un mauvais service rendu également à toutes les victimes de viol, qui si on pousse cette logique, se verraient ainsi moins capables que les autres de faire les bons choix pour elles-mêmes.

Certaines féministes en viennent à penser que la prostitution est l’acte de payer afin d’obtenir le consentement des femmes à être violées. Pourtant être travailleuSE du sexe n’empêche pas de savoir faire la différence entre un viol et un rapport sexuel consenti ou de dire non à un client. Vendre du sexe ne veut pas dire que nous sommes prêtEs à tout accepter ou jamais capable d’imposer nos conditions que ce soit sur les tarifs, les pratiques sexuelles ou la prévention.

Le principal problème auquel les travailleuSEs du sexe font face est le manque de confiance dans les forces de police et les autorités publiques. Les lois contre le travail sexuel empêchent des pratiques efficaces afin d’arrêter les violences et sont en totale contradiction avec les approches de réduction des risques et de santé communautaire. Comment en effet la police pourrait enquêter contre les crimes subis par les travailleuSEs du sexe quand ils sont si occupés à nous arrêter ?

Prostitution/Travail du sexe - Page 13 Sexwork-935db

Il faut donc être plus prudent quand on parle de travail sexuel. Cela peut être un travail difficile et avec forte exploitation, en particulier lorsque la criminalisation de différentes parties de l’industrie du sexe augmente les actes de violence, mais définir le travail sexuel comme intrinsèquement du viol en soi ou une violence contre les femmes ajoute à la confusion plutôt que n’aide. Les arguments anti-travail sexuel qui définissent les travailleuSEs sexuelLEs comme des objets et qui prétendent que l’industrie du sexe normalise le viol placent les travailleuSEs du sexe dans une position injuste, parce que si nous ne rejetons pas notre travail et que nous continuons de travailler, on nous accuse ensuite d’être complices de viol ou bien d’être « l’armée de réserve du patriarcat » [3].

L’absence de désir n’est pas l’absence de consentement, et le désir n’est pas toujours absent non plus avec un client. Le désir peut se manifester de différentes manières et pas toujours dépendant de la personne en face de soi.

Pour finir, à ces personnes qui veulent criminaliser nos clients sous prétexte qu’ils seraient des violeurs, et puisque leurs luttes se concentrent contre l’exercice du travail sexuel et non contre les violences subies par les travailleuSEs du sexe en exercice, je voudrais leur demander :

« Pourquoi voulez vous arrêter les hommes qui paient et qui donc respectent le contrat quand rien n’est fait pour arrêter ceux qui nous violent pour de vrai ? »

P.-S.

Thierry Schaffauser est travailleur du sexe et membre du STRASS.

Les photos sont extraites d’un film réalisé par Isabelle Tillou.



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Message  fée clochette Dim 25 Sep - 20:03

http://www.lesnouvellesnews.fr/index.php/civilisation-articles-section/civilisation/1363-debat-sur-la-prostitution-relance-france-europe


Le débat sur la prostitution relancé en France et en Europe
Civilisation - Écrit par La rédaction - Mercredi, 21 Septembre 2011 14:23

Des associations lancent une campagne "pour une Europe libérée de la prostitution". En France, la question sera soumise aux députés en novembre.


L'Assemblée nationale devrait débattre au mois de novembre d'une proposition de résolution « réaffirmant la position abolitionniste de la France » en matière de prostitution. Un calendrier annoncé par Danielle Bousquet, ce mercredi 21 septembre, même si l'inscription du texte à l'ordre du jour reste encore à valider officiellement. Le texte, élaboré par la députée socialiste et son homologue UMP Guy Geoffroy, avait été déposé en juin dernier à l'Assemblée (nous l'évoquions alors), dans la lignée de leur rapport sur la prostitution en France.

Ce sera l'occasion de relancer un débat miné en rappelant les propositions développées par les deux députés. La responsabilisation des clients, mais pas seulement : « La prévention, l'aide aux personnes prostituées, sont au coeur de notre rapport », souligne Danielle Bousquet, en déplorant que « la seule mesure que la presse ait reprise, c'est la pénalisation du client. » (Le débat avait été vif ici)
Dans la foulée de cette résolution, Danielle Bousquet et Guy Geoffroy comptent présenter une proposition de loi, que la députée socialiste espère voir examinée en première lecture « avant la fin de cette mandature ». Soit avant les élections de juin 2012. Mais il est désormais acquis que la loi ne pourra être adoptée avant cette échéance.
Les documents :

- La page de la campagne du LEF « Ensemble pour une Europe libérée de la prostitution ».

- Le rapport de Danielle Bousquet et Guy Geoffroy sur la prostitution en France, publié le 13 avril.

- Le texte de la proposition de résolution « réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution ».

Dans le même temps, le débat est lancé à l'échelle européenne. Le Lobby européen des femmes (LEF), qui fédère plusieurs centaines d'associations dans les pays de l'Union, lance une campagne intitulée "Ensemble pour une Europe libérée de la prostitution". Ses messages rejoignent ceux du rapport Bousquet-Geoffroy : « la prostitution des femmes et des filles constitue une violation fondamentale des droits humains des femmes, une forme sérieuse de violence masculine envers les femmes, et un obstacle clé à l’égalité entre femmes et hommes dans nos sociétés. »
Danielle Bousquet se réjouit de cette « convergence entre les politiques qui soutiennent la position abolitionniste et la société civile », soulignant « la très grande tolérance qui persiste, en France, vis à vis du système prostitutionnel. » Il faut parler aux hommes, pour les amener à s'interroger sur ce qu'est être client, « mais aussi aux femmes. Car beaucoup n'y voient aucune objection », remarque la députée.

Dans cet esprit, la campagne du LEF vise à la fois les députés européens et le grand public. Et s'appuie notamment sur un clip vidéo, réalisé par Patric Jean, auteur du film "La Domination Masculine" et Frédérique Pollet-Rouyer. Disponible dans toutes les langues de l'UE, il a pour ambition « d'inverser les repères, perturber pour créer le débat », explique la co-réalisatrice.
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Message  fée clochette Mer 5 Oct - 22:55

http://sisyphe.org/spip.php?article3997


lundi 3 octobre 2011

Prostitution - Faut-il se contenter de réduire les méfaits ?
par Rebecca Mott, écrivaine


J’ai besoin d’écrire davantage au sujet de l’approche dite de « réduction des méfaits », et d’expliquer ce pourquoi, en tant qu’abolitionniste, je vise l’élimination et non la réduction des méfaits pour l’ensemble des personnes qui sont dans l’industrie du sexe.

Parler de « réduction des méfaits » équivaut à accepter que la pornographie et la prostitution seront toujours parmi nous, et que nous devons nous contenter d’accepter que l’on commettra toujours des méfaits à l’encontre des personnes qui se retrouvent dans cette industrie. Le message implicite de la politique de réduction des méfaits est que nous devons simplement réduire ces torts, mais en acceptant l’idée que l’industrie du sexe devrait poursuivre ses affaires comme d’habitude.

Dans ce milieu, la réduction des méfaits équivaut à mieux disposer les chaises-longues sur le pont du Titanic... C’est comme se contenter de rafistoler la classe prostituée avant de renvoyer ces femmes en enfer.

Tant que nous croirons que les hommes ont besoin ou raison d’acheter et de vendre les personnes de la classe prostituée, tout ce que l’on fera équivaudra à réduire les méfaits.

Si nous sommes incapables de rêver plus grand, alors il y aura toujours, sur tous les continents, pour chaque sorte de femmes et de filles prostituées, la menace constante et la réalité de la mort, la menace constante et la réalité des viols à l’échelle industrielle, la menace constante et la réalité que la plupart des femmes et des filles prostituées se font voler tous leurs choix, la menace constante et la réalité que la grande majorité des femmes et filles prostituées ont été contraintes à la prostitution, ou y ont été amenées par la traite domestique ou internationale ; enfin, la menace constante et la réalité que la torture sexuelle sera leur sort quotidien.

La seule chose que l’on rend acceptable dans toute culture qui se targue de réduction des méfaits, c’est la solution qui arrange l’industrie du sexe. En effet, la plupart des activités de réduction des méfaits consistent à rendre invisible la haine normalisée et la violence sadique propre à la majorité de l’industrie du sexe – ou, ce qui est bien pire, à établir que telle est la définition de l’« emploi ».

Si vous croyez en la réduction des méfaits comme réponse, prenez bien conscience de ce que vous dites.

Vous dites qu’être à l’intérieur de l’industrie du sexe est simplement un emploi – au mieux un emploi pénible – comportant des risques.

Les risques… est-ce que vous parlez des risques suivants : le viol par des milliers d’hommes, la torture sexuelle, devoir s’acquitter de tous les fantasmes pornographiques sadiques, être périodiquement battue, le viol anal, le viol oral, la strangulation, un risque élevé de contracter des blessures internes, un risque élevé de contracter des infections sexuelles que vous garderez toute votre vie, des traumatismes extrêmes et, bien sûr, une probabilité élevée d’être tuée ou de ne plus pouvoir survivre.

Est-ce que le fait de prétendre qu’être dans l’industrie du sexe n’est qu’un emploi pénible rend ces risques acceptables ?

Oui, si vous avez défini la classe prostituée comme composée de sous-humains dont on fait des produits de consommation à acheter et à vendre par cupidité sexuelle.

Quant à moi, je n’en fais pas une question de conditions de travail – il ne s’agit pas d’un « emploi » pour la très grande majorité des femmes et des filles qui sont dans l’industrie du sexe – non, pour elles, c’est une forme d’esclavage, puisqu’elles sont dépouillées de tous leurs droits humains fondamentaux.

Face à l’esclavage, on ne s’occupe pas de réduire les méfaits tout en protégeant l’institution de l’esclavage - non, on libère les esclaves, on punit tous ceux qui tirent bénéfice des esclaves et les utilisent, et on élimine ainsi les méfaits de l’esclavage.

C’est pourquoi le modèle nordique est un bon début pour l’élimination des méfaits de l’industrie du sexe. Un début et non la fin ; la fin, ce serait vivre dans un monde où l’on ne pourrait même plus imaginer comment diable les humains ont pu inventer un système où existait la classe prostituée. Un monde qui ne pourrait imaginer l’achat et la vente de la classe prostituée comme lieu d’exercice du pouvoir et du contrôle.

Mais, pour l’instant, nous pouvons commencer par décriminaliser l’ensemble de la classe prostituée – puisque la plupart des femmes prostituées se sont déjà fait voler tous leurs droits. Puisqu’elles vivent pour la plupart aux prises avec une haine et une violence extrêmes, tous les concepts de choix sont sans pertinence pour elles ; la plupart ne savent peut-être même pas combien de temps il leur reste à vivre.

Il nous faut aujourd’hui lutter pour mettre sur pied en masse des programmes holistiques à long terme de sortie de l’industrie. Cette démarche ne doit pas se limiter à trois mois, avec peut-être un bref programme de désintoxication drogue/alcool et une relocalisation. Il nous faut faire plus.

Cet effort supplémentaire doit tenir à une reconnaissance du traumatisme à long terme et habituellement extrême que vit la grande majorité des femmes ayant quitté l’industrie.

Sachez que vivre dans une culture de tortures sexuelles multiples et interminables, dans une culture où l’assassinat des gens est une réalité, dans une culture qui vous dicte comme rôle d’être quelqu’un qui mérite d’être transformée en ordure, dans une culture qui ne laisse aucune place pour la douleur et le chagrin – ces conditions imposeront aux personnes prostituées des traumatismes pires que ceux des militaires revenant de zones de guerre.

Il nous faut des établissements de soins spécialisés de longue durée pour les survivantes souffrant de stress post-traumatique, faute de quoi beaucoup d’entre elles risquent de retourner dans l’industrie, puisque là elles peuvent au moins engourdir leurs émotions.

Nous devons bâtir des cultures qui punissent de façon conséquente tout homme qui pose le choix d’acheter ou de consommer des personnes prostituées. Cela ne devrait pas se résumer à une amende ridicule, qui ne veut rien dire pour la majorité des prostitueurs/consommateurs. Il devrait y avoir des peines de prison - après tout, la plupart des consommateurs de l’industrie du sexe sont partisans d’un système qui est en soi sadique.

Condamnez les prostitueurs à des peines de prison pour viol ou pour lésions corporelles graves – ils méritent l’enfer pour un crime aussi haineux. Donner aux consommateurs de pornographie des peines de prison pour leur complicité dans la commission de viols et de tortures sexuelles.

Adressez à ces hommes le message que toutes les cultures voient leur comportement comme inacceptable.

Et nous devons également envoyer en prison les profiteurs de tous les aspects de l’industrie du sexe. Ces personnes organisent la torture sexuelle et la destruction de la classe prostituée, y participent et en tirent des profits énormes.

L’on ne peut excuser un proxénète, un producteur de porno, le patron d’une agence d’escortes, l’organisateur d’orgies « privées », le gestionnaire d’un sauna ou d’un club réservé au sexe, et ainsi de suite.

Nous devons cesser de rendre invisible la classe des gestionnaires dans l’industrie du sexe, en les laissant faire leurs affaires comme si de rien n’était. Nous devons leur inspirer la peur de sanctions graves.

Cela réduira réellement les méfaits de l’industrie du sexe.

Version originale : "So Just Reduce the Harm".

Traduction : Martin Dufresne. Relue par Michèle Briand

Mis en ligne sur Sisyphe, le 3 octobre 2011
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Message  fée clochette Jeu 6 Oct - 9:52

http://sisyphe.org/spip.php?article4001



mercredi 5 octobre 2011

Prostitution - Abolition de la victime et défense postmoderniste du statu quo
Être ou être marchandise

par Stuart Share

Je viens de terminer la lecture de Varat och varan, un livre de la socialiste, anarchiste et féministe suédoise Kajsa Ekis Ekman, où elle se consacre essentiellement à un déboulonnage des arguments utilisés pour justifier la prostitution et l’industrie de la maternité de substitution (l’exploitation des mères dites « porteuses »). Son livre a été écrit en réaction aux représentations médiatiques mensongères de la prostitution comme une sorte de choix de carrière intelligent et glamour pour les jeunes femmes, ainsi qu’en réponse au nombre croissant d’universitaires postmodernistes et de « théoricien-ne-s du queer » qui ont contesté la législation suédoise en matière de prostitution avec, entre autres, des arguments ridicules pour tenter de présenter la prostitution comme une forme de « transgression », qui « défie les normes de genre ».

Abolir la victime pour détourner notre attention de l’agresseur

Ekman décrit longuement les tactiques qu’ont adoptées les partisan-e-s de la prostitution au cours des dernières années et expose à quel point leurs arguments sont réellement faux, absurdes et dommageables. J’ai trouvé particulièrement intéressant ce qu’elle écrit sur les tentatives d’abolir l’utilisation du mot « victime » dans le débat entourant la prostitution. La condition de victime en est venue à être décrite comme quelque chose de honteux. Pour les postmodernistes, reconnaître à quelqu’un une position de victime équivaudrait à lui nier toute capacité d’agir (agency). Ekman expose les raisons de la mise en place de cette fausseté et les conséquences politiques plus larges qui en découlent. J’ai trouvé un résumé de son argument à ce sujet dans une recension du livre publiée par le quotidien suédois Dagens Nyheter :

« Pour pouvoir défendre la vente de leur corps par des femmes (et son achat par les hommes), on doit d’abord abolir la notion de victime et redéfinir plutôt la prostituée comme une « travailleuse du sexe », une femme forte qui sait ce qu’elle veut, une femme d’affaires. La « travailleuse du sexe » devient une sorte de nouvelle version de la ’happy hooker’. »

Ekman montre de façon convaincante comment cela se fait au moyen d’une rhétorique qui dépeint la position de la victime comme un trait de caractère au lieu d’utiliser la définition correcte d’une victime : quelqu’un qui est affecté par quelque chose. On arrive ainsi à masquer la terrible réalité dans laquelle se trouvent les femmes en prostitution. « La crainte de la “victime“ dans le débat sur la prostitution (...) est quelque chose qui reflète la haine généralisée des victimes dans la perspective néolibérale – puisque toute référence à la personne vulnérable révèle immédiatement une société injuste. En faisant de la victime un tabou, on arrive à légitimer les inégalités de classe et la discrimination de sexe, car s’il n’y a pas de victime, il n’y a pas de coupable. »

Ceux qui défendent la prostitution, comme le souligne Ekman dans une interview accordée au journal socialiste Flamman, « ont du mépris pour la faiblesse, une vue froide et cynique de l’humanité, qui a pour conséquence que chacun n’a que soi-même à blâmer pour sa condition ». Pour en voir des preuves, il nous faut regarder au-delà des travaux d’« universitaires » comme Laura Agustin, quelqu’un qui est allé à jusqu’à nier l’existence de la traite des personnes. Les victimes des proxénètes et des trafiquants d’êtres humains sont appelées, dans son vocabulaire, des “travailleuses du sexe migrantes“ qui choisiraient activement leur situation. Parlant des femmes amenées dans les pays occidentaux par des gangs criminels, enfermées dans des appartements et prostituées durant des périodes de plusieurs mois, Agustin écrit :

« Ces circonstances où les femmes vivent dans des établissements du sexe et les quittent rarement avant d’être amenées ailleurs, sans qu’on le leur demande, reçoivent beaucoup d’attention dans les médias et il est pris pour acquis que cela comporte un déni complet de liberté. Mais dans de nombreux cas, les travailleuses migrantes préfèrent cet arrangement pour diverses raisons. En ne quittant pas la région, elles ne gaspillent pas d’argent et, si elles n’ont pas de permis de travail, elles se sentent plus en sécurité dans un environnement contrôlé. Si quelqu’un d’autre trouve les lieux de rencontre pour elles et prend leurs rendez-vous, cela signifie qu’elles n’ont pas à le faire elles-mêmes. Si elles sont venues au pays sur la base d’un visa touristique de trois mois, elles veulent consacrer autant de temps que possible à gagner de l’argent. »

Un autre exemple révoltant cité dans l’ouvrage d’Ekman est que, en Australie, un pays où l’on milite de longue date pour la légalisation de la prostitution, on en est venu à qualifier de “jeunes travailleurs du sexe“ des enfants agressés sexuellement. Un rapport officiel parle d’un enfant de 9 ans victime de sévices qui s’était vu offrir « un lit chaud et un bon repas » par ses agresseurs, et où l’on trouvait « fantastique » que les hommes qui l’avaient violé lui aient donné 50 $. Tous les détails du crime auquel l’enfant avait été soumis sont d’autre part presque totalement absents du rapport, sauf pour la mention : « Il y eut un rapport sexuel. »

Ce que ces exemples ont tous en commun est de détourner notre attention de l’agresseur. Ils donnent l’impression que les personnes agressées, les prostituées, les enfants, les victimes d’abus de drogues, de pauvreté et d’exploitation économique, ont toutes choisi elles-mêmes la situation où elles se retrouvent. En changeant la définition de la victime afin d’en faire un trait personnel, en faisant des mots « victime » et « sujet » deux antonymes, les postmodernistes délogent tout examen des structures plus profondes et des différences de pouvoir qui affectent la vie des gens, quelque chose qui, bien sûr, convient parfaitement aux intérêts des riches et des puissants en masquant la nature oppressive et injuste de la société dans laquelle nous vivons.

Transgression des divisions, à l’opposé de leur abolition

Dans une autre section du livre, l’auteure parle de ce qu’elle décrit comme « le culte de la putain », sur le quartier du Raval à Barcelone, où des gens portent des T-shirts avec le slogan « Yo també soc puta » (« Je suis aussi une pute »). L’admiration culturelle portée aux femmes prostituées se résume, pour Ekman, à un mépris exercé d’un autre point de vue : « Ce n’est toujours pas une reconnaissance de l’humanité des femmes, mais plutôt une infatuation pour tout ce qui est sinistre et sordide, et auquel on associe la prostituée. » Les gens qui portent ce T-shirt à Barcelone croient peut-être agir par radicalisme et transgresser des normes. Mais « ce qu’ils et elles ne comprennent pas c’est que la putain n’est pas une putain, mais une personne ». Comme écrit Ekman :

« Des « nègres blancs absorbent les codes du hip-hop, des voyageurs riches ou pauvres absorbent les cultures du tiers-monde, les travestis et les drag queens absorbent la femme, et les lesbiennes identifiées femmes absorbent la prostituée. La ‘transgression’ des divisions anticipent la rémanence des divisions. Quand des Blancs jouent aux Noirs ou quand des universitaires se qualifient de putains ou de toxicomanes, ils et elles tournent en dérision les personnes qui sont Noires, qui sont prostituées et qui sont toxicomanes. » Ces personnes, souligne-t-elle, agissent à partir d’une position de pouvoir et n’ont pas la moindre compréhension de ce qu’est réellement la vie pour les personnes qu’elles imitent et accablent d’admiration factice. Il ne saurait y avoir de différence plus marquée entre, d’une part, la « transgression » par le/la postmoderniste des normes et des divisions entre les gens et, d’autre part, le désir du/de la révolutionnaire de les abolir. Ekman conclut : « Au sens propre, il n’existe pas de putains. Il y a des personnes qui sont en prostitution pour un laps de temps plus ou moins long. Il n’y a pas de ‘personnalités-types’, de caractères. Ce sont des personnes qui ont abouti dans une situation donnée. La ‘transgression’ fétichisée se détache du projet révolutionnaire de les abolir. L’abolition des divisions naît de voir l’être humain, l’humanité en chacun et chacune, de tenir compte des besoins égaux de tout le monde (…) Il s’agit d’une solidarité objective basée sur une compréhension subjective. C’est se mettre à la place de l’autre en s’imaginant dans des circonstances différentes. C’est regarder dans les yeux de quelqu’un et y voir son reflet. Et à cette intuition se greffe aussi l’intuition de la cruauté du système qui a fait d’elle un ‘stéréotype’. »

Fiction de syndicats pour les « travailleurs du sexe »

Aussi j’ai aimé la section où Ekis Ekman souligne le caractère fictionnel des soi-disant syndicats de « travailleurs du sexe ». L’Union internationale des « travailleurs du sexe » (IUSW), par exemple, qui est affiliée à la GMB (Britain’s General Union) et a pris la parole aux congrès du Parti travailliste et du Parti vert, est dirigée par un homme appelé Douglas Fox. Fox prétend être un « travailleur du sexe » et accuse les féministes radicales d’être des méchantes qui veulent le censurer. Mais à l’examen, il apparaît clairement que Mr Fox est un menteur. Loin d’être un travailleur du sexe, c’est un proxénète qui dirige une des plus grosses agences d’escortes au Royaume-Uni. C’est que, voyez-vous, n’importe qui peut faire partie de l’IUSW : les proxénètes, les hommes qui achètent du sexe, les universitaires sympathiques. Parmi son effectif très réduit de 150 personnes (en regard des plus de 100 000 femmes et hommes au service de l’industrie du sexe au Royaume-Uni), seule une infime minorité sont réellement des personnes prostituées. Et c’est la même chose partout en Europe (note du traducteur : et en Amérique du Nord, p. ex. l’organisation Stella au Québec), où existent des organisations similaires (comme « De Rode Draad » aux Pays-Bas). Leurs effectifs sont minuscules, pour la plupart même pas composés de prostituées, et elles n’ont jamais réussi à imposer de revendications syndicales distinctes des intérêts de l’industrie. Mais les partisans de la prostitution n’ont bien sûr jamais manifesté beaucoup de souci des faits. Nous voyons cette notion de « syndicats » émerger de la gauche et de la droite, essentiellement parce qu’elle est pratique et fournit à la prostitution une certaine légitimité factice. Cela ne fonctionne pas et ne fonctionnera jamais, mais cela réussit à détourner l’attention des enjeux plus profonds entourant la prostitution et les raisons de son existence dans notre société.

S’ajoute à cela la croissance du lobby de la soi-disant « réduction des méfaits », qui a gagné en influence ces dernières années au sein d’un certain nombre de gouvernements et institutions internationales. Ekman montre comment cette influence a cru particulièrement à l’époque de l’épidémie du VIH / sida des années 80 et 90, lorsque ce lobby a été invité par un certain nombre d’organisations à déterminer leurs politiques face à cet enjeu. L’Organisation internationale du Travail (OIT) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont, par exemple, toutes deux pris parti pour une légalisation de la prostitution aux motifs qu’elle augmenterait les revenus des États et faciliterait la lutte contre la propagation du sida. Ekman écrit que ces deux organisations ont commencé à utiliser des phrases telles que « elle n’est pas une victime, mais un agent » et ont qualifié la prostitution d’« emploi de femme qui devrait être reconnu ».

L’effet de la montée de ce lobby a bien sûr été de légitimer encore plus la prostitution, la rendant plus difficile à combattre. Lorsque Ekman a visité à Amsterdam les bureaux de l’organisation TAMPEP, un groupe destiné à la prévention du VIH parmi les « travailleuses du sexe migrantes », et qu’elle a demandé si elles ne pouvaient rien faire pour aider les femmes à sortir de la prostitution, on lui a répondu : « Mais pourquoi le ferions-nous ? Notre but est d’enseigner aux femmes à être de meilleures prostituées » (p. ex. en utilisant des préservatifs pour protéger de l’infection les hommes qui abusent d’elles). Cet objectif (d’enseigner aux femmes à être de meilleures prostituées) est soutenu par des millions d’euros de la Commission européenne chaque année. De façon similaire, une brochure officielle réalisée avec le soutien du gouvernement australien conseille aux femmes prostituées d’« avoir toujours l’air d’aimer ça » et explique aux femmes comment refuser les exigences d’un homme violent sans « lui faire perdre son désir ». En outre, le dépliant souligne que cela pourrait être une bonne idée d’essayer d’éviter les ecchymoses parce que « cela peut vous forcer à vous absenter du travail et à perdre plus d’argent en conséquence ».

Réalité de la prostitution

Comme l’explique clairement Ekman, l’objectif central de l’approche qui se dit de « réduction des méfaits » consiste à protéger et défendre le système de la prostitution. Ses partisans évitent toute question plus poussée sur la nature de la prostitution, ses causes et ses effets. Gaspiller des millions à « enseigner aux femmes à être de meilleures prostituées » est une cruelle plaisanterie dans un monde où des dizaines de millions de femmes et de filles sont réduites en esclavage et systématiquement violées au service des désirs sexuels des hommes.

Pourquoi, demande-t-elle, la prostitution continue-t-elle à être autorisée dans de nombreux pays malgré ses dommages énormes ? Les statistiques sont peu difficiles à trouver et à interpréter dans les pays où la prostitution est légale ou illégale :

* 71% des femmes en prostitution ont été soumises à des violences physiques.

* 63% ont été violées en situation de prostitution.

* 89% veulent quitter l’industrie et le feraient si elles le pouvaient.

* 68% affichent des indices de stress post-traumatique.

* Les femmes en prostitution ont un taux de mortalité 40 fois plus élevé que la moyenne.

* Les femmes en prostitution courent 16 fois plus de risques d’être assassinées.

Un des facteurs qui, selon Ekman, caractérise fortement la prostitution est la scission entre le corps et l’esprit/âme (je ne suis pas certain de la meilleure façon de traduire le mot suédois « JAG ») ; il s’agit souvent d’une stratégie de survie pour les personnes impliquées dans l’industrie. Presque tous les comptes rendus de la prostitution font état de ce fractionnement : on voit souvent les personnes en prostitution se créer deux personnalités complètement différentes ; beaucoup d’entre elles perdent toute sensation dans certaines parties du corps, elles se dissocient de leur organisme.

Les partisans de la prostitution veulent nous convaincre que le corps est quelque chose de séparé, et que le fait de le vendre n’a pas de conséquences plus vastes pour les personnes impliquées. Ils promeuvent l’idée du corps comme une propriété des gens sur laquelle ils exercent un contrôle rationnel, un produit dont, avec de l’intelligence, ils peuvent tirer un peu d’argent. La capacité de fermer certaines parties de vous-même, de scinder corps et esprit et de maintenir à distance toute conscience de ce qui vous arrive a été acclamée par les amis de la prostitution comme un idéal, un signe de force. Résultat : les personnes qui ne sont pas assez fortes, la majorité qui, par exemple, contractent un SSPT, reçoivent peu de sympathie pour ce qui est considéré comme de leur propre faute : être faible et avoir choisi le mauvais travail.

La défense du statu quo par le post-modernisme

Un des éléments qui sont peut-être particulièrement importants pour la gauche et pour les personnes qui souhaitent transformer la société est ce que dit Ekman sur la façon dont nos mots nous ont été volés et utilisés d’une manière qui ne fait rien d’autre que renforcer le statu quo. Elle écrit que depuis 1968, les dominants ont dû reformuler leur identité et les arguments dont ils se servent pour justifier leur existence :

« Les institutions qui détiennent le pouvoir – les institutions financières, les médias, l’université, les classes politiques, le pouvoir sexuel des hommes et les privilèges de la classe dirigeante – ont tous dû se reformuler pour justifier leur existence. Ils ne peuvent plus affirmer détenir le pouvoir parce qu’il leur est accordé par la nature ; toutes les relations doivent maintenant trouver une justification morale. Cela se fait notamment en cachant ce pouvoir (...) Les nobles, les entreprises, les médias, les intellectuels – les voilà soudain qui se prétendent tous provocateurs, marginalisés ou déviants.

« La figure de la “travailleuse du sexe” s’inscrit dans cette dynamique. Elle combine une pratique de longue date, préservatrice du genre, à un nouveau langage rebelle. Elle devient une symbiose entre la droite néolibérale et la gauche postmoderniste. La droite néolibérale y trouve un discours qui déclare que la prostitution est une forme de libre entreprise et qui fait vaguement appel à la liberté individuelle. La gauche postmoderniste y trouve une excuse pour ne pas lutter contre la structure du pouvoir en endossant la voix d’un groupe marginalisé.

« La gauche postmoderniste est, comme l’écrit Terry Eagleton, une réaction à l’hégémonie néolibérale. Après l’effondrement du communisme, des parties de la gauche ont réagi en masquant leur défaite pour la présenter comme une victoire (...) Au lieu de continuer à souligner des injustices, certaines factions ont viré capot en définissant le statu quo comme subversif.

« Lorsqu’on trouve difficile de remettre en question les injustices, il devient tentant de plutôt les redéfinir – en les regardant de plus près, ces injustices n’en sont peut-être pas mais au contraire des gestes de rébellion ? Tout à coup, la pornographie, la prostitution, les voiles, l’emploi de domestiques ou la toxicomanie commencent à être expliqués comme des phénomènes marginalisés, comme le choix d’une femme, ou comme un choix individuel ayant un potentiel subversif. » Je trouve qu’Ekman a absolument raison ici et que la pire chose qui puisse arriver à la gauche est de renoncer à son désir de changer fondamentalement la société, d’analyser et de dévoiler les structures et les normes actuelles du pouvoir et de lutter pour leur abolition. Tout autour de nous, nous pouvons voir des mouvements autrefois radicaux abandonner et chercher plutôt un compromis avec le statu quo. Le critère du choix personnel que véhiculent certaines féministes n’est qu’un des exemples de cette situation.

Débat sur la prostitution en Suède

Enfin, un autre élément que j’ai trouvé intéressant dans ce livre a été son analyse de l’évolution du débat sur la prostitution en Suède au cours des dernières décennies. Ses opposantes, telles Petra Östergren et Laura Agustin, ont longtemps accusé la législation suédoise contre l’achat de sexe (sexköpslagen) d’avoir entièrement ignoré les opinions et les intérêts des personnes qui pratiquent la prostitution. Ekman fait valoir au contraire que la Prostitutionsutredningen, une vaste enquête gouvernementale menée en 1977 et qui a orienté le débat sur la prostitution en Suède pour les décennies à venir, s’est avérée révolutionnaire dans l’accent qu’elle a mis sur les opinions et les expériences des femmes prostituées elles-mêmes et dans les questions qu’elle a posées sur les hommes qui les utilisaient.

On apprend que le politicien de centre-droite Inger Nilsson, qui avait été mis en charge de l’enquête, avait initialement tenté de supprimer les comptes rendus des femmes après avoir rencontré plusieurs propriétaires de clubs de sexe. Il avait choisi de publier une version largement émondée du rapport, en en excluant tous les témoignages personnels des femmes. La divulgation de cette tentative suscita une tempête d’indignation de la part des féministes et le gouvernement fut contraint à diffuser le rapport complet de l’enquête, publié sous la forme d’un livre de 800 pages. Pour Ekman :

« Ce livre eut l’effet d’une bombe. Ce fut un point tournant qui a complètement changé le point de vue de la société sur la prostitution. Il est venu modifier l’orientation des recherches menées à ce sujet dans toute la Scandinavie. La prostitution, tout comme le viol, était devenue une affaire politique (...) Pour la recherche sur la prostitution, cela voulait dire reprendre les choses au début. On a ainsi répudié une bonne part des recherches menées au 19e siècle – alors que l’on recherchait les causes de la prostitution dans la personnalité d’une femme et dans la maladie. On a plutôt commencé à construire de nouveaux savoirs en cherchant des explications dans les relations entre les sexes et dans la société. Et où la recherche allait-elle trouver les bases de ces nouvelles connaissances ? Oui, dans les comptes rendus des personnes prostituées elles-mêmes. »

Conclusion

Même si je ne peux évidemment pas décrire ici tout le contenu du livre d’Ekman, j’ai trouvé Varat och varan hautement intéressant et instructif et je crois qu’elle fournit des munitions extrêmement utiles dans la lutte contre le virage postmoderniste, qui semble caractériser une grande part de l’université contemporaine ainsi que certaines sections de la gauche. Refusons la haine des victimes propre au postmodernisme. Être une victime n’est pas honteux ou une insulte, et ce n’est pas non plus un trait de caractère. Car dans un monde injuste, il y aura toujours des victimes, il y aura toujours des gens qui ont moins de pouvoir et de richesse que d’autres, qui ont moins de contrôle sur la direction que prend leur vie. Se trouver en position de victime ne veut pas dire vous ne trouverez jamais les moyens de pallier cette situation ; cela ne signifie pas non plus qu’il vous manque la capacité de penser et d’agir de façon rationnelle. Ce que cela signifie, c’est que nous vivons dans un monde qui a grandement besoin de changement. En abolissant le mot victime et en définissant l’ensemble de nos actions comme des choix individuels, les postmodernistes ne montent rien d’autre qu’une défense réactionnaire du statu quo.

Version originale en anglais : "Prostitution, the abolition of the victim and post-modernism’s defence of the status-quo".

Traduction Martin Dufresne.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 5 octobre 2011
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Message  sylvestre Jeu 6 Oct - 16:32

fée clochette a écrit:http://sisyphe.org/spip.php?article4001
L’Union internationale des « travailleurs du sexe » (IUSW), par exemple, qui est affiliée à la GMB (Britain’s General Union) et a pris la parole aux congrès du Parti travailliste et du Parti vert, est dirigée par un homme appelé Douglas Fox.

Fox n'est plus membre de l'IUSW, dont le président de la branche britannique affiliée à la GMB est à présent Thierry Schaffhauser, également actif en France. D'après Gareth Dale et Xanthe Whittaker,
L'IUSW ne compte pas parmi ses membre uniquement des salarié-es et des travailleurs-ses indépendant-es, mais c'est la majorité. Nous le considérons comme tout autre syndicat : de façon critique. D'autres syndicats sont engagés dans des activités fautives (compromission, corruption, etc.) et beaucoup incluent des gérants d'entreprises, mais ils restent des syndicats.
( http://www.isj.org.uk/?id=707#129dale3 )
Schaffhauser précise pour sa part

Douglas Fox was a vocal member of the IUSW but has recently left the union. His and his partner’s membership were accepted by the GMB because it is a general trade union that includes managerial workers within its branches, whatever the sector of the economy. Sometimes managers have separate branches but the sex workers’ branch is not big enough. It was thought not relevant to create another specific branch for managers. What strikes me is that the sex workers branch is the only one that generates concern when the GMB has the same rule for all its members. This attack is often directed against the union in order to discredit all sex workers’ voice, despite the fact that what each individual has to say is very different. I hope that you can make a clear distinction between me and someone like Fox.

( http://www.isj.org.uk/?id=696 )
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Message  fée clochette Jeu 6 Oct - 17:29

Could you translate please ....
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Message  Vals Jeu 6 Oct - 17:43

sylvestre a écrit:
fée clochette a écrit:http://sisyphe.org/spip.php?article4001
L’Union internationale des « travailleurs du sexe » (IUSW), par exemple, qui est affiliée à la GMB (Britain’s General Union) et a pris la parole aux congrès du Parti travailliste et du Parti vert, est dirigée par un homme appelé Douglas Fox.

Fox n'est plus membre de l'IUSW, dont le président de la branche britannique affiliée à la GMB est à présent Thierry Schaffhauser, également actif en France. D'après Gareth Dale et Xanthe Whittaker,
L'IUSW ne compte pas parmi ses membre uniquement des salarié-es et des travailleurs-ses indépendant-es, mais c'est la majorité. Nous le considérons comme tout autre syndicat : de façon critique. D'autres syndicats sont engagés dans des activités fautives (compromission, corruption, etc.) et beaucoup incluent des gérants d'entreprises, mais ils restent des syndicats.
( http://www.isj.org.uk/?id=707#129dale3 )
Schaffhauser précise pour sa part

Douglas Fox was a vocal member of the IUSW but has recently left the union. His and his partner’s membership were accepted by the GMB because it is a general trade union that includes managerial workers within its branches, whatever the sector of the economy. Sometimes managers have separate branches but the sex workers’ branch is not big enough. It was thought not relevant to create another specific branch for managers. What strikes me is that the sex workers branch is the only one that generates concern when the GMB has the same rule for all its members. This attack is often directed against the union in order to discredit all sex workers’ voice, despite the fact that what each individual has to say is very different. I hope that you can make a clear distinction between me and someone like Fox.

( http://www.isj.org.uk/?id=696 )

L'idée même de considérer comme syndicat, des regroupements d'individus revendiquant, le plus souvent sous contrainte violente, de vendre leur corps et leur liberté sexuelle, soutenus évidemment par le lobby proxénète et les tenants d'un avilissement des humains dans une prostitution institutionnalisée est totalement étrangère au mouvement ouvrier et plus encore aux idées mêmes du marxisme révolutionnaire .
Triste retour vers le moyen-age et l'acceptation d'un esclavage sexuel qui ne devra jamais être cautionné par les militants communistes.
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Message  sylvestre Jeu 6 Oct - 17:57

Pour résumer Schaffhauser dit que Fox était un "manager" (ce qui peut vouloir dire cadre ou dirigeant) mais que tous les syndicats de la confédération GMB accepte les managers (dans des branches séparées quand y a assez de monde), et que c'est seulement envers la branche de travailleurs-es du sexe qu'on en fait une affaire. Il ajoute qu'il souhaiterait qu'au lieu de tourner le dos à l'orga dans l'ensemble comme étant "dirigée par des proxénètes", les militant-es féministes et de la gauche aident à renforcer une position pro-travailleurs du sexe afin que le syndicat défende tous-tes les travailleurs-es du sexe, combatte l'exploitation, et ne se limite pas à être un instrument de campagne contre la criminalisation. Il faut défendre la syndicalisation et ne pas laisser les managers confisquer la parole des travailleurs-es.


Je comprends donc dans ce qu'il dit qu'il y a un débat au sein de cette organisation, et différentes positions suivant la place dans la hiérarchie de ce travail, que la question de la place des managers/proxénètes est une vraie question, mais que ça ne veut pas dire que ce que dit l'orga est nécessairement décrédibilisée de ce simple fait.

Ca se discute, mais ça s'entend.
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Message  Vals Jeu 6 Oct - 18:12

Je comprends donc dans ce qu'il dit qu'il y a un débat au sein de cette organisation, et différentes positions suivant la place dans la hiérarchie de ce travail, que la question de la place des managers/proxénètes est une vraie question, mais que ça ne veut pas dire que ce que dit l'orga est nécessairement décrédibilisée de ce simple fait.


Là, il semblerait qu'on touche le fond...
Mais, compte tenu de cette période de merde, c'est même pas sûr.....
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Message  fée clochette Jeu 6 Oct - 18:38

Vals a écrit:L'idée même de considérer comme syndicat, des regroupements d'individus revendiquant, le plus souvent sous contrainte violente, de vendre leur corps et leur liberté sexuelle, soutenus évidemment par le lobby proxénète et les tenants d'un avilissement des humains dans une prostitution institutionnalisée est totalement étrangère au mouvement ouvrier et plus encore aux idées mêmes du marxisme révolutionnaire .
Triste retour vers le moyen-age et l'acceptation d'un esclavage sexuel qui ne devra jamais être cautionné par les militants communistes.

Entièrement d'accord
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Message  sylvestre Ven 7 Oct - 10:17

En l'occurrence le but annoncé de l'IUSW n'est pas avant tout idéologique ("revendiquer le droit de vendre son corps"), mais beaucoup plus pratique : influer sur les législations et les comportements dont les travailleurs-es du sexe subissent les conséquence. Par exemple une protestation contre les déclarations d'un député conservateur qui mettait en doute qu'un viol ait été commis, puisque la victime était "peut-être une prostituée" : http://www.iusw.org/2011/02/iusw-response-to-tory-msp-comment-was-rape-victim-a-prostitute/
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