Où va la crise ?
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Re: Où va la crise ?
Par ailleurs, j'avais déja édité le communiqué (en comparaison avec le communiqué "unitaire" que nous avons signé) Je ne vois pas en quoi celui là est "mieux"....
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Re: Où va la crise ?
Une analyse de Isaac Josuah :
Crise : l’heure de vérité
JOHSUA Isaac
7 août 2011
Nous voilà à la veille du troisième anniversaire de la chute de Lehman Brothers qui, le 15 septembre 2008, a marqué le début officiel de la crise proprement financière. Une nouvelle crise occupe le devant de la scène, celle de la dette souveraine, et elle est présentée comme totalement indépendante de la première. Il y a surendettement des Etats et ce surendettement serait dû à l’impéritie des gouvernements, à leur laisser-aller en matière de dépenses. Il n’en est rien : la crise de la dette souveraine n’est qu’une prolongation de la grande crise qui a failli emporter le monde il y a trois ans. Avec l’éclatement de la bulle immobilière (en particulier américaine), la dette des ménages est devenue celle des organismes financiers, et celle-ci à son tour est devenue celle des Etats. Un exemple caricatural est celui de l’Etat irlandais, prenant à sa charge les engagements de banques plombées par les actifs « pourris » de la crise financière, essayant de combler un puits sans fond : 29,3 milliards d’euros, par exemple, pour tenter d’assainir la seule Anglo Irish Bank ; 50 milliards d’euros en 2010, soit près d’un tiers du PIB, pour renflouer des banques dont les pertes avaient été auparavant dissimulées [1].
L’incapacité des ménages à faire face à leurs obligations a mis en péril la sphère financière et les Etats n’ont pas hésité une seconde à voler à son secours, sans poser aucune condition, suivant le bon vieux principe : « privatisation des profits, socialisation des pertes ». En Europe, selon la Commission, pour recapitaliser les banques et éponger leurs actifs toxiques, 230 milliards d’euros auraient été dépensés par les Etats, soit un peu plus de 2% du PIB européen [2]. Aux Etats-Unis, le Troubled Asset Relief Program (TARP) a accordé des aides à diverses institutions financières pour un montant de 700 milliards de dollars ; parallèlement, la Fed (banque centrale américaine) a prêté à ces institutions à taux zéro pour plus de 2500 milliards de dollars. En octobre 2010, le coût total du seul sauvetage financier s’élevait à 7800 milliards de dollars [3]. La pelote empoisonnée du surendettement a ainsi été transmise de main en main, mais elle n’a pas disparu pour autant, au contraire. A cette lourde charge s’est ajouté l’effet mécanique du recul de l’activité sur les finances publiques, un effet qui tarit les recettes fiscales et pousse au contraire les dépenses publiques à la hausse. Le tout sans oublier le poids écrasant des divers plans de relance. En 2008, 27% du PIB mondial auraient ainsi été injectés pour sauver le système en perdition [4]. La Chine à elle seule a mis en œuvre un plan de relance de 585 milliards de dollars.
La meilleure preuve de la filiation qui relie la crise immobilière à celle des Etats nous l’avons avec le tableau 1, qui retrace l’évolution du poids du déficit public dans le PIB. De 2005 à 2007 ce poids demeure dans des limites tout à fait raisonnables pour la plupart des pays européens aujourd’hui sur la sellette. En réalité, l’extraordinaire bond de ce déficit est à dater de 2008 et 2009, avec le sauvetage des banques, les plans de relance à grands frais et alors que s’enregistrent dans l’activité (et dans les recettes fiscales) les retombées de la grande crise du XXIe siècle. Le déficit public de la zone euro dans son ensemble, à - 6,3% du PIB en 2009, n’était qu’à - 0,7% en 2007. Pour le total OCDE, nous passons de -1,3% en 2007 à - 8,2% en 2009. Certains pays étaient même en excédent en 2007 et ce parmi les plus menacés aujourd’hui, comme l’Irlande ou l’Espagne. Ajoutons que les innombrables dégrèvements consentis aux plus riches dans la plupart des pays, l’asile offert aux profits et la bride sur le cou à la finance ont aussi contribué à réduire les recettes fiscales et ainsi désarmé les puissances publiques à un moment crucial.
Tableau 1
Evolution des déficits (-) ou excédents (+) publics en % du PIB
2005 2006 2007 2008 2009 2010
Allemagne -3,3 -1,6 +0,3 +0,1 -3 -3,3
Espagne +1 +2 +1,9 -4,2 -11,1 -9,2
Etats-Unis -2,8 -1,9 -2,3 -5,3 -10,4 -10,1
France -2,9 -2,3 -2,7 -3,3 -7,5 -7,1
Grèce -5,3 -6 -6,7 -9,8 -15,6 -10,4
Irlande +1,6 +2,9 +0,1 -7,3 -14,3 -32,4
Italie -4,4 -3,3 -1,5 -2,7 -5 ,3 -4,5
Japon -6,7 -1,6 -2,4 -2,2 -8,7 -8,1
Portugal -5,9 -4,1 -3,2 -3,6 -10,1 -9,2
Royaume-Uni -3,3 -2,7 -2,8 -4,8 -10,8 -10,3
Zone Euro -2,6 -1,4 -0,7 -2,1 -6,3 -6
Total OCDE -2,8 -1,3 -1,3 -3,3 -8,2 -7,7
Source : OCDE
Pour les Etats-Unis, comptes nationaux, net borrowing de l’Etat fédéral en % du PIB.
Pour la France, comptes nationaux, INSEE.
Nous avons une confirmation de ce point de vue avec le tableau 2, qui présente l’évolution du total de la dette des administrations centrales en % du PIB. En 2005, ce pourcentage se situe à des niveaux particulièrement bas pour certains pays (Irlande, Espagne, par exemple), à des niveaux particulièrement élevés pour d’autres (Grèce, Japon, par exemple). Mais, dans tous les cas de figure, le ratio fait un véritable bond en 2009, voire même dès 2008. Le lien, là encore, est clairement établi avec la grande crise de ce XXIe siècle débutant, qu’il s’agisse du sauvetage des banques sur frais publics, de plans de relance hors du commun ou de l’effondrement de recettes fiscales qui accompagnent la chute de l’activité.
Tableau 2
Total de la dette de l’administration centrale en % du PIB
2005 2006 2007 2008 2009
Allemagne 40,4 40,9 39,4 38,8 43,8
Espagne 36,4 33 30 33,7 46,1
Etats-Unis 36,1 36 35,6 40 53,1
France 53,3 52,1 52,1 54,2 60,8
Grèce 110,3 107,5 105,8 109,6 125,7
Irlande 23,6 20,3 19,8 27,7 46
Italie 97,5 96,7 95,2 98 106,6
Japon 164,3 161,4 164,2 178 Nd
Portugal 68,2 69,8 69,2 71,2 81,1
Royaume-Uni 43,4 43,3 42,6 61,3 75,1
Source : OCDE
Nd = non disponible
Pour tenter d’endiguer le mouvement de défiance, un fonds européen a été créé, un premier soutien de 110 milliards d’euros accordé au printemps 2010 à la Grèce (dont la dette publique s’est alors élevée à 140% du PIB). Depuis, la menace s’étend : immédiatement après la Grèce viennent l’Irlande et le Portugal, avec des dettes publiques atteignant respectivement 114% et 93% du PIB. Puis l’Espagne et éventuellement l’Italie, avec une dette publique hissée à 120% du PIB. Et enfin, pourquoi pas, la France. Le 21 novembre 2010 l’Irlande chute à cause de ses banques et obtient une aide de 85 milliards d’euros de l’UE et du FMI. Le 7 avril 2011, le Portugal est atteint à son tour ; le 3 mai 2011, il reçoit une aide de 78 milliards d’euros de l’UE et du FMI, alors qu’il a fini l’année 2010 avec un déficit public de 9,2% du PIB et une dette publique de 160 milliards d’euros. Partout, en contrepartie de cette « aide », d’énormes sacrifices sont demandés, partout c’est aux populations de régler les frais d’une crise qui n’est pas la leur, et jusqu’au dernier centime.
Sous la pression des « marchés », chaque pays veut donner l’exemple de la rigueur, s’imaginant échapper ainsi à la sanction. Il a suffi que l’Italie soit menacée par la spéculation, pour qu’un deuxième plan d’austérité (de près de 48 milliards d’euros) soit élaboré et voté dans la précipitation le 15 juillet 2011. Il prévoit de nouvelles privatisations, le gel des salaires et des embauches de fonctionnaires et une réduction des dotations des collectivités. Cette mécanique du « bon élève » est en réalité un terrible cercle vicieux. Les réductions massives de dépenses publiques dans tous les pays (y compris aux Etats-Unis), la course générale à l’austérité, contribuent à réduire l’activité : ainsi, les mesures appliquées en contrepartie de l’aide financière de 78 milliards d’euros accordée au Portugal devraient entraîner deux années de récession, en 2011 et 2012, de l’aveu même des promoteurs de cette aide [5]. La réduction de l’activité entraîne ensuite celle des recettes fiscales, aggravant in fine le déficit. Les « marchés », qui poussent à la réduction des dépenses, constatent le creusement du déficit et exigent des taux d’intérêt de plus en plus élevés pour prêter à l’Etat concerné, alourdissant la charge de la dette. Ainsi, le 11 juillet 2011 les taux longs à dix ans espagnols et italiens ont atteint des records historiques, entre 5,5% et 6%. Le 2 août 2011, nouveaux records pour ces mêmes taux, les rendements des obligations espagnoles étant à 6,326% et ceux des obligations italiennes à 6,165%. L’écart avec le taux qui sert de référence, celui du Bund allemand (lequel était à 2,426%) atteignait également un nouveau record. Une situation clairement intenable dans le moyen ou long terme. Au même moment, les taux à 10 ans du Portugal grimpaient à 10,708% et ceux de la Grèce étaient stables, mais à 14,454% ! [6] Et les choses vont vite : le 27 juillet, l’émission par le trésor italien de 942 millions d’euros de titres à dix ans avait été placée à un taux de 4,07%, alors que la dernière opération similaire, datée du 27 mai, l’avait été à 2,51% ! [7] A ce rythme, le financement par l’Etat italien de son déficit par appel aux marchés deviendra rapidement prohibitif.
Dans cette fuite en avant, un seuil a été franchi par le sommet européen de Bruxelles du 21 juillet 2011. Un nouveau plan d’aide à la Grèce de 109 milliards d’euros y a été mis sur pied. La durée des nouveaux comme des anciens prêts consentis à ce pays a été allongée pour être portée de 7,5 années à 15 ans. Le taux auquel ces prêts sont accordés (très élevé, près de 6%) a été réduit, ramené entre 3,5% et 4%. L’Irlande et le Portugal, eux aussi « aidés » par l’Europe, sont désormais logés à cette même enseigne. Quant au Fonds européen de stabilité financière (FESF), il s’est vu attribuer de nouvelles missions. Il pourra prêter aux gouvernements pour les aider à recapitaliser leurs banques, ou même prêter directement aux banques en difficulté. Ainsi la même politique désastreuse est poursuivie. L’aide à la finance est massive, inconditionnelle, d’incroyables sommes continuent à y être déversées sans qu’aucune contrepartie soit exigée, aucune limitation, aucune réglementation. Par contre, des sacrifices inouïs sont demandés aux peuples sur lesquels s’abattent plans d’austérité, privatisations, destruction du secteur public. Le tout sans que pour autant il y ait sortie de crise : le Financial Times estime ainsi que l’ensemble des mesures du sommet ne parviendra à diminuer l’endettement de la Grèce que de 7%. Pour d’autres, il s’agit de 10% ou 20% [8], mais nous sommes de toutes façons loin du compte. En 2010, la Grèce a enregistré un déficit public représentant 10,4% de son PIB, au lieu des 9,6% initialement prévus [9]. Sa dette publique doit dépasser les 150% du PIB en 2011 et elle continuera d’étrangler un pays mis à genoux sur les plans économique et social.
Le sommet du 21 juillet est donc dans la continuité d’une orientation néfaste et s’il représente bien un tournant, c’est sur un tout autre terrain : pour la première fois une contribution a été exigée du secteur privé, banques et autres organismes financiers. Il faut y voir le résultat des pressions exercées par les contribuables excédés, mais aussi la prise de conscience de la gravité du problème et de l’impossibilité de continuer à y faire face avec les vieux expédients. Il a été décidé que les dettes de l’Etat grec ne seraient pas honorés selon les modalités initialement prévues et les créanciers auront le choix entre l’une des solutions suivantes : échanger leurs titres contre des titres de maturité plus longue (30 ans), reconduire à l’identique les titres arrivés à échéance, ou vendre leurs titres sur un marché de l’occasion, avec une décote.
Dans ce dernier cas de figure, le FESF serait amené, à nouveau, à intervenir, en se portant acquéreur de ces créances « d’occasion ». Il est vrai qu’au cours de ce sommet il a été prévu que tout rachat de ce type devrait être autorisé par l’unanimité des pays de la zone euro. Il n’en demeure pas moins que les banques pourraient ainsi se débarrasser à bon compte d’une part de leurs actifs « toxiques », les frais étant à la charge du contribuable européen. On pourrait même dire qu’elles seraient incitées à le faire, prenant d’autant plus de risques dans leurs placements qu’elles sont certaines de pouvoir se dégager à bon compte. Malheureusement, une telle situation n’a rien d’original. N’est-ce pas ce qui se passait déjà avant ces nouvelles attributions du FESF ? Les banques prêtaient de l’argent à des pays de la zone euro sans trop se soucier de leur surendettement, certaines qu’elles étaient du secours qui viendrait de l’Europe monétaire en cas de grave problème. Elles pouvaient ainsi, à la fois exiger des taux d’intérêt particulièrement élevés, la fameuse « prime de risque » (tout en se finançant à 1% auprès de la BCE) et être assurées du remboursement de leur principal à l’échéance. Le risque, normalement assumé par le prêteur privé, était déjà de fait transféré aux agents publics.
Le véritable tournant que représente le sommet européen du 21 juillet est ailleurs : pour la première fois, la porte du défaut souverain a été ouverte. Les estimations les plus diverses circulent à ce sujet. Le nouveau plan d’aide à la Grèce s’élèverait à près de 160 milliards d’euros, dont 109 milliards fournis par l’Europe et le FMI, le reste provenant des créanciers privés. De son côté, l’Institut de la finance internationale indique que les banques créancières de la Grèce apporteraient 135 milliards entre 2011 et 2020, et sur ces 135 milliards, 54 d’ici à 2014. Les banques et assureurs européens subiraient une décote de 21% sur la dette grecque qu’ils détiennent [10]. Mais peu importe pour l’instant les précisions chiffrées. Peu importe aussi si le défaut est dit partiel ou sélectif. L’important, c’est qu’il est avéré. Il est vrai que le lobby financier a fait son œuvre et que le sacrifice demandé aux banques prêteuses est de bien faible ampleur : l’ensemble des provisions sur les titres grecs ne coûterait qu’un milliard quatre cents millions d’euros aux banques françaises et 843 millions aux banques allemandes [11]. Il n’en demeure pas moins qu’un créancier de l’Etat grec n’est désormais plus certain d’être remboursé, pour le montant prévu et à la date prévue. Déjà, dès le 22 juillet, l’agence de notation Fitch a annoncé son intention de placer la Grèce en défaut partiel. Le 25 juillet, c’est au tour de Moody’s d’annoncer que la Grèce est à un cran du défaut de paiement et que cela sera le cas une fois l’échange entre les anciens titres de la dette grecque et les nouveaux effectué.
Un tel défaut peut avoir d’énormes conséquences. Il fragilise les nombreuses banques qui, grisées par l’appât du gain, ont engrangé de grandes quantités d’obligations publiques grecques. Et ce d’autant plus que la BCE menace, s’il y a défaut, de ne plus accepter (comme elle l’avait fait jusqu’à présent) les titres grecs en contrepartie des liquidités qu’elle accorde à des banques grecques qui ne subsistent que sous perfusion. Il est vrai que l’Europe monétaire a prévu de remplacer la BCE en apportant les garanties nécessaires, mais l’engagement demeure flou et il n’est pas sûr que cela soit suffisant. Surtout, ne l’oublions pas, nombre d’organismes financiers détenteurs de créances sur la Grèce se sont assurés contre le risque de défaut par le biais des CDS, les credit default swaps, des « produits dérivés » dont on ne connaît pas le montant, et encore moins les détenteurs. Un barrage risque ici de sauter, et un tsunami pourrait déferler.
Le danger est de taille, et pourtant la véritable menace est ailleurs. Les participants au sommet européen ont peut-être le sentiment d’avoir sauvé la Grèce, mais, dans la mesure où il y a défaut, la méfiance des marchés pourra se reporter immédiatement sur le pays suivant de la liste (Irlande, Portugal, …) et la chute des dominos reprendre son cours. Admettre le défaut de la Grèce, c’est admettre l’échec de toute la stratégie mise en œuvre jusqu’à présent ; c’est jeter le doute sur la capacité de cette stratégie de s’attaquer aux problèmes des autres pays de la zone euro. L’insistance du communiqué final du sommet européen sur le cas unique que représenterait la Grèce montre bien d’où vient le péril. Or, le soutien apporté à la Grèce pourra beaucoup plus difficilement être apporté aux autres pays européens menacés, compte tenu de leur taille et de l’ampleur de leur endettement. Ce serait un véritable mur de la dette qui s’abattrait, face auquel aucun FESF ne résisterait, quelle que soit sa dotation (une dotation aujourd’hui fixée à 750 milliards d’euros, mais une garantie effective de prêts de 440 milliards d’euros). De ce point de vue, un seuil a été franchi quand, en juillet 2011, la méfiance des investisseurs s’est tournée vers l’Italie, car celle-ci pèse économiquement, à elle seule, plus de deux fois plus que les trois pays réunis qui ont été « aidés » à ce jour (Grèce, Irlande, Portugal).
Nous sommes donc face à un véritable tournant, en quelque sorte une crise dans la crise. Parce que la Grèce inaugure le défaut souverain et parce que l’inclusion de l’Italie dans le cercle de la menace montre que, même en réunissant ses forces, l’UE ne pourra pas sauver tout le monde. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, a fini par reconnaître que la crise de l’endettement était celle de toute l’Europe et pas seulement celle de sa périphérie. Il faut aller plus loin et admettre le caractère universel de la crise du surendettement public, qui n’est rien d’autre qu’une manifestation du caractère universel de la crise de 2008-2009. Si Etats-Unis et Japon ont échappé pour l’instant à la vindicte des marchés, c’est du fait d’un effet de réputation : comment imaginer que deux des principales puissances économiques mondiales pourraient faire défaut ? Ce à quoi il faut ajouter, s’agissant du Japon, que sa dette publique est détenue, pour l’essentiel, par des nationaux japonais, ce qui la rend beaucoup plus stable et moins sujette aux mouvements spéculatifs. En réalité Etats-Unis et Japon sont tout autant que l’Europe concernés par le surendettement. La dette publique du Japon bat tous les records, à 229% du PIB au début 2011 [12]. Quant au déficit de l’Etat fédéral américain (net borrowing), il s’est élevé à 9,1% du PIB au premier trimestre 2011. La dette publique américaine a atteint à la mi-mai 2011 la limite légale (14 294 milliards de dollars) au-delà de laquelle l’Etat ne peut plus augmenter son endettement. Ce plafond représente 96% du PIB des Etats-Unis du premier trimestre 2011 (le PIB étant évalué en termes annuels). Cette limitation levée, l’endettement public américain a bondi à 14 580,7 milliards de dollars dès le 2 août, dépassant le montant du PIB de 2010, atteignant 98% du PIB du premier trimestre 2011 [13]. On se rapproche des 100% et d’ailleurs le pourcentage devrait être à 103% en 2012, selon le FMI [14]. Ce ratio était à 64,4% en 2007 [15] et, ici aussi, c’est très clairement sous l’effet de la crise de 2008-2009 que l’emballement a eu lieu.
Bien qu’étant une conséquence logique de cette situation, la décision de l’Agence de notation Standard and Poor’s de dégrader la note de la dette publique américaine a fait l’effet d’une bombe. Le 5 août 2011 l’Agence a fait passer la note de cette dette de AAA (sommet indépassable) à AA+, le tout sous perspective négative. Une décision qui va augmenter le coût des emprunts américains (et aggraver ainsi le surendettement), pousser à la hausse les taux d’intérêt à moyen et long terme, menacer l’édifice financier mondial (qui repose pour une part sur le classique bon du trésor américain), dévaloriser le patrimoine de ceux qui détiennent des titres de la dette publique des Etats-Unis (à commencer par la Chine), rendre ainsi plus difficile le financement du déficit extérieur américain et surtout accroître dans d’énormes proportions le sentiment de défiance à l’égard des titres publics quels qu’ils soient : si l’on ne peut plus avoir une confiance absolue dans les Etats-Unis, alors quelle confiance accorder aux autres Etats ? Ce qui renchérira, par ricochet, le financement de tous les déficits publics et poussera, de ce fait, encore plus de pays vers le défaut de paiement. Ceci sans compter le coup porté à la confiance des agents économiques, qui hésiteront encore plus que par le passé à investir ou consommer.
Suivant en cela une orientation keynésienne, certains pensaient que la politique budgétaire, celle des plans de relance et des déficits publics, avait été la solution miracle à la crise, un remède que l’orthodoxie avait empêché d’appliquer en 1929 et qu’on avait eu le courage de mettre en œuvre aujourd’hui. Il apparaît maintenant que l’endettement public ainsi généré n’est rien d’autre qu’une forme particulière prise par une crise qui poursuit sur sa lancée, revêtant un déguisement après l’autre. De fuite en avant en fuite en avant, du temps a été gagné, les échéances repoussées, en passant de la crise de la nouvelle économie à celle de l’immobilier, du surendettement des ménages à celui des banques, enfin du surendettement de ces dernières à celui des Etats. Mais l’onde du déséquilibre échappe désormais au contrôle, les Etats sont la dernière digue, et celle-ci est en train de céder. Voici venue l’heure de solder les comptes. Ainsi que je le disais dans mon ouvrage La grande crise du XXIe siècle, paru en mars 2009 : « On peut (…) se demander si la prochaine forme que prendra la crise ne sera pas celle, catastrophique, de la méfiance à l’égard des placements en bons d’Etat, habituellement considérés comme parfaitement sûrs. Jusqu’ici, il est vrai, le flot de capitaux quittant la Bourse ou refusant d’acheter des obligations d’entreprise s’est massivement reporté sur les emprunts d’Etats, qui ont pu se financer à bon compte. Mais le risque augmente aussi de ce côté-là et son appréciation devient plus claire (…). Plus augmente la masse de l’endettement public, et plus il faudra payer cher pour continuer à s’endetter. Les Etats peuvent intervenir pour sauver le système capitaliste, ce qu’ils ont fait jusqu’ici, sans se gêner. Mais qui sauvera les Etats eux-mêmes, si leur crédibilité économique est menacée ? Ils sont le dernier rempart ; derrière, il n’y a plus rien » [16].
Les Etats-Unis
Alors que débute l’été 2011, l’Europe, nous venons de le voir, est le grand sujet d’inquiétude, mais il était alors admis qu’à cette exception près, le monde était sorti de la crise. Or, traiter de la conjoncture mondiale, c’est d’abord traiter de la conjoncture américaine et on ne peut certainement pas dire que les Etats-Unis aient surmonté la plus grave crise qu’ils aient connu depuis celle de 1929, bien au contraire.
Voyons cela de plus près. Le PIB américain, stagnant en 2008 (- 0,3%), baisse fortement en 2009 (- 3,5%). Un effondrement désastreux, mais qui aurait pu être abyssal sans une intervention publique à grande échelle. Le revenu des ménages de 2009 décroît par rapport à 2008, de façon très importante (- 530 milliards de dollars). Mais la dégringolade aurait dû être bien plus grave sans une violente augmentation des transferts publics en leur direction (+ 259 milliards), augmentation qui a contrebalancé presqu’entièrement l’affaissement du total des salaires (- 272 milliards). Le revenu disponible des ménages chute aussi (- 235,7 milliards), mais beaucoup moins que leur revenu. Ce qui s’explique par une diminution dramatique des impôts sur le revenu des personnes physiques (- 294,3 milliards), liée en partie à la chute des revenus mais aussi à une politique d’allègement fiscal de grande ampleur. La somme (salaires publics + transferts publics aux ménages – impôts sur le revenu des personnes physiques) résume le soutien public apporté aux ménages : elle est de 1587,6 milliards de dollars en 2008 et de 2172 en 2009, soit un accroissement de 584,4 milliards. Un soutien d’une exceptionnelle ampleur. C’est lui qui a fait qu’en passant du revenu des ménages à leur revenu disponible, la chute a été réduite de moitié. C’est lui qui a évité la transformation d’une récession en profonde dépression. La véritable question est alors de savoir quel sera le comportement de cette économie une fois retiré l’extraordinaire échafaudage public édifié autour d’elle.
Pour cela, tournons-nous vers les données trimestrielles sur la somme (salaires publics + transferts publics – impôts sur le revenu des personnes physiques). Elles montrent que le soutien public, massif, s’est fortement accru au cours de l’année 2008 et du premier semestre 2009. Ce soutien se maintient à un haut niveau au cours de l’année 2010, qui voit alterner montées et reculs de l’apport public. Le véritable tournant se situe au cours du premier trimestre 2011 : la somme que nous venons d’évoquer (salaires publics + transferts publics – impôts sur le revenu des personnes physiques) chute fortement (-133 milliards de dollars), alors que les dépenses publiques enregistrent un net recul (- 5,9%, prolongé par un -1,1% au cours du deuxième trimestre 2011). Le soutien public commence donc son mouvement de retrait. Mais, élément essentiel, le privé ne prend pas le relais. L’immobilier est toujours dévasté : - 27,7% en 2010 (III), puis la stagnation : +2,5% en 2010 (IV), - 2,4% en 2011 (I) et +3,8% en 2011 (II). L’investissement des entreprises n’a aucun dynamisme et, s’il continue à augmenter, le rythme de cette croissance va diminuant : 18,6% en 2010 (II), 11,3% en 2010 (III), 8,7% en 2010 (IV) et enfin 2,1% en 2011 (I), suivi par un léger rebond (+ 6,3%) en 2011 (II). Quant à la contribution du commerce extérieur, elle est quelquefois positive, mais souvent négative. Le résultat d’ensemble (dont on devine la fragilité) est particulièrement terne pour le deuxième trimestre 2011 (+ 1,3% pour le PIB) et proche de la stagnation pour le premier trimestre de cette année (+ 0,4%).
Reste l’essentiel : la consommation des ménages, qui pèse particulièrement lourd aux Etats-Unis (elle fait dans ce pays 70,5% du PIB, et seulement 56%, par exemple, en France). Mais, étranglée par des salaires comprimés, menacée par le chômage, négativement influencée par la chute de valeur du patrimoine immobilier, cette consommation s’essouffle et peine de plus en plus à tirer l’attelage. En rythmes annuels, elle s’était accrue de 3,6% au cours du quatrième trimestre 2010, mais seulement de 2,1% au cours du premier trimestre 2011 et enfin d’un insignifiant 0,1% au cours du deuxième trimestre de cette année. Mais, dira-t-on, les contraintes qui pèsent sur la consommation américaine ne datent pas d’aujourd’hui et elles ont toujours été surmontées. C’est exact, mais cela a été le cas grâce au modèle « de moins en moins d’épargne, de plus en plus de dettes ». Un modèle qui a permis de soutenir la demande globale lorsqu’elle venait à défaillir et ce, sans avoir à augmenter les salaires, la chute du taux d’épargne augmentant la consommation sans que bouge le revenu, la hausse du taux d’endettement soutenant la dépense de consommation ou d’investissement (dans l’immobilier) bien que plafonnent les rémunérations. Un modèle qui tient de la solution-miracle, mais explosif, comme on le voit aisément, chute du taux d’épargne et montée du taux d’endettement ayant nécessairement une fin. La crise de 2008-2009 est la crise de ce modèle, et on ne voit pas comment obtenir les mêmes résultats alors qu’il est hors service.
Désormais, en effet, le taux d’épargne des ménages se redresse, et il est frappant de constater que les deux années de récession (2008 et 2009) ont été précédées par un bond de ce taux qui lui a fait gagner 3 points d’un seul coup, passant de 2,4% en 2007 à 5,4% en 2008. C’est dire toute l’importance de ces ajustements, l’importance de la chute de ce taux sur de nombreuses années (il était à 1,5% en 2005), alimentant à bon compte la consommation, donc aussi la croissance ; mais également, ensuite, l’importance de sa remontée. Une telle remontée, inévitable en période de crise, s’explique par la reconstitution d’une épargne de précaution, mais aussi par l’éclatement de la bulle immobilière et par l’effondrement des prix de l’immobilier qui l’accompagne : ce dégonflement de la valeur du patrimoine entraîne (« effet richesse ») une chute de la propension à consommer et une remontée corrélative du taux d’épargne.
Le vide s’ouvre sous les pas de l’économie américaine, parce que le soutien public a commencé à se retirer sans que le privé prenne la relève, et il en est ainsi parce que l’ancien modèle (« de moins en moins d’épargne, de plus en plus de dettes ») ne fonctionne plus, alors qu’il n’a été remplacé par aucun autre. Il n’est plus possible, comme cela a été le cas pendant de nombreuses années, d’alimenter la consommation par une baisse du taux d’épargne plutôt que par une augmentation du revenu. Il n’est plus possible, comme cela a été également le cas pendant de nombreuses années, d’alimenter l’immobilier par un endettement inconsidéré. La crise est passée par là, et elle joue son rôle de rétablissement des équilibres, redressant un taux d’épargne des ménages qui était proche de zéro, réduisant au contraire un taux d’endettement devenu insoutenable. Ainsi, la dette totale des ménages américains culmine à 13 844 milliards de dollars en 2008 ; elle chute ensuite à 13 611 milliards en 2009, puis à 13 386 en 2010 ; au premier trimestre 2011, on chute encore à 13 318 milliards. L’impasse est telle que l’on peut se demander si l’économie américaine peut connaître une croissance en l’absence de bulle spéculative, sans la bulle (boursière) de la nouvelle économie, ou sans celle de l’immobilier, qui l’a suivie.
L’heure de vérité a sonné de part et d’autre de l’Atlantique, parce que la crise continue, en prenant d’autres déguisements et que les expédients utilisés pour reporter les échéances sont en voie d’épuisement. En Europe cette crise prend surtout la forme du surendettement public, aux Etats-Unis surtout celle d’un étouffement de la croissance. Mais la décision de Standard and Poor’s de dégrader la note américaine en dit long sur le caractère universel d’une crise mondialisée. Le dernier rempart, celui des Etats, est en train de céder. Mordant la main qui les a nourris, les « marchés » exigent d’être sauvés sur fonds publics, puis n’hésitent pas à se ruer sur ces mêmes Etats qui les ont secourus. Sous leur pression, les politiques d’austérité mises en place approfondissent la crise et ce, d’autant plus violemment qu’elles sont maintenant généralisées. Ce faisant, supposées réduire l’endettement, ces politiques l’aggravent au contraire, par réduction des recettes fiscales. Pris dans ce cercle vicieux, le monde capitaliste a d’autant plus de mal à trouver la voie de la sortie que les munitions publiques ont été tirées et sont désormais épuisées, qu’il s’agisse de l’instrument budgétaire ou du monétaire, les taux des banques centrales étant toujours maintenus au plancher, sans grands résultats. Derrière des Etats désarmés, on voit maintenant apparaître clairement les lois implacables du système capitaliste, celles dictées par la soif inextinguible de profit, un système menacé d’effondrement et qui risque d’entraîner l’humanité tout entière dans sa chute.
Que faire ?
Ce n’est pas ici le lieu d’énoncer l’intégralité d’un programme qui passerait en revue toutes les mesures nécessaires, certaines qui découlent directement de la situation actuelle, d’autres qui en sont la conséquence logique, d’autres encore qui s’attaquent au système capitaliste dans ce qu’il a de plus fondamental. Cela serait utile, mais le feu est à la maison et il faut mettre en œuvre l’indispensable quitte à ce que, à partir de là, d’autres voies soient ouvertes sur un autre horizon. Il faut – priorité des priorités – éteindre l’incendie de la dette. Il faut – geste de survie – maîtriser la finance, l’empêcher de nuire, une bonne fois pour toutes. Il faut – préparation de l’avenir - jeter les bases d’un redémarrage, de façon à assurer l’emploi.
L’urgence absolue est de faire face au problème de la dette publique. Trois points sont essentiels : 1) quel que soit le pays, il faut décréter un moratoire sur la dette existante et la soumettre à un audit, pour porter un jugement circonstancié et déterminer quelles dettes seront remboursées et quelles ne le seront pas. Une partie substantielle de la dette, cela est clair, devra être répudiée. Le reste sera soumis à restructuration : rééchelonnement, réduction, plafonnement, etc. 2) réformer dans les plus brefs délais les statuts de la BCE, pour permettre le financement monétaire du déficit public (achat par la BCE des titres de la dette publique lors de leur émission). La BCE procède déjà à des achats de tels titres, mais il s’agit surtout du « marché de l’occasion », où les titres achetés par les banques sont revendus. Ce qui permet aux banques, tout à la fois, d’exiger une prime de risque lors de l’achat du titre et d’être assurées ensuite de pouvoir le revendre. Le financement monétaire du déficit enlèverait son pouvoir de chantage à la finance. 3) En matière de déficit public, il faut redresser la situation, surtout s’il faut renoncer aux fonds fournis par les marchés. Une réforme fiscale d’ampleur s’impose, pour revenir sur les avantages consentis aux patrons et taxer fortement les hauts revenus, les profits des sociétés et les patrimoines des riches.
La crise l’a montré de façon éclatante…. et désastreuse : il faut ligoter la finance . Ce qui, outre l’interdiction de la titrisation des créances et des fonds spéculatifs, implique la levée du secret bancaire, la chasse aux paradis fiscaux et la constitution d’un grand pôle bancaire public, par nationalisation d’un nombre significatif de banques en position dominante. L’appareil bancaire doit être soumis à un contrôle sévère, la séparation entre banque de dépôts et banques d’affaires restaurée. Il faut taxer les transactions financières, instaurer le contrôle du mouvement des capitaux. Il faut interdire les ventes à découvert, qui permettent la spéculation sur titres. Il faut aussi placer les Bourses en position subordonnée, ce que nous pouvons obtenir par une taxation renforcée des plus-values, l’introduction d’un délai entre l’achat et la revente des actions ou carrément la non cessibilité des titres émis. Il faut enfin mettre les banques centrales et toutes les institutions financières sous le strict contrôle des pouvoirs publics.
Si l’on ne veut pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets, il faut rompre avec le modèle de la mondialisation libérale. Ce qui suppose bien des choses qu’on ne peut développer ici, qu’il s’agisse du droit de propriété de l’entreprise, d’une autre mondialisation (et d’une autre Europe), du périmètre des biens communs ou encore de la crise écologique. Mais l’indispensable, le socle à partir duquel bâtir, c’est un nouveau rapport salarial. En effet, il faut un nouveau partage de la valeur ajoutée, radicalement différent de l’actuel, pour assurer les bases d’un autre développement. Il faut aussi stabiliser le marché du travail, en rétablissant la prépondérance des CDI, en confinant les diverses formes du travail précaire, en encadrant strictement les licenciements. Il faut garantir les acquis sociaux, en finir avec les politiques d’austérité, reconstituer des services publics dignes de ce nom.
Voilà le plus urgent. L’accomplir serait déjà énorme, mais s’en tenir là serait illogique. Ne voit-on pas que derrière tel ou tel « excès » de la finance, il y a l’esprit d’un système, le capitalisme ? Ne voit-on pas que, derrière la mondialisation libérale, il y a encore et à nouveau les exigences d’un système, le capitalisme ? La crise actuelle a déjà suscité d’immenses souffrances dans le monde. Ses nouveaux développements sont, de ce point de vue, terriblement menaçants. Il est temps de tirer un trait, il est temps de changer d’horizon.
Achevé de rédiger le 7/08/2011.
Isaac Johsua
Crise : l’heure de vérité
JOHSUA Isaac
7 août 2011
Nous voilà à la veille du troisième anniversaire de la chute de Lehman Brothers qui, le 15 septembre 2008, a marqué le début officiel de la crise proprement financière. Une nouvelle crise occupe le devant de la scène, celle de la dette souveraine, et elle est présentée comme totalement indépendante de la première. Il y a surendettement des Etats et ce surendettement serait dû à l’impéritie des gouvernements, à leur laisser-aller en matière de dépenses. Il n’en est rien : la crise de la dette souveraine n’est qu’une prolongation de la grande crise qui a failli emporter le monde il y a trois ans. Avec l’éclatement de la bulle immobilière (en particulier américaine), la dette des ménages est devenue celle des organismes financiers, et celle-ci à son tour est devenue celle des Etats. Un exemple caricatural est celui de l’Etat irlandais, prenant à sa charge les engagements de banques plombées par les actifs « pourris » de la crise financière, essayant de combler un puits sans fond : 29,3 milliards d’euros, par exemple, pour tenter d’assainir la seule Anglo Irish Bank ; 50 milliards d’euros en 2010, soit près d’un tiers du PIB, pour renflouer des banques dont les pertes avaient été auparavant dissimulées [1].
L’incapacité des ménages à faire face à leurs obligations a mis en péril la sphère financière et les Etats n’ont pas hésité une seconde à voler à son secours, sans poser aucune condition, suivant le bon vieux principe : « privatisation des profits, socialisation des pertes ». En Europe, selon la Commission, pour recapitaliser les banques et éponger leurs actifs toxiques, 230 milliards d’euros auraient été dépensés par les Etats, soit un peu plus de 2% du PIB européen [2]. Aux Etats-Unis, le Troubled Asset Relief Program (TARP) a accordé des aides à diverses institutions financières pour un montant de 700 milliards de dollars ; parallèlement, la Fed (banque centrale américaine) a prêté à ces institutions à taux zéro pour plus de 2500 milliards de dollars. En octobre 2010, le coût total du seul sauvetage financier s’élevait à 7800 milliards de dollars [3]. La pelote empoisonnée du surendettement a ainsi été transmise de main en main, mais elle n’a pas disparu pour autant, au contraire. A cette lourde charge s’est ajouté l’effet mécanique du recul de l’activité sur les finances publiques, un effet qui tarit les recettes fiscales et pousse au contraire les dépenses publiques à la hausse. Le tout sans oublier le poids écrasant des divers plans de relance. En 2008, 27% du PIB mondial auraient ainsi été injectés pour sauver le système en perdition [4]. La Chine à elle seule a mis en œuvre un plan de relance de 585 milliards de dollars.
La meilleure preuve de la filiation qui relie la crise immobilière à celle des Etats nous l’avons avec le tableau 1, qui retrace l’évolution du poids du déficit public dans le PIB. De 2005 à 2007 ce poids demeure dans des limites tout à fait raisonnables pour la plupart des pays européens aujourd’hui sur la sellette. En réalité, l’extraordinaire bond de ce déficit est à dater de 2008 et 2009, avec le sauvetage des banques, les plans de relance à grands frais et alors que s’enregistrent dans l’activité (et dans les recettes fiscales) les retombées de la grande crise du XXIe siècle. Le déficit public de la zone euro dans son ensemble, à - 6,3% du PIB en 2009, n’était qu’à - 0,7% en 2007. Pour le total OCDE, nous passons de -1,3% en 2007 à - 8,2% en 2009. Certains pays étaient même en excédent en 2007 et ce parmi les plus menacés aujourd’hui, comme l’Irlande ou l’Espagne. Ajoutons que les innombrables dégrèvements consentis aux plus riches dans la plupart des pays, l’asile offert aux profits et la bride sur le cou à la finance ont aussi contribué à réduire les recettes fiscales et ainsi désarmé les puissances publiques à un moment crucial.
Tableau 1
Evolution des déficits (-) ou excédents (+) publics en % du PIB
2005 2006 2007 2008 2009 2010
Allemagne -3,3 -1,6 +0,3 +0,1 -3 -3,3
Espagne +1 +2 +1,9 -4,2 -11,1 -9,2
Etats-Unis -2,8 -1,9 -2,3 -5,3 -10,4 -10,1
France -2,9 -2,3 -2,7 -3,3 -7,5 -7,1
Grèce -5,3 -6 -6,7 -9,8 -15,6 -10,4
Irlande +1,6 +2,9 +0,1 -7,3 -14,3 -32,4
Italie -4,4 -3,3 -1,5 -2,7 -5 ,3 -4,5
Japon -6,7 -1,6 -2,4 -2,2 -8,7 -8,1
Portugal -5,9 -4,1 -3,2 -3,6 -10,1 -9,2
Royaume-Uni -3,3 -2,7 -2,8 -4,8 -10,8 -10,3
Zone Euro -2,6 -1,4 -0,7 -2,1 -6,3 -6
Total OCDE -2,8 -1,3 -1,3 -3,3 -8,2 -7,7
Source : OCDE
Pour les Etats-Unis, comptes nationaux, net borrowing de l’Etat fédéral en % du PIB.
Pour la France, comptes nationaux, INSEE.
Nous avons une confirmation de ce point de vue avec le tableau 2, qui présente l’évolution du total de la dette des administrations centrales en % du PIB. En 2005, ce pourcentage se situe à des niveaux particulièrement bas pour certains pays (Irlande, Espagne, par exemple), à des niveaux particulièrement élevés pour d’autres (Grèce, Japon, par exemple). Mais, dans tous les cas de figure, le ratio fait un véritable bond en 2009, voire même dès 2008. Le lien, là encore, est clairement établi avec la grande crise de ce XXIe siècle débutant, qu’il s’agisse du sauvetage des banques sur frais publics, de plans de relance hors du commun ou de l’effondrement de recettes fiscales qui accompagnent la chute de l’activité.
Tableau 2
Total de la dette de l’administration centrale en % du PIB
2005 2006 2007 2008 2009
Allemagne 40,4 40,9 39,4 38,8 43,8
Espagne 36,4 33 30 33,7 46,1
Etats-Unis 36,1 36 35,6 40 53,1
France 53,3 52,1 52,1 54,2 60,8
Grèce 110,3 107,5 105,8 109,6 125,7
Irlande 23,6 20,3 19,8 27,7 46
Italie 97,5 96,7 95,2 98 106,6
Japon 164,3 161,4 164,2 178 Nd
Portugal 68,2 69,8 69,2 71,2 81,1
Royaume-Uni 43,4 43,3 42,6 61,3 75,1
Source : OCDE
Nd = non disponible
Pour tenter d’endiguer le mouvement de défiance, un fonds européen a été créé, un premier soutien de 110 milliards d’euros accordé au printemps 2010 à la Grèce (dont la dette publique s’est alors élevée à 140% du PIB). Depuis, la menace s’étend : immédiatement après la Grèce viennent l’Irlande et le Portugal, avec des dettes publiques atteignant respectivement 114% et 93% du PIB. Puis l’Espagne et éventuellement l’Italie, avec une dette publique hissée à 120% du PIB. Et enfin, pourquoi pas, la France. Le 21 novembre 2010 l’Irlande chute à cause de ses banques et obtient une aide de 85 milliards d’euros de l’UE et du FMI. Le 7 avril 2011, le Portugal est atteint à son tour ; le 3 mai 2011, il reçoit une aide de 78 milliards d’euros de l’UE et du FMI, alors qu’il a fini l’année 2010 avec un déficit public de 9,2% du PIB et une dette publique de 160 milliards d’euros. Partout, en contrepartie de cette « aide », d’énormes sacrifices sont demandés, partout c’est aux populations de régler les frais d’une crise qui n’est pas la leur, et jusqu’au dernier centime.
Sous la pression des « marchés », chaque pays veut donner l’exemple de la rigueur, s’imaginant échapper ainsi à la sanction. Il a suffi que l’Italie soit menacée par la spéculation, pour qu’un deuxième plan d’austérité (de près de 48 milliards d’euros) soit élaboré et voté dans la précipitation le 15 juillet 2011. Il prévoit de nouvelles privatisations, le gel des salaires et des embauches de fonctionnaires et une réduction des dotations des collectivités. Cette mécanique du « bon élève » est en réalité un terrible cercle vicieux. Les réductions massives de dépenses publiques dans tous les pays (y compris aux Etats-Unis), la course générale à l’austérité, contribuent à réduire l’activité : ainsi, les mesures appliquées en contrepartie de l’aide financière de 78 milliards d’euros accordée au Portugal devraient entraîner deux années de récession, en 2011 et 2012, de l’aveu même des promoteurs de cette aide [5]. La réduction de l’activité entraîne ensuite celle des recettes fiscales, aggravant in fine le déficit. Les « marchés », qui poussent à la réduction des dépenses, constatent le creusement du déficit et exigent des taux d’intérêt de plus en plus élevés pour prêter à l’Etat concerné, alourdissant la charge de la dette. Ainsi, le 11 juillet 2011 les taux longs à dix ans espagnols et italiens ont atteint des records historiques, entre 5,5% et 6%. Le 2 août 2011, nouveaux records pour ces mêmes taux, les rendements des obligations espagnoles étant à 6,326% et ceux des obligations italiennes à 6,165%. L’écart avec le taux qui sert de référence, celui du Bund allemand (lequel était à 2,426%) atteignait également un nouveau record. Une situation clairement intenable dans le moyen ou long terme. Au même moment, les taux à 10 ans du Portugal grimpaient à 10,708% et ceux de la Grèce étaient stables, mais à 14,454% ! [6] Et les choses vont vite : le 27 juillet, l’émission par le trésor italien de 942 millions d’euros de titres à dix ans avait été placée à un taux de 4,07%, alors que la dernière opération similaire, datée du 27 mai, l’avait été à 2,51% ! [7] A ce rythme, le financement par l’Etat italien de son déficit par appel aux marchés deviendra rapidement prohibitif.
Dans cette fuite en avant, un seuil a été franchi par le sommet européen de Bruxelles du 21 juillet 2011. Un nouveau plan d’aide à la Grèce de 109 milliards d’euros y a été mis sur pied. La durée des nouveaux comme des anciens prêts consentis à ce pays a été allongée pour être portée de 7,5 années à 15 ans. Le taux auquel ces prêts sont accordés (très élevé, près de 6%) a été réduit, ramené entre 3,5% et 4%. L’Irlande et le Portugal, eux aussi « aidés » par l’Europe, sont désormais logés à cette même enseigne. Quant au Fonds européen de stabilité financière (FESF), il s’est vu attribuer de nouvelles missions. Il pourra prêter aux gouvernements pour les aider à recapitaliser leurs banques, ou même prêter directement aux banques en difficulté. Ainsi la même politique désastreuse est poursuivie. L’aide à la finance est massive, inconditionnelle, d’incroyables sommes continuent à y être déversées sans qu’aucune contrepartie soit exigée, aucune limitation, aucune réglementation. Par contre, des sacrifices inouïs sont demandés aux peuples sur lesquels s’abattent plans d’austérité, privatisations, destruction du secteur public. Le tout sans que pour autant il y ait sortie de crise : le Financial Times estime ainsi que l’ensemble des mesures du sommet ne parviendra à diminuer l’endettement de la Grèce que de 7%. Pour d’autres, il s’agit de 10% ou 20% [8], mais nous sommes de toutes façons loin du compte. En 2010, la Grèce a enregistré un déficit public représentant 10,4% de son PIB, au lieu des 9,6% initialement prévus [9]. Sa dette publique doit dépasser les 150% du PIB en 2011 et elle continuera d’étrangler un pays mis à genoux sur les plans économique et social.
Le sommet du 21 juillet est donc dans la continuité d’une orientation néfaste et s’il représente bien un tournant, c’est sur un tout autre terrain : pour la première fois une contribution a été exigée du secteur privé, banques et autres organismes financiers. Il faut y voir le résultat des pressions exercées par les contribuables excédés, mais aussi la prise de conscience de la gravité du problème et de l’impossibilité de continuer à y faire face avec les vieux expédients. Il a été décidé que les dettes de l’Etat grec ne seraient pas honorés selon les modalités initialement prévues et les créanciers auront le choix entre l’une des solutions suivantes : échanger leurs titres contre des titres de maturité plus longue (30 ans), reconduire à l’identique les titres arrivés à échéance, ou vendre leurs titres sur un marché de l’occasion, avec une décote.
Dans ce dernier cas de figure, le FESF serait amené, à nouveau, à intervenir, en se portant acquéreur de ces créances « d’occasion ». Il est vrai qu’au cours de ce sommet il a été prévu que tout rachat de ce type devrait être autorisé par l’unanimité des pays de la zone euro. Il n’en demeure pas moins que les banques pourraient ainsi se débarrasser à bon compte d’une part de leurs actifs « toxiques », les frais étant à la charge du contribuable européen. On pourrait même dire qu’elles seraient incitées à le faire, prenant d’autant plus de risques dans leurs placements qu’elles sont certaines de pouvoir se dégager à bon compte. Malheureusement, une telle situation n’a rien d’original. N’est-ce pas ce qui se passait déjà avant ces nouvelles attributions du FESF ? Les banques prêtaient de l’argent à des pays de la zone euro sans trop se soucier de leur surendettement, certaines qu’elles étaient du secours qui viendrait de l’Europe monétaire en cas de grave problème. Elles pouvaient ainsi, à la fois exiger des taux d’intérêt particulièrement élevés, la fameuse « prime de risque » (tout en se finançant à 1% auprès de la BCE) et être assurées du remboursement de leur principal à l’échéance. Le risque, normalement assumé par le prêteur privé, était déjà de fait transféré aux agents publics.
Le véritable tournant que représente le sommet européen du 21 juillet est ailleurs : pour la première fois, la porte du défaut souverain a été ouverte. Les estimations les plus diverses circulent à ce sujet. Le nouveau plan d’aide à la Grèce s’élèverait à près de 160 milliards d’euros, dont 109 milliards fournis par l’Europe et le FMI, le reste provenant des créanciers privés. De son côté, l’Institut de la finance internationale indique que les banques créancières de la Grèce apporteraient 135 milliards entre 2011 et 2020, et sur ces 135 milliards, 54 d’ici à 2014. Les banques et assureurs européens subiraient une décote de 21% sur la dette grecque qu’ils détiennent [10]. Mais peu importe pour l’instant les précisions chiffrées. Peu importe aussi si le défaut est dit partiel ou sélectif. L’important, c’est qu’il est avéré. Il est vrai que le lobby financier a fait son œuvre et que le sacrifice demandé aux banques prêteuses est de bien faible ampleur : l’ensemble des provisions sur les titres grecs ne coûterait qu’un milliard quatre cents millions d’euros aux banques françaises et 843 millions aux banques allemandes [11]. Il n’en demeure pas moins qu’un créancier de l’Etat grec n’est désormais plus certain d’être remboursé, pour le montant prévu et à la date prévue. Déjà, dès le 22 juillet, l’agence de notation Fitch a annoncé son intention de placer la Grèce en défaut partiel. Le 25 juillet, c’est au tour de Moody’s d’annoncer que la Grèce est à un cran du défaut de paiement et que cela sera le cas une fois l’échange entre les anciens titres de la dette grecque et les nouveaux effectué.
Un tel défaut peut avoir d’énormes conséquences. Il fragilise les nombreuses banques qui, grisées par l’appât du gain, ont engrangé de grandes quantités d’obligations publiques grecques. Et ce d’autant plus que la BCE menace, s’il y a défaut, de ne plus accepter (comme elle l’avait fait jusqu’à présent) les titres grecs en contrepartie des liquidités qu’elle accorde à des banques grecques qui ne subsistent que sous perfusion. Il est vrai que l’Europe monétaire a prévu de remplacer la BCE en apportant les garanties nécessaires, mais l’engagement demeure flou et il n’est pas sûr que cela soit suffisant. Surtout, ne l’oublions pas, nombre d’organismes financiers détenteurs de créances sur la Grèce se sont assurés contre le risque de défaut par le biais des CDS, les credit default swaps, des « produits dérivés » dont on ne connaît pas le montant, et encore moins les détenteurs. Un barrage risque ici de sauter, et un tsunami pourrait déferler.
Le danger est de taille, et pourtant la véritable menace est ailleurs. Les participants au sommet européen ont peut-être le sentiment d’avoir sauvé la Grèce, mais, dans la mesure où il y a défaut, la méfiance des marchés pourra se reporter immédiatement sur le pays suivant de la liste (Irlande, Portugal, …) et la chute des dominos reprendre son cours. Admettre le défaut de la Grèce, c’est admettre l’échec de toute la stratégie mise en œuvre jusqu’à présent ; c’est jeter le doute sur la capacité de cette stratégie de s’attaquer aux problèmes des autres pays de la zone euro. L’insistance du communiqué final du sommet européen sur le cas unique que représenterait la Grèce montre bien d’où vient le péril. Or, le soutien apporté à la Grèce pourra beaucoup plus difficilement être apporté aux autres pays européens menacés, compte tenu de leur taille et de l’ampleur de leur endettement. Ce serait un véritable mur de la dette qui s’abattrait, face auquel aucun FESF ne résisterait, quelle que soit sa dotation (une dotation aujourd’hui fixée à 750 milliards d’euros, mais une garantie effective de prêts de 440 milliards d’euros). De ce point de vue, un seuil a été franchi quand, en juillet 2011, la méfiance des investisseurs s’est tournée vers l’Italie, car celle-ci pèse économiquement, à elle seule, plus de deux fois plus que les trois pays réunis qui ont été « aidés » à ce jour (Grèce, Irlande, Portugal).
Nous sommes donc face à un véritable tournant, en quelque sorte une crise dans la crise. Parce que la Grèce inaugure le défaut souverain et parce que l’inclusion de l’Italie dans le cercle de la menace montre que, même en réunissant ses forces, l’UE ne pourra pas sauver tout le monde. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, a fini par reconnaître que la crise de l’endettement était celle de toute l’Europe et pas seulement celle de sa périphérie. Il faut aller plus loin et admettre le caractère universel de la crise du surendettement public, qui n’est rien d’autre qu’une manifestation du caractère universel de la crise de 2008-2009. Si Etats-Unis et Japon ont échappé pour l’instant à la vindicte des marchés, c’est du fait d’un effet de réputation : comment imaginer que deux des principales puissances économiques mondiales pourraient faire défaut ? Ce à quoi il faut ajouter, s’agissant du Japon, que sa dette publique est détenue, pour l’essentiel, par des nationaux japonais, ce qui la rend beaucoup plus stable et moins sujette aux mouvements spéculatifs. En réalité Etats-Unis et Japon sont tout autant que l’Europe concernés par le surendettement. La dette publique du Japon bat tous les records, à 229% du PIB au début 2011 [12]. Quant au déficit de l’Etat fédéral américain (net borrowing), il s’est élevé à 9,1% du PIB au premier trimestre 2011. La dette publique américaine a atteint à la mi-mai 2011 la limite légale (14 294 milliards de dollars) au-delà de laquelle l’Etat ne peut plus augmenter son endettement. Ce plafond représente 96% du PIB des Etats-Unis du premier trimestre 2011 (le PIB étant évalué en termes annuels). Cette limitation levée, l’endettement public américain a bondi à 14 580,7 milliards de dollars dès le 2 août, dépassant le montant du PIB de 2010, atteignant 98% du PIB du premier trimestre 2011 [13]. On se rapproche des 100% et d’ailleurs le pourcentage devrait être à 103% en 2012, selon le FMI [14]. Ce ratio était à 64,4% en 2007 [15] et, ici aussi, c’est très clairement sous l’effet de la crise de 2008-2009 que l’emballement a eu lieu.
Bien qu’étant une conséquence logique de cette situation, la décision de l’Agence de notation Standard and Poor’s de dégrader la note de la dette publique américaine a fait l’effet d’une bombe. Le 5 août 2011 l’Agence a fait passer la note de cette dette de AAA (sommet indépassable) à AA+, le tout sous perspective négative. Une décision qui va augmenter le coût des emprunts américains (et aggraver ainsi le surendettement), pousser à la hausse les taux d’intérêt à moyen et long terme, menacer l’édifice financier mondial (qui repose pour une part sur le classique bon du trésor américain), dévaloriser le patrimoine de ceux qui détiennent des titres de la dette publique des Etats-Unis (à commencer par la Chine), rendre ainsi plus difficile le financement du déficit extérieur américain et surtout accroître dans d’énormes proportions le sentiment de défiance à l’égard des titres publics quels qu’ils soient : si l’on ne peut plus avoir une confiance absolue dans les Etats-Unis, alors quelle confiance accorder aux autres Etats ? Ce qui renchérira, par ricochet, le financement de tous les déficits publics et poussera, de ce fait, encore plus de pays vers le défaut de paiement. Ceci sans compter le coup porté à la confiance des agents économiques, qui hésiteront encore plus que par le passé à investir ou consommer.
Suivant en cela une orientation keynésienne, certains pensaient que la politique budgétaire, celle des plans de relance et des déficits publics, avait été la solution miracle à la crise, un remède que l’orthodoxie avait empêché d’appliquer en 1929 et qu’on avait eu le courage de mettre en œuvre aujourd’hui. Il apparaît maintenant que l’endettement public ainsi généré n’est rien d’autre qu’une forme particulière prise par une crise qui poursuit sur sa lancée, revêtant un déguisement après l’autre. De fuite en avant en fuite en avant, du temps a été gagné, les échéances repoussées, en passant de la crise de la nouvelle économie à celle de l’immobilier, du surendettement des ménages à celui des banques, enfin du surendettement de ces dernières à celui des Etats. Mais l’onde du déséquilibre échappe désormais au contrôle, les Etats sont la dernière digue, et celle-ci est en train de céder. Voici venue l’heure de solder les comptes. Ainsi que je le disais dans mon ouvrage La grande crise du XXIe siècle, paru en mars 2009 : « On peut (…) se demander si la prochaine forme que prendra la crise ne sera pas celle, catastrophique, de la méfiance à l’égard des placements en bons d’Etat, habituellement considérés comme parfaitement sûrs. Jusqu’ici, il est vrai, le flot de capitaux quittant la Bourse ou refusant d’acheter des obligations d’entreprise s’est massivement reporté sur les emprunts d’Etats, qui ont pu se financer à bon compte. Mais le risque augmente aussi de ce côté-là et son appréciation devient plus claire (…). Plus augmente la masse de l’endettement public, et plus il faudra payer cher pour continuer à s’endetter. Les Etats peuvent intervenir pour sauver le système capitaliste, ce qu’ils ont fait jusqu’ici, sans se gêner. Mais qui sauvera les Etats eux-mêmes, si leur crédibilité économique est menacée ? Ils sont le dernier rempart ; derrière, il n’y a plus rien » [16].
Les Etats-Unis
Alors que débute l’été 2011, l’Europe, nous venons de le voir, est le grand sujet d’inquiétude, mais il était alors admis qu’à cette exception près, le monde était sorti de la crise. Or, traiter de la conjoncture mondiale, c’est d’abord traiter de la conjoncture américaine et on ne peut certainement pas dire que les Etats-Unis aient surmonté la plus grave crise qu’ils aient connu depuis celle de 1929, bien au contraire.
Voyons cela de plus près. Le PIB américain, stagnant en 2008 (- 0,3%), baisse fortement en 2009 (- 3,5%). Un effondrement désastreux, mais qui aurait pu être abyssal sans une intervention publique à grande échelle. Le revenu des ménages de 2009 décroît par rapport à 2008, de façon très importante (- 530 milliards de dollars). Mais la dégringolade aurait dû être bien plus grave sans une violente augmentation des transferts publics en leur direction (+ 259 milliards), augmentation qui a contrebalancé presqu’entièrement l’affaissement du total des salaires (- 272 milliards). Le revenu disponible des ménages chute aussi (- 235,7 milliards), mais beaucoup moins que leur revenu. Ce qui s’explique par une diminution dramatique des impôts sur le revenu des personnes physiques (- 294,3 milliards), liée en partie à la chute des revenus mais aussi à une politique d’allègement fiscal de grande ampleur. La somme (salaires publics + transferts publics aux ménages – impôts sur le revenu des personnes physiques) résume le soutien public apporté aux ménages : elle est de 1587,6 milliards de dollars en 2008 et de 2172 en 2009, soit un accroissement de 584,4 milliards. Un soutien d’une exceptionnelle ampleur. C’est lui qui a fait qu’en passant du revenu des ménages à leur revenu disponible, la chute a été réduite de moitié. C’est lui qui a évité la transformation d’une récession en profonde dépression. La véritable question est alors de savoir quel sera le comportement de cette économie une fois retiré l’extraordinaire échafaudage public édifié autour d’elle.
Pour cela, tournons-nous vers les données trimestrielles sur la somme (salaires publics + transferts publics – impôts sur le revenu des personnes physiques). Elles montrent que le soutien public, massif, s’est fortement accru au cours de l’année 2008 et du premier semestre 2009. Ce soutien se maintient à un haut niveau au cours de l’année 2010, qui voit alterner montées et reculs de l’apport public. Le véritable tournant se situe au cours du premier trimestre 2011 : la somme que nous venons d’évoquer (salaires publics + transferts publics – impôts sur le revenu des personnes physiques) chute fortement (-133 milliards de dollars), alors que les dépenses publiques enregistrent un net recul (- 5,9%, prolongé par un -1,1% au cours du deuxième trimestre 2011). Le soutien public commence donc son mouvement de retrait. Mais, élément essentiel, le privé ne prend pas le relais. L’immobilier est toujours dévasté : - 27,7% en 2010 (III), puis la stagnation : +2,5% en 2010 (IV), - 2,4% en 2011 (I) et +3,8% en 2011 (II). L’investissement des entreprises n’a aucun dynamisme et, s’il continue à augmenter, le rythme de cette croissance va diminuant : 18,6% en 2010 (II), 11,3% en 2010 (III), 8,7% en 2010 (IV) et enfin 2,1% en 2011 (I), suivi par un léger rebond (+ 6,3%) en 2011 (II). Quant à la contribution du commerce extérieur, elle est quelquefois positive, mais souvent négative. Le résultat d’ensemble (dont on devine la fragilité) est particulièrement terne pour le deuxième trimestre 2011 (+ 1,3% pour le PIB) et proche de la stagnation pour le premier trimestre de cette année (+ 0,4%).
Reste l’essentiel : la consommation des ménages, qui pèse particulièrement lourd aux Etats-Unis (elle fait dans ce pays 70,5% du PIB, et seulement 56%, par exemple, en France). Mais, étranglée par des salaires comprimés, menacée par le chômage, négativement influencée par la chute de valeur du patrimoine immobilier, cette consommation s’essouffle et peine de plus en plus à tirer l’attelage. En rythmes annuels, elle s’était accrue de 3,6% au cours du quatrième trimestre 2010, mais seulement de 2,1% au cours du premier trimestre 2011 et enfin d’un insignifiant 0,1% au cours du deuxième trimestre de cette année. Mais, dira-t-on, les contraintes qui pèsent sur la consommation américaine ne datent pas d’aujourd’hui et elles ont toujours été surmontées. C’est exact, mais cela a été le cas grâce au modèle « de moins en moins d’épargne, de plus en plus de dettes ». Un modèle qui a permis de soutenir la demande globale lorsqu’elle venait à défaillir et ce, sans avoir à augmenter les salaires, la chute du taux d’épargne augmentant la consommation sans que bouge le revenu, la hausse du taux d’endettement soutenant la dépense de consommation ou d’investissement (dans l’immobilier) bien que plafonnent les rémunérations. Un modèle qui tient de la solution-miracle, mais explosif, comme on le voit aisément, chute du taux d’épargne et montée du taux d’endettement ayant nécessairement une fin. La crise de 2008-2009 est la crise de ce modèle, et on ne voit pas comment obtenir les mêmes résultats alors qu’il est hors service.
Désormais, en effet, le taux d’épargne des ménages se redresse, et il est frappant de constater que les deux années de récession (2008 et 2009) ont été précédées par un bond de ce taux qui lui a fait gagner 3 points d’un seul coup, passant de 2,4% en 2007 à 5,4% en 2008. C’est dire toute l’importance de ces ajustements, l’importance de la chute de ce taux sur de nombreuses années (il était à 1,5% en 2005), alimentant à bon compte la consommation, donc aussi la croissance ; mais également, ensuite, l’importance de sa remontée. Une telle remontée, inévitable en période de crise, s’explique par la reconstitution d’une épargne de précaution, mais aussi par l’éclatement de la bulle immobilière et par l’effondrement des prix de l’immobilier qui l’accompagne : ce dégonflement de la valeur du patrimoine entraîne (« effet richesse ») une chute de la propension à consommer et une remontée corrélative du taux d’épargne.
Le vide s’ouvre sous les pas de l’économie américaine, parce que le soutien public a commencé à se retirer sans que le privé prenne la relève, et il en est ainsi parce que l’ancien modèle (« de moins en moins d’épargne, de plus en plus de dettes ») ne fonctionne plus, alors qu’il n’a été remplacé par aucun autre. Il n’est plus possible, comme cela a été le cas pendant de nombreuses années, d’alimenter la consommation par une baisse du taux d’épargne plutôt que par une augmentation du revenu. Il n’est plus possible, comme cela a été également le cas pendant de nombreuses années, d’alimenter l’immobilier par un endettement inconsidéré. La crise est passée par là, et elle joue son rôle de rétablissement des équilibres, redressant un taux d’épargne des ménages qui était proche de zéro, réduisant au contraire un taux d’endettement devenu insoutenable. Ainsi, la dette totale des ménages américains culmine à 13 844 milliards de dollars en 2008 ; elle chute ensuite à 13 611 milliards en 2009, puis à 13 386 en 2010 ; au premier trimestre 2011, on chute encore à 13 318 milliards. L’impasse est telle que l’on peut se demander si l’économie américaine peut connaître une croissance en l’absence de bulle spéculative, sans la bulle (boursière) de la nouvelle économie, ou sans celle de l’immobilier, qui l’a suivie.
L’heure de vérité a sonné de part et d’autre de l’Atlantique, parce que la crise continue, en prenant d’autres déguisements et que les expédients utilisés pour reporter les échéances sont en voie d’épuisement. En Europe cette crise prend surtout la forme du surendettement public, aux Etats-Unis surtout celle d’un étouffement de la croissance. Mais la décision de Standard and Poor’s de dégrader la note américaine en dit long sur le caractère universel d’une crise mondialisée. Le dernier rempart, celui des Etats, est en train de céder. Mordant la main qui les a nourris, les « marchés » exigent d’être sauvés sur fonds publics, puis n’hésitent pas à se ruer sur ces mêmes Etats qui les ont secourus. Sous leur pression, les politiques d’austérité mises en place approfondissent la crise et ce, d’autant plus violemment qu’elles sont maintenant généralisées. Ce faisant, supposées réduire l’endettement, ces politiques l’aggravent au contraire, par réduction des recettes fiscales. Pris dans ce cercle vicieux, le monde capitaliste a d’autant plus de mal à trouver la voie de la sortie que les munitions publiques ont été tirées et sont désormais épuisées, qu’il s’agisse de l’instrument budgétaire ou du monétaire, les taux des banques centrales étant toujours maintenus au plancher, sans grands résultats. Derrière des Etats désarmés, on voit maintenant apparaître clairement les lois implacables du système capitaliste, celles dictées par la soif inextinguible de profit, un système menacé d’effondrement et qui risque d’entraîner l’humanité tout entière dans sa chute.
Que faire ?
Ce n’est pas ici le lieu d’énoncer l’intégralité d’un programme qui passerait en revue toutes les mesures nécessaires, certaines qui découlent directement de la situation actuelle, d’autres qui en sont la conséquence logique, d’autres encore qui s’attaquent au système capitaliste dans ce qu’il a de plus fondamental. Cela serait utile, mais le feu est à la maison et il faut mettre en œuvre l’indispensable quitte à ce que, à partir de là, d’autres voies soient ouvertes sur un autre horizon. Il faut – priorité des priorités – éteindre l’incendie de la dette. Il faut – geste de survie – maîtriser la finance, l’empêcher de nuire, une bonne fois pour toutes. Il faut – préparation de l’avenir - jeter les bases d’un redémarrage, de façon à assurer l’emploi.
L’urgence absolue est de faire face au problème de la dette publique. Trois points sont essentiels : 1) quel que soit le pays, il faut décréter un moratoire sur la dette existante et la soumettre à un audit, pour porter un jugement circonstancié et déterminer quelles dettes seront remboursées et quelles ne le seront pas. Une partie substantielle de la dette, cela est clair, devra être répudiée. Le reste sera soumis à restructuration : rééchelonnement, réduction, plafonnement, etc. 2) réformer dans les plus brefs délais les statuts de la BCE, pour permettre le financement monétaire du déficit public (achat par la BCE des titres de la dette publique lors de leur émission). La BCE procède déjà à des achats de tels titres, mais il s’agit surtout du « marché de l’occasion », où les titres achetés par les banques sont revendus. Ce qui permet aux banques, tout à la fois, d’exiger une prime de risque lors de l’achat du titre et d’être assurées ensuite de pouvoir le revendre. Le financement monétaire du déficit enlèverait son pouvoir de chantage à la finance. 3) En matière de déficit public, il faut redresser la situation, surtout s’il faut renoncer aux fonds fournis par les marchés. Une réforme fiscale d’ampleur s’impose, pour revenir sur les avantages consentis aux patrons et taxer fortement les hauts revenus, les profits des sociétés et les patrimoines des riches.
La crise l’a montré de façon éclatante…. et désastreuse : il faut ligoter la finance . Ce qui, outre l’interdiction de la titrisation des créances et des fonds spéculatifs, implique la levée du secret bancaire, la chasse aux paradis fiscaux et la constitution d’un grand pôle bancaire public, par nationalisation d’un nombre significatif de banques en position dominante. L’appareil bancaire doit être soumis à un contrôle sévère, la séparation entre banque de dépôts et banques d’affaires restaurée. Il faut taxer les transactions financières, instaurer le contrôle du mouvement des capitaux. Il faut interdire les ventes à découvert, qui permettent la spéculation sur titres. Il faut aussi placer les Bourses en position subordonnée, ce que nous pouvons obtenir par une taxation renforcée des plus-values, l’introduction d’un délai entre l’achat et la revente des actions ou carrément la non cessibilité des titres émis. Il faut enfin mettre les banques centrales et toutes les institutions financières sous le strict contrôle des pouvoirs publics.
Si l’on ne veut pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets, il faut rompre avec le modèle de la mondialisation libérale. Ce qui suppose bien des choses qu’on ne peut développer ici, qu’il s’agisse du droit de propriété de l’entreprise, d’une autre mondialisation (et d’une autre Europe), du périmètre des biens communs ou encore de la crise écologique. Mais l’indispensable, le socle à partir duquel bâtir, c’est un nouveau rapport salarial. En effet, il faut un nouveau partage de la valeur ajoutée, radicalement différent de l’actuel, pour assurer les bases d’un autre développement. Il faut aussi stabiliser le marché du travail, en rétablissant la prépondérance des CDI, en confinant les diverses formes du travail précaire, en encadrant strictement les licenciements. Il faut garantir les acquis sociaux, en finir avec les politiques d’austérité, reconstituer des services publics dignes de ce nom.
Voilà le plus urgent. L’accomplir serait déjà énorme, mais s’en tenir là serait illogique. Ne voit-on pas que derrière tel ou tel « excès » de la finance, il y a l’esprit d’un système, le capitalisme ? Ne voit-on pas que, derrière la mondialisation libérale, il y a encore et à nouveau les exigences d’un système, le capitalisme ? La crise actuelle a déjà suscité d’immenses souffrances dans le monde. Ses nouveaux développements sont, de ce point de vue, terriblement menaçants. Il est temps de tirer un trait, il est temps de changer d’horizon.
Achevé de rédiger le 7/08/2011.
Isaac Johsua
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Les bourses asiatiques dans le rouge
http://www.europe1.fr/Economie/Les-bourses-asiatiques-dans-le-rouge-659735/
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Où va la crise ?
gérard menvussa a écrit:Par ailleurs, j'avais déja édité le communiqué (en comparaison avec le communiqué "unitaire" que nous avons signé) Je ne vois pas en quoi celui là est "mieux"....
Déjà très différent sur deux points: il demande l'annulation, ce que la gauche altercapitaliste ne fait pas.
Et il ne gobe pas le leurre de la gestion budgétaire par la bourgeoisie et de l'appel aux parlementaires.
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Où va la crise ?
Semble normal dans la mesure ou l'appel a surtout comme objet de lutter contre la "constitutionnalisation" de l'équilibre budgétaire par Sarkozy !l'appel aux parlementaires
faudra que tu développes !le leurre de la gestion budgétaire par la bourgeoisie
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Re: Où va la crise ?
Le leurre c'est la polarisation sur le déficit budgétaire, comme si faire du déficit budgétaire était la réponse. C'est la fameuse politique keynésienne contre cyclique, alors même qu'elle ne peut rien régler.
Le texte de Isaac Joshua le rélève.
(Il est sans perspectives politiques, mais c'est une autre affaire...).
PS quelle est la source ?
Le texte de Isaac Joshua le rélève.
(Il est sans perspectives politiques, mais c'est une autre affaire...).
PS quelle est la source ?
Dernière édition par Roseau le Lun 8 Aoû - 10:51, édité 1 fois
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Où va la crise ?
Encore une fois, face à la gravité de la crise et la cascade de plans d'austérité qui va s'abattre sur les populations, il faut parler un langage clair sur la nature de la crise et du capitalisme, et non avancer de ridicules mesures minimalistes, qui reviendraient à donner un cachet d'aspirine à une personne qui fait un infractus.
La suppression des agences de notation, même l'édito de Libération de ce matin la réclame, c'est dire son caractère dérisoire !
Bien sûr, le langgae de la vérité ne sera pas compris et admis par tous les travailleurs, car beaucoup ne veulent pas y croire et espèrent encore passer au travers des gouttes. C'est logique après des dizaines d'années de prospérité relative. Mais ce n'est pas pour autant qu'il faut se mettre à parler comme les économistes keynesiens raisonnables.
La suppression des agences de notation, même l'édito de Libération de ce matin la réclame, c'est dire son caractère dérisoire !
Bien sûr, le langgae de la vérité ne sera pas compris et admis par tous les travailleurs, car beaucoup ne veulent pas y croire et espèrent encore passer au travers des gouttes. C'est logique après des dizaines d'années de prospérité relative. Mais ce n'est pas pour autant qu'il faut se mettre à parler comme les économistes keynesiens raisonnables.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Où va la crise ?
En tout cas, depuis 10 ans les crises se succèdent donnant à celles-ci un caractère ... permanent. A mon avis, plus aucune réforme ne viendra à bout de la crise actuelle. Toute intervention des gouvernements dans le cadre de la sauvegarde du système aura pour conséquence une nouvelle crise plus aigue encore. Il y a une confrontation entre le capital industriel de long termne agonisant et le capital spéculatif de court terme, la dernière forme capitaliste rentre en contradiction absolue avec le capitalisme progressiste même sous une forme dégénérée.verié2 a écrit:Encore une fois, face à la gravité de la crise et la cascade de plans d'austérité qui va s'abattre sur les populations, il faut parler un langage clair sur la nature de la crise et du capitalisme, et non avancer de ridicules mesures minimalistes, qui reviendraient à donner un cachet d'aspirine à une personne qui fait un infractus.
La suppression des agences de notation, même l'édito de Libération de ce matin la réclame, c'est dire son caractère dérisoire !
Bien sûr, le langgae de la vérité ne sera pas compris et admis par tous les travailleurs, car beaucoup ne veulent pas y croire et espèrent encore passer au travers des gouttes. C'est logique après des dizaines d'années de prospérité relative. Mais ce n'est pas pour autant qu'il faut se mettre à parler comme les économistes keynesiens raisonnables.
Si cela ne ressemble pas aux limites d'un mode de production ...
Invité- Invité
Re: Où va la crise ?
La "suppression" des agences de notation serait peut être une mesurette, mais certainement pas l’abolition de la "dette illégitime" vis a vis du capital ! Bien au contraire, si on veut imposer la mesure principale qu'avance le npa :
Pour cela il faudra une vraie mobilisation révolutionnaire, ce qui implique des capacités d'élaboration, d'organisation et de confrontation qui ne sont pas encore réunies au npa, c'est le moins que l'on puisse dire....
Cette crise n’est pas la nôtre. C’est aux capitalistes de la payer. C’est au tour des peuples de noter les marchés et leurs agences. Pour nous ces dettes sont illégitimes. Nous réclamons l’arrêt immédiat des remboursements. Ces dettes devront être annulées.
Pour cela il faudra une vraie mobilisation révolutionnaire, ce qui implique des capacités d'élaboration, d'organisation et de confrontation qui ne sont pas encore réunies au npa, c'est le moins que l'on puisse dire....
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Une déclaration de guerre au peuple italien
Selon le Corriere della Sera, une lettre au gouvernement italien,
co-signée par Jean-Claude Trichet et son successeur Mario Draghi,
dresse la liste des mesures à prendre, leur calendrier d’application et même les décrets législatifs à adopter.
La BCE entend diriger directement l'Italie, avec exigence détaillée d’une libéralisation de l’économie, de privatisations accélérées et de réformes libérales du marché du travail.
Un véritable programme de gouvernement, toujours selon le journal.
PS: demander l'annulation des agences de notation est surréaliste,
c'est comme casser le thermomètre pour lutter contre une scepticémie.
Le problème, c'est la bactérie qui contamine le monde, le captilisme,
qu'il faut désigner comme responsable et appeler à abattre.
co-signée par Jean-Claude Trichet et son successeur Mario Draghi,
dresse la liste des mesures à prendre, leur calendrier d’application et même les décrets législatifs à adopter.
La BCE entend diriger directement l'Italie, avec exigence détaillée d’une libéralisation de l’économie, de privatisations accélérées et de réformes libérales du marché du travail.
Un véritable programme de gouvernement, toujours selon le journal.
PS: demander l'annulation des agences de notation est surréaliste,
c'est comme casser le thermomètre pour lutter contre une scepticémie.
Le problème, c'est la bactérie qui contamine le monde, le captilisme,
qu'il faut désigner comme responsable et appeler à abattre.
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Où va la crise ?
Ca ressemble aux prémisses d'une crise mondiale épouvantable, peut-être pire que celle de 1929. Quant aux limites du capitalisme, seule l'intervention du prolétariat peut les fixer.
Loriot
Si cela ne ressemble pas aux limites d'un mode de production ...
Car le capitalisme ne mourra pas tout seul d'une grande crise apocalyptique finale... Il peut aussi bien survivre en s'enfonçant pendant longtemps dans la crise et la barbarie qu'engendrer un nouveau cataclysme guerrier. Nous ne sommes pas Madame Soleil, nous ne pouvons que répéter que ce sont les travailleurs et les populations qui feront les frais de ces crises s'ils ne s'organisent pas pour changer le système.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Où va la crise ?
S'il s'agit bien de toute évidence d'une mesurette, pourquoi la mentionner à côté de mots d'ordres déjà plus sérieux ? Sinon pour ménager la chèvre et le chou et faire plaisir à quelques partisans d'un capitalisme raisonnable débarrassé de quelques unes de ses tares les plus visibles ?
Gérard Menussa
La "suppression" des agences de notation serait peut être une mesurette, mais certainement pas l’abolition de la "dette illégitime" vis a vis du capital !
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Où va la crise ?
"En tout cas, depuis 10 ans les crises se succèdent donnant à celles-ci un caractère ... permanent. A mon avis, plus aucune réforme ne viendra à bout de la crise actuelle. Toute intervention des gouvernements dans le cadre de la sauvegarde du système aura pour conséquence une nouvelle crise plus aigüe encore. Il y a une confrontation entre le capital industriel de long terme agonisant et le capital spéculatif de court terme, la dernière forme capitaliste rentre en contradiction absolue avec le capitalisme progressiste même sous une forme dégénérée.
Si cela ne ressemble pas aux limites d'un mode de production ..."
et à une explosion des forces destructrices!
Si cela ne ressemble pas aux limites d'un mode de production ..."
et à une explosion des forces destructrices!
erouville- Messages : 412
Date d'inscription : 24/06/2011
Re: Où va la crise ?
Les agences de notation étant des sociétés comme les autres, est-ce que quelqu'un sait quels sont les principaux actionnaires des plus importantes agences ?
En ce concerne la Fitch Ratings Ltd, elle est majoritairement détenue Marc Ladreit de Lacharrière mais je n'ai pas trouvé pour Moody's et Standard and Poor's.
En ce concerne la Fitch Ratings Ltd, elle est majoritairement détenue Marc Ladreit de Lacharrière mais je n'ai pas trouvé pour Moody's et Standard and Poor's.
alexi- Messages : 1815
Date d'inscription : 10/07/2010
Et Dagong pour la Chine
http://www.les-crises.fr/images/1120-notations-etats/notations-2.jpg
Personne n'en parle mais c'est peut être la plus logique...(sauf pour la Chine?)...
Personne n'en parle mais c'est peut être la plus logique...(sauf pour la Chine?)...
irneh09218- Messages : 502
Date d'inscription : 18/07/2010
Age : 73
Localisation : L'Ametlla de mar
Re: Où va la crise ?
Tu as des intérets dans Dagong ? Aprés le vietcong, dagong ! On progresse...
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Re: Où va la crise ?
@ Alexialexi a écrit:Les agences de notation étant des sociétés comme les autres, est-ce que quelqu'un sait quels sont les principaux actionnaires des plus importantes agences ?
En ce concerne la Fitch Ratings Ltd, elle est majoritairement détenue Marc Ladreit de Lacharrière mais je n'ai pas trouvé pour Moody's et Standard and Poor's.
S & P est une filiale du fameux éditeur MacGraw Hill, "basé" aux USA
Pour Moody's, je ne sais plus...
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Bon résumé hier soir
Source: http://www.pauljorion.com/blog/?p=27244
Flash – 23h : OUCH ! ÇA VA MAL ! par François Leclerc
Fatalitas ! Les bourses mondiales ont finalement salement dévissé, en dépit de l’agitation frénétique de ce week-end et de la mobilisation générale.
L’once d’or, baromètre du malheur, a dépassé les 1.700 dollars. Barack Obama a toutefois annoncé comme bonne nouvelle qu’il ferait des recommandations « dans les prochaines semaines », précisant dès maintenant, à propos des problèmes économiques américains : « nous savons ce que nous devons faire pour les résoudre ».
Pour une fois d’accord, les analystes convergent vers une même idée : on peut tout imaginer ! L’un d’entre eux aura le mot de la fin pour ce soir, constatant que « la décision de la BCE n’est pas une arme fatale », triste épitaphe pour une banque de dernier ressort (Gilles Moëc de Deutsche Bank, cité par l’AFP).
« Les marchés sont sourds », s’inquiètent les autorités qui n’arrêtent pas de tenter de s’adresser à eux. Une situation justifiant, selon Jean-Claude Trichet, les mesures exceptionnelles prises par la BCE, car « les marchés sont si secoués que notre politique monétaire ne peut pas sinon avoir d’impact ». On ne saurait mieux reconnaître son impuissance.
Une nouvelle décision de Standard & Poor’s va par contre en avoir – de l’impact ! -, abaissant la notation de Fannie Mae et de Freddie Mac aux États-Unis. Début d’une longue série. Cinq assureurs sont dans le même cas, la note de cinq autres passant de perspective « stable » à « négative ». 73 fonds d’investissement voient leur note baisser de un à deux crans, dont BlackRock et Goldman Sachs Asset management, les stars du métier. Trois chambres de compensation, pivots du système, sont dans le même cas.
En Europe, un institut de conjoncture allemand, DIW, envisage une baisse de la note de la dette française, qui déstabiliserait selon lui le Fonds de stabilité (FESF) et provoquerait l’éclatement de la zone euro.
Il n’est pas nécessaire de prédire l’écroulement du système, aujourd’hui ils s’en chargent eux-mêmes ! Rivalisant, en Italie et en Espagne, de mesures destinées à réduire encore plus rapidement le déficit pour mieux précipiter l’avènement de l’effondrement.
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Où va la crise ?
Publié sur le net.
Bon, ça part en couille grave.
Ce qui est frappant c'est la panique. Les argentins ont chuté de 10% et les brésiliens de 8% les coréens pareil. Vous direz, c'est des petits, mais la panique est la même partout.
Wall Street est parti dans le mur... -6.9% pour le S&P.
Les futures du CAC sont à -7% pour aujourd'hui et ainsi de suite. Elle perd en ce moment même plus de 3% encore et l'horizon est blême.
Le "système" s'effondre sous les coups de ...la bourgeoisie.
Mais ces salauds vont profiter en passant de la panique générale pour casser au maximum la protection sociale qui reste encore.
Réagira t-elle la population de manière à stopper la descente aux enfers, à la misère?
Difficile je vois cela, les gens, voudront revenir au statu quo ante, toute une couche de l'aristocratie ouvrière a vécue "bien" (comparativement depuis des décennies) et le premier et dangereux réflexe sera de revenir "aux bons vieux temps" des vacances, voyages, belle maison, belle voiture, etc. et passer de cette situation psychologique, juste après des vacances méritées, à un mouvement par nécessité très fort, cela me laisse un peu dubitatif.
Ceux qui sont dans la merde? Catégorie qui croit devant nos yeux. Ils manifesteront (s'ils sont convoqués) mais très vite ils faudra qu'ils pourvoient à leurs besoins présents. J'ai déjà vu cela, quant on court derrière la bouffe, pas le temps d'autre chose.
J'imagine que le NPA proposera quelque chose, le POI une autre et LO qui trouvera des virgules mal placées, une autre. Mélanchon va faire des belles phrases et proposera...que l'on achète enfin toutes les dettes pourries et le PS propose déjà pire. Le PCF voudra chasser Sarkozy.
En attendant, les gens vont déguster mais grave.
C'est à se demander (théorie du complot à l'appui, théorie qui fera des partisans par milliers bientôt manque d'autre chose) si cette crise n'a pas été voulue pour précipiter la crise du capitalisme et s'en sortir à un moment où les capitalistes n'ont pas d'opposition politique en face. Et liquider toutes les "rigidités du marché"...
Mais bon, c'est surement un concours des circonstances qui échappent à tout le monde. Les dirigeants capitalistes (qui ont prouvé leur complète nullité) ne sont même pas capables de monter des complots.
Ou ça pétera comme à Londres. Wishfull thinking vu que personne peut le savoir ni le préparer ni même, pour certains, le souhaiter.
Vite, le socialisme!
Invité- Invité
Trichet (BCE): «la crise la plus grave depuis 1945»
http://www.leparisien.fr/economie/trichet-la-crise-la-plus-grave-depuis-1945-09-08-2011-1560168.php
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Où va la crise ?
Flash – 14h00 : SINISTRES CRAQUEMENTS, par François Leclerc
Source: http://www.pauljorion.com/blog/
Krach ou pas krach ? Le distinguo est désormais superflu, même si le yo-yo continue de plus belle. En une semaine, Paris a perdu 12,86 %, Londres 15 % et Francfort 17 %. Les investisseurs ont aussi fait leurs petits préparatifs, qui consistent à vendre à tour de bras.
L’événement de la journée est la réunion de la Fed, car il n’est plus attendu grand chose des dirigeants politiques, sans munitions, dépassés et sommés de réduire les déficits. La BCE a été forcée de jouer les sauveurs en Europe, comment la Fed va-t-elle pouvoir y échapper aux États-Unis?
Exprimant le risque sur leur dette (ainsi que les effets de la spéculation), le coût des CDS des États européens continue de grimper, exception faite pour l’Espagne et l’Italie, présumés protégés par le parapluie de la BCE. Les CDS sur la France sont montés à 161,25 points de base, et ceux sur l’Allemagne à 84,17 points de base, dépassant ceux sur le Royaume Uni (82,50 points de base). Les marchés visent désormais le cœur de cible.
Signifiant que les obligations américaines restaient envers et contre tout un refuge – car il en faut bien un – les CDS sur la dette américaine se sont repliés à 56 points de base. Refuge toutefois précaire, en attendant que la menace de récession se précise
David Cameron, le premier ministre britannique, a convoqué en session extraordinaire le Parlement et renforcé les effectifs de la police à Londres, qui vont passer de 6.000 à 16.000 policiers. Rien n’est dit à propos de Bristol, Liverpool et Birmingham où des émeutes ont également éclaté.
Parties des quartiers déshérités, les émeutes embrasent les quartiers chics, la police étant totalement débordée.
On s’attend à d’autres sinistres craquements, cette fois-ci dans l’édifice financier.
Source: http://www.pauljorion.com/blog/
Krach ou pas krach ? Le distinguo est désormais superflu, même si le yo-yo continue de plus belle. En une semaine, Paris a perdu 12,86 %, Londres 15 % et Francfort 17 %. Les investisseurs ont aussi fait leurs petits préparatifs, qui consistent à vendre à tour de bras.
L’événement de la journée est la réunion de la Fed, car il n’est plus attendu grand chose des dirigeants politiques, sans munitions, dépassés et sommés de réduire les déficits. La BCE a été forcée de jouer les sauveurs en Europe, comment la Fed va-t-elle pouvoir y échapper aux États-Unis?
Exprimant le risque sur leur dette (ainsi que les effets de la spéculation), le coût des CDS des États européens continue de grimper, exception faite pour l’Espagne et l’Italie, présumés protégés par le parapluie de la BCE. Les CDS sur la France sont montés à 161,25 points de base, et ceux sur l’Allemagne à 84,17 points de base, dépassant ceux sur le Royaume Uni (82,50 points de base). Les marchés visent désormais le cœur de cible.
Signifiant que les obligations américaines restaient envers et contre tout un refuge – car il en faut bien un – les CDS sur la dette américaine se sont repliés à 56 points de base. Refuge toutefois précaire, en attendant que la menace de récession se précise
David Cameron, le premier ministre britannique, a convoqué en session extraordinaire le Parlement et renforcé les effectifs de la police à Londres, qui vont passer de 6.000 à 16.000 policiers. Rien n’est dit à propos de Bristol, Liverpool et Birmingham où des émeutes ont également éclaté.
Parties des quartiers déshérités, les émeutes embrasent les quartiers chics, la police étant totalement débordée.
On s’attend à d’autres sinistres craquements, cette fois-ci dans l’édifice financier.
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Les spéculateurs semblent se tourner vers la France et la Belgique
Les rendements des emprunts italiens et espagnols sont en repli mardi en matinée, les investisseurs s’attendant à de nouveaux rachats de la part de la Banque centrale européenne (BCE), tandis que la France et la Belgique pourraient à leur tour être sous pression.
« Nous n’avons pas encore vu de rachats de la BCE, mais on s’attend à ce qu’elle s’implique à nouveau, et dans des volumes importants », explique un trader.
La BCE a élargi lundi son programme de rachat à l’Italie et l’Espagne, troisième et quatrième économies de la zone euro, intervenant de façon importante sur les marchés obligataires.
Mardi, le rendement du papier italien à 10 ans reculait de 19,7 points de base (pdb) en matinée, à 5,134%, tandis que son homologue espagnol se détendait de 16,3 pdb à 5,05%.
Le marché obligataire pourrait tester la détermination de la zone euro à affronter la crise de la dette en mettant sous pression d’autres pays en délicatesse avec leurs finances.
« En fin de compte, l’Italie et l’Espagne sont sorties du jeu, donc nous allons regarder ensuite du côté de la Belgique et de la France – des pays qui sont sans protection », prévient un autre trader.
Le rendement des obligations françaises à 10 ans grimpait de 7,5 pdb sur la séance à 3,22 %, soit la plus mauvaise performance parmi les pays de la zone euro.
Source: AFP
« Nous n’avons pas encore vu de rachats de la BCE, mais on s’attend à ce qu’elle s’implique à nouveau, et dans des volumes importants », explique un trader.
La BCE a élargi lundi son programme de rachat à l’Italie et l’Espagne, troisième et quatrième économies de la zone euro, intervenant de façon importante sur les marchés obligataires.
Mardi, le rendement du papier italien à 10 ans reculait de 19,7 points de base (pdb) en matinée, à 5,134%, tandis que son homologue espagnol se détendait de 16,3 pdb à 5,05%.
Le marché obligataire pourrait tester la détermination de la zone euro à affronter la crise de la dette en mettant sous pression d’autres pays en délicatesse avec leurs finances.
« En fin de compte, l’Italie et l’Espagne sont sorties du jeu, donc nous allons regarder ensuite du côté de la Belgique et de la France – des pays qui sont sans protection », prévient un autre trader.
Le rendement des obligations françaises à 10 ans grimpait de 7,5 pdb sur la séance à 3,22 %, soit la plus mauvaise performance parmi les pays de la zone euro.
Source: AFP
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Où va la crise ?
verié2 a écrit:S'il s'agit bien de toute évidence d'une mesurette, pourquoi la mentionner à côté de mots d'ordres déjà plus sérieux ? Sinon pour ménager la chèvre et le chou et faire plaisir à quelques partisans d'un capitalisme raisonnable débarrassé de quelques unes de ses tares les plus visibles ?
Gérard Menussa
La "suppression" des agences de notation serait peut être une mesurette, mais certainement pas l’abolition de la "dette illégitime" vis a vis du capital !
Parce que c'est l'occasion d'expliquer comment fonctionne le shitstème, et que les occasions sont rares... Les "agences de notation" sont (peut être) un détail de l'histoire du caca pipi talisme, mais un "détail" significatif, et qui a son importance !
Pour qui roule Standard & Poor's?
«Ce sont les Etats-Unis. Peu importe ce que dit telle ou telle agence, nous avons toujours été et serons toujours “triple A”.» L'air grave, Barack Obama s'est exprimé pour la première fois lundi 8 août depuis la Maison Blanche sur la dégradation inédite de la dette américaine par Standard & Poor's. C'est que la sentence, tombée vendredi, provenant d'une des trois agences de notation du monde, a provoqué une déflagration boursière dont personne ne sait aujourd'hui quelle sera l'ampleur. Lundi, les bourses asiatiques, européennes et Wall Street ont clôturé en très forte baisse. Mardi 9 août, l'Asie a rembrayé sur du rouge, et les bourses européennes plongeaient en fin de matinée.
L'effet boule de neige est-il lancé? S&P a en tout cas dégradé lundi les organismes de refinancement des prêts immobiliers Fannie Mae et Freddie Mac nationalisés pendant la crise. Et continue de menacer d'une nouvelle dégradation de la note américaine, l'évaluant même à «au moins une chance sur 3» dans «les 6 à 24 mois à venir». Comprenne qui pourra l'oracle de la Pythie des marchés...
Depuis ce week-end, l'agence américaine à l'origine de ce chaos monstre est logiquement montrée du doigt. Soupçonnée de rouler pour les républicains, voire leur frange la plus extrémiste, le mouvement Tea Party, qui rejette toute hausse des impôts et veut des coupes drastiques dans les budgets, sociaux notamment. Accusée de manquer de mémoire vu le rôle des agences de notation dans le déclenchement de la crise de 2008, qui a largement creusé la dette des Etats. Taxée, enfin, d'incompétence notoire. Comme si cette affaire révélait une nouvelle fois, s'il en était encore besoin, la place outrageusement indue attribuée dans le système financier à trois agences de notation qui font la pluie, le beau temps, et prétendent même décider de l'avenir.
Pour Standard & Poor's, qui a passé le week-end à justifier sa décision, la dégradation n'a rien d'une surprise. Et elle est d'abord politique, car démocrates et républicains ont mis des mois avant de s'entendre au Congrès sur une réduction de la (gigantesque) dette publique américaine. «L'abaissement de la note réflète notre appréciation selon laquelle l'efficacité, la stabilité et la prévisibilité de l'élaboration des politiques publiques et des institutions politiques se sont affaiblies dans un contexte toujours existant de défis budgétaires et économiques», a affirmé David Beers, le “M. notation” de l'agence, qui trouve le compromis final trop peu ambitieux.
En avril, alors que les discussions sur la réduction de la dette n'avaient pas commencé, S&P avait mis sous perspective négative la note souveraine des Etats-Unis. Rien donc de plus logique, selon l'agence, que de dégrader: le Congrès a trouvé un accord au bord du précipice, quelques heures seulement avant que les Etats-Unis n'aient atteint le plafond de leur dette et se retrouvent en défaut de paiement...
De tels arguments font hurler les proches conseillers d'Obama. «C'est une dégradation Tea party», s'est insurgé le conseiller d'Obama, David Axelrod, rejoint par l'ancien candidat à la présidentielle en 2008, John Kerry.
La décision de Standard and Poor's fait objectivement le jeu de cette frange traditionaliste et extrémiste du parti républicain dont l'ancienne candidate à la vice-présidente en 2010, Sarah Palin, est une des héroïnes. «Une droite extrémiste, prête à provoquer des crises répétées plutôt que de céder un pouce sur ces exigences» et qui prend la politique américaine en otage, selon le prix Nobel d'économie Paul Krugman, très prolixe ces jours-ci dans les pages du New York Times et sur son blog. «De dangereux maniaques», selon The New Republic, une revue proche des démocrates.
Depuis vendredi, le Tea Party a de quoi exulter. «L'accord trouvé n'était en effet pas une tentative sérieuse de résoudre notre problème de dépenses et de dettes», a applaudi le sénateur de Caroline du Sud Jim DeMint, un des leaders du mouvement – qui a voté contre l'accord au Congrès, semblant accompagner la politique du pire.
Les républicains, tétanisés par le succès populaire de cette droite fondamentaliste, ne sont pas en reste. «Cette dégradation est un indicateur terriblement troublant, il montre combien notre pays décline avec le président Obama», a renchéri Mitt Romney, un des candidats possibles du parti pour la Maison Blanche l'an prochain.
«Des clowns»
Entre économistes, le débat fait rage sur l'opportunité de dégrader la note américaine pour un motif politique. «S&P est une agence de notation, pas un arbitre politique. Les juges olympiques jugent en théorie l'aptitude des athlètes, pas leur politique...», commente, ironique, Zachary Karabell, éditorialiste économique du Daily Beast.
Si, pour certains économistes et commentateurs qui donnent raison à Standard & Poor's, les Etats-Unis vivent bien au-dessus de leurs moyens et doivent réduire leurs dépenses, d'autres précisent que le pays n'est pas, malgré le chômage et une croissance très faible, ce champ de ruine décrit par les déclinistes de tout poil. «S'il y avait une note quadruple A+, c'est celle-là que je donnerais aux États-Unis», a ainsi lancé le milliardaire Warren Buffett, un proche d'Obama, qui passe pour l'investisseur le plus avisé du monde. «Les Etats-Unis ne sont pas à court d'argent et ont les ressources financières pour garantir leur dette», estime ainsi le chef économiste d'une grande banque japonaise cité par l'agence Bloomberg.
Mais derrière le caractère, opportun ou non, de la décision de vendredi, c'est bien l'influence gigantesque des agences de notation qui est posée. Elles ont joué un rôle crucial dans l'explosion de la bulle financière des prêts hypothécaires américains, rappelle Bloomberg. La Commission gouvernementale d'enquête sur la crise financière (FCIC), qui a rendu son rapport en janvier 2011, les a présentées comme «les agents clés de l'effondrement financier». Et une commission du Sénat américain a mis en lumière leur appât du gain, qui les conduisait à attribuer de bonnes notes à certains produits financiers pourris. «Trois jours avant que Lehman Brothers ne fasse faillite, Standard and Poor's lui avait confirmé son triple-A», rappelle Bloomberg. Or c'est justement la faillite de Lehman, le week-end du 15 septembre 2008, qui avait plongé le monde dans la crise...
Pourtant, malgré la crise, le pouvoir des agences de notation n'a pas vacillé, déplorait en janvier 2011 Jesse Eissinger, commentateur économique du site d'investigation ProPublica, alors que Standard & Poors venait une nouvelle fois d'admettre une grosse erreur et de dégrader d'un coup 1.200 instruments financiers jusque-là notés “AAA”. Les (quelques) intentions de la loi Dodd-Frank, votée aux Etats-Unis en juillet 2010, se sont évaporées et n'ont pas été mises en œuvre par le gendarme de la Bourse américaine, se lamentait (déjà) Eissinger...
Une impunité d'autant plus révoltante que Standard & Poor's apparaît une fois de plus franchement incompétente: l'agence a en effet admis s'être trompée dans le calcul qui l'a conduite à dégrader la note américaine. L'erreur n'est pas mince: ses équipes, censées maîtriser les chiffres, se sont trompées de... 2.000 milliards de dollars, comme l'a relevé illico le Trésor américain, qui a publié dès vendredi une note rageuse sur son site.
Avec son faux calcul, relève Paul Krugman, S&P (des «clowns», dit-il) arrivait à la conclusion que la dette US atteindrait 93% du PIB en 2021, alors que le Trésor lui avait communiqué le chiffre de 85%. Ce qui n'a pas empêché l'agence, avertie de cette fâcheuse erreur de calcul, d'annoncer qu'elle dégradait tout de même la note américaine. D'autant plus incompréhensible qu'en 2009, S&P avait confirmé son triple-A aux Etats-Unis alors même qu'elle prévoyait une dette de 90% à l'horizon 2013, rappelle Bloomberg. De quoi douter franchement de ses critères de notations.
Dans un très long billet, Nate Silver, journaliste économique au New York Times, relève les erreurs d'appréciation de Standard & Poor's ces dernières années. La liste est effarante. En 2006, rappelle-t-il, S&P notait l'Irlande “AAA” alors qu'elle était en train de vivre sur une bulle qui allait lui exploser à la figure deux ans plus tard. Le pays ne sera dégradé par l'agence que le 30 mars 2009, alors que ses problèmes financiers étaient devenus évidents. Jusqu'en janvier 2009, la dette grecque était notée A. L'Espagne affichait même le fameux “AAA”, alors qu'elle frôle aujourd'hui le défaut. Même l'Islande, qui a quasiment fait faillite depuis, était notée AA+ en 2006...
Nate Silver s'est aussi amusé à mettre en regard les estimations de Standard & Poor's il y a cinq ans et le risque de défaut des Etats aujourd'hui (mesuré par le prix des CDS, les credit default swaps, sortes d'assurances contre le risque de crédit). Surprise: «Les estimations de S&P il y a cinq ans ne vous auraient quasiment rien dit sur un risque de défaut aujourd'hui.» Assez gênant pour une institution dont le rôle est justement d'évaluer les risques... Plus étonnant encore, Davis montre que Standard & Poor's base l'essentiel de sa notation sur des critères très politiques comme l'indice annuel de corruption de l'ONG Transparency International. Un indice «très subjectif», rappelle Silver.
Sur le blog Economics of Contempt, un avocat d'affaires new-yorkais se fend d'un témoignage (anonyme) qui fait beaucoup de bruit depuis quelques jours. Ce spécialiste des deals financiers qui dit côtoyer les agences de notation depuis vingt ans ne masque pas son mépris pour les collaborateurs de Standard & Poor's. «Ce sont des idiots et ils méritent tout l'opprobre auquel ils sont soumis», dit-il. «Avant chaque réunion, on se demande si les gens de Standard and Poor's seront assez intelligents pour comprendre», alors que les salariés des deux autres agences mondiales, Fitch et Mood'ys, ont tout de même un «niveau minimal de compétence financière». «Vous devriez avoir honte, et j'espère sincèrement que l'heure de votre chute est arrivée», conclut l'avocat.
Un avis que ne partage certainement pas Nicolas Sarkozy. Lundi 8 août, Standard & Poor's a assuré que le triple-A français n'était pas en danger, le félicitant notamment pour la réforme des retraites. Gageons que le chef de l'Etat va abondamment s'en vanter dans les prochaines semaines. Mais avec des juges si peu crédibles, le compliment en est-il vraiment un?
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Re: Où va la crise ?
[quote="gérard menvussa"]l'occasion d'expliquer comment fonctionne le shitstème, et que les occasions sont rares... Les "agences de notation" sont (peut être) un détail de l'histoire du caca pipi talisme, mais un "détail" significatif, et qui a son importance !
[quote]
Une fois de plus, la lecture du thermomètre ne permet en rien de comprendre l'origine de la maladie, ni de la dénoncer, ni d'y remédier.
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Une fois de plus, la lecture du thermomètre ne permet en rien de comprendre l'origine de la maladie, ni de la dénoncer, ni d'y remédier.
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Où va la crise ?
Je suis totalement d'accord avec toi, pour le coup ! Mais la maladie ne peut être déclarée qu'en montrant le lien entre le symptome et la maladie. Ce qui implique de ne pas considérerer le "symptome" comme "anecdotique", ce qu'il n'est certainement pas !
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
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