En poésie, la parole est libre
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Re: En poésie, la parole est libre
J'aime bien celui-ci : l'élégance du blues.Jesuisfred a écrit:
Old blues d'un chois
il se souviens d'elle
de ça jeunesse
d'un visage
que les années
on figer
sans doute enjoliver
et il ne sais
se qu'il a gâcher
il se rappel de l’hiver
ou pour son premier taf
il est parti au chagrin
loin !
Trop loin d’elle
_______
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Re: En poésie, la parole est libre
Babe a écrit:J'aime bien celui-ci : l'élégance du blues.
Mets mots dits sont mal écrit et manque d'érudition, en revanche t'est mots et t'est poses sont riche d'érudition je suis fane...
Ps) En faite t'aime bien les deux premier mots du titre (Old blues), et le lien youtube (pas besoin de répondre je déconne pour les deux premier mots et le lien youtube...)
Invité- Invité
Re: En poésie, la parole est libre
Le jour ma débusqué
J'avais envie d' écrire
C'est quelque mots
Que tu interprétera
comme de la démence
et je ne peut ni ne veux te contredire
L'ORDRE, C'EST LE DÉSORDRE!
Jean Ferrat Nuit et brouillard
Photo trouver ici
J'avais envie d' écrire
C'est quelque mots
Que tu interprétera
comme de la démence
et je ne peut ni ne veux te contredire
L'ORDRE, C'EST LE DÉSORDRE!
Jean Ferrat Nuit et brouillard
Photo trouver ici
Invité- Invité
Re: En poésie, la parole est libre
"Je redeviens homme parce que je vis une grande passion"
Karl Marx
http://blogs.rue89.nouvelobs.com/la-lettre-du-dimanche/2014/08/10/lettre-de-karl-marx-je-redeviens-homme-parce-que-je-vis-une-grande-passion-233322
Karl Marx
http://blogs.rue89.nouvelobs.com/la-lettre-du-dimanche/2014/08/10/lettre-de-karl-marx-je-redeviens-homme-parce-que-je-vis-une-grande-passion-233322
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: En poésie, la parole est libre
Pourquoi rêver au futur / Alors que devant la souffrance, / Le présent s’impatiente d’urgence...
Mohamed, NPA 34
http://npaherault.blogspot.com/2014/10/pourquoi-rever-au-futur-alors-que.html#more
Mohamed, NPA 34
http://npaherault.blogspot.com/2014/10/pourquoi-rever-au-futur-alors-que.html#more
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: En poésie, la parole est libre
Roseau a écrit:"Poésie et communisme", par Alain Badiou from Les Films de l'An 2 on Vimeo.
Badiou nous recycle ses vieilles lunes, mêlant le meilleur (Hikmet) au pire (Brecht) et à l'insignifiant (l'Eluard de la dernière décennie), et privilégiant (c'est son droit) le seul genre de l'épopée.
Après avoir réécrit l'histoire -- les combattants de la guerre d'Espagne deviennent ainsi les "représentants d'une humanité nouvelle et vraie" (sic !), tous horizons confondus : les révolutionnaires poumistes et anarchistes comme les sbires de Staline...--, il en profite pour nous délivrer une nouvelle définition du communisme, lequel consisterait en une "limitation de la propriété privée" (à environ 54').
Alors, Jdanov, le retour ?
Plus ou moins. Au hasard d'un prêche long et laborieux, d'inspiration vaguement platonicienne, où le Communisme est assimilé à une espèce d'essence de l'Être dans sa dimension ontologique... Diantre.
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Re: En poésie, la parole est libre
Par beau temps
le ciel chie
un fiel pâle
et chaque va-
et-vient
de chaque va-
gue verse
une écume qui bave sur des baies purpurines
Mers fécondes océans fertiles !
Un caillot d’océan cogne aux tempes des falaises
sur la crête des monts le vent
fait gémir des nervures d’ajoncs
et les zéphyrs susurrent leurs vagues désirs à des bulbes charnels
qu’un frisson mollement
balance
Mers fécondes océans fertiles
La plante qui dissèque l’écorce des bombyx
colore sa corolle des teintes de leurs ailes
Mers fécondes
L’hippocampe se gave de plancton
Douces effluves à l’embouchure des fleuves
Aux brisures des membres les murènes font des plaies
Océans fertiles
Le corps castré d’Osiris flotte au milieu des épaves
et les roulis macèrent les torses des mort-nés que la Méduse enfante
La Mer Morte érige des sexes de cristal
nos cendres amassées font des marais salants
Ô
mers & océans
and Co !
Dans un nouveau continent de décharges flottantes vaste de 3 millions de kilomètres carrés
nommé le Trash Vortex
où agonisent des myriades de tortues atrophiées
les goélands s’empiffrent de sacs Carrefour ou Auchan qu’ils prennent pour des méduses
Métaux lourds engrais et pesticides xénon radioactif zinc césium mercure plomb cadmium chrome nickel cuivre coagulent en des cloaques de boues rouges
Dioxyde de soufre hydrocarbures métaux lourds ammoniacs
particules de plomb et de mercure forment un lichen d’exfoliants abrasifs où le phytoplancton
s’asphyxie
C’est ici
juste à proximité
que
chaque été
nous nous baignons.
le ciel chie
un fiel pâle
et chaque va-
et-vient
de chaque va-
gue verse
une écume qui bave sur des baies purpurines
Mers fécondes océans fertiles !
Un caillot d’océan cogne aux tempes des falaises
sur la crête des monts le vent
fait gémir des nervures d’ajoncs
et les zéphyrs susurrent leurs vagues désirs à des bulbes charnels
qu’un frisson mollement
balance
Mers fécondes océans fertiles
La plante qui dissèque l’écorce des bombyx
colore sa corolle des teintes de leurs ailes
Mers fécondes
L’hippocampe se gave de plancton
Douces effluves à l’embouchure des fleuves
Aux brisures des membres les murènes font des plaies
Océans fertiles
Le corps castré d’Osiris flotte au milieu des épaves
et les roulis macèrent les torses des mort-nés que la Méduse enfante
La Mer Morte érige des sexes de cristal
nos cendres amassées font des marais salants
Ô
mers & océans
and Co !
Dans un nouveau continent de décharges flottantes vaste de 3 millions de kilomètres carrés
nommé le Trash Vortex
où agonisent des myriades de tortues atrophiées
les goélands s’empiffrent de sacs Carrefour ou Auchan qu’ils prennent pour des méduses
Métaux lourds engrais et pesticides xénon radioactif zinc césium mercure plomb cadmium chrome nickel cuivre coagulent en des cloaques de boues rouges
Dioxyde de soufre hydrocarbures métaux lourds ammoniacs
particules de plomb et de mercure forment un lichen d’exfoliants abrasifs où le phytoplancton
s’asphyxie
C’est ici
juste à proximité
que
chaque été
nous nous baignons.
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Re: En poésie, la parole est libre
Avec un rêve obscur émergeant de cloaques
Et des galions d’espoir perdus dans les lagons
Avec des dents brisées sur des trottoirs aveugles
Et des rubans de soie le long de murs hideux
Avec des draps tordus par la sueur des silences
Et des grappes d’enfants inondées de lilas
Avec l’art du vaincu l’acharnement stupide
De celui qui s’obstine à creuser d’autres temps
Avec des matins gris la peur nichée dans l’ombre
Au mur des Fédérés le Sacré-Cœur en haine
Avec des gestes sourds des regards suturés
L’alphabet des passions et des chants gutturaux
Avec la connaissance inquiète de nos plaies
Et des filins d’azur éblouissant nos fronts
Avec des mains coupées tenant des rayons d’astres
Et les fruits piétinés de nos labeurs fébriles
Avec l’ombre des cèdres sous des soleils éteints
Et la palpitation de fureurs inouïes
Avec des mots meurtris défigurés tordus
Mais qui conservent en eux leur bréviaire de force
IL FAUT SE BATTRE !
Et des galions d’espoir perdus dans les lagons
Avec des dents brisées sur des trottoirs aveugles
Et des rubans de soie le long de murs hideux
Avec des draps tordus par la sueur des silences
Et des grappes d’enfants inondées de lilas
Avec l’art du vaincu l’acharnement stupide
De celui qui s’obstine à creuser d’autres temps
Avec des matins gris la peur nichée dans l’ombre
Au mur des Fédérés le Sacré-Cœur en haine
Avec des gestes sourds des regards suturés
L’alphabet des passions et des chants gutturaux
Avec la connaissance inquiète de nos plaies
Et des filins d’azur éblouissant nos fronts
Avec des mains coupées tenant des rayons d’astres
Et les fruits piétinés de nos labeurs fébriles
Avec l’ombre des cèdres sous des soleils éteints
Et la palpitation de fureurs inouïes
Avec des mots meurtris défigurés tordus
Mais qui conservent en eux leur bréviaire de force
IL FAUT SE BATTRE !
Dernière édition par Babel le Sam 29 Nov - 15:21, édité 2 fois
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Re: En poésie, la parole est libre
Beaux poêmes! Merci!
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: En poésie, la parole est libre
Roseau a écrit:Merci!
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Władysław Szlengel
Poète, satiriste et acteur juif polonais, né en 1914 et mort le 8 mai 1943 à Varsovie, exécuté par les Allemands, lors du soulèvement du ghetto ; ses textes circulaient parmi les insurgés qui se les récitaient.
Contre-attaque (Version I)
18 janvier 1943[1].
Comme par dégout de tout, silencieux, ils entraient dans les wagons
en adressant des regards soumis aux Saulys[2].
Du bétail !
Les officiers se félicitaient de ne pas devoir s’énerver,
que les hordes suivaient une marche hébétée.
Les cravaches claquaient
pour la parade : Dans les gueules !
Sur la place[3], la foule silencieuse trébuchait.
Avant de s’engouffrer dans le wagon,
elle versait son sang et ses larmes sur le sable.
Nonchalamment, les « maîtres » jetaient leurs paquets sur les cadavres :
« Warum sind Juno rund »[4].
Jusqu’à ce jour, où sur la ville endormie par la Stimmung[5],
ils sont tombés comme des hyènes dans la brume matinale,
et le bétail s’est réveillé en montrant les crocs.
Le premier coup de feu a éclaté dans la rue Mila[6].
Un gendarme se tord sous un porche.
Il garde l’aplomb un instant, éberlué,
en tenant son épaule fracassée :
« Je saigne ! »
Les brownings retentissent dans les rues Niska, Dzika, Pawia.
Dans l’escalier où une vieille mère vient d’être traînée par les cheveux,
gît le cadavre du SS Handtke.
Bizarrement enflé,
comme s’il n’avait pas digéré sa mort, comme étouffé par la révolte,
il a craché du sang sur son paquet – Juno sind rund , rund, rund,
et mordu la poussière sans savoir-vivre.
La roue tourne.
Rue Pawia, rue juive, en uniforme bleu clair,
un gendarme gît sur un escalier souillé,
ignorant que chez Schultz et Toebbens[7],
les balles sifflent joyeusement.
La viande se révolte, la viande se révolte ! La viande se révolte !
La carne crache des grenades par les fenêtres,
la carne vomit des flammes écarlates et s’accroche à des carcasses de vie.
Hé ! Quelle joie de tirer dans le blanc des yeux !
Ici, c’est le front, les dandys !
Hier trinkt man mehr kein Bier,
Hier hat man mehr kein Mut,
Blut, Blut, Blut.[8]
Enlevez vos gants de peau fine et claire,
déposez vos cravaches, enfilez vos casques.
Et demain, publiez ce communiqué :
« Nous nous sommes fait river le clou chez Toebbens. »
C’est la révolte de la viande, la révolte de la viande, le chant de la viande !
Écoute, Dieu des Allemands, la prière des Juifs dans leurs maisons de « sauvages ».
Avec nos pieds-de-biche et nos barres,
nous te réclamons, Dieu, une lutte sanglante,
et nous t’implorons : accorde-nous une mort violente,
qu’avant le trépas, nos yeux ne voient pas défiler les rails.
Donne, Seigneur, de la précision à nos doigts,
que le bleu de l’uniforme livide rougisse.
Offre-nous ce spectacle avant que nos gorges rauques ne poussent leur dernier soupir.
Leurs cravaches arrogantes tremblent
d’une peur humaine, comme la nôtre.
Comme des fleurs ensanglantées,
dans les rues Niska, Mila et à Muranow,
le feu pourpre de nos canons éclot.
C’est notre printemps ! La contre-attaque !
Le vin de la lutte nous enivre !
Les petites rues Mila et Ostrowska sont nos forêts de partisans.
Nos numéros d’immeuble tremblent sur nos poitrines.
Ce sont les médailles de la guerre juive.
Un cri en toutes lettres s’illumine de rouge.
Le mot « REVOLTE » frappe comme un bélier,
et dans la rue, le sang colle à un paquet piétiné : « Juno sind rund ! »
[1] Jour de la deuxième grande déportation, mais aussi de la première action de résistance lancée par l’organisation juive de combat (ZOB). Suite à cette résistance les Allemands stoppent momentanément les déportations.
[2] « Chasseurs » en lituanien, police supplétive lituanienne.
[3] L’Umschlagplatz, place du ghetto de Varsovie d'où partaient les convois pour Treblinka.
[4] Juno : marque de cigarettes fumées à l’époque ; une publicité vantait leur forme bien ronde (« Juno sind rund »).
[5] Ambiance (en allemand).
[6] Au 61 rue Mila, c’est Mordechaï Anielewicz et son groupe, qui lancent l’attaque.
[7] Ateliers allemands dans le ghetto.
[8] « Ici, on ne boit plus de bière. Ici, le courage fait défaut. Du sang, du sang, du sang ».
Contre-attaque (Version II)
Comme par dégout de tout,
silencieux ils entraient dans les wagons
en adressant des regards soumis aux Saulys.
Du bétail !
Les beaux officiers se félicitaient
de ne pas devoir s’énerver,
que les hordes suivaient une marche hébétée.
Les cravaches claquaient
uniquement pour la parade :
Dans les gueules !
Sur la place, la foule silencieuse trébuchait.
Avant de s’engouffrer dans le wagon,
elle versait son sang et ses larmes sur le sable.
Nonchalamment,
les « maîtres »
jetaient leurs paquets :
« Warum sind Juno rund ».
Jusqu’à ce jour,
où sur la ville endormie par la Stimmung,
ils sont tombés comme des hyènes dans la brume matinale,
et le bétail s’est réveillé
en montrant les crocs.
Le premier coup de feu a éclaté dans la rue Mila.
Un gendarme se tord sous un porche.
Il garde l’aplomb un instant, éberlué,
en tenant son épaule fracassée.
Il n’en croit pas ses yeux.
Tout était si facile…
Un service rendu, une protection,
l’avaient soustraient au chemin vers l’Ost
(Quelques jours de satisfaction) :
Se reposer à Varsovie,
pousser le bétail
et nettoyer la porcherie.
Mais ici,
dans la rue Mila : c’est le SANG.
Le gendarme sort du porche
en hurlant : « Je saigne ! »
Les brownings retentissent
Dans les rues Niska,
Dzika,
Pawia.
Dans l’escalier où une vieille mère
vient d’être traînée par les cheveux,
gît le cadavre du SS Handtke.
Bizarrement enflé.
Comme s’il n’avait pas digéré sa mort,
comme étouffé par la révolte,
il a craché du sang
sur son paquet : « Juno sind rund »,
Rund, Rund,
et mordu la poussière sans savoir-vivre.
La roue tourne.
Rue Pawia, rue juive,
En uniforme bleu clair, un gendarme
gît sur un escalier souillé,
ignorant
que chez Schultz et Toebbens,
les balles sifflent joyeusement.
La viande se révolte,
la viande se révolte !
La viande se révolte !
La carne crache des grenades par les fenêtres,
la carne vomit des flammes écarlates
et s’accroche à des carcasses de vie.
Hé ! Quelle joie de tirer dans le blanc des yeux !
Ici, c’est le front, les dandys !
Le front, Messieurs les planqués !
Hier
trinkt man mehr kein Bier,
Hier
hat man mehr kein Mut,
Blut,
Blut,
Blut.
Enlevez vos gants de peau fine et claire,
déposez vos cravaches, enfilez vos casques.
Et demain, publiez ce communiqué :
« Nous nous sommes fait river le clou chez Toebbens. »
C’est la révolte de la viande,
La révolte de la viande,
le chant de la viande !
Écoute, Dieu des Allemands,
la prière des Juifs dans leurs maisons de « sauvages ».
Avec nos pieds-de-biche et nos barres,
nous te réclamons, Dieu, une lutte sanglante,
et nous t’implorons : accorde-nous une mort violente,
qu’avant le trépas, nos yeux
ne voient pas défiler les rails.
Donne, Seigneur, de la précision à nos doigts,
que le bleu de l’uniforme livide rougisse.
Offre-nous ce spectacle avant que nos gorges
rauques ne poussent leur dernier soupir.
Leurs cravaches arrogantes tremblent
d’une peur humaine, comme la nôtre.
Comme des fleurs ensanglantées,
dans les rues Niska, Mila et à Muranow,
le feu pourpre de nos canons éclot.
C’est notre printemps ! La contre-attaque !
Le vin de la lutte nous enivre !
Les petites rues Mila et Ostrowska
sont nos forêts de partisans.
Nos numéros d’immeubles
tremblent sur nos poitrines,
Ce sont les médailles de la guerre juive.
Un cri en toutes lettres s’illumine de rouge.
Le mot « REVOLTE » frappe comme un bélier
………………………………………………….
………………………………………………….
Et dans la rue, le sang colle
à un paquet piétiné :
« Juno sind rund ! »
Deux morts
Votre mort et notre mort
sont deux morts différentes.
Votre mort est une mort puissante
qui déchire les corps en quartiers.
Votre mort vient dans des champs gris
fertilisés par le sang et la sueur.
Votre mort – c’est la mort par balles
pour quelque chose – pour la Patrie.
Notre mort est une mort stupide,
dans un grenier ou dans une cave,
notre mort, mort de chien
arrive au coin d’une rue.
Votre mort sera décorée d’une croix,
mentionnée dans un communiqué,
Notre mort – mort en gros,
sera mise en terre – et au revoir.
Vous saluez votre mort
dans un face-à-face à mi-chemin,
notre mort est une mort cachée
enfouie sous le masque de la peur.
Votre mort – une mort normale,
mort humaine, pas difficile,
notre mort – mort tas d’ordures
mort juive, mort vile.
Notre mort est une pauvre cousine
de votre mort éloignée.
Quand votre mort rencontre la nôtre
elle ne la salue jamais.
Et dans la nuit au travers des nappes de brouillard
sur la ville, dans l’enfer des ténèbres,
les deux morts se lancent des injures,
se maudissent furieusement.
Sur un petit mur, regardant de deux côtés,
la vie observe furtivement cette querelle,
toujours la même vie
– cupide, maline, méchante.
Traduit du polonais par Alex Dayet
Contre-attaque (Version I)
18 janvier 1943[1].
Comme par dégout de tout, silencieux, ils entraient dans les wagons
en adressant des regards soumis aux Saulys[2].
Du bétail !
Les officiers se félicitaient de ne pas devoir s’énerver,
que les hordes suivaient une marche hébétée.
Les cravaches claquaient
pour la parade : Dans les gueules !
Sur la place[3], la foule silencieuse trébuchait.
Avant de s’engouffrer dans le wagon,
elle versait son sang et ses larmes sur le sable.
Nonchalamment, les « maîtres » jetaient leurs paquets sur les cadavres :
« Warum sind Juno rund »[4].
Jusqu’à ce jour, où sur la ville endormie par la Stimmung[5],
ils sont tombés comme des hyènes dans la brume matinale,
et le bétail s’est réveillé en montrant les crocs.
Le premier coup de feu a éclaté dans la rue Mila[6].
Un gendarme se tord sous un porche.
Il garde l’aplomb un instant, éberlué,
en tenant son épaule fracassée :
« Je saigne ! »
Les brownings retentissent dans les rues Niska, Dzika, Pawia.
Dans l’escalier où une vieille mère vient d’être traînée par les cheveux,
gît le cadavre du SS Handtke.
Bizarrement enflé,
comme s’il n’avait pas digéré sa mort, comme étouffé par la révolte,
il a craché du sang sur son paquet – Juno sind rund , rund, rund,
et mordu la poussière sans savoir-vivre.
La roue tourne.
Rue Pawia, rue juive, en uniforme bleu clair,
un gendarme gît sur un escalier souillé,
ignorant que chez Schultz et Toebbens[7],
les balles sifflent joyeusement.
La viande se révolte, la viande se révolte ! La viande se révolte !
La carne crache des grenades par les fenêtres,
la carne vomit des flammes écarlates et s’accroche à des carcasses de vie.
Hé ! Quelle joie de tirer dans le blanc des yeux !
Ici, c’est le front, les dandys !
Hier trinkt man mehr kein Bier,
Hier hat man mehr kein Mut,
Blut, Blut, Blut.[8]
Enlevez vos gants de peau fine et claire,
déposez vos cravaches, enfilez vos casques.
Et demain, publiez ce communiqué :
« Nous nous sommes fait river le clou chez Toebbens. »
C’est la révolte de la viande, la révolte de la viande, le chant de la viande !
Écoute, Dieu des Allemands, la prière des Juifs dans leurs maisons de « sauvages ».
Avec nos pieds-de-biche et nos barres,
nous te réclamons, Dieu, une lutte sanglante,
et nous t’implorons : accorde-nous une mort violente,
qu’avant le trépas, nos yeux ne voient pas défiler les rails.
Donne, Seigneur, de la précision à nos doigts,
que le bleu de l’uniforme livide rougisse.
Offre-nous ce spectacle avant que nos gorges rauques ne poussent leur dernier soupir.
Leurs cravaches arrogantes tremblent
d’une peur humaine, comme la nôtre.
Comme des fleurs ensanglantées,
dans les rues Niska, Mila et à Muranow,
le feu pourpre de nos canons éclot.
C’est notre printemps ! La contre-attaque !
Le vin de la lutte nous enivre !
Les petites rues Mila et Ostrowska sont nos forêts de partisans.
Nos numéros d’immeuble tremblent sur nos poitrines.
Ce sont les médailles de la guerre juive.
Un cri en toutes lettres s’illumine de rouge.
Le mot « REVOLTE » frappe comme un bélier,
et dans la rue, le sang colle à un paquet piétiné : « Juno sind rund ! »
[1] Jour de la deuxième grande déportation, mais aussi de la première action de résistance lancée par l’organisation juive de combat (ZOB). Suite à cette résistance les Allemands stoppent momentanément les déportations.
[2] « Chasseurs » en lituanien, police supplétive lituanienne.
[3] L’Umschlagplatz, place du ghetto de Varsovie d'où partaient les convois pour Treblinka.
[4] Juno : marque de cigarettes fumées à l’époque ; une publicité vantait leur forme bien ronde (« Juno sind rund »).
[5] Ambiance (en allemand).
[6] Au 61 rue Mila, c’est Mordechaï Anielewicz et son groupe, qui lancent l’attaque.
[7] Ateliers allemands dans le ghetto.
[8] « Ici, on ne boit plus de bière. Ici, le courage fait défaut. Du sang, du sang, du sang ».
Contre-attaque (Version II)
Comme par dégout de tout,
silencieux ils entraient dans les wagons
en adressant des regards soumis aux Saulys.
Du bétail !
Les beaux officiers se félicitaient
de ne pas devoir s’énerver,
que les hordes suivaient une marche hébétée.
Les cravaches claquaient
uniquement pour la parade :
Dans les gueules !
Sur la place, la foule silencieuse trébuchait.
Avant de s’engouffrer dans le wagon,
elle versait son sang et ses larmes sur le sable.
Nonchalamment,
les « maîtres »
jetaient leurs paquets :
« Warum sind Juno rund ».
Jusqu’à ce jour,
où sur la ville endormie par la Stimmung,
ils sont tombés comme des hyènes dans la brume matinale,
et le bétail s’est réveillé
en montrant les crocs.
Le premier coup de feu a éclaté dans la rue Mila.
Un gendarme se tord sous un porche.
Il garde l’aplomb un instant, éberlué,
en tenant son épaule fracassée.
Il n’en croit pas ses yeux.
Tout était si facile…
Un service rendu, une protection,
l’avaient soustraient au chemin vers l’Ost
(Quelques jours de satisfaction) :
Se reposer à Varsovie,
pousser le bétail
et nettoyer la porcherie.
Mais ici,
dans la rue Mila : c’est le SANG.
Le gendarme sort du porche
en hurlant : « Je saigne ! »
Les brownings retentissent
Dans les rues Niska,
Dzika,
Pawia.
Dans l’escalier où une vieille mère
vient d’être traînée par les cheveux,
gît le cadavre du SS Handtke.
Bizarrement enflé.
Comme s’il n’avait pas digéré sa mort,
comme étouffé par la révolte,
il a craché du sang
sur son paquet : « Juno sind rund »,
Rund, Rund,
et mordu la poussière sans savoir-vivre.
La roue tourne.
Rue Pawia, rue juive,
En uniforme bleu clair, un gendarme
gît sur un escalier souillé,
ignorant
que chez Schultz et Toebbens,
les balles sifflent joyeusement.
La viande se révolte,
la viande se révolte !
La viande se révolte !
La carne crache des grenades par les fenêtres,
la carne vomit des flammes écarlates
et s’accroche à des carcasses de vie.
Hé ! Quelle joie de tirer dans le blanc des yeux !
Ici, c’est le front, les dandys !
Le front, Messieurs les planqués !
Hier
trinkt man mehr kein Bier,
Hier
hat man mehr kein Mut,
Blut,
Blut,
Blut.
Enlevez vos gants de peau fine et claire,
déposez vos cravaches, enfilez vos casques.
Et demain, publiez ce communiqué :
« Nous nous sommes fait river le clou chez Toebbens. »
C’est la révolte de la viande,
La révolte de la viande,
le chant de la viande !
Écoute, Dieu des Allemands,
la prière des Juifs dans leurs maisons de « sauvages ».
Avec nos pieds-de-biche et nos barres,
nous te réclamons, Dieu, une lutte sanglante,
et nous t’implorons : accorde-nous une mort violente,
qu’avant le trépas, nos yeux
ne voient pas défiler les rails.
Donne, Seigneur, de la précision à nos doigts,
que le bleu de l’uniforme livide rougisse.
Offre-nous ce spectacle avant que nos gorges
rauques ne poussent leur dernier soupir.
Leurs cravaches arrogantes tremblent
d’une peur humaine, comme la nôtre.
Comme des fleurs ensanglantées,
dans les rues Niska, Mila et à Muranow,
le feu pourpre de nos canons éclot.
C’est notre printemps ! La contre-attaque !
Le vin de la lutte nous enivre !
Les petites rues Mila et Ostrowska
sont nos forêts de partisans.
Nos numéros d’immeubles
tremblent sur nos poitrines,
Ce sont les médailles de la guerre juive.
Un cri en toutes lettres s’illumine de rouge.
Le mot « REVOLTE » frappe comme un bélier
………………………………………………….
………………………………………………….
Et dans la rue, le sang colle
à un paquet piétiné :
« Juno sind rund ! »
Deux morts
Votre mort et notre mort
sont deux morts différentes.
Votre mort est une mort puissante
qui déchire les corps en quartiers.
Votre mort vient dans des champs gris
fertilisés par le sang et la sueur.
Votre mort – c’est la mort par balles
pour quelque chose – pour la Patrie.
Notre mort est une mort stupide,
dans un grenier ou dans une cave,
notre mort, mort de chien
arrive au coin d’une rue.
Votre mort sera décorée d’une croix,
mentionnée dans un communiqué,
Notre mort – mort en gros,
sera mise en terre – et au revoir.
Vous saluez votre mort
dans un face-à-face à mi-chemin,
notre mort est une mort cachée
enfouie sous le masque de la peur.
Votre mort – une mort normale,
mort humaine, pas difficile,
notre mort – mort tas d’ordures
mort juive, mort vile.
Notre mort est une pauvre cousine
de votre mort éloignée.
Quand votre mort rencontre la nôtre
elle ne la salue jamais.
Et dans la nuit au travers des nappes de brouillard
sur la ville, dans l’enfer des ténèbres,
les deux morts se lancent des injures,
se maudissent furieusement.
Sur un petit mur, regardant de deux côtés,
la vie observe furtivement cette querelle,
toujours la même vie
– cupide, maline, méchante.
Traduit du polonais par Alex Dayet
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Si j'avais 4 dromadaires
Chris Marker - (1966)
Le Dromadaire
Avec ses quatre dromadaires
Don Pedro d’Alfaroubeira
Courut le monde et l’admira.
Il fit ce que je voudrais faire
Si j’avais quatre dromadaires.
Guillaume Apollinaire
Quelques photos piochées au hasard de pérégrinations aux quatre coins de la planète (Cuba, Chine, Israël, Grèce, URSS, France, Suède, Corée du Nord, Japon...), et que commentent les voix anonymes de trois amis, deux hommes et une femme : à partir de ce matériau très simple, Marker construit un dispositif poétique d’une grande puissance évocatrice.
Rencontre buissonnière avec le vivant humain ou animal où, au détour d’une mémoire individuelle (la sienne, la nôtre), surgit par fragments un peu de la mémoire du monde.
Le temps photographique se fait humus, glaise où se forme la matière même de notre histoire :
« La photo, c’est la chasse. C’est l’instinct de la chasse sans l’envie de tuer. C’est la chasse des anges. On traque, on vise, on tire et puis clac, au lieu d’un mort on fait un éternel. »
Conçu comme un diptyque, le château et le jardin aux images, que tresse le fil de voix incrusté de formules lumineuses. Et ce sont de purs instants de grâce où l’on peut boire le lait de la tendresse humaine.
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Aris Alexandrou
Ecrivain et militant grec antistalinien, né à Léningrad en 1922.
Membre oppositionnel de la résistance communiste à l'occupant nazi, il est persécuté par les autorités britanniques lors de la guerre civile de 1946-49, et connaît la déportation et l'exil jusqu'en 1958. Il fuit la dictature des Colonels, instaurée par le coup d'Etat du 21 avril 1967, et s’installe à Paris, où il meurt en 1978.
Traducteur de Maïakovski, Pouchkine, Dostoïevski, Tolstoï, Akhmatova, Pasternak, Mandelstam, Ehrenburg, Gogol (traduits du russe, sa langue maternelle) mais aussi Maupassant, Shaw, Steinbeck, Voltaire, Semprun, Caldwell, O’Neal..., il est l'auteur d'un unique roman : La Caisse.
TU T’OBSTINERAS
Aussi haut puisses-tu monter, ici tu resteras.
Tu trébucheras et tu tomberas ici dans les décombres
à tracer des lignes
ici tu t’obstineras sans contrainte
sans jamais te réfugier dans une commode détresse
jamais dans le mépris
et même si ont la force aujourd’hui ceux qui bâtissent la dévastation
et même si tu vois des colonnes d’hommes partir en rang vers la menuiserie
accepter fièrement
leur chantournement
et se placer dans de strictes cases
comme des pions.
Toi, tu t’obstineras comme si tu mesurais le temps par la succession des pétrifications
comme si tu étais sûr qu’un jour viendra
où les gendarmes et les vigiles tomberont l’uniforme.
Ici dans les décombres ensemencées de sel
que tu le veuilles ou non, tu avanceras
en calculant l’inclinaison à donner aux niveaux
tu t’obstineras, sciant seul les pierres
que tu le veuilles ou non, il te faut acquérir ton propre espace.
Aris Alexandrou,Voies sans détour, YpSilon, 2014 (édition bilingue).
(Traduit du grec par Pascal Neveu.)
Membre oppositionnel de la résistance communiste à l'occupant nazi, il est persécuté par les autorités britanniques lors de la guerre civile de 1946-49, et connaît la déportation et l'exil jusqu'en 1958. Il fuit la dictature des Colonels, instaurée par le coup d'Etat du 21 avril 1967, et s’installe à Paris, où il meurt en 1978.
Traducteur de Maïakovski, Pouchkine, Dostoïevski, Tolstoï, Akhmatova, Pasternak, Mandelstam, Ehrenburg, Gogol (traduits du russe, sa langue maternelle) mais aussi Maupassant, Shaw, Steinbeck, Voltaire, Semprun, Caldwell, O’Neal..., il est l'auteur d'un unique roman : La Caisse.
TU T’OBSTINERAS
Aussi haut puisses-tu monter, ici tu resteras.
Tu trébucheras et tu tomberas ici dans les décombres
à tracer des lignes
ici tu t’obstineras sans contrainte
sans jamais te réfugier dans une commode détresse
jamais dans le mépris
et même si ont la force aujourd’hui ceux qui bâtissent la dévastation
et même si tu vois des colonnes d’hommes partir en rang vers la menuiserie
accepter fièrement
leur chantournement
et se placer dans de strictes cases
comme des pions.
Toi, tu t’obstineras comme si tu mesurais le temps par la succession des pétrifications
comme si tu étais sûr qu’un jour viendra
où les gendarmes et les vigiles tomberont l’uniforme.
Ici dans les décombres ensemencées de sel
que tu le veuilles ou non, tu avanceras
en calculant l’inclinaison à donner aux niveaux
tu t’obstineras, sciant seul les pierres
que tu le veuilles ou non, il te faut acquérir ton propre espace.
Aris Alexandrou,Voies sans détour, YpSilon, 2014 (édition bilingue).
(Traduit du grec par Pascal Neveu.)
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Re: En poésie, la parole est libre
Paul Vincensini :
L'hiver mes doux enfants est en nous oui en nous
Cette cul de buée
(sur cette fumier de vitre)
M'empêche de voir ces grands cons d'arbres.
Dans l'arbre
T'es fou
Tire pas
C'est pas des corbeaux
C'est mes souliers
Je dors parfois dans les arbres
Sur le bout des doigts
Je compte les jours
Sur mes doigts
J'y compte aussi mes amis
Mes amours
Un jour
Je ne compterai plus que mes doigts
Sur mes doigts
Un chien être un chien
Et ne rien devoir
Au temps qui passe
Manger le temps
Avec ma soupe
En regardant les arbres
Les cailloux
Me parlent
Avec de l'ombre plein la bouche
Un ouvrier dort
S'il dort
Ce n'est pas pour les pierres
Qui ont écorché ses mains
S'il a bu quelques verres
La poussière
Autant que lui s'en est gorgée
Si je croyais aux prières
Je voudrais
Prier pour ses mains
Petite nuit
Quand il fait nuit
La nuit se prend dans ses bras
Et dort sur son épaule
Comme un lilas
Bien pire
Le rien
Ne fait pas rien
Il fait pire
Il fait presque rien
Tout doucement
Je m'apprivoise
Voyez-vous
Tout doucement je m'apprivoise
A voir ce que je vois
Dans le peloton de laine grise
Dont se joue mon chat
Mon doux chat que je nomme
En hommage à tous les oiseaux qu'il mange
Mésange
Quand elle viendra
Mais nous serons alors devenus
Si étrangers
Si peu curieux l'un de l'autre
Lequel des deux
Dira à l'autre
Enfin te voilà
Tu as bien changé
Tu n'es pas malade?
Elle posera sa faux
Sur mes genoux
Comme pour s'excuser
Moi j'ai toujours peur du vent
Me voici
Mes poches
Bourrées de cailloux
Pour rester avec vous
Ne pas m'envoler dans les arbres
Dans l'éclair d'un éclair
Derrière le ciel en pluie
Soudain ta lèvre rouge
Si rouge
Et pourtant étonnamment calme
Copas- Messages : 7025
Date d'inscription : 26/12/2010
Anapets et contregrammes
"C'est donc ça, mon crâne :
un écrin nacre au bout d’une ancre
que la carne rance a cerné ?",
renâcla cet énarque,
en scrutant sur l’écran du scanner
son cancer.
En ce siècle abscons
comme la lune,
où les aigris massent
des pensées rauques,
d’épais roquets passent
pour des héros
d’opéra–rock.
Le nœud est l’ennemi du lien.
Les mous ne se langent pas entre eux.
Plus on a de roues, plus on file.
Dis-moi qui tu es et je te dirai : quiétude.
Autant en avorte le temps.
Arôme en tire qui fiente loin.
Charité craint l’eau froide.
C’est en forçant qu’on devient forçat.
Qui donne l’opprobre prête à Dieu.
Le bois ne fait pas la mine.
Qui éternue face au réel un jour se rue vers l’Eternel.
un écrin nacre au bout d’une ancre
que la carne rance a cerné ?",
renâcla cet énarque,
en scrutant sur l’écran du scanner
son cancer.
En ce siècle abscons
comme la lune,
où les aigris massent
des pensées rauques,
d’épais roquets passent
pour des héros
d’opéra–rock.
Le nœud est l’ennemi du lien.
Les mous ne se langent pas entre eux.
Plus on a de roues, plus on file.
Dis-moi qui tu es et je te dirai : quiétude.
Autant en avorte le temps.
Arôme en tire qui fiente loin.
Charité craint l’eau froide.
C’est en forçant qu’on devient forçat.
Qui donne l’opprobre prête à Dieu.
Le bois ne fait pas la mine.
Qui éternue face au réel un jour se rue vers l’Eternel.
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Re: En poésie, la parole est libre
Percy pour ces mépites !
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Paronyme & contrepet
Roseau a écrit:Percy pour ces mépites !
Comptine
Trois toquant’s irritées sujett’s au Temps taquin
De concert un matin s’arrêtèrent soudain.
Et s’installa alors l'inquiétant silence.
Si patent que le temps, devenu riquiqui,
Tout près de son trépas, râla un dernier cri...
En tambour et trompette, ell's reprir'nt leur cadence.
Moralité :
La pâle halte des pendules cède d’effroi sans violon.
Trois toquant’s irritées sujett’s au Temps taquin
De concert un matin s’arrêtèrent soudain.
Et s’installa alors l'inquiétant silence.
Si patent que le temps, devenu riquiqui,
Tout près de son trépas, râla un dernier cri...
En tambour et trompette, ell's reprir'nt leur cadence.
Moralité :
La pâle halte des pendules cède d’effroi sans violon.
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Rosa la vie
Au milieu des ténèbres, je souris à la vie, comme si je connaissais la formule magique qui change le mal et la tristesse en clarté et en bonheur. Alors, je cherche une raison à cette joie, je n'en trouve pas et ne puis m'empêcher de sourire de moi-même. Je crois que la vie elle-même est l'unique secret. Car l'obscurité profonde est belle et douce comme du velours, quand on sait l'observer. Et la vie chante aussi dans le sable qui crisse sous les pas lents et lourds de la sentinelle, quand on sait l'entendre.
Personne n’ignore qu’il existe des asiles de nuit, des mendiants, des prostituées, une police secrète, des criminels et des personnes préférant l’ombre à la lumière. Mais d’ordinaire on a le sentiment qu’il s’agit là d’un monde lointain et étranger, situé quelque part en dehors de la société proprement dite. Entre les ouvriers honnêtes et ces exclus, un mur se dresse et l’on ne pense que rarement à la misère qui se traîne dans la fange de l’autre côté de ce mur. Et brusquement survient un événement qui remet tout en cause : c’est comme si dans un cercle de gens bien élevés, cultivés et gentils, au milieu d’un mobilier précieux, quelqu’un découvrait, par hasard, les indices révélateurs de crimes effroyables, de débordements honteux. Brusquement le spectre horrible de la misère arrache à notre société son masque de correction et révèle que cette pseudo-honorabilité n’est que le fard d’une putain. Brusquement sous les apparences frivoles et enivrantes de notre civilisation on découvre l’abîme béant de la barbarie et de la bestialité. On en voit surgir des tableaux dignes de l’enfer : des créatures humaines fouillent les poubelles à la recherche de détritus, d’autres se tordent dans les affres de l’agonie ou exhalent en mourant un souffle pestilentiel.
Et le mur qui nous sépare de ce lugubre royaume d’ombres s’avère brusquement n’être qu’un décor de papier peint.
Ces pensionnaires de l’asile, victimes des harengs infects ou du tord-boyaux frelaté, qui sont-ils ? Un employé de commerce, un ouvrier du bâtiment, un tourneur, un mécanicien : des ouvriers, des ouvriers, rien que des ouvriers. Et qui sont ces êtres sans nom que la police n’a pu identifier ? Des ouvriers, rien que des ouvriers ou des hommes qui l’étaient, hier encore.
Et pas un ouvrier qui soit assuré contre l’asile, le hareng et l’alcool frelatés. Aujourd’hui il est solide encore, considéré, travailleur ; qu’adviendra-t-il de lui, si demain il est renvoyé parce qu’il aura atteint le seuil fatal des quarante ans, au-delà duquel le patron le déclare » inutilisable » ? Ou s’il est victime demain d’un accident qui fasse de lui un infirme, un mendiant pensionné ?
Pour des princes anormaux : l’indulgence des tribunaux, les soins prodigués par des épouses héroïques et la consolation muette d’une bonne cave remplie de vieilles bouteilles. (...) Tandis que les prolétaires vieux, faibles, irresponsables, crèvent dans la rue comme les chiens dans les venelles de Constantinople, le long d’une palissade, dans des asiles de nuit ou des caniveaux, et le seul bien qu’ils laissent, c’est la queue d’un hareng pourri que l’on trouve près d’eux. La cruelle et brutale barrière qui sépare les classes ne s’arrête pas devant la folie, le crime et même la mort. Pour la racaille fortunée : indulgence et plaisir de vivre jusqu’à leur dernier souffle, pour les Lazare du prolétariat : les tenaillements de la faim et les bacilles de mort qui grouillent dans les tas d’immondices.
Ainsi est bouclée la boucle de l’existence du prolétaire dans la société capitaliste. Le prolétaire est d’abord l’ouvrier capable et consciencieux qui, dès son enfance, trime patiemment pour verser son tribut quotidien au capital. La moisson dorée des millions s’ajoutant aux millions s’entasse dans les granges des capitalistes ; un flot de richesses de plus en plus imposant roule dans les banques et les bourses tandis que les ouvriers – masse grise, silencieuse, obscure – sortent chaque soir des usines et des ateliers tels qu’ils y sont entrés le matin, éternels pauvres hères, éternels vendeurs apportant au marché le seul bien qu’ils possèdent : leur peau.
De loin en loin un accident, un coup de grisou les fauche par douzaines ou par centaines dans les profondeurs de la mine – un entrefilet dans les journaux, un chiffre signale la catastrophe ; au bout de quelques jours, on les a oubliés, leur dernier soupir est étouffé par le piétinement et le halètement des affairés avides de profit ; au bout de quelques jours, des douzaines ou des centaines d’ouvriers les remplacent sous le joug du capital.
De temps en temps survient une crise : semaines et mois de chômage, de lutte désespérée contre la faim. Et chaque fois l’ouvrier réussit à pénétrer de nouveau dans l’engrenage, heureux de pouvoir de nouveau bander ses muscles et ses nerfs pour le capital.
Mais peu à peu ses forces le trahissent. Une période de chômage plus longue, un accident, la vieillesse qui vient – et l’un d’eux, puis un second est contraint de se précipiter sur le premier emploi qui se présente : il abandonne sa profession et glisse irrésistiblement vers le bas. Les périodes de chômage s’allongent, les emplois se font plus irréguliers. L’existence du prolétaire est bientôt dominée par le hasard ; le malheur s’acharne sur lui, la vie chère le touche plus durement que d’autres. La tension perpétuelle des énergies, dans cette lutte pour un morceau de pain, finit par se relâcher, son respect de soi s’amenuise – et le voici debout devant la porte de l’asile de nuit à moins que ce ne soit celle de la prison.
Ainsi chaque année, chez les prolétaires, des milliers d’existences s’écartent des conditions de vie normales de la classe ouvrière pour tomber dans la nuit de la misère. Ils tombent silencieusement, comme un sédiment qui se dépose, sur le fond de la société : éléments usés, inutiles, dont le capital ne peut plus tirer une goutte de plus, détritus humains, qu’un balai de fer éjecte. Contre eux se relaient le bras de la loi, la faim et le froid. Et pour finir la société bourgeoise tend à ses proscrits la coupe du poison.
Présentation de son spectacle
Enregistrement radiodiffusé
[A Sonia Liebknecht]
Sonitschka, ma chérie, restez calme et sereine malgré tout. La vie est ainsi faite et il faut la prendre comme elle est, bravement, la tête haute et le sourire aux lèvres, envers et contre tout.
[...]
C'est ainsi, je suis dehors presque toute la journée. Je flâne au milieu des buissons, j'examine chaque recoin de mon petit jardin et je trouve toutes sortes de trésors. Hier, j'ai rencontré des renoncules, un papillon citron tout neuf, étincelant. J'en ai été si heureuse que mon coeur a fait des bonds. Il est venu se poser sur ma manche. Je porte un gilet mauve, c'est sans doute la couleur qui l'a attiré. Puis il a batifolé dans les airs, puis il s'est envolé par delà le mur.
Mais je dois sans doute être malade, pour que tout me bouleverse si profondément. Ou alors, savez-vous ce que c'est ? J'ai parfois le sentiment de ne pas être un vrai être humain, mais plutôt un oiseau, ou quelque autre animal qui aurait malencontreusement pris forme humaine.
Au fond de moi, je me sens bien plus chez moi dans un petit bout de jardin, comme ici, ou dans la campagne, entourée de brins d'herbe et de bourdons, que dans un congrès du Parti.
A vous, je peux bien le dire tranquillement : vous n'irez pas tout de suite me soupçonner de trahir le Socialisme. Vous savez qu'au bout du compte j'espère que je mourrai à mon poste, dans un combat de rue ou dans un pénitencier.
Mais mon moi le plus profond appartient davantage aux mésanges charbonnières qu'aux camarades.
[A ?]
Sur ma tombe, comme dans ma vie, il n’y aura pas de phrases grandiloquentes. Sur la pierre de mon tombeau, on ne lira que deux syllabes : “tsvi-tsvi”. C’est le chant des mésanges charbonnières que j’imite si bien qu’elles accourent aussitôt. Et figurez-vous que dans ce “tsvi-tsvi” qui, jusque là, fusait clair et fin comme une aiguille d’acier, il y a depuis quelques jours un tout petit trille, une minuscule note de poitrine. Et savez-vous, Mademoiselle Jacob, ce que cela signifie ? C’est le premier léger mouvement du printemps qui arrive. Malgré la neige, le froid et la solitude, nous croyons – les mésanges et moi – au printemps à venir ! Et si, par impatience, je ne devais pas vivre ce printemps, n’oubliez pas que sur la pierre de ma tombe, on ne devra rien lire d’autre que “tsvi-tsvi”.
***
Dans L'asile de nuit (1er janvier 1912)
(Extrait)
Personne n’ignore qu’il existe des asiles de nuit, des mendiants, des prostituées, une police secrète, des criminels et des personnes préférant l’ombre à la lumière. Mais d’ordinaire on a le sentiment qu’il s’agit là d’un monde lointain et étranger, situé quelque part en dehors de la société proprement dite. Entre les ouvriers honnêtes et ces exclus, un mur se dresse et l’on ne pense que rarement à la misère qui se traîne dans la fange de l’autre côté de ce mur. Et brusquement survient un événement qui remet tout en cause : c’est comme si dans un cercle de gens bien élevés, cultivés et gentils, au milieu d’un mobilier précieux, quelqu’un découvrait, par hasard, les indices révélateurs de crimes effroyables, de débordements honteux. Brusquement le spectre horrible de la misère arrache à notre société son masque de correction et révèle que cette pseudo-honorabilité n’est que le fard d’une putain. Brusquement sous les apparences frivoles et enivrantes de notre civilisation on découvre l’abîme béant de la barbarie et de la bestialité. On en voit surgir des tableaux dignes de l’enfer : des créatures humaines fouillent les poubelles à la recherche de détritus, d’autres se tordent dans les affres de l’agonie ou exhalent en mourant un souffle pestilentiel.
Et le mur qui nous sépare de ce lugubre royaume d’ombres s’avère brusquement n’être qu’un décor de papier peint.
Ces pensionnaires de l’asile, victimes des harengs infects ou du tord-boyaux frelaté, qui sont-ils ? Un employé de commerce, un ouvrier du bâtiment, un tourneur, un mécanicien : des ouvriers, des ouvriers, rien que des ouvriers. Et qui sont ces êtres sans nom que la police n’a pu identifier ? Des ouvriers, rien que des ouvriers ou des hommes qui l’étaient, hier encore.
Et pas un ouvrier qui soit assuré contre l’asile, le hareng et l’alcool frelatés. Aujourd’hui il est solide encore, considéré, travailleur ; qu’adviendra-t-il de lui, si demain il est renvoyé parce qu’il aura atteint le seuil fatal des quarante ans, au-delà duquel le patron le déclare » inutilisable » ? Ou s’il est victime demain d’un accident qui fasse de lui un infirme, un mendiant pensionné ?
Pour des princes anormaux : l’indulgence des tribunaux, les soins prodigués par des épouses héroïques et la consolation muette d’une bonne cave remplie de vieilles bouteilles. (...) Tandis que les prolétaires vieux, faibles, irresponsables, crèvent dans la rue comme les chiens dans les venelles de Constantinople, le long d’une palissade, dans des asiles de nuit ou des caniveaux, et le seul bien qu’ils laissent, c’est la queue d’un hareng pourri que l’on trouve près d’eux. La cruelle et brutale barrière qui sépare les classes ne s’arrête pas devant la folie, le crime et même la mort. Pour la racaille fortunée : indulgence et plaisir de vivre jusqu’à leur dernier souffle, pour les Lazare du prolétariat : les tenaillements de la faim et les bacilles de mort qui grouillent dans les tas d’immondices.
Ainsi est bouclée la boucle de l’existence du prolétaire dans la société capitaliste. Le prolétaire est d’abord l’ouvrier capable et consciencieux qui, dès son enfance, trime patiemment pour verser son tribut quotidien au capital. La moisson dorée des millions s’ajoutant aux millions s’entasse dans les granges des capitalistes ; un flot de richesses de plus en plus imposant roule dans les banques et les bourses tandis que les ouvriers – masse grise, silencieuse, obscure – sortent chaque soir des usines et des ateliers tels qu’ils y sont entrés le matin, éternels pauvres hères, éternels vendeurs apportant au marché le seul bien qu’ils possèdent : leur peau.
De loin en loin un accident, un coup de grisou les fauche par douzaines ou par centaines dans les profondeurs de la mine – un entrefilet dans les journaux, un chiffre signale la catastrophe ; au bout de quelques jours, on les a oubliés, leur dernier soupir est étouffé par le piétinement et le halètement des affairés avides de profit ; au bout de quelques jours, des douzaines ou des centaines d’ouvriers les remplacent sous le joug du capital.
De temps en temps survient une crise : semaines et mois de chômage, de lutte désespérée contre la faim. Et chaque fois l’ouvrier réussit à pénétrer de nouveau dans l’engrenage, heureux de pouvoir de nouveau bander ses muscles et ses nerfs pour le capital.
Mais peu à peu ses forces le trahissent. Une période de chômage plus longue, un accident, la vieillesse qui vient – et l’un d’eux, puis un second est contraint de se précipiter sur le premier emploi qui se présente : il abandonne sa profession et glisse irrésistiblement vers le bas. Les périodes de chômage s’allongent, les emplois se font plus irréguliers. L’existence du prolétaire est bientôt dominée par le hasard ; le malheur s’acharne sur lui, la vie chère le touche plus durement que d’autres. La tension perpétuelle des énergies, dans cette lutte pour un morceau de pain, finit par se relâcher, son respect de soi s’amenuise – et le voici debout devant la porte de l’asile de nuit à moins que ce ne soit celle de la prison.
Ainsi chaque année, chez les prolétaires, des milliers d’existences s’écartent des conditions de vie normales de la classe ouvrière pour tomber dans la nuit de la misère. Ils tombent silencieusement, comme un sédiment qui se dépose, sur le fond de la société : éléments usés, inutiles, dont le capital ne peut plus tirer une goutte de plus, détritus humains, qu’un balai de fer éjecte. Contre eux se relaient le bras de la loi, la faim et le froid. Et pour finir la société bourgeoise tend à ses proscrits la coupe du poison.
***
Lettres de prison, lues par Anouk Grinberg.
Présentation de son spectacle
Enregistrement radiodiffusé
Lettres de ma prison
(Morceaux choisis)
[A Sonia Liebknecht]
Sonitschka, ma chérie, restez calme et sereine malgré tout. La vie est ainsi faite et il faut la prendre comme elle est, bravement, la tête haute et le sourire aux lèvres, envers et contre tout.
[...]
C'est ainsi, je suis dehors presque toute la journée. Je flâne au milieu des buissons, j'examine chaque recoin de mon petit jardin et je trouve toutes sortes de trésors. Hier, j'ai rencontré des renoncules, un papillon citron tout neuf, étincelant. J'en ai été si heureuse que mon coeur a fait des bonds. Il est venu se poser sur ma manche. Je porte un gilet mauve, c'est sans doute la couleur qui l'a attiré. Puis il a batifolé dans les airs, puis il s'est envolé par delà le mur.
Mais je dois sans doute être malade, pour que tout me bouleverse si profondément. Ou alors, savez-vous ce que c'est ? J'ai parfois le sentiment de ne pas être un vrai être humain, mais plutôt un oiseau, ou quelque autre animal qui aurait malencontreusement pris forme humaine.
Au fond de moi, je me sens bien plus chez moi dans un petit bout de jardin, comme ici, ou dans la campagne, entourée de brins d'herbe et de bourdons, que dans un congrès du Parti.
A vous, je peux bien le dire tranquillement : vous n'irez pas tout de suite me soupçonner de trahir le Socialisme. Vous savez qu'au bout du compte j'espère que je mourrai à mon poste, dans un combat de rue ou dans un pénitencier.
Mais mon moi le plus profond appartient davantage aux mésanges charbonnières qu'aux camarades.
[A ?]
Sur ma tombe, comme dans ma vie, il n’y aura pas de phrases grandiloquentes. Sur la pierre de mon tombeau, on ne lira que deux syllabes : “tsvi-tsvi”. C’est le chant des mésanges charbonnières que j’imite si bien qu’elles accourent aussitôt. Et figurez-vous que dans ce “tsvi-tsvi” qui, jusque là, fusait clair et fin comme une aiguille d’acier, il y a depuis quelques jours un tout petit trille, une minuscule note de poitrine. Et savez-vous, Mademoiselle Jacob, ce que cela signifie ? C’est le premier léger mouvement du printemps qui arrive. Malgré la neige, le froid et la solitude, nous croyons – les mésanges et moi – au printemps à venir ! Et si, par impatience, je ne devais pas vivre ce printemps, n’oubliez pas que sur la pierre de ma tombe, on ne devra rien lire d’autre que “tsvi-tsvi”.
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Re: En poésie, la parole est libre
Merci, merci!
Quelle prodigieuse interprétation de Anouk Grinberg.
Et pas de mots pour parler de ces lettres, belles à pleurer.
Ecoutez-les. Elles sont immenses.
Rosa dans les combats politiques comme dans l’extase devant la nature,
n’est qu’un hymne à la vie.
« Je me sens chez moi dans le monde entier,
partout où il y a des nuages, des oiseaux
et les larmes des hommes. »
Quelle prodigieuse interprétation de Anouk Grinberg.
Et pas de mots pour parler de ces lettres, belles à pleurer.
Ecoutez-les. Elles sont immenses.
Rosa dans les combats politiques comme dans l’extase devant la nature,
n’est qu’un hymne à la vie.
« Je me sens chez moi dans le monde entier,
partout où il y a des nuages, des oiseaux
et les larmes des hommes. »
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Georges Perros
...
Dans ce petit bistro tout seul
Dans l’éternité de l’espace
Une clochette à l’entrée
Trois marches pour dégringoler
Dans l’ombre des choses humbles...
....
De cet ivrogne dans l'azur
Qui fait mûrir
Qui fait pourrir
Qui dit le sec et le mouillé
Sur nos fronts partitions striés
Sans la moindre musique à l'intérieur
Rengaine où sanglote la source
Barques sur le dos
Ô nos révoltes grains de sable
Poussière dans le vent fané
Qui nous redira folle course
La joie farouche
Des chevaux du langage
Quand tout était encore tremblant
D'avoir liberté de mourir
Quand tout faisait encore semblant
De l'oublier dans un sourire
Les temps sont venus de la mort
De qui portes-tu le deuil, Terre,
Grosse de tant de cadavres
Que leur innocence a trompé
Mais dont l'âme flotte
En nos rêves
Nous ne pourrons jamais plus vivre
À marcher sur vos jeunes os
À piétiner votre colère
Nous ne pourrons jamais plus rire
Comme il faudrait de bas en haut
La glotte folle,
Avec cet ogre en nos poitrines
Qui nous ronge nous fend la peau
Allez
Car nous serons bientôt ensemble
Dans la bohème du caniveau
Nous fuirons en faisant la planche
Vers d'autres rêves d'autres feux
Autour desquels perdre nos rimes
Qui ne sont plus d'amour
Ni d'aise
Il est fondu, notre métal
Nous nous retrouverons bientôt.
***
Ces envies de vivre qui me prennent
Et cette panique, cette supplication
Cette peur de mourir
Alors que je n’ai pas encore vécu
Et que dans ces moments
J’ai ma vie sur ma langue
Il me semble que ça va être possible, enfin
Que je vais y aller d’une grande respiration
Que je vais avaler le soleil et la lune
Et la terre et le ciel et la mer
Et tous les hommes mes amis
Et toutes les femmes mes rêves
D’un seul grand coup
De poitrine éclatée
Quitte à en mourir, oui,
Mais pour de bon
Pas de cette mort ridicule
Déshonorante, inutile,
Qui accuse la parodie
Qui accuse le défaut
De ce qu’on appelle la vie
Sans trop savoir de quoi nous parlons.
On se renseigne auprès des autres
On leur pose des tas de questions
Avec cette hypocrisie de bonne société
On marque des points en silence
Ils souffrent autant que nous, tant mieux
On se dit même
Qu’on est un peu plus vivants qu’eux
O l’horreur
Et la fragilité
De nos amours.
Georges Perros, Poèmes bleus.
Né et mort à Paris, 1923-1978. Commence sa vie d’artiste par le théâtre, à la Comédie-Française, puis dans la troupe de Jean Vilar, où il se lie d'amitié avec Gérard Philipe. Prend un jour la moto que lui a offerte Jeanne Moreau et part s’installer à Douarnenez. Là, en Bretagne, il continue à travailler pour Vilar et le TNP, comme lecteur, et écrit Les Papiers collés, Les Poèmes bleus, et Une vie ordinaire.
Dans ce petit bistro tout seul
Dans l’éternité de l’espace
Une clochette à l’entrée
Trois marches pour dégringoler
Dans l’ombre des choses humbles...
....
De cet ivrogne dans l'azur
Qui fait mûrir
Qui fait pourrir
Qui dit le sec et le mouillé
Sur nos fronts partitions striés
Sans la moindre musique à l'intérieur
Rengaine où sanglote la source
Barques sur le dos
Ô nos révoltes grains de sable
Poussière dans le vent fané
Qui nous redira folle course
La joie farouche
Des chevaux du langage
Quand tout était encore tremblant
D'avoir liberté de mourir
Quand tout faisait encore semblant
De l'oublier dans un sourire
Les temps sont venus de la mort
De qui portes-tu le deuil, Terre,
Grosse de tant de cadavres
Que leur innocence a trompé
Mais dont l'âme flotte
En nos rêves
Nous ne pourrons jamais plus vivre
À marcher sur vos jeunes os
À piétiner votre colère
Nous ne pourrons jamais plus rire
Comme il faudrait de bas en haut
La glotte folle,
Avec cet ogre en nos poitrines
Qui nous ronge nous fend la peau
Allez
Car nous serons bientôt ensemble
Dans la bohème du caniveau
Nous fuirons en faisant la planche
Vers d'autres rêves d'autres feux
Autour desquels perdre nos rimes
Qui ne sont plus d'amour
Ni d'aise
Il est fondu, notre métal
Nous nous retrouverons bientôt.
***
Ces envies de vivre qui me prennent
Et cette panique, cette supplication
Cette peur de mourir
Alors que je n’ai pas encore vécu
Et que dans ces moments
J’ai ma vie sur ma langue
Il me semble que ça va être possible, enfin
Que je vais y aller d’une grande respiration
Que je vais avaler le soleil et la lune
Et la terre et le ciel et la mer
Et tous les hommes mes amis
Et toutes les femmes mes rêves
D’un seul grand coup
De poitrine éclatée
Quitte à en mourir, oui,
Mais pour de bon
Pas de cette mort ridicule
Déshonorante, inutile,
Qui accuse la parodie
Qui accuse le défaut
De ce qu’on appelle la vie
Sans trop savoir de quoi nous parlons.
On se renseigne auprès des autres
On leur pose des tas de questions
Avec cette hypocrisie de bonne société
On marque des points en silence
Ils souffrent autant que nous, tant mieux
On se dit même
Qu’on est un peu plus vivants qu’eux
O l’horreur
Et la fragilité
De nos amours.
Georges Perros, Poèmes bleus.
Né et mort à Paris, 1923-1978. Commence sa vie d’artiste par le théâtre, à la Comédie-Française, puis dans la troupe de Jean Vilar, où il se lie d'amitié avec Gérard Philipe. Prend un jour la moto que lui a offerte Jeanne Moreau et part s’installer à Douarnenez. Là, en Bretagne, il continue à travailler pour Vilar et le TNP, comme lecteur, et écrit Les Papiers collés, Les Poèmes bleus, et Une vie ordinaire.
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Re: En poésie, la parole est libre
Panoramiques internes
Le mont ventriloque émet des borborygmes
Qui sont pareils aux bruits d’un vieux bidet qu’on vide
Lourds lascifs des lacs de sang s’enlacent
Au pied de cratères vastes s’entassent
Des diamants que l’éruption dégueule
Viscères de soufre saillies d’entrailles
Les jets jaillissent en vrac frappent les rocs
Et dévalent en trombes qui tonnent crescendo
La lave avale des voûtes d’argile
Broie des magmas de marbre
Dresse des arches de basalte
Horizons calcinés ténèbres
Fourbus cèdres morts
Les flamboyants ont des contorsions blanches
Les sillons creusés comme des rides s’irriguent de coulées noires
La terre a ses règles
****
Le ciel est noir et c’est le jour.
Plaines de lave nuées ardentes sources chaudes
La terre enfle et se gonfle
dans un vacarme de hurlements qui la déchire l’éventre
et la fait éclater en morceaux
Sol blanc tourmenté cheminées ombres eaux souterraines
poches de magma visqueux où
se figent en masses noires des arches gigantesques au milieu
de collines endormies
Vallées profondes grottes tunnels poussière cendres petites pierres blocs énormes forment des panaches monstrueux qui s’élèvent au-dessus de
fontaines de lave en fusion de lacs de sources chaudes de cuvette de boue de glace de peau
de lait où clapote un magma qui s’écoule en exhalant des vapeurs d’acide
Neige de cendres gaz brûlants cônes cratères volcan gris
Le ciel est noir et c’est le jour.
***
Les nuages les nuages les nuages
je monte
par-delà
les nuages les nuages
mon amour ma vie !
Les nuages
Oh là-haut
les nuages
découpent dans le ciel
des dentelles de tendresse des liserons de
bonheur
Oh les nuages
là-bas
pétrissent la glaise
des ventres creux !
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Darwich/Celan
Il y a une noce
Il y a une noce à deux maisons de la nôtre,
ne fermez pas les portes…
ne nous interdisez pas ce besoin
incongru de joie
Le printemps ne se sent pas obligé
de pleurer chaque fois qu’une rose se fane.
Et quand, malade, le rossignol devient muet,
il cède au canari
sa part de chant et quand une étoile tombe,
aucun mal n’atteint le ciel…
il y a une noce,
ne fermez pas la porte au nez de cet air
chargé de gingembre et des prunes
de la mariée
qui mûrit maintenant.
(Elle pleure et rit comme l’eau.
Pas de blessure dans l’eau. Pas de trace
d’un sang répandu dans la nuit.)
L’on dit : L’amour est fort comme la mort !
Je dis : Mais notre appétit de vie est plus fort
que l’amour et la mort,
même si nous ne pouvons le prouver.
Mettons un terme à nos rites funéraires
pour nous associer
au chant de nos voisins,
la vie est évidente… et réelle comme la poussière !
Mahmoud Darwich, Comme des fleurs d’amandier ou plus loin (2005)
Traduit de l’arabe (Palestine) par Elias Sanbar, Actes Sud, 2007.
Corona
L’automne me mange sa feuille dans la main : nous sommes amis.
Nous délivrons le temps de l’écale des noix et lui apprenons à marcher :
le temps retourne dans l’écale.
Dans le miroir c’est dimanche,
dans le rêve on est endormi,
la bouche parle sans mentir.
Mon regard descend vers le sexe de l’aimée :
nous nous regardons,
nous nous disons de l’obscur,
nous nous aimons comme pavot et mémoire,
nous dormons comme un vin dans les coquillages,
comme la mer dans le rai de sang jailli de la lune.
Nous nous tenons enlacés dans la fenêtre, ils nous dévisagent depuis la rue :
il est temps que l’on sache !
Il est temps que la pierre se résolve enfin à fleurir,
qu’à l’incessante absence de repos batte un cœur.
Il est temps que le temps advienne.
Il est temps.
Paul Celan, Pavot et mémoire (1952), in Choix de poèmes réunis par l’auteur, nrf, Poésie/Gallimard, 1998. Traduction et présentation de Jean-Pierre Lefebvre.
Il y a une noce à deux maisons de la nôtre,
ne fermez pas les portes…
ne nous interdisez pas ce besoin
incongru de joie
Le printemps ne se sent pas obligé
de pleurer chaque fois qu’une rose se fane.
Et quand, malade, le rossignol devient muet,
il cède au canari
sa part de chant et quand une étoile tombe,
aucun mal n’atteint le ciel…
il y a une noce,
ne fermez pas la porte au nez de cet air
chargé de gingembre et des prunes
de la mariée
qui mûrit maintenant.
(Elle pleure et rit comme l’eau.
Pas de blessure dans l’eau. Pas de trace
d’un sang répandu dans la nuit.)
L’on dit : L’amour est fort comme la mort !
Je dis : Mais notre appétit de vie est plus fort
que l’amour et la mort,
même si nous ne pouvons le prouver.
Mettons un terme à nos rites funéraires
pour nous associer
au chant de nos voisins,
la vie est évidente… et réelle comme la poussière !
Mahmoud Darwich, Comme des fleurs d’amandier ou plus loin (2005)
Traduit de l’arabe (Palestine) par Elias Sanbar, Actes Sud, 2007.
Corona
L’automne me mange sa feuille dans la main : nous sommes amis.
Nous délivrons le temps de l’écale des noix et lui apprenons à marcher :
le temps retourne dans l’écale.
Dans le miroir c’est dimanche,
dans le rêve on est endormi,
la bouche parle sans mentir.
Mon regard descend vers le sexe de l’aimée :
nous nous regardons,
nous nous disons de l’obscur,
nous nous aimons comme pavot et mémoire,
nous dormons comme un vin dans les coquillages,
comme la mer dans le rai de sang jailli de la lune.
Nous nous tenons enlacés dans la fenêtre, ils nous dévisagent depuis la rue :
il est temps que l’on sache !
Il est temps que la pierre se résolve enfin à fleurir,
qu’à l’incessante absence de repos batte un cœur.
Il est temps que le temps advienne.
Il est temps.
Paul Celan, Pavot et mémoire (1952), in Choix de poèmes réunis par l’auteur, nrf, Poésie/Gallimard, 1998. Traduction et présentation de Jean-Pierre Lefebvre.
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Roseau- Messages : 17750
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