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La politique de LO/CGT à PSA Aulnay

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La politique de LO/CGT à PSA Aulnay - Page 5 Empty Re: La politique de LO/CGT à PSA Aulnay

Message  toma95 Mer 14 Nov - 19:56

verié2 a écrit:Il y a tout de même un point très important, que souligne Barber, bien que sa critique de la politique de LO soit excessive à mon avis. C'est que de nombreux militants et travailleurs suivent avec attention l'affaire de PSA Aulnay;

Ah oui, et ils le font très bien. D'ailleurs, il mène aussi la lutte à Aulnay, bien localement sur le site, tellement que j'ai l’impression que ce n'est pas flatteur et contredit l'idée de convergence de lutte !

verié2 a écrit:La bagarre contre la fermeture de ce site a pris un caractère emblématique et, d'ailleurs, les patrons le savent, c'est pourquoi ils tiennent à régler ça sans bavure, dans le climat le plus serein possible.

Ah oui ils le savent les exploiteurs qu'ils n'ont rien à craindre de cette faussement dangereuse "bagarre contre la fermeture de ce site". Voilà l'arme qui tue le mouvement, celui de la division. Ça bombe même pas le torse et croit que ça fait peur, quelle cocasserie.

"La bagarre contre la fermeture de ce site" est une revendication qui à mon sens, prend une tournure réactionnaire, opportuniste, et par conséquent sinistre pour la lutte de classe.
Et ne flatte pas ceux qui s'en revendiquent, et démontrent leur incohérence.
Ça participe de l'ambiance générale ?

verié2 a écrit:Comment des travailleurs d'une boîte de dimensions moyennes, quelques centaines de personnes, pourraient-ils espérer faire reculer leur patron si les milliers de salariés de PSA n'en sont pas capables et si, dès le départ, leurs dirigeants censés être les plus "radicaux" présentent la négociation d'un plan social comme un recul de la direction ?

Est ce un aveu ?

verié2 a écrit: Alors, bien sûr, LO n'est pas responsable si les travailleurs de PSA Aulnay ne se mobilisent pas

Ah ... Quand le besoin de se justifier persiste, l'évidence ne se questionne plus !

verié2 a écrit:met en avant dans les interventions grand public la nécessité d'une extension et d'une convergence des luttes,

Le dire un peu ou le faire beaucoup, telle est la question ?


verié2 a écrit:jamais il ne lance d'appel aux travailleurs des autres boîtes qui licencient. (Il le réserve pour la fête de LO)

Calomnie, traitrise ?
Oui mais non car il l'a déjà dit, un peu, du bout des lèvres ... Mais le temps manque vous comprenez, il n'est pas souvent et assez médiatisé tu comprends, les journaleux n'ont pas le moral, ne sont pas mobilisés ...

verié2 a écrit: (Il le réserve pour la fête de LO)
Encore de la querelle de chapelle, teinté de mépris pour JP Mercier. Ca c'est pas l'insulter peut être ? Ou alors poliment hein ...

Ca les fait chier les NPA et autres eg que LO depuis tant d'années, maintient ses positions fermement, ne s'associe pas n'importe comment et avec n'importe qui sur n'importe quelle revendication, et anime une grande fête tous les ans réussies, qui participe là CLAIREMENT et EFFICACEMENT de la convergence.

verié2 a écrit: Dénoncer les milliards empochés par la famille Peugeot, certes, mais ça ne distingue pas les militants révolutionnaires des autres syndicalistes. Même Montebourg dénonçait cela avant de s'être fait taper sur les doigts.

Ca se fait pas de dire ça, LO n'est pas du coté de Montebourg ! C'est traiter LO, en plus poliment !

Au fait, ou sont les messages que vous avez censurés, est ce légitime que je demande poliment de les récupérer ?
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Message  verié2 Jeu 15 Nov - 10:33

Dernier article de LO sur PSA Aulnay :

Lutte ouvrière
PSA -- Aulnay-sous-Bois : alors que des négociations se déroulent, les travailleurs maintiennent la pression

Face à la mobilisation des travailleurs, la direction de PSA a été obligée d'ouvrir des négociations dont la première réunion a eu lieu mercredi 7 novembre.

La fermeture de l'usine est inacceptable et PSA aurait largement les moyens de payer pour maintenir tous les emplois. Il n'est donc pas question que les travailleurs acceptent les conditions de la direction. Durant plusieurs jours, les travailleurs d'Aulnay ont fait circuler des feuilles de revendications visant à assurer à tous un emploi. Ils se sont réunis par petits groupes pour rassembler ces revendications et être sûrs de n'oublier personne, puis ont tenu à faire voter ces revendications en assemblée générale, afin de s'assurer que les syndicats en discuteraient lors des réunions.

Mardi 6 novembre, deux assemblées générales (une dans chaque équipe) ont réuni entre 200 et 250 travailleurs qui ont voté ces revendications. Ils ont aussi élu des salariés non syndiqués pour aller assister aux différentes réunions avec la direction et être des sortes de « contrôleurs » pour le compte de leurs camarades de l'usine.

Étrange « dialogue social »

À la première réunion, tout le monde a pu faire l'expérience de ce que PSA appelle un « dialogue social exemplaire ». La direction a par exemple refusé de répondre à la simple question de savoir quand elle prévoyait le passage de deux équipes à une seule équipe. Elle a fini par dire avec cynisme qu'elle préviendra deux mois avant !

La première revendication reste le retrait du PSE, le soi-disant « plan de sauvegarde de l'emploi », et le maintien de la fabrication de la C3 jusqu'au bout, soit au moins 2016, ce qui serait de fait la garantie que la direction reclasse effectivement chacun des travailleurs de cette usine. Les travailleurs exigent tout d'abord d'obtenir le départ à 55 ans et la possibilité pour ceux qui ont entre 50 et 55 ans aujourd'hui de rentrer dans ce dispositif au fur et à mesure, si le patron ne leur trouve pas un CDI aux conditions acceptables. La direction, elle, envisage de ne discuter que des travailleurs de 59 ans.

Quant aux autres revendications, les travailleurs veulent obtenir un CDI à des conditions acceptables pour tous. En effet il est hors de question de se laisser piéger par les propositions de reclassements bidon, les stages formations sans avenir et autres voies vers la précarité. C'est le patron qui veut fermer l'usine, c'est à lui de trouver un emploi à tous les ouvriers. Quant à ceux qui iraient travailler dans les autres usines du groupe, c'est à la direction de leur trouver un logement et d'assurer une prime de déménagement. Enfin, pour ceux qui quitteraient le groupe, les travailleurs exigent une prime de départ de 130 000 euros.

De son côté la direction, qui a prévu une première réunion de négociation le 15 novembre, espère en avoir fini avec ces réunions dès décembre, en ayant obtenu la signature de syndicats et en cédant le minimum.

L'État prêt à aider... le patron

Jeudi 8 novembre avait lieu une réunion tripartite avec le préfet de région, les élus locaux de la Seine-Saint-Denis, la direction de PSA et les syndicats. Le préfet d'Île-de-France l'a ouverte en répétant toujours les mêmes mensonges, disant que l'État ne peut pas intervenir, ayant le culot d'affirmer que le gouvernement ne dépenserait pas d'argent pour le plan de licenciements de PSA. Mais garantir d'une façon ou d'une autre les emplois, ce n'est pas le souci du gouvernement, qui préfère aider les profits du patron en garantissant sa banque, PSA finance, pour des prêts à hauteur de sept milliards.

Le président socialiste de la région, Jean-Paul Huchon, a proposé de l'argent pour aider les entreprises qui viendraient s'installer sur le site de PSA Aulnay. Le président du conseil général du département a tenu le même genre de discours. À l'image de ce que font leurs copains du gouvernement, ces gens-là ne connaissent pas d'autre recette que d'arroser les patrons. Ce n'est pas sur eux que les travailleurs pourront compter pour s'opposer à ceux qui veulent les licencier.

Ceux qui ont participé à cette réunion ont parfaitement compris cette complicité avérée entre PSA et le gouvernement. Ils ont pu vérifier aussi les mensonges du représentant de PSA, Denis Martin, qui peut tranquillement expliquer que PSA perd de l'argent sur chaque C3 vendue. Ce qui est quand même dommage pour ces capitalistes, s'agissant juste de la voiture la plus vendue du groupe. « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose » !

Tout cela montre la nécessité de maintenir la mobilisation. Les patrons sont experts pour organiser des réunions à n'en plus finir qui n'aboutissent à rien du point de vue des travailleurs. Si ceux-ci ne se font pas craindre du patron, il ne sortira rien de ces négociations, car ce n'est pas autour de la table que peut se jouer le rapport de force, mais dans l'usine et dans la rue.

Depuis plus d'un an, la mobilisation des travailleurs de PSA a pu déjouer les sales coups du patron et les opérations de division. Chaque fois, les travailleurs de l'usine d'Aulnay ont montré leur détermination, même si les nerfs sont mis à rude épreuve. Ils ont la force de faire reculer le patron.
D'abord, une fois de plus, LO présente l'ouverture des négociations comme un recul de la direction. Or les négociations en l'absence de mobilisation significative, c'est le terrain des patrons et du gouvernement. Ils ne demandent pas mieux que de discutailler pendant des heures autour d'une table, même s'ils peuvent parfois faire semblant du contraire. D'ailleurs, paradoxalement, LO le souligne à la fin de son article. Bonjour les contradictions.

Ensuite, de façon emberlificotée, cet article confirme que les revendications de non fermeture du site, de partage du travail entre tous ont été abandonnées au profit de la revendication de "garantir" un emploi... de reclassement pour chaque travailleur pris individuellement. Alors que nous savons qu'il ne peut exister aucune garantie en la matière et que, dans tous les autres cas, une grande partie de ceux qui ont été virés n'ont pas pu se recaser.

L'intersyndicale, dont la CGT, a transmis les revendications adoptées par les travailleurs : reclassements, indemnités, primes de déménagement etc. C'est tout à fait juste, mais ça ne devrait pas empêcher pour autant le syndicat - et LO - de continuer à défendre un point de vue autonome, même minoritaire conforme aux intérêts de classe des travailleurs.
___
A Thoma95
Certaines de tes interventions sont franchement incompréhensibles et bourrées de contradictions. Par exemple :
LO n'est pas du coté de Montebourg !
Où as-tu vu que j'aurais dit que LO serait du côté de Montebourg ? Shocked
J'ai écrit que dénoncer les milliards empochés par la famille Peugeot, même Montebourg l'avait fait avant de se faire taper sur les doigts. Cette dénonciation - légitime - n'est pas suffisante, voilà en gros ce que j'ai écrit.

Donc, si tu souhaites qu'on discute avec toi, fais l'effort de lire attentivement ce qui est écrit et de ne pas tout déformer...

verié2

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Message  toma95 Jeu 15 Nov - 18:29

verié2 a écrit: Certaines de tes interventions sont franchement incompréhensibles et bourrées de contradictions. Par exemple :
LO n'est pas du coté de Montebourg !
Où as-tu vu que j'aurais dit que LO serait du côté de Montebourg ? Shocked
J'ai écrit que dénoncer les milliards empochés par la famille Peugeot, même Montebourg l'avait fait avant de se faire taper sur les doigts. Cette dénonciation - légitime - n'est pas suffisante, voilà en gros ce que j'ai écrit.

Donc, si tu souhaites qu'on discute avec toi, fais l'effort de lire attentivement ce qui est écrit et de ne pas tout déformer...

Merci de me reprendre, tu as bien raison; En effet tu ne disais pas que lo est du coté de montbourg. L'erreur est humaine, j'ai été faible.
De là à dire que je déforme tout, je trouve que tu pousses le bouchon un peu trop loin.
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Message  octobrenoir Ven 8 Fév - 15:40

Voyez vous un intérêt a reprendre cette discussion vu le déroulement du conflit à Aulnay.
Il est bien évident que si celle ci ne se trouve réduite qu' a un verbiage intra-groupuscule et polémiste elle est inutile. Moi cela me paraissait tres interressant d'examiner la situation, puisque pour une fois on y voit des camarades (oui les gens de LO sont mes camarades !) se coltiner avec la réalité réelle si j'ose, les discours et les analyses historico-matérialiste sont une chose, la lutte de classe une autre...

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Message  Vals Ven 8 Fév - 15:47

octobrenoir a écrit:Voyez vous un intérêt a reprendre cette discussion vu le déroulement du conflit à Aulnay.
Il est bien évident que si celle ci ne se trouve réduite qu' a un verbiage intra-groupuscule et polémiste elle est inutile. Moi cela me paraissait tres interressant d'examiner la situation, puisque pour une fois on y voit des camarades (oui les gens de LO sont mes camarades !) se coltiner avec la réalité réelle si j'ose, les discours et les analyses historico-matérialiste sont une chose, la lutte de classe une autre...

Il est effectivement intéressant de constater que les clameurs se sont tues depuis que les travailleurs d'Aulnay sont entrés véritablement dans l'action et la grève.
Il suffit de reprendre ce fil un peu plus haut pour voir à quel point on peut polémiquer dans le vide sur des virgules ou pôints-virgule quand il s'agit de faire porter à un groupe militant, la responsabilité d'un retard à l'allumage.
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Message  verié2 Ven 8 Fév - 15:48

octobrenoir a écrit:Voyez vous un intérêt a reprendre cette discussion vu le déroulement du conflit à Aulnay.
Il est bien évident que si celle ci ne se trouve réduite qu' a un verbiage intra-groupuscule et polémiste elle est inutile. Moi cela me paraissait tres interressant d'examiner la situation, puisque pour une fois on y voit des camarades (oui les gens de LO sont mes camarades !) se coltiner avec la réalité réelle si j'ose, les discours et les analyses historico-matérialiste sont une chose, la lutte de classe une autre...
Pour le moment, il me semble que l'heure est au soutien de la lutte des PSA et à tout faire pour favoriser une convergence de cette bagarre avec celles des autres entreprises qui licencient et/ou ferment. Cette convergence a commencé, à un petit niveau certes, avec les rencontres à Cléon, le meeting d'Aulnay samedi dernier.

La situation des grèvistes de PSA est difficile dans la mesure où ils doivent à la fois faire face dans l'usine à l'armée de cadres et chefs envoyés contre eux par le patron et sortir de l'usine pour s'adresser aux autres travailleurs. Il semble que les camarades de LO font ce qu'ils peuvent en ce moment pour favoriser cette jonction des luttes. Donc on ne va pas disserter sur telle ou telle phrase, comme on peut le faire en période de calme. Ensuite, nous pourrons faire le bilan.

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Message  octobrenoir Ven 8 Fév - 16:18

Il ne s'agissait pas pour moi de faire une critique de Lo mais de donner des éléments concrets aux camarades qui n'ayant pas l'occasion d’être sur place n'en disposait pas par exemple sur la sociologie des ouvriers de PSA, sur l'histoire du site d'aulnay, sur la presence de la gauche de seine sint denis dans cette merde, sur le discours productivitse de la CGT, sur cette apologie de la légalité (on est pas des casseurs, on est pas des voyous quelle horreur !) etc etc....

Mais je n'en fais pas un caprice et il est vrai que le plus important c'est d’être nombreux mardi 12 !

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Message  verié2 Ven 8 Fév - 16:35

Octobre noir
le discours productivitse de la CGT, sur cette apologie de la légalité (on est pas des casseurs, on est pas des voyous quelle horreur !) etc etc....
-Le discours productiviste de la CGT, y compris de celle de PSA Aulnay, tombe évidemment à plat dans une période de crise. Il n'arme pas idéologiquement les travailleurs en laissant croire qu'une autre politique serait possible en produisant et vendant toujours plus de voitures si les travailleurs étaient mieux payés etc. Les travailleurs de PSA, comme ceux de Goodyear et de nombreuses boîtes ont le dos au mur, il n'y a pas de "solution industrielle" dans les attaché-case de leurs patrons. Il faut le dire franchement en revendiquant le partage du temps de travail entre tous sans diminution de salaire.

Cela-dit, si la grève reste minoritaire avec environ 500/600 grèvistes + ceux qui se mettent en arrêt maladie, et si nombre de grèvistes se replient sur des objectifs d'indemnités et de reclassement, je ne crois pas que ce soit en raison du discours parfois équivoque, mais combatif, de la CGT. Ce qui pourrait regonfler les hésitants, c'est la perspective de victoire que seules une extension et une convergence des luttes permettraient d'espérer, et qui font très peur aux patrons.

-Le discours "nous ne sommes pas des voyous" qui, dans une certaine mesure, représente une allégeance à la légalité bourgeoise, n'a évidemment aucune efficacité. Il n'empêchera pas le gouvernement de faire matraquer voire arrêter et poursuivre en justice les ouvriers. On peut toutefois supposer qu'il correspond au ressenti de nombre de travailleurs qui ne s'attendaient pas à ce qu'on les traite de cette façon...

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Message  octobrenoir Ven 8 Fév - 20:23

Je ne suis pas d'accord avec toi Verie sur le ressenti des "travailleurs" face à la légalité dois je te rappeler que nous sommes dans le 93 que la cité des 3000 (la rose des vents) se trouve a quelques centaines de metres, , qu'il y a quelque temps a Bobigny défilaient des centaines de flics avec armes et uniformes pour le droit de tirer sans sommations alors tu sais la légalité ce n'est vraiment qu'une perception de chacun et chacune. Il me semble que la conscience se forme dans la lutte, et que dans les discussions que j'ai pu avoir avec les grevistes la tendance prend le pognon et tire toi a bonne presse, mais si cela doit se terminer comme ça il veule le faire avec du swagg...

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Message  Vals Sam 9 Fév - 0:20

-Le discours "nous ne sommes pas des voyous" qui, dans une certaine mesure, représente une allégeance à la légalité bourgeoise,

Triste et minable dérive gauchisante hors du temps.....
Non, la bourgeoisie et ses profits éhontés, ses medias à la botte, ses flics, ses jaunes, ses vigiles, c'est ça les voyous...et les travailleurs qui luttent avec les moyens de la lutte des classes ne sont pas des voyous et ne doivent pas se laisser confondre avec les escrocs, les menteurs, les pillards, les maitre chanteurs ...du patronnat et leurs seïdes .....
Non , les travailleurs , ce ne sont pas eux les voyous, et c'est bien de le répéter, n'en déplaise aux affidés du lumpen....
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Message  verié2 Sam 9 Fév - 10:15

Vals a écrit:
-Le discours "nous ne sommes pas des voyous" qui, dans une certaine mesure, représente une allégeance à la légalité bourgeoise,

Triste et minable dérive gauchisante hors du temps.....
Non, la bourgeoisie et ses profits éhontés, ses medias à la botte, ses flics, ses jaunes, ses vigiles, c'est ça les voyous...et les travailleurs qui luttent avec les moyens de la lutte des classes ne sont pas des voyous et ne doivent pas se laisser confondre avec les escrocs, les menteurs, les pillards, les maitre chanteurs ...du patronnat et leurs seïdes .....
Non , les travailleurs , ce ne sont pas eux les voyous, et c'est bien de le répéter, n'en déplaise aux affidés du lumpen....
Les vrais gangsters, dans cette société, ce sont les capitalistes, c'est clair. Personne ne confond les travailleurs avec les gangsters patronaux, ta remarque est complètement absurde. Quant à protester de notre "innocence" de notre "honnêteté" par rapport à la prétendue culpabilité d'une frange de notre classe, les jeunes pauvres que tu catalogues comme "lumpen", c'est tout aussi absurde.

Oui, c'est bien une forme d'allégeance maladroite à la légalité et la morale bourgeoise.
Car, si nous ne préconisons pas le pillage comme forme de lutte sociale, nous comprenons ceux de notre classe qui manifestent ainsi leur révolte. Par exemple, en Argentine, récemment, 500 grandes surfaces ont été pillées. Tout en rappelant qu'ils défendent les formes de luttes traditionnelles de la classe ouvrière, les camarades du PST et du PO n'ont pas condamné ces actes, contrairement au gouvernement "de gauche" qui les a présentés comme des actes de voyous. Ils ont dit : "Les vrais pillards, ce sont les capitalistes". Mais ils n'ont pas cogné contre une partie de leur classe.

D'une manière générale, nous ne reconnaissons pas aux gangsters que sont les patrons et leurs politiciens le droit moral de juger et condamner les pauvres qui se laissent aller à des actes de récupération sociale, même si nous ne préconisons pas ces derniers. Nous n'avons donc pas à nous justifier de notre "honneteté", de notre respect de la légalité etc en disant "nous ne sommes pas des voyous mais de braves travailleurs". Ce n'est pas notre terrain de classe. Pour les bourgeois, il n'y a pas de différence entre un voyou et un ouvrier qui relève la tête en s'en prenant aux biens de son patron. Ils préfèrent même, et de loin, ceux qui se contentent de la récupération individuelle.

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Message  octobrenoir Sam 9 Fév - 15:31

Non , les travailleurs , ce ne sont pas eux les voyous, et c'est bien de le répéter, n'en déplaise aux affidés du lumpen....


C'est tres meprisant. Pour écrire cela tu n'as jamais du crever de faim, connaitre de près ou de loin l’incarcération, et la justice de classe dans son impitoyable rigueur. C'est justement le jour ou les ouvriers revendiqueront leur solidarité avec tout les opprimés, et ne se distingueront pas de leurs frères de classe que la bourgeoisie prendra peur. Moi je n'ai pas de morale mais une ethique, je suis un proletaire qui a refusé le travail, fils d'ouvrier immigré et je suis fier d'etre un voyou dans cette société là.
Mais je note que ton avatar mais en exergue la porte parole d'une organisation qui a severement jugé les emeutes de 2005, pauvres trotskystes vous ne comprendrez jamais rien. Pauvres petits profs de LO vous devez vous faire mechamment bordelisé vos cours...
Bon je préfère parle concretement de la lutte de PSA si cela n'est pas possible sur ce topic j'arrete

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Message  Roseau Sam 9 Fév - 15:48

octobrenoir a écrit: Bon je préfère parle concretement de la lutte de PSA si cela n'est pas possible sur ce topic j'arrete
Si, c'est possible, et c'est plus cool sur le fil Automobile,
qui ne polarise pas sur les limites de LO...
A part cela, bienvenu sur le FMR!
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Message  octobrenoir Sam 9 Fév - 16:34

Alors en route et merci de ton accueil...

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Message  Vals Sam 9 Fév - 17:43

octobrenoir a écrit:
Non , les travailleurs , ce ne sont pas eux les voyous, et c'est bien de le répéter, n'en déplaise aux affidés du lumpen....


C'est tres meprisant. Pour écrire cela tu n'as jamais du crever de faim, connaitre de près ou de loin l’incarcération, et la justice de classe dans son impitoyable rigueur. C'est justement le jour ou les ouvriers revendiqueront leur solidarité avec tout les opprimés, et ne se distingueront pas de leurs frères de classe que la bourgeoisie prendra peur. Moi je n'ai pas de morale mais une ethique, je suis un proletaire qui a refusé le travail, fils d'ouvrier immigré et je suis fier d'etre un voyou dans cette société là.
Mais je note que ton avatar mais en exergue la porte parole d'une organisation qui a severement jugé les emeutes de 2005, pauvres trotskystes vous ne comprendrez jamais rien. Pauvres petits profs de LO vous devez vous faire mechamment bordelisé vos cours...
Bon je préfère parle concretement de la lutte de PSA si cela n'est pas possible sur ce topic j'arrete

Que tu aies refusé le travail, c'est ton affaire et je m'en tape.
Par contre, je ne suis pas prof mais je comprends ton mépris des "petits profs" qui, eux, n'ont pas les moyens, comme toi, de vivre sans rien foutre....
"Fier d'être un voyou " ? pourquoi pas, y'en a bien qui sont fiers d'être des exploiteurs et des parasites .

Pour le reste, eh bien, non, les travailleurs en lutte de PSA ne veulent pas, eux, passer pour des voyous et répondent aux campagnes de calomnies des medias bourgeois, des patrons et du gouvernement !!!!

C'est les patrons qui sont des voyous, pas les travailleurs qui défendent leur peau...!

Quand au lumpen,il y a plus de chance de le retrouver chez les vigiles et hommes de main du patronat que du côté des travailleurs en lutte....



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Message  verié2 Sam 9 Fév - 18:01

Vals
les travailleurs en lutte de PSA ne veulent pas, eux, passer pour des voyous et répondent aux campagnes de calomnies des medias bourgeois, des patrons et du gouvernement !!!!
Il est tout à fait légitime de répondre à ces calomnies : les voyous, ce sont les patrons qui licencient. Pas le moindre désaccord là-dessus. Mais inutile de la jouer honnête citoyen en opposant les travailleurs aux prétendus lumpen. D'autant qu'un bon nombre de travailleurs risquent fort dans les années à venir d'être rejetés dans ce que tu appelles "lumpen". Dans certains pays, les classes populaires qui vivent d'expédients, de petits boulots etc représentent une proportion considérable de la population et sont souvent plus nombreuses que les salariés fixes à statut...

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Message  Vals Sam 9 Fév - 18:12

C'est toi Vérié, qui as écrit ça en ouvranbt une polémique stérile :

-Le discours "nous ne sommes pas des voyous" qui, dans une certaine mesure, représente une allégeance à la légalité bourgeoise, n'a évidemment aucune efficacité. Il n'empêchera pas le gouvernement de faire matraquer voire arrêter et poursuivre en justice les ouvriers. On peut toutefois supposer qu'il correspond au ressenti de nombre de travailleurs qui ne s'attendaient pas à ce qu'on les traite de cette façon...

d'autant plus stérile que quelques messages plus loin, du dis ça :



Il est tout à fait légitime de répondre à ces calomnies : les voyous, ce sont les patrons qui licencient. Pas le moindre désaccord là-dessus.

Quant à tes leçons sur la précarisation voire la marginalisation des travailleurs par le chômage dans lequel les fait crever le capitalisme, je t'en remercie, mais tu pourras peut-être imaginer que ce n'est pas une idée qui m'est tout à fait étrangère...
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Message  verié2 Sam 9 Fév - 18:52

Vals
C'est toi Vérié, qui as écrit ça en ouvrant une polémique stérile :

-Le discours "nous ne sommes pas des voyous" qui, dans une certaine mesure, représente une allégeance à la légalité bourgeoise, n'a évidemment aucune efficacité. Il n'empêchera pas le gouvernement de faire matraquer voire arrêter et poursuivre en justice les ouvriers. On peut toutefois supposer qu'il correspond au ressenti de nombre de travailleurs qui ne s'attendaient pas à ce qu'on les traite de cette façon...
Je répondais à une remarque d'Octobre noir.
Le discours "Nous sommes honnêtes" relève tout de même, que tu le veuilles ou non, d'une certaine naïveté. Tout comme "nous sommes compétents, nous faisons les meilleures voitures, les meilleurs pneus, les meilleures casseroles etc". Les patrons n'en ont rien à cirer des compétences et de l'honnêteté des ouvriers, Hollande, Ayrault et Montebourg non plus.

Mais, encore une fois, je peux comprendre que des travailleurs réagissent de cette manière dans la mesure où ils se sont toujours considérés comme de bons citoyens, qui vont au boulot, paient leurs impôts, respectent les lois, pensent que l'Etat et sa police sont au service de tous contre les voyous etc. En revanche, des militants qui n'ont aucune illusion dans le système social et savent au service de qui sont l'appareil d'Etat, la justice, les lois etc ne peuvent raisonner de cette façon.

La vie, les coups de matraque, le chômage se chargeront de les ramener à la réalité.

verié2

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La politique de LO/CGT à PSA Aulnay - Page 5 Empty Re: La politique de LO/CGT à PSA Aulnay

Message  Vals Sam 9 Fév - 19:02

Les patrons n'en ont rien à cirer des compétences et de l'honnêteté des ouvriers, Hollande, Ayrault et Montebourg non plus.


Evidemment, sauf que ce n'est pas à leurs ennemis que s'adressent les travailleurs en lutte et les militants.
C'est à leur camarades, aux autres travailleurs auxquels les manoeuvres patronales, gouvernementales et mediatiques veulent faire croire que les grévistes de PSA sont une minorités de casseurs, de voyous violents, de saboteurs...
En appeler à la solidarité, à l'extension ou aux convergences, ça suppose de ne pas se laisser enfermer dans l'image pourrie, que veulent donner les représentants de la bourgeoisie, des travailleurs en lutte...
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La politique de LO/CGT à PSA Aulnay - Page 5 Empty Re: La politique de LO/CGT à PSA Aulnay

Message  alexi Ven 9 Jan - 22:37


Samedi 21 Septembre 2013
Magazine Marianne


Jeannette Bougrab :
J.B. : Il me surprend, car en France, selon la Halde, précisément, la première cause de discrimination à l'emploi, c'est le fait d'être une femme, puis vient l'âge et seulement en troisième les raisons liées à l'origine. Mais lorsque, dans un local de la CGT de PSA Aulnay, on interdit aux femmes d'entrer, cela me pose un problème !

Je ne connaissais pas cette interview/réflexion de Bougrab.
Cela fait écho à ce que j'ai lu dans le bouquin "L'usine des cadavres" de Silien Larios.

alexi

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La politique de LO/CGT à PSA Aulnay - Page 5 Empty A propos du conflit dans l’automobile: PSA Aulnay

Message  Flore Gambier Dim 19 Juil - 10:13

Un billet de Georges Ubbiali, publié dans le blog  dissidences.hypotheses.org/4623
en 2014.

En sus d’une brochure de Lutte ouvrière, le conflit de l’usine PSA Aulnay a suscité l’édition de trois ouvrages. Chacun de ces trois livres présente un récit du conflit, une construction et un style très différent. Sans prétendre que la polyphonie ainsi produite peut fournir une vision définitive de cette grève de 18 semaines (du 16 janvier au 21 mai 2013), l’un des conflits les plus longs de la métallurgie, il n’en reste pas moins que leur examen comparatif permet de mieux cerner la manière dont un événement social fait l’objet d’une mise en récit.

Commençons par le livre de Ghislaine Tormos, écrit en collaboration avec la journaliste Francine Raymond. Le lecteur ne saura pas la part qu’a prise cette dernière dans l’écriture du livre, même si on peut cependant supposer qu’elle a joué un rôle déterminant, au vu de la construction, du style, des bonnes phrases, ainsi qu’au fait que son nom figure sur la couverture de l’ouvrage. Tout laisse à penser qu’il s’agit donc de ce type d’ouvrages où l’auteur ne justifie sa fonction qu’au titre de « matière première », mise en forme par un(e) professionnel/le de l’écriture. Si la mise en écriture relève donc de l’hétéronomie, l’intérêt du témoignage n’en est pas pour autant absent. En effet, Gigi, comme elle se nomme vite, est une ouvrière, catégorie plutôt peu fréquente dans l’univers automobile, monitrice sur une ligne de montage (responsable de chaîne). Jusqu’au déclenchement du mouvement, elle n’avait jamais participé à la moindre grève, bien qu’étant syndiquée. Oui, mais, Gigi était organisée au SIA (Syndicat indépendant de l’automobile, ex-CFT, ex-CSL, syndicat patronal bien connu). Le moins que l’on puisse dire est donc que, spontanément, elle ne faisait pas partie de celles et ceux qui pouvaient être considérés comme des agitateurs patentés. Pourtant, bien que favorable à la négociation et à la concorde avec le patronat, le SIA ne pouvait guère rester l’arme au pied, au risque de perdre tout crédit, au moment où l’annonce de la fermeture de l’usine était annoncée. Après avoir emboîté le pas aux syndicats contestataires (CGT et Sud), le SIA se rétractera et abandonnera la lutte pour tenter de négocier une « bonne » sortie de conflit et un « bon » plan social. Cependant, une petite partie des troupes du SIA, dont Gigi, poursuivront le mouvement jusqu’à la fin de la grève. Son récit s’avère donc beaucoup plus que l’explication de son parcours de femme seule avec deux enfants qui a l’occasion de refaire sa vie professionnelle après une période de chômage (avec au départ, une formation d’esthéticienne-cosméticienne) dans l’industrie automobile. Il s’agit surtout de la narration d’une radicalisation en acte à partir du moment où son univers professionnel, conquis de haute lutte (elle est la seule femme monitrice de l’usine), s’écroule avec la fermeture programmé du site d’Aulnay. En effet, par petites touches, au fil de son engagement dans le comité de grève, contre l’avis du SIA (dont on apprend dans le livre de Sylvain Pattieu que ses instances nationales ont vertement critiqués la grève), Gigi évoque comment, pour elle, comme pour d’autres, la grève est l’occasion d’en finir avec la peur et la monotonie d’un travail aliénant : « La peur du chef, ça marche encore à l’usine. Dans une entreprise automobile, les ouvriers sont encadrés, surveillés, chaque geste est prévu, minuté, même pour aller aux toilettes » (p. 71). D’ailleurs, Gigi n’aura de cesse tout au long du livre de revenir sur ces femmes, ces travailleurs, âgés ou peu qualifiés qui malgré la fin de l’usine continuent à se soumettre à l’ordre patronal et à exprimer leur peur de s’engager dans les manifestations ou la grève. En ce qui la concerne, comme elle l’exprime : « (…) en vérité, je m’en moque. Je n’ai plus peur » (p. 97). A partir de là, Gigi est de toute les actions, même les plus périlleuses, conduites dans le cadre du mouvement. Elle raconte ainsi, avec un certain humour, comment à la fin d’une opération gratuité à un péage d’autoroute, afin de recueillir des fonds pour les grévistes, dans la plus parfaite illégalité, elle converse avec un capitaine de gendarmerie, qui leur conseille de choisir un autre péage, plus passant et partant, potentiellement plus rentable. Si son livre, très vivant et plaisant à lire se conclut par un appel à la généralisation des luttes, seul moyen selon elle de parvenir à dessiner un avenir positif pour ses enfants, l’analyse politique de cette ouvrière, par ailleurs électrice de Jean-Luc Mélenchon, demeure, sur le fond, assez modérée : « Ma conviction est que si notre pays est bloqué, c’est justement parce que nos dirigeants esquivent et mentent en permanence. Pourquoi est il est si difficile de dire la vérité ? Nous ne sommes pas des demeurés, nous pouvons comprendre si on nous explique des faits sensés » (p. 185-186). Malgré cette limite, reste l’expérience de l’action collective : « Je suis sortie de mon rail tout tracé de bonne ouvrière en prenant le risque de le payer cher. Pourtant, je n’ai aucun regret car dans cette aventure, j’ai rencontré l’amitié et la force d’être ensemble » (p. 189).

Très différent apparaît le second ouvrage, celui écrit par Sylvain Pattieu (historien, romancier, militant du Front de gauche [Ensemble] après avoir été au NPA), qui se range dans la lignée de la littérature engagée telle qu’a pu l’illustrer Frédéric Fajardie avec Métaleurop (Mille et une nuits, 2003)1. L’auteur s’est fait le scribe de la parole ouvrière en recueillant le témoignage d’un certain nombre d’ouvriers (dont Ghislaine Tormos, d’ailleurs), retraçant dans ces tranches de vie leur rapport au travail (première partie), et leur récit de la grève (deuxième partie). Cette parole rapportée est entrecoupée de commentaires du narrateur permettant de contextualiser le propos. C’est ainsi que l’évocation du parcours de ces témoins – sur leur insertion professionnelle (formation initiale, formation continue, reprise d’études), leur statut marital, les ruptures dans le couple, les déménagements, les déplacements dans l’espace professionnel –, donne lieu à des rappels de l’histoire ouvrière. Si l’idée de fournir un peu de recul historique sur les témoignages des interviewés est de bonne facture (ainsi l’évocation des établis par exemple, qui constitue une très sensible approche de ces militants), certaines évocations apparaissent en franc décalage : évocation du 17e régiment d’infanterie de ligne lors de la révolte des vignerons en 1907 ou la période des attentats à la bombe des anarchistes. Dimensions qui ne sont pas fausses, naturellement, mais qui apparaissent un peu plaquées sur un récit qui n’a pas grande chose à voir avec ces hauts faits de la geste ouvrière. Ces témoignages des ouvriers d’Aulnay permettent de découvrir un groupe ouvrier assez éloignés des poncifs sur la classe ouvrière. Christophe évoque ainsi sa passion de la littérature russe classique, tout en reconnaissant qu’il est tenté par le vote FN, Farid rapporte ses voyages à travers l’Amérique du Sud quand il faisait la route, plus jeune, ou encore Ngoc Dai, ancien haut gradé militaire sud-vietnamien, déclassé (il est cariste à PSA Melun), mais dont les enfants sont en ascension sociale (sa fille est avocate et son fils major de Centrale), bref les passions prolétariennes ainsi évoquées apparaissent tout autre que celles entendues habituellement. De même, l’évocation des rapports entre les différentes nationalités laisse transparaître des expériences assez dissemblables et les jugements qui leurs sont afférents entre la supposée soumission des Marocains face à la maîtrise par rapport à la plus grande résistance dont feraient preuve les Algériens (témoignage de Farid, p. 106). Par le biais du film Haya, Sylvain Pattieu évoque également la grande grève des immigrés de 1982. L’évocation de cette grève permet d’ailleurs, au détour du témoignage de Philippe Julien, leader CGT, militant Lutte ouvrière, de mieux saisir la politique d’implantation de ce courant politique dans cette usine. Alors jeune ouvrier, gagné à LO par l’intermédiaire des luttes des lycées techniques quelques années plus tôt, celui-ci ne participe pas, volontairement, à la grève, afin de ne pas gâcher sa récente embauche (« J’ai pas participé à la grève, c’aurait été suicidaire, je suis resté au vert, chez moi » p. 87). La grève de 1982 est pourtant une grève victorieuse. Par contre, Philippe Julien participe à celle de 1984, défaite cette là, mais sous la protection d’un mandat syndical. Comme le dit Gigi, « Il y a un condensé du monde dans des usines comme ça » (p. 209), ce que les propos recueillis par Sylvain Pattieu permettent parfaitement d’illustrer, même si l’on peut regretter certains effets de style gongoristes2 (voir par exemple les paroles proche du haïku de Christophe p. 164 ou celles de Christophe p. 206). La deuxième partie de l’ouvrage porte sur le déroulement de la grève. On peut s’interroger sur le statut littéraire de ces pages. En effet, cette partie se présente comme un journal, quasi quotidien, de la grève, entrecoupé d’extraits d’entretiens. Certes l’auteur y fait montre de ses capacités d’écriture et de sa vaste culture (comme les allusions à Walter Benjamin, p. 210 ou la mobilisation de l’expérience de la Première Guerre mondiale pour manifester la pourriture du mouvement, comme enlisé dans les tranchées), mais l’effet éphéméride domine. Les extraits d’entretiens sont d’ailleurs, globalement, beaucoup plus cursifs que dans la première partie. Il n’empêche, l’auteur livre des informations intéressantes, par exemple sur la sociologie des grévistes (partis à 500 environ, sur un effectif de 3000, ils finissent à moins de 200 quelques semaines plus tard) : « Ceux qui sont dans l’organisation de la grève, c’est beaucoup du ferrage, des ouvriers qualifiés, des gars jeunes, des bacheliers, avec des diplômes, des électrotech, des bacs plus un ou deux. La direction arrive pas à comprendre. Ces gens là, justement, ils sont intelligents, ils réfléchissent, ils pensent par eux-mêmes. Ils défendent leur bifteck. Les autres, ils sont pas autonomes, ils ont été élevés par PSA » (Gigi, de nouveau, p. 269). De la même manière, des aperçus sont fournis sur l’augmentation considérable de l’absentéisme (600 arrêts de maladie sur 3000 salariés), manière pour bon nombre de ne pas choisir leur camp ou encore sur la force de la solidarité, puisque durant le conflit, ce sont plus de 900 000€ qui sont collectés pour la caisse de grève, permettant d’éviter des pertes de salaires importantes (ce qui fait dire à Joël, en un détournement plein d’humour : « Je continue (la grève). Si ça se trouve, si ça continue comme ça, on aura de meilleurs salaires de grève que nos vrais salaires ! », p. 301), ou enfin, sur LO, dont l’auteur, en un involontaire hommage empoisonné, considère que son apport au mouvement ouvrier se manifeste par la compréhension de l’importance des élections. De nombreux autres aspects sont évoqués au fil du propos, ainsi la place de la religion (le choc des camarades et des frères), le rôle très actif de la direction dans la mobilisation anti-gréviste, le désintérêt du Parti socialiste pour ce mouvement qui est venu le brusquer ou encore le rapport à la supposée violence durant le conflit, ce qui fait dire à Rodolphe : « dans le reportage, il dit, on veut faire croire que je suis un voyou, mais les voyous, ils se lèvent pas à cinq heures du matin pour partir travailler, pour gagner 1600 euros par mois » (p. 278).

Reste enfin, l’ouvrage écrit par Silien Larios, pseudonyme d’un ouvrier travaillant à la chaîne à Aulnay, ouvrage sans aucun doute le plus inattendu. Larios n’a pas eu besoin du renfort d’un journaliste pour tenir cette chronique de l’usine, présentée comme un roman sur la couverture du livre. On comprend très vite pourquoi une aide extérieure n’a pas nécessaire. Silien Larios a beau être ouvrier (retoucheur, après avoir connu le statut d’OS durant 7 ans), il n’en fréquente pas moins la Cinémathèque, discute des qualités de Chostakovitch à la pause, apprécie l’écoute de Malher, Bruckner ou Wagner, lit Proust, Balzac, Vassili Grossman, Céline et quelques autres, bref affirme des goûts culturels tout ce qu’il y a de plus légitimes (pour ne pas dire, parfois, légitimistes). Comme l’écrit le sociologue Ivan Sainsaulieu dans sa postface, le cas de Silien Larios illustre parfaitement la rencontre entre ouvriers, militants et intellectuels (s’il ne fut jamais ouvrier, Ivan Sainsaulieu partagea les deux autres qualités avec le narrateur). En effet, Silien Larios fut durant de nombreuses années militant de Lutte ouvrière, dont l’usine PSA d’Aulnay fut un bastion. Son témoignage permet d’approcher les coulisses de la grève, dont il est un actif militant, mais aussi le fonctionnement de LO. En effet, ce militant a fait partie du courant de la Fraction l’étincelle de Lutte ouvrière, petite dissidence interne exclue au moment des élections municipales de 2008 et qui s’est maintenue durant un moment comme fraction publique, éditant un journal (Convergences révolutionnaires), puis a intégré le NPA peu après sa constitution. C’est d’ailleurs ce ralliement au NPA qui semble avoir rompu l’engagement de Silien Larios avec la minorité (qu’il appelle les « petits » dans le livre, les « grands » représentants la majorité de LO). Bien qu’édité par les Éditions libertaires, le propos a peu à voir avec les théories libertaires3, si ce n’est un certain rejet de toutes les organisations, une posture anti-système4, qui l’amène à exprimer sa sympathise pour la figure de Mesrine, « ange exterminateur ». Cette très forte politisation anti-parti confère à ce livre une densité exceptionnelle, car tel du papier de verre passé sur la chair vive, il permet de révéler de très nombreux aspects de la grève que n’abordent pas les autres ouvrages. A cette position singulière qu’occupe le narrateur (un « marginal séquant » dirait-on en termes de sociologie des organisations), s’ajoute un second aspect d’ordre stylistique qui confère une valeur particulière au témoignage. En effet, admirateur de Céline5, Larios essaie, dans son écriture, de s’inspirer de l’oralité propre à l’écriture célinienne. Le résultat n’est certes pas à la hauteur de l’ambition affichée (l’expression itérative de l’amertume place le lecteur face à un aigri bien plus qu’à un génie), mais permet néanmoins, par de multiples notations et passages, d’offrir une dense qualité littéraire au livre. Si l’on excepte la tendance systématique et répétée à succomber au recours aux insultes sexuelles (on ne compte pas « le nombre de pédérastes notoires », p. 117 ; de « je suis pas payé pour faire la pute. Mon métier, c’est ouvrier, pas salope », p. 114, de « jet-set de mes couilles », p. 119 ; « deviennent pédérastes à force de sucer pour avoir des promotions », p. 119, « je bois un café avec Mimoun. Celui-là, ça peut se dire qu’il a des couilles », p. 98, etc.), son propos regorge d’humour et de notations très intéressantes sur le travail. Il y a aussi du Robert Linhart6 chez Silien Larios, qui là aussi confère un intérêt particulier pour son témoignage. Ainsi, dans une posture introspective, évoque-t-il la manière de tuer le temps dans un travail sans grand intérêt, qui l’use quand même 8 h par jour : « Pour éviter l’ennui, y a qu’en faisant travailler ses méninges. Se repasser des films, des bon souvenirs, la femme aimée, les beaux paysages vus pendant les vacances. Dans ces boulot à l’isoloir venait souvent dans mon esprit le début de la Septième symphonie de Malher » (p. 137). Cependant, comme il le reconnaît lui-même, il faut beaucoup de patience au lecteur pour le suivre, car si ses notations sont éclairantes et nombreuses, il écrit au fil de sa plume, fait de nombreux allers et retours au fur et à mesure des ses réminiscences et souvenirs, ce qui en alourdit souvent la lecture. De ce point de vue, le choix de n’évoquer les personnages de son récit que sous des pseudonymes interroge, d’autant que pour une bonne partie d’entre eux, le pseudonyme est transparent : Sorel pour Philippe Julien, secrétaire de la CGT, Gratiner pour Jean-Pierre Mercier, leader LO, Le fromager pour Hollande, Perdraux pour le secrétaire de la CGT, Adolphine pour Marine Le Pen, Fortoul pour Poutou, le RPM pour le NPA, etc. Silien Larios dévoile l’arrière-scène de la grève, la manière dont le comité de grève a été constitué, les prises de décision, l’interaction avec les autres organisations syndicales (SIA ou SUD, voire la CFDT), les actions d’éclat (occupation du Conseil national du Parti socialiste ou du siège de l’UIMM7), dynamique des manifestations ou du tour des usines. Mais c’est surtout en témoin privilégié de l’activité de LO que son livre se montre fécond. En effet, par petites touches, Silien Larios évoque son expérience de militant à LO, puis à la fraction. Il confirme ainsi certaines informations sur les pratiques de ce courant politique. Le lecteur découvre comment les militants de LO ont œuvré pour rejeter l’idée que Jean-Luc Mélanchon (Crémanchon dans le texte) puisse intervenir devant les portes de l’usine, au profit de Germaine Martot (Nathalie Arthaud), comment les propositions du NPA ont été éconduites, comment s’est développée une attitude sectaire à l’égard de Sud-Auto, syndicat considéré comme une antenne du NPA, ou encore, comment la direction de LO a encadré de manière clandestine une des plus importantes manifestations de la grève : « Une fois à Saint-Lazare, le défilé militaire se poursuit dans les beaux quartiers. Les ouvriers marchent en cadence à visage découvert. Contrairement aux vieux dirigeants du bureau politique Grand Trotskiste qui nous attendent pour encadrer la manif. Avec badge du syndicat La rouge (CGT) qu’ils sont (…) Alors qu’ils tiennent le principal syndicat de la turne, ça ne les empêche pas de s’inviter sous de faux masques aux manifestations des ouvriers de l’usine » (p. 302). Son aversion pour LO tend néanmoins à virer à la paranoïa, à la fin du récit. Les militants de cette organisation sont envisagés comme « agent du Guépéou », ou « schupos à brassards rouges » (p. 310). « Ça serait triste. D’une tristesse affligeante d’être obligé de militer encore pour changer le monde en suivant cette secte. Avec des gens pire que des vermines. Pires que des charognes… Qui annihilent l’individu » (p. 312). L’inspiration stylistique célinienne trouve visiblement là ses limites. La fin de l’ouvrage vire d’ailleurs carrément au grotesque, au nom de l’apocalypse qui conclut la Tétralogie wagnérienne. Il n’est pas sûr que le lecteur suive l’auteur dans son délire final où tout sombre soudain : « Une éruption volcanique sous nos yeux. Tout s’effondre dans mon atelier : Carthage en flamme » (p. 337). Il serait cependant dommage de s’arrêter à ces aspects, car y compris dans ses outrances, et dans ses excès8, l’ouvrage de Silien Larios représente un apport de la première importance sur la vie ouvrière et sur un mouvement gréviste d’une exceptionnelle ampleur.

1Lire notre compte rendu sur la revue électronique de Dissidences, http://revuesshs.u-bourgogne.fr/dissidences/document.php?id=929


2Le gongorisme est un style littéraire caractérisé par sa préciosité.


3Ainsi que l’explique d’ailleurs Ivan Sainsaulieu dans sa postface, rappelant que pas une fois Bakounine, Proudhon ou quelques autres références du courant anarchiste ne sont évoqués


4Cette propension à tout rejeter se manifeste également par rapport à la religion, ici islamique. Larrios exprime son opposition résolue à ce qu’il appelle les « jansénistes », contre lesquels il n’hésite pas à mener un combat personnel.


5« Je me suis toujours demandé ce que le Docteur Destouches, l’une de mes idoles littéraires aurait pensé de ces vermines », p. 24.


6Robert Linhart, L’Etabli, Paris, Éditions de minuit, 1978.


7Union des industries et métiers de la métallurgie, organisation patronale.


8On se dit que le ressentiment à l’égard de son engagement à LO doit confiner à l’insupportable pour qu’il exprime une telle déception : « Qui a dit que c’est pas des fins stratèges véroles les trotskistes ? Leur stratégie a même été jusqu’à appeler à l’abstention au deuxième tour des élections présidentielles. Ils en rient encore du bon mot d’Ottavio : avec 0,5, vous vous êtes abstenus aussi au premier tour ! » (p. 290).

Flore Gambier

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La politique de LO/CGT à PSA Aulnay - Page 5 Empty Ecrits ouvriers grève PSA 2007

Message  Flore Gambier Jeu 23 Juil - 11:42

Voici deux écrits ouvriers sur la grève à PSA Aulnay de 2007.
Le premier est théorique. Le second romanesque. Tout deux témoignent du naufrage du trotskisme en France.

Texte 1 début :


CITROEN AULNAY, PRINTEMPS 2007 : RETOUR SUR LA GREVE
La grève de six semaines (du 28 février au 10 avril 2007) qui a eu lieu dans l‟usine
Citroën est caractéristique a plus d‟un titre d‟une minorité d‟ouvriers de production de l‟usine
PSA Peugeot-Citroën d‟Aulnay-sous-Bois, en banlieue Nord de Paris.
Voici une grève qui démarre de façon minoritaire, comme la plupart des grèves dans
l‟industrie automobile ces trente dernières années, et qui au bout de deux semaines ne s‟étend
pas, n‟affecte pratiquement plus la production et qui perdure pendant plus d‟un mois en
quittant l‟entreprise. Qu‟était-il possible de proposer et de faire au bout des deux premières
semaines ?
Voici une grève minoritaire où la direction adopte la position “ nous n‟empêchons pas
la grève mais vous ne bloquez pas la production ”, accord tacite respecté de part et d‟autre.
Voici une grève où les grévistes s‟organisent en comité de grève le plus démocratique
possible, et où, les dirigeants de la grève, les militants de Lutte Ouvrière (LO), jamais en
contradiction avec les grévistes, font le choix délibéré de faire durer la grève en semant les
illusions sur la publicité médiatique en période électorale, pour finalement ne rien obtenir en
fin de grève.
Voilà donc une grève qui mérite qu‟on y revienne en détail pour en faire non
seulement le bilan, pour que les grévistes insatisfaits, après coup, puissent préparer la
prochaine grève et pour montrer les limites des comités de grève s‟ils ne se transforment pas,
après la grève, en comité politique ouvrier.
Une partie de cette lettre comprend donc une critique politique de la pratique qu‟a eu Lutte
Ouvrière et telle qu‟elle l‟a parfaitement expliqué dans sa brochure “ Six semaines de lutte
pour les salaires à Peugeot-Citroën Aulnay ”
Cette lettre, outre une chronologie, contient quatre textes :
« Discussion en fin de grève », discuté avec des camarades de l‟usine qui ne
sont pas forcément d‟accord avec certaines de nos conclusions,
« Le comité de grève d‟Aulnay, un organisme inutile à la lutte politique
ouvrière », qui est notre appréciation sur l‟action du comité de grève,
« VO/LO et les comités de grève », a été rédigé par un ancien militant de Lutte
Ouvrière,
« Les deux sources des erreurs de LO », qui identifie les raisons théoriques de
la politique de LO, le démocratisme et le syndicalisme.
Chronologie
Fin février, la majorité des travailleurs des presses (un atelier situé à l‟intérieur de l‟usine de
Citroën Aulnay où la production a été sous-traitée à l‟entreprise turinoise Magnetto) se met en
grève et menace d‟arrêter toute l‟usine. Après quelques jours de grève l‟entreprise fait des
concessions importantes : 100 euros net d‟augmentation de salaire, 5 jours de congé
supplémentaires, l‟embauche de 10 travailleurs intérimaires et accorde même une prime de fin
de grève de 75 euros.
Mercredi 28 février ― La grève démarre sur les chaînes de montage dans l‟équipe de l‟après
midi. Quelques travailleurs discutent des résultats de la grève Magnetto et décident de se
mettre en grève. Débrayage de l‟équipe de nuit.
1er mars ― L‟équipe du matin décide de poursuivre la grève. Sous l‟impulsion de militants un
comité de grève est formé.
2 mars ― Il y a quelques centaines de grévistes à la prise du travail de l‟équipe du matin.
Gefco Survilliers, un sous-traitant en charge de la logistique se met également en grève.
5 mars ― Les grévistes mettent fin à leur répartition par équipe et décident de tous venir à
l‟usine aux heures de l‟équipe de jour.
92
6 mars. ― Manifestation de 300 grévistes de l‟usine d‟Aulnay à l‟usine Citroën de Saint-
Ouen (effectif 500). Les manifestants sont autorisés par la direction à traverser l‟usine mais le
travail reprend dès qu‟ils ont quitté l‟usine.
8 mars ― Les grévistes partent en manifestation à l‟usine de Poissy (effectif 7 500), mais
cette fois ils ne peuvent pénétrer à l‟intérieur. Seuls quelques douzaines de travailleurs de
Poissy débraient en soutien à leur camarade d‟Aulnay, principalement des délégués.
Création de la carte de gréviste.
9 mars ― Création d‟une caisse de grève.
A partir de ce jour et pour le reste de la grève, ballades quotidiennes en dehors de l‟usine vers
des marchés, mairies, etc. dont nous ne recensons que quelques exemples
12 mars ― Manifestation à la préfecture de Bobigny.
Organisation d‟une pétition en soutien aux grévistes à l‟intérieur de l‟usine d‟Aulnay : 1 200
non-grévistes vont la signer le premier jour.
13 mars ― Quelques centaines de grévistes manifestent à Paris et distribuent des tracts devant
le siège de PSA.
21 mars ― Le comité de grève élabore un “ programme d‟action en direction de l‟usine et des
habitants du département ”.
22 mars ― Les grévistes manifestent dans l‟atelier de Magnetto, mais sans réussir à entraîner
les ouvriers dans la lutte
9 au 22 mars ― Tentatives de débrayages ultra minoritaires dans diverse usines du groupe qui
restent incapables d‟affecter la production (Sochaux, Mulhouse, Trémery, Rennes,
Sevelnord).
24 mars ― Organisation d‟une manifestation à Paris avec un millier de participants.
26 mars ― PSA est condamné pour usage illégal de travailleurs intérimaires en remplacement
des grévistes.
27 mars ― Manifestation dans la ville d‟Aulnay. Grève chez deux fournisseurs, Lear et
Faurecia. La grève de Faurecia qui durera 4 jours aura de vraies conséquences : pendant toute
une période les voitures produites sortiront sans siège.
28 mars ― Débrayage de deux heures à Aulnay, appelé par les syndicats.
30 mars ― Nouvelle manifestation à Paris devant le siège de PSA avec la participation des
grévistes de Lear.
2 avril ― Premiers versements de la caisse de grève. Chaque gréviste reçoit de 70 à 200
euros.
4 avril ― Fin de la grève à Lear, les grévistes obtiennent une augmentation de 47 euros.
6 avril ― Nouveau débrayage à Aulnay. Les grévistes organisent un barbecue géant devant
l‟usine.
10 avril ― Dernière manifestation devant le siège de PSA à Paris.
Les grévistes décident de suspendre la grève.
Résultats :
4 jours et demi de grève payés et une prime exceptionnelle de 125 euros pour tous, grévistes
et non-grévistes.
Le tarif des transports d‟entreprise sera diminué.
Les jours de travail supplémentaires, samedi et jours fériés ne seront pas obligatoires.
Discussions en fin de grève
La grève chez Citroën, du 28 février au 10 avril 2007, pose bien des problèmes et les
conclusions qu‟en tire “ Lutte ouvrière ” dans la brochure sont bien insuffisantes et sélectives.
Pourquoi s‟occuper de cette brochure ? Parce qu‟il est notoire que les camarades qui
ont joué un rôle moteur dans cette grève sont presque tous, pas exclusivement, des militants
de LO existant à travers la CGT. En conséquence, ils portent la responsabilité de ce qu‟a fait
93
la grève (en bien et en moins bien). C‟est tout à leur honneur, certes, mais cela ne doit pas
nous dispenser d‟en discuter lucidement et de façon critique.
La grève a commencé spontanément sur les chaînes de montage, même si des militants
étaient présents. La CFDT, qui à signé un accord salarial la veille, est logiquement contre
mais va malgré tout suivre le mouvement pour ne pas se mettre plus à dos les travailleurs.
C‟est l‟annonce du succès clair et net des travailleurs de Magnetto qui a déclenché l‟arrêt des
chaînes. Évidemment, sur fond de grogne profonde et tenace depuis des années. En effet,
Citroën n‟a rien perdu de sa réputation historique et méritée de sale boîte : une entreprise qui
paye mal, une maîtrise sélectionnée à l‟ancienne pour ses convictions anti-ouvrières et
accessoirement pour ses compétences professionnelles, les deux allant rarement ensemble.
Très vite, il y avait 450 à 500 grévistes dans une usine qui compte 3 300 à 3 500
travailleurs en production. La grève est minoritaire, c‟est un constat ; ce n‟est ni une critique
ni un jugement de valeur. Les travailleurs ont raison de poser les gants quand ça ne va pas,
minoritaires ou pas. Et ceux à qui cela ne plaît pas n‟ont qu‟à poser les gants eux aussi, la
grève deviendra moins minoritaire.
Mais à partir de ce constat, il faut déterminer lucidement ce qu‟on fait pour que la
grève englobe le plus de monde possible. La force de la classe ouvrière face aux patrons, c‟est
la grève mais avec des grévistes, et la plus massive possible. Le nombre compte au moins
autant que la combativité. C‟est la conclusion qu‟ont pu tirer des générations de travailleurs
grévistes, bien souvent après des luttes formidables mais néanmoins défaites, comme la grève
des presses de Flins en 1978, vaincue pour n‟avoir pas entraîné la masse des travailleurs.
Les 500 camarades qui ont commencé la grève se devaient donc de trouver les moyens
d‟entraîner les autres ouvriers et d‟arrêter la production. Parce que d‟abord et avant tout, une
grève c‟est l‟arrêt de la production, l‟arrêt de la production de valeur. C‟est tellement évident
qu‟on ne le dit même plus, et pourtant c‟est la base à partir de laquelle il faut concevoir les
actions.
Les deux premiers jours donc, tout était arrêté ou presque. Et c‟est peut-être là qu‟on a
raté quelque chose ; si on s‟était installé sur les chaînes à 4 ou 500 gars et qu‟on y soit resté,
qu‟auraient pu faire les valets des patrons ?
Mais cela ne s‟est pas fait… Bon, on ne refait pas l‟histoire. Quand on démarre, on va
vite, très vite : on fonce pour essayer d‟entraîner d‟autres tronçons de la chaîne. C‟est bien
compréhensible, puisqu‟on veut être efficace immédiatement. On ne peut pas penser à tout,
tout de suite.
Toute la première semaine et jusqu‟au milieu de la deuxième, on a essayé de gagner de
nouveaux grévistes; on sentait que l‟ambiance de l‟usine n‟était pas défavorable, même les
non-grévistes, massivement, n‟étaient pas hostiles (mais ils n‟étaient pas en grève pour autant)
et quand la maîtrise voulait recruter dans les secteurs de maintenance pour remplacer les
grévistes, ça ne marchait pas. C‟est vrai que plusieurs fois la maîtrise a elle-même retiré les
non-grévistes vers d‟autres secteurs face à la pression des grévistes.
Mais alors, pourquoi subitement, dès la fin de la deuxième semaine et pendant tout le
reste de la grève, les dirigeants de la grève ont-ils poussé à sortir de l‟usine et des ateliers pour
aller à l‟extérieur, un peu partout ?
Soyons clairs, le comité de grève et la majorité des grévistes étaient d‟accord (pas tous
quand même, il y a des camarades qui ont senti qu‟on changeait d‟objectif). Et alors ?
L‟important est de déterminer dans quel sens tiraient les dirigeants de la grève. La démocratie
formelle, du genre : “ C‟est pas nous, c‟est les grévistes ! ”, c‟est de la foutaise.
Concrètement, les militants de LO ont fait ce qu‟il fallait pour que les ouvriers aillent ailleurs.
Et pourtant, si l‟on avait des chances d‟arrêter complètement l‟usine, c‟était en
continuant la pression, en trouvant les bons arguments, en gérant la grève avec ce seul
objectif : stopper la production, y compris, si la possibilité se présentait, de bloquer par la
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force. Au lieu de cela, on a laissé les non-grévistes et la direction réorganiser les chaînes pour
les faire tourner et évidemment, c‟est ce qui s‟est passé.
Bien sûr il n‟est pas certain que nous aurions réussi à gagner une partie des nongrévistes.
Rien n‟est jamais joué d‟avance mais les préoccupations auraient été différentes et
on n‟aurait pas laissé les mains libres à la Direction et à sa maîtrise.
Les deux premières semaines, il y a eu 6 à 7 000 voitures non fabriquées. Mais dès la
troisième semaine, les chaînes sortaient 1 000 voitures/jour ; il n‟en manquait que 350 par
rapport à la production normale. Et comme les ventes ne sont pas terribles en ce moment …
Pour la direction, c‟était gérable. Ensuite, la production est montée à 1 200 voitures/jour.
Au bout de deux semaines, les grévistes avaient perdu l'espoir de gagner le moindre gréviste
supplémentaire et la majorité pensait qu'il était nécessaire de changer d'objectif, en
médiatisant la grève.
Dans la brochure, page 28, il est expliqué que “ …pour la direction, il faut que les
voitures sortent coûte que coûte ”. Bien sûr que les patrons, eux, ont une boussole. Ils savent
que la grève, si elle arrive à arrêter la production, c‟est mal barré pour eux. Pourquoi du côté
des grévistes et en particulier des dirigeants de la grève n‟y a-t-il pas cette volonté dans l‟autre
sens ?
Il y a six pages dans la brochure pour expliquer pourquoi il ne fallait pas bloquer les
chaînes et pourquoi il fallait sortir de l‟usine. Il est écrit, page 41, noir sur blanc : “ D‟ailleurs,
la direction de Citroën, elle-même, n‟aurait pas été mécontente d‟un tel blocage ” Et ce,
après avoir expliqué que la direction voulait sortir des voitures coûte que coûte. Si quelqu‟un
a une explication, on est preneur !
Toute l‟argumentation tourne autour de cette idée : bloquer la production, c‟est donner
des arguments aux huissiers et à la maîtrise pour sanctionner et briser la grève.
Mais soyons clairs : la plupart des grèves dans l‟automobile, depuis 40 ans, en France,
ont été minoritaires ; plus ou moins, c‟est vrai, et toutes se sont trouvées face à ce problème.
La grève, c‟est-à-dire ― répétons-le encore ― l‟arrêt de la production, se trouve
presque à chaque fois face aux agents patronaux patentés : huissiers, maîtrise, provocateurs,
etc. Et ça n‟est pas près de changer.
Si on ne veux pas gérer ce risque-là, alors il ne faut pas faire grève, ce n'est pas plus
compliqué que cela.
Et toute la validité justement des militants qui sont en pointe dans la grève, c‟est de gérer cela,
au profit de la grève.
Comment neutraliser la chefferie ?
Comment retourner les hésitants ?
Comment éviter les provocations ?
Tous les camarades, que ce soit à Renault ou à Sochaux, à Cléon, à Flins ou ailleurs
savent cela. La question n‟est pas de fuir, mais de s‟accrocher et de neutraliser l‟ennemi.
Quelquefois, on gagne, quelquefois on perd ou on finit sur des compromis, c‟est la lutte des
classes…
En fait, le changement d‟orientation de la grève dès la deuxième semaine est le résultat
d‟un choix conscient. Dès ce moment, Julien déclarait à l‟AFP (agence de presse) : “ en
revendiquant sur nos salaires, on s‟inscrit pleinement dans la campagne des présidentielles ”,
et il ajoutait que “ la lutte des salariés d‟Aulnay avait reçu le soutien d‟Arlette Laguiller et
d‟Olivier Besancenot ”
On comprend déjà mieux : la grève a été mise au service de la campagne électorale de
l‟extrême-gauche. Pour cela, il fallait que la presse en parle (ce qui n‟arrête pas la
production). Il fallait se faire voir partout : dans les gares, sur les marchés, etc. Pendant ce
temps, la direction et les non-grévistes sortaient 1200 voitures/jour. Il fallait aller aux portes
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des autres usines (ce qui n‟a pas amené un gréviste de plus). Et tout ça pour que les candidats
de gauche et de moins gauche viennent se faire applaudir devant les caméras et les
journalistes. Même Royal y est allée, pour un peu on aurait eu Sarkozy.
Cela nous amène à quoi ? Du vent, du cinéma, mais pas le renforcement de la grève.
Au contraire, on pouvait constater chaque lundi qu‟on était moins nombreux que la semaine
précédente, jusqu‟à se retrouver à 200 à la fin.
Le 3 avril, alors qu‟il était évident que cette façon de mener la grève ne menait nulle
part, Mercier, le représentant CGT, déclarait sur RTL : “ le soutien des candidats aux
élections représente une aide importante face à la direction ”. Belles illusions ! Les chasseurs
de voix aux élections soutiennent les grévistes comme la corde soutient le pendu ; avec la
condition sous entendue que les grévistes abandonnent leur conscience de classe d‟ouvrier en
grève pour devenir des votants potentiels dans l‟anonymat des urnes.
Qu‟on se comprenne bien, il n‟est pas faux en soi que les ouvriers sortent de l‟usine
pour aller faire débrayer les camarades ailleurs. Mais encore faut-il qu‟il y ait des grévistes et
en nombre suffisant pour que ce soit un élément déclencheur. Quand 300 des 500 grévistes se
sont déplacés à Saint-Ouen, c‟était parfaitement juste. On pouvait espérer entraîner nos
camarades de Saint-Ouen, usine qui n‟est pas une grosse unité de production. Mais il a bien
fallu constater qu‟après le passage des grévistes dans les ateliers, l‟usine tournait à nouveau
normalement, comme si rien ne s'était passé.
On savait donc que la recherche d‟un éventuel élargissement à l‟extérieur d‟Aulnay
était illusoire. Quand ensuite on est allé à Poissy, cela n'aurait eu de sens que si on avait été
suffisamment nombreux, disons 2 ou 3 000 pour entrer dans l‟usine, bloquer les chaînes et
arrêter l‟usine. Cela aurait été une véritable extension de la grève mais on était bien loin de
cela. Et on le savait. Il ne s‟est rien passé, ni à Poissy ni ailleurs. Par contre, pendant ce
temps-là, nous n‟étions pas à l‟usine. Là où, le nerf de la guerre, la production, sortait de plus
en plus normalement.
Alors, au final, il nous reste quand même ce formidable sentiment d‟avoir fait un sacré
bras d‟honneur, à Citroën. Nous savons maintenant que nous sommes plusieurs centaines dans
l‟usine, armés d‟une véritable haine du système Citroën, et nous avons été capables de
l‟affirmer bien haut face aux valets patronaux. C‟est un acquis considérable, qu‟on a payé
cher, mais qui vaut bien des sacrifices. Cependant, on ne peut pas se contenter de ce jugement
de valeur.
En revanche, si les centaines de camarades concernés se mettent à réfléchir et à
discuter sur les différents aspects de ce qui a été fait, si on se sert de l‟expérience pour en tirer
les enseignements, alors, dans les mouvements à venir, on sera beaucoup plus forts. Citroën
aura beau aligner les huissiers, ses chefaillons ridicules, ses provocateurs et tous les crétins
qui marchent avec eux, c‟est le mouvement conscient des travailleurs en lutte qui aura le
dernier mot.
Le comité de grève d’Aulnay, un organisme inutile à la lutte politique ouvrière
La direction de la grève
La lutte montre les limites de l‟auto-organisation quand celle-ci n‟est pas clairement
inspirée par l‟objectif stratégique de l‟indépendance politique des travailleurs.
A la tête de la lutte, Lutte Ouvrière a mis les petits plats dans le grands pour que le
comité de grève réponde formellement en tous points à l‟exigence de la plus grande
démocratie ouvrière. “ Nous avons élu un Comité de grève d‟une centaine de travailleurs
pour diriger la grève. Ainsi, toutes les décisions ont été discutées tout au long de la grève
dans ce Comité qui se réunissait deux fois par jour, plus d‟une heure à chaque fois. … Les
propositions du Comité étaient adoptées par l‟assemblée générale qui se réunissait après
chaque Comité. Tout a été discuté, de la plus petite décision aux plus importantes. … Le
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Comité de grève a permis d‟organiser la grève dans l‟unité et de répondre au coup par coup
à la politique de la direction ”, a expliqué Philippe Julien, militant de LO et secrétaire de la
CGT de PSA Peugeot-Citroën Aulnay, lors du meeting du 15 avril 2007, au Zénith, d‟Arlette
Laguiller, candidate à l‟élection présidentielle française pour la formation trotskiste.
Ces propos correspondent à la vérité. Le fonctionnement du Comité de grève y est
bien décrit. La relation entre cet organisme et les quelques 400 à 500 grévistes ne s‟est jamais
interrompue tout au long des six semaines de conflit. A aucun moment, des ouvriers en lutte
n‟ont exprimé leur insatisfaction vis-à-vis du Comité. Pourtant, la dynamique de ce dernier a
été l‟un des facteurs qui ont empêché tout développement réellement autonome de la lutte et,
surtout, la mise sur pieds des premiers éléments d'organisation politique indépendante dans
l‟usine. Le Comité de grève “ a été un véritable laboratoire d‟idées. Un ouvrier a d‟ailleurs
surnommé la salle où se réunissait le Comité : L‟école de la grève ”, a indiqué Philippe
Julien.
C‟est le point crucial. Quel genre d‟idées a été élaboré dans cet organisme ? Proposé
aux ouvriers grévistes dès le deuxième jour de grève par des militants de LO, il est d‟emblée
l‟expression d‟une grande ambiguïté : le Comité est certes un instrument des travailleurs mais
plusieurs sections syndicales de l‟usine, celles de la CGT, de SUD, de la CFDT et de
l‟UNSA19, sont présentes en son sein en tant que telles. Ce n‟est pas formel. Leur adhésion
explicite coïncide avec la volonté de garder, par l‟intermédiaire du Comité, le contact avec les
travailleurs en lutte et de maintenir le conflit dans un cadre compatible avec l‟action syndicale
classique des élus et des délégués syndicaux de l‟usine.
“ A la fin de la grève, alors que le Comité débat sur le fait de signer, ou pas, un
protocole de fin de conflit avec la direction, un délégué de SUD explique sèchement que, quoi
qu‟il arrive, son syndicat ne signera pas l‟accord. Un gréviste lui répond plus sèchement
encore : Tu n‟as pas compris encore ? C‟est le Comité de grève qui dirige la grève. Pas les
syndicats. Alors SUD fera ce que le Comité décidera ”, lit-on dans la brochure de LO dédiée
à la lutte d‟Aulnay. Ces propos reflètent bien les relations qui se sont établies entre
travailleurs en grève, syndicats et Comité.
Le délégué de SUD, en affirmant que son syndicat fera à sa guise dans un moment
décisif du conflit comme celui de la reprise du travail, ramène le Comité à une simple
fonction d‟accompagnement des ouvriers dans leur grève. Instance certes d‟expression libre
des travailleurs mais pas organe doté de l‟autorité complète sur le conflit. Au Comité, la
gestion de l‟intendance de l‟agitation ; aux syndicats, le “ business ” central de la négociation
et de l‟orientation générale.
Quant à l‟ouvrier qui s‟insurge contre le délégué de SUD, il montre qu‟il n‟a pas
compris le rôle réel des syndicats, institutions officielles de négociation du prix de la force de
travail mais respectueuses de la domination générale du capital. Pour ce travailleur, le Comité
est tout simplement le nouveau syndicat, plus démocratique et plus proche de lui, ou, mieux,
la nouvelle Intersyndicale enfin ouverte aux ouvriers.
A aucun moment, la discussion sur la nature des syndicats, y compris dans leur version
la plus combative, n‟a été mise à l‟ordre du jour de la réflexion entre travailleurs en lutte. Les
dirigeants LO de la grève auraient difficilement pu apporter la lumière sur ce point sans
saboter la position de CGT dont ils sont à la tête à Aulnay.
Aucune minorité ouvrière n‟a, au travers de cette bataille pour le salaire, entrevu la
possibilité de lui donner une dimension politique en la corrélant à la guerre de classe contre la
dictature du capital dans l‟usine et dans la société. La preuve ? Peu à peu mais
inexorablement, les travailleurs en lutte ont abandonné le terrain de l‟usine et de la production
aux non grévistes et aux chefs. Incapables dès la deuxième semaine de grève de gagner des
19 Syndicats qui, sauf la CGT, avaient signé un accord salarial avec la Direction deux jours plus tôt.
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nouvelles adhésions à la grève parmi les ouvriers des lignes de montage, les grévistes ont opté
pour la lutte “ citoyenne ”, faite de manifestations extérieures à l‟usine, de demandes de
solidarité aux Mairies et d‟appels de soutien aux candidats de gauche à l‟élection
présidentielle.
“ Vu que la grève ne s‟étendait pas dans l‟usine, la question s‟est rapidement posée au
Comité de grève et dans les assemblées générales : faut-il bloquer les chaînes et mettre en
place des piquets de grève ? ”, s‟interroge LO. La question est d‟autant plus pertinente que,
“ dès la deuxième semaine, un certain nombre de grévistes, de toutes les générations, y sont
plutôt favorables ”, reconnaît l‟organisation trotskiste.
Et encore : “ l‟idée de bloquer les chaînes par la force va aller et venir, reculer et
revenir sporadiquement tout au long de la grève. Finalement, cela s‟est beaucoup discuté, et
c‟est démocratiquement que le Comité de grève a décidé de ne pas le faire ”. Voilà la réponse
désarmante de LO : “ Bien sûr, les militants ouvriers ne peuvent qu‟être favorables à ce que
la production soit bloquée – ce qui touche le patron au coeur, c‟est-à-dire au portefeuille.
Mais à condition que ce blocage soit fait de façon consciente, et non imposé par une minorité
contre l‟avis de la majorité – et moins encore à coups de matraques ”. Récapitulons. Oui au
blocage, mais conscient et pas contre l‟avis de la majorité.
Pour LO, la conscience émane exclusivement de l‟organisation communiste, c‟est-àdire
d‟elle-même. Or, les militants de LO ont systématiquement combattu dans le Comité et
dans les assemblées générales toute proposition de durcissement du mouvement, prétextant
que “ la direction de Citroën elle-même n‟aurait certainement pas été mécontente d‟un tel
blocage – au point que quelques-uns de ses mouchards ne se privaient pas de militer sur ce
terrain ”
Le discours de LO s‟embrouille un peu plus : bloquer la production touche le patron
au coeur … mais bloquer la production à Aulnay aurait fait le jeu du patron. Pas moyen, dans
ces conditions, d‟obtenir des titulaires de la conscience, le feu vert à la radicalisation du
mouvement. Puis, il y a le fait incontournable que, dès la deuxième semaine, la lutte ne
s‟enracinait pas, avec une nette majorité de travailleurs de l‟usine qui continuaient de
travailler. Si la loi de la majorité était si astreignante, pourquoi persister dans un bras de fer
qui a coûté si cher aux grévistes pour des gains matériels si limités ?
La solution proposée par LO pour répondre à cette nouvelle énigme est de “ sortir de
l‟usine ”, autrement dit, laisser le champ libre au patron, et de mettre en place une caisse de
solidarité. La campagne électorale bat son plein. Plusieurs candidats, dont la socialiste
Ségolène Royal, rendent visite aux grévistes aux portes de l‟usine. L‟illusion du battage
médiatique s‟installe. On se voit à la télé.
Puis, c‟est l‟érosion des bataillons déjà affaiblis des grévistes. Au fil des jours de grève, 300
d‟entre eux, la mort dans l‟âme, reprennent en catimini le travail. La solidarité de façade de la
majorité des ouvriers de l‟usine, ceux qui n‟ont jamais cessé de travailler, disparaît. Le
Comité de grève, sa démocratie interne, son ouverture, etc. n‟y peuvent rien. Pas plus
d‟ailleurs que les militants “ conscients ” de LO.
La défaite est dans les têtes mais on préfère parler de victoire “ morale ”. Le Comité
de grève disparaît naturellement avec la fin de la grève. Les syndicats prennent le relais. En
parfaite intelligence. Des sursauts d‟orgueil dans les ateliers se manifestent ici et là après la
reprise. Des grèves localisées apparaissent. Signe que les grévistes sortent battus mais pas
terrassés. Quant à leur expression politique indépendante dans l‟usine, elle est toujours
inexistante. A cet égard, la longue grève de six semaines aura été une nouvelle occasion
perdue. Trop faible et isolée, la lutte défensive d‟Aulnay n‟a pas produit d‟éléments organisés
de conscience collective révolutionnaire.
LO, de son côté, n‟a pas tort de se réjouir. Elle aura fait une nouvelle démonstration que
l‟autonomie politique de la classe ouvrière est l‟affaire des groupes politiques et pas des
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travailleurs eux-mêmes. Dans la foulée, l‟organisation trotskiste a apporté au syndicat un petit
bol d‟oxygène supplémentaire au moyen de l‟exercice d‟une réelle démocratie ouvrière
formelle incarnée par le Comité de grève.
Une autre voie : les comités politiques
La voie des comités politiques d‟usine, de chantier, de bureau et de quartier est
radicalement différente. Elle suppose que des minorités d‟ouvriers étendent la lutte jusqu‟à lui
donner une forme politique explicite, par l‟organisation de comités. La compréhension, par
ces comités, de la nature générale de lutte de classes est emblématique de tout combat
défensif des travailleurs contre le capital.
Une séparation nette entre la lutte “ syndicale ” pour des revendications immédiates
organisées par des instituts ad hoc et la lutte politique contre la dictature du capital dirigée par
le parti dont émane la conscience révolutionnaire, ne traduit pas la réalité historique et
toujours actuelle de la lutte de classes. Les ouvriers apprennent la critique du système qui les
opprime en se battant pied à pied, sur leurs lieux d‟exploitation, pour se défendre contre tel ou
tel aspect particulier du système capitaliste.
Au cours de leur lutte, ils sont amenés à se doter d‟instruments divers, théoriques et
pratiques, pour affiner leur compréhension de l‟ennemi et des rapports sociaux qui les
accablent. La conscience, mieux, des éléments de conscience de soi, naissent ainsi des luttes
dites quotidiennes ou élémentaires. Ces éléments de conscience restent le plus souvent épars,
non exprimés, et encore moins traduits en organisation surtout quand, comme dans le cas
d‟Aulnay, l‟isolement et la faiblesse du camp des travailleurs en mouvement l‟emportent.
Mais il ne faut pas non plus sous-estimer le rôle négatif joué par les trop nombreux
représentants autoproclamés des ouvriers, de LO (dans le cas d‟Aulnay) aux autres gauchistes
(dans d‟autres luttes), en passant par les syndicats et les grands partis de gauche. Sans
exagérer l‟impact de leur action de pompiers politiques Ŕ les travailleurs ont su les balayer à
plusieurs occasions dans l‟histoire du mouvement ouvrier -, ces formations oeuvrent sans
relâche à ce que la double nature de la classe ouvrière, force de travail pour le capital et force
motrice du dépassement des sociétés divisées en classes opposées, se transforme en
opposition inconciliable.
Les communistes, en revanche, agissent pour que cette double nature devienne le
principal facteur de subversion du présent en transformant les nécessaires actions défensives
en préparation de l‟élan révolutionnaire et en oeuvrant à la constitution des organes
prolétariens du parti de classe. Ce processus n‟est en rien continu et ascendant. Il n‟est pas
encore partagé par les salariés. Les premières minorités de travailleurs qui parviennent à
s‟installer sur le terrain politique indépendant sont combattues par le capital, ses Etats et ses
appendices de gauche et d‟extrême gauche avec la plus grande détermination.
Des reculs incessants et des défaites répétées viennent interrompre la constitution du
prolétariat en classe pour soi. Pourtant, la classe ouvrière continue de vivre et de s‟étendre.
Son potentiel révolutionnaire ne peut pas être tari une fois pour toutes. Le capital lui-même a
bien appris la leçon en tentant régulièrement de l‟utiliser pour assurer son propre
développement. Mais la double nature de la classe ouvrière ne peut pas être supprimée. La
révolution pointe son nez chaque fois que les travailleurs s‟insurgent et luttent pour leurs
propres intérêts immédiats. Saisir cette réalité, la valoriser et la renforcer dans la mesure du
possible est la tâche spécifique des communistes aujourd‟hui.
LO et les comités de grève
Depuis toujours, l'organisation Lutte Ouvrière fait des comités de grève la pierre
angulaire de son action au sein des luttes de classe. Pour elle, cette forme d‟organisation
permet aux travailleurs d‟apprendre, naturellement grâce à l'intervention de l'organisation LO,
à “ diriger eux-mêmes leurs luttes, à les prendre en mains dans les moindres détails ”. La
formation trotskiste prétend que les comités de grève permettent aux salariés un
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“ apprentissage du pouvoir ouvrier ”, développent “ la démocratie ouvrière ” dont ils sont
“ l'école ” et font que les mouvements soient “ plus efficaces ” en cas de collision avec les
organisations syndicales. Seule l'assemblée générale des grévistes est souveraine sur le comité
de grève, “ véritable gouvernement ouvrier de la grève ”, souligne LO.
Avec le temps, en renforçant sa présence dans les appareils syndicaux, LO a mis
beaucoup d'eau dans le vin de l'autonomie des comités de grève par rapport aux syndicats.
Dans un texte interne plus récent de celui cité plus haut, on lit que “ le comité de grève ne doit
pas apparaître comme une machine antisyndicale, mais comme une forme d'organisation à la
fois plus unitaire et donc plus efficace, parfaitement adaptée à une situation de lutte où tout le
monde, syndiqué ou non, participe ”.
Pourtant, dans le même écrit, LO définit toujours la fonction du syndicat comme
“ pompier de l'ordre social ”, incapable “ d'aller au bout des luttes et de leurs possibilités ”
car il ne veut aucunement “ compromettre réellement le fonctionnement de la machine
d'exploitation bourgeoise ”. Malgré cela, toutefois, en bons trotskistes, les militants de LO ne
veulent pas, “ dans la grève ”, adopter “ une attitude gauchiste, antisyndicale ”. Et ce afin de
“ tenir compte des sentiments des travailleurs et essayer d'entraîner les militants syndicaux et
les syndicats dans le comité de grève aussi loin que possible dans le mouvement, tout en
préparant les plus conscients au moment probable où les syndicats lâcheront le mouvement ”.
LO fournit une clé de lecture supplémentaire, décisive peut-être, de la relation entre syndicats
“ pompiers sociaux ” et comités de grève en déclarant que, “ dans un pays comme la France,
où les syndicats sont minoritaires dans la classe ouvrière, ils ne peuvent même pas prétendre
représenter les travailleurs lorsqu‟ils entrent en lutte ”. Les comités de grève, si l‟on s‟en
tient à ce constat apparemment incolore, s‟imposent afin de combler le défaut de
représentativité des “ pompiers sociaux ”. Ils seraient donc des simples supplétifs des
syndicats…. Ici, on n‟est probablement pas très loin de la vérité.
Quoi qu‟il en soit des relations des comités de grève avec les syndicats, l'apprentissage
du pouvoir ouvrier fait au travers de ces comités permettra de “ constituer l'avant-garde
ouvrière, consciente, expérimentée, appelée demain à jouer un rôle décisif dans les combats
de classe ”. Si l'on s'en tient à cela, le comité de grève, donc, est l'outil essentiel pour
l'apparition et la formation de véritables militants ouvriers. A aucun moment, cependant, LO
ne précise les tâches politiques qu'il assigne à ces organes. On dirait qu'il suffit que les
travailleurs prennent leurs mouvements en mains via ces comités et l'assemblée générale
souveraine en les poussant de l'avant le plus possible pour qu'il en naisse l'avant-garde
consciente et expérimentée, donc politique. Autrement dit, l'autonomie politique de la classe
ouvrière serait le produit direct de la généralisation des comités de grève et de la démocratie
ouvrière.
Quel que soit le moment de la longue histoire de LO, cette conception
fondamentalement syndicaliste de l'indépendance politique des travailleurs représente le fil
conducteur de son intervention dans les luttes. L'organisation trotskiste sous-estime
clairement la capacité des syndicats de faire leurs, lorsque leur emprise est sérieusement
menacée, les objectifs et même les formes de lutte les plus radicales des combats défensifs des
salariés. Parallèlement, LO surestime leur représentativité au sein de la classe en adoptant, au
fil du temps, la tactique entriste classique des trotskistes arrosée d'appels constants à l'unité
syndicale la plus large. Par-là, elle contribue à faire des comités de grève des Intersyndicales
élargies aux travailleurs, où les confédérations peuvent être représentées en tant que telles.
Elle oeuvre donc pour revitaliser les syndicats, définis pourtant par ailleurs comme des piliers
de l'ordre capitaliste. Mais ces critiques, certes fondées, ne suffisent pas à définir la
conception lénifiante et essentiellement syndicaliste que LO a de la lutte de classes et du
processus à l'organisation politique ouvrière.

Flore Gambier

Messages : 11
Date d'inscription : 11/07/2015

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La politique de LO/CGT à PSA Aulnay - Page 5 Empty Texte 1 fin :

Message  Flore Gambier Jeu 23 Juil - 11:47

VO/LO et les comités de grève
En la matière, et dans bien d'autres, l'élément fondateur est la grève d‟avril-mai 1947 à
l‟usine Renault de Billancourt.
Au fil du temps, VO/LO a un peu mythifié l'évènement qui ne se traduisit pas du tout par une
victoire revendicative, contrairement à ce qui a été propagé par la suite. Bois écrivait
d‟ailleurs dans La révolution prolétarienne ( revue dirigée par Pierre Monatte) de juin 1947
que : “ nous avons repris le travail avec l‟aumône de 3 francs de “prime” ”
Il n'empêche que politiquement, ce fut la grève la plus importante de l'immédiat après guerre
qui conduisit Auriol, président de la république, à virer les communistes du gouvernement
(avec le début de la guerre froide qui était là).
Cela dit, au niveau de l'organisation de la grève, son déclenchement et sa conduite, il y
a nombre d'éléments qui sans avoir besoin d'être enjolivés, étaient exemplaires ; et ont été
transmis comme tels à la génération des militants qui arrivaient à Voix Ouvrière (VO) dans
les années 60-68.
Les camarades (essentiellement Pierre Bois qui était celui en qui les ouvriers avaient le plus
confiance) avaient fait une assemblée du secteur Collas (départements 6 et 18) le mardi. Là,
ils avaient fait voter la grève et élire le Comité de grève (CG), préparé à l'avance évidemment,
et mandaté pour déclencher la grève. Ceci sans le syndicat évidemment. Le PCF était au
gouvernement, et à Billancourt, la CGT avait la haute main sur tout ce qui se passait dans
l‟usine.
Le mercredi, les camarades ont organisé la “ répétition générale ”, pour déclencher le
coup : chaque camarade du CG devait s'entourer de quelques gars sûrs et recevait une
affectation pour le matin du jour J : portes, compresseurs, distribution électrique, etc...
Le jour de la “ répétition ” a été fixé en fin de semaine, le jeudi ou vendredi, et ce jourlà,
et sur place, les gars ont appris (sauf le Comité de grève qui savait puisqu‟il l‟avait décidé),
que ce n‟était pas la répétition, mais le début de la grève. L‟ordre de grève était imprimé et
distribué aux ouvriers qui arrivaient, tous les moteurs étaient arrêtés, etc.. C‟était la grève.
Tout et dans le détail, avait été discuté à l‟avance entre Bois et Barta et le premier
cercle ; y compris le fait de démarrer en fin de semaine, ce qui permettait, si le coup ratait, de
tenir jusqu‟au vendredi soir et de reprendre le lundi avec le moins de casse possible.
Donc, ce schéma du CG indépendant du syndicat, organisant les ouvriers pour la grève
de manière autonome, a servi de tétine à laquelle ont biberonné les quelques dizaines de
militants VO de l‟époque.
Pas question de syndicats, représentation directe des grévistes par eux-mêmes,
assemblées avec pouvoir de décision, CG proposant et organisant l'application des décisions
de l‟assemblée. Le tout conçu selon le schéma bolcheviste, avec le ou les militants
professionnels qui raisonnent le moyen et le long terme et qui s'appuient sur la démocratie
directe et agissante des prolétaires.
Voilà ce qui a constitué la “ référence historique ” de VO/LO en matière de comité de
grève. Dans les décennies qui ont suivi, et encore maintenant, beaucoup de monde a discuté
des CG : la Ligue, LO, l'AMR, la CFDT, etc... Les seuls a y avoir toujours été hostiles, sans
nuances, sont les staliniens ; mais tout le monde y a mis des contenus plus ou moins
fantaisistes, y compris LO, selon les périodes et les besoins opportunistes de la direction.
Pendant des années, après 47, il n'y a pas eu de grève avec CG indépendant
(autonome). En France, ce sont les syndicats, et surtout la CGT, qui organisent les grèves, y
compris les grèves très dures (1948-51), quelquefois et même souvent, avec des
intersyndicales (alliances aux sommets entre syndicats avec ou sans participation des
ouvriers). Qui n'ont absolument rien à voir avec les CG, expression de l'organisation
autonome des ouvriers grévistes.
101
On ne trouvera nulle part quelque chose d'écrit sur cette conception car il n'y a jamais
rien eu d'écrit. C'est de la mémoire transmise (et il n'y a plus grand monde pour la
transmettre !)
Avant 68, nulle grève n'a été organisée en opposition aux syndicats avec CG autonome. Mai
68, n'en parlons pas. Nulle part de forme organisée indépendante des syndicats qui soit
représentative réellement et formellement de la volonté des grévistes.
Après 68, c'est là que les “ gauchistes ”„ ont beaucoup discuté des CG ; notamment les
“ conférences nationales ouvrières ” entre LO, le PSU, l‟AMR, etc… en 1972. Mais on
parlait de concepts, pas de réalité existante. Nous n‟avions nulle par de CG.
LO défendant l‟orthodoxie de la représentation directe des ouvriers indépendamment
des syndicats et le schéma de type 1947: et les autres défendant la nécessité d‟y intégrer les
“ forces organisées ” essentiellement les syndicats, pour être vraiment représentatifs de toutes
des composantes de la grève. Discussions à n'en plus finir dont on trouvera peut-être les traces
dans le journal LO de l‟époque, mais qui n‟étaient que des discussions de principe car jusque
là, il n‟y avait pas de CG, où que ce soit, avec ou sans les syndicats.
La première grève avec un comité représentatif indépendant des syndicats a été la
grève Chausson de 1973. Là, des camarades de LO (à la CFDT) avaient organisé les grévistes
en CG sans référence syndicale, complètement indépendant. C'était la bagarre ouverte avec
les staliniens (puissants) le gourdin à la main.. Il y avait deux groupes. Un de chaque côté de
la porte et qui, de toute évidence, étaient en guerre, l'un avec le CG, l'autre avec la CGT.
La même année, il y a eu la grève à l‟EDF de Brest, et là, c‟étaient des militants de la
LCR qui étaient en pointe, et qui avaient organisé un Comité de grève à leur façon, avec tous
les syndicats. Une brochure est parue à l‟époque sur cette grève.
Les années 70-78 ont été les années de forte activité gréviste; mais il y a eu très peu de CG
indépendants des syndicats. Pour la maison LO, on était ferme sur les principes. Les choses
ont évolué, en 1974, avec la grève des banques. LO avait décidé de présenter Arlette Laguiller
aux présidentielles (toute l'extrême gauche voulait Piaget, lui ne voulait pas).
La grève des banques est arrivée en pré-campagne électorale. C'est pendant la grève
qu‟Arlette Laguiller a déclaré sa candidature aux présidentielles. Ça s'est trouvé comme cela.
Il y avait un os : Arlette Laguiller était connue comme dirigeante du syndicat FO sur la boîte
et de “ pour que le CG ne soit pas confondu avec FO ” est sortie la formule : “ CG soutenu
par les syndicats FO-CGT etc. ”
Le “ CG soutenu par etc... ” a eu une influence importante pour pousser la grève au
bout de ses possibilités mais les syndicats CGT-CFDT, etc... ont été eux aussi une
composante importante de la direction de cette grève qui, dans la période, fut importante.
C'est donc là qu'est née la formule “ soutenu par les syndicats ” Formule qui d'ailleurs
convient très bien à la Ligue, la CFDT et tout le microcosme gauchiste.
Depuis, le peu de CG qui ont existé, ont le plus souvent repris cette formule. Évidemment,
puisque tous les militants de LO, à de très rares exceptions, sont devenus des responsables
syndicaux au moins localement. L'opportunisme organisationnel des dirigeants de LO n'a eu
aucun problème à généraliser la formule. Mais, encore une fois, même sous cette forme avilie,
il y a eu très peu de grèves avec CG, soutenu ou pas par les syndicats.
Sur le plan interne à l'organisation, les formulations, notamment les fiches servant de
trame à la formation des militants, ont été très variables en fonction de l'opportunité des
situations et de l'opportunisme de la direction. Ça a été des formulations de type Ligue :
“ englober toutes les composantes de la grève ”, à des formulations plus indépendantes
organisationnellement, mais jamais on n'a retrouvé des formulations comparables à l'avant
68 : “ autonomie représentative des grévistes par eux-mêmes, indépendante des syndicats ”
Toutes ces formulations ont été présentées comme le moyen d'organiser les grévistes
pour l'efficacité de la grève et par “ devoir moral ” vis à vis de “ nos conceptions ”. Lesquelles
102
sur le fond ? Organisation ouvrière autonome des grévistes ou organisation des grévistes
soutenue par les syndicats ? Ceci n'a jamais été rediscuté depuis 71-72. Et pour cause, dans les
faits, LO s'est rallié aux concepts sociaux-démocrates de la Ligue et autres “ gauchistes ”
En revanche, ce qui n'a jamais changé est la conception suivante : la grève est un instant
privilégié de la lutte des classes. Elle a un début et une fin. Que le CG se constitue avant ou
pendant la grève, avec ou sans le soutien des syndicats, de toutes les façons, il se dissout à la
fin de la grève.
Alors, à plusieurs reprises s'est posée la question : que faire ensuite ?
En 1947, Bois et les camarades, influencés en cela par Monatte, ont formé le SDR (Syndicat
Démocratique Renault qui a cessé d‟apparaître en 1950) pour répondre à cette situation. Des
ouvriers qui ne voulaient pas en rester là posaient la question. Barta, lui, n'était pas d'accord
et préconisait que les meilleurs ouvriers gagnés pendant la grève deviennent des cadres de
l'UC (Union Communiste), y compris en sortant de l'usine si possible, pour se former.
On sait ce qu'il est advenu du SDR. Il y a eu jusqu'à 1 000 adhérents (Monatte visait
les 5 000) MAIS, et c'est la toute la problématique, c'étaient des adhérents. Concrètement, tout
le travail organisationnel reposait sur moins d'une dizaine de militants, qui ont rapidement
succombé à la tâche. Ça a été la démonstration que l'esprit syndicaliste révolutionnaire de
Monatte, Rosmer, etc..., était bien mort. Tué par le stalinisme ; et la conception de
l'organisation d'adhérents, et non plus celle de l'organisation des prolétaires volontaires pour
chercher la voix de l'émancipation avait envahi la conscience ouvrière.
Ensuite, au fil des décennies, tout a été fait. A la fin de la grève des cheminots de 86,
LO a essayé de faire une organisation d'adhérents LO (cartes, timbres, etc...). Cela n'a pas
duré six mois.
Dans bien des cas, et jusqu'à maintenant, les seules suites sont : soit le groupe LO (le
futur parti), soit le syndicat que les militants dirigent. Les deux versions sans trop de succès.
Très rares sont les grèves ou le groupe LO se renforce. Et même syndicalement, il est rare que
le syndicat se renforce après la grève, victorieuse ou pas.
La dernière grève Citroën en est l'illustration, c'est la Ligue qui semble avoir recruté
deux ou trois militants, et la CGT n'a pas plus de monde, plutôt moins, bien qu'une partie de la
CFDT soit en train ou est passée à la CGT. À la dernière fête du syndicat, après la grève, il y
avait 20 ouvriers en moins que celle de l'an dernier (où la participation était déjà plus faible
que l'année précédente).
Les deux sources des erreurs de LO
Le démocratisme au coeur de la politique de LO
Le moralisme de LO transpire de tous ses pores. A ses yeux, lorsque les exploités ont
droit à la parole, ils ne peuvent jamais être emportés par les idées dominantes et, surtout, par
la puissante base matérielle de l‟idéologie ennemie, la concurrence entre travailleurs sur le
marché du travail et dans le procès de production. D‟après cette vision, aucune bataille
politique fondamentale ne traverse le corps prolétarien hormis celle pour la démocratie
ouvrière, véritable levier de la conscience ouvrière autonome.
“ L‟organisation des prolétaires en classe, et par suite en parti politique, est sans
cesse brisée par la concurrence des ouvriers entre eux ”, lit-on dans le Manifeste communiste.
L‟effort des travailleurs les plus conscients est défini par ce simple constat. Ils sont appelés,
en dépit des facteurs dissolvants permanents de l‟unité prolétarienne indépendante du capital,
à mener bataille pour l‟unification politique des classes opprimées dans une condition
minoritaire de grand isolement la plupart du temps.
Cette minorité, issue elle-même des pics de la lutte de classes, ne respecte pas, a priori
et par-dessus tout, la démocratie ouvrière. Dans certaines circonstances, ce mécanisme peut
être employé pour étouffer toute tentative de renversement de la situation de soumission au
103
capital. La mobilisation directe de la majorité des travailleurs par ceux d‟entre eux qui ont
délibérément lié leur sort à la survie de l‟ordre présent n‟est pas une exception. Surtout dans
les périodes historiques baignant dans une relative paix sociale. Dans ces périodes, les luttes
défensives ont plus de mal à générer des ferments d‟indépendance de classe et, par
conséquent, des éléments collectifs de conscience autonome.
Toutefois, c‟est déjà dans ces phases difficiles que d‟étroites minorités de travailleurs
insoumis se forment. La tâche des communistes est alors de préserver le maintien de ces
minorités en aidant celles-ci par tous les moyens disponibles à accroître leur conscience
révolutionnaire et à se doter d‟une organisation politique embryonnaire.
“ Le mouvement politique de la classe ouvrière a naturellement pour objectif la
conquête, pour elle, du pouvoir politique. Il va sans dire que, pour y parvenir, il faut une
organisation préalable, suffisamment développée, de la classe ouvrière, organisation qui
surgit des luttes économiques mêmes des ouvriers ”. (Karl Marx ; Lettre à Bolte ; novembre
1871)
La conscience et l‟organisation des minorités ouvrières radicales, incarnées dans ce que nous
nommons les comités politiques, ne tolèrent pas d‟être conditionnées par un quelconque
respect de l‟opinion et des formes collectives majoritaires. Elles connaissent une seule limite :
celle dictée par la nécessité absolue de préparer le terrain à la mutation révolutionnaire de
pans larges du mouvement prolétarien. Mue qui ne dépend pas, pour l‟essentiel, de l‟action
déterminée des minorités ouvrières révolutionnaires mais qui peut être franchement accélérée
par cette dernière.
“ Tous les mouvements sociaux du passé ont été le fait de minorités ou ont profité à
des minorités. Le mouvement prolétarien est le mouvement autonome de l‟immense majorité
dans l‟intérêt de l‟immense majorité ”. (Manifeste)
Aujourd‟hui, les luttes se situent sur un terrain très défensif. Isolées, elles peinent à
sécréter des éléments de conscience révolutionnaire partagée y compris par des secteurs très
minoritaires de travailleurs. De plus, bon nombre d‟entre elles sont menées par des secteurs
réduits de salariés, à l‟instar de celle d‟Aulnay. Le strict respect de la démocratie ouvrière
aurait imposé aux salariés en grève d‟arrêter très vite toute agitation.
Pire, le principe démocratique, s‟il avait été appliqué à la lettre aurait conseillé à ses
promoteurs de ne rien tenter du tout. Une minorité d‟ouvriers en colère en a décidé autrement.
A juste raison, jusqu‟au moment où elle a quitté le strict terrain de l‟usine pour s‟insérer dans
le débat électoral présidentiel en guise de succédané du combat à mener directement sur les
lignes pour arracher la nette majorité des salariés encore au travail au contrôle pressant et bien
ordonné de la maîtrise.
Dans ce cadre et incidemment, la tentative d‟impliquer d‟autres sites et d‟autres usines
dans le combat d‟Aulnay n‟a pu que révéler l‟extrême faiblesse des grévistes vis-à-vis de leur
ennemi le plus direct, la direction de „leur‟ usine. L‟ambiguïté de comportement de la
direction LO du comité de grève réside entièrement ici. D‟une part, elle en a été réduite à
appliquer la sacro-sainte démocratie ouvrière à une minorité de plus en plus petite. D‟autre
part, le véritable culte qu‟elle voue au respect de la loi de la majorité des travailleurs l‟a
conduite, face aux difficultés grandissantes et bien réelles rencontrées sur les lignes, à éviter
toute confrontation.
Dans ce dernier cas, cela aurait eu pour conséquence de remettre en cause sa vision
pacifiée de la lutte au sein de la classe exploitée. Il n‟était donc pas question de rechercher
une explication claire et directe entre grévistes et non-grévistes. Une telle explication aurait
pu prendre plusieurs formes, et pas nécessairement violentes : à l‟image d‟un piquet de grève
simplement „filtrant‟ aux portes. Rien de tout cela n‟a été proposé par les syndicalistes de LO
d‟Aulnay. Conséquence : l‟objectif permanent et universel de toute lutte, “ l‟union de plus en
104
plus étendue des travailleurs ” (Manifeste), n‟a pas été atteint malgré l‟adoption de la position
de l‟autruche vis-à-vis des non-grévistes.
Le syndicalisme forcené de LO
Dans le développement de la conception de LO des comités de grève, pourtant
considérés comme le lieu privilégié d‟apprentissage du “ pouvoir ouvrier ”, la question de la
formation et des instituts de la conscience politique collective autonome des travailleurs n‟est
jamais évoquée. Il n‟est pas non plus question de la relation dynamique entre luttes
défensives, „économiques‟, et lutte politique. Enfin, on n‟apprend pas grand-chose non plus
sur les relations entre syndicats d‟Etat - “ pompiers de l‟ordre social ”
Il n‟est guère dans notre intention de dresser une barrière, à la manière des léninistes
orthodoxes, entre luttes économiques et politiques. Toutefois, ces deux expressions de
l‟autonomie ouvrière ne sont pas réunies par un signe d‟équivalence. Karl Marx fournit
plusieurs pistes pour élucider ce rapport dynamique.
Dans la lettre à Bolte déjà citée, il qualifie tout d‟abord de mouvement politique “ tout
mouvement dans lequel la classe ouvrière s‟oppose, en tant que classe, aux classes
dominantes et s‟efforce d‟exercer sur celles-ci une pression du dehors ”. Trois éléments
caractérisent donc tout mouvement politique prolétarien :
La classe ouvrière se reconnaît en elle-même par delà les différences et les intérêts
matériels divergents.
La classe ouvrière se reconnaît pratiquement en tant que classe en s‟opposant aux
classes dominantes dans leur ensemble et pas seulement à certains secteurs de cellesci.
La classe ouvrière ne se cantonne pas à une opposition de Sa Majesté, faite de
l‟intérieur du système, en en respectant les limites structurelles. Elle exerce une
pression indépendante, en dehors du système, et refuse de se soumettre aux raisons des
classes dominantes.
Vitales pour améliorer le quotidien de l‟exploitation voire seulement retarder son
augmentation, les luttes économiques isolées des salariés sont à la fois le lieu naturel de
naissance des mouvements politiques indépendants du prolétariat et leur négation dialectique.
La résistance quotidienne, endémique, physiologique à l‟exploitation n‟est pas l‟objectif
principal des communistes, des ouvriers autonomes.
Dans Plus-value (1865), Karl Marx conseille les ouvriers de ne pas “ exagérer le
résultat final de cette lutte quotidienne ”. “ Qu‟ils ne l‟oublient pas ”, poursuit-il, “ Ils luttent
contre les effets et non contre les causes de ces effets ; ils ne peuvent que retarder le
mouvement descendant mais non en changer la direction ; ils n‟appliquent que des palliatifs,
mais sans guérir le mal ”.
Le premier facteur de différence entre luttes défensives et luttes politiques ouvrières se
trouve dans leurs contenus respectifs : correctifs du système pour les premières ; indifférents
aux compatibilités données du système ceux exprimés par les secondes.
Au XIXe siècle, la fameuse bataille internationale pour imposer la loi des 10 heures de
travail par jour rentrait à plein titre dans le cadre du mouvement politique prolétarien. La
revendication n‟était pas, en soi et absolument, incompatible avec la survie du capitalisme. La
preuve est amplement faite. En revanche, au moment où ce combat a été mené, la satisfaction
de cette revendication a remis en cause l‟organisation du travail, le procès général de
production, jusqu‟à la forme de représentation politique des classes.
Cette bataille, par son impulsion formidable, a permis le passage de la manufacture à
l‟industrie moderne et d‟une démocratie bourgeoise incomplète, pour la plupart réservée aux
couches les plus fortunées de la population, à la république démocratique moderne, fondée sur
le principe un homme, une voix. Le débouché de la bataille pour les 10 heures a été
incontestablement réformiste mais le mouvement qui l‟a portée avait des claires
105
caractéristiques révolutionnaires. Tout mouvement doit être prioritairement jugé à sa
dynamique et aux forces sociales qu‟il incarne et pas à son épilogue ou même, dans certaines
limites, à ses objectifs formalisés.
Outre ce premier facteur discriminant, les ouvriers, enchaîne Karl Marx, doivent
comprendre que “ le régime actuel, avec toutes les misères dont il les accable, engendre en
même temps les conditions matérielles et les formes sociales nécessaires pour la
reconstruction économique de la société ”. La société du capital a fait preuve, depuis
plusieurs siècles, d‟une énorme capacité spontanée ou planifiée de transformation et, surtout,
d‟adaptation aux pressions de la société civile et des classes opprimées. Jouer toute la partie
autour de revendications plus ou moins ingérable pour le capital, voue la lutte à un échec
assuré. La recherche de l‟objectif „fatal‟ pour le capital n‟est qu‟un mirage.
Sans donner davantage de détails, Marx identifie ici l‟un des points de force du
système actuel de domination de classe : sa propension à inventer des “ formes sociales
nécessaires pour la reconstruction ” de sa société. L‟élaboration et le perfectionnement
permanents de nouvelles formes, stratégies et instituts de commandement dans l‟usine et dans
la société s‟est révélée être l‟arme absolue pour la conservation du système existant. Ce travail
incessant invalide l‟espoir typiquement réformiste d‟obtenir, y compris au prix de la guerre de
classe la plus âpre, “ un salaire équitable pour une journée de travail équitable ”.
Ce mot d‟ordre à l‟apparence si raisonnable et légitime, Marx le définit ouvertement
comme “ conservateur ”. Il lui oppose celui, directement “ révolutionnaire ”, de l‟“ abolition
du salariat ”. Voilà fixées les limites, très étroites en vérité, placées par Marx à l‟horizon
revendicatif des salariés. Traduction : les objectifs avancés dans les luttes défensives ne
doivent jamais contredire le but politique général de la disparition du régime fondé sur le
travail salarié.
Et LO dans tout cela ? Voici sa réponse : “ Nous participons activement aux luttes des
travailleurs, même si ceux-ci présentent des revendications avec lesquelles nous ne sommes
pas d‟accord : primes ; indemnités diverses ; augmentations hiérarchisées ; etc. ”. Seules
sont exclues de son champ d‟action les luttes pour des revendications “ carrément
réactionnaires ”, type celles pour le licenciement des travailleurs immigrés.
Prisonniers de leur démocratisme à tout crin, après avoir défendu leur “ point de vue ”,
les militants de LO “ se soumettent à la décision des travailleurs et respectent les
revendications telles qu‟elles sont formulées par eux ”. C‟est le meilleur apprentissage du
syndicalisme : jamais (ou presque) minoritaires ; toujours à la traîne de la majorité. Quant au
“ point de vue ” spécifique à l‟organisation trotskiste défendu avant que les choses sérieuses
commencent, nous n‟en saurons pas davantage. Nous n‟en saurons rien non plus sur la
position de LO sur l‟orientation politique de la lutte et de l‟organisation défensive.
Les syndicats, jadis taxés de pompiers sociaux mais sans grandes conséquences
pratiques dans le rapport entre l‟organisation trotskiste et ces derniers, deviennent
progressivement dans les écrits et les discours de LO des organes neutres dirigés par des
bureaucrates qu‟il faut conquérir. Aucune critique sur leur fonction intrinsèque n‟est formulée
à leur encontre. Ni avant, à l‟époque des syndicats taxés de “ pompiers sociaux ”, ni après,
quand ils prétendront que les comités de grève ne doivent pas “ apparaître comme des
machines antisyndicales ”.
Pourtant Karl Marx avait été suffisamment explicite à cet égard :
“ Les syndicats agissent utilement en tant que centres de résistance aux empiètements du
capital ; ils se montrent en partie inefficaces par suite de l‟emploi peu judicieux qu‟ils font de
leur puissance. Ils manquent généralement leur but parce qu‟ils se bornent à une guerre
d‟escarmouches contre les effets du régime existant, au lieu de travailler en même temps à sa
transformation et de se servir de leurs forces organisées comme d‟un levier pour
106
l‟émancipation définitive de la classe travailleuse, c‟est-à-dire pour abolir enfin le salariat ”.
(Plus-value ; 1865)
A l‟époque où Marx écrit ces lignes, les syndicats n‟avaient pas encore été absorbés
par l‟Etat capitaliste. Ils étaient encore des instituts ouvriers indépendants du soi-disant intérêt
général, traduction idéologique des intérêts exclusifs des classes dominantes. Même dans ces
circonstances, Marx n‟épargne pas la critique du syndicalisme de classe qui déconnectait les
luttes quotidiennes défensives des mouvements politiques du prolétariat. Il affirmait que les
organisations défensives des ouvriers étaient “ plus importantes en tant que force organisée
pour hâter l‟abolition du système même du salariat ” qu‟en tant qu‟instruments
“ indispensables dans la guerre d‟escarmouches quotidienne entre le capital et le travail ”.
(Résolutions de l‟AIT ; 1868)
Dit autrement et en tenant compte du contexte présent d‟intégration achevée depuis
près d‟un siècle des anciens syndicats de classe aux Etats des pays capitalistes les plus
développés, les organes ouvriers défensifs qui surgissent des luttes économiques les plus
déterminées doivent comprendre, en utilisant encore les mots de Karl Marx, “ leur pouvoir
offensif contre le système d‟esclavage du salariat et contre le mode de production actuel ”.
(idem) Il faut, en somme, qu‟“ en dehors de leurs buts primitifs ”, les syndicats (hier) et les
organes défensifs autonomes (aujourd‟hui) “ apprennent à agir de manière plus consciente en
tant que foyers d‟organisation de la classe ouvrière dans l‟intérêt puissant de leur
émancipation complète ”.
D‟instituts qui se chargent de l‟organisation de la résistance au capital, ces organes
sont appelés à devenir, dans et par les combats défensifs, les représentants formels du
processus de formation politique du prolétariat. Et ce en reconnaissant en priorité les limites
intrinsèques d‟une guerre qui s‟attaquerait aux seuls effets de l‟exploitation. De ces lieux
privilégiés de l‟émancipation ouvrière en devenir peuvent naître les embryons de
l‟organisation révolutionnaire préalable et stable du prolétariat, ce que nous appelons les
comités politiques.
Les organes défensifs autonomes, tels les comités de grève, sont éphémères car
expression directe de luttes qui ont un début mais aussi une fin. De plus, la grande capacité
actuelle d‟intégration à l‟Etat des organisations nouvelles de défense des travailleurs rend
pratiquement impossible la reconstitution de syndicats de classe durablement indépendants.
Toutefois, l‟apparition de ces instituts temporaires d‟expression ouvrière offre aux travailleurs
les plus déterminés la possibilité de se constituer, dans leur sillage, en minorité directement
organisée sur le terrain politique.
“ La coalition des forces ouvrières déjà obtenue par les luttes économiques doit aussi
servir de levier aux mains de cette classe dans sa lutte contre le pouvoir politique de ses
exploiteurs ”. Et encore : “ Dans l‟état militant de la classe ouvrière, son mouvement
économique et son action politique sont indissolublement unis ”. (Résolutions de l‟AIT ;
1871)
L‟articulation entre lutte économique et combat politique se fait tout d‟abord dans
l‟usine même, sur les lieux de travail, et ne se conçoit pas comme négation sèche de l‟une par
l‟autre ou inversement. La force et l‟extension du tissu de comités politiques dépendent ainsi
directement à la fois de la capacité à développer des mouvements défensifs amples et décidés
et de la volonté d‟unification politique que les minorités ouvrières conscientes issues sauront
alors exprimer.
Cette dynamique et cette dialectique vitale de la classe exploitée n‟intéressent guère
LO, ancrée à la conception typiquement sectaire que le parti politique prolétarien est le fruit
du recrutement et de l‟action éclairante du groupe et que la défense quotidienne des
travailleurs est de compétence exclusive des syndicats “ pompiers sociaux ” ou, parfois, de
comités de grève fugaces et dévitalisés à la manière de celui d‟Aulnay.
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Flore Gambier

Messages : 11
Date d'inscription : 11/07/2015

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La politique de LO/CGT à PSA Aulnay - Page 5 Empty Texte 2

Message  Flore Gambier Jeu 23 Juil - 12:06

Extrait du roman de Silien Larios : L’Usine des cadavres.
 
Je buvais souvent un verre avec Petar…

Je buvais souvent un verre avec Petar, un jour il me dit de but en blanc : la grève, elle va bientôt démarrer chez Carpedo. Deux mois avant, la rouge de Carpedo avait fait 80 pour cent aux élections professionnelles, ça annonçait la couleur. Comme c’étaient les staliniens qui avaient monté la rouge Carpedo, il y avait aucun contact avec les trotskistes de Bagnole-lès-Rancy. D’un côté ou de l’autre, 0 : sectarisme quand tu nous tiens…la grève démarre le lendemain. Petar m’appelle pour me le dire. Je préviens Gerbier et Sorel. Petar m’emmènera tous les matins en voiture voir les grévistes avant mon travail. Ce qui fait que je suis le seul de Bagnole-lès-Rancy à voir les grévistes, serrer leurs mains, discuter avec eux. J’échange mon numéro avec leurs chefs. Ils me disent avoir l’intention de rentrer au Ferrage, ils m’appelleront quand ils trouveront le moyen d’entrer. […]
Ils appellent pour me fixer un rencart, les chefs syndicaux ont trouvé une ouverture. Je préviens Sorel et Gerbier qui vient de se réveiller. L’heure approche, je me mets en délégation. Me voilà au rendez-vous. Je les vois débouler au Ferrage : leur chef m’embrasse. Un grand ouais ! général retentit : hourra ! hourra ! hourra !….Nous voilà débouler au Ferrage, criant : la force des travailleurs, c’est la grève ! la force des travailleurs, c’est la grève ! Bagnole-lès-Rancy avec nous !… on se dirige vers le Montage. Quelqu’un me tape sur le dos. Je me retourne, qui je vois ? Gerbier… après mon coup de fil, il s’est pas posé de questions, il a sauté de son lit, déboulé avec sa bagnole plein champignon sur l’autoroute. Nous voilà au Montage. Le reste du syndicat est là…Comme d’hab’ manifestation dans les ateliers, des ouvriers font grève la journée en solidarité. Le soir Petar m’appelle : les négociations viennent de finir avec la direction Carpedo. Résultat : cent euros d’augmentation, les jours de grève payés. Cette nouvelle aura des conséquences à Bagnole-lès-Rancy dans les jours à venir…

Vera Cruz avec Gary Cooper et Burt Lancaster

Dans la soirée, en sortant de la Filmothèque du Quartier latin. Je venais de revoir Vera Cruz (1954), avec deux icônes de mon enfance : Gary Cooper et Burt lancaster. Je compte pas les fois que j’ai vu ce western de Robert Aldrich depuis l’âge de huit ans, là c’était la première fois que je le voyais en vo. Un coup de fil de Gerbier m’annonce : la grève est déclenchée au Montage, ils demandent des augmentations de salaires comme à Carpedo ! Pointes-toi directement demain matin au Montage pour voir si ça prend pas aussi dans ton équipe !
Je me pointe directement au Montage en civil. Je dis pas le raffut…y avait foule d’ouvriers en grève. La direction a pas traîné : l’équipe de mouchards, huissier compris est déjà constituée. Cette fois y a quand même une nouveauté : une soi-disant beurette qui officie comme DRH, porte le keffieh palestinien pour faire croire aux jeunes : je suis avec vous ! Personne se laisse prendre à son jeu. Ses manières roulent aucun ouvrier. Tout le monde a vite fait de voir son jeu…
Je passe les détails à l’identique de 2005. Je vous amène directement à la première réunion du comité de grève. Il s’est refait tout seul dès que Sorel l’a proposé. Les mouchards infiltrés se grillent très vite, il aura suffi de formuler les revendications de la grève, pour qu’ils tombent. Le secrétaire du syndicat les Crétins dit : Demander 300 euros d’augmentation, c’est trop ! Pour obtenir quelque chose faut demander 50 euros ! La retraite à 55 ans, faut pas rêver ! Il se fait conspuer. À côté de moi Tahar le secrétaire d’ouest-Car, me glisse : C’est un fils de pute, qui est là pour casser la grève !
Le soir de la première journée arrive, je me balade au Montage. Les Grands sont partis faire leur réunion en douce. C’est mon droit, je veux pas aller à celle des Petits. Me revoilà en froid avec eux. Je ferai les suivantes à couteaux tirés. Avec ce que je vois ce soir pas de regrets d’avoir raté la première. À l’endroit où j’arrive, j’entends de la musique: des tam-tams, de la fanfare marocaine… Sur les chaînes les ouvriers font la fête: chantent, dansent… Quand ils me voient arriver, à leur visage je devine tout de suite : C’est le trotskiste qui vient nous casser les couilles ! Faire la leçon ! Nous dire ce qu’il faut faire ! Je danse, fais la fête avec eux… au début, ils sont étonnés. Après, l’un des musiciens me dit : D’où on vient, nous savons ce que veut dire crever de faim ! S’il faut on tiendra six mois, nous irons jusqu’au bout ! Jusqu’au bout ! sera un des slogans de la grève 2007. Le musicien rajoute : Nous avons notre tactique pour foutre l’usine en grève ! Leur tactique, je la verrai jamais. Jeanne, une militante des Grands, vient faire la morale : Faut pas faire la fête ! dit-elle, ajoutant : Mais discuter avec les ouvriers sur les chaînes pour les convaincre ! Ça jette un froid. À part, je dis à Jeanne : S’ils font ça, c’est pour convaincre à leur manière, qui sait, ça peut marcher ! Je redis ça aux Grands et Petits, ils me rient au nez. Après ça, ils disent qu’ils font confiance aux travailleurs. Qu’ils s’étonnent pas, si j’ai commencé à virer anar définitivement, comité de grève bidon ou pas. […]

Mes névroses et le dirigisme trotskiste

Mes névroses vous ramènent à la grève : à la réunion du comité ce matin, il est constaté que les limites de la grève sont atteintes dans l’usine, les petits groupes constitués pour convaincre de nouveaux grévistes recrutent de moins en moins de monde. En plus, de nombreux grévistes font grève chez eux. Pour moi conséquence de l’arrêt des fanfares, les ouvriers qui voulaient une grève festive, avaient forcément déchanté. Ils se disaient : avec la fanfare, du monde sortira ! Quand, ils ont vu que leur solution était pas retenue, la grève a été laissée aux professionnels… Plus d’un dira : il est bien naïf politiquement. À Lip, c’était bien l’imagination des ouvriers au pouvoir… À Bagnole-lès-Rancy, le comité de grève était encadré par des militants trotskistes, Grands et Petits confondus, qui faisaient la morale aux ouvriers quand ils étaient pas d’accord avec eux… Dirigisme trotskiste quand tu nous tiens.
Je poursuis le monologue intérieur, ça s’embrouille un peu dans ma tête, plus de cinq ans ont passé depuis, bien des événements… Selon le comité de grève, à peu près une semaine et demie après le début des hostilités, les limites du mouvement dans l’usine sont atteintes. Il faut s’adresser aux autres ouvriers des autres usines du groupe. Un car est loué pour aller à la Poisse, la plus grosse usine de la région parisienne. Je dis ça à Bill enthousiaste. Vous êtes pas assez nombreux qu’il me dit ajoutant : le plein a pas été fait dans l’usine ! Vous allez vous faire balader, comme vous l’auriez été avec les Stals !… À ce moment, je diverge avec lui. Comme il avait raison dans ces propos en y réfléchissant après coup… Sur le moment, je lui dis : on peut faire le même coup que Croissant Soissons, il y a quelques années ! Bill rétorque : ils étaient dix fois plus nombreux, bonne balade petit !
Nous voilà devant l’usine de la Poisse. Jamais vu une turne aussi grande comparaison à Bagnole-lès-Rancy, presque une PME en comparaison. Nous sommes noyés par l’immensité… L’équipe qui rentre prend nos tracts. Certains nous écoutent, au bout du compte, les ouvriers de la Poisse rentrent au chagrin…

L’usine de Saint-Glin-Glin

Dans la foulée, les jours précédents, il est décidé d’aller à Saint-Glin-Glin, plus petite boîte Saint-Glin-Glin. La rouge y a fait un carton aux dernières élections professionnelles… Saint-Glin-Glin en taille, c’est grand comme un atelier de Bagnole-lès-Rancy. Là ça sera plus épique. Plus drôle qu’à la Poisse. On y rentre dans la tôle. Je raconte les circonstances : en arrivant la grande porte est fermée. Des grévistes l’ouvrent en force… Je donne pas les noms de ceux qui ont ouvert, because des poursuites ont été engagées, après constat d’huissier. une fois le passage franchi, nous voilà dans la tôle. Le spectacle est grandiose à l’intérieur. Un sacré comité d’accueil est là. le banc, arrière-banc de nervis, mouchards, anti-ouvriers, anti-grève… sont là. Du cent pour cent garantie vermine, la fine fleur de la pourriture. Faut voir avec la haine qu’ils nous regardent. Ils auraient des fusils à la place des yeux, un sacré carnage qu’ils feraient…
Ce qui suit, est encore plus hallucinant… Périclès, un portugais, de ma vie jamais vu quelqu’un d’aussi paranoïaque, schizophrène… traité en hosto qu’il a été le Périclès. Je l’évite comme la peste. Je suis pas le seul chez les grévistes et pour cause. Le Périclès y va voir carrément le comité d’accueil, pour montrer ses photos de famille du Portugal. Faut voir le contraste. Un ouvrier qui fait voir ses photos comme un petit enfant montrant des chromos, des nervis médusés voyant tout ça… Y a pas intérêt à le contredire Périclès. Un chef du Montage en a fait les frais, il lui reprochait un boulot soi-disant mal fait. Le chef pourtant dur à cuire avait cru son dernier jour arrivé, après l’avoir vu en furie lui tomber dessus… À trois qu’ils avaient dû s’y mettre pour le stopper. Le chef y doit y réfléchir à deux fois à présent avant de chercher des noises sur le travail. Passé ce spectacle, on s’engage dans les ateliers. Peine perdue, à part les délégués, quelques syndiqués et encore nous soutiennent…une usine de plus qui nous suit pas.
Ça commence à tourner sérieusement en rond la grève. Faut chercher un deuxième souffle, il y a nécessité qu’une autre usine nous suive. le comité de grève a une idée lumineuse : aller voir Carpedo ! Après tout, c’est grâce à nous qu’ils ont gagné ! Ils nous doivent bien ça ! La meute de chiens nous suit, alors qu’on avance au Ferrage… Des fois qu’ils aient faim, des grévistes traînent devant eux des nonos attachés à une corde. Ils doivent tellement saliver à l’odeur des nonos qu’ils voient pas qu’on franchit la porte qui sépare le Ferrage de Carpedo. Ils restent en rade dehors. Dans Carpedo, le cortège avance au cri de : Carpedo, Bagnole-lès-Rancy, même patron, même combat !…. Des ouvriers, des chefs nous voient médusés. Le tournant de la grève approche. Un groupe d’ouvriers Carpedo s’est formé autour de leurs dégueulés. Les pontes syndicaux Carpedo entament un vague discours de soutien à notre grève… Faudra pas attendre plus. Plus tard, je demanderai aux ouvriers de Carpedo pourquoi, ils nous ont pas suivis ? Ils me diront que c’est leurs délégués, qui leur ont dit… Sarcastique, ma réponse : ils vous demandent d’aller vous jeter au fond d’un puits, vous y allez !…
Deux semaines de grève, ça sent le roussi, personne nous suit dans le groupe. Carpedo, on les avait bien aidés pour qu’ils gagnent ! Pour nous nada ! Pas même le geste d’une heure de débrayage. Sectarisme tout ça : les syndicalistes de cette tôle sont à la botte des staliniens qui voient bien que la grève de Bagnole-lès-Rancy est politique… preuve définitive de ce que j’avance, Perdraud, leur clancul de secrétaire national. En pleine grève de Bagnole-lès-Rancy, interrogé à la télé sur le fait que le privé bouge jamais. Le seul exemple qu’il donne de boîte du privé qui bouge : deux petites boîtes du Sud-ouest… une grosse boîte en grève, c’est rare, en plus qui demande : la retraite à 55 ans, 300 euros d’augmentation, ça pourrait redonner l’espoir. Les costards-cravates qui dirigent les syndicats, qui sont là que pour donner du désespoir, manger à la table des sinistres… disant : ah Monsieur, tout va bien, on les tient ces salauds de pauvres, passez-moi le caviar !… Sont surtout pas là pour le redonner ! Que non ! Que non !…

Le centralisme trotskiste et la naissance d’un anar

Le thème des Staliniens, je l’ai balancé à Sorel quand les Grands ont exclu les Petits de leur secte… les Petits avaient protesté que les Grands fassent alliance aux municipales avec les réformistes, les roses caviar, les Staliniens… tout ça contre des places de conseillers municipaux, des plats de lentilles… Sorel me dit : Centralisme démocratique, faut s’y plier ou c’est la porte ! Les bolcheviques avaient fait pire par tactique de Lénine, ils s’étaient alliés avec les Cadets pour avoir des places au parlement tsariste ! Bien que n’étant plus trotskiste mais cent pour cent anar, je lui rétorque : les staliniens sont les ennemis mortels des trotskistes, ils en ont même déjà tué !… Sorel s’arrange pas avec les décades passées à l’usine ; plus il prend de l’âge, plus il vire chef de secte…
Les boîtes sous-traitantes de l’usine, qu’on avait aidées dans leur grève, pas une nous soutiendra. SSS boîte de nettoyage qui avait fait grève pour la dignité. Leur patron voulait même pas leur donner des chaussures de sécurité. Pour en avoir, il fallait qu’ils en prennent dans les poubelles. Du haut de son yacht, des chaussures pour leur patron rapiat c’était déjà trop. Il a dû s’en faire des cheveux blancs : en plus, ils demandaient des augmentations de paye. Pour les aider à gagner, on est resté toute leur grève à les soutenir. Dormir avec eux pendant leurs piquets, des fois que les flics Bagnole-lès-Rancy viennent les déloger. Même le dimanche on venait.
J’y étais pas ce jour-là, à la peinture. On m’a raconté. Manifestation standard : grévistes SSS, syndicalistes de la boîte, Sorel aux avant-postes. Des cadres dont M. Puta directeur de la peinture sont là, collent Sorel. Il sent une bite contre son cul, il craque demande s’ils ont pas des tendances pédérastiques ! Ça s’envenime. Je passe les détails qui ont été tranchés par une demande de licenciement contre Sorel… les dirigeants des grandes entreprises c’est des : voleurs ! licencieurs ! exploiteurs !… Voleurs, j’affirme encore une fois preuve à l’appui. Les dirigeants de Bagnole-lès-Rancy allaient voler la retraite de leurs mouchards. Lors du dernier plan de départ, la préretraite à 55 ans faut plus la chercher… La préretraite maintenant, ça existe plus. La loi larbin à Clétencourt l’a définitivement ratiboisée. Avant la grève 2007, y en avait encore une, les vieux qui y ont eu droit sont les derniers à partir à 55 ans. Pour le reste faudra crever à la chaîne… Des anciens l’ont ratée à un mois près. Un lot de mouchards anti-rouges, qui nous ont pourri la vie, nous mouchardant en roue libre… allaient la rater, la préretraite. Prétexte qu’ils avaient truqué leur date de naissance pour rentrer dans l’usine. Pour l’avoir à présent, ils sont allés pleurer auprès de leur patron adoré avec leurs vraies dates de naissance. Malgré les services rendus le patron voulait rien entendre. Voyant que leur syndicat de larbin à force de ramper devant la direction est incapable de les défendre, c’est les rouges qu’ils sont venus voir. Des anciens de 82 veulent pas qu’on les aide. Ça se comprend, avec tout ce qu’ils les ont fait chier. Des collègues dont Gilbert se foutaient de ma gueule : ils vous ont pourri la vie et vous allez leur permettre de partir à la retraite, trop gentils, trop cons ! J’apostrophais les délégués maison, quand je les croisais en public : Heureusement, qu’on est là, vous êtes même pas capables de défendre vos syndiqués ! Avec le barouf fait boulevard Bérézinas, dans les journaux, les mouchards auront eu la retraite grâce à la rouge. Cet éclat leur est resté en travers de la gorge… D’après les rumeurs entendues boulevard Bérézinas, le PDG avait demandé la tête de Sorel. Du pain béni les événements de peinture.
Dimanche sur le parking de l’usine où l’on est en nombre. Sorel nous apprend qu’il y aura sûrement une demande de licenciement contre lui. La demande arrive lundi. Heureusement dans la soirée, SSS trouve une sortie honorable à sa grève, leur patron rapiat devra se serrer un peu la ceinture sur son yacht. Il bouffera un peu moins de caviar dans la semaine, les balayeurs SSS offriront un peu plus de jouets à leurs gosses… La grève SSS a été plus qu’épique. Des nuits à dormir avec eux à même le sol. Dans des coins sordides. Ils en ont du mérite. Certains d’entre eux avaient sûrement pas de papiers. Malgré ça, ils ont tenu tête et niqué un des plus gros patrons de France. Leur déléguée niveau vermine, elle tenait le haut du pavé… plus d’une fois, je l’ai chopée la Hortansine après avoir fait la navette avec les chiens de garde, le DrH du Montage, ils étaient là quasiment 24 heures sur 24. Après voir pris ses consignes chez ce beau linge, elle venait démoraliser les grévistes… Un jour l’un d’entre eux, un Hindou, après sa venue, voulait reprendre le travail. il a fallu que je lui dise que, pour ses enfants, il pouvait pas faire ça, rentré chez lui après deux semaines à dormir loin de chez lui, la queue entre les jambes…
Je suis à bout, les Grands, comme je suis plus de leur bord, ils m’auront bien pourri la vie. Rien que dans la grève SSS, ils étaient pas nombreux à me parler, me dire : Bonjour, ça va, avant de me dire : C’est ton tour de dormir avec les grévistes ! Pour demander quelque chose, y en avait toujours un pour venir me voir. Pour le reste nada la pougnette. Cerise sur le gâteau, à leur fête où malgré tout, j’y bossais gratos. Quand je les croisais, j’étais jamais dans leur champ de vision. Par contre à Hortansine, ils lui déroulaient le tapis rouge quand elle venait. Je me répète, j’ai pas le choix, tout net, je le dis : avec des comportements comme ça, qu’ils viennent pas s’étonner que je sois devenu cent pour sang anar ! Anti-trotskiste ! Anti-bolchevique ! Anti-marxiste ! Anti-communiste !… Marginal de la politique ! C’est eux qui m’ont marginalisé, au début en me parlant plus car j’avais rejoint les Petits. J’en ai souffert d’être isolé. Maintenant la marginalité politique, syndicale est devenue ma marque de fabrique. Je préfère les laisser entre eux…
Bill qui était un de leurs dirigeants, je délire, m’emporte, vitupère… J’ai pas le choix en y réfléchissant, je peux pas faire autrement. Les Grands, Petits, i’ étaient bien contents quand Bill passait ses week-ends, ses vacances… venait après son boulot chez Renault pour s’occuper de leur terrain. Il m’avait dit leur avoir même fait le tout-à-l’égout. Je dénonce des saloperies faites par des gens qui disent avoir vocation à changer le monde… À part la grande foule de ses vrais amis, ils étaient pas nombreux les Grands et les Petits de tout poil à son enterrement, à venir le voir quand il était atteint d’un cancer… après ça, ils peuvent parler de changer le monde. C’est des gens comme ça qui vont changer le monde ?
Bill a osé poser les bonnes questions en se demandant : Trotski, les trotskistes… se sont peut-être trompés sur l’analyse de la situation actuelle ? C’est un acte de salubrité de se poser des questions comme ça. Pour qu’une organisation sombre pas dans le stalinisme des plus sectaires.

Clarette Lavilliers, Tansancenot, la mère Marchais ancienne ministre des Sports…

Sorel, il se voyait viré. Il en aura fallu des débrayages, des prises de paroles sur le parking, des soutiens politiques : Clarette Lavilliers, Tansancenot, la mère Marchais ancienne ministre des Sports. De la part des autres syndicats, il aura eu son lot de calomnies… Grâce au battage fait, il aura réussi à sauver sa tête. Voyant les soutiens, Bagnole-lès-Rancy avait certainement pas voulu prendre le risque d’un licenciement politique…Maintenant, je m’interroge : pourquoi au bout de trois semaines de conflit, le mouvement a continué encore trois semaines ? Je raconte la fin des événements tels qu’ils reviennent à ma mémoire… Ce qui a relancé la grève après notre passage chez Carpedp, ça aura été une grève chez les sous-traitants de sièges directs pour l’usine… À Trifouille-lès-Compiègne. J’y suis allé une fois à Trifouille-lès-Compiègne voir leur grève. Toute leur boîte était à l’arrêt. Si ma mémoire me fait pas défaut, 80 pour cent de l’usine en grève. En discutant avec les grévistes, j’avais constaté quelque chose de pas minime, c’est qu’ils voulaient pas la fusionner avec nous leur grève. au contraire des patrons, pour les ouvriers, c’est chacun pour soi… Tout ça me fout un coup au moral, confirmé quand ils obtiendront ce qu’ils voulaient… les patrons : i’ sont pas cons ! Tout sauf abruti, un patron !…Pour diviser un mouvement, il est capable de lâcher quelque chose même temporairement, il sait qu’après, il niquera… C’est ce qui arrivera, aux ouvriers de Trifouille-lès-Compiègne quand, quelques mois après leur conflit, il leur dira : votre usine est fermée !… Pas con un patron, politique un patron !
Après ces événements, pour moi la suite de la grève ça devient vraiment du n’importe quoi. Trois semaines de n’importe quoi. Je raconte la fin: au comité de grève, ça s’écharpait limite les mains. Il y avait les grévistes qui voulaient bloquer en force les chaînes, stopper d’autorité l’usine… Il y avait ceux dirigés par les Grands et Petits trotskistes qui voulaient continuer à l’extérieur de l’usine… À ce moment, il y avait de moins en moins de grévistes qui venaient à l’usine. C’est un fait beaucoup qui venaient voulaient bloquer. Des syndicalistes d’Ouest-Car arguaient dans ce sens. Je me souviens d’un délégué Ouest-Car chaque fois qu’il intervenait en comité de grève c’était pour balancer tout le temps une rengaine identique : pour Ouest-Car, c’est jusqu’au bout !… Jusqu’au bout de quoi, il était bien incapable de le formuler. Passé les avatars du refus de la musique, à y réfléchir à présent : ceux qui faisaient grève chez eux, s’étaient mis en maladie… C’est qu’ils voulaient reprendre le travail, mais osaient pas s’exprimer. La pression du «jusqu’au bout» est la plus forte, la grève continue. Elle change de phase, les Grands et Petits emportent le morceau dans des réunions du comité de grève de plus en plus houleuses. Il y a des échanges de propos de plus en plus violents. Fallait voir l’électricité qui régnait en ces moments…
La grève, je la voyais perdue, j’étais pas le seul, Sorel m’avait dit : on va droit dans le mur ! À la télé malgré que Perdraud faisait pas de publicité, les JT commençaient à en parler. Même au 20 heures d’antenne1, PPD en parlait de la grève de Bagnole-lès-Rancy.

La mère Impériale en campagne présidentielle découvre des ouvriers !

Conséquence de tout ça, la grève va s’inviter dans la campagne des présidentielles qui vient tout juste de commencer. Des candidats vont venir nous voir sur le parking : Tensansenot, Clarette Lavilliers, le coupeur d’OGM, Adèle Aurore Marchais… Cerise sur le gâteau : la mère Impériale, future finaliste de la compétition… elle avait l’air de sortir de la messe, la mère Impériale, de découvrir que les usines c’est pas Neverland : Comment les patrons, ils sont méchants avec les ouvriers ! Because campagne électorale, elle se fait prendre en photo avec des grévistes. Elle va même jusqu’à nous demander devant les caméras d’antenne 1 si on l’aime notre entreprise ? À plusieurs nous répondons : on s’en fout ! on s’en fout ! Dans le brouhaha, il paraît que ce qui a été entendu à la télé c’est oui ! Faut dire que beaucoup étaient sous le charme de l’Impériale…
Maintenant, vient le temps des interrogations, des bilans… Pourquoi la grève a duré trois semaines encore ? les Grands et Petits savaient qu’elle était perdue, la grève. Qu’elle allait droit dans le mur. Deux hypothèses s’offrent à moi : Continuer de permettre aux ouvriers d’apprendre à diriger leurs luttes, ou bien inscrire la grève de Bagnole-lès Rancy dans le contexte de la campagne présidentielle ? Des trotskistes s’y présentaient, c’était l’occasion de montrer aux électeurs, aux citoyens qu’ils dirigeaient des luttes… Le pire, peut-être les deux. La grève de Bagnole-lès-Rancy aura été l’exemple de la schizophrénie trotskiste. Toutes les activités militantes tournées vers les élections pour au bout du compte faire 0,5 pour cent des voix…
Force est de dire qu’avec les circonstances qui vont suivre… je voyais des catastrophes arriver, la fin du syndicat… pire encore la fin des luttes à Bagnole-lès-Rancy. J’étais pas le seul. Au vu de la maîtrise des événements, les trotskistes : Grands et Petits, ils auront bien joué avec le feu. Plus d’un voyait la situation compromise, eux compris. Tout le monde va comprendre, ça va s’enchaîner en quatrième vitesse comme une farandole, un rigodon, une mauvaise suite… La campagne électorale est là, la grève passe en phase ballade des ouvriers pour collecter de l’argent pour payer la lutte. Il y aura même la création d’une carte de grévistes à pointer tous les jours pour toucher l’argent des collectes. Pour cela des délégations de grévistes seront envoyées dans les usines du groupe, chez Renault, dans les autres boîtes du 93, les mairies… Je peux pas m’empêcher de raconter l’épisode Renault, usine d’ingénieurs. Ça éclaire le reste de comment ça s’est fait les collectes. En gueulant à l’entrée, la solidarité aura pas beaucoup payé. Dans les locaux syndicaux, chez les notables de la boîte, c’est autre chose : une réception cinq étoiles avec rosbif, sauciflard, pâté de campagne du meilleur, ricard, whisky… ils savent recevoir, les syndicats de Renault. À l’appui un gros chèque pour soutenir la grève… un constat s’impose : les patrons tiennent les syndicalistes isolés dans leurs locaux syndicaux comme les tuniques bleues tenaient les indiens dans les réserves, tranquilles à picoler du whisky du matin au soir…
Les événements s’enchaînent, la farandole accélère… le gros des réunions du soir, c’est à présent : savoir combien ramènent les collectes aux caisses du comité de grève. Son extension n’est plus à l’ordre du jour, sauf encore pour quelques hurluberlus d’ouvriers qui demandent encore avec insistance, violence, passion… que la grève soit refaite dans l’usine. Pour l’instant, ils sont pas encore écoutés. Ça viendra avec la fin de la grève d’une manière surprenante…accélération de la farandole… Dans les derniers jours de la grève, il y aura du collectage de fric tous azimuts… Je passe les détails. La mairie de Paris aura même eu droit à notre visite massive, avec manifestation en plein Forum des Halles. Au nombre qu’ont était, c’était plus noyé qu’on était, de vrais naufragés d’une grève dans Paname… Les gens sont méchants, des ouvriers voyant qu’on allait voir Jean Delannoy, maire de Paris, se sont pas empêchés de dire qu’on allait voir le phoque de la capitale…Pittoresque qu’elle aura été cette journée dans les beaux quartiers, les touristes, divers badauds… auront vu devant le parvis de l’Hôtel de ville, de ses environs… des ouvriers demander de l’argent pour soutenir une grève. Au comité de grève, même si l’argent y rentre, la tension monte de plus en plus. Les syndiqués rouges, on apprend que les instances vont enfin venir écouter nos remarques, nos protestations, nos attentes…
Depuis le temps qu’on les attend… Ce qu’ils prennent dans la gueule au local… pire que de l’électricité dans l’air qu’il y a. Les répliques que nous donnent les pontes syndicaux illustrent le professionnalisme de la vermine… Ils doivent servir les mêmes baratins dans d’autres usines en grève. Les cinq notables en guise de bienvenue reçoivent un: vous êtes pas venus beaucoup nous aider pendant la grève ! Du fric de soutien la couleur en est absente ! Si vous nous apportez pas de l’aide conséquente, ça sera la fin des luttes à Bagnole-lès-Rancy ! Les grévistes vont nous cracher à la gueule !… Parmi ceux qui gueulent le plus, il y a Azouz Bakouch. En me souvenant de tout ça, je suis étonné. À part moi, les Grands à cette réunion, hormis donner le bilan de la grève, ils ont pas beaucoup gueulé. Gerbier était pas à la réunion, il y aurait été, le connaissant comme je le connais, il les aurait encore remis à leur place pire que moi. Sorel est même venu après la réunion pour me faire la morale, que j’aurais pas dû m’emporter… Comme je te l’ai envoyé valdinguer. La fin de la réunion devient de plus en plus électrique, Larchaoui se met à hurler, il tape de grands coups sur la table : vous abandonnez les immigrés ! En 82 Krasuk est venu nous soutenir ! Perdraud sa gueule on l’a jamais vue ! Il parle même pas de nous à la télé !… Le seul engagement que les pontes transformés en punching-ball nous donnent, c’est que Perdraud en personne viendra nous soutenir. Pour le reste, que se soit la fin du syndicat à Bagnole-lès-Rancy, qu’on finisse sur la paille, que nenni, que nenni, ça fera des emmerdeurs en moins…

Le chef syndical Perdraud

Perdraud au parking assène son discours ultra-réformiste, s’il doit y avoir des augmentations ça sera 300 euros bruts. Il précise bien bruts. Entendant ça, je gueule comme un malade : Net ! Net ! Net !…. Il se retourne vers moi, croyez-vous que l’enflure va changer son slogan pour faire plaisir à un gréviste. Nada, il précise toujours brut. À ce moment, je me mets à l’insulter : Vendu ! Bouffon!… Il faut que Larchaoui qui aime pas les bureaucrates comme moi me dise d’arrêter, vis-à-vis des grévistes, ça la fout mal qu’un délégué insulte son secrétaire national ! Larchaoui me sort ça, pour me convaincre.
Plus vite la farandole… la fin de la grève arrive, dans les dernières sorties opérées c’est : Paris ! Paris ! Paris !… on va en bouffer du Paris. À commencer par la médiation de la dernière chance au ministère du Chômage. Une délégation y est reçue, parmi les discussions qu’on a en attendant les camarades la certitude que les noms de tous les grévistes doivent être sur le bureau du ministre est plus qu’évoquée…Les grévistes sur les Champs-Élysées, fallait nous voir manifester, pour nous rendre aux dernières négociations, boulevard Bérézinas, à quelques centaines de manifestants sous l’arc de triomphe. La fin de la grève approche, la fin de la campagne présidentielle aussi. En pleine campagne électorale, les Grands apprécient pas beaucoup que je dise aux autres grévistes : Ça sert à rien de voter ! Seule la lutte compte ! Ils vont le dire à Gerbier. Ce dernier réplique tonitruant : Si vous avez quelque chose à dire, allez voir la personne concernée ! Pas un viendra m’exprimer son mécontentement…
Je raconte les derniers barouds d’honneur du conflit. Dans un des derniers comités de grève, Sorel finit par craquer, il écoute enfin les arguments des ouvriers qui demandent de tenter une dernière manif dans l’usine. Sorel prévient : il faudra pas venir pleurer s’il y a des demandes de licenciements en cas de provocations ou débordements !… Le matin de la manif dans l’usine, je vais saluer comme tous les jours mes collègues de boulot, leur donner des nouvelles de la grève. Si la grève a tenu six semaines, c’est pas seulement dû à la détermination des grévistes, à la campagne électorale… Dans les premières semaines, les plus importantes, la direction a pas réussi à avoir le nombre suffisant de volontaires du Ferrage pour aller faire le boulot des grévistes au Montage. Pour ceux qui ont accepté le sale boulot, j’aurais honte de me regarder dans une glace. la honte, ils l’ont déjà envers leurs collègues de travail. Aussi de la manière qu’ils sont transportés au Montage : tous les matins en fourgon comme des chiens… Les collègues, à qui je vais serrer la main tous les jours, m’ont à chaque fois précisé fièrement avoir toujours refusé d’y aller au Montage… Certains ont eu des échanges musclés avec les chefs : Mon poste, il est ici ! Je bouge pas d’ici ! Je suis pas un mouchard !… Si je vais au Montage, ça sera pas pour travailler mais pour casser, faire grève !… Dans une usine comme Bagnole-lès-Rancy, c’est pas rien de tenir des propos comme ça au chef. Là-bas la hantise des ouvriers aura toujours été : Si tu déplais à ta hiérarchie, s’ils m’ont dans le collimateur, j’aurais plus jamais d’augmentation… Grillé que je serais ! Les collègues avaient bien rigolé quand je m’étais pointé le jour qu’on avait été voir les grévistes à la Poisse… Ce jour-là, le manche à couilles de chef de l’époque… disait n’importe quoi pour discréditer les grévistes, comme quoi : Nous avions tenté de rentrer en force à l’usine de la Poisse ! Ils nous avaient refoulés comme des malpropres, à la Poisse ! Preuves à l’appui, ils montraient les chiffres de production de la Poisse… le chef voit ma gueule arriver dans la salle. Il devient tout blanc. Je m’emporte : avant de dire n’importe quoi… faut vérifier ce qu’on dit, nous n’avons jamais tenté de rentrer à la Poisse ! On a tout juste été dire bonjour ! Notre grève, est une grève propre… nous ne terrorisons personne ! Arrêtez de dire ça aux ouvriers !… Le chef se met à trembler. Quand je pars, j’entends des applaudissements…Le jour de la manif dans l’usine, des collègues me disent pour certains : Nous avons honte de travailler alors que vous êtes sans paye depuis plusieurs semaines ! Pour la manif dans l’usine nous viendrons ! Je raconte ça à des grévistes, réponse : ils disent toujours ça, pour se donner bonne conscience ! L’après-midi, ils sont là. Une preuve de plus qu’il était peut-être pas nécessaire de balader tous le temps les grévistes en dehors de l’usine. Il y aurait peut-être eu possibilité d’arrêter l’usine. À 3000 le rapport de force est pas le même pour s’adresser aux autres ouvriers du groupe.

Comment je suis devenu un petit-bourgeois individualiste

Ces dilemmes auront fini par me faire craquer. Finir la grève dans la marginalité définitivement… J’étais pas d’accord : il aurait fallu d’abord tenter d’arrêter l’usine ! À l’extérieur, au nombre qu’on était, nous étions des pitres, des guignol’s band !… la grève je l’aurai finie dans le désarroi le plus total, la souffrance la plus totale…L’inconvénient avec les trotskistes de tout poil, c’est qu’une fois qu’ils décident une politique, ils écoutent plus les réticences de leurs militants. Pour eux, faut appliquer le centralisme démocratique : D’accord, pas d’accord, tu fais ce qui a été décidé ! Ou alors un véritable hallali s’abat sur toi. Jusqu’à ce que tu craques avec des noms d’oiseaux : C’est un petit-bourgeois ! Il est individualiste ! Il est démoralisé !… Comme si le fait d’être démoralisé venait de ce que l’on suive plus leur politique. J’aime la phrase que prononce Gérard Blain dans le film Jusqu’au bout de la nuit (1995) : Face à la société, je suis en état de légitime défense !… Cette phrase je me l’étais appliquée à moi-même en me disant : en rentrant dans l’usine, je suis en état de légitime défense ! Après la grève ce sera aussi le dimanche, que cette phrase sera d’actualité, le temps que j’irai encore à mes réunions de cellule, tellement c’était tendu… tellement, j’étais plus d’accord avec eux…
Bien qu’étant plus d’accord avec les Petits je les ai toujours défendus envers les Grands. En les quittant si j’avais arrêté d’être solidaire avec eux, peut-être que ça m’aurait permis de souffler un peu ? Les Grands auraient peut-être arrêté de m’isoler, de me regarder de biais parlant avec moi. À trop regarder de haut les militants qui sont pas d’accord avec eux, ils vont finir par nous attraper le vertige des imbéciles. Un militant des Grands un jour me voyant seul, marginal, se met à rigoler, chantant : Quand t’es dans le désert ! Quand t’es dans le désert ! Il croyait que j’étais encore avec les Petits qui venaient de se faire exclure. Je dis au vocaliste : Si ça t’arrivait à toi d’être viré après des années de militantisme, tu ferais quoi ? Tu serais bien seul ! Un silence et une émotion apparaissent.
La fin de la farandole va bientôt arriver. Après le succès relatif dans l’usine, il est décidé de tenter une grande manif dans paris. L’initiative vient pas des trotskistes mais d’un gréviste isolé. Nous voilà un groupe sur le parvis de la gare du Nord à s’adresser aux gens qui rentrent le soir du travail… À l’un d’eux qui me demande pourquoi on appelle à manifester samedi ? Je réponds : pour la retraite à 55 ans ! 300 euros d’augmentation ! Comme un Martien, qu’il me regarde. Je m’emporte contre un sympathisant des Grands. Il prend l’activité à la rigolade alors qu’il veut toujours être en grève. Pour une fois je deviens méchant, c’est rare pour être souligné : Si tu fais pas le forcing pour qu’il y ait du monde samedi à la manif, que c’est un bide, plus que nos yeux pour pleurer qu’il nous restera !

Fin de grève au bistrot

Même si j’ai fini la grève au bistrot. Pour la fin Gerbier dira de moi : il était tout le temps bourré ! Bien que j’avais démissionné de la grève. Le matin en arrivant à 7 heures à l’usine, il m’arrivait d’attaquer à l’absinthe. Les activités pouvant relancer l’espoir, jusqu’au bout je les aurais faites. Comme un dimanche matin passé sur le marché de ma ville à vendre des places pour le concert de soutien à la grève qui allait être organisé. Comme il fallait s’y attendre la manif du samedi est un bide total. Les partis se disant de gauche, avec les salariés, aux abonnés absents qu’ils sont ce jour-là. Idem pour une certaine extrême gauche : le destructeur d’OGM, Tansancenot, la mère Marchais… d’autres impératifs qu’ils avaient… pour parler de leur attitude, c’est pas le mot démission qu’il faut employer, mais trahison.
La rapine allait accéder au pouvoir. La manif de Bagnole-lès-Rancy pouvait constituer un début de protestation à l’arrogance, aux attaques qu’il allait faire contre le monde du travail. Qu’ils soient pas venus, tout est dit. Les syndicats non plus, ils étaient pas là. À part ça, ils sont là pour défendre les salariés.
Les choses sont claires à présent, dès lundi c’est reprise qu’il faut parler. L’appel à la reprise se fera sans moi. Je tire quand même mon chapeau aux Grands et Petits trotskistes. La reprise avec vote se fera sans trop de casse. Les irréductibles du jusqu’au bout auront été neutralisés ou repris en main. Le vote de reprise s’est quasiment fait à l’unanimité… La seule, l’unique question que je me pose, je suis pas le seul à me la poser : pourquoi l’ont-ils pas proposée avant la reprise ?

De Cyd Charisse à l’esprit de lutte

Ce jour-là plutôt que voter la fin d’une grève dont je savais depuis longtemps qu’elle était finie. J’ai préféré une part de rêve en allant voir au cinéma Party Girl (1958) avec Cyd Charisse et Robert Taylor, deux acteurs cinq étoiles. Dans la foulée, j’ai regardé également Le Port de la drogue (1953) de Samuel Fuller. Polar américain anarchiste des années 50, d’un anti communisme hallucinant. Un miroir paranoïaque de ce que je vivais en cette fin de grève...
* Les sous-titres ont été ajoutés pour cette version, afin de clarifier la lecture des extraits choisis.

Flore Gambier

Messages : 11
Date d'inscription : 11/07/2015

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La politique de LO/CGT à PSA Aulnay - Page 5 Empty Re: La politique de LO/CGT à PSA Aulnay

Message  hadrien Jeu 23 Juil - 12:07

Voici deux écrits ouvriers sur la grève à PSA Aulnay de 2007.
Le premier est théorique. Le second romanesque. Tout deux témoignent du naufrage du trotskisme en France.

Naufrage du trotskisme ou misère du gauchisme commentateur hors sol ? No

hadrien

Messages : 285
Date d'inscription : 09/02/2015

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