Veille des outils de répression
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Re: Veille des outils de répression
Perquisition musclée chez l’extrême gauche M.-O. N.
Trois jeunes militants nancéiens d’extrême gauche ont déposé plainte la semaine dernière pour des violences policières.
Le 26 janvier vers 7h30, à Nancy, quatre policiers se présentent au domicile de trois colocataires. Ils frappent à la porte. « Ils nous disaient "police, police", mais nous n’avions pas le moyen de savoir si c’était vrai. On pensait que c’était une bande d’extrême droite », témoignent deux jeunes gens présents, habitués à en découdre avec ces ultras. Ils jettent un œil par le judas, « mais on ne voyait rien, on a remarqué après que le judas avait été obstrué ». Au bout d’une demi-heure de tambourinage sur une porte fermée, les fonctionnaires sortent un pied-de-biche pour ouvrir. « Ils sont entrés l’arme à la main », poursuivent les militants. « Dans la chambre, j’étais assis sur le lit, les mains en l’air. Un policier est venu une arme à la main, il a poussé la jeune fille qui se trouvait devant moi. Il m’a donné une grande gifle dans le visage. Toujours les mains en l’air, je me suis couché sur le lit. Le policier a mis son arme sur ma tempe gauche. Puis il a rangé son arme et a mis son poing sur ma tempe », témoigne un jeune homme de 20 ans. Les policiers cherchaient un militant du CNT impliqué dans une bagarre avec des autonomes lorrains.
Ils ont fouillé l’appartement, relevé les identités avant de repartir. « On n’a jamais su ce qu’ils cherchaient », assurent les jeunes. Le lendemain, ils ont déposé une plainte dans un commissariat nancéien.
« Nous avons agi dans le cadre d’une enquête judiciaire sur instruction du parquet dans le strict respect des règles du code de procédure pénale », explique Lionel Razurel, directeur départemental de la sécurité publique. « Les fonctionnaires ont décliné leur profession, ils ont frappé et attendu une demi-heure pour qu’on leur ouvre alors qu’ils entendaient du bruit à l’intérieur. Il n’y a jamais eu de violence », répète le DDSP. La plainte a été enregistrée au parquet de Nancy. Le procureur de la République tranchera sur la suite à donner.
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
Collectif des victimes de la manifestation du 21 janvier 2011 en gare d’Anduze
COMMUNIQUE DE PRESSE
Souvenez-vous !
21 janvier 2011 : Gazage et matraquage de citoyens et d’élus par des forces de gendarmerie en gare d’Anduze
Devant le train, une manifestation pacifique, menée par des élus symboliquement munis d’écharpes tricolores. Citoyens et élus de la communauté de communes autour d’Anduze sont venus montrer leur volonté de préserver leur communauté menacée de fusion avec l’agglomération du Grand Alès par la réforme des collectivités territoriales.
Dans le train à vapeur des Cévennes spécialement affrété par eux, le Président et les élus (du Grand Alès) et leurs invités -dont le sous Préfet, doivent se rendre d’Anduze à Saint Jean du Gard, où devait se dérouler les vœux de l’agglomération.
Entre les deux, des gendarmes, avec à leur tête le commandant Warrion.
Sans aucune sommation et moins de 3 minutes après avoir discuté courtoisement avec les élus en tête du cortège, le commandant de gendarmerie gaze délibérément les manifestants en utilisant une bombe lacrymogène. La manifestation pacifique est dispersée par la force, plusieurs personnes sont blessées. Suite à la violence initiée par les forces de l’ordre, les manifestants reculent et laissent partir le train sous les huées.
Les images vidéo filmées sur place et les photographies des blessés ne laissent aucun doute ; elles tourneront en boucle sur internet et seront montrées par de nombreuses télévisions françaises et étrangères.
Dans les jours qui suivent l’évènement :
16 plaintes sont déposées par des citoyens dont 10 émanent d’élus victimes des violences.
La Commission Nationale de la Déontologie de la Sécurité est saisie par un parlementaire (saisine 2011/18), elle procède à l’audition de nombreux témoins.
Une enquête interne est confiée à l’Inspection Générale de la Gendarmerie Nationale. Les victimes et les gendarmes sont entendus.
Une instruction est ouverte par le procureur d’Alès. La gendarmerie… est chargée de l’enquête.
Un an après, où en est-on ?
L’instruction est, nous dit-on, toujours « en cours » et le parquet n’a procédé à aucune mise en cause.
Le Défenseur des Droits a succédé à la CNDS. Les pièces de procédure qu’il a demandées au parquet ne lui ont toujours pas été communiquées ce qui, selon ses propres termes, « l’empêche implicitement de faire usage de ses pouvoirs d’investigation. »
La gendarmerie n’a fait aucune excuse aux victimes des violences.
Le Commandant Warrion a été muté au cours du printemps 2011.
Le procureur d’Alès a soulevé l’incompétence du TGI d’Alès. L’instruction, transférée sous la responsabilité du procureur de Nîmes, n’est toujours pas close et les avocats des plaignants n’ont, de ce fait, aucune communication des pièces de procédure.
Le collectif des victimes de la manifestation du 21 janvier 2011 en gare d’Anduze dénonce l’enlisement de la procédure et l’absence de collaboration du parquet qui empêche le Défenseur des Droits, autorité constitutionnelle indépendante, de faire usage de ses pouvoirs d’investigation.
Le 21 janvier 2012, un an après les faits, les plaignants seront présents à 17h devant la gare d’Anduze afin de rappeler toute leur détermination à obtenir justice.
Ils invitent la population et tous les citoyens opposés à la violence et attachés à la liberté de manifestation à venir les rejoindre pour soutenir leur démarche.
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
Edito : Facebook, ce faux ami 07/02/2012
L’amitié ne se monnayait pas, du moins jusqu’à nos jours, sauf celle de François- Marie Banier pour Mme Bettencourt. Mais voici que Facebook met en bourse ses 845 millions d’amis, l’équivalent du troisième pays au monde après la Chine et l’Inde. On estime le tout à cent milliards de dollars.
Une minute sur sept que cette fraction d’humanité consacre au net, elle la passe sur Facebook où se téléchargent 250 millions de photos par jour. On y trouve vos goûts, vos indignations, vos engagements, une somme incroyable d’informations à faire rêver tous les commerciaux et les flics du monde.
Pour en obtenir autant, la CIA aurait dû dépenser des milliards et des milliards, on la soupçonne même pour cette raison de s’être mêlée à la création d’un pareil outil. Avant la flambée d’internet, un seul Etat s’y était risqué, à l’époque des écoutes téléphoniques et des fiches cartonnées : la Stasi est-allemande parvint, par ses services secrets, à mettre en dossier la quasi-totalité de ses habitants. Pour garder ses amis et les espionner, l’Etat communiste s’est ruiné et en a disparu.
Chez Facebook, les amis affluent et c’est gratuit. Au-delà de la modernité et de la taille de l’entreprise, l’histoire deviendrait-elle cyclique comme le croyaient les pythagoriciens, les Gaulois et Nietzsche ? Dans la société traditionnelle, le village, tout le monde sait tout sur tout le monde, l’adultère du voisin, l’héritage de la voisine, les traficotages du boucher… La grande ville a libéré les populations de ce regard permanent et des ragots ; le citoyen y retrouvait un anonymat et son divorce cessait d’être un scandale.
Fini : avec Facebook, Mark Zuckerberg, ado de 27 ans à capuche, vous remet sous l’oeil des mercières et des faux amis malveillants. Il prétend qu’il ne va pas en bourse pour faire de l’argent. Il ne veut faire de l’argent que pour un Facebook plus ouvert et plus connecté. Mais par là même, il vend votre date d’anniversaire et vos pérégrinations sentimentales si vous en avez fait part à vos copains. Dès les années 60, Marshall McLuhan nous avait annoncé l’avènement du “village global”. Nous avions retenu “global”, nous avions oublié “village”. Après un long détour, nous voilà épiés derrière le rideau de notre salle de bains.
Bernard Zekri et MAB
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
LE PARFAIT MANIFESTANT
Depuis le temps que des générations de militants cherchent un manuel de bonne conduite en manif, on ne peut que saluer le texte de cette anonyme du Val de Suse, publié très récemment dans le journal italien "Invece". En 20 points, tous les fondamentaux sont abordés, de l’habillement (fleuri, de préférence) aux slogans (sympathiques, c’est mieux). Une Bible, pas moins...
Rédigé par une dame italienne très respectable et nullement excitée, le texte qui suit est une réaction aux délires politico-médiatiques qui accompagnent la répression du mouvement « No-Tav », en lutte contre l’entreprise politico-mafieuse qui vise à détruire un peu plus le Val de Suse (TAV est l’acronyme italien de « train à grande vitesse »). 21 personnes sont encore en prison à la suite de la rafle opérée le 26 janvier en liaison avec les bagarres du 3 juillet (une manif avait marché jusqu’aux grillages protégeant le fortin de la police édifié là où devrait commencer le chantier)1.
***
LE PARFAIT MANIFESTANT
1. Il ne DOIT pas s’habiller en noir ou en marron foncé ou en bleu marine (on ne sait jamais).
2. Il doit marcher de manière digne et/ou danser, sautiller, faire la ronde (mais il ne faut PAS que tout le monde se couche par terre… ça gênerait la progression du cortège).
3. Il doit lancer des slogans créatifs, ironiques, sympathiques. Rimés ou sous forme de sonnets, c’est encore mieux.
4. Dans les slogans, il ne doit pas faire référence à des situations antipathiques, blessantes envers les forces de l’ordre, ni faire allusion même vaguement à d’imaginaires désagréments. Les slogans agressifs sont l’antichambre du blacklockage.
5. Il vaut mieux que les manifestants défilent en costume de petit cochon, de Cendrillon, de Donald, etc., de manière à ce que tout le monde s’amuse. Si la manif ressemble à un carnaval, personne ne s’inquiètera.
6. Le bon manifestant doit aider les vieilles dames à traverser la rue.
7. Le bon manifestant doit veiller à ce qu’aucun de ses voisins de défilé ne se laisse aller à des gestes coléreux du genre : cracher, se curer le nez, péter, agiter les bras de manière désordonnée. En de tels cas, il doit avertir les forces de l’ordre et faire arrêter les violents.
8. Attention : il est inutile de faire tout cela si par la suite on jette un regard méchant. Pas de regards méchants… ça met les gens de mauvaise humeur.
9. Le bon manifestant ne doit utiliser aucune espèce de couvre-chef, de manière que son cuir chevelu puisse accueillir la rencontre avec la raisonnable matraque d’autodéfense. L’utilisation du casque, en plus de mettre les gens de mauvaise humeur, est un geste de provocation sans équivoque… Il s’oppose au bon travail des forces de l’ordre et peut être utilisé comme une arme terrible (je connais un casque qui à lui seul a détruit un quartier entier). Et puis pourquoi mettre un casque et se couvrir le visage si on a sa conscience pour soi ? Qui est en paix avec soi-même n’a pas besoin de paravent ; d’ailleurs, les vrais sages se promènent avec une pancarte portant leurs nom, prénom et adresse écrits en gros caractères et tendent la tête à l’ennemi. S’ils en ont une autre, ils tendent aussi l’autre tête.
10. Le bon manifestant doit être en mesure de respirer de très nocifs gaz lacrymogènes sans faire d’histoires. S’il tousse, il doit mettre sa main devant la bouche (mais sans se couvrir le visage). Mettre un masque anti-gaz est considéré comme un comportement vraiment mal élevé ! Évidemment, suite à ça, les forces de l’ordre se sentent obligées d’envoyer les gaz lacrymogènes.
11. Le bon manifestant doit aimer les forces de l’ordre, les respecter, les inviter à dîner, leur offrir une rose, les courtiser avec gentillesse, les écouter et les accompagner à la maison sans exercer aucune pression.
12. Une alternative : il peut considérer les forces de l’ordre comme une maman, leur obéir, ne pas les critiquer et les aider à faire le ménage.
13. Le bon manifestant doit considérer que les black blocs ne sont pas des jeunes vraiment en colère (comme quelques fous l’insinuent) mais bien l’incarnation du mal à l’état pur. Ils ne sont pas humains, ils apparaissent et disparaissent au milieu d’une mer de langues de feu, ils existent depuis des milliers d’années, s’infiltrent partout (même entre les carreaux de la salle de bain) et se souillent des crimes les plus horribles et indicibles : l’autre jour, j’ai vu un black block qui piétinait le géranium d’un jardin d’immeuble !
… Et qui nous dit qu’ils n’ont pas pris part à la crucifixion de Jésus ?
14. Donc, l’idéal serait d’apporter un lasso de cowboy... Et dès qu’on voit un black block, on le prend au lasso et on le remet aux forces de l’ordre qui lui parleront longuement et, devant une tasse de thé et des petits fours, essaieront gentiment de lui faire comprendre qu’il se trompe.
15. Il ne peut pas y avoir de confusion : le bon manifestant s’habille de couleurs vives et joyeuses, avec des images de fleurs, de petits lapins, d’arc-en-ciel, etc. Très à la mode : le style alternatif-inoffensif.
16. L’idéal serait que le bon manifestant repère les black blocks de manière préventive. Méfiez-vous des gamins et des gamines très jeunes… ce sont presque tous des black blocks en herbe envoyés directement par Satan. On dirait des mineurs mais ce sont de perfides vampires d’au moins 150 ans chacun.
17. Donc, le bon manifestant déteste les black blocks et considère les banquiers, les notaires, les financiers, les armateurs, les commerçants, les pharmaciens, les sociétés pharmaceutiques, le FMI, etc. comme ses frères, tous unis dans les malheurs de ce monde voleur… Au fond, ne sommes-nous pas tous précaires dans cette vie incertaine ? Et dans ce cas, pourquoi brûler le 4x4 d’un pauvre expert-comptable… la vitrine d’un pauvre bijoutier… la poubelle d’un pauvre poubellier ? Nous sommes tous dans le même bateau, moi et ma petite maman, toi et Briatore2. Non… heu… Briatore est dans son bateau à lui... mais c’est quand même un bateau.
18. Le bon manifestant abhorre, déteste, se dissocie, dénonce, est horrifié, frissonne d’horreur, est horripilé devant… la violence. Le bon manifestant sait que l’exploitation désormais totale par les patrons N’EST PAS de la violence : c’est un comportement répréhensible à considérer au maximum en levant le sourcil. La vraie violence qui menace les braves gens… ce sont les actions des black blocks. On ne sait pas en vertu de quelle logique mais tout le monde le dit et donc c’est comme ça.
19. Le bon manifestant exprime son point de vue de manière PACIFIQUE. Les défilés ne doivent en aucune manière inquiéter les citoyens qui, sans eux, auraient profité d’une belle journée de shopping. Ils ne doivent pas angoisser les malheureux qui ont déjà tant de difficultés à joindre les deux bouts, et encore moins attrister les pauvres commerçants du centre-ville, notoirement indigents. Et puis (horreur), vous rendez-vous compte que dans une manifestation agitée il peut se trouver aussi des personnages innocents, purs, sincères et courageux, comme les représentants de la presse et de l’information ?
20. En somme, le bon manifestant doit être présentable aux yeux des politiciens et des patrons. Si les manifestants se comportent mal, il est clair que les politiciens se sentent en devoir de ne pas les écouter et de les envoyer au lit sans dîner. Les puissants NE DOIVENT PAS penser avoir affaire à une manifestation de gens vraiment en colère, ce n’est pas bien. Eux ne sont ni des criminels ni des délinquants et ils s’indignent beaucoup en voyant des actes de terrifiante violence tels que le lancer d’une brique ou l’incendie d’une poubelle. Il ne faut pas se plaindre si ensuite (comme à Gênes) leurs subordonnés démolissent des milliers de jeunes et en tuent quelques-uns. Les forces de l’ordre en tenue anti-émeute (justement) prennent peur lorsqu’ils sont confrontés à une bande d’adolescents loup-garous. Et tout le monde sait que quand on a peur (à raison), on réagit mal.
Enfin, sur la base de tout que j’ai entendu à la télé au sujet des manifestations d’aujourd’hui, je pense qu’il n’existe qu’une solution logique : à partir d’aujourd’hui, dans les manifs, il convient de faire défiler directement et uniquement les forces de l’ordre et les militaires. Comme ça, nous aurons des cortèges tranquilles, parfaits et rassurants. Doux comme l’huile de ricin.
1 Une pensée pour Gabriela, en particulier, qui participa aux Nuits du 4 août, et qui a froid dans sa prison pour femmes de Turin, où le chauffage est cassé.
2 Briatore : manager de Formule1, exemple de nouveau riche arrogant à l’italienne, dont le yacht a été placé sous séquestre pour fraude fiscale.
nico37- Messages : 7067
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Re: Veille des outils de répression
Les anars français formés à la violence en Grèce: histoire d'une intox 07/02/2012
La police française est formelle : les plus radicaux des activistes français iraient se former à la violence de rue dans une Grèce en crise… Démontage d’une intox.
Un réseau “préterroriste” et “international” menace l’Europe. C’est ce que décrit un rapport classé confidentiel défense, rédigé par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) en juin 2008. D’après ce document, titré “Du conflit anti-CPE à la constitution d’un réseau préterroriste international : regards sur l’ultragauche française et européenne”, des gauchistes et des anarchistes français, nés à la politique avec les manifestations anti-CPE de 2006, se seraient depuis convertis à l’action violente en fréquentant les réunions et les manifs de Barcelone, de Milan ou d’Athènes. Surtout d’Athènes où, depuis qu’un policier a abattu le jeune Alexis Grigoropoulos (15 ans) le 6 décembre 2008, le puissant mais dispersé mouvement anarchiste affronte régulièrement la police à coups de pierres et de cocktails Molotov.
C’est au cours des émeutes qui suivent la mort de l’adolescent qu’un incident particulier alerte les policiers de la DCRI. Le 19 décembre 2008, un groupe de vingt cagoulés force l’entrée de l’Institut français d’Athènes, casse des vitres et lance un cocktail Molotov qui explose dans le hall. Avant de repartir, ils taguent sur la façade des slogans qui s’adressent à la France : “Étincelle à Athènes, incendie à Paris, c’est l’insurrection” (en français). “Liberté pour les combattants emprisonnés par l’Etat français” (en grec). Il est question des neuf Français de Tarnac, arrêtés un mois plus tôt lors d’une procédure antiterroriste à grand spectacle, accusés de sabotage sur une voie SNCF.
L’ultragauche, une menace terroriste pour la France ?
Ce n’est pas le premier geste de solidarité des anarchistes grecs avec les mis en examen français. Le 3 décembre, avant le début des émeutes grecques, un engin incendiaire artisanal abîmait la façade de l’Agence France Presse à Athènes. Un groupe considéré comme terroriste en Grèce, la Conspiration des cellules de feu, revendiquait l’attentat au nom de “la solidarité avec les camarades français”. Depuis, en juillet 2011, sept membres de cette Conspiration ont été condamnés à des peines allant jusqu’à trente-sept ans de prison. Ils n’ont tué personne mais ont revendiqué plusieurs actions violentes, comme l’envoi en novembre 2010 de colis piégés à Angela Merkel, Silvio Berlusconi, Nicolas Sarkozy et des ambassades européennes.
Cependant, depuis les attentats des Cellules de feu en Grèce, aucune bombe n’a explosé en France. Mais le patron de la DCRI, Bernard Squarcini, laisse entendre que c’est seulement une question de temps. En juillet 2010, dans Le Figaro, il affirme que les “mouvements contestataires” français “vivaces et se regroup(a)nt au gré des circonstances (…) ont suivi de très près les émeutes en Grèce, accompagnées d’assassinats politiques”. Cela signifie-t-il que des Français ont pris part aux émeutes grecques ? Qu’ils ont contribué aux assassinats politiques ? Squarcini ne le précise pas. Mais des ultragauchistes français anonymes lui répondent dans une lettre ouverte ironiquement signée du “comité central de l’ultragauche ultra-organisée”.
“En Grèce, écrivent-ils, ce ne sont pas des anarchistes qui ont tenté de prendre d’assaut le Parlement mais des grévistes conséquents.”
Dans le journal alternatif Article 11, on lit ceci : “Sur l’affirmation que lesdits mouvements ‘ont suivi de très près les émeutes en Grèce, accompagnées d’assassinats politiques’ – si toi aussi tu t’intéresses à la révolte grecque, envoie-moi un mail à cette adresse : j’aitrouvéunP38parterre.qu’est-cequejenfais@gmail.com”
Quatre mois après l’avertissement de Squarcini, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux à l’époque, fait monter l’ultragauche sur le podium des trois menaces terroristes qui pèseraient sur la France. Sur France 2, il déclare : “Il y a tout d’abord l’ETA”, l’organisation séparatiste basque, puis ensuite “ceux qui viennent de l’ultragauche”, en précisant : “Regardez ce qui s’est passé à Athènes avec le colis (piégé) destiné au président de la République français”. Puis il conclut en citant “l’islamisme radical”, “une menace forte”.
Le gouvernement s’en est persuadé : la Grèce agit comme foyer de contagion. Comme l’Algérie des années 1990, comme l’Irak ou l’Afghanistan des années 2000, elle mijoterait un chaudron d’activistes violents et prêts au combat au-delà de leurs frontières. Il est vrai qu’en Grèce, même si elle est loin de se généraliser, la lutte armée n’est plus un tabou. En 2010, elle fait six morts, dont deux assassinats délibérés : le chef de la sécurité du ministère de l’Intérieur tué en ouvrant un colis piégé ; un journaliste abattu par balles. Les quatre autres décès sont accidentels : trois employés de banque dans un incendie provoqué par des cocktails Molotov et un adolescent de 15 ans qui a trouvé dans une poubelle un sac contenant une bombe. Cette violence révolutionnaire grecque pourrait-elle s’exporter en France ? Aujourd’hui, comme Squarcini et Hortefeux, les polices européennes s’en inquiètent.
Chaque année, l’Office européen de police, Europol, rend un rapport sur l’état de la menace terroriste. En 2011, sans surprise, il désigne la Grèce. Derrière la vague de colis piégés attribués à la Conspiration des cellules de feu, Europol observe une “coordination internationale accrue” et prédit une extension de la violence grecque à toute l’Europe : “L’augmentation des arrestations en Grèce va déboucher sur des procès importants qui pourraient déclencher des attaques de soutien à travers l’Europe. C’est pourquoi l’on peut s’attendre à ce que la violence anarchiste continue à se développer en Europe.”
Selon son rapport de 2009, un réseau transeuropéen s’est déjà organisé pour étendre l’anarchie.
“Des liens établis existent entre anarchistes français, grecs et italiens, comme le démontre une affaire dans laquelle un citoyen grec, conduisant une voiture immatriculée en France, avec des personnes de nationalités belge, grecque et italienne à bord, a été arrêté alors qu’il taggait les murs du palais de Justice de Bruxelles.”
Certes, rien à voir avec la Conspiration des cellules de feu. Mais une conspiration des cellules du tag fait déjà fantasmer. En avril 2010, France Info diffuse un reportage intitulé “L’ultragauche à l’école grecque”. Le reporter revient d’Athènes où les manifestants accueillent de jeunes Français qui les soutiennent. L’animateur le lance ainsi : “Vous rentrez d’Athènes où des militants de la mouvance anarchiste proposent de former leurs homologues français aux méthodes, aux techniques de la guérilla urbaine.”
Dans le sujet, le reporter ne fait parler aucun “élève” ni aucun “formateur” mais introduit les notions de “filières grecques” et de “camps d’entraînement” qui rappellent l’univers djihadiste. Il termine en nous interpellant : “Vous vous souvenez, au moment de l’affaire de Tarnac, on se demandait ce que pouvait bien faire Julien Coupat à Thessalonique. Eh bien, on se pose moins la question aujourd’hui.”
Reposons-nous la question quand même. Les anarchistes français vont-ils vraiment se former à la guérilla en Grèce ? Fin novembre, nous débarquons à Athènes dans le quartier mi-popu mi-bobo d’Exarchia aux murs couverts d’affiches politiques. C’est le fief historique du mouvement anarchiste. Dans un lieu occupé, dans un café ou dans un potager urbain autogéré, des adeptes de la bataille de rue discutent sans fin avec des universitaires postsituationnistes. A Exarchia, les insurgés européens viennent parler, organiser des manifs, imprimer des journaux, préparer des banderoles, parfois des cocktails Molotov. Sur la place, des jeunes habillés en noir, leur couleur politique, vont et viennent, boivent des bières et discutent. Ce soir, cinquante personnes écoutent un concert de solidarité avec les “prisonniers politiques”. Du gros son avec Assassin de la police, reprise de NTM par un groupe grec.
Ici pas de police
Sur un scooter à l’arrêt, Jeanne (1), une Franco-Grecque anarchiste de 35 ans, les cheveux noirs et un piercing à la lèvre. Elle aime se définir comme un “pilier de la place” et nous explique le métabolisme d’Exarchia. La place représente un village fortifié, un refuge politique où l’anarchiste boit sa bière en paix. Ici, pas de distributeur de billets, pas d’agences immobilières et, surtout, pas de police.
“La police reste à l’extérieur. S’ils passent par la place et s’arrêtent un peu trop longtemps au feu rouge, ils peuvent vite recevoir des pierres.”
Comment faut-il s’y prendre pour rejoindre un camp d’entraînement ? Jeanne fait un geste de la main comme si elle éloignait une mouche : “Ici on apprend à faire des cocktails Molotov à 12 ou 13 ans mais on n’est pas organisés. Il n’existe pas de formations. C’est un fantasme des flics : ils ont tenu les mêmes propos sur les Italiens qui venaient ici que sur les Français : comme si on avait quelque chose à leur apprendre.”
Deux jours plus tard, au même endroit, une autre militante nous a fixé un rendez-vous. Réfléchie, posée, sans signe vestimentaire marqué, cette étudiante grecque passe inaperçue au milieu des groupes de jeunes en noir et de punks à chiens. Elle participe à des revues, des groupes de réflexion et des manifs. Elle s’étonne de l’importance que les juges étrangers accordent au “voyage en Grèce” . “Pendant une manif, un Italien a été blessé. Il ne voulait surtout pas que cela se sache : il craignait que les services de renseignement italiens apprennent sa présence à Athènes.”
En Italie, mais aussi en France, les services secrets accordent une attention particulière aux jeunes anars passés par la Grèce ou en lien avec des activistes grecs. Devant les tribunaux, ces liens sont présentés comme des éléments à charge. A Paris, Jérôme(1), militant anticapitaliste de 30 ans interrogé par la police dans une affaire de dégradation, s’étonne lui aussi de cette chasse aux amis des Grecs. Derrière l’épouvantail des filières grecques et des camps d’entraînement à la guérilla urbaine, il diagnostique surtout “la construction policière d’un ennemi intérieur”. “Ces dernières années, je suis allé aux Etats-Unis, en Allemagne, en Belgique, en Suisse, dans plein de pays. Mais dès qu’on met le pied en Grèce, la police isole ce voyage des autres pour le considérer comme une particularité dangereuse. La Grèce n’est pourtant pas le seul pays qui connaisse des émeutes et des bombes... En Corse, au Pays basque, il y a aussi des actions violentes et des assassinats.”
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
La surveillance numérique : une arme de guerre (presque) assumée
Aperçu du salon sur la sécurité intérieure des États et place de la cybersurveillance comme moyen de sécurité
J’ai eu la chance de pouvoir aller à Milipol 2011, salon dit « de la sécurité intérieure des États », qui se déroulait du 18 au 21 octobre porte de Versailles, à Paris. C’est l’un des plus grands regroupements mondiaux de représentants industriels et politiques liés à cette thématique. Hormis la presse, seuls les acteurs de cette sphère y sont en théorie admis. Pas de Monsieur et Madame Tout-le-monde, pas de grand public. Parmi les « personnalités », Marine Le Pen et Claude Guéant y ont apparemment fait une apparition. Parmi les exposants dont le nom parlera peut-être au lecteur, on citera la DGA, Renault Trucks, SigSauer, Flash-Ball, Trovicor et Bull-Amesys. Tous ont une place sur le marché de « la sécurité intérieure des États ».
Ce salon, dont les stands les plus ludiques sont ceux proposant de s’entraîner à viser avec tel fusil mitrailleur ou telle arme de poing, a également donné l’occasion de mesurer l’importance croissante occupée par les technologies de surveillance de masse des flux de communication comme outil de guerre. Une importance très facilement perceptible mais qui semble mal assumée par les fabricants de ces technologies d’espionnage.
Pour cette raison, et du fait que le grand public n’y est pas admis (pourtant l’État, c’est nous, non?), un petit aperçu de ce salon me paraît indispensable. Toutes les photographies de cet article ont été prises lors du salon.
Fais voir ton gros calibre
Première impression: c’est intimidant, et ça fout mal à l’aise. On commence par des tenues spéciales destinées aux militaires et des fusils mitrailleurs flambants neufs, exposés comme des oeuvres d’art. À l’honneur également, des véhicules de police blindés et éventuellement surmontés d’une mitrailleuse. Pour soigner le détail, quelques écrans proposent des animations type jeu vidéo ou mauvais film américain, mettant par exemple en scène les explosions provoquées par des mitrailleuses d’hélicoptère exposées dans le même stand. Chaque marque rivalise d’ingéniosité pour mettre en valeur ses produits.
C'est beau, non ?
Ce qui occupe une bonne moitié du salon est donc une débauche de haute technologie conçue pour tuer. Une sorte de grand magasin de jouets mais avec de « vrais » jouets, quoi. Comme les petits, on peut venir soupeser, palper et tester le viseur d’une arme dernier cri.
Toute cette haute technologie est le luxe de l’armement. L’exposition de luxe matériel est un levier classique du marketing qui joue sur certains travers du caractère humain pour le pousser à se focaliser sur son envie primaire de posséder un nouvel objet. Milipol, c’est encore plus fort que ça : la plupart de ces objets luxueux ont la particularité d’être conçus pour tuer. Résultat : à l’envie consumériste primaire s’ajoute la poussée de testostérone et le sentiment de puissance qu’on peut observer sur certains mâles venant tâter les armes avec un air satisfait comme si leur virilité s’en trouvait décuplée. Sur les stands les plus soignés, l’arme est même tendue à l’intéressé par une charmante hôtesse, dont le mouvement des doigts sur la crosse ne manquera pas d’éveiller l’inconscient de certains.
Tu la sens ma grosse intelligence ?
Pour parfaire l’ambiance, certains arborent fièrement leur apparat de « représentant de l’ordre public » : tenue du RAID, costume militaire, etc. Si certains de ces représentants sont vraiment fiers de faire partie de la caste virile du salon du fait de la force à laquelle ils ont accès, comment s’étonner de voir certains dégénérés de la BAC perpétrer des excès de violence ou certains CRS s’enorgueillir de la branlée qu’ils ont mis à des Indignés pacifiques ?
J’allais oublier un détail : la place du 9 novembre 1989, face au lieu de l’exposition, était étrangement ornée de dizaines d’affiches publicitaires pour le jeu tout nouveau Battlefield 3.
Un oeil sur les stratégies des États
Faire croire que le salon n’est peuplé que d’écervelés en manque de baston serait toutefois irrespectueux pour les participants ne répondant pas à cette description et omettrait un élément clé : les produits exposés entendent répondre à une stratégie réfléchie et définie par les États, puisqu’ils sont les principaux clients de ces technologies.
Observer les produits mis en avant par les fabricants donne une petite idée des stratégies auxquelles ils répondent. On trouve donc, à ce salon :
beaucoup d’armes de guerre conventionelle anti-infanterie, très puissantes pour certaines (fusils de précision qui t’arrachent un bras en une balle, mitrailleuses pour hélicoptères, armes de poing et armes automatiques en tout genre, robots tout-terrain surmontés d’une mitraillette, …)
des équipements de protection passifs pour les théâtres de guerre (visières et gilets parre-balles) et les violences urbaines (tenues de CRS « blindées », …)
des véhicules, de la moto de police standard BMW au véhicule blindé léger, en passant par le 4×4 de police aux vitres grillagées et surmonté d’une tourelle avec mitrailleuse (j’ai bien dit 4×4 de police, pas militaire, hein)
quelques rares stands sans connotation guerrière, l’un d’eux présentant par exemple un appareil de mesure du taux d’alcoolémie par examen de l’épiderme
pour terminer, les moyens de surveillance des communications électroniques, qui occupent environ un quart du salon à eux seuls.
La sécurité intérieure des États, c’est donc en tout premier lieu la guerre. Mais la guerre contre qui ? Certains éléments rendent la réponse à cette question particulièrement floue. Par exemple, ce 4×4 de police – entité civile censée protéger la population – surmonté d’une arme capable de décimer par dizaines des personnes, civiles elles aussi a priori. Le véhicule blindé aux motifs de camouflage militaires mais avec un fond bleuté pour garder un peu le look « police » me semble également un produit particulièrement pervers.
Il faut que je revoie ma définition du mot "police", je crois...
La frontière semble donc bien poreuse entre baston sanglante et maintien de la sécurité de la population civile… La stratégie des États visant à assurer leur « sécurité intérieure » semble consister à armer davantage les forces de police qu’à se soucier du sort des populations. Et si, à l’instar de l’Égypte, la Tunisie, le Yémen, le Bahrein et la Syrie, c’était les « forces de l’ordre » qui allaient être amenées à représenter la menace la plus dangereuse pour la population ?
Dans ce flou artistique, les technologies d’espionnage de masse des télécommunications sont loins d’être en reste. L’ambiance sur les stands associés y est même bien plus tendue que dans le reste du salon, surtout lorsque des journalistes y pointent le bout de leur nez.
Des armes de guerre à ne pas dévoiler
Un quart du salon : c’est l’espace occupé par les seuls stands liés aux télécommunications. Parmi eux, j’ai pu observer une dizaine d’exposants de divers pays proposant des solutions d’interception, de stockage et d’analyse de flux réseaux résultants de l’activité humaine. À côté de ces stands où la tension était perceptible, le reste du salon dégageait une ambiance « magasin de jouets » presque relaxante. Pas ou peu d’objets exposés, des regards menaçants à la vue d’un appareil photo, et des représentants particulièrement désagréables avec les journalistes. Pas de doute, ici on propose des produits qui doivent rester cachés et connus uniquement par un public très restreint.
Les brochures publicitaires permettaient tout de même d’apercevoir les caractéristiques des solutions d’interception proposées. Sans surprise, les points quasi-systématiquement mis en avant sont les suivants :
capacité d’interception de flux réseau à très haut débit (j’ai noté le chiffre de 10Gbit/s)
captation de tous les vecteurs usuellement utilisés par les humains pour communiquer (messagerie instantanée, réseaux sociaux, e-mails, webmails, voix sur IP, …)
outils d’analyse et de corrélation des données pour rechercher des individus particuliers ainsi que leurs liens sociaux.
Aucun doute ici non plus : on propose du massif, on met en avant la capacité de passer à l’échelle à la fois en terme de nombre de personnes surveillées et en termes de protocols analysés. Plus concrètement, il est très clair que plus d’une entreprise dans le monde fournit des solutions capables de mettre sur écoute la population d’un pays entier. En plus, certaines d’entre elles ont eu la chance de les tester et les affiner chez les dictateurs d’à côté. Pour changer de Bull-Amesys, qui ne présentait d’ailleurs bizarrement pas son système Eagle, je mentionnerais la société Trovicor, ex-filiale de Nokia-Siemens, apparemment présente dans plusieurs régimes dictatoriaux du Moyen-Orient (cela mériterait d’ailleurs davantage d’investigations).
Ça a le mérite d'être clair : c'est fait pour intercepter des quantités énormes de trafic
Plus effrayant et plus intriguant, une entité italienne nommée « Hacking Team » part d’un constat simple : les données les plus sensibles sont souvent échangées par des canaux chiffrés et sont donc difficiles voire impossibles à intercepter. Qu’à cela ne tienne, Hacking Team propose tout bêtement à ses clients d’installer un logiciel espion sur les machines des personnes dont on souhaite surveiller l’activité. Je n’ai aucun détail technique sur les performances et la furtivité de ce logiciel, mais la brochure vante son indétectabilité par tout type d’anti-virus moderne. C’est une porte de plus qui s’ouvre vers l’installation de logiciels sur des matériels à l’insu des propriétaires. Rappelons-nous que les autorités allemandes ont récemment eu recours à un cheval de troie permettant d’espionner les conversation Skype, et que cette technique est mise en pratique en Chine depuis un bout de temps.
Je n’ai malheureusement ni pu tout retenir ni pu tout photographier. Une énième passe sur ma série de photos me rappelle une autre technologies observée : la localisation tri-dimensionnelle en temps réel des personnes en grâce à leur téléphone portable.
Extrait de la plaquette publicitaire de Hacking Team
En conclusion, nous sommes en présence de vendeurs de matériel permettant de mettre tout un pays sur écoute et de faire des analyses performantes de ces écoutes, dans un salon amalgamant allègrement matériel de guerre et sécurité des populations civiles dans un flou particulièrement malsain. Et ce salon, censé être autour de la thématique de la sécurité des États (et donc des populations), est interdit au grand public. Enfin, les journalistes, bien qu’autorisés, sont particulièrement mal vus et la plupart des vendeurs de matériel d’interception des flux réseaux restent muets comme des carpes – voire agressifs – face aux questions des journalistes.
Quelques entreprises et quelques oligarchies d’État s’organisent peu à peu pour mettre des millions de gens sur écoute, et le « grand public » ne doit surtout pas le savoir. Je ne comprends pas, moi qui pensais que tout ça était fait pour assurer notre sécurité… Je deviens schizophrène : je suis un citoyen tout ce qu’il y a de plus lambda, et je vais peut-être être surveillé par des armes de guerre tel un ennemi de la population.
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
Paris placée sous haute vidéosurveillance Julien PEYRON
Pro et anti-caméras de surveillance se déchirent à Paris, alors que s'ouvre l'ère de la "vidéoprotection" dans la capitale. Outil de sécurité indispensable pour les uns, les caméras sont, pour les autres, aussi liberticides qu'inutiles.
Jusqu’à présent, elles surveillaient surtout la circulation automobile, mais petit à petit, les caméras de vidéosurveillance de Paris vont se tourner vers les habitants et les touristes de la capitale. En accord avec la mairie, le Premier ministre, François Fillon, a lancé fin décembre un vaste plan de "vidéoprotection" pour Paris. Celui-ci prévoit de doter la ville de plus de 1 100 caméras de voie publique et de haute technologie d'ici juin 2012, contre un peu plus de 300 appareils aujourd’hui, pour la plupart dépassés et dédiés essentiellement à la surveillance routière.
Longtemps honnie par les élus de gauche, la vidéosurveillance a désormais les faveurs de nombreuses agglomérations de France, y compris de villes administrées par les socialistes, comme Lyon ou Toulouse. À Paris, le maire socialiste Bertrand Delanoë s’est associé à la préfecture de police pour parsemer les arrondissements de centaines de caméras afin d’"améliorer la sécurité des Parisiens", selon l'un de ses communiqués.
" Je ne veux pas qu’une caméra surveille quel journal j’achète "
Ce soudain engouement pour la vidéosurveillance ne plaît pas à tout le monde et divise même au sein de la majorité municipale : les élus écologistes de la capitale se sont prononcés contre ce plan "liberticide", lors de son vote, en 2009. Au premier rang des opposants figure Sylvain Garel, président du groupe Europe-Écologie-Les Verts (EELV) au Conseil de Paris. Contacté par FRANCE 24, il dit craindre que ce plan soit le début d’une ère tout sécuritaire. "On se dirige vers un monde à la ‘Big Brother’. Je ne veux pas qu’une caméra me filme quand je sors dans la rue ni qu’elle surveille quel journal j’achète".
L'emplacement des caméras a été négocié entre la préfecture, la mairie de Paris et les maires d'arrondissements. Il a été décidé de n'en installer aucune aux abords des centres de sans-papiers et d’aide aux toxicomanes, pour ne pas "cibler" ces populations.
L'élu assure qu’il existe une différence de taille entre ces nouvelles caméras et celles qui surveillent les couloirs de bus, pour l’installation desquelles les écologistes avaient ferraillé lors du premier mandat de Bertrand Delanoë. "Les caméras des couloirs de bus n’identifient pas les gens, elles verbalisent simplement des numéros d’immatriculation. On est bien loin d’une atteinte aux libertés", tempête-t-il.
En dépit de la défection de leurs alliés habituels au Conseil de Paris, les socialistes entendent bien faire de Paris une ville "vidéoprotégée". L’adjointe au maire de Paris en charge de la sécurité, Myriam el-Khomri, indique à FRANCE 24 n’avoir "pas de problème idéologique avec les caméras". "Elles ne constituent pas à elles seules une politique de sécurité, mais il ne faut pas rejeter les nouvelles technologies", argumente-t-elle. Elle fait également valoir la création d’un comité d’éthique, chargé de vérifier la bonne utilisation des images enregistrées. "Un simple cache-sexe", pour Sylvain Garel.
"Les caméras seules ne résoudront pas le problème de la délinquance"
Au-delà des querelles partisanes, les plans de la mairie posent la question de l’efficacité réelle des caméras de vidéosurveillance. Un débat vieux comme l’invention de la caméra, dans lequel pro et anti-vidéosurveillance se renvoient les rares études sur le sujet. Le dernier rapport d’envergure sur la question, daté de 2008, est l’œuvre de l’institut The Campbell Collaboration, basé à Oslo (Norvège). Il pointe à la fois les limites des caméras de surveillance, appelées CCTV dans le monde anglo-saxon, pour leur "impact modeste" en matière de lutte contre la délinquance tout en soulignant leur relative efficacité en ce qui concerne la résolution des enquêtes.
Le major Christophe Sounac espère "trouver le bon équilibre entre le respect de la vie privée et l'obligation de faire respecter l'ordre public".
"Il faut dire la vérité, les caméras seules ne résoudront pas le problème de la délinquance, mais elles peuvent être utiles en matière de dissuasion et d’investigation", plaide Myriam el-Khomri. Elle précise que la mairie a insisté auprès de la préfecture de police pour que le lancement de ce plan ne soit pas accompagné de réduction dans les effectifs de police, "la caméra sans homme est aveugle".
Sylvain Garel y voit lui un geste désespéré de la part de socialistes, "traumatisés par l’échec de 2002 [la défaite du candidat socialiste Lionel Jospin à la présidentielle, ndlr] et l’incapacité à répondre à l’offensive sécuritaire de la droite". "Si on considère qu’un Parisien sur 10 000 projette de voler le sac à main d’une vieille dame, pourquoi surveiller tous les autres en permanence ?", s’interroge-t-il, tout en se prononçant en faveur du rétablissement de la police de proximité, "car la seule solution, c’est la prévention".
Londres, un (contre-)exemple pour Paris
Lors du lancement officiel du plan de vidéosurveillance, François Fillon a souligné "le retard de Paris sur les grandes capitales européennes". La capitale française ne tient en effet pas la comparaison avec Londres, qui compte parmi les villes avec le réseau de CCTV le plus développé au monde et scrute chaque jour ses habitants grâce à près d’un million de caméras. Une spécificité dont la mégapole britannique n’a pas à rougir, selon Peter Neyroud, chercheur à l’institut de criminologie de l’université de Cambridge. "À Londres, la plupart des personnes se moquent d’être filmées et observées, les gens veulent simplement que les autorités ne conservent pas ces données trop longtemps", avance cet ancien haut gradé de la police britannique.
L'agent britannique ne comprend pourquoi certains s’opposent à ce que Paris suive l’exemple londonien. "En France, vous êtes déjà filmés quand vous prenez le métro ou que vous faites vos courses dans votre supermarché de quartier. Être désormais surveillé dans la rue par les autorités, ce n’est pas la mer à boire !" Concernant l’efficacité de la vidéosurveillance, il considère qu’aucune étude n’a été menée avec assez de sérieux pour faire école, pas même celle conduite en 2009 par la police londonienne, qui concluait qu’en une année, chaque tranche de 1 000 caméras permettait de ne résoudre qu’un seul crime.
La mairie de Paris assure toutefois ne pas vouloir suivre le chemin de Londres, qualifié même de "contre-exemple" par Myriam el-Khomri. "Il y a beaucoup trop de caméras, beaucoup trop d’images, elles ne sont donc pas exploitées", analyse-t-elle. Paris veut ainsi créer son propre modèle : un réseau limité de caméras, surveillé de près par des équipes de policiers spécialement formées à ce nouvel aspect de leur métier.
" À Londres, nous avons trois niveaux de caméras. Dans le centre-ville, elles sont essentiellement consacrées la prévention d’actes terroristes. Dans les rues commerçantes, comme Oxford Street, elles servent à lutter contre les vols et les bagarres. Dans les quartiers plus excentrés, elles sont gérées en collaboration entre les policiers et les associations de quartier pour rassurer la population. " Peter Neyroud, chercheur à l’institut de criminologie de l’université de Cambridge.
" Vidéopatrouille "
Pour l’heure, seules 200 nouvelles caméras ont été raccordées au réseau de la police de Paris. Certains policiers, spécialement accrédités, sont désormais assignés à la surveillance d’écrans de contrôle dans les "centres de visualisation", qui ont été implantés dans tous les commissariats d’arrondissement.
"C'est la police de demain ! Avant on n'avait que les oreilles des collègues sur le terrain, via les talkies-walkies, maintenant on va être leurs yeux aussi", s’enthousiasme le major Christophe Sounac, qui se voit désormais comme un "aiguilleur de l'information". Dans son centre de visionnage du commissariat du XIIIe arrondissement, qu’on dirait sorti d’une tour de contrôle d'aéroport, il dit ne pas comprendre les opposants à la vidéoprotection. "Ils seront bien contents qu'on puisse utiliser les images le jour où ils se feront agresser".
Les policiers qui travaillent dans le "centre d'information et de commandement" du commissariat du XXIIIe arrondissement de Paris considèrent que le plan de vidéosurveillance ne porte pas atteinte à la vie privée. Ils soulignent notamment le fait que les images sont floutées à partir du premier étage des immeubles.
Son supérieur, le commissaire divisionnaire et chef du 3e district de Paris, Serge Quilichini, vante lui aussi les mérites des caméras, qui donnent à ses équipes "un coup d’avance sur les délinquants". Avec l’arrivée des vidéopatrouilles, les habituelles patrouilles de cinq hommes vont devenir des patrouilles de 4 + 1, pilotées par un homme dans le centre d'information et de commandement. "On ne partira plus le nez au vent.”
Tandis qu’un de ses hommes inspecte les images des caméras pointées sur le pont d’Iéna, entre la tour Eiffel et le Trocadéro, à la recherche de vendeurs à la sauvette, il balaye les accusations d’atteinte à la vie privée. "On ne va pas s'éterniser sur Monsieur Singh, simple touriste indien, mais sur les malfrats. Les policiers ont vraiment autre chose à faire que de surveiller les honnêtes gens dans la rue, on veut simplement qu'ils puissent se balader tranquillement sur la voie publique."
Bien que ce haut gradé assure que le programme de vidéoprotection ne sera pas associé à des réductions d’effectifs, il se murmure toutefois, au sein du centre de contrôle, que le développement des caméras s’accompagne bien d’une baisse du nombre de policiers déployés sur le terrain. L’un d’eux attend le départ de son chef pour se risquer à un commentaire : "À terme, cela pourrait manquer d'humanité. Avec toutes ces caméras, on se dirige vers la disparition du policier de proximité qui connaît son quartier et ses habitants…"
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
Comment la police a effacé ma vidéo d'arrestation (mais pas tout à fait) Emmanuel Raoul, propos recueillis par Camille Polloni
En septembre, un journaliste télé, sur son temps de congé, filme l'interpellation d'un Indigné dans le métro. La police lui confisque son téléphone et efface la vidéo, qu'il a finalement réussi à récupérer.
Depuis quelques années, les relations entre les forces de l’ordre et ceux qui les filment ou les photographient, qu’ils soient simples passants, militants ou journalistes, se compliquent. Nous avons déjà parlé ici de plusieurs épisodes conflictuels. Très récemment, le site Copwatch Nord-Île de France a été interdit par la justice. En janvier dernier, faute de carte de presse, un journaliste des Inrocks est emmené au commissariat lors d’une manifestation. En juin 2010, le Syndicat national des journalistes porte plainte après qu’un journaliste de France 3 affirme avoir été giflé par un policier en civil lors d’un déplacement du président Sarkozy. D’autres altercations sont régulièrement rapportées.
Emmanuel Raoul est journaliste sur une chaîne d'information. L’après-midi du dimanche 18 septembre, alors qu’il se promène avec sa compagne, il tombe sur une interpellation dans les couloirs du métro parisien et se met à filmer avec son téléphone portable. Un policier l’en empêche, confisque son téléphone et efface ses images. La hiérarchie policière rappelle régulièrement aux fonctionnaires qu’ils ne doivent pas s’opposer à être filmés ou photographiés sur la voie publique s'ils n'appartiennent pas à la liste des fonctionnaires protégés, et surtout n’ont pas à détruire les vidéos. Emmanuel Raoul a réussi à récupérer la sienne en restaurant les fichiers de son téléphone. Il a accepté de nous la transmettre et de raconter l’épisode.
Interpellation d'un "indigné" par la police par lesinrocks
Alors que je me déplace dans les couloirs du métro, Gare de Lyon, avec ma compagne et son fils, nous tombons sur une vingtaine de jeunes “Indignés” espagnols en train de se faire interpeller par des policiers. La scène se déroule au pied d’un escalator. Au moment où nous arrivons, la situation est très tendue, un policier menace le groupe, bombe lacrymogène à la main, puis se saisit violemment d’un de ces jeunes, qu’il emmène à l’écart.
Sachant que ces “Indignés” revendiquent la non-violence, nous nous étonnons de l’attitude “virile” de l’agent. Mon réflexe de journaliste et de citoyen est de documenter cette scène, en la filmant avec mon téléphone portable. Trente secondes après, le policier qui procède à l’interpellation se jette sur moi, arrache le téléphone de mes mains et le confisque. Voici le dialogue retranscrit :
- Policier 1 : “Regarde là, là là là, prends-le prends-le!”
- Emmanuel Raoul : “Je suis journaliste, je suis journaliste”
Un deuxième policier pousse le téléphone avec sa main.
- Policier 2 : “Et alors? Est-ce que vous accepteriez qu’on vous filme pendant votre travail? Non?”
- E.R : “Y’a pas de souci je suis journaliste.”
- Sa compagne : “Sors ta carte”
Emmanuel Raoul filme les indignés à genoux. Un policier attrape son téléphone et le lui retire.
- ER : “Oh oh, je suis journaliste, oh! J’ai ma carte de presse”
- Le policier : “Vous ne me filmez pas, vous n’avez pas le droit de me filmer!”
Non seulement le policier part avec mon téléphone et refuse de me le rendre durant de longues minutes, mais il efface aussi la vidéo que je viens de tourner. Pendant ce temps, un de ses collègues me prend à part, me palpe et contrôle mon identité (carte d’identité et carte de presse), en refusant de m’indiquer dans le cadre de quelle procédure, enquête ou fichier de police ces données seront conservées.
Quand le premier policier revient, bombe lacrymogène à la main, son visage à quelques centimètres du mien, il hurle qu’il refuse d’être filmé, invoquant le risque pour lui, sa femme fonctionnaire de police et leurs trois enfants, d’être harcelés si son visage est affiché sur Internet. Il ajoute que si je diffusais ces images sans son consentement, il pourrait porter plainte mais que “ça ne changerait rien” pour sa famille. Et d’ajouter : “si je vous casse le nez, vous pouvez porter plainte, vous aurez quand même le nez cassé”. Certes il s’agit d’appuyer son discours mais c’est aussi, à mon sens, une tentative d’intimidation, voire une menace physique rendue crédible par son état d’excitation et d’énervement.
Le téléphone m'est rendu, sans la vidéo, puis les agents nous font la morale, nous accusant d’être des parents irresponsables car nous nous mêlons de cette affaire alors que nous sommes en compagnie d’un enfant de onze ans (qui assiste à toute la scène, à la fois médusé et bien sûr effrayé). En tant que citoyens et parents, nous sommes surtout choqués de voir que des agents de la force publique enfreignent les lois et se comportent d’une manière aussi agressive à l’égard de simples témoins.
Le policier m’accuse d’être partial et de ne pas avoir “vu le début”. Il m’explique que les “Indignés” ont fraudé, passant les tourniquets sans titre de transport et qu’au moment de les interpeller plusieurs d’entre eux se sont rebellés. Lorsque nous avons quitté les lieux, des dizaines de policiers étaient arrivés en renfort. Puis le groupe de jeunes a été laissé libre de quitter les lieux, sans être poursuivis. Une question me taraude donc : pourquoi tout cela ?
J’ai conscience que les policiers ont un métier difficile, extrêmement stressant, mais si un agent perd ainsi son calme face à un groupe de jeunes non-violents et de simples témoins, comment se comportera-t-il dans un contexte autrement plus tendu et menaçant ?
La semaine suivante, je me suis rendu à l’Inspection générale des services pour déposer un signalement. “En effet, il a fait un peu de zèle”, m’a répondu l’officier, m’assurant “pourtant on leur dit, ils ont des consignes” et que l’IGS allait retrouver les agents en question pour leur rappeler les règles. En sortant de son bureau, je demande à être tenu au courant des suites : “Ben non, pourquoi?” conclut-elle.
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
Carte d'identité sécurisée : face cachée et chiffre voilé : Ficher 45 millions de personnes pendant 15 ans
Après l’Assemblée nationale, le Sénat va examiner en deuxième lecture la proposition de loi sur la carte nationale d’identité sécurisée. Un dispositif qui va entraîner à terme le fichage centralisé de 45 millions de personnes qui devront délester leurs données biométriques sur ce titre garni d'une à deux puces. Derrière, se profile cependant le risque d'un fichier de police exploité par données biométriques, dont la reconnaissance faciale.
La future carte d’identité sécurisée intègrera deux puces, l’une obligatoire, l’autre optionnelle. La puce « régalienne » abritera dans sa mémoire les données biométriques de la personne identifiée. La puce optionnelle permettra de s’identifier en ligne par signature électronique. Identité protégée, vie simplifiée applaudissait Claude Guéant.
Le texte avait cependant provoqué quelques remous lors de son passage devant les députés. Hésitant entre sécurité et respect des libertés individuels, seuls 11 parlementaires étaient présents pour voter ce fichage de 45 millions de personnes âgées de 15 ans et plus. Parmi les données biométriques aspirées, la taille, la couleur des yeux, les empreintes digitales, la photographie en plus de l’Etat civil. Un fichage d’une durée de 15 ans, orchestré dans la base TES (Titres électroniques sécurisés) commune avec les passeports.
Au Sénat, le premier rapport parlementaire de François Pillet (UMP) apportait d’utiles précisions sur les chiffres instrumentalisés pour enclencher ce surplus législatif. Ces chiffres sont ceux issus du CREDOC, pour qui il y aurait chaque année 210 000 cas d’usurpation d’identité.
Un chiffre déclaré, estimé, non constaté
Un chiffre choc, fort, musclé encore repris récemment dans une proposition de loi du député Jean Grenet qui réclame le doublement des peines en cas d’usurpation d’identité en ligne (« l’usurpation d’identité a touché, en 2009, près de 210 000 personnes et connaît, depuis maintenant vingt ans, une très forte progression », un «phénomène d’autant plus préoccupant qu’il se développe de façon exponentielle sur Internet » où « les conséquences en sont plus dommageables encore, du fait du caractère « viral » qu’une telle usurpation peut prendre sur les réseaux »)
Un « chiffre supérieur à celui des cambriolages du domicile principal (164 000), des vols automobiles (127 000) ou des falsifications et usages frauduleux de chèques ou de carte de paiement (120 000) » reprend de son côté le sénateur Pillet... avant de dévoiler l’arrière cuisine de ces données trop rapidement secouées.
« Cette évaluation repose sur une enquête, réalisée auprès de 1 000 puis 2 000 personnes de plus de quinze ans, sélectionnées selon la méthode des quotas et auxquelles a été posée la question suivante : « depuis 1999 avez-vous été victime d’une usurpation d’identité, c’est-à-dire l’usage à des fins malhonnêtes de données personnelles afin de contracter un emprunt, de prendre une carte de crédit ou de réaliser toute action interdite par la loi avec votre identité ». Le nombre de réponses positives a ensuite été rapporté à la population française, puis divisé par le nombre d’années écoulées depuis 1999, pour obtenir le chiffre de 210 000 usurpations d’identité par an ».
Un chiffre, des biais
Les travaux de l’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) et de Pierre Piazza, maître de conférences en science politique à l’université de Cergy-Pontoise, permettent cependant de relativiser ces 210 000 cas d’usurpations chaque année.
D’un, « la question posée repose sur une définition très large de l’usurpation d’identité, puisqu’elle porte sur « usage de données personnelles » et non pas exclusivement sur son identité civile » ce qui peut inclure par exemple les arnaques à la carte bleue, des chèques volés…
De deux, difficile de demander à des personnes de conserver en mémoire ce qui s’est passé dans les dix dernières années ou au-delà.
De trois, l’enquête glane des déclarations non des faits constatés. Un biais « aggravé lorsque le chiffre de 210 000 usurpations d’identité est rapporté aux chiffres des cambriolages ou des vols automobiles constatés par les services de police et de gendarmerie, qui correspondent, eux, à des infractions ayant donné lieu au dépôt d’une plainte ou fait l’objet d’un signalement ». À titre de comparaison, selon l’ONDRP, « les services de police et de gendarmerie ont constaté 13 900 cas de fraude documentaire à l’identité » pour l’année 2009 (chiffre qui rend compte des données recueillies par les autorités, non des fraudes effectivement commises).
Un fichage centralisé et exploité par données biométriques
Plus grave que ces chiffres tordus, embrumés, voilés : avec une base de 45 millions de personnes enregistrées, les tentations sont fortes de faire de ce monstre un fichier de police.
En première lecture au Sénat, les parlementaires avaient exigé que le fichier central sur lequel repose le titre sécurisé ne puisse être exploité aux fins de recherches criminelles. Pour garantir l’étanchéité, les sénateurs optaient pour la technique du lien dit « faible » qui interdit le rapprochement univoque entre une donnée biométrique et une identification… mais qui dans le même temps permet de détecter 99,9% des cas d’usurpation de titre.
Problème : toujours en première lecture, à l’Assemblée, les députés ont détruit ces barrières. Ils ont autorisé les forces de l’ordre à remonter à l’identité à partir des données biométriques. Or, voilà : les développements futurs sont exaltants en la matière, comme la reconnaissance faciale à la volée. En comparant des images captées avec la base biométrique, il est alors possible de connaître les heures de passage de Mme Michu voire de pister son périple en couplant tous les dispositifs de collecte.
Lors des débats, les députés de l’opposition s’étaient émus de ces risques : « vous avez évoqué avec les industriels, monsieur le rapporteur, la possibilité de reconnaissance faciale des individus dans la rue, dans les transports en commun ou lors de manifestations. Il s’agit d’un progrès de la biométrie lourd de conséquences, car chacun pourrait être reconnu et identifié sur ses éléments biométriques. (…) Ce dispositif ouvre vers un avenir assez inquiétant et qui ne relève pas seulement de la science-fiction ».
Claude Guéant, serein sur les garanties juridiques, leur répondra surtout que « la reconnaissance faciale, qui n’apporte pas, à l’heure actuelle, toutes les garanties de fiabilité nécessaires, est une technologie qui évolue très rapidement : on peut donc penser que, très bientôt, elle sera aussi fiable que la reconnaissance digitale ». Puisque c‘est fiable, c’est donc sûr et peu importe ces menues questions liées à la big brotherisation sociale.
Réintroduire le lien faible et cloisonner la reconnaissance faciale
En seconde lecture au Sénat, le rapporteur UMP vient de remettre les points sur les i pour dire tout le mal qu’il pense de ce glissement. « Les députés ont jugé utile d’autoriser la recherche d’identification d’un individu à partir des empreintes digitales enregistrées dans le fichier central, voire – dans la mesure où ils ne l’ont exclue, par reconnaissance faciale » (Le rapport). Pour le sénateur Pillet, ce fichier central est du coup « susceptible de constituer, s’il n’est pas entouré des garanties requises, une bombe à retardement pour les libertés publiques ».
La Commission des lois au Sénat, celle chargée de préparer le texte avant son vote a ainsi rétabli le dispositif du lien faible tout excluant que le fichier central puisse faire l’objet d’un système de reconnaissance faciale. Le texte sera maintenant discuté en séance publique les 3 et 15 novembre 2011.
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
Les absences des élèves s'affichent sur le web 14/02/2012
Sueurs froides chez les pratiquants de l'école buissonnière. Le ministère de l'Education nationale vient de lancer un téléservice permettant aux parents de consulter les absences des élèves sur internet, selon un arrêté publié mardi au Journal officiel. Mis à disposition des chefs d'établissements publics du secondaire, Téléservice-absences recense uniquement les absences jugées "légitimes". Les adeptes des journées séchées peuvent donc souffler... sauf s'ils ont fabriqué leur propre justificatif.
• Que trouve-t-on dans ce fichier ?
Dans les établissements qui choisiront cet outil facultatif, les collégiens et lycéens pourront consulter sur internet la liste de leurs absences. Leurs parents auront également la possibilité d'accéder aux données, qui comprendront les nom et prénom de l'élève, sa classe et le nombre de demi-journées d'absence jugées "légitimes".
D'après le code de l'éducation, ces motifs "légitimes" sont une maladie, une réunion de famille, un empêchement résultant d'un accident ou un déplacement avec un responsable légal de l'élève.
• Toutes les absences sont-elles mentionnées ?
Non. Dans un avis du 8 décembre 2011, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) précise que Téléservice-absences exclut "toute absence non justifiée ou dont le motif est considéré comme 'non légitime'". Il "ne répond pas à un objectif de lutte contre l'absentéisme scolaire" et "ne permettra pas non plus de recenser les retards ou les retenues de l’élève". Les moins assidus peuvent donc souffler, leurs heures de "sèche" ne figureront pas dans le fichier.
• Comment est-il accueilli ?
Pour Jean-Jacques Hazan, le président de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), la plus importante, "c'est un gros fichage" qui rappelle qu'il "est temps de remettre à plat tous les fichiers qui contiennent les données personnelles des enfants et qui ne sont pas contrôlés".
Par ailleurs, puisque les absences "légitimes" n'incluent pas les cas d'école buissonnière, le service "n'apporte rien en termes d'information", ajoute Jean-Jacques Hazan. Pour lui, "le ministère ferait mieux de s'intéresser au remplacement de ses propres absents plutôt que de toujours dénoncer les absences des élèves".
D'autres types de téléservices existent déjà dans l'Education nationale, permettant notamment la consultation des notes à distance. C'est le cas par exemple dans l'académie de Lyon, via la plateforme sécurisée Scolarité services.
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
Le gouvernement Harper (Canadien) veut permettre aux services de police, aux services secrets et aux enquêteurs du Bureau de la concurrence d’obtenir sans mandat les données personnelles des internautes auprès des fournisseurs de service de téléphonie et d’Internet.
Source: http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2012/02/14/004-projet-loi-acces-communications-electroniques-introduit.shtml
Source: http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2012/02/14/004-projet-loi-acces-communications-electroniques-introduit.shtml
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Veille des outils de répression
ALAIN BAUER OU LE PARADOXE SÉCURITAIRE JEAN MARC MANACH
Alain Bauer, figure incontournable du virage sécuritaire de ces dernières années, déplore aujourd'hui à mots couverts la politique menée par les ministres qui se succèdent à l'Intérieur.
Alain Bauer, figure incontournable des politiques sécuritaires de ces 15 dernières années, critique aujourd’hui, à mots couverts, l’instrumentalisation politicienne qui en est faite. Comme en témoigne le Livre blanc sur la sécurité publique qu’il a remis à Claude Guéant la semaine passée. A défaut de savoir si ses avis sont entendus, force est de constater son impuissance, les ministères de l’Intérieur successifs n’ayant de cesse de faire le contraire de ce qu’il dit, ou de refuser de l’écouter.
Nommé président de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), en 2003, lorsque Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur, puis président de la Commission sur le contrôle des fichiers de police, puis de la Commission nationale de la vidéosurveillance, Alain Bauer est considéré comme le Mr sécurité de Nicolas Sarkozy. Après avoir contribué au virage sécuritaire du parti socialiste, au sein duquel il a longtemps oeuvré.
Homme de réseau issu du parti socialiste, “antistalinien primaire” et ancien Grand Maître du Grand Orient de France, Alain Bauer a commencé à travailler sur la police alors que Michel Rocard était premier ministre. Il a ensuite été recruté par la Science Application International Corporation (Saic), “machine de guerre privée et secrète du Pentagone et de la CIA” spécialisée, notamment, dans les technologies de sécurité. En 1994, il créé son propre cabinet privé de conseil en sécurité, AB Associates.
A qui profite le chiffre ?
Interrogé par OWNI sur la politique du chiffre, décriée depuis des années, Alain Bauer est des plus clairs : “la politique du chiffre n’a aucun intérêt : ce qui compte c’est la performance et le résultat. L’objectif n’est pas de faire des croix, et je ne considère pas que les fumeurs de shit valent un assassin“.
“N’importe qui peut faire dire n’importe quoi aux chiffres“, avait ainsi expliqué à TF1 Alain Bauer qui, en tant que président de l’ONDRP, dont le coeur de métier est précisément le recueil et l’analyse statistiques des données policières, sait de quoi il parle :
Politiciens et journalistes sont complices d’un processus de simplification qui conduit à de la désinformation. Ils adorent n’avoir qu’un chiffre à communiquer, qui monte ou qui baisse. Le problème est qu’un vol de chewing-gum, qui vaut “1″ en statistique, n’est pas égal à un homicide qui, pourtant, vaut également “1″.
Alain Bauer expliquait ainsi qu’”en matière de délinquance, il existe trois catégories d’infractions, et trois seulement : les atteintes aux biens (vol de voiture, de téléphone etc…), les atteintes aux personnes ( vol avec agression, coups, viol, homicide…) et les escroqueries économiques et financières (chèque volé, vol de carte de crédit…) (qui) ne peuvent pas se cumuler” :
Donc, le principe de délinquance générale, même s’il est systématiquement utilisé, n’a jamais rien voulu dire. La gauche a eu le malheur de connaître une forte progression et même le plus haut taux historique jamais enregistré en matière de criminalité, en 2001, avec 4,1 millions de crimes et délits. Ensuite ce chiffre est redescendu, mais ce chiffre global n’a aucune signification réelle. En revanche, on peut dire que pour les atteintes aux personnes, gauche ou droite, le résultat est marqué par une forte progression des violences.
En janvier dernier, Brice Hortefeux n’en était pas moins venu présenter sur TF1 le bilan chiffré de la lutte contre l’insécurité, graphique statistique à l’appui, montrant une hausse de 17,8% de la “délinquance globale” de 1996 à 2002, suivi d’une baisse de 16,2% depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy au poste de ministère de l’Intérieur :
Or, et comme OWNI l’avait alors démontré, dans le même temps, les violences physiques avaient, elles, explosé de 90% depuis 1996 (voir Plus la délinquance baisse, plus la violence augmente)…
Vidéosurveillance : mais où sont passées les caméras ?
En 2001, “sur la base d’un échantillon“, explique-t-il aujourd’hui, Alain Bauer avait estimé que les 3/4 des caméras de vidéosurveillance n’avaient pas été déclarées, et qu’elles étaient donc hors la loi :
On estime à 150 000 le nombre de systèmes installés dans des lieux ouverts au public, mais seuls 40 000 ont été déclarés. Tous les autres sont donc illégaux. Quant aux systèmes nouveaux, 10 % – sur environ 30 000 – ont fait l’objet d’une déclaration.
Président de la Commission nationale de la vidéosurveillance depuis 2007, Alain Bauer se dit incapable de chiffrer le nombre de caméras en France, “même au doigt mouillé, parce qu’on n’est pas obligé de toutes les déclarer“.
Celles qui ont été déclarées, par contre, ont explosé : depuis 1995, 674 000 caméras ont été validées par les commissions préfectorales chargées de vérifier leur licéité, soit une augmentation de près de 200% par rapport au chiffre avancé par Michèle Alliot-Marie en 2007, lorsqu’elle s’était fixée comme objectif de tripler le nombre de caméras sur la voie publique d’ici 2009 :
On évalue à 340 000 les caméras autorisées dans le cadre de la loi de 1995, dont seulement 20 000 sur la voie publique (et) j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de l’exprimer, je veux tripler en deux ans le nombre de caméras sur la voie publique, afin de passer de 20 000 à 60 000.
L’objectif, martelé depuis par Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux et Claude Guéant, a été sévèrement relativisé lorsque la Cour des comptes, en juillet dernier, a révélé que les chiffres que lui ont confié les responsables de la police et de la gendarmerie faisaient état de seulement 10 000 caméras, pour un budget de 600 millions d’euros par an. Contacté par OWNI, le ministère de l’Intérieur, lui, martèle le chiffre de 35 000, tout en refusant de nous en donner la comptabilité, chiffrée, se bornant à renvoyer aux propos tenus par Claude Guéant dans la presse.
Alain Bauer, lui, attend 2012 avec impatience : “les autorisations accordées aux caméras avant 2007 seront toutes soumises à renouvèlement, on aura donc une idée précise du stock“. L’estimation du nombre de caméras est d’autant plus importante qu’elle permettra aussi, et au-delà du seul chiffre, de mesurer leur efficacité.
Or, Alain Bauer ne cache plus ses réserves à ce sujet, au point de critiquer ouvertement ceux qui pensent que, comme par magie, l’installation de caméras permettrait de résoudre tous les problèmes, comme il l’avait déclaré l’an passé sur France Inter :
Bruno Duvic : Alain Bauer, est-ce qu’on a précisément mesuré quand les caméras de vidéosurveillance étaient efficaces et quand elles l’étaient moins ?
Alain Bauer : Oui oui, on a de très nombreuses études sur la vidéoprotection, essentiellement anglo-saxonnes, qui montrent que dans les espaces fermés et clairement identifiés c’est très efficace, mais que plus c’est ouvert et moins on sait à quoi servent les caméras, moins c’est efficace, pour une raison simple, c’est qu’elles descendent rarement des poteaux avec leurs petits bras musclés pour arrêter les voleurs : la caméra c’est un outil, pas une solution en tant que tel…
Alain Bauer explique aujourd’hui à OWNI qu’il plaide ainsi depuis des années pour qu’une étude indépendante mesure scientifiquement l’efficacité de la vidéosurveillance, et qu’elle soit menée par des chercheurs et universitaires, y compris critiques envers cette technologie, à l’instar de Tanguy Le Goff ou d’Eric Heilmann. En 2009, ces derniers, en réponse au ministère de l’Intérieur qui venait de publier un rapport censé prouver l’efficacité de la vidéosurveillance en matière de prévention de la délinquance, avaient rétorqué, a contrario, que “rien ne permet de conclure à l’efficacité de la vidéosurveillance pour lutter contre la délinquance” (voir Vidéosurveillance : un rapport qui ne prouve rien). Etrangement, le projet d’étude scientifique et indépendante d’Alain Bauer aurait rencontré “peu d’enthousiasme” au ministère…
Les erreurs dans les fichiers de police ? Un “ problème d’informaticiens ”
C’est peu dire que les problèmes posés par les fichiers policiers soulèvent eux aussi “peu d’enthousiasme” place Beauvau. Président de la commission sur le contrôle des fichiers de police, Alain Bauer connaît là aussi bien le sujet. En 2006, il avait ainsi dénombré 34 fichiers policiers en 2006, et 45 en 2008. En 2009, les députés Delphine Batho (PS) et Jacques-Alain Bénisti (UMP), mandatés par l’Assemblée suite au scandale du fichier Edvige, en avaient de leur côté dénombré 58, dont un quart ne disposant d’aucune base légale. En mai 2011, OWNI en répertoriait pour sa part 70, dont 44 créés depuis que Nicolas Sarkozy est arrivé place Beauvau, en 2002.
Interrogé par OWNI cette explosion du nombre de fichiers, qu’il est censé contrôler, Alain Bauer explique que “la mission du Groupe de contrôle des fichiers était précisément de révéler notamment ceux qui existaient sans déclaration, puis de faire en sorte que les projets soient tous déclarés” :
Une partie de cette “inflation” est d’abord une révélation. Pour ma part, je suis favorable a une législation par type de fichiers comme je l’ai indiqué à la commission des lois de l’Assemblée nationale.
Cette mesure, consistant à débattre, au Parlement, de la création de tout nouveau fichier policier, figurait également en bonne place des 57 propositions formulées par Batho et Bénisti, dont la proposition de loi, bien que faisant l’objet d’un rare consensus parlementaire, et adoptée à l’unanimité par la commission des lois de l’Assemblée, a copieusement été enterrée sur ordre du gouvernement.
L’autre grand sujet d’inquiétude concernant ces fichiers est le nombre d’erreurs qui y figurent : en 2008, la CNIL avait ainsi constaté un taux d’erreur de 83% dans les fichiers STIC qu’elle avait été amenée à contrôler, tout en estimant que plus d’un million de personnes, blanchies par la Justice, étaient toujours fichées comme “défavorablement connues des services de police” dans ce fichier répertoriant plus de 5 millions de “suspects“, et plus de 28 millions de victimes.
“La Justice n’envoie que 10% des mises à jour, mais ça changera avec le logiciel en 2012“, rétorque Alain Bauer, qui renvoie à la fusion programmée du STIC et de JUDEX (son équivalent, au sein de la gendarmerie), prévue pour 2012, au sein d’un Traitement des procédures judiciaires (TPJ) censé, notamment, moderniser le logiciel de rédaction de procédure développé voici une quinzaine d’année, et doté d’une interface type MS-DOS quelque peu dépassée.
“L’objectif sera (aussi) d’avoir une équipe pour gérer le stock“, et donc les milliers, voire millions d’erreurs encore présentes dans les fichiers policiers, reconnaît Alain Bauer, un tantinet fataliste : “nous on recommande, mais c’est le ministère qui décide” . Et puis, “c’est un problème d’informaticiens“…
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
Les fichiers de police, vus à la télé
Dix vidéos de l’Ina pour revenir sur le traitement télévisé des fichiers de police, de “l’affaire des fichiers informatiques” en 1990 à l’extension du Fnaeg en 2001.
Dans le Livre blanc sur la sécurité publique, remis ce mercredi au ministre de l’Intérieur, Alain Bauer et Michel Gaudin proposent de créer un fichier de reconnaissance faciale. Cette idée était déjà évoquée en juin par le Directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard. Aujourd’hui, Claude Guéant l’encourage et salue “l'évolution des technologies de reconnaissance faciale développées par des entreprises françaises”. Après le Fichier automatisé des empreintes digitales et celui des empreintes génétiques, un troisième grand répertoire devrait voir le jour.
Comme le montrait Owni en mai, 44 des 70 fichiers de police existants ont été créés depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur en 2002, dans un contexte international propice à ce développement (lutte contre le terrorisme, avancées techniques, intensification du contrôle). Dans les archives de l’Ina, on retrouve quelques épisodes marquants de l’extension des fichiers en France. Tout n’étant pas numérisé ou forcément objet de reportages télévisés, la sélection ci-dessous n’est pas exhaustive.
• 1980 : La mise en place de la Cnil
“Un téléphone, un simple téléphone, VOTRE téléphone peut un jour, si vous n’y prenez pas garde, vous menacer.” A en croire Antenne 2, en 1980, l’inquiétude ne porte pas tant sur les fichiers policiers que sur le fichage commercial, issu de la vente par correspondance et du démarchage téléphonique. Il faut dire qu’à cette date, juste après la loi informatique et libertés de 1978, les “125 000 fichiers sur ordinateurs” évoqués par Patrick Poivre-d’Arvor servent davantage aux entreprises qu’aux fonctionnaires de police, encore limités aux fiches cartonnées.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) aura donc “l’énorme travail de défendre le citoyen contre les aspects négatifs de l’utilisation de l’ordinateur”. Dès son lancement, elle a pour mission de garantir à chacun le droit d’accès et de rectification des données le concernant.
• 1990 : “L’affaire des fichiers informatiques”
En 1990, deux décrets officialisent l’automatisation de fichiers déjà existants : les données liées aux décisions de justice et les dossiers des renseignements généraux. Ils provoquent une polémique, mélangeant la peur de l’informatisation et la mention possible par les RG de “l’origine ethnique (...), les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes”.
“L’affaire des fichiers informatiques sème la zizanie dans le monde politique”, affirme le reportage. Michel Rocard est obligé de reculer et annule le décret, en n’omettant pas quelques piques au passage. La décision sera finalement validée l’année suivante.
A l’époque, et c’est toujours le cas, les inquiétudes se concentrent sur les fichiers de renseignement, qui ne concernent pourtant qu’une infime minorité de la population par rapport à d’autres, mais font état de données sensibles. La vidéo suivante indique la procédure prévue pour prendre connaissance de ces informations.
En 1990, il n’est pas encore possible de consulter soi-même sa fiche, comme l’explique Michel Monegier du Sorbier, magistrat de la Cnil : “Nous vérifions si dans le dossier il y a des informations dont l’enregistrement est interdit par la loi. Et s’il y a de telles informations, nous en ordonnons la suppression. [...] Nous nous trouvons devant une lacune de la loi qui ne nous permet pas de communiquer à l’intéressé ce que nous avons dans le dossier.”
• 1997 : “Gestion des violences” à la Préfecture de police
En 1997, la Cnil “alerte sur le fonctionnement des sites internet”, interdit aux sociétés d’autoroute de répertorier les plaques d’immatriculation aux péages, mais autorise la Préfecture de police de Paris à créer le fichier Gevi (“Gestion des violences”), comprenant des signes physiques particuliers, l’origine ethnique et l’opinion politique.
• 2000 : Fichage illégal chez Renault
Fil rouge de l’histoire des fichiers, la découverte de systèmes de traitement illégaux dans des entreprises est régulière (Décathlon, Alstom...) En 2000, c’était chez Renault.
• 2001 : L’extension des prélèvements ADN
Créé en 1998 par le gouvernement Jospin, le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg) avait vocation à répertorier les auteurs d’infractions sexuelles. Il s’est progressivement étendu des condamnés aux suspects, et des crimes à presque tous les délits, jusqu’à concerner 1,2 millions de personnes fin 2009.
En 2001, après l’affaire Guy Georges, une première brèche s’ouvre : l’Assemblée vote “en catimini”, “au petit matin” selon le reportage, l’extension du fichage ADN aux auteurs d’homicides volontaires, d’actes de torture et de barbarie, de violences entraînant un handicap permanent et d’actes de terrorisme. A cette date, rien n’est prêt, comme le montre la visite dans les locaux censés accueillir les prélèvements.
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
La Force de gendarmerie européenne officiellement instituée
Le projet de loi autorisant la ratification du traité, entre l’Espagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas et le Portugal, portant création de la Force de gendarmerie européenne (FGE) a été adopté le 12 juillet 2010 par l’Assemblée nationale.
Le concept de la Force de gendarmerie européenne (FGE ou EUROGENDFOR) proposé par la France a été scellé le 17 septembre 2004, par une déclaration d’intention signée à Noordwijk (Pays-Bas). Le projet s’est ensuite concrétisé le 18 octobre 2007 par la signature d’un traité.
Outre les pays fondateurs représentés par la gendarmerie nationale française, la garde civile espagnole, les carabiniers italiens, la maréchaussée royale des Pays-Bas et la garde nationale républicaine portugaise, la FGE compte depuis décembre 2008, la gendarmerie roumaine parmi ses membres.
Opérationnel depuis 2006, ce nouvel instrument de gestion de crise a vocation à servir prioritairement la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l’Union européenne. Elle peut également être mise à la disposition de l’ONU, de l’OTAN, de l’OSCE ou d’une coalition internationale. Elle vise à combler le manque opérationnel constaté entre le moment où des forces armées entrent sur un théâtre d’opérations et le moment où des forces de police peuvent y remplir normalement leur mission.
La FGE dispose d’un état-major permanent basé à Vicenza en Italie. Elle peut déployer une force de réaction rapide de 800 hommes sous un délai de 30 jours et peut compter jusqu’à 2 300 personnes en comptant les états tiers contributeurs.
C’est dans le cadre de cette force que 150 gendarmes français sont déployés en Afghanistan. Placés sous le commandement de la force internationale d’assistance et de sécurité ( FIAS) de l’OTAN, ils forment et encadrent la police nationale afghane.
La FGE est actuellement dirigé par le colonel portugais Jorge Esteves.
http://www.eurogendfor.eu
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
La nouvelle carte d'identité électronique se profile Dominique Richard 21 février 2012
La proposition de loi devrait être adoptée la semaine prochaine. Elle va donner lieu à la création du plus grand fichier français.
La nouvelle carte d'identité sera dotée d'une puce électronique qui contiendra des renseignements personnels. Le fichier a pour vocation de recenser 40 à 50 millions de personnes.
L'idée d'une carte d'identité électronique n'est pas nouvelle. Elle était déjà à l'ordre du jour à la fin des années 1990, à l'époque du gouvernement de Lionel Jospin. En 2005, le projet était quasiment finalisé. Mais devant la levée de boucliers qu'il avait suscitée, le ministre de l'Intérieur d'alors, Nicolas Sarkozy, l'avait remisé aux oubliettes. Ressuscité l'an dernier sous la forme d'une proposition de loi sur la « protection de l'identité », il devrait être adopté à la fin du mois par l'Assemblée nationale. Même si le Sénat risque aujourd'hui de supprimer, provisoirement, certaines de ses dispositions.
Fraudes en hausse
Cette nouvelle carte d'identité sera obligatoirement dotée d'au moins une puce électronique, dite régalienne. Celle-ci contiendra divers renseignements : nom, prénom, date et lieu de naissance, adresse, taille, couleur des yeux. Mais elle comprendra aussi des données biométriques : empreintes digitales de huit doigts (au lieu de deux précédemment) et photographie du visage du titulaire. Ces informations seront centralisées dans une gigantesque base de données qualifiée par le sénateur UMP François Pillet de « fichier des honnêtes gens ». Ayant vocation à recenser de 40 à 50 millions de personnes, ce sera à terme le plus grand de l'Hexagone.
Le nouveau rectangle de plastique a notamment pour but de combattre les usurpations d'identité. En 2009, une enquête du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc) avait révélé que plus de 200 000 fraudes de cette nature se produisaient chaque année. 4,2 % des personnes interrogées lors d'un sondage disaient avoir été victimes d'un vol de leur identité au cours de la dernière décennie. Un chiffre supérieur à celui des cambriolages. En lien avec le Département de recherche sur les menaces criminelles contemporaines, le chercheur Christophe Naudin avance pour sa part que 6 % des documents fournis pour obtenir des prestations sociales sont des faux.
Les derniers chiffres officiels publiés par l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales ne confirment pas, tant s'en faut, l'ampleur de ce phénomène. Il n'est pas niable cependant que la fraude gagne du terrain, même si le lobby des industriels de la sécurité électronique a sans doute quelque peu tendance à forcer le trait.
Les entreprises françaises sont les leaders mondiaux du secteur. Et le lancement d'un marché de cette nature ne peut que renforcer leur force de frappe à l'exportation.
Les failles du passeport
La carte d'identité biométrique ne vaut pas requiem pour les usurpateurs. Même si le ministère de l'Intérieur reste taisant sur le sujet, il s'avère que certains des passeports biométriques délivrés depuis 2009 seraient des faux. Aujourd'hui, l'authentification numérique ne parvient pas à détecter des documents papier falsifiés, comme des actes de naissance. Rien ne dit pourtant que la nouvelle carte d'identité sera accueillie au bazooka. En quinze ans, les mentalités ont énormément évolué, et l'opinion s'est d'autant plus adaptée à l'informatisation de la société que celle-ci a grandement facilité les démarches du quotidien.
Les nombreuses mises en garde lancées par les défenseurs des libertés individuelles n'ont jamais freiné le succès de Google, Facebook et autres téléphones portables. Des outils dont l'usage n'en finit pas de laisser des traces aussi visibles que les pas d'un trappeur sur la neige immaculée.
Reste que ce n'est pas tant le principe de la carte d'identité électronique que les conditions d'accès au fichier ainsi constitué qui posent question. Contrairement aux sénateurs, les députés ont en effet prévu d'autoriser sa consultation par la police judiciaire sur réquisition de la justice. En 2005, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) avait pourtant évoqué des « atteintes excessives à la liberté individuelle », les préoccupations sécuritaires ne justifiant pas « la conservation de données biométriques ».
Une seconde puce
Aujourd'hui, l'inquiétude d'associations comme la Ligue des droits de l'homme est d'autant plus grande que le système porte en lui le risque d'intégration de différents logiciels informatiques. La carte d'identité pourra abriter, mais seulement si son utilisateur le souhaite, une seconde puce à caractère privé qui lui permettra de s'identifier sur le Net grâce à une signature électronique, l'objectif étant de sécuriser les achats en ligne ainsi qu'un certain nombre de téléprocédures administratives.
Mais rien ne garantit que les deux puces resteront indéfiniment étrangères l'une à l'autre et qu'il n'existera pas à plus ou moins long terme un identifiant unique permettant d'avoir accès à l'ensemble des données qu'elles renferment. Sans parler des possibilités techniques de les décrypter et de lire leur contenu à plusieurs centaines de mètres de distance. Big Brother n'est pas toujours aussi loin qu'on l'imagine.
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
De quelques techniques « modernes » pour embastiller… Courant Alternatif
De même qu’au confessionnal on punit le péché par intention, au tribunal on sanctionne par anticipation depuis la loi Estrosi de 2010 qui a créé le délit de participation à une « bande violente ». Derrière ces mots, ce sont de plus en plus des milieux politiques qui sont ciblés par le pouvoir. Et l’appartenance à ces milieux (voire la simple fréquentation de certaines personnes) constitue, avec le refus de prélèvement d’ADN et l’accusation de s’être organisé-e « en réunion », le tiercé gagnant de l’institution judiciaire pour enfermer qui dérange l’ordre établi.
Aucun Etat ne tolère qu’on échappe à son emprise, dès lors qu’on est tombé dans son collimateur. C’est pourquoi sur le territoire français, « en raison des nécessités de l’enquête ou à titre de mesure de sûreté », une-e juge d’instruction peut placer quelqu’un sous écrou sans qu’il ait été statué sur sa culpabilité. Nombre de juristes le soulignent, cette privation de liberté qui est prononcée « à titre exceptionnel », et justifiée par l’intérêt social et la bonne administration de la « justice », attente aux « garanties fondamentales des droits de la personne » et à la présomption d’innocence censées être à la base du système judiciaire français. Elle n’en est pas moins très à la mode.
Une détention « provisoire », ça peut durer
La prison, c’est avant tout un lieu d’enfermement des pauvres, on le sait, et la détention provisoire est, de façon notoire, « traditionnellement » longue en France : rester deux ans en prison avant d’être jugé-e n’a rien de rare.
Mais la préventive constitue aussi le troisième temps fort du scénario suivi aujourd’hui par le pouvoir pour criminaliser certains milieux militants et justifier la répression à leur encontre. Ce scénario a deux finalités : noircir l’image des personnes visées pour convaincre de leur dangerosité, et présenter l’Etat comme l’efficace défenseur d’un ordre menacé [1]. On assiste ainsi d’abord à une mise en spectacle de l’action répressive – notamment par un impressionnant déploiement de forces d’intervention surarmées, lors d’interpellations et de perquisitions [2]. Puis des déclarations politiciennes et campagnes médiatiques viennent grossir la réalité des faits reprochés aux inculpé-e-s. Enfin, la prolongation de leur détention provisoire vise à démontrer que l’on tient vraiment des « coupables » – et comme nul ne veut croire à une réalité aussi choquante que l’emprisonnement d’innocent-e-s, le refus persistant de les libérer contribue à convaincre qu’il y a forcément anguille sous roche.
La détention provisoire n’est certes pas une invention sarkozienne. Baptisée « préventive » jusqu’à la loi du 17 juillet 1970, on a changé son épithète dans l’illusoire dessein de souligner son caractère exceptionnel [3], et une dizaine de réformes sur le sujet sont intervenues depuis pour afficher toujours cette même volonté… bidon : en 1997, la population carcérale française était encore composée à 41 % de prévenu-e-s (52 % en 1984). De même, en 2000, la loi Guigou a créé un juge des libertés et de la détention provisoire (JLD) censé être plus « indépendant » que le « classique » – le rôle du JLD dans l’« affaire d’Outreau » suffit à montrer qu’il n’en est rien.
En matière correctionnelle, pour être mis-e en examen on doit, selon la législation actuelle, encourir une peine d’une durée au moins égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement ; et, pour être ordonnée ou prolongée, la détention provisoire doit constituer l’unique moyen de parvenir à un ou plusieurs des objectifs suivants (art. 144 du code de procédure pénale modifié en 2009) :
« 1° conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ;
2° empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;
3° empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ;
4° protéger la personne mise en examen ;
5° garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ;
6° mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement. »
Dans les faits, le libellé très vague de ces objectifs aide à multiplier et prolonger la préventive, au point que la France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme pour ses abus [4]. « Toute personne arrêtée ou détenue [...] a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure », dit en effet la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Et l’Observatoire international des prisons (OIP) souligne de son côté : « Définie par la loi comme devant être l’exception, la détention provisoire est trop souvent prononcée au détriment du contrôle judiciaire et au mépris de la présomption d’innocence. Véritable peine sans jugement, [elle] constitue de nos jours une grave atteinte aux libertés fondamentales. »
L’article 145-1 du code de procédure pénale modifié en 2002 précise qu’en matière de délits « la détention provisoire ne peut excéder quatre mois si la personne mise en examen n’a pas déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun soit à une peine criminelle, soit à une peine d’emprisonnement sans sursis d’une durée supérieure à un an et lorsqu’elle encourt une peine inférieure ou égale à cinq ans » ; et que, dans les autres cas, « à titre exceptionnel » là encore, le JLD peut décider de prolonger la détention, de quatre mois en quatre mois, jusqu’à un an au total. Mais, toujours dans les faits, divers dispositifs permettent aisément de s’asseoir sur les délais légaux. Ainsi, le système des « audiences-relais » [5]. Ou encore le délai de vingt jours dont bénéficie la chambre d’instruction pour répondre à la demande de remise en liberté que peuvent déposer les prévenu-e-s lorsque le juge d’instruction ne les a pas interrogé-e-s pendant quatre mois.
Surtout, la détention provisoire peut durer jusqu’à deux ans (toujours par prolongation de quatre mois) en cas de « terrorisme », d’« association de malfaiteurs », d’« infraction commise en bande organisée » – des chefs d’inculpation à géométrie très variable puisqu’ils concernent désormais des personnes et des actes extrêmement variés quant aux buts poursuivis (les dernières lois sécuritaires ne font plus de distinction entre atteinte à la personne et atteinte aux biens, donc entre crimes et délits), et pour lesquels les peines encourues atteignent facilement dix ans d’emprisonnement.
Et puis, pour maintenir en détention, il existe plein d’autres petits trucs à disposition des juges. Par exemple, les « garanties de représentation », que l’on résume à tort à la possession ou non d’un domicile et d’un travail. En réalité, les exigences des tribunaux en la matière sont bien plus grandes vu qu’il s’agit avant tout de prouver que l’on est intégré-e à la société, donc que l’on vit en « bon père de famille », partant en « bon citoyen » : ce qui compte vraiment, c’est d’avoir à charge une famille et de posséder une situation professionnelle assez accrocheuse pour dissuader de passer les frontières sitôt libéré-e.
Résultat : avec l’introduction de nombreux chefs d’inculpation et l’aggravation des condamnations par le biais des lois sécuritaires tombées en cascade, depuis une décennie principalement (voir CA n° 215), la durée des détentions provisoires ne cesse de s’allonger. En 2005, la Commission de suivi de la détention provisoire dénonçait déjà dans son rapport annuel cette réalité, la préventive étant passée en moyenne de 6,4 mois en 2002 à 7,1 mois en 2005 ; elle critiquait également l’insuffisance des raisons entraînant sa mise en pratique, ainsi que les conditions dans lesquelles celle-ci s’effectuait.
Un antiterrorisme en plein… boom !
La politique sécuritaire actuelle qui sévit en France comme ailleurs dans le monde, en particulier parce que la « crise » économique entraîne une contestation grandissante, traduit la volonté pour les tenants du système de criminaliser toujours davantage les personnes qui se mobilisent contre l’ordre établi – jusqu’aux classes moyennes en voie de précarisation, ciblées dès lors qu’elles « s’indignent » contre le sort qui leur est fait. Après avoir peaufiné les méthodes coercitives dans les cités populaires, le champ répressif s’est ainsi élargi à la jeunesse lycéenne et estudiantine. De là l’adoption d’une panoplie de lois sécuritaires, soutenue par une intense propagande médiatique – et le rapide glissement du sécuritaire à l’antiterrorisme, grâce à l’étiquetage « ultra-gauche » par lequel le pouvoir forge comme bon lui semble l’image d’un ennemi invisible et diffus, donc d’autant plus dangereux [6]. En juin 2008, le rapport de la Direction centrale des renseignements généraux intitulé Du conflit anti-CPE à la constitution d’un réseau préterroriste international : regards sur l’ultragauche française et européenne énumérait toutes les actions attribuées à la « mouvance anarcho-autonome » en assurant : « Les faits et comportements observés sur notre territoire sont similaires à ceux recensés à la fin des années 1970 qui avaient été précurseurs de la constitution du groupe Action directe. »
De là les montages policiers et l’instrumentalisation politique de certaines affaires, comme Tarnac, sous les chefs d’« association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » ou de « dégradations en réunion en relation avec une entreprise terroriste » (Julien Coupat est ainsi resté en préventive plus de six mois, en dépit d’une mobilisation militante et du soutien de personnalités politiques et médiatiques).
Le pas franchi entre le sécuritaire et l’antiterrorisme n’a rien d’anodin pour les personnes qui en subissent les effets, étant donné les moyens exorbitants que détiennent les juges antiterroristes [7]. Les six inculpé-e-s qui vont passer en procès ensemble à la mi-mars, à Paris, pour quatre affaires regroupées par le juge Brunaud autour d’une dépanneuse de police ont été les premières à en faire la pénible expérience (on y reviendra dans un prochain CA). Elles ont effectué entre cinq et treize mois de détention provisoire, et sont restées ensuite sous contrôle judiciaire (avec interdiction d’entrer en contact entre elles pour la plupart et de sortir du territoire français sans autorisation, pointage une fois par mois au commissariat ou au tribunal, ainsi que suivi par un contrôleur judiciaire tous les mois ou tous les trois mois pour justifier de leurs activités professionnelles).
Aujourd’hui, l’antiterrorisme a sa police, sa section spéciale au parquet… et ses dispositions réglementaires. La circulaire (parue le 13 juin 2088) de Rachida Dati, alors ministre de la Justice, a en effet élargi le champ des poursuites en matière de terrorisme, au prétexte d’« une résurgence de faits en lien avec la mouvance anarcho-autonome » et de violences commises « à l’occasion de manifestations de soutien à des prisonniers ou des étrangers en situation irrégulière ». Cette circulaire, qui demande aux parquets locaux confrontés à de tels faits et violences d’« informer dans les plus brefs délais la section antiterroriste du parquet de Paris […] pour apprécier de manière concertée l’opportunité d’un dessaisissement à son profit », a donné à la police (en particulier la brigade anticriminalité) un sentiment de toute-puissance dont elle use et abuse depuis : interventions brutales en de multiples occasions avec flashballs, tasers, etc. ; fouilles non autorisées ; provocations afin d’inciter à l’outrage et de pouvoir inculper pour rébellion… Il s’agit d’instaurer un climat de peur et de pousser à la faute (voir, pour un bref historique ; mais aussi, pour ce qui tend à devenir du quotidien basique, par exemple ).
Désormais, des enquêteurs de la section antiterroriste (SAT) de la brigade criminelle travaillent sur les dégradations de distributeurs bancaires, les collages d’affiches ou les occupations d’agences commerciales par des « anarcho-autonomes ». Ils appuient leurs recherches sur des photos de militant-e-s – identifié-e-s par la Direction centrale du renseignement intérieur et la Direction du renseignement de la préfecture de police en région parisienne – qui proviennent pour beaucoup des manifs organisées en soutien aux affaires de Tarnac et de la dépanneuse de police à Paris. Les personnes suspectées, souvent interpellées au hasard et mises en garde à vue sans suite, se voient demander leur ADN ; et leur fréquent refus de ce prélèvement entraîne une perquisition à leur domicile (visant à le collecter contre leur gré sur leurs affaires)… et un procès.
Un ADN aux mille attraits sécuritaires
Ah, le prélèvement d’ADN, quelle formidable invention !
1° Si vous le refusez, vous êtes poursuivi-e en justice pour un délit indépendant de celui (ou plutôt de la présomption de celui) qui vous a collé dans les pattes de la « justice », et passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 15 000 € d’amende et un an de prison ferme ;
2° En dépit de votre refus, la police va prélever votre ADN (à partir d’un gobelet ou d’une fourchette utilisés pendant la garde à vue…) « aux fins de l’enquête » ;
3° Tant que vous persistez dans votre refus, vous êtes convocable à tout moment pour une nouvelle demande de prélèvement, et sanctionnable en cas de rejet ;
4° Si votre ADN ne peut vous être pris que dans le cadre d’une procédure judiciaire en cours, être relaxé-e du délit pour lequel on vous a fait une demande de prélèvement n’empêchera pas la « justice » de vous poursuivre pour le refus que vous y avez opposé…
Une situation aussi kafkaïenne a incité des personnes à porter leur cas devant la Cour européenne des droits de l’homme.
En plus du fichage de la population et donc de l’accentuation du contrôle social qu’ils favorisent (un « bon citoyen » n’ayant rien à se reprocher, accepter le prélèvement relèverait du civisme), les tests d’ADN ont d’autres effets pervers. Notamment d’inciter les avocat-e-s qui les considèrent comme une preuve scientifique dans l’absolu à s’en remettre à leurs résultats (sans prendre en compte les conditions dans lesquelles les prélèvements sont réalisés ni les manipulations dont ils peuvent être l’objet). Et pourtant, attendre ces résultats avant de déposer un appel contre une mise en détention, par exemple, sur la conviction que le tribunal se « résoudra » à une libération dès qu’il sera en leur possession introduit un nouveau critère – « scientifique » et non plus juridique – qui a pour conséquence de faire admettre comme normale la prolongation de la détention provisoire. Car, s’ils ont obligation de rendre publics les résultats des tests d’ADN, les juges n’ont aucun délai à respecter pour ce faire.
Tout ce qui précède met en évidence une réalité : face à l’actuel dispositif policier et judiciaire, seul l’établissement d’un véritable rapport de forces social est susceptible de freiner sa mise en œuvre. On remarque d’ailleurs sans peine, lors des luttes qui se mènent dans les secteurs agricole ou industriel, que lorsqu’il y est recouru à la force la répression est sans commune mesure avec celle qui frappe une certaine jeunesse radicalisée. Cela, parce que les luttes paysannes ou ouvrières recueillent une assez large adhésion (on a récemment constaté que le combat des Conti « parlait » aux gens) ; et que, face à un tel soutien, même tacite, la police et la « justice » ne peuvent frapper autant que le pouvoir le voudrait [8].
Vanina
Notes
[1] Ces objectifs se contredisent puisque l’Etat veut faire ressortir à la fois sa maîtrise d’un danger qu’il a amplifié et la solidité de la société face à ce danger.
[2] Les manifestations de solidarité envers les inculpé-e-s sont en butte à la même logique répressive.
[3] Depuis cette loi, les personnes qui ont été placées en détention provisoire peuvent demander une indemnité en compensation du préjudice subi lorsque leur procès aboutit à un non-lieu, une relaxe ou un acquittement ; mais, afin de s’éviter de tels désagréments, les tribunaux se débrouillent en général pour donner des peines qui couvrent le temps passé en préventive.
[4] Si, d’après la loi, les prévenu-e-s ont la possibilité de faire appel de l’ordonnance de placement, cet appel est très souvent rejeté – sur l’argument que l’instruction n’est pas terminée, que la peine encourue dépasse deux ans ou que subsiste ne serait-ce qu’un seul des « objectifs » énoncés plus haut pour justifier la mise en détention.
[5] Dans ces audiences, le tribunal appelle un dossier, salue l’avocat de la partie civile et son désir de persévérer dans sa poursuite, et « confirme le calendrier de procédure », interrompant par là la prescription… qui court à nouveau sur trois mois.
[6] Par exemple, dans l’action à la PJJ de Labège (voir page suivante) qui n’a pas été revendiquée, le juge a affirmé à propos d’un des inculpés qu’il était « connu pour son appartenance à la mouvance ultra-gauche », puis qu’il avait « admis son appartenance au mouvement d’extrême gauche dont les tracts ont été retrouvés sur les lieux » alors que ces tracts n’étaient, au dire de la presse et de la « justice » elle-même, pas signés.
[7] Les juges jouissent d’un important pouvoir discrétionnaire : blocage à leur guise du courrier des prévenu-e-s (pendant une dizaine de jours, puis une autre dizaine) ou des permis de visite. Et, pour tenter d’affaiblir les résistances, le système judiciaire et pénitentiaire bénéficie de bien d’autres moyens – comme une grosse lenteur dans la délivrance des mandats versés aux prévenu-e-s, ou des livres et vêtements qui leur sont apportés au parloir.
[8] Six ouvriers de l’usine Continental ont été condamnés en appel, le 5 février 2011, à des amendes de 2 000 à 4 000 euros… pour le saccage de la sous-préfecture de Compiègne en 2009. Et la mobilisation (en partie à visées électoralistes, bien sûr) autour de Xavier Mathieu, lors de son procès le 4 janvier 2012 pour refus de prélèvement d’ADN, « relance le débat sur le fichage ADN », ont titré beaucoup de journaux.
nico37- Messages : 7067
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Re: Veille des outils de répression
Passeport biométrique
Le Conseil d’État valide l’essentiel du dispositif mais censure la conservation, dans un fichier centralisé, des empreintes digitales de huit doigts, au lieu des deux figurant dans le composant électronique du passeport.
L’essentiel
Saisi de plusieurs recours contre le décret instituant le passeport biométrique, le Conseil d’État a, dans l’exercice de sa mission de garant des libertés publiques, annulé les dispositions prévoyant la collecte de 8 empreintes digitales, alors que seules 2 sont destinées à figurer dans le passeport.
Après un examen approfondi des garanties de fonctionnement prévues (accès et durée de conservation limités, impossibilité de recherche par les données biométriques), le Conseil d’État a en revanche admis la création d’un fichier central des passeports.
Le Conseil d’État rappelle en outre que l’Etat peut toujours répondre à ses besoins en s’appuyant sur ses propres moyens, et il rejette la critique des professionnels de la photographie contre la prise des photographies pour les passeports directement par l’administration.
Dans un contexte international de renforcement des exigences en matière de sécurité des documents de voyage, marqué notamment par les travaux de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) en vue de la mise en place d’un passeport biométrique standardisé et par la décision des Etats-Unis de subordonner le bénéfice du programme de dispense de visa (Visa Waiver Program), à la présentation d’un passeport biométrique répondant aux spécifications de l’OACI, l’Union européenne a adopté, le 13 décembre 2004, un règlement[i] prévoyant que les passeports et documents de voyage délivrés par les États membres devraient désormais comporter un « support de stockage de haute sécurité » contenant deux éléments biométriques, une photo faciale et deux empreintes digitales, et ce avant le 28 juin 2009.
Pour l’application de ce règlement, la France a d’abord prévu, par un décret du 30 décembre 2005[ii], l’inclusion dans les passeports d’un « composant électronique » contenant l’ensemble des mentions devant figurer sur le passeport ainsi que l’image numérisée du visage du demandeur. Le même décret a en outre permis la création d’un fichier informatique national pour mettre en œuvre les procédures d’établissement, de délivrance, de renouvellement, de remplacement et de retrait des passeports […], ainsi que pour prévenir, détecter et réprimer leur falsification et leur contrefaçon.
Dans un second temps, un décret du 30 avril 2008[iii] a modifié celui du 30 décembre 2005 pour prévoir, conformément à ce qu’exigeait le règlement du 13 décembre 2004, l’inclusion dans le composant électronique du passeport, de l’image numérisée des empreintes digitales de deux doigts. Ce décret prévoit également, d’une part, qu’il est procédé au recueil de l’image numérisée du visage ainsi que[iv] des empreintes digitales de huit doigts du demandeur et non seulement des deux figurant dans le passeport et, d’autre part, que l’ensemble de ces données biométriques est enregistré dans le fichier national, qui reçoit la dénomination de « TES ». Enfin, le décret précise que, sauf si le demandeur fournit deux photographies d’identité répondant à certaines spécifications, l’image numérisée de son visage est recueillie sur place par l’administration.
Ce décret, ainsi que la circulaire précisant ses conditions d’application, était contesté devant le Conseil d’État par des titulaires de passeports français, des associations de défense des droits et par des professionnels du secteur de la photographie.
Les moyens soulevés posaient deux séries de questions de nature différente.
1. En premier lieu, il était soutenu que les mesures de collecte et de traitement des données personnelles décrites ci-dessus constituaient une atteinte disproportionnée à la vie privée, protégée par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’article 16 de la convention relative aux droits de l’enfant signée à New York le 26 janvier 1990 et la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
Sur le plan des principes, le Conseil d’État a rappelé que l’ingérence dans l’exercice du droit de toute personne au respect de sa vie privée que constituent la collecte, la conservation et le traitement, par une autorité publique, d’informations personnelles nominatives ne peut être légalement autorisée que si elle répond à des finalités légitimes et si le choix, la collecte et le traitement des données sont effectués de manière adéquate et proportionnée au regard de ces objectifs.
Examinant les dispositions contestées à la lumière de ces principes, le Conseil d’État, après avoir notamment mené une audience d’instruction contradictoire, a tout d’abord précisé la finalité du fichier TES en relevant qu’il ne servait qu’à confirmer que la personne présentant une demande de renouvellement d’un passeport est bien celle à laquelle le passeport a été initialement délivré et à s’assurer de l’absence de falsification des données contenues dans le composant électronique du passeport.
Au regard de cet objectif, il a jugé que la collecte et la conservation d’un plus grand nombre d’empreintes digitales que celles figurant dans le composant électronique ne sont ni adéquates, ni pertinentes et apparaissent excessives au regard des finalités du traitement informatisé. Il a donc annulé partiellement l’article 5 du décret, en tant qu’il prévoit la conservation des empreintes digitales qui ne figurent pas dans le composant électronique du passeport.
En revanche, le Conseil d’État a jugé que, compte tenu de ses effets (facilitation des démarches pour les usagers, renforcement de l’efficacité de la lutte contre la fraude documentaire, meilleure protection des données recueillies), et des restrictions et précautions prévues par le décret (utilisation des données strictement limitée et précisément encadrée, durée de conservation limitée), le système centralisé TES est en adéquation avec les finalités légitimes du traitement institué et ne porte pas au droit des individus au respect de leur vie privée une atteinte disproportionnée aux buts de protection de l’ordre public en vue desquels il a été créé.
2. En second lieu, il était soutenu qu’en prévoyant que la photographie d’identité pourrait être réalisée sur place par l’administration, le décret portait une atteinte illégale au principe de liberté du commerce et de l’industrie et au principe de libre concurrence.
Le Conseil d’État a rappelé sa jurisprudence selon laquelle les personnes publiques ont toujours la possibilité d’accomplir les missions de service public qui leur incombent par leurs propres moyens, et qu’il leur appartient de déterminer si la satisfaction des besoins résultant des missions qui leur sont confiées appellent le recours aux prestations et fournitures de tiers plutôt que la réalisation, par elles-mêmes, de celles-ci. Il en découle que ni la liberté du commerce et de l’industrie, ni le droit de la concurrence ne font obstacle à ce que les personnes publiques décident d’exercer elles-mêmes, dès lors qu’elles le font exclusivement à cette fin, les activités qui découlent de la satisfaction de ces besoins, et ce même dans le cas où leur décision est susceptible d’affecter les activités privées de même nature.
En l’espèce, le Conseil d’État a jugé que le décret pouvait prévoir la prise directe par l’administration d’une image numérisée du visage du demandeur, sans remise à ce dernier de clichés, qui sont exclusivement destinés à la collecte des données devant figurer dans le passeport et dans le traitement automatisé.
Ecartant les autres moyens soulevés à l’encontre du décret comme de la circulaire, le Conseil d’État n’a donc annulé que partiellement l’article 5 du décret du 30 avril 2008, en tant qu’il prévoit la collecte et la conservation des empreintes digitales ne figurant pas dans le composant électronique du passeport.
CE, 26 octobre 2011, Association pour la promotion de l’image et autres, n°s 317827 et autres.
[i] Règlement n° 2252/2004 établissant des normes pour les éléments de sécurité et les éléments biométriques intégrés dans les passeports et les documents de voyage délivrés par les États membres.
[ii] Décret n° 2005-1726 relatif aux passeports électroniques.
[iii] Décret n° 2008-426 modifiant le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports électroniques.
[iv] sauf pour les enfants de moins de 6 ans
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
http://regardeavue.com/echec-a-la-tourelle
Ce vidéo-tract a été réalisé par des habitants de Montreuil.
À Montreuil l’ ASVP (Agence pour la Surveillance de la Voie Publique ) est un service de vigiles au service de la mairie. Les ASVP seraient censés « assurer le respect de certaines règles communes de l’espace public, et principalement de constater les infractions au stationnement voire de verbaliser les habitants qui contreviennent aux règles relatives à la propreté de l’espace publique. »
Un « groupe mobile » est composé d’ASVP « volontaires » . Leur mission consiste par exemple en « interventions à la déchetterie » ou en « interventions de surveillance suite à des intrusions »…. Ce qui très concrètement signifie chasser de la déchèterie tous ceux qui pour survivre y font de la récup’, chasser avec tous les moyens, y compris la violence physique, ceux qui occupent des maisons vides pour y habiter.
Le 31 janvier, une fois de plus, les ASVP chassent les occupants d’une maison appartenant à la mairie. Les ASVP, dirigé par Denis Hochard et sous l’oeil bienveillant du commissaire de Montreuil, cassent l’intérieur de la maison appartenant à la mairie. Les ASVP, dirigé par Denis Hochard et sous l’oeil bienveillant du commissaire de Montreuil, cassent l’intérieur de la maison pour rendre l’espace inhabitable. Dominique Voynet, maire de la ville, appelée d’urgence au téléphone par une voisine qui voulait dénoncer les violences du service municipale, déclare être déjà au courant, mais : « les habitants sont des politiques et j’ai déjà assez d’ennemis à Montreuil »!
Encore une fois la gestion de l’espace et le nettoyage urbain qui va avec se dessine, aussi, comme nettoyage idéologique. Tous ce qui gêne les projets des promoteurs et politiques est effacé à coup de barre de fer.
Plusieurs dizaines de témoignages sur les violences de l’ASVP ont été déjà récoltés.
contact : vraimentmontreuil@rocketmail.com
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
Semaine de solidarité avec F. qui passe en procès le... 8 mars
F., passe en procès au tribunal de Tours le 8 mars prochain. Elle est accusée de violence sur agent suite à sa participation à la Gaypride de Tours en Mai dernier. C'est pourtant la police qui a chargé sans raison la fin de cortège. Et c’est bien la préfecture qui avait cultivé la tension sur la sécurisation et la tenue de la marche, ménageant au passage une place aux démonstrations homophobes et patriafliques. F. nie l'accusation portée par un flic-matraqueur.
Jeudi 8 Mars, 9h :Rassemblement de soutien à F. devant le tribunal de Tours, place J. Jaurès.
Dimanche 4 Mars : Rencontre et projections de films (à 14h, 16h, 18h) sur des thèmes et luttes Lgbti et féministes (sont prévus : “Stonewall” de N. Finch, 1997 ; “L’ordre des mots” de C. et M. Arra, 2007 ; “La révolution du désir” de Avellis et Ferluga, 2007). Au Café-Comptoir Chez Colette.
Mercredi 7 Mars, 18h : Projection-rencontre sur la répression sociale et policière avec “La raison du plus fort” de P Jean, 2003. À la facutlé des Tanneurs, s. 218.
Samedi 17 Mars, journée nationale d'action contre la répression et les violencespolicières.
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
« Il y en a marre de récupérer des victimes de la police » 3 mars 2012 | Mehdi et Badroudine
Mehdi et Badroudine sont de passage à la gare du Nord, tout juste après un contrôle policier musclé qui a visiblement choqué les voyageurs.
Les passagers s’entrechoquent comme des masses. C’est l’heure pointue. Les longs couloirs sont noirs. C’est l’heure des grands flux. Il est 18h16. Le trafic est fluide. Et sur le plateau souterrain de la gare, une troupe de policiers veille. Face à eux, des passagers. C’est l’incompréhension. « Dites nous la vérité, juste la vérité » supplie une dame.
Elle s’approche. Ses mains se crispent. Son visage face à celui d’un képi, noyé dans son mutisme. Volontairement silencieux. Tout compte fait, l’agent ouvre la bouche. « C’est un homme, il est mort, il avait deux enfants ». La jeune femme rougit de haine. « C’est très drôle. Vive la police ». Et le policier d’esquisser un sourire.
Sauf que l’affaire est tout sauf drôle. C’était à 17h. Un contrôle d’identité. Des policiers qui demandent des papiers à un passager. « Je travaille dans un stand de la gare, juste là, pointe un garçon. J’étais juste à côté de lui quand c’est arrivé ».
L’homme « a voulu sortir une ventoline, sept policiers l’ont pris par le cou, ils lui ont mis une balayette et un coup de poing », raconte un témoin. Les témoignages concordent. « Ils pensaient qu’il allait sortir un flingue ou quoi? » s’agace une passante. Le jeune homme continue son récit : « Après, ils lui ont sauté dessus. Ils l’ont battu. Il y avait du sang ».
Pendant que l’affaire se dilue, que l’incompréhension grandit, un deuxième policier provoque : « Oh, y’a rien eu, juste un viol ». Il rigole. Il répète lourdement : « Oui, un viol ». Il regarde son collègue. Ils rigolent, complices du même humour. Certains passagers insistent pour connaitre « la vérité ». Une femme, chargée, qui passait par là a « tout vu ». Elle raconte : « Ils l’ont battu et l’ont enfermé derrière cette porte. Depuis 17h, il n’est pas sorti ».
Un homme lui demande de témoigner officiellement. Elle refuse. « Mais c’est important de prouver des choses aussi graves » dit-il. Le premier témoin, lui, promet qu’il portera plainte « contre la police pour cet abus ». Une gradée, plus sérieuse que les policiers tristement moqueurs, donne sa version : « L’homme n’est pas blessé et il est actuellement devant un agent de nos services ».
Les policiers se replient. Ils disparaissent dans un nuage de rage. « C’est ça, la politique de Sarkozy » pointe une dame, les voyant s’éloigner. « C’est malheureusement ça, la France » réplique une autre. Avant d’ajouter : « J’en suis certaine, c’est un énième acte raciste contre un Noir ». Le jeune témoin, les doigts tremblants, la voix rouillée : « C’est chez nous ici, nous sommes Français, nous ne méritons pas ce traitement ».
La porte de fer reste close. Muette. Devant, un ambulancier lâche un cri : « Honnêtement, mes collègues et moi, nous en avons marre de récupérer des victimes de la police ». Un énième contrôle qui vire au vinaigre. Mais, en levant les yeux au plafond, une flamme d’espoir pour l’ambulancier : « Il y a quatre caméras de surveillance, elles ont tout filmé ». Tout ça aurait pu passer inaperçu.
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
VÉRITÉS À BIOMÉTRIE VARIABLE 5 MARS 2012 JEAN MARC MANACH
La biométrie, ça ne fonctionne pas. Ou en tout cas pas à coup sûr. À l'occasion du vote de demain à l'Assemblée nationale permettant de créer le plus gros fichier biométrique de la population française, OWNI a listé les faiblesses des systèmes biométriques. Et la liste est longue...
“A l’exception de l’analyse de l’ADN, aucune des méthodes utilisées en matière de police scientifique et technique n’a démontré de façon rigoureuse qu’elle avait la capacité de démontrer un lien entre une trace et un individu ou une source spécifique.”
En 2009, aux États-Unis, un rapport accablant de l’Académie nationale des sciences jetait un pavé dans la mare de ceux qui accordent une confiance aveugle aux “experts” de la police technique et scientifique. Les “experts” savent très bien que leurs méthodes ne permettent aucunement de recueillir une “preuve scientifique“, mais uniquement une “présomption”.
Erreurs humaines, de calcul, de prélèvement, de conservation ou de comparaison des échantillons, biais méthodologiques ou scientifiques, les “experts” ont de très nombreuses raisons de se tromper… sans parler de ceux qui condamnent ainsi des innocents à plusieurs années de prison.
50% des victimes d’erreurs judiciaires sorties de prison par l’Innocence Project, une ONG américaine qui utilise l’empreinte génétique pour innocenter des condamnés inculpés à tort, avaient ainsi été condamnées sur la foi de témoignages et de “preuves” apportés par des experts de la police scientifique et technique.
Brandon Mayfield, un avocat américain de 37 ans, fut ainsi accusé d’être l’un des auteurs des attentats à la bombe qui frappèrent Madrid en 2006. Pour le FBI, son empreinte digitale correspondait “à 100%” à celle trouvé par la police espagnole sur un sac d’explosifs. La police espagnole répondit au FBI que, d’après ses propres analyses, l’empreinte de Mayfiled ne correspondait pas à celle du suspect, il n’en fut pas moins incarcéré, au secret, pendant deux semaines. Son empreinte faisait partie d’un groupe de 20 empreintes “similaires“… et Mayfield, qui s’était converti à l’islam après s’être marié à une Égyptienne, avait déjà fait l’objet de mesures de surveillance de la part du FBI. Il était donc un suspect tout désigné.
Shirley McKie, une détective de la police écossaise, fut quant à elle accusée de meurtre. Quatre experts de la police technique et scientifique avaient identifié son empreinte digitale sur la porte de la salle de bain d’une femme qui avait été poignardée à mort. Deux “experts” américains expliquèrent à son procès que son empreinte ne correspondait pas à celle laissée sur la scène de crime, lui évitant 8 ans de prison. Mais ses confrères britanniques maintinrent leurs versions, déclarant que c’était une “question d’opinion“. L’autre meurtrier présumé, identifié lui aussi par ses empreintes digitales, fut libéré de prison, d’autres experts ayant eux aussi conclu à une identification erronée.
On sait d’autre part qu’il est aussi possible de tromper les systèmes de reconnaissance biométrique en leur soumettant des fausses empreintes digitales réalisées à base de pâte à modeler, de gélatine, de silicone, de latex ou encore de colle à bois.
Le Centre de recherche des technologies d’identification (CITER), chargé par la National Science Foundation (NSF) d’aider les industriels à évaluer et améliorer la “crédibilité” de leurs technologies, a ainsi initié un concours, LivDet, de reconnaissance des fausses empreintes digitales.
Les résultats (.pdf) de l’édition 2011 sont assez édifiants : en fonction des algorithmes, systèmes et logiciels utilisés, de 6 à 40% des fausses empreintes digitales étaient identifiées, à tort, comme véritables, et de 12 à 66% des vraies empreintes digitales étaient, tout aussi à tort, identifiées comme fausses…
Par ailleurs, plus une base de donnée biométrique est importante, plus grande est la probabilité statistique d’identifier quelqu’un par erreur ou, a contrario, de mettre de côté un individu de peur de l’identifier par erreur. Les spécialistes de la biométrie sont ainsi amenés à élaborer de très complexes algorithmes statistiques jonglant entre “faux positifs” et “faux négatifs“, et basés sur un taux d’erreur acceptable.
Tel le projet du gouvernement indien de ficher ses 1,2 milliards de citoyens. Jamais on avait en effet cherché à procéder à une reconnaissance biométrique d’une telle ampleur.
Pour Joachim Murat, responsable pour l’Inde de Morpho, n°1 mondial de l’empreinte digitale et filiale de Safran, interrogé par Les Echos, “la confirmation de la décision de relever les données biométriques de tous les Indiens « garantit un très gros marché pour les terminaux qui captent les iris et les empreintes digitales »“, dont son employeur est l’un des principaux fournisseurs mondiaux.
Le marché est d’autant plus juteux que Morpho qu’il faut non seulement recueillir les empreintes digitales et les numériser, mais également leur appliquer nombre de traitements pour en “dédupliquer” les identifiants, afin de vérifier que le nouvel inscrit n’avait pas été préalablement fiché.
Sur les 200 millions d’Indiens d’ores et déjà fichés par l’Autorité d’identification unique indienne (UIDAI), la “déduplication” a ainsi permis de réduire la base de données à 130 millions. Pour inciter les Indiens à venir se recenser, les autorités leur offre en effet de l’argent, voire une collation, entraînant certains à revenir s’identifier plusieurs fois…
On aurait pu espérer que ces 70 millions de doublons eussent pu être évités d’emblée, lors de la prise des identifiants, mais non : la reconnaissance par empreintes biométriques ne permet pas tant, en effet, d’identifier “scientifiquement“, et donc à coup sûr, le porteur de telle ou telle empreinte digitale, mais d’estimer la probabilité statistique qu’il s’agisse bien de lui, ou non. Ce qui requiert tout un tas de vérifications :
L’UIDAI vient ainsi de publier une étude très détaillée (.pdf) expliquant comment elle est parvenue à identifier, de façon unique, 99,86% de la population, tout en précisant que 99,965% des doublons étaient identifiés comme tels.
Une précédente étude (.pdf), basée sur des recherches effectuées sur 46 millions d’identifiants contenus dans la base de données du FBI, avait démontré que la prise d’empreintes de deux doigts seulement débouchait sur un taux de “fausses acceptations” (False Acceptance Rate, ou FAR : personnes identifiées, à tort) de 10,3%, et de 29,2% de “faux rejets” (False Rejection Rate, ou FRR : personnes rejetées, à tort).
Avec 10 empreintes, le taux de faux négatifs tombait à 0, mais les faux positifs se maintenaient à 10,9%. D’où la nécessité de rajouter à ces 10 empreintes digitales celles des deux iris, seule combinaison à même de pouvoir identifier avec certitude, et sans risque de doublon ou de fausse identification, l’intégralité de la population.
Dans un ouvrage d’anthologie consacré à l’identification biométrique, Bernadette Dorizzi, spécialiste de la question, et notamment des taux d’erreurs, écrit que “pour les systèmes d’identification (titres identitaires, vote), le FAR (les “faux positifs”, NDLR) peut être défini entre 1/1 000 000 et 1/100 000 000. Le FRR (les “faux négatifs”), quant à lui, est de 1/1000 (0,1%)“, ce qui n’est pas sans incidence sur l’utilisation même du système :
Un système identitaire avec une base de données d’un million d’individus recevra, pour des demandes de renouvellement et de création, environ 1 milliard de requêtes par jour (sur une vingtaine d’heures ouvrées), soit environ 14 000 mises en correspondance par seconde pour un gabarit. Si l’on considère un taux d’erreurs de 1/1 000 000, cela veut dire qu’il faudra traiter manuellement 1000 cas par jour dans le pire des cas.
La question reste donc de savoir comment les industriels français parviendront, d’une part à identifier, de manière unique, de 45 à 60 millions de gens à partir de deux empreintes digitales seulement, mais également de parvenir à un taux d’erreur acceptable limitant autant que faire se peut “faux positifs” et “faux négatifs“, et donc la probabilité statique d’entraîner des erreurs judiciaires…
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
DES CAMÉRAS DEVANT 51 CRÈCHES MUNICIPALES
Le visiophone municipal ressemble drôlement à une caméra de vidéosurveillance, relié d’ailleurs à plusieurs écrans dans chacune des sections de la crèche. P.P.
La 2e tranche d’un système de visiophones vient de s’achever.
Le 23 janvier 2009, un individu s’introduit, en demandant un renseignement, dans une crèche de Termonde en Flandre (Belgique), et cause la mort de trois personnes dont un adulte et deux bébés et fait une dizaine de blessés.
« Soucieuse de garantir une sécurité absolue des enfants confiés aux crèches, la Ville de Marseille a alors décidé de conduire immédiatement un audit des dispositifs de protection contre l’entrée de personnes non autorisées », explique-t-on à la Ville.
Dès le 29 juin 2009, le conseil municipal de Marseille choisissait d’équiper 26 des 59 crèches de la ville en visiophone. Coût de l’opération, autour de 150 000 euros. En cette rentrée 2011, 25 nouvelles crèches (150 000 euros de plus) ont fini d’être équipées de l’œilleton électronique qui ressemble à une belle caméra de vidéosurveillance pointée sur l’entrée des établissements. Un système qui remplace le bon vieux digicode.
Et si le dispositif ne semble souffrir d’aucune contestation tant il est consacré à la protection des bambins, sa mise en application quotidienne est plus problématique. Avec d’étonnantes conséquences.
Organisation perturbée
Car comme pour n’importe quelle vidéosurveillance, il faut des humains derrière les écrans. Et dans une crèche, de petits êtres de moins d’un mètre demandent une attention de tous les instants. Or, pas de téléopérateur ici. Chaque section est équipée d’un écran et d’un interphone, le personnel ayant la responsabilité d’ouvrir ou non à la personne qui sonne.
Là où le personnel devait avant connaître les visages des parents et grands-parents des bouts de chou de leur section, chaque agent doit désormais les connaître tous. Pour une crèche de 60 enfants, avec une moyenne de 4 adultes susceptibles de venir les chercher, cela fait 240 visages à connaître. On dira que ça fait travailler la mémoire.
Autre problématique, le système de visiophone impose la présence d’au moins un agent dans les sections, même s’il fait beau dehors et que tous les petits jouent dans les cours. Résultat : moins un dans les effectifs déjà tendus des crèches. Une solution d’écran portatif est techniquement envisageable. La Ville y viendra peut-être.
Ecran TV allumé annonce dessin animé
Mais le plus étonnant reste la réaction des enfants. Car comme l’aurait expliqué Pavlov, pour un gamin, écran TV allumé annonce dessin animé. Et il n’est pas rare de voir un petit bonhomme à peine équilibré sur ses jambes, les yeux levés vers l’écran qui ne renseigne finalement que sur les entrées et sorties des adultes. Des drames se prolongent parfois sur le plasma quand c’est maman qui sort. Et quand l’enfant oublie l’écran, chaque sonnerie le rappelle à son souvenir. Dans un mouvement de tête vers le haut le gamin marmonne : « Papa ? »
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
Données biométriques : Après la carte d'identité, Sarkozy propose la carte Vitale
Après l'adoption d'une loi pour lutter contre l'usurpation d'identité, créant une nouvelle carte d'identité et un fichier centralisé des données biométriques, Nicolas Sarkozy a proposé jeudi d'instaurer la carte Vitale biométrique pour lutter, cette fois, contre la fraude aux prestations sociales.
La branche maladie du régime général de la Sécurité sociale évalue la fraude réelle à environ 1,5 milliard d'euros. AFP/PHILIPPE HUGUEN
Après la lutte contre l'usurpation d'identité, la lutte contre la fraude aux prestations sociales. Avec toujours la même question : Bientôt tous fichés ? Seulement deux jours après l'adoption par le Parlement d'une loi créant un fichier centralisé des données biométriques, ainsi qu'une nouvelle carte d'identité munie de deux puces électroniques, Nicolas Sarkozy revient à la charge en proposant, s'il était élu, de lancer la carte Vitale biométrique pour lutter contre la fraude aux prestations sociales.
« Il y a de la fraude, il faut que ça cesse, a martelé Nicolas Sarkozy sur RMC et BFM-TV. La moitié des cartes vitales ont une photo d'identité (...) avec l'état des comptes sociaux, nous allons transformer la carte vitale comme nous avons transformé le passeport et la carte d'identité avec le système biométrique. »
Nicolas Sarkozy a salué le système de santé français comme étant « le meilleur du monde », mais aussi « le plus onéreux » : Cela « nous impose de lutter contre la fraude, il nous impose de demander un effort aux Français comme aux étrangers qui en bénéficient », a-t-il ajouté.
En 2010, les fraudes détectées s'élevaient à 458 millions d'euros
De son côté, le Front national (FN) a rappelé ce jeudi dans un communiqué que la carte Vitale biométrique faisait déjà partie du projet présidentiel de Marine Le Pen : « Sans cesse à la remorque de Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy ne pourra pas faire oublier à nos compatriotes que c'est bien sous son mandat que la solidarité nationale a été le plus mise à mal », a réagi Marie-Christine Arnautu, vice-présidente du parti d'extrême droite, chargée des Affaires sociales.
Le montant des fraudes détectées en matières sociales s'est élevé en 2010 à 458 millions d'euros mais le ministre évaluait celles-ci, en 2011, à « plusieurs milliards d'euros par an », selon le ministère du Travail et de la Santé. La seule branche maladie du régime général de la Sécurité sociale évalue la fraude réelle à 1% de ses dépenses, soit environ 1,5 milliard d'euros.
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
DIY Drones à moins de 1.000€ : http://www.diydrones.com
DRONES D’HACKTIVISTES 9 MARS SABINE BLANC
Les drones sont partout. À l'origine utilisés par les militaires, ces engins sont détournés de leur usage, en particulier par des activistes de tous poils : hacktivistes, défenseurs de la nature ou des droits de l'homme, artistes et même journalistes.
Surveiller les surveillants, en détournant leurs dernières marottes techniques : après les caméras de vidéosurveillance, les drones sont à leur tour mis au service de l’activisme, voire de l’hacktivisme. On pourrait également qualifier ces détournements d’artivisme, cette façon d’utiliser l’expression artistique pour porter un message politique.
Il semblerait que le premier projet de ce type remonte à 2004, du moins selon l’artiviste autrichien Konrad Becker qui s’en est occupé dans le cadre du projet Netbase. Son nom de code ? S-77 CCR, pour System 77 Civil Counter-Reconnaissance. Son slogan ?
Eyes in the sky, democracy in the street.
“ Des yeux dans le ciel, la démocratie dans la rue ” . Un slogan qui résume un message très politique :
Pour permettre un équilibre des compétences en matière de surveillance et une large éducation du public aux technologies de contrôle, il semble nécessaire que les gens y aient accès.
Il a été déployé en public en mai 2004 à Vienne. “Nous avions besoin d’une ‘preuve de concept‘”, se souvient Konrad Becker. Toutefois nous avons attiré l’attention de la police et des médias à l’époque… ” Depuis, S-77 CCR a été poursuivi en toute discrétion par Marko Peljhan, un Slovaque qui a, entre autres, cofondé un des premiers media labs d’Europe de l’Est.
Hacker les communications
Mike Tassey et Rich Perkins sont des hackers poids lourd, le genre à faire des présentations lors de DefCon ou de BlackHat, raouts phares réunissant ces adeptes d’un usage créatif de la technique. L’année dernière, ils y ont présenté leur projet Wireless Aerial Surveillance Platform (WASP), ou “drone DIY” [Do It Yourself, fais-le toi-même] pour la cyberguerre”, créé en 2009. Concrètement, cet avion-espion est capable d’intercepter les communications transitant par Wi-Fi et donc de dérober des données. Le but n’est pas d’aller en prison mais de pointer des failles de sécurité potentielles. L’essence d’un bon hacker, comme ils l’expliquaient en introduction à la conférence Black Hat :
Que pourrait faire un avion autonome volant à basse altitude transportant 5 kilos d’outils pour la cyber-attaque du réseau de votre organisation, aux infrastructures critiques de votre pays ou pire s’il transportait quelque chose d’épouvantable, quelles seraient les conséquences en terme d’exigences pour la sécurité publique ?
Buzz vidéo de Pologne
Les drones sont revenus sur le tapis médiatique en novembre, avec la vidéo d’un engin baptisé RoboKopter survolant des manifestations à Varsovie en Pologne, à l’initiative d’un activiste. Elle a été visionnée plus de 650 000 fois sur YouTube. Une manière comme une autre de faire des émules.
Occupy les airs : vers le “ dronestream ”
Le mouvement Occupy, initié à Wall Street, a été l’occasion d’un jeu du chat et de la souris entre les manifestants et les forces de police chargées de surveiller de près voire de déloger les campeurs. L’un d’eux, Tim Pool, a sorti un atout de leur manche : Occucopter, un drone Parrot AR équipé d’une caméra et contrôlé par iPhone. Tim a bidouillé le logiciel de façon à pouvoir diffuser en direct les images sur Internet.
L’idée lui a été soufflée début 2011 par Geoff Shively, ado hacker surdoué des années 90 qui a fini par fonder sa boîte de logiciel de sécurité à l’âge de 21 ans. Mais les deux sont partis dans des directions opposées et l’idée ne sera mise en œuvre que cet automne, “après le raid sur Zuccotti park”, nous détaille Tim. Mi-novembre, la police était intervenue pour chasser les manifestants de ce parc qui y campaient depuis deux mois. Il expliquait ses motivations :
[Il s'agit de] donner aux gens ordinaires les mêmes outils que ces géants des médias multimillionaires. Cela comble avec intelligence une lacune face à certaines restrictions, comme quand la police empêche la presse de prendre des photos d’un incident.
Même si l’engin est perfectible, il a suscité l’attention : “J’ai reçu plein de questions et aidé de nombreuses personnes à mettre en place une diffusion en direct via le drone”, complète Tim. Les hackers, de façon naturelle, se sont penchés sur le sujet, en particulier à San Francisco, au hackerspace Noisebridge. Une page de documentation a été monté. On trouve même un modèle fait avec une imprimante 3D !
Et Tim poursuit sa recherche : “je ne pense pas qu’ils deviendront aussi courant que les téléphones portables mais nous travaillons à rendre le dronestream (sic) très bon marché, de façon à ce que chacun puisse en acquérir un.”
Drone journalism
Cet automne, les images des émeutes en Pologne ont vite été reprises par les médias traditionnels. Tim Pool est également journaliste indépendant. De l’activisme au drone journalism, il n’y a qu’un pas, que résume Matt Waite, journaliste chercheur à l’université du Nebraska et créateur du Drone Journalism Lab, dédié à l’étude de la viabilité de médias aéroportés pilotés à distance :
Il y a des gens qui ne sont pas journalistes qui font des choses qui ressemblent terriblement à du journalisme, il n’est pas dur de faire un effort d’imagination. Il y a d’abord eu les émeutes en Pologne, puis les protestations pour les élections en Russie.
En résumé, il se passe la même chose avec les drones qu’avec les téléphones portables, un effacement des frontières entre citoyens et journalistes. Du moins pour fournir la matière première.
Ces drones informatifs constituent le prolongement bon marché de vieilles techniques, rappelle-t-il : “les rédactions utilisent depuis longtemps des hélicoptères et des avions avec une aile fixe pour les évènements importants. En posséder ou en louer une est coûteux.” A contrario, le drone est “une façon rentable d’avoir des contenus multimedia inédits et attractifs.”
En Australie, Justin Gong, un jeune Chinois immigré, a créé sa compagnie, XAircraft. Son produit suscite un fort intérêt de la part d’un réseau de télévision australien et plusieurs médias l’utilisent déjà, explique-t-il.
Mais la technique est pour l’instant encore perfectible, comme l’a démontré la tentative avorté de journalistes australiens qui ont filmé le centre de détention pour immigrés de Christmas Island : l’engin a fini à l’eau. Matt Waite est conscient de ces limites :
Ces quadracopters et hexacopters ont une autonomie de 15 minutes environ, alors que celles des drones militaires de qualité est bien supérieure. Donc quelle est leur efficacité ? Pas énorme. Il n’y a pas assez de temps de vol et de stabilité pour satisfaire notre imagination. Ils s’écrasent souvent et se cassent facilement. Ce n’est donc pas assez stable pour voler en toute sécurité autour de personnes. Mais je pense que c’est temporaire. La technologie avance si vite que ces défauts ne peuvent que s’améliorer.
La question de la légalité de telles pratiques reste aussi en suspend. Ainsi aux États-Unis, il est interdit “de voler au-dessus de 400 pieds (120 mètre), hors de la vue, près des gens et il ne faut pas avoir de visées commerciales”, rappelle Matt Waite. Et entre sécurité de certaines installations et liberté d’information, de quel côté penchera la balance ?
Brigitte Bardot high tech
On a tous en tête l’image de Brigitte Bardot se roulant dans la neige au Canada, serrant un bébé phoque comme le dormeur son polochon. Si la nature a ses charmes, la technique aussi. Ainsi les activistes de Sea Sheperd, à la pointe de l’innovation, ont récemment utilisé un drone pour les aider dans leur combat, la défense de la faune marine. Détail des opérations :
“Le 24 décembre, le Steve Irwin, l’un des navires de Sea Shepherd, a déployé un drone afin de localiser et photographier le Nisshin Maru, navire-usine japonais. Opération réussie! [...] Grâce aux deux drones répartis sur le Steve Irwin et le Bob Barker, il est possible de connaître la position du Nisshin Maru et de surveiller sa route; les informations sont ensuite transmises aux navires de Sea Shepherd.
Inconvénient : un drone ressemble fortement à un de ces volatiles dont les chasseurs sont friands. Du coup, aux États-Unis, un drone qui devait filmer une chasse aux pigeons a été lui-même abattu… Prochaine étape, des drones blindés ?
Vol au-dessus d’un nid de dictateurs
Des drones dans les manifestations, des drones pour sauver les baleines… et des drones pour sauver l’humanité. Le mois dernier, Andrew Stobo Sniderman et Mark Hanis , les fondateurs de l’ONG Genocide Intervention ont signé une tribune dans le New York Times intitulée “Drones for Human Rights” :
Il est temps d’utiliser la révolution dans le domaine militaire pour servir la cause des droits de l’homme. Avec des drones, nous pourrions prendre des photos et des vidéos claires d’abus, et nous pourrions commencer en Syrie.
Autre avantage, expliquent-ils, les images pourraient être utilisé par les diplomates de l’ONU ou lors des procès comme preuve. Et tant pis si cela constitue une violation de l’espace aérien : “Ce serait peut-être illégal aux yeux du gouvernement syrien mais soutenir Nelson Mandela en Afrique du Sud était considéré comme illégal durant l’apartheid.”
Le recours aux drones posent aussi la question de son instrumentalisation par le régime syrien, qui pourrait crier au complot étranger et s’en servir pour réprimer avantage. Du coup pour l’heure, les ONG restent timides :
“De telles considérations figuraient dans les conversations que nous avons eues avec les organisations de défense des droits de l’Homme qui envisageaient d’utiliser des drones en Syrie mais ont finalement opté pour la fourniture de téléphones, de modems satellites et d’abris. Depuis bientôt un an, des amateurs courageux en Syrie ont sans doute essayé la bidouille avec leur petite caméra. Dans ses circonstances, la plus-value ne vaut pas la peine de l’investissement et du risque.”
Évoquant de nouveau le potentiel de ces engins, ils concluent sans ambages :
Si les organisations de défense des droits de l’Homme peuvent espionner le mal, elles ont le devoir de le faire.
“ Zones temporairement augmentées ”
LES ARTISTES VEILLENT SUR LES CAMÉRAS
Inutiles les caméras ? Pas pour les street artistes qui les détournent pour dénoncer la société de surveillance ou le ...
Lot Amoros est un artiste espagnol, qui se définit comme un “ingénieur informatique & un antiartiste transdisciplinaire”. Son GuerrillaDrone servira à réaliser “des interventions audiovisuelles dans l’air public en utilisant la réalité mixée”, de façon à créer des “zones temporairement augmentées”, en référence aux zones autonomes temporaires (TAZ) d’Hakim Bey. Le tout est réalisé avec des logiciels et du matériel libre, grâce au projet ArduCopter, utilisant Arduino.
Histoire que le concept soit cohérent aussi dans la forme. Il mettra à profit sa résidence d’artiste aux Pays-Bas, de mai à septembre, pour monter le projet et des performances.
Son message est dans la lignée de son prédécesseur autrichien, en s’inspirant aussi d’artvertiser, une réappropriation de la publicité urbaine par la réalité augmentée :
GuerrillaDrone cherche à explorer de nouveaux usages de l’air comme un moyen d’expression, pour anticiper les questions auxquelles la société moderne devra faire face dans les décennies à venir : la présence de robot dans les espaces publics et dans les espaces publics aériens. [...]
Le droit de voler hérite d’idées du mouvement Reclaim The Spectrum : “ceux qui revendiquent le spectre [radio-électrique] anticipent un débat politique et social dont le XXe siècle a été privé mais qui ne peut être repoussé en ce nouveau siècle. Nous, citoyens, exigeons l’usage de l’air public : le médium est le message. Si le pouvoir devient de plus en plus déshumanisé avec les machines de contrôle, la technologie réagit en réinventant des dispositifs anti-establishment. [...]
GuerrilaDrone essaye d’inverser la logique du panopticon comme système opaque de contrôle en étendant les possibilités d’action directe ou de performance grâce à du matériel audiovisuel aérien, créant des écrans urbains sur n’importe quelle surface.
Plus surprenant, il fait aussi référence au transhumanisme : “Le monde des drones relève de la philosophie cybernétique et posthumaniste, le monde va changer très vite”, nous a-t-il détaillé. “On a trop de pouvoir avec cette technologie, personne ne peut les arrêter, avec la robotique ‘terrestre’ l’humain garde encore la supériorité sur les robots, mais avec la robotique ‘aérienne’, ils sont supérieurs. C’est pour ça que mon blog s’appelle ‘Hacked freedom’ : les drones ont une liberté que légalement personne ne leur a donné, et que personne ne peut leur enlever.”
Pour Lot, le projet ne parle pas de la société de surveillance mais “du pouvoir des drones par rapport aux humains, et du pouvoir de la technologie aux mains des activistes et non des gouvernements ou des militaires.”
À ce titre, il suit d’un œil inquiet le sujet, citant la possibilité de drones qui tuent automatiquement, sans assistance humaine, ou encore la volonté d’étendre leur usage en Europe. De quoi alimenter encore les velléités de détournement.
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Veille des outils de répression
DEMAIN ON FICHE 5 MARS 2012 JEAN MARC MANACH
Ce mardi 6 mars, après plusieurs mois de débats, l'Assemblée nationale votera le texte créant "Le Fichier des gens honnêtes". Un fichier officiellement destiné à lutter contre l'usurpation d'identité... Mais qui, dans les faits, autorisera à ficher l'ensemble de la population française. Retour, en dix questions, sur une inexorable dérive sécuritaire.
MaJ, 06/03/2012, 16h56 : par 285 voix pour, 173 contre, sur 458 suffrages exprimés, le fichage des “gens honnêtes” a été adopté à l’Assemblée. Jean-Jacques Urvoas (PS) a déclaré qu’il allait dès demain déposer un recours au Conseil Constitutionnel.
Au XIXe siècle, lors de la conquête de l’Ouest, des ouvriers Chinois, venus construire les lignes de chemin de fer, utilisaient de l’”huile de serpent” (“Snake oil“, en VO) comme remède “naturel” aux douleurs articulaires. Plusieurs escrocs s’emparèrent alors du phénomène, et commercialisèrent de multiples “huiles de serpent“, toutes plus placebo les unes que les autres, en faisant croire qu’elles accompliraient des miracles, et guériraient tous les maux.
Le fichier des “honnêtes gens“, créé pour mettre un terme aux usurpations d’identité, et qui sera adopté ce mardi 6 mars 2012 à l’Assemblée, en sixième lecture (et après 8 rapports parlementaires), s’apparente à une “huile de serpent“, à une “poudre de perlimpinpin“. Aux effets secondaires dévastateur. Pour la première fois depuis le gouvernement de Vichy, il s’agit de ficher l’ensemble de la population française, 60 millions d’”honnêtes gens“, au prétexte de mieux les protéger. Démonstration, en 10 questions qui, étrangement, n’ont jamais été, ou quasiment, débattues au Parlement.
Qui est à l’origine de l’expression de “fichier des gens honnêtes” ?
LE PARLEMENT VEUT FICHER LES HONNÊTES GENS
Le projet de ficher 60 millions de "gens honnêtes" oppose sénateurs et députés. Depuis le 12 janvier dernier, ces ...
Les défenseurs de la proposition de loi, ainsi qu’un certain nombre de médias, ont avancé, à tort, que l’appellation “Fichier des gens honnêtes” émanait d’opposants à ce projet. Il n’en est rien : c’est François Pillet, rapporteur (apparenté UMP) de la proposition de loi au Sénat qui, le premier, l’a utilisée, le 31 mai 2011, avant de la qualifier de “bombe à retardement pour les libertés publiques“. Le PS a ainsi rappelé que l’on n’avait jamais vu un tel projet de fichier depuis Vichy, et son “fichier général de la population, en 1940“, qui fut d’ailleurs détruit à la Libération.
Le fichier mettra-t-il un terme aux usurpations ?
L’”usurpation d’identité” est un terme générique qualifiant tout autant les faux et usages de faux (papiers, diplômes, CV, profils Facebook ou plaques d’immatriculation, etc.), les fraudes aux allocations sociales ou à la carte bancaire, les titres de transport utilisés à plusieurs ou encore le fait de donner une fausse adresse aux contrôleurs…
Prétendre que le fichier des “honnêtes gens” mettra un terme à l’usurpation d’identité est tout aussi mensonger que d’expliquer que l’”huile de serpent” permet de guérir de la peste ou du choléra.
Le fichier des “gens honnêtes” ne permettra pas vraiment d’empêcher les faux et usages de faux, la fraude aux transports publics non plus que les faux mails ou profils Facebook. En revanche, il permettra aux services de police judiciaire d’accéder aux empreintes digitales de ceux qui y sont recensés dans le cadre d’enquêtes sur des infractions dont le lien avec l’usurpation d’identité est pour le moins “ténu, voire inexistant“.
Selon François Pillet (UMP), rapporteur de la proposition de loi au Sénat, et le député (PS) Serge Blisko, de nombreuses autres poursuites judiciaires autoriseront la police à plonger allègrement dans les données de ce fichier :
- délit de révélation de l’identité d’un agent des services spécialisés de renseignement,
- faux en écritures publiques, même lorsque celles-ci ne portent pas sur l’identité d’une personne,
- escroquerie, même lorsque l’escroc ne se dissimule pas sous une fausse identité,
- franchissement illicite d’un portillon dans le métro ou déplacement sans titre de transport
Or, ce que craint François Pillet, tout comme les députés et sénateurs de l’opposition, ainsi que la présidente de la CNIL, qui s’est dit “inquiète“, c’est que “le dispositif proposé (…) ouvre la voie à d’autres empiètements, à l’avenir, afin d’étendre peu à peu le périmètre de l’utilisation du fichier central biométrique de la population française“, comme ce fut le cas pour le FNAEG, créé pour ficher les empreintes génétiques des criminels sexuels et élargi, depuis, aux simples suspects de la quasi-totalité des crimes et délits. Le FNAEG répertorie ainsi aujourd’hui les empreintes génétiques de près de 2 millions d’individus, dont 67% n’ont jamais été condamnés.
Le fichier mettra-t-il un terme aux fausses pièces d’identité ?
L’objectif affiché du fichier des “honnêtes gens” est d’empêcher quelqu’un de se procurer une carte d’identité au nom de quelqu’un d’autre. Mais le postulat de départ de ce fichier est que les “gens malhonnêtes” attendront patiemment que les 60 millions de “gens honnêtes” aient préalablement confié leurs états civils, empreintes digitales et faciales, avant que de tenter d’usurper leur identité… ce dont on peut légitimement douter.
Dans les faits, le fichier des “gens honnêtes” n’empêchera donc pas une personne malintentionnée de, par exemple, utiliser un faux passeport, un faux document pour usurper votre identité auprès d’administrations publiques ou d’entreprises privées, comme Nicolas Caproni, consultant en cybercriminalité et sécurité des systèmes d’information, à qui cette mésaventure vient d’arriver, s’en est expliqué.
Seuls les officiers de police judiciaire, enquêtant sur des soupçons d’usurpation d’identité, seront habilités à vérifier l’état civil et les empreintes digitales des personnes inscrites au fichier des “gens honnêtes“. Les gendarmes et policiers, employés d’administration ou d’entreprises privées, qui contrôleront nos papiers sans avoir accès au fichier ne pourront donc pas savoir si le titulaire de la carte d’identité qui leur sera présentée est son détenteur légitime, ou non.
Cette problématique n’a rien d’illusoire, ou d’hypothétique : Le Parisien révélait récemment que plus de 10% des passeports biométriques seraient des faux :
Sur les 7 millions de passeports biométriques en circulation, 500 000 (selon certains criminologues) à 1 million (de source officieuse policière) seraient indûment obtenus.
Ces passeports biométriques avaient pourtant, précisément, été sécurisés en s’adossant à un fichier des empreintes digitales et photographies numérisées de leurs détenteurs. Ironie de l’histoire, ce fichier des titres électroniques sécurisés TES est précisément celui qui sera utilisé pour ficher les “gens honnêtes“…
L’usurpation d’identité est-elle en hausse ?
Les défenseurs de la proposition de loi sur la protection de l’identité parlent de 210 000 usurpations d’identité, par an. Ils oublient de préciser qu’il s’agit d’une estimation issue d’un sondage financé par une entreprise commercialisant des broyeurs de documents, et qui avait donc intérêt à exagérer le nombre d’usurpations d’identité.
Comme l’a résumé François Pillet, rapporteur (UMP) de la proposition de loi, ces données “n’ont pas été scientifiquement établies, le chiffre de 210 000 cas (ayant) été obtenu en suivant une méthode unanimement critiquée (et) d’une fiabilité douteuse“.
L’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) estime de son côté que le nombre de “faux documents d’identité” est passé de 8361 en 2005 à 6342 en 2010, soit une baisse de 24% en 5 ans, chiffres que se sont bien gardés de mentionner Claude Guéant et les partisans du fichier des “honnêtes gens” au Parlement :
Dans le même document, on apprend que la Police de l’Air et des frontières, a comptabilisé, en 2010, “2 670 documents frauduleux français (dont) 1 142 titres de séjour, 216 visas, 651 cartes d’identité1, 510 passeports et 151 permis de conduire“.
FICHEZ LES TOUS !
Ce mercredi, dans une relative discrétion, l'Assemblée nationale a adopté un texte permettant de ficher la quasi totalité ...
Or, Michel Bergue, directeur de projet sur la lutte contre la fraude documentaire et à l’identité au ministère de l’intérieur, auditionné à l’Assemblée, avait de son côté expliqué qu’”environ 80 % des fraudes détectées sont le fait de ressortissants étrangers souhaitant se maintenir irrégulièrement sur notre territoire“. Le Parlement s’apprête donc à voter le fichage de 60 millions de “gens honnêtes” alors que le ministère de l’Intérieur ne sait même pas combien l’on détecte de fausses cartes d’identité, par an, mais que l’on peut néanmoins estimer qu’il ne dépasse probablement pas le millier.
A quoi servira donc ce fichier des “honnêtes gens” ?
Ce même document contient un autre chiffre très intéressant : on y apprend en effet que si le nombre de faux documents administratifs est passé de 8361 à 6342, en 5 ans, “100 757 personnes ont été signalées pour l’utilisation d’au moins deux états civils différents” en 2010, un chiffre en augmentation de 109,9% en 5 ans :
L’ONDRP tient cela dit à préciser que ce chiffre, “calculé à partir du fichier automatique des empreintes digitales” (FAED) et qui correspond au nombre de personnes qui, “placés en garde à vue pour une affaire de crimes ou délits“, auraient déclaré “au moins deux identités“, est probablement surestimé, dans la mesure où il additionne “les usurpations avérées de celles résultant de fautes d’orthographe ou d’erreurs dans l’enregistrement phonétique des identités“.
En attendant, si on peine à comprendre l’intérêt de vouloir enregistrer les empreintes digitales de 60 millions de “gens honnêtes” afin de lutter contre moins d’un millier de fausses cartes d’identité, on comprend par contre l’intérêt de pouvoir exploiter untel fichier centralisé des empreintes digitales afin d’identifier ceux qui déclarent une fausse identité aux policiers, mais qui ne figureraient pas encore dans le FAED.
En février 2011, ce fichier contenait les empreintes digitales de 3,6 millions d’individus “mis en cause“. Le fichier TES, lui, a d’ores et déjà fiché les empreintes digitales, et photos numérisées, de 7 millions de Français. Aucun parlementaire n’a jamais abordé la question de savoir si les empreintes digitales de ceux qui, parce qu’ils ont demandé un passeport biométrique, y sont déjà fichés, pourront être exploitées de façon policière.
A qui profitera ce fichier des “honnêtes gens” ?
Au-delà des services de police judiciaire, les grands gagnants sont les industriels français des cartes à puce, papiers d’identité sécurisés, de la biométrie et des empreintes digitales, comme l’ont d’ailleurs eux-même reconnu, au Parlement, l’auteur de la proposition de loi, tout comme ses deux rapporteurs :
Les principales entreprises mondiales du secteur sont françaises, dont 3 des 5 leaders mondiaux des technologies de la carte à puce, emploient plusieurs dizaines de milliers de salariés très qualifiés et réalisent 90 % de leur chiffre d’affaires à l’exportation.
Dans ce contexte, le choix de la France d’une carte nationale d’identité électronique serait un signal fort en faveur de notre industrie.
Oberthur, Morpho et Gemalto fournissent 70% des programmes nationaux dans le monde avec un capital de plus de 150 références.
Les entreprises françaises sont en pointe mais elles ne vendent rien en France, ce qui les pénalise à l’exportation par rapport aux concurrents américains.
Le sujet engage aussi des enjeux économiques, industriels : la sécurisation des échanges électroniques est un marché (…) Les entreprises françaises, en pointe sur ce domaine, veulent investir le marché français.
LOBBYING POUR FICHER LES BONS FRANÇAIS
Dans une relative discrétion, l'idée de créer un fichier de 45 à 60 millions de Français honnêtes a reçu un accueil ...
De fait, pas moins de 14 représentants du Gixel, le syndicat des industriels de l’électronique, ont été auditionnés par le rapporteur de la proposition de loi au Sénat, contre seulement 2 représentants du ministère de la justice et 6 de l’Intérieur, 2 de la CNIL et 2 autres du Comité consultatif national d’éthique, et 1 représentant de la Ligue des droits de l’homme.
Le Gixel s’était précédemment illustré en proposant, en 2004, de déployer caméras de vidéosurveillance et bornes biométriques dès l’école maternelle, afin d’y habituer les enfants dès leur plus jeune âge. Partant du constat que ces technologies ont un petit côté “Big Brother“, ils espéraient ainsi gagner les coeurs, et vaincre les peurs, des citoyens, et donc doper leur chiffre d’affaires.
De fait, en 2011, pas moins de 544 établissements scolaires français utilisent des dispositifs de reconnaissance biométrique pour contrôler l’accès de leurs élèves à la cantine. Le Gixel plaide depuis des années pour le déploiement de cette carte d’identité électronique, mais a d’autres pistes de développements industriels en perspective :
- contrôle d’accès en mouvement, coopératif ou non, avec reconnaissance faciale ou de l’iris ;
- reconnaissance à la volée, faciale ou de l’iris, avec capacité à identifier et localiser ;
et, en terme d’amélioration de l’efficacité de la vidéo-protection :
- la caractérisation sémantique d’individus pour la recherche sur signalement ;
- la détection d’événements anormaux ;
- le développement de l’exploitation de caméras mobiles, embarquées ;
- la vision nocturne, la prise en compte des conditions environnementales difficiles.
La reconnaissance biométrique est-elle fiable ?
En avril 2011, le ministre de l’Intérieur des Pays-Bas décidait d’effacer les empreintes digitales stockées de ses ressortissants après qu’une étude ait révélé des taux d’erreurs de 20 à 25% :
Il est devenu clair que l’inclusion des empreintes digitales dans les documents de voyage est qualitativement inadéquat.
A contrario, les autorités indiennes, qui ont notamment confié à la société française Morpho, n°1 mondial des empreintes digitales, le soin de délivrer des papiers d’identité biométriques à plus de 1,2 milliards de citoyens, viennent fièrement d’annoncer qu’elles sont en mesure d’identifier, de façon unique, 99,86% de leurs concitoyens (voir notre enquête : Vérités à biométrie variable).
Pour parvenir à un taux d’erreur acceptable, limiter le nombre de “faux positifs” (personnes identifiées, à tort) et de “faux négatifs” (personnes non identifiées à tort), et attribuer un identifiant unique à ces 1,2 milliards d’Indiens, elles n’ont eu d’autre choix que de recueillir les empreintes digitales des 10 doigts de leur main, mais également photographier leurs deux iris. Aucun parlementaire n’a posé la question de savoir comment, avec deux empreintes digitales seulement, il sera possible de parvenir à un taux d’erreurs acceptable et donc d’identifier, de manière unique, 45 à 60 millions de Français.
La question est d’autant plus brûlante qu’on a d’ores et déjà répertorié plusieurs innocents accusés, à tort, par des “experts” de la police scientifique et technique, d’avoir laissé leurs empreintes digitales sur des scène de crime où ils n’avaient jamais mis les pieds ni, a fortiori, les doigts. La reconnaissance biométrique n’est pas quelque chose de “scientifique“, mais de “statistique“, et ça change tout. Non seulement parce qu’elle ne permet pas de “prouver“, mais seulement de “présumer“, mais également parce que les erreurs (humaines, de calcul, de prélèvement ou de comparaison) et biais (méthodologiques ou statistiques) sont d’autant plus difficiles à déceler et combattre que, pour la majeure partie des gens, les “experts” ont forcément raison, puisque leurs preuves sont “scientifiques“…
On tourne donc en rond. Rajoutez-y le fait qu’il est également possible de falsifier des analyses, de fabriquer des “preuves” ou encore de se doter de “vraies-fausses” empreintes digitales à partir de pâte à modeler, de gélatine, de silicone, de latex ou encore de colle à bois, et la boucle est bouclée. En clair : un quidam mal intentionné pourra ainsi venir s’enregistrer dans le fichier des “gens honnêtes” sous le nom de Nicolas Sarkozy, mais avec les empreintes digitales d’Angela Merkel, François Hollande ou toute autre personne dont il aurait prélevé les empreintes digitales, afin de pouvoir les usurper.
Combien ça va nous coûter ?
Aussi étonnant que cela puisse paraître, en temps de crise et de réduction des dépenses et des déficits publics, et alors que cette proposition de loi a fait l’objet de pas moins de 8 rapports parlementaires, et qu’elle a déjà été débattue 5 fois à l’Assemblée, et 6 fois au Sénat, aucune estimation budgétaire n’a jamais été avancée. Aucun parlementaire n’a jamais posé la question de savoir combien cela va coûter à la collectivité, ni combien cela reviendra aux citoyens qui voudront se doter de cette nouvelle carte d’identité. Étonnant, non ?
Aurait-on pu faire autrement ?
Les Etats-Unis n’ont pas de carte d’identité, et y sont fermement opposés. Au Royaume-Uni, le ministre de l’immigration a détruit, en 2010, les disques durs contenant les empreintes digitales de ceux qui avaient accepté de servir de cobaye au projet, désormais avorté, de carte d’identité. Dans ces deux pays, ce sont les partis politiques de droite qui sont le plus farouchement opposés à l’idée même de carte d’identité, perçue comme une main-mise étatique, et donc une atteinte aux libertés des citoyens.
Les règlements européens obligent certes les pays signataires des accords de Schengen à inscrire les empreintes digitales de leurs concitoyens dans leurs passeports… sauf les Britanniques, les Danois et les Irlandais, qui ont réussi à obtenir des dérogations.
En tout état de cause, aucun règlement n’oblige les Etats membres à créer une base de données centralisée des empreintes digitales et photographies numérisées de leurs concitoyens, cette possibilité ayant été laissée à la libre interprétation des pays signataires. De fait, plusieurs pays ont ainsi préféré opter pour des bases de données décentralisées, ou se sont contenté de stocker les empreintes dans la puce contenue sur les papiers d’identité : sur les 13 pays européens ayant décidé de doter leurs concitoyens de cartes d’identité, seuls 3 (Espagne, Lithuanie et Portugal) auraient opté pour une base de données centralisée.
Est-il possible de bloquer la mise en application de ce fichier des “gens honnêtes” ?
La loi informatique et libertés est claire : un fichier ne peut être détourné de sa finalité première, et il est donc fort possible que la loi soit, à terme, retoquée par le Conseil constitutionnel (si tant est qu’un nombre suffisant de sénateurs et/ou députés intentent un recours au Conseil constitutionnel), le Conseil d’Etat, ou encore par la Cour européenne des droits de l’homme, afin d’interdire l’exploitation policière de ce fichier administratif. Les partisans de cette loi répètent à l’envi qu’il s’agit en effet d’un fichier “administratif“, mais son intitulé, sur le site de l’Assemblée, sous l’en-tête “Police et sécurité“, est pourtant on ne peut plus clair :
Last but not least, et ce n’est pas le moindre paradoxe de ce fichier des “gens honnêtes” : s’il est difficile de mener une vie sociale sans carte d’identité ni passeport, la carte d’identité (tout comme le passeport) n’est nullement obligatoire… et ceux qui en ont déjà une pourront continuer à s’en servir, “même lorsqu’elle est périmée, sous réserve dans ce cas que la photo soit ressemblante“.
En attendant, Claude Guéant n’en aura pas moins ouvert la boîte de Pandore du fichage biométrique généralisé de la population.
Lors des précédents votes, la proposition de loi avait été adoptée par moins d’une quinzaine de députés ou sénateurs. Le parti socialiste a obtenu que la proposition de loi fasse l’objet d’un “vote solennel“. Cela ne changera probablement pas grand chose, mais c’est tout un symbole : ce mardi 6 mars, c’est le dernier jour de la session parlementaire. Il était probablement urgent de voter le fichage des “honnêtes gens“.
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
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