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Message  Eugene Duhring Lun 2 Jan - 19:30

Dix thèses pour la reprise du projet anticapitaliste

- L’élaboration d’un plan de sortie de crise, à l’échelle nationale et européenne, multiforme, social et écologique. Entre la rupture écosocialiste et la situation actuelle, il y a un vaste espace (immense en réalité). C’est celui que la plupart des salarié-e-s espèrent voir remplir. Il faut une autre perspective de gouvernement, et il est relativement aisé de dire ce qu’un gouvernement simplement au service des travailleurs devrait faire. En premier lieu mettre au pas la finance, bâtir un grand secteur public, sauvegarder l’emploi, engager les principales mutations écologiques, répartir autrement les richesses. Sans rien céder au repli nationaliste, il importe de ne pas se lier les mains en soumettant toute évolution radicale possible à un changement préalable coordonné en Europe. Sans rompre de son propre chef les liens européens, un tel gouvernement engagerait de suite cette politique en rupture avec les traités, déjà à l’échelle du pays, et en comptant sur la force d’entraînement. Rien de plus simple à écrire, mais évidemment, rien de plus difficile à obtenir. Seule l’irruption des masses sur ce terrain où se joue leur avenir pourra changer les choses.

Tiens, tiens, la rupture avec les institutions capitalistes européennes n'est plus un tabou mais celle-ci représente encore un frein chez Joshua tel qu'il louvoie puisqu'il emet l'idée d'une rupture à engager mais sans qu'elle ne soit à l'initiative d'un gouvernement des travailleurs. Mais je retiens cette avancée ...

Dix thèses pour la reprise du projet anticapitaliste
- La question démocratique doit être mise en avant, elle qui constitue un des ciments majeurs des soulèvements citoyens du type « Indignés ». Qui décide, des 1% ou des 99% ? Si on ne veut pas en rester au simple constat de l’évolution antidémocratique renforcée en Europe, il faut populariser la nécessité d’assemblées constituantes que ce soit à l’échelle de l’UE ou plus immédiatement de chaque pays. Et, parallèlement, défendre nos propres axes concernant le contenu et la forme à défendre dans ces processus s’ils voient le jour. Soit, sur le plan européen, la nécessité d’une « Europe sociale », et sur la forme, au niveau local ou continental, des assemblées avec droit de révocation référendaire, sans professionnalisation, avec des niveaux de revenus des élus ramenés au niveau des salaires moyens, etc…

Tiens, tiens, encore une nouveauté : les assemblées constituantes. Joshua se POIserait-il ? Et dans quelle mesure ce mot d'ordre serait-il en phase avec le moment historique ? Tant que la classe ouvrière ne dispose pas de ses propres outils de classe politique, ce mot d'ordre est foncièrement réactionnaire. D'ailleurs, on en voit la limite dans les révolutions arabes où seules les groupes politiques constitués longtemps auparavant peuvent réellement peser sur le processus constituant ! Un mot d'ordre de ce type sans outil de classe revient à désarmer la classe !


Eugene Duhring

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Message  Copas Lun 2 Jan - 23:03

Eugene Duhring a écrit:


Dix thèses pour la reprise du projet anticapitaliste
- La question démocratique doit être mise en avant, elle qui constitue un des ciments majeurs des soulèvements citoyens du type « Indignés ». Qui décide, des 1% ou des 99% ? Si on ne veut pas en rester au simple constat de l’évolution antidémocratique renforcée en Europe, il faut populariser la nécessité d’assemblées constituantes que ce soit à l’échelle de l’UE ou plus immédiatement de chaque pays. Et, parallèlement, défendre nos propres axes concernant le contenu et la forme à défendre dans ces processus s’ils voient le jour. Soit, sur le plan européen, la nécessité d’une « Europe sociale », et sur la forme, au niveau local ou continental, des assemblées avec droit de révocation référendaire, sans professionnalisation, avec des niveaux de revenus des élus ramenés au niveau des salaires moyens, etc…

Tiens, tiens, encore une nouveauté : les assemblées constituantes. Joshua se POIserait-il ? Et dans quelle mesure ce mot d'ordre serait-il en phase avec le moment historique ? Tant que la classe ouvrière ne dispose pas de ses propres outils de classe politique, ce mot d'ordre est foncièrement réactionnaire. D'ailleurs, on en voit la limite dans les révolutions arabes où seules les groupes politiques constitués longtemps auparavant peuvent réellement peser sur le processus constituant ! Un mot d'ordre de ce type sans outil de classe revient à désarmer la classe !

Non, il devient PG compatible, c'est pas exactement pareil.
Et effectivement tu as raison de remettre à leur place les appels à constituante qui ne s'entendent qu'en fonction des rapports de forces et qui dirige la baraque.

Mais tout ça ce sont des questions de surface par rapport à l'évolution de ce camarade.
Les évolutions sont à suivre de près sur l'appareil d'état, les institutions de l'appareil d'état (et non la relation au PS qui est un aspect symbolique mais pas de fond, le Fdg par exemple est du côté de l'ordre bourgeois, du républicanisme par en haut, du côté de l'appareil d'état bourgeois, même si il refuse une alliance avec le PS), la question des organes unitaires et démocratiques des travailleurs (conseils, soviets, auto-organisation, coordinations, etc) faits pour disputer la légitimité politique aux institutions de l'appareil d'état, bref, ce qui manque par exemple en Grèce. Et la compréhension de l'utilité d'un parti...

Mais pis que cela, car j'ai vécu cela ailleurs, c'est plus une orientation déterminée qui fait rechercher des fondements idéologiques justifiants.
Ou, autrement dit, il faut plus regarder les motifs que le raisonnement dans cette affaire. L'appel aux mânes de Gramsci procède plus à la recherche de comment faire avaler des couleuvres aux camarades que d'un raisonnement rationnel.

C'est du contorsionnisme comme dirait Roseau.
Le trotskysme ne protège pas de cela.
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Message  Duzgun Mar 3 Jan - 13:10

Eugene Duhring a écrit:
Dix thèses pour la reprise du projet anticapitaliste

- L’élaboration d’un plan de sortie de crise, à l’échelle nationale et européenne, multiforme, social et écologique. Entre la rupture écosocialiste et la situation actuelle, il y a un vaste espace (immense en réalité). C’est celui que la plupart des salarié-e-s espèrent voir remplir. Il faut une autre perspective de gouvernement, et il est relativement aisé de dire ce qu’un gouvernement simplement au service des travailleurs devrait faire. En premier lieu mettre au pas la finance, bâtir un grand secteur public, sauvegarder l’emploi, engager les principales mutations écologiques, répartir autrement les richesses. Sans rien céder au repli nationaliste, il importe de ne pas se lier les mains en soumettant toute évolution radicale possible à un changement préalable coordonné en Europe. Sans rompre de son propre chef les liens européens, un tel gouvernement engagerait de suite cette politique en rupture avec les traités, déjà à l’échelle du pays, et en comptant sur la force d’entraînement. Rien de plus simple à écrire, mais évidemment, rien de plus difficile à obtenir. Seule l’irruption des masses sur ce terrain où se joue leur avenir pourra changer les choses.

Tiens, tiens, la rupture avec les institutions capitalistes européennes n'est plus un tabou mais celle-ci représente encore un frein chez Joshua tel qu'il louvoie puisqu'il emet l'idée d'une rupture à engager mais sans qu'elle ne soit à l'initiative d'un gouvernement des travailleurs. Mais je retiens cette avancée ...
Non, ta remarque est au mieux une blague. Nous avons toujours porté la rupture avec les traités européens existants.
Autre chose est de revendiquer "la sortie de l'UE", comme si le cadre de l’État bourgeois français isolé était meilleur, et ça bien heureusement il ne le fait pas. Bien au contraire, il compte sur l'effet d'entraînement international de telles mesures.
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Message  gérard menvussa Mar 3 Jan - 17:34

Quelques questions @ cop@s

Non, il devient PG compatible, c'est pas exactement pareil.
J'aimerais bien savoir ce qui te fait dire ça... A partir de quel argument dans le texte ?

la relation au PS qui est un aspect symbolique mais pas de fond,[b]
Je ne sais pas si la question de "la relation au ps" n'est pas une question "de fond". En tout cas, il ne s'agit pas d'un aspect "symbolique", disons plutot que c'est le "shintome idéologique" du front de gauche, cette question....

L'appel aux mânes de Gramsci procède plus à la recherche de comment faire avaler des couleuvres aux camarades que d'un raisonnement rationnel.
J'aimerais bien qu'on m'explique "en pratique" comment on peut faire avaler des couleuvres aux camarades en recourant aux "manes de Gramsci". En général on se sert plutot d'une vision désincarnée de Trotsky.... Mais plus sérieusement, Gramsci sert plutot de Jocker a une stratégie qui n'a montré depuis 50 ans que son incapacité a construire le véritable parti révolutionnaire dont nous avons besoin !
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Message  Roseau Mar 3 Jan - 19:32

C'est du contorsionnisme comme dirait Roseau
Je dirais même plus contorsionnisme invertébré...
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Message  stef Mar 3 Jan - 22:04

Duzgun a écrit:
Non, ta remarque est au mieux une blague. Nous avons toujours porté la rupture avec les traités européens existants.
Autre chose est de revendiquer "la sortie de l'UE", comme si le cadre de l’État bourgeois français isolé était meilleur, et ça bien heureusement il ne le fait pas. Bien au contraire, il compte sur l'effet d'entraînement international de telles mesures.

J'ai peur que ce soit ta remarque qui soit de l'ordre de la blague - au même titre que les constructions de Joshua.

1/ D'abord j'aimerais bien savoir la différence entre "sortie de l'UE" et "rupture avec les traités européens existants". J'ai peur qu'elle ne soit très, très mince...
2/ Ensuite j'aimerais bien savoir comment on peut imaginer un gouvernement des travailleurs menant sa politique dans le cadre des traités de Maastricht ou dont le ministre des finances s'assoirait à la table de Barroso & co.
3/ Enfin il me semble évident que le combat pour les Etats Unis Socialistes d'Europe est incompatible avec le maintien de l'UE.

La seule chose qui me semble juste dans ce raisonnement est que la plus grande attention doit être portée à ne pas s'aligner sur les chauvins, staliniens ou souverainistes. D'où la nécessité de complèter le mot d'ordre (traditionnel pour la IV° Internationale) de "rupture (=sortie) de l'UE" avec l'objectif : les Etats Unis Socialistes d'Europe. D'où aussi la nécessité de refuser le mot d'ordre de "sortie de l'Euro" qui tend à poser le problème sur le terrain d'une "bonne politique financière" (parce que française).

Mais encore une fois : la rupture avec l'UE, la marche aux EUSE, c'est nécessairement la sortie de l'UE et j'imagine mal un gouvernement des travailleurs laisser ses finances aux mains de la BCE...

J'ajoute que Joshua, qui sait très bien tout ceci, cherche une fois de plus à trouver une voie de conciliation avec la gauche officielle. Et que ça aboutit effectivement à des contorsions assez comiques.


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Message  Eugene Duhring Mar 3 Jan - 22:10

stef a écrit:
Duzgun a écrit:
Non, ta remarque est au mieux une blague. Nous avons toujours porté la rupture avec les traités européens existants.
Autre chose est de revendiquer "la sortie de l'UE", comme si le cadre de l’État bourgeois français isolé était meilleur, et ça bien heureusement il ne le fait pas. Bien au contraire, il compte sur l'effet d'entraînement international de telles mesures.

J'ai peur que ce soit ta remarque qui soit de l'ordre de la blague - au même titre que les constructions de Joshua.

1/ D'abord j'aimerais bien savoir la différence entre "sortie de l'UE" et "rupture avec les traités européens existants". J'ai peur qu'elle ne soit très, très mince...
2/ Ensuite j'aimerais bien savoir comment on peut imaginer un gouvernement des travailleurs menant sa politique dans le cadre des traités de Maastricht ou dont le ministre des finances s'assoirait à la table de Barroso & co.
3/ Enfin il me semble évident que le combat pour les Etats Unis Socialistes d'Europe est incompatible avec le maintien de l'UE.

La seule chose qui me semble juste dans ce raisonnement est que la plus grande attention doit être portée à ne pas s'aligner sur les chauvins, staliniens ou souverainistes. D'où la nécessité de complèter le mot d'ordre (traditionnel pour la IV° Internationale) de "rupture (=sortie) de l'UE" avec l'objectif : les Etats Unis Socialistes d'Europe. D'où aussi la nécessité de refuser le mot d'ordre de "sortie de l'Euro" qui tend à poser le problème sur le terrain d'une "bonne politique financière" (parce que française).

Mais encore une fois : la rupture avec l'UE, la marche aux EUSE, c'est nécessairement la sortie de l'UE et j'imagine mal un gouvernement des travailleurs laisser ses finances aux mains de la BCE...

J'ajoute que Joshua, qui sait très bien tout ceci, cherche une fois de plus à trouver une voie de conciliation avec la gauche officielle. Et que ça aboutit effectivement à des contorsions assez comiques.

Tout à fait, des contorsions sémantiques qu'un Marchais n'aurait pas renié. Mais Duzgun doit être du même bois que Joshua, un bois suffisamment flexible pour se permettre ces contorsions. D'ailleurs, la LCR hier et le NPA aujourd'hui ont toujours eu du mal à évoquer une sortie des instances capitalistes européennes, ce qui a toujours donné un discours à double face du genre que nous sert Duzgun.
Et sinon que penses-tu de ses propos sur les assemblées constituantes ?

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Message  gérard menvussa Mar 3 Jan - 23:46

stef a écrit:
Duzgun a écrit:
Non, ta remarque est au mieux une blague. Nous avons toujours porté la rupture avec les traités européens existants.
Autre chose est de revendiquer "la sortie de l'UE", comme si le cadre de l’État bourgeois français isolé était meilleur, et ça bien heureusement il ne le fait pas. Bien au contraire, il compte sur l'effet d'entraînement international de telles mesures.

J'ai peur que ce soit ta remarque qui soit de l'ordre de la blague - au même titre que les constructions de Joshua.

1/ D'abord j'aimerais bien savoir la différence entre "sortie de l'UE" et "rupture avec les traités européens existants". J'ai peur qu'elle ne soit très, très mince...
2/ Ensuite j'aimerais bien savoir comment on peut imaginer un gouvernement des travailleurs menant sa politique dans le cadre des traités de Maastricht ou dont le ministre des finances s'assoirait à la table de Barroso & co.
3/ Enfin il me semble évident que le combat pour les Etats Unis Socialistes d'Europe est incompatible avec le maintien de l'UE.

La seule chose qui me semble juste dans ce raisonnement est que la plus grande attention doit être portée à ne pas s'aligner sur les chauvins, staliniens ou souverainistes. D'où la nécessité de complèter le mot d'ordre (traditionnel pour la IV° Internationale) de "rupture (=sortie) de l'UE" avec l'objectif : les Etats Unis Socialistes d'Europe. D'où aussi la nécessité de refuser le mot d'ordre de "sortie de l'Euro" qui tend à poser le problème sur le terrain d'une "bonne politique financière" (parce que française).

Mais encore une fois : la rupture avec l'UE, la marche aux EUSE, c'est nécessairement la sortie de l'UE et j'imagine mal un gouvernement des travailleurs laisser ses finances aux mains de la BCE...

J'ajoute que Joshua, qui sait très bien tout ceci, cherche une fois de plus à trouver une voie de conciliation avec la gauche officielle. Et que ça aboutit effectivement à des contorsions assez comiques.


"sortie de l'UE" et "rupture avec les traités européens existants". J'ai peur qu'elle ne soit très, très mince...

Stef, tu m'as l'air très très fatigué ! Pourtant la différence est facilement compréhensible, même un gamin de 5 ans la comprendrait : nous voulons sortir du "carcan capitaliste de l'union" sans sortir de l'europe, c'est a dire que nous pensons qu'une "france capitaliste" n'est en rien progressiste par rapport a une europe capitaliste. C'est pourtant facile

on peut imaginer un gouvernement des travailleurs menant sa politique dans le cadre des traités de Maastricht ou dont le ministre des finances s'assoirait à la table de Barroso & co.

Ca doit être pour ça que le camarade avance l'idée d'une "constituante européenne"
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Message  Eugene Duhring Mar 3 Jan - 23:54

gérard menvussa a écrit:
stef a écrit:
Duzgun a écrit:
Non, ta remarque est au mieux une blague. Nous avons toujours porté la rupture avec les traités européens existants.
Autre chose est de revendiquer "la sortie de l'UE", comme si le cadre de l’État bourgeois français isolé était meilleur, et ça bien heureusement il ne le fait pas. Bien au contraire, il compte sur l'effet d'entraînement international de telles mesures.

J'ai peur que ce soit ta remarque qui soit de l'ordre de la blague - au même titre que les constructions de Joshua.

1/ D'abord j'aimerais bien savoir la différence entre "sortie de l'UE" et "rupture avec les traités européens existants". J'ai peur qu'elle ne soit très, très mince...
2/ Ensuite j'aimerais bien savoir comment on peut imaginer un gouvernement des travailleurs menant sa politique dans le cadre des traités de Maastricht ou dont le ministre des finances s'assoirait à la table de Barroso & co.
3/ Enfin il me semble évident que le combat pour les Etats Unis Socialistes d'Europe est incompatible avec le maintien de l'UE.

La seule chose qui me semble juste dans ce raisonnement est que la plus grande attention doit être portée à ne pas s'aligner sur les chauvins, staliniens ou souverainistes. D'où la nécessité de complèter le mot d'ordre (traditionnel pour la IV° Internationale) de "rupture (=sortie) de l'UE" avec l'objectif : les Etats Unis Socialistes d'Europe. D'où aussi la nécessité de refuser le mot d'ordre de "sortie de l'Euro" qui tend à poser le problème sur le terrain d'une "bonne politique financière" (parce que française).

Mais encore une fois : la rupture avec l'UE, la marche aux EUSE, c'est nécessairement la sortie de l'UE et j'imagine mal un gouvernement des travailleurs laisser ses finances aux mains de la BCE...

J'ajoute que Joshua, qui sait très bien tout ceci, cherche une fois de plus à trouver une voie de conciliation avec la gauche officielle. Et que ça aboutit effectivement à des contorsions assez comiques.


"sortie de l'UE" et "rupture avec les traités européens existants". J'ai peur qu'elle ne soit très, très mince...

Stef, tu m'as l'air très très fatigué ! Pourtant la différence est facilement compréhensible, même un gamin de 5 ans la comprendrait : nous voulons sortir du "carcan capitaliste de l'union" sans sortir de l'europe, c'est a dire que nous pensons qu'une "france capitaliste" n'est en rien progressiste par rapport a une europe capitaliste. C'est pourtant facile

on peut imaginer un gouvernement des travailleurs menant sa politique dans le cadre des traités de Maastricht ou dont le ministre des finances s'assoirait à la table de Barroso & co.

Ca doit être pour ça que le camarade avance l'idée d'une "constituante européenne"
C'est particulièrement navrant comme réponse : on ne sort pas d'un continent, l'Europe est géographiquement un continent. Tu nous sors la même salade que les socialos en amalgamant l'Europe en tant que continent et l'Union Européenne en tant qu'instance capitaliste européenne.
A ce compte, on doit tout autant rester fixer à la caverne de brigand - l'ONU et ses appendices OMC, FMI, etc. - puisqu'on n'échappe pas au monde en tant qu'entité géographique d'un côté et en tant qu'instance capitaliste mondiale pas-pire-que-la-bourgeoisie-nationale-et-plus-progressiste d'un autre côté. Du grand n'importe quoi !
Ce qu'un gamin de 5 ans comprendrait de tes propos, est que tu es particulièrement confus et contradictoire. S'affranchir du joug capitaliste en restant accroché comme un nez sur une figure aux institutions capitalistes.

Eugene Duhring

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Message  stef Mer 4 Jan - 0:12

gérard menvussa a écrit:
stef a écrit:"sortie de l'UE" et "rupture avec les traités européens existants". J'ai peur qu'elle ne soit très, très mince...

Stef, tu m'as l'air très très fatigué ! Pourtant la différence est facilement compréhensible, même un gamin de 5 ans la comprendrait : nous voulons sortir du "carcan capitaliste de l'union" sans sortir de l'europe, c'est a dire que nous pensons qu'une "france capitaliste" n'est en rien progressiste par rapport a une europe capitaliste. C'est pourtant facile

stef a écrit: on peut imaginer un gouvernement des travailleurs menant sa politique dans le cadre des traités de Maastricht ou dont le ministre des finances s'assoirait à la table de Barroso & co.

Ca doit être pour ça que le camarade avance l'idée d'une "constituante européenne"

Je maintiens que "sortie de l'UE" et "rupture avec les traités européens existants" veulent dire la même chose.
L'appartenance à l'UE, c'est la reconnaissance de ses traités (Rome, Maastricht, etc...).

Concernant le mot d'ordre de type démocratique de "constituante", le meiux est déjà de citer Tky :
Il est impossible de rejeter purement et simplement le programme démocratique : il faut que les masses elles-mêmes dépassent ce programme dans la lutte. Le mot d'ordre de l'ASSEMBLÉE NATIONALE (ou CONSTITUANTE) conserve toute sa valeur dans des pays comme la Chine ou l'Inde. Il faut lier indissolublement ce mot d'ordre aux tâches de l'émancipation nationale et de la réforme agraire.
On voit l'enthousiasme de Tky pour ce mot d'ordre venu du Komintern...
En tout cas, c'est valable pour des pays où les tâches de libération nationale au sens large sont nécessaires (tt ceci se déduit de la théorie de la révolution permanente).

Maintenant, à ma connaissance, il n'existe aucun pays de l'UE où la question se pose en ces termes... Donc je suis contre ce mot d'ordre au niveaux des pays de l'UE.

Quant au mot d'ordre de constituante eurpéenne (le FdG utilise "Etats Généraux de la refondation européenne", mais c'est la même chose sur le fond), c'est un mot d'ordre visant à aménager l'UE. Toujours les mêmes clivages....

C'est par ailleurs une absurdité car les bourgeloisies ne peuvent pas dépasser leurs divisions et construire une Europe unie. Démonstration faite il y a près de 80 ans.

stef

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Message  Vals Mer 4 Jan - 2:02

C'est par ailleurs une absurdité car les bourgeloisies ne peuvent pas dépasser leurs divisions et construire une Europe unie. Démonstration faite il y a près de 80 ans..

Ouais, alors tire-s'en les conséquences.....
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Débat stratégique dans le NPA - Page 19 Empty Sortir de l'Euro ? Sortir du capitalisme !

Message  Roseau Mer 4 Jan - 2:35

http://www.npa2009.org/content/sortir-de-l%E2%80%99euro%E2%80%89-sortir-du-capitalisme%E2%80%89
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Message  Copas Mer 4 Jan - 8:25

Savoir si les bourgeoisies européennes n'ont pas été capables de constituer un état unique en Europe, oui on le sait.

Savoir si elles n'en sera pas capable ressort d'une autre question sur laquelle nous n'avons pas de boule de cristal. Ce que nous constatons ce sont les tentatives de construction d'un tel état par les appareils d'état nationaux , dans un double contexte hostile, la grande crise et d'autres grandes puissances, les USA et la Chine.

Les avancées dans la construction d'un tel appareil ont permis de terribles attaques contre la classe ouvrière de l'UE, et en même temps un destin plus partagé de cette classe, des contacts plus aisés, etc.

Sur la question de l'UE je serai un peu plus près de Mensu que de Stef là dessus, en relevant tout ce qu'il y a d’excessivement dangereux de faire croire qu'un territoire recoupe un ennemi .

On est contre les institutions et l'appareil d'état de l'UE, pas contre les peuples de cet espace et pas contre cet espace géographique.

Il est gratuit dans certaines régions de s'attaquer aux autres peuples en mélangeant un espace à une organisation capitaliste, mais dans les régions où il y a un énorme mixage en termes de nationalités il y a des choses qui passent très mal, et on ne saurait introduire la plus infime ambiguïté entre des peuples et classes ouvrières d'un territoire qui est pour nous une facilité de circulation et d'organisation, avec un appareil d'état, ses institutions et les forces bourgeoises à la manœuvre derrière .


Sur Gramsci, désolé que Mensu ne voit qu'au travers d'un trotskysme particulier mais ce marxiste a été historiquement utilisé ces dernières 40 années pour faire passer du côté du réformisme et l'acceptation d'alliances avec des forces bourgeoises et/ou réformistes nomenclaturistes.

Évidemment ça n'a rien à voir sur Gramsci, y compris sur les limitations compréhensibles de Gramsci, et on peut parfaitement parler de Gramsci avec grande utilité, mais je parle là de la petite musique qu'on a connu dans le PCI (en Italie), dans le PCF, etc... Quand on tresse des argumentations avec cette autre icône, on cherche des fondements à une démarche dont je répète et pense qu'elle est PG-compatible .

Cette petite musique est connue. Elle me fait sursauter à chaque fois que je l'entends et la voit tant elle est souvent marquée pour justifier un cours politique.

Et je pense qu'elle part d'une volonté pré-déterminée, pour en chercher ensuite des fondements théoriques et politiques, susceptibles de flatter le lettré trotskyste dans le sens du poil, comme l'évocation symétrique d'ailleurs des mânes de Trotsky et du front unique pour appeler à l'alliance politique avec les bureaucrates réformistes.

Ensuite ça oscille dans tous les sens, on va chercher également dans la nécessité de l'antifascisme des conceptions pour pousser aussi à l'alliance politique avec des réformistes (tout fait bois pour entretenir le feu qui dévore un projet ). Là ce n'est pas le cas pour Sammy mais c'est aussi ce genre de travers connu qui tord les nécessités de batailles unitaires (à condition que les travailleurs y soient sinon cela n'a pas grande utilité) vers des conceptions d'unité politiques au travers des institutions comme colonnes vertébrales.

Mais là j'écarte le champ d'un problème lié à une grande partie de l'ex-LCR .

C'est un sabordage sur les tâches.
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Message  stef Mer 4 Jan - 10:16

Encore une fois : qu'il faille formuler les questions en évitant toute ambiguité face au chauvinisme, c'est évident (c'est pour ça qu'il faut éviter tout mot d'ordre du type "sortie de l'Euro", pourtant peu différent sur le fond de "A bas la BCE !").

Mais refuser au nom de cela de se battre contre une structure impérialiste comme l'UE serait paradoxal (pour rester poli).
Je rappelle que toute une série d'appareils sont pro-UE en relation avec leurs liens avec la bourgeoisie. Et que s'il faut se démarquer des chauvins, ce n'est pas pour finir aux basques des bureaucrates.

Il faut d'ailleurs rappeler que l'article de Divès posté ci-dessus (dont je partage le contenu) se prononce pour
(...) il est un fait que les ravages de la « construction européenne » des capitalistes et des financiers menacent aujourd’hui jusqu’à l’idée européenne.
Seuls les anti­capitalistes peuvent proposer l’alternative d’une autre Europe, en rupture avec les traités et institutions existants

Enfin pour Copas, qui écrit :
On est contre les institutions et l'appareil d'état de l'UE, pas contre les peuples de cet espace et pas contre cet espace géographique.
Où ai-je écrit l'inverse ?


stef

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Message  Copas Mer 4 Jan - 19:57

stef a écrit:
Enfin pour Copas, qui écrit :
On est contre les institutions et l'appareil d'état de l'UE, pas contre les peuples de cet espace et pas contre cet espace géographique.
Où ai-je écrit l'inverse ?


Tu n'as pas dit le contraire mais tu sais très bien qu'il y a deux entendements à l'Union Européenne : un espace où existe des classes ouvrières ayant de mêmes intérets, un même ennemi et un appareil d'état bourgeois, ses institutions, ses règles, son marché au service de la bourgeoisie.

C'est pour cela qu'il faut faire très attention . Je comprends bien que cela aille de soi pour toi mais dans la classe ouvrière, non. Les deux entendements existent, comme avec l’appellation de "l'Europe" où de mêmes confusions existent.

Ceci étant, j'ai déjà parlé de souveraineté ouvrière contre souveraineté nationale qui est toujours la soumission de la classe ouvrière aux autres classes. Sur BC je crois.
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Message  Eugene Duhring Mer 4 Jan - 19:59

stef a écrit:
Concernant le mot d'ordre de type démocratique de "constituante", le meiux est déjà de citer Tky :
Il est impossible de rejeter purement et simplement le programme démocratique : il faut que les masses elles-mêmes dépassent ce programme dans la lutte. Le mot d'ordre de l'ASSEMBLÉE NATIONALE (ou CONSTITUANTE) conserve toute sa valeur dans des pays comme la Chine ou l'Inde. Il faut lier indissolublement ce mot d'ordre aux tâches de l'émancipation nationale et de la réforme agraire.
On voit l'enthousiasme de Tky pour ce mot d'ordre venu du Komintern...
En tout cas, c'est valable pour des pays où les tâches de libération nationale au sens large sont nécessaires (tt ceci se déduit de la théorie de la révolution permanente).

Maintenant, à ma connaissance, il n'existe aucun pays de l'UE où la question se pose en ces termes... Donc je suis contre ce mot d'ordre au niveaux des pays de l'UE.

Quant au mot d'ordre de constituante eurpéenne (le FdG utilise "Etats Généraux de la refondation européenne", mais c'est la même chose sur le fond), c'est un mot d'ordre visant à aménager l'UE. Toujours les mêmes clivages....

C'est par ailleurs une absurdité car les bourgeloisies ne peuvent pas dépasser leurs divisions et construire une Europe unie. Démonstration faite il y a près de 80 ans.
C'est pourquoi le POI s'attache à démontrer que la bourgeoisie française en particulier est sous le joug de l'impérialisme américain. Démontrer cela revient à donner à l'Etat qui la représente une nature semi-coloniale contre laquelle une lutte de libération nationale sous la forme d'une constituante prendrait tout son sens.

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Message  sylvestre Jeu 5 Jan - 13:29

Des choses intéressantes dans ce résumé, notamment par rapport à la question de la personnalisation et du recrutement, je trouve.

France: The NPA in Crisis

The second challenging effect of Besancenot’s fame was the impact it had on recruitment. Widespread media attention meant that it was increasingly common for new members to have come across the party and its politics on television or in a newspaper, rather than in interaction with activists in social movements or trade unions.

This brought many new recruits who identified with some element of the party’s message but had little or no experience with the challenging work of building movements over the long term. The churn in membership increased as more and more recruits came to the party through these channels, only to leave not long after.

Recruitment was also affected by the particular kind of revolutionary politics on display in Besancenot’s media engagements. He spoke often of protest, disobedience, the need for a general strike, and the importance of revolution — in short, his message was overwhelmingly one of insurrection, and often had a tone of impatience.

Consequently, those who came to the Party upon identifying with its public message were sometimes difficult to retain once it became clear that mass disruption was either not on the agenda or not effective in turning back the attacks, as in the mobilization against pension cuts in 2010
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Message  gérard menvussa Jeu 5 Jan - 19:07

Ah bon ? Je trouve ça parfaitement "pro Mélenchon", totalement acritique vis a vis de ce dernier, et possiblement pro réformiste. Ce qui est d'ailleurs soulevé plusieurs fois dans les commentaires, sans que la réponse soit à la hauteur. Mis à par ça, c'est bien...
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Message  sylvestre Ven 6 Jan - 11:22

gérard menvussa a écrit:Ah bon ? Je trouve ça parfaitement "pro Mélenchon", totalement acritique vis a vis de ce dernier, et possiblement pro réformiste. Ce qui est d'ailleurs soulevé plusieurs fois dans les commentaires, sans que la réponse soit à la hauteur. Mis à par ça, c'est bien...

Nous sommes d'accord : des choses intéressantes (celle que je cite, je trouve) et d'autres moins.
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Message  lieva Ven 6 Jan - 19:13

je suis pas l'intégralité des débats là mais sur la question de la bourgeoisie et d'un "état" européen, évidemment ils y arrivent pas vraiment au sens ou on entend traditionnellement état ( qui se construit dans une phase d'accumulation du capital et de domination impériale avec un compromis social et des capacités d'actions) mais il me semble que deux pas quantitatifs ont quand même été franchit. Reprenons la base de l'état :
- police : ça coopère plutôt pas mal.
- justice ; pour l'essentiel, la protection du capital vis à vis des classes laborieuse, c'est pas mal non plus.
- Armée bon là c'est pas terrible, mais faut bien voir qu'ils sont pas en situarion de force.*

Reste les à côtés : les institutions politiques. Bon bah à partir du moment ou la banque centrale nomme les chefs d'états on peut dire que ça a franchit un pas (d'autant plus quand ça se produit dans des pays qui sont pas précisément les plus éloignés du centre comme l'italie.

Je me demande si c'est pas déjà aussi efficace que le IIIeme empire par exemple... Mais dans une phase historique différente


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Message  gérard menvussa Dim 8 Jan - 19:47



A trois ans du Congrès de fondation
Confronter le projet du NPA aux leçons de la lutte de classe

Lorsque l’on se remémore l’enthousiasme suscité par la fondation du NPA en janvier 2009, et que l’on regarde la terrible crise dans laquelle il se trouve aujourd’hui, il est plus que légitime, et même vraiment indispensable, de se demander ce qui a bien pu se passer pour en arriver là. Pendant très longtemps, la question d’un bilan d’ensemble du NPA, incluant son projet d’origine, était un grand tabou au sein du parti. La remise en question des principes fondateurs pouvait même être un argument pour tenter d’exclure un courant, comme cela a été le cas lors du premier congrès, où une majorité du Conseil Politique National sortant a voté une motion visant à pousser dehors une partie voire tous les camarades qui impulsaient la plateforme 4. Ce que, heureusement, ils n’ont pas réussi à faire, grâce à l’opposition de nombreux militants dans les assemblées électives partout en France.

Aujourd’hui, il semblerait que la gravité indéniable de la crise traversée par le NPA et l’approfondissement des divergences au sein même de l’ancienne majorité (position 1), issue du bureau politique de la LCR, commence à changer la donne. A la veille de la réunion nationale qui a donné origine au courant Gauche Anticapitaliste, les membres de cette ancienne majorité qui avaient d’abord décidé de rejoindre la position B lors de la Conférence Nationale du mois de juin, et à présent ce courant public, publiaient un texte intitulé « Quelques éléments pour un bilan du NPA » [1]. Ce texte va bien au-delà de simples désaccords tactiques.

De son côté, la nouvelle majorité – formée à partir d’un accord sur des bases très minimales entre l’autre partie de la position 1 et la position 2, cette dernière ayant longtemps critiqué sur la gauche l’électoralisme exacerbé du NPA – continue à refuser de tirer son propre bilan, en partie parce que cela pourrait nuire au très fragile accord au sommet trouvé au mois de juin, et en partie parce que cela les obligerait à revoir les positions qu’ils ont défendues jusqu’à présent.

C’est dans ce contexte que nous nous proposons ici d’avancer les premiers éléments d’un bilan de ces trois années d’existence du NPA, en partant d’un certain nombre d’affirmations des camarades signataires du texte « Quelques éléments... » et en tentant d’y répondre.
Problèmes de méthode et conclusions erronées

Ces camarades partent d’une relecture du contexte dans lequel s’est lancé le projet du NPA, en affirmant que « après la défaite du PS à l’élection présidentielle de 2007, de manière assez artificielle, Olivier Besancenot et le NPA en constitution apparaissaient presque comme la seule force d’opposition ». Selon eux, cette situation extrêmement transitoire a contribué à nier les contradictions du projet fondateur et à passer « de l’enthousiasme à l’arrogance » [2].

Ce diagnostique a postériori possède, certes, une part de vérité. Le succès électoral d’Olivier Besancenot et sa popularité ont crée l’illusion que l’ancienne LCR, que les signataires du texte caractérisent comme « une petite organisation, à l’implantation précaire », pouvait d’un jour à l’autre « se dépasser » pour devenir un « parti de masse » par l’adhésion individuelle « d’anonymes » et de certaines personnalités de la gauche antilibérale.

Cependant, ce constat est mis au service d’une explication très superficielle de l’échec du NPA. Dans un premier temps, « l’arrogance » nous aurait empêché de prendre d’avantage en compte la nécessité de chercher des alliances avec une « gauche radicale que, à la fin de l’année 2008 et au début de l’année 2009, nous avions la main pour hégémoniser ». Et, dans un second temps, le NPA aurait dérivé pour devenir « une organisation isolée et propagandiste », sous l’emprise d’une nouvelle majorité que ces camarades caricaturent comme « bolchévique », une caractérisation si ridicule qu’on peine à croire qu’eux mêmes puissent vraiment le penser.

Avant d’amorcer la discussion avec ces conclusions que nous sommes évidemment loin de partager, une question de méthode nous semble primordiale. A partir de quel critère peut-on esquisser un bilan correct de ces trois ans d’existence du NPA ? Le choix des signataires du texte est de le mesurer essentiellement en fonction des mouvements dans la superstructure, c’est-à-dire la position du NPA en rapport aux autres forces de la « gauche radicale ». Malgré la critique faite au NPA sur son « incapacité à se confronter au monde tel qu’il est », apparemment dans le « monde tel qu’il est » de ces camarades les phénomènes de la lutte de classe apparaissent comme un élément secondaire, au point de ne mériter pas plus qu’une référence très brève concernant le mouvement contre la réforme des retraites.

Il nous semble, au contraire, que la bonne méthode consiste à confronter nos orientations politiques à une réalité qui ne fut pas peu riche du point de vue de la lutte de classes nationale et internationale, pour à partir de là vérifier la validité ou non de nos choix passés, et surtout pour trouver une orientation juste pour le présent et l’avenir.

Lorsque le NPA s’est créé, son projet s’appuyait sur une analyse de la période, des considérations sur la stratégie et sur le type de parti à mettre en place. Face à une crise qui remet en cause objectivement le positionnement de ce même parti, loin d’interroger tous ces fondements à partir des leçons de la lutte de classe, les signataires du texte se contentent de les réaffirmer, voire de les exacerber pour justifier leur orientation. C’est donc à partir d’une méthode radicalement opposée que nous essaierons d’apporter les éléments de notre propre bilan.
« Nouvelle période, nouveau programme, nouveau parti »

Le lancement du NPA s’appuyait d’abord et avant tout sur une certaine analyse de la période. Celle-ci consistait à dire que la chute du Mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS avaient mis fin à une période historique ouverte avec la révolution russe de 1917 pour en ouvrir une autre, nouvelle et aux traits relativement imprévisibles. Personne ne peut nier que ces événements ont une grande importance et ont considérablement changé la configuration politique mondiale, et qu’ils méritent donc d’être étudiés et expliqués par tous ceux qui entendent défendre l’idée d’une transformation sociale radicale. L’extension du mode de production capitaliste à toute une série de régions qui en avait été extraites pendant des décennies, l’offensive contre les conditions de vie et de travail des exploités à l’échelle mondiale qui s’en est suivie, le triomphalisme capitaliste qui prétendait que l’histoire était arrivée à son terme, l’effondrement du stalinisme en tant qu’appareil contre-révolutionnaire, tous ces éléments présentaient de nouveaux défis à une analyse marxiste de la période actuelle.

Il est néanmoins indispensable de préciser en quoi consistent ces transformations et quelles sont leurs implications réelles pour la stratégie révolutionnaire. D’autant plus que le moment auquel s’est fondé le NPA, et donc celui de la matérialisation de cette analyse dans une nouvelle organisation sensée correspondre à la nouvelle période, coïncide avec le début de la crise capitaliste aux proportions historiques que nous vivons. En ce sens, il nous semble que certaines affirmations apparues dans le cadre du « débat stratégique » ouvert au sein de la LCR à la veille de la création du NPA étaient erronées dans leur interprétation de ce basculement. Notamment lorsqu’elles prévoyaient une recomposition lente et évolutive du mouvement ouvrier, pendant laquelle il fallait admettre, comme le prônait alors Francis Sitel, que l’actualisation de la question de la conquête du pouvoir serait « aujourd’hui au dessous de la ligne de notre horizon politique » [3].

Car après des années d’offensive capitaliste, et un début de résistance à partir du milieu des années 1990, la « nouvelle période » au sein de laquelle le NPA aurait à se développer remettait au contraire au devant de la scène toute une série d’éléments qui semblaient avoir disparu de « l’horizon politique ». Dès 2009 – comme on s’apprête à le voir plus longuement ci-dessous –, nombre d’éléments signalaient des tendances à une plus grande polarisation, entre d’un côté la radicalisation du mouvement de masses, et de l’autre le durcissement des issues bourgeoises face à la crise, ou en d’autres mots des tendances initiales à la révolution et à la contre-révolution. A posteriori, le déclenchement de processus révolutionnaires dans le monde arabe, la situation pré-insurrectionnelle en Grèce (pour reprendre le terme utilisé par Kouvelakis [4]), le réveil de la jeunesse dans l’État espagnol, et, en face, les réponses contre-révolutionnaires de la bourgeoisie et de l’impérialisme, ainsi que les tendances à une bonapartisation des régimes en Europe et les phénomènes nationalistes et d’extrême droite de l’autre, en sont une preuve incontestable.

C’est en ce sens que, manifesté par d’importantes transformations de la situation politique, ce qui était en train de se réactualiser était précisément le caractère d’une « période » bien plus large, définie par Lénine au début du siècle comme « de crises, guerres et révolutions », à laquelle toute l’histoire du XXe siècle n’a pas pu apporter de solution, précisément à cause des défaites dont notre mouvement a été victime.

Au lieu d’effacer les clivages du passé, bannis car n’étant soi-disant plus d’actualité, il aurait donc fallu enrichir le projet fondateur du NPA des leçons stratégiques de cette histoire. Il était en effet capital de préparer le parti à intervenir dans une situation qui redevenait convulsive et au sein de laquelle, inévitablement, des problèmes déjà rencontrés par le mouvement révolutionnaire allaient se reposer quoique sous une forme nouvelle. Ceci était aussi indispensable pour réhabiliter l’idée même de la révolution, à un moment où elle se trouvait discréditée, car nous subissions encore les conséquences de l’offensive bourgeoise et des défaites passées, sans que la nouvelle situation puisse encore apporter des démonstrations claires de l’actualité de notre projet. Par ailleurs, il aurait été tout aussi fondamental de combattre les préjugés qui veulent que la bureaucratisation soit une conséquence inévitable de toute révolution, à l’exemple de l’URSS, faisant du projet révolutionnaire une perspective non seulement impossible mais de plus non souhaitable. Réhabiliter ce dernier, c’était donc revendiquer haut et fort l’héritage de ceux qui, au sein du mouvement révolutionnaire, ont toujours combattu le stalinisme et levé le drapeau d’une révolution internationale axée sur la démocratie ouvrière.

Malheureusement, c’est plutôt le contraire qui a été fait. Sous l’influence de la situation précédente, où le reflux idéologique était généralisé, nombre de camarades ont cru que pour s’élargir il fallait diluer le programme, la stratégie, les références idéologiques pour mieux s’adapter au milieu que l’on essayait de toucher. Le mot « révolution » fut donc considéré comme « trop clivant », le trotskisme une référence trop datée, le tout étant remplacé par des formules floues telles que « la transformation révolutionnaire de la société » et « le socialisme du XXIe siècle ». C’est la conséquence de ne pas avoir su maintenir une continuité révolutionnaire à contre-courant pendant cette période de reflux, d’avoir déserté nos positions idéologiques à la recherche de fausses « vérités nouvelles », que nous payons aujourd’hui. Cela est d’autant plus dramatique que cette crise et cette paralysie nous atteignent précisément au moment où la situation permettrait de faire un bond en avant.
Comment la thèse de « l’orphelinat stratégique » a désarmé le NPA

Une des thèses fondatrices du projet NPA a consisté à affirmer que les hypothèses en matière de stratégie avec lesquelles nous avions opéré jusque là n’étaient plus d’actualité après la chute du mur de Berlin ; et que, partant, nous serions devenus « orphelins d’hypothèse stratégique » [5]. Il s’agirait désormais de repenser la question stratégique en dehors du cadre de ces « hypothèses » et en tentant de rassembler les éléments du « meilleur » des différentes traditions et courants du mouvement ouvrier et révolutionnaire [6].

Ainsi, s’appuyant sur l’analyse du caractère prétendument imprévisible de la période qui s’ouvrait, est née l’idée qu’on pouvait construire un parti dépourvu de toute stratégie, et qu’en la matière les « modèles » passés n’étaient plus opératoires. Les camarades signataires du texte « Quelques éléments... » n’inventent donc pas la poudre lorsqu’ils affirment que « la nouvelle époque, dont il faut d’ailleurs constamment renouveler le travail d’analyse et de décryptage, implique une redéfinition du programme, de la stratégie et sans doute du type de parti à construire. En aucun cas, le bégaiement des modèles révolutionnaires du XIXe et du XXe siècle qui aujourd’hui ne sont plus opératoires [sic]. Un processus de transformation révolutionnaire d’une société capitaliste comme la société française ne ressemblera pas à la révolution russe mais sans doute pas non plus à un mai 68 qui irait ‘jusqu’au bout’ ».

Nous verrons par la suite à quel point cette idée trouve toutes ses limites lorsqu’on la confronte à la réalité. Mais il faut dire tout de suite que ce prétendu « vide » stratégique a empêché le NPA d’être à la hauteur des événements auxquels il a dû faire face, laissant la porte ouverte aux dérives électoralistes et réformistes, puisque, comme on dit, souvent, la politique a horreur du « vide »...

Un petit rappel : la grève générale en Guadeloupe

Comme s’il s’agissait d’un fait concerté, au moment exact où se tenait le Congrès fondateur du NPA, en janvier 2009, un message nous était envoyé sur le terrain de la lutte des classes. En plein territoire colonial français, en Guadeloupe, cette « relique du passé » qu’était devenue la grève générale pour un certain nombre de camarades, montrait qu’elle avait encore son mot à dire. Une grève générale pour de vrai, avec la quasi-totalité de l’île paralysée, au bord de la pénurie. Le patronat et le gouvernement refusaient de négocier, craignant un effet contagion, non seulement vers les autres îles (ce qui est de fait arrivé), mais aussi en métropole, où le mécontentement populaire grimpait face aux premiers effets de la crise. D’autant plus que 78% de la population en France métropolitaine soutenaient ce mouvement et que la journée d’action appelée par les confédérations syndicales fin janvier avait été un franc succès. Tout cela ne pouvait pas passer inaperçu pour les délégués réunis à Saint-Denis pour fonder un nouveau parti.

Face à l’intransigeance, le mouvement s’est radicalisé. Pour limiter les privations des masses, les grévistes décidaient au cas par cas de la production et la distribution de certains biens et services, notamment de l’essence, du gaz, de l’électricité, dans une forme embryonnaire de contrôle ouvrier. Face à la répression, des comités d’auto-défense se mettaient en place et les jeunes des quartiers populaires rejoignaient les affrontements et montaient des barricades. Bref, étaient réunis tous les ingrédients d’une grève générale qui entraîne, par sa propre dynamique, l’ensemble de la population derrière les travailleurs en lutte, devient de plus en plus politique, acquiert des traits insurrectionnels et commence à poser de fait le problème de savoir qui gouverne.

Tout cela constituait un premier symptôme, n’était qu’une entrée en matière, une anticipation de la dynamique qu’allait prendre la lutte de classe internationale face à la crise. Mais, pour ceux qui s’apprêtaient alors à fonder une organisation à partir de l’idée que la fameuse « grève générale insurrectionnelle » était devenue obsolète, cela aurait dû constituer un rappel. Car non seulement il s’agissait d’une grève générale comme en 1968, mais on y a vu se poser des problèmes politiques comparables, notamment la déviation du mouvement par le biais d’une augmentation de salaires, de même que la trahison du PCF.

Plus encore, si le NPA avait accordé l’importance nécessaire à cet évènement début 2009, ne serait-il pas arrivé mieux préparé à l’automne 2010 ? N’aurait-il pas pu tirer notamment la leçon que le manque d’organismes d’auto-organisation, combiné à une politique suiviste des directions syndicales [7] (réformistes combatives en Guadeloupe, ouvertement conciliatrices en métropole) de la part des révolutionnaires amènerait inévitablement à une défaite ?

L’opportunité ratée des grèves ouvrières de 2009-2010

Mais ce n’était pas seulement dans les DOM-TOMs que la dynamique de la lutte de classe était en train de changer. Depuis fin 2008, face aux premiers effets de la crise en France, toute une série de grèves ouvrières contre les fermetures d’entreprise et les licenciements ont eu lieu un peu partout dans le pays. Cette résurgence de conflits ouvriers très durs venait après des années de transformations réelles et profondes dans la division mondiale du travail, qui ont provoqué une réduction du nombre d’ouvriers industriels dans les pays avancés, au profit des services et des délocalisations d’usines. Elle constituait un début de rupture avec les défaites subies pendant plusieurs décennies. Enfin, elle se démarquait de phénomènes antérieures de la lutte de classes où c’étaient plutôt les paysans (mouvement zapatiste), les jeunes (mouvement altermondialiste) ou la population urbaine en général (Argentine 2001) qui avaient été sur le devant de la scène, contribuant à diffuser l’idée que la classe ouvrière n’était plus le sujet principal de la transformation sociale. Avec la vague de lutte de 2009-2010, celle-ci était définitivement de retour sur le devant de la scène politique.

Pendant plusieurs mois, des dizaines de grèves dures ont fait la une de tous les journaux. La reprise de la méthode radicale de séquestration des patrons et des cadres a fait rapidement tâche d’huile, et contrastait avec un programme de revendications se limitant à la demande d’indemnités de départ. Dans l’histoire du mouvement ouvrier français, les travailleurs n’avaient eu recours à ce type d’action de manière plus ou moins étendue que pendant les périodes les plus révolutionnaires de l’histoire du XXe siècle. Comme nous l’écrivions dans un article publié en 2010 : « l’extension de ce type d’action à différents moments de l’histoire n’est pas nouvelle. Xavier Vigna, à propos des séquestrations des années 1960 et 1970, explique que “ces formes de violence ne sont pas neuves et nous font émettre l’hypothèse d’un répertoire d’actions violentes quasi souterrain, qui chemine par-delà une pacification générale des relations sociales, et qui se manifeste par des ‘surgeons’. Ou, pour le dire autrement, l’institutionnalisation et la diffusion de la pratique gréviste n’empêchent pas que demeurent, chez les ouvriers, des pratiques conflictuelles plus vives, plus aiguës, dont l’expression est facilité par une mémoire des grandes grèves antérieures, notamment celles de 1947-1948 et qui se manifeste pendant les années 68” [8]. Serions-nous en train de vivre le même phénomène, de façon différée, comme une mémoire souterraine de la poussée des années 60 et 70 qui peut-être est en train d’annoncer une nouvelle poussée ouvrière qui aille au-delà des profondes limitations subjectives actuelles [...] ? » [9]

Il nous paraît que le mouvement historique contre la réforme des retraites et le rôle central qu’y ont joué des secteurs stratégiques de la classe ouvrière répond positivement à la question que nous nous posions à l’époque, et cela bien que la conjoncture électorale que nous traversons actuellement constitue une espèce d’interrègne plus réformiste. Cette vague de 2009-2010 avait de plus une composante anti bureaucratique très intéressante, dans la mesure où ces conflits se menaient en extériorité et parfois en opposition à la politique des confédérations. Il y a même eu des tentatives de coordination indépendante de cette avant-garde radicale, comme la rencontre de Champhol fin 2008, la manif sur Paris octobre 2009, la mise en place du Collectif contre les Patrons Voyous, la réunion à Blanquefort ou encore l’envoi de délégations ouvrières à Châtellerault pour soutenir les New Fabris en juillet 2010. Bref, le moins qu’on puisse dire est que la situation dans le mouvement ouvrier était plutôt favorable à la construction d’un parti anticapitaliste...

Cependant, le défaut initial d’implantation du NPA dans le mouvement ouvrier industriel a été profondément aggravé par l’enfermement du parti dans des discussions électorales alors même que ce processus gréviste était en plein développement. Pour illustrer à quel point le parti a été en deçà des enjeux, il suffit de citer le cas de la grève de la raffinerie de Flandres à Dunkerque, où le principal dirigeant, Philippe Wullens, avait une grande sympathie pour le discours d’Olivier Besancenot. Il l’a invité à plusieurs reprises à venir sur le site leur apporter du soutien, sans succès, alors même qu’il s’agissait du principal conflit en cours à l’échelle nationale, conflit qui avait même déclenché une grève nationale des raffineries. Deuxième exemple, la lutte de Philips à Dreux, où le secrétaire du syndicat CGT, Manu Georget, qui était à la tête du secteur combatif de la boîte et qui avait même tenté de mettre en place le contrôle ouvrier de la production sur le site, était membre du NPA et tête de liste électorale dans son département. La direction du NPA l’a laissé absolument seul alors même que le conflit avait pris une ampleur nationale, avec l’affaire du lock-out patronal et de l’intervention du Ministre de l’industrie Christian Estrosi, qui avait dû défendre explicitement les patrons de Philips en disant qu’ils n’étaient pas des patrons voyous.

Encore une fois, si le NPA s’était investi à fond sur ces grèves, considérant chacune d’elle comme une « école de guerre » (Lénine dixit), s’il avait soutenu résolument la mise en place d’une coordination de ces conflits indépendamment de la bureaucratie de Cherèque et Thibault, s’il avait tout fait pour gagner à ses rangs les meilleurs éléments de cette avant-garde, et apporter à tous ceux qui était en train de lutter un peu de confiance quant à leur capacité à gagner s’ils se battaient tous ensemble... n’aurait-il pas abordé en meilleur position l’automne 2010 ? Le « vide stratégique » de l’organisation, et ses illusions sur la possibilité d’occuper des espaces super-structurels notamment dans les élections, ne seraient-ils pas à l’origine de l’incapacité du NPA à jouer un rôle dans le cadre de cette occasion en or offerte par la lutte des classes ? En effet, lorsque l’on ne pense plus que la transformation révolutionnaire passera par une insurrection dirigée par les travailleurs et entrainant l’ensemble des couches populaires, c’est la question même du sujet de la transformation sociale, et partant des priorités de construction, qui est remise en cause.

Le mouvement de l’automne 2010 et la capacité des travailleurs à bloquer le pays
Nous arrivons enfin à la grande échéance du mouvement des retraites, significative aussi bien par le rôle joué par des secteurs stratégiques de la classe ouvrière comme ceux de l’énergie et des transports que par les rapports qui ont été établis entre l’ensemble des secteurs en lutte. Les frais de tous les manquements stratégiques du NPA se sont alors révélés explicitement.

Lorsque le mouvement a commencé, les raffineurs sortaient à peine d’une autre lutte, dont nous parlions à l’instant, contre la fermeture de la raffinerie de Flandres. Elle avait entrainé l’arrêt de toutes les raffineries de France. Très vite donc, la grève chez les raffineurs a été déclarée reconductible, et ils se sont adressés à tous ceux qui se battaient contre la réforme en disant qu’ils avait la force d’arrêter le pays et étaient déterminés à le faire. Ils demandaient à ceux qui n’avaient pas les mêmes moyens de pression qu’eux et qui n’étaient pas en grève reconductible de contribuer à une caisse de grève visant à compenser leurs pertes de salaires à la fin du mouvement.

Même si cela cachait une certaine tendance à l’autosuffisance, qui s’est heurtée à ses limites lorsque les directions syndicales ont joué la carte de l’isolement des raffineurs, la subjectivité de ces travailleurs, qui se proposaient d’utiliser leur place centrale dans la production pour faire entendre la voix de tous les exploités, était une donnée tout à fait nouvelle. D’autant plus que, du côté de la population, la réponse a été plus que favorable : les contributions à la caisse de grève ont été tellement importantes qu’elles ont largement dépassé le nécessaire pour rembourser les salaires et ont été reversées à d’autres secteurs. Lorsque, face à une pénurie imminente, l’État a décidé, avec la complicité de l’Intersyndicale, de déloger les piquets de grève et de réquisitionner des salariés, des milliers de travailleurs d’autres secteurs et de jeunes mobilisés sont venus défendre à côté des raffineurs des piquets qu’ils considéraient comme les leurs.

Plus globalement, le mouvement de l’automne 2010 et sa dynamique qui tendait clairement à la grève générale ont attiré la sympathie et la mobilisation des secteurs les plus divers de la société, avec notamment l’entrée des lycéens et des jeunes de banlieue. Cela témoignait sans aucun doute de la grande capacité de la classe ouvrière, lorsqu’elle se met au service des intérêts de tous les exploités, à devenir hégémonique. Sans les services rendus à la bourgeoisie par les directions syndicales, le développement de ces tendances aurait pu arriver à un seuil ouvertement politique qui pose le problème du pouvoir, comme le montre le fait qu’au moment même où la menace de pénurie de carburant était concrète, les raffineurs pouvaient compter sur le soutien de 75% de la population, alors que le Président de la république avait un taux de popularité au plus bas, avec 29%.

Malheureusement, notre parti s’y est très mal préparé. Avant même la création du NPA, la LCR, qui avait fait un effort pendant les deux premières décennies de son existence pour s’implanter dans la classe ouvrière (quoique avec des résultats relatifs) s’était adaptée de façon non négligeable à ce que Daniel Bensaïd appelait « l’illusion du social », c’est à dire à l’idée d’une multitude de mouvements partiels dont la simple addition serait le moteur de la transformation sociale.

La logique des « secteurs d’intervention » a matérialisé du point de vue organisationnel cette conception. Mouvement féministe, mouvement sur les questions environnementales, mouvements des chômeurs, mouvement LGBTI, mouvement pour le logement, mouvement étudiant, lycéen, quartiers populaires, etc. A l’opposé de la démarche de LO, qui néglige de façon sectaire le combat contre les oppressions et même l’intervention dans le mouvement étudiant, la LCR puis le NPA se sont dispersées dans des fronts divers, sans aucune hiérarchie.

C’est ainsi que le NPA naissait non seulement sans délimitation stratégique, mais avec une faible délimitation de classe, et une composition sociale où les enseignants et les cadres échelon A de la fonction publique représentaient la majorité. Sa très faible implantation dans les secteurs stratégiques du prolétariat n’a en rien était comblée lors de ses premières années d’existence.

Ainsi, lorsque les camarades du courant Gauche Anticapitaliste affirment, bien qu’avec une part de vérité, que pendant le mouvement contre la réforme « la mise en avant du mot d’ordre de grève générale a aussi servi de paravent à l’absence de propositions concrètes dans le cours de la mobilisation » [10], la réponse à ce problème ne peut pas trouver de solution dans l’orientation politique qu’ils proposent. Le NPA est arrivé très mal préparé à cette grande échéance dont la dynamique poussait bel et bien vers une grève générale politique. C’est alors le manque d’accumulation préalable, et l’incapacité de ce parti à construire des fractions radicales au sein de la lutte de classe, à combattre concrètement la bureaucratie syndicale et à présenter une alternative de direction au mouvement, ancrée dans les embryons d’organismes d’auto-organisation qu’étaient les AGs interprofessionnelles, qui a condamné le NPA à une simple posture propagandiste en ce qui concerne la grève générale (d’ailleurs hésitante, et glissant parfois sur le mot d’ordre ambigu de « blocage de l’économie »). Notre organisation était incapable de peser effectivement sur le destin de la lutte, ne serait-ce qu’à partir de quelques secteurs.

Pour finir, et nonobstant les accusations de « propagandisme sectaire » portées par ces camarades à l’égard de la majorité actuelle, c’est bien la politique de construction par occupation d’espaces super-structurels et électoraux qui a mené le NPA à cette situation d’impuissance sur le terrain de la lutte de classe. Or, elle est partagée par toute l’ancienne direction, et les fondateurs de Gauche Anticapitaliste en sont les plus fidèles défenseurs,
Le printemps arabe et les « révolutions classiques »

Cependant, le plus fondamental était encore à venir. Malgré toutes les prévisions d’un certain nombre de camarades, les premières révolutions du XXIe siècle sont arrivées assez vite. Cette fois-ci, c’est dans une autre aire de l’arrière cour coloniale française, le Maghreb, que les choses ont bougé. Le mot « révolution », qu’on s’était interdit de mettre en avant lors de la fondation du NPA, était soudainement dans toutes les bouches. La chute des dictateurs en Tunisie et en Égypte – le cas libyen étant plus contradictoire à cause de l’intervention impérialiste – par l’action des masses n’était pas encore, bien entendu, l’aboutissement d’une révolution sociale victorieuse. Mais le processus est ouvert, et cela personne n’ose plus nier.

Dans ce nouveau contexte, toute une série de questions et de problèmes se sont posés de façon très concrète. Le premier a été celui de la dynamique et de l’alliance de classes qui peut porter la révolution. Comme souvent dans l’histoire, les premiers éclats sont venus des maillons faibles de la chaîne capitaliste mondiale, de pays vivant sous des régimes autocratiques et subissant les pires conséquences de la crise. En leur sein, c’est plus particulièrement la jeunesse et les secteurs populaires les plus opprimés qui se sont levés. Mais en Tunisie et surtout en Égypte, c’est la convergence entre la « place » et les entreprises (avec l’annonce d’une grève générale à la veille de la chute de Moubarak) qui a été capable de mettre à bas le dictateur et qui reste encore aujourd’hui décisive pour que la révolution puisse avancer dans ses objectifs.

Le deuxième concerne la nécessité de construire des organismes d’auto-organisation des masses [11] qui soient de véritables embryons d’un double pouvoir, sans quoi les classes dominantes trouverons toujours le moyen de reprendre la main, parfois même en détournant des aspirations légitimes comme celle de l’Assemblée Constituante en Tunisie, pour opérer un changement superficiel, sans toucher aux racines du système d’oppression et d’exploitation.

Le troisième est celui de la combinaison entre les tâches démocratiques et sociales. A ainsi été mise à l’ordre du jour la question de l’articulation entre la lutte contre des régimes autocratiques et pour résoudre des tâches démocratiques structurelles dans des pays semi-coloniaux, et la lutte contre le capitalisme en tant que système d’exploitation.

En Tunisie par exemple, le lien a souvent été fait au cours du processus révolutionnaire entre la dictature de Ben Ali et celle des « petits Ben Alis » [12], en particulier des patrons liés au régime, qui se faisaient expulser des entreprises au moment le plus explosif de la mobilisation. De même, en Égypte, une des premières mesures de la junte militaire après la chute de Moubarak a été de supprimer le droit de grève, dans une tentative d’empêcher les travailleurs qui avaient joué un rôle déterminant dans la chute du dictateur de pousser plus loin le processus. Cette mesure a été un élément accélérateur de l’expérience faite par les masses avec l’armée, comme on a vu récemment lors de la mobilisation contre la junte qui a précédé les élections parlementaires, et qui se poursuit jusqu’aujourd’hui.

Ce que démontrent ces processus aussi bien que les tentatives de déviation en cours, c’est que la satisfaction des revendications démocratiques, à commencer par la libération de l’oppression impérialiste, ne pourra être effective que si les travailleurs et les couches populaires mènent jusqu’au bout la révolution, c’est à dire s’ils s’attaquent à la propriété privée des moyens de production, et commencent à créer les bases de leur propre pouvoir. Pour cela, il leur faut développer un programme de transition qui réponde aux aspirations démocratiques et sociales de toutes les couches populaires. Car si la classe ouvrière n’est pas capable d’offrir un programme et une perspective à l’ensemble des couches populaires, une partie de ces secteurs sera fatalement attirée par les partis musulmans et leur politique d’assistanat, comme c’est déjà en partie le cas aussi bien en Égypte qu’en Tunisie.

En ce sens, il nous faut souligner à quel point le saut actuel dans l’intervention de la classe ouvrière égyptienne dans le processus est encourageant, et pourrait constituer un premier pas. L’universitaire anglaise Anne Alexander écrit à propos de la deuxième vague révolutionnaire qui se développe sous nos yeux : « Cette série complexe d’événements ne peut être comprise sans prendre en compte le profond changement dans la nature et la portée de l’action collective des travailleurs égyptiens depuis fin août 2011. Une vague de grèves et de manifestations coordonnées sur l’ensemble du territoire, telles que celles organisées par les travailleurs de la poste et les enseignants, couplées avec l’industrie et l’ensemble du secteur du sucre et des travailleurs de l’administration publique des transports au Caire, est la principale cause d’une paralysie qui a saisi le régime militaire en septembre et a donc ouvert la voie pour le soulèvement de novembre. Les luttes sociales et politiques continues, qui approfondissent toujours plus la révolution en Égypte, sont encore à un stade précoce de leur développement. Pourtant, plusieurs caractéristiques de la vague de grèves de septembre 2011 indiquent que le degré auquel le mouvement des travailleurs s’organise a réintroduit la classe ouvrière comme un facteur important dans la politique nationale, à un niveau inconnu en Égypte depuis plus de soixante ans » [13]
On conçoit alors comment la donne pourrait être radicalement changée dans ce pays. Il suffirait que ces mobilisations, d’ores et déjà de plus en plus offensives et coordonnées, mais qui se concentrent sur les conséquences des réformes libérales des dernières années, dépassent le caractère sectoriel de leurs revendications et se tournent ouvertement vers la lutte pour la chute de la dictature militaire.

Ces processus réactualisent de façon claire et vivante ce qu’expliquait la Théorie de la Révolution Permanente, systématisée par Trotsky sur la base de l’expérience des révolutions russe et chinoise. Contre toute conception voulant restreindre les révolutions arabes à une première étape purement démocratique et repousser aux calendes grecques l’expropriation des capitalistes et une véritable indépendance face au pillage impérialiste, elle a une énorme actualité pour penser et se préparer à intervenir dans les processus en cours.

On pourrait encore citer nombre de ces problèmes « classiques » ressuscités par le printemps arabe. Ainsi, par exemple, de la question de l’armement des travailleurs face à la répression sanguinaire qui se déroule sous nos yeux en Égypte. Qu’on le veuille ou non, les révolutions arabes remettent donc à l’ordre du jour toute une série de questions qui concernent la stratégie et la tactique révolutionnaires et, pour y réfléchir, les expériences tirées des révolutions passées sont d’une énorme utilité. Que peut être le sens d’un parti révolutionnaire si ce n’est de synthétiser les expériences historiques de notre mouvement, afin d’éviter à notre classe de repartir à chaque fois de zéro et de refaire les mêmes erreurs ?

Est-ce que les camarades qui ont proclamé notre absence totale de références stratégiques et la « mort du modèle de 1917 » considèrent que la nécessité d’une alliance entre les ouvriers et les classes populaires ou paysannes, d’un programme de transition capable de répondre aux aspirations et d’unifier tous ces secteurs, de l’auto-organisation comme base du nouveau pouvoir à mettre en place, est un fait totalement nouveau et imprévisible ? Que la question de la dynamique permanente de la révolution est, elle aussi, parfaitement nouvelle et imprévisible ?

Si par « modèle de 1917 » on entend schéma immuable condamné à se répéter exactement de la même façon, il s’agit bien évidemment d’une sottise. Chaque révolution a une dynamique propre et se développe selon les conditions concrètes du pays concerné, des rapports entre les classes en son sein, du moment historique auquel elle se développe, etc. Un des grands mérites des révolutionnaires russes eux-mêmes a d’ailleurs été de s’être plongés, de nombreuses années, sur la question théorique et pratique de la construction d’une stratégie de la révolution dans les conditions concrètes de la Russie du début du siècle.

Comment expliquer alors la pertinence réitérée de tous ces aspects qui, déjà posés dans ce lointain 1917, le sont encore aujourd’hui ? Nous pensons que cela est dû au fait que la révolution russe était à son époque terriblement moderne. Dans les conditions très particulières de l’existence, dans un pays arriéré du point de vue du développement capitaliste, de la classe ouvrière la plus concentrée et éduquée dans un sens révolutionnaire, elle anticipait une grande partie des problèmes des révolutions de notre époque dans un sens large, c’est à dire de la révolution socialiste.

Ceci ne veut pas dire, bien entendu que les choses en Égypte se passeront comme en Russie. La chute de Moubarak n’est pas une sorte de révolution de février. En Égypte l’armée ne s’est pas complètement divisée ente soldats solidaires de la révolution et officiers liés à l’ancien régime, la classe ouvrière n’a pas encore joué un rôle hégémonique et des organismes de double pouvoir ouvrier (les soviets) n’ont pas vu le jour. C’est en grande partie grâce à l’absence de ces éléments que les régimes ont pu rester en place en se débarrassant seulement de la personne du dictateur. On pourrait affirmer en ce sens que la politique de déviation contre-révolutionnaire, entamé en Tunisie avec l’appel à une Assemblée Constituante dans le cadre du régime, et en Égypte par la mise en place d’un gouvernement de la junte militaire, a eu pour but précisément d’éviter une dynamique de type « février 17 ».

Il est probable d’ailleurs que le développement de la révolution égyptienne soit plus lent que celui de la révolution de 1917, où la guerre et les expériences préalables du mouvement de masses – notamment 1905 – ont pu accélérer le processus. Nous sommes ainsi peut-être face à une dynamique plus proche de celle de la révolution espagnole, démarrée en 1931 avec la chute du roi Alphonse et qui ne s’est achevée qu’avec la défaite dans la guerre civile en 1939. Cette analogie sert surtout à souligner que face à une faiblesse subjective (les travailleurs et les jeunes égyptiens ont pour l’instant peu conscience des mécanismes réels de leur exploitation et de leur possibilité de s’en débarasser) et en l’absence d’un parti révolutionnaire qui puisse y pallier de manière organisée, le processus peut avoir des rythmes plus prolongés, en traversant des situations diverses (électorales, de recul, etc.) avant de pouvoir se résoudre dans le sens de la révolution ou de la contre-révolution. En même temps ce développement plus lent peut avoir l’avantage de laisser plus de temps pour la construction d’une organisation révolutionnaire.

Comment intervenir correctement dans un processus révolutionnaire ouvert sans avoir réfléchi à ces problèmes ? Le désarmement politico-stratégique du NPA l’a empêché même d’avoir une politique conséquente de solidarité à l’égard de ces révolutions et d’être conséquemment anti-impérialiste face à une intervention militaire contre-révolutionnaire dirigée par la France en Lybie [14]. Imaginons seulement un instant ce qu’aurait donné ce niveau d’impréparation s’il avait été amené à y intervenir directement...
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Message  gérard menvussa Dim 8 Jan - 19:48

Suite et fin du texte :

Révolution ou « gouvernement anticapitaliste » ?

Nous venons de le voir amplement : les éléments qui composent la situation objective depuis la fondation du NPA ne font que réactualiser la pertinence d’une stratégie révolutionnaire. Et cependant le NPA faisait route en sens inverse. Certes, il se démarquait lors de sa création des adaptations les plus ouvertes à une stratégie réformiste des courants du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale (SUQI) [15], comme la participation du courant brésilien PSOL au gouvernement Lula, où celle du courant italien à une Rifondazione Comunista engagée dans le soutien au gouvernement Prodi et à l’intervention militaire en Afghanistan. Mais l’idée, censée être fondatrice, d’une absence d’hypothèse stratégique, nous a amené à flouter la perspective et à abaisser notre niveau de compréhension des processus révolutionnaires, comme en témoigne la formule ambiguë de « transformation révolutionnaire de la société ».

Cette contradiction liée au fait que le NPA ne se prononçait pas ouvertement pour une révolution, les journalistes aussi bien que nos adversaires politiques la saisissaient bien, eux qui avaient toujours au bout des lèvres la même question : est-ce que le NPA sera prêt à gouverner, à « prendre ses responsabilités » ?. Une question qui possède un sens très précis et déterminant, celui de savoir si la transformation de la LCR en NPA implique la substitution d’une stratégie révolutionnaire par une autre qui soit « intégrable » au régime et aux institutions telles qu’elles sont. En même temps que nous affichions dans notre discours notre indépendance à l’égard de ces institutions, les principes fondateurs disaient : « C’est le rapport de forces issu de la mobilisation qui peut permettre la mise en place d’un gouvernement qui imposera des mesures radicales en rupture avec le système et engage une transformation révolutionnaire de la société ». Par quel biais ce « gouvernement » arriverait-il au pouvoir ? Quel rapport établirait-il avec les institutions du système capitaliste ? Rien de cela n’était précisé.

Dans la même veine, Alain Krivine posait la question de la façon suivante : « Aujourd’hui, les révolutionnaires sont écoutés par des millions de personnes et s’efforcent, sans du tout renier leur combat, de construire un parti populaire qui va nous astreindre à changer, en commun, notre vocabulaire, nos méthodes, notre fonctionnement. Un parti qui va aussi nous obliger à écouter et à apprendre. Un mouvement utile dans les luttes, utile pour dégager une alternative politique et pourquoi pas demain, à certaines conditions qui n’existent pas encore, utile à l’exercice du pouvoir. ».
Quelles seraient alors ces « conditions » ? Dans un chat du Monde Olivier Besancenot répondait ainsi à un internaute qui se demandait s’il pourrait « entrer dans un gouvernement de gauche, pour peser sur une hausse des salaires, des allocations sociales et des retraites » : « Dans un gouvernement anticapitaliste qui prendrait de telles mesures, plus d’autres encore, comme l’interdiction des licenciements, ou qui se battrait pour une réelle répartition égalitaire des richesses, sans problème. Évidemment même. Un tel gouvernement impliquerait de grandes mobilisations sociales pour que le pouvoir lui-même soit partagé. Un tel gouvernement, enfin, est évidemment contradictoire avec le programme du Parti Socialiste et de ceux qui proposent d’accompagner les dégâts du capitalisme. »
L’idée d’un « vrai » gouvernement de gauche, appuyé par des mobilisations, gagnait ainsi du terrain avec la condition quasi unique que ce ne soit pas avec le Parti Socialiste. Ce gouvernement n’aurait pas pour but d’exproprier l’ensemble de la classe capitaliste pour socialiser les moyens de production, mais simplement de se battre pour une « répartition égalitaire des richesses ».

Cette idée d’une combinaison entre un « gouvernement anticapitaliste » et la mobilisation de masses s’appuyait sur une réflexion théorique entamée au sein de la LCR, notamment par Antoine Artous qui disait que « au moins dans des pays comme ceux de l’Europe de l’Ouest (et aussi dans d’autres pays), on ne peut croire que ce nouveau pouvoir surgira en extériorité complète avec certaines institutions politiques en place, notamment les assemblées élues sur la base du suffrage universel. C’est pourquoi, et cela d’ores et déjà, il faut mener bataille pour leur démocratisation radicale » [16]. Ainsi, les mêmes camarades qui considéraient que les formes d’émergence du double pouvoir et ses caractéristiques sont hautement imprévisibles (l’absence d’hypothèse stratégique), semblaient avoir au moins une certitude : que les institutions du régime démocratique bourgeois sont appelées à jouer un rôle central dans l’émergence de ce double pouvoir.

Elle prenait corps d’autre part sur l’émergence d’un certain nombre de gouvernements ayant une rhétorique « révolutionnaire » en Amérique Latine, comme ceux de Chavez et de Evo Morales. La formule même de « socialisme du 21e siècle », reprise par le NPA, avait été empruntée à Chavez, pour qui il s’agissait pourtant d’un « socialisme avec des chefs d’entreprise ».

François Sabado en est même arrivé à envisager, au nom de son courant international, le SU-QI, la possibilité d’une Internationale commune avec Chavez : « Chavez situe la constitution d’une Ve Internationale dans la continuité de la IVe. Nous l’avons déjà déclaré à maintes reprises : qu’importent les étiquettes, s’il y a convergence sur le contenu. […] Il y a, en effet, une nouvelle période historique, où les clivages entre divers courants révolutionnaires peuvent être surmontés sur la base d’une « nouvelle compréhension commune des évènements et des tâches ». […] Encore une fois, cet appel crée les conditions d’une nouvelle discussion internationale, indissociable de la solidarité avec la révolution bolivarienne. C’est dans cet esprit que la IVe internationale, ses organisations et ses militants, répondront ’’présents’’ ! » [17]
Encore une fois, l’expérience concrète a démontré les limites de la « révolution bolivarienne ». Malgré le « soutien de la mobilisation de masses » contre le coup d’État en 2002, Chavez n’a pas entrepris – depuis plus de 10 ans qu’il est à la tête du gouvernement – une rupture quelconque avec le système capitaliste. Et les processus les plus avancés de la lutte de classes sont venus d’un autre côté et sous une forme bien plus « classique », avec les révolutions arabes, dont on mentionnait plus haut le peu de cas qu’en fit le NPA.

De plus, cette ambigüité sur la question du pouvoir a laissé le parti désarmé pour affronter la concurrence du Front de Gauche, qui avait l’avantage de répondre à une certaine aspiration à l’union de la gauche présente chez des travailleurs et des jeunes qui par ailleurs sympathisaient avec le NPA. Ne pouvant pas se distinguer clairement de la stratégie de « révolution par les urnes » de Mélenchon pour justifier son existence indépendante, le NPA est devenu inaudible, et est apparu comme sectaire. C’est de cette impuissance qu’a découlé le renforcement de la tendance « unitaires » au sein du parti, culminant dans de nombreux départs vers le Front de Gauche et dans la constitution du courant Gauche Anticapitaliste.

En conséquence, bien loin de la vision que les signataires du texte « Quelques éléments… » [18] développent lorsqu’ils parlent de la prétendue capacité du NPA à « hégémoniser la gauche radicale » [19], il s’est avéré que cette illusion d’influence sur les courants de la gauche antilibérale et réformiste, en absence d’une stratégie propre, s’est transformée en son contraire, c’est à dire une augmentation importante de l’influence des réformistes dans ses rangs, comme en témoignent les nombreux départs de camarades du NPA vers le Front de Gauche.
La Grèce et le rôle tragique de la « gauche de la gauche »

Première victime de la crise de la dette publique, la Grèce est devenue depuis plusieurs mois le point le plus avancé de la lutte de classe au sein du continent européen. Les luttes de résistance des travailleurs et du peuple grecs contre la politique d’austérité, imposée par la troïka avec l’accord du gouvernement du PASOK, ont fait au demeurant un saut qualitatif avec la grève générale du 19 et 20 octobre derniers. Il en est découlé une crise ouverte du gouvernement de Papandreou, jusqu’à l’impossibilité de son maintien au pouvoir. Le dernier acte de sa présidence, une proposition de référendum retirée en quelques heures devant la colère des impérialistes européens, de même que la mise en place ultérieure du « gouvernement d’union nationale » avec Papademos à sa tête, témoignent tous deux de la tenaille qui détermine aujourd’hui la politique grecque : d’un côté, la puissante mobilisation populaire, et de l’autre la pression à la semi-colonisation du pays par les principales bourgeoisies européennes.

Comme l’écrit Stathis Kouvelakis : « Comment comprendre de façon plus profonde ce bouleversement spectaculaire du paysage politique, qui a vu en une dizaine de jours l’ex-Premier ministre Papandréou annoncer un référendum, se rétracter, gagner un vote de confiance au Parlement pour finalement démissionner et laisser la place à un gouvernement d’« entente nationale » aux ordres des financiers et de l’UE ? Précisons d’entrée de jeu ceci : contrairement à une impression largement répandue dans et par les médias internationaux, ce n’est pas l’annonce d’un référendum portant sur les décisions du sommet européen du 27 octobre qui a précipité les événements, mais la situation pré-insurrectionnelle dans laquelle la Grèce a plongé depuis les journées du 19 et 20 octobre et, de façon encore plus nette, depuis les émeutes qui ont accompagné les commémorations de la fête nationale du 28 octobre. C’est du reste précisément à cette situation que venait répondre l’initiative à haut risque, et qui s’est révélée fatale pour son sort, de Papandréou » [20]

Face à une telle situation de convulsion sociale, aux souffrances inouïes auxquelles sont soumis les travailleurs et le peuple, à la bonapartisation du régime, à l’entrée de l’extrême droite dans le gouvernement, etc. la politique de la gauche grecque, qui a pourtant un poids considérable, est une véritable catastrophe. Que ce soit le Parti Communiste Grec (KKE) ou la coalition Syriza à laquelle participent des courants d’extrême gauche d’origine trotskyste et maoïste, tous manient « un discours radical, mais désincarné, en ayant avant tout l’œil sur les sondages [électoraux], qui créditent la gauche radicale de ses scores les plus élevés depuis les années 1970. Ils semblent se contenter de ce rôle de réceptacle passif de la colère populaire » [21].

Chercher à canaliser par la voie électorale la résistance à la plus grande offensive contre le peuple grec depuis la fin de la dictature des colonels en 1974, voilà la politique de la « gauche unitaire » en Grèce. Toutes proportions gardées, cela fait penser à la politique tragique mené par le Parti Communiste Allemand qui face à l’ascension de Hitler était tranquille et n’a nullement organisé la résistance « parce que le parti progressait en nombre de voix... ».

Lorsque les camarades du courant Gauche Anticapitaliste nous expliquent que, pour se préparer à des scénarios de ce type en France, il faut constituer un « bloc anti-crise » voire l’unité politique et électorale avec tous ceux qui, en parole, sont contre l’austérité, on est en droit de se demander si c’est l’exemple de cette gauche qu’ils nous proposent comme alternative. Ou peut-être celui du Bloc de Gauche au Portugal (selon eux un des seuls partis larges à ne pas être en crise aujourd’hui), qui a voté les plans d’austérité pour la Grèce ?

Parti large d’adhérents ou parti révolutionnaire pour la lutte de classe ?
L’ensemble des éléments répertoriés tout au long de cet article montrent que la logique qui a présidé à la fondation du NPA, celle d’un parti processus dont les délimitations se construiraient « en marchant » (pour reprendre l’expression du poète espagnol Antonio Machado, qui a été citée lors d’une des premières réunions du parti [22]]) s’est heurté à des limites très concrètes. Une intervention correcte dans la lutte de classes dans le contexte d’une situation politique qui bascule très rapidement et devient de plus en plus convulsive exige une préparation. Cette préparation passe par l’élaboration d’une stratégie et d’un programme qui tire les leçons des expériences présentes et passées, ainsi que par un travail d’implantation réelle chez les travailleurs et les jeunes radicalisés.

L’écho d’un porte-parole charismatique ne pouvait pas se substituer à ce travail. Et lorsque ce travail n’était pas fait, son absence à partir du printemps dernier a eu tendance à faire sauter cette contradiction. Le vieux révolutionnaire russe Léon Trotsky disait à propos de la « disproportion » entre les effectifs du Parti Communiste Français des années 1930 et son influence : « L’expérience du mouvement ouvrier atteste que la différence entre le rayon d’organisation et le rayon d’influence du parti — toutes traditions égales — est d’autant plus grande que le caractère dudit parti est moins révolutionnaire et plus « parlementaire ». L’opportunisme s’appuie beaucoup plus facilement que le marxisme sur des masses dispersées. […] L’accroissement systématique de la « disproportion », parallèlement à la décroissance du nombre des communistes organisés, ne pourrait, par conséquent, rien signifier d’autre que ceci : que le Parti communiste français, de révolutionnaire, se transforme en parti parlementaire et municipal. » [23]

Le NPA a été d’une certaine façon victime de ce même piège. La disproportion entre le poids superstructurel « artificiel » de Besancenot et la capacité militante réelle du parti a créé l’illusion que l’on pouvait se passer des débats stratégiques et de la construction de fractions militantes importantes chez les travailleurs et les étudiants au sein de la lutte de classe. Si, pendant les années 1930, alors que les organisations du mouvement ouvrier regroupaient des dizaines de milliers de militants, dont de nombreux ouvriers, la « disproportion » entre l’influence électorale d’un parti et sa réalité militante dans les luttes était déjà un danger, elle l’est a fortiori aujourd’hui, alors que le militantisme lui-même est remis en cause et la pression du régime démocratique bourgeois en décomposition sur les partis d’extrême gauche en est en effet d’autant plus forte. La réponse apportée par le courant Gauche Anticapitaliste ne fait qu’aggraver les choses. Car sans un travail militant permettant l’implantation dans les principales usines, services, hôpitaux, universités, etc., aucune lutte sérieuse ne peut être envisagée, et encore moins un gouvernement des travailleurs arrivant au pouvoir par le biais d’une révolution socialiste.

Mais alors, que répondons-nous à la question de savoir s’il fallait ou non fonder le NPA ? De notre point de vue, il était juste de la part de l’ancienne LCR de vouloir utiliser l’écho trouvé par Olivier Besancenot dans les élections présidentielles de 2007 pour s’élargir en tant qu’organisation, même si cet écho correspondait plus à un espace électoral dans une conjoncture politique précise qu’à un phénomène réel de radicalisation politique. Il aurait été conservateur de ne pas essayer de convertir cet écho en force militante, et si pour cela il fallait éviter un vocabulaire et des habitudes trop attachées à la tradition de l’extrême gauche post-soixante-huitarde, pourquoi pas ? Cependant il n’était pas nécessaire d’abandonner la stratégie et le programme révolutionnaires, l’intervention dans la lutte de classes, l’implantation dans les principaux bastions ouvriers, etc. Les milliers de travailleurs et de jeunes qui avaient voté pour Olivier et la LCR en 2007 l’avaient fait malgré une étiquette exprimant explicitement son ancrage communiste et révolutionnaire.

Si pendant les premières années d’existence du parti nous avions mené avec ces camarades les débats stratégiques cruciaux, en cherchant à convaincre et à avancer ensemble, sans peur des « clivages », si nous avions fait avec eux une expérience en commun au sein de la lutte de classe, alors il aurait sûrement été possible de garder nombre de celles et ceux qui ont été attirés par le lancement du NPA, et même d’en gagner d’autres.
Quelques propositions concrètes pour avancer

Néanmoins, et même si nous avons déjà perdu beaucoup de temps, il reste possible d’éviter que le parti ne continue à reculer jusqu’à une éventuelle explosion, dramatique en ce qu’elle mènerait à la démoralisation de nombreux militants. Pour cela, il nous faut mener enfin ces débats, et refonder le NPA sur de nouvelles bases, révolutionnaires. Ce qui implique que la majorité actuelle arrête de jouer à cache-cache et fasse un bilan sérieux et profond des trois années qui se sont écroulés.

Ce bilan stratégique devrait aller de pair avec une série de mesures immédiates pour remettre le parti à l’offensive et changer le cours actuel :

• Tout en accélérant le rythme de la recherche des parrainages administratifs, il faudrait prendre au sérieux la question de la fermeture des sites de PSA, qui constitue une attaque centrale à l’ensemble de la classe ouvrière. Si nous mobilisons la concentration de militants que nous avons en région parisienne, nous pourrons mettre en place une grande campagne de solidarité avec les ouvriers d’Aulnay. Nous pourrions aussi utiliser l’espace médiatique qui s’ouvre à Philippe Poutou au service de cette bataille de classe.

• Sur le plan de l’internationalisme, nous devrions d’ores et déjà lancer une campagne de soutien à la révolution égyptienne, qui fait en ce moment de nouveaux pas, et parallèlement subit de nouveaux coups, avec la répression féroce du gouvernement militaire. Il faudrait porter une attention particulière à la poussée ouvrière en cours et à la structuration des syndicats indépendants. Et cela sans oublier la mobilisation à Mayotte qui prend un deuxième souffle et qui passe sous silence en métropole et la solidarité avec les travailleurs et le peuple grecs.

• La jeunesse du parti et en particulier les étudiants auraient un rôle fondamental à jouer en se tournant de façon résolue vers les luttes du monde du travail pour recréer une tradition d’unité entre la jeunesse et la classe ouvrière. En même temps, face à la crise capitaliste et étant donné un certain regain des idées marxistes dans le milieu universitaire, elle devrait mener un combat idéologique frontal contre l’idéologie dominante, pour réhabiliter un marxisme vivant et pour attirer de nouveaux étudiants et intellectuels au militantisme révolutionnaire.

Avancer dans la relance d’une dynamique d’intervention en direction des principaux phénomènes de lutte ouvrière, d’internationalisme actif et de lutte idéologique offensive, voilà le pas en avant nécessaire pour corriger les erreurs passées et commencer à nous mettre à la hauteur des enjeux de la situation.

Daniela Cobet
COBET Daniela
Notes

[1] Voir sur ESSF (article 23334), BORRAS Frédéric, GROND Pierre-François, HAYES Ingrid, LECLERC Anne,LIEGARD Guillaume, MARTIN Myriam, WAWRZYNIAK Coralie. « Quelques éléments pour un bilan du NPA ».
http://www.europe-solidaire.org/spi...

[2] Idem

[3] Voir sur ESSF (article 2541), SITEL, Francis. « Stratégie révolutionnaire : résurgences et cours nouveaux... ».
http://www.europe-solidaire.org/spi...

[4] Voir note de bas de page numéro 17.

[5] Dans le cadre de ce même “débat stratégique” qui a eu lieu au sein de la LCR courant 2007 (peu avant la fondation du NPA), Daniel Bensaïd parlait d’un retour de la question politico-stratégique après des décennies où les polémiques et les discussions entre courants de l’extrême gauche autour de problèmes aussi centraux que l’auto-organisation, la participation ou non à des gouvernements de front populaire, etc. avaient disparues. Si la poussée révolutionnaire des années 60-70 avait réactualisé le débat sur les stratégies de la prise du pouvoir – avec notamment un clivage entre les partisans de la prise du pouvoir sur la base de l’auto organisation de la classe ouvrière et les partisans de la guérilla –, la défaite de ces expériences a ensuite rayé d’un trait ce débat stratégique, et cela non pas parce qu’une des deux stratégies aurait triomphé sur l’autre mais plus tragiquement dans la mesure où elles ont toutes deux été écrasées ou déviées.
A partir de ce constat, Daniel Bensaïd revient sur les débats qui avaient marqué les années 1970 où selon lui deux grandes hypothèses stratégiques se seraient affrontées. La première est celle qu’il appelle la « grève générale insurrectionnelle », en référence à la stratégie révolutionnaire élaborée sur la base du « modèle » russe de 1917, c’est-à-dire celui d’une révolution dirigée par la classe ouvrière en alliance avec les classes populaires, avec hégémonie des centres urbains sur la campagne, établissant un pouvoir des travailleurs basée sur des organes d’autodétermination et prenant le pouvoir par le biais d’une insurrection armée dirigée par un parti marxiste révolutionnaire. La deuxième hypothèse, qu’il nomme « guerre populaire prolongée », repose essentiellement sur la paysannerie en tant que classe révolutionnaire et sur des directions petites-bourgeoises, en règle générale populistes ou staliniennes, dont l’orientation politique s’articule autour de la guerre de guérilla et une stratégie de collaboration de classe avec des secteurs de la bourgeoisie nationale. (BENSAID, Daniel, « Sur le retour de la question politico-stratégique ». Disponible sur ESSF (article 3122)
http://www.europe-solidaire.org/spi...

[6] Il était dans ce sens significatif qu’en octobre 2007, à peine deux mois après l’annonce de lancement du projet du NPA, la Ligue n’ait organisé aucune activité autour des 90 ans de la Révolution Russe... mais plutôt pour les 40 ans de la mort de Che Guevara.

[7] Il est bon de rappeler que le deuxième dirigeant le plus important du LKP, Nomertin, est membre du courant Combat Ouvrier, lié à LO et que ce courant n’a nullement constitué une alternative politique au programme de Domota, restreint aux revendications de type économique et qui n’allait pas jusqu’au bout dans l’affrontement avec l’impérialisme français oppresseur et la bourgeoisie béké.

[8] VIGNA X., L’insubordination ouvrière dans les années 68 : essai d’histoire politique des usines, Presses universitaires de Rennes, 2007, 378 p.

[9] COBET, Daniela, « La classe ouvrière en France face à la crise capitaliste : bilan et perspectives de la vague de luttes de 2009-2010 et les tâches des marxistes révolutionnaires »

[10] BORRAS Frédéric, GROND Pierre-François, HAYES Ingrid, LECLERC Anne,LIEGARD Guillaume, MARTIN Myriam, WAWRZYNIAK Coralie.Op cit

[11] La création de syndicats indépendants (voir article dans le dossier Égypte de ce même numéro) témoigne des quelques premiers pas dans ce sens et de la nécessité objective de l’auto-organisation pour faire avancer la révolution. Voir le dossier sur ESSF (article 23526), Egypte : une révolution en marche – Un dossier Solidaires
http://www.europe-solidaire.org/spi....

[12] C’est aussi le cas en Egypte, où on parle beaucoup en ce moment de chasser les « petits Moubaraks »

[13] ALEXANDER, Anne. « La vague de grèves et la crise de l’Etat égyptien ». Disponible sur ESSF (article 23735)
http://www.europe-solidaire.org/spi...

[14] Au sujet de notre bilan de l’(absence de) politique du NPA par rapport à l’intervention militaire en Lybie, voir CLECH, J.P. « L’extrême gauche et la guerre en Lybie : chronique d’une démission scandaleuse ». Disponible sur http://www.ccr4.org/Chronique-d-une...

[15] Courant international dont faisait partie la LCR. Il est souvent nommé par ses militants comme « la quatre ».

[16] ARTOUS, Antoine. « Orphelins d’une stratégie révolutionnaire ? » Critique Communiste numéro 179. Disponible sur ESSF (article 2542)
http://www.europe-solidaire.org/spi...

[17] SABADO, François. « Chavez : pour une Ve Internationale ! ». Disponible sur ESSF (article 15660)
http://www.europe-solidaire.org/spi...

[18] BORRAS Frédéric, GROND Pierre-François, HAYES Ingrid, LECLERC Anne,LIEGARD Guillaume, MARTIN Myriam, WAWRZYNIAK Coralie. Op cit.

[19] Idem

[20] KOUVELAKIS, Stathis. « Grèce : coup d’Etat européen face au soulèvement populaire ». Disponible sur ESSF (article 23523) :
http://www.europe-solidaire.org/spi...

[21] Idem

[22] Il s’agit du poème « Caminante » dont les vers disent « Caminante, son tus huellas / el camino, y nada más ; / caminante, no hay camino, / se hace camino al andar ». [« Cheminant, là sont tes traces / le chemin et rien de plus ; / cheminant, il n’y a pas de chemin, / le chemin se fait en marchant », Traduction : Vincent Lefèvre

[23] TROTSKY, Léon. « La ‘troisième période’ d’erreurs de l’Internationale Communiste », 3e chapitre, disponible sur http://www.marxists.org/francais/tr...

* Daniela Cobet est membre du Comité Politique National du NPA et du Courant Communiste Révolutionnaire, Plateforme 4.
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Message  gérard menvussa Lun 9 Jan - 16:24

Débat Phénix : C’est d’un parti-stratège dont nous avons besoin !
CORMIER Sandra, GUILLOT Albert
5 janvier 2012
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En proposant le 15 janvier un débat sur Quel parti voulons nous ?, La PA1 [1] invite en même temps ses membres à débattre autour de sa nécessaire clarification stratégique. Celle-ci porte par définition sur son projet de renversement du pouvoir du Capital et de sa classe dominante sur nos vies. Cette initiative rejoint celle lancée d’un autre lieu de débat, Stratégie Phénix [2]. Il rassemble aujourd’hui des dizaines de contributions sur le sujet, qui méritent d’être lues. La crise du NPA posant la question de sa survie, nous avons donc besoin de clarifier sa stratégie. Et dans ce but, certains facteurs jouent un rôle important.

Le facteur cohésion absent.

Les textes fondateurs du NPA peuvent servir de point de départ pour cette démarche. Ils proposent aux anticapitalistes de se constituer en parti (« si nous décidons de nous constituer en parti, c’est parce que nous voulons agir de façon, utile, structurée et cohérente ») et de lui donner une boussole, celle de l’émancipation (« L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux mêmes (Karl Marx dans le Manifeste communiste) reste notre boussole. »).

Trois ans plus tard, celles ou ceux qui pensent que ce parti n’est pas encore né n’ont pas tout à fait tord. Les anticapitalistes qu’il rassemble n’agissent pas encore comme le prévoient les textes fondateurs. Ils n’ont donc pas trouvé jusqu’à présent le chemin de sa cohésion interne, ce qui est facteur de crise comme le démontre jusqu’ici sa « jambe » tactique des élections [3]. Et pour la « jambe » stratégique, celle des luttes, même son baptême du feu dans le mouvement social sur les retraites à l’automne 2010 ne le lui a guère servi. Or, un parti n’existe pas sans cohésion. Karl Schmitt écrivait que « le degré d’intensité d’une association ou d’une dissociation d’êtres humains » fait partie du politique. Pour nous aussi sans doute !

Sans stratégie, pas de cohésion, pas de parti ?

Les rapports d’exploitation, d’oppression et de domination génèrent les conflits de classe. Et « Les classes se posent réciproquement dans leur lutte » affirmait Daniel Bensaïd. La lutte des classes serait donc un concept stratégique pour les anticapitalistes. Il y a une autre leçon que nous devrons aussi retenir selon lui : elle concerne l’idée d’un parti-stratège [4], qui provient du rôle joué par Lénine avec quelques milliers de militants au début de 1917 en Russie et dans le monde (dans sa nouvelle bio sur Lénine, l’historien Jean Jacques Marie estime à 5000 membres réels fin février les effectifs du parti bolchevik).

Bien entendu, le NPA n’agit pas en ce moment dans une crise révolutionnaire (autre concept stratégique) où les consciences et les organisations peuvent progresser par bond (l’exemple de la Tunisie avec la syndicalisation massive). Mais même aujourd’hui où les rapports des forces internationaux et nationaux sont dégradées, où le mouvement ouvrier traditionnel est trop souvent frappé par l’apathie et l’impuissance, où la dernière victoire sociale significative, celle contre le CPE remonte au printemps 2006, un NPA clarifiant sa stratégie est nécessaire, ne serait-ce que pour atteindre un niveau de cohésion lui permettant d’exister politiquement.

Si nous voulons respecter les textes fondateurs (« agir de façon utile, structurée et cohérente »), nous devons trouver sa cohésion interne au parti et pour cela clarifier sa stratégie. Elle devra être discutée, comprise, approuvée et appropriée par le plus grand nombre de militantEs. Déclinée localement, elle permettrait d’agir de façon cohérente de la base au sommet et de pouvoir discuter collectivement du même bilan dans toutes instances.

La « carte d’orientation »

La stratégie, c’est comme un GPS, elle sert à nous orienter, à faire de la politique… dans le moment présent. Elle utilise aussi une « carte d’orientation » sur laquelle nous pourrions tracer une sorte de « ligne de front » entre les classes, à partir d’un état des lieux des forces en présence. Aujourd’hui, la classe possédante poursuit sur le long terme une véritable stratégie de « guerre de position » contre le mouvement ouvrier afin de démanteler progressivement ses acquis sociaux et démocratiques.

Elle sait, elle, se replier quand il le faut (dans les lycées, retrait du projet de réforme Darcos fin 2009), pour avancer plus tard (réforme Chatel en 2010). En face, lorsque ses attaques sont frontales et violentes (sur les retraites en 2003, en 2010), elles provoquent des ripostes et des résistances massives mais qui se heurtent chaque fois à une stratégie syndicale dominante tournant le dos à la construction d’un autre rapport des forces et favorisant les défaites. Cette situation rend plus que nécessaire la constitution d’un parti anticapitalistes à vocation de masse, afin de disputer aux directions bureaucratiques leur hégémonie dans les luttes. Même si leur accès reste difficile pour nous, notre rôle dans les institutions ne doit pas se réduire à une simple tribune de propagande, car elles offrent aussi d’autres possibilités qui sont rappelées dans les textes fondateurs. Des victoires électorales peuvent en retour encourager les luttes.

Pour nous, un parti-stratège se rendra utile en déployant sur le terrain de la lutte des classes une force regroupant des militants réactifs et agissants collectivement, guettant le moment propice d’une action, en développant une « avant garde » au sens où les surréalistes donnaient à ce mot (ici, la politique comme art stratégique fait appel à l’audace, à la surprise et à l’étonnement). Mais il aura besoin pour cela d’une véritable carte « d’état major » pour son niveau de précision.

Hier, nous avions quelques difficultés à choisir la bonne « carte » pour tracer une route, une orientation après le mouvement social de l’automne 2010. Certains intégraient dans leurs coordonnées qu’il était ressenti comme une défaite dans les consciences, tandis que pour d’autres il n’était pas une défaite sociale.

Toujours dans cette « carte », le parti devra clarifier nos rapports avec le front de gauche, s’il peut devenir un allié, soit tactique (conjoncturel), soit stratégique (durable), ou non dans notre projet d’un parti pour l’émancipation. Nous devons savoir si nous sommes bien confrontés à la présence d’une, deux ou trois gauches sur le terrain de la lutte des classes, y compris dans les séquences électorales où tactique et stratégie semblent encore une source de confusion chez une majorité de camarades, nous désarmant fortement par rapport au front de gauche [5].

Clarifier les existences d’une, deux ou trois gauches, c’est en effet vital pour retrouver la cohésion des anticapitalistes et une politique unitaire adéquate. Elle éviterait soit de surestimer nos différences de nature et de programme avec le front de gauche pour justifier son rejet, soit à l’opposé, de les sous estimer dans le but de rechercher des accords durables. Sinon nous risquons de restreindre notre choix entre le sectarisme ou l’opportunisme dans nos rapports avec lui.

La gauche qui revendique un anti-libéralisme (et même l’anticapitalisme) dans son programme, et qui privilégie la voie institutionnelle pour l’appliquer, occupe dorénavant une position dominante à la gauche du PS. Au point de nous laisser une seule alternative possible : soit le ralliement à sa stratégie réformiste institutionnelle, soit nous isoler politiquement. Au point aussi de fragiliser, voire d’assécher (provisoirement, espérons le) l’un de nos viviers de recrutement pour notre projet d’un parti anticapitaliste à vocation de masse. Depuis sa fondation, le NPA a attiré (sans pouvoir les retenir en majorité) dans ses rangs deux « publics » aux attentes parfois incompatibles. L’un, plutôt « neuf » et fragile politiquement, prospère à l’extérieur du « vieux » mouvement ouvrier (en résumant : les QP, précaires, jeunes, écologistes, salariés sans expériences syndicales, associatifs…). L’autre « public », plus structuré politiquement, est celui qui garde dans sa conscience un pieds dans le « vieux » mouvement ouvrier et l’autre dans un attrait grandissant pour l’anticapitalisme. Aujourd’hui, il oscille certainement entre le « vieux » (l’alliance avec le PS), quitte à faire les compromis nécessaires, et le « neuf » (l’alliance avec les anticapitalistes).

Il ne s’agit pas pour le NPA de s’adapter à ce « vivier » (ce que veut faire aujourd’hui le front de gauche en laissant le choix à ses composantes de participer ou non à une gauche plurielle ripolinée en 2012), ce qui représenterait un nouveau danger pour sa propre survie. Mais il s’agit certainement pour lui de « gérer » dans celui-ci deux attentes unitaires contradictoires.

- Refuser de s’adapter en ne cédant pas aux pressions de ceux qui nous disent de mettre un mouchoir sur notre anticapitalisme, mais au risque de s’isoler du vivier.

- Refuser de s’isoler en maintenant une démarche unitaire avec le « vieux » sur la dette, l’anti-nucléaire, les mesures d’urgence.

La boussole de l’émancipation.

Les textes fondateurs donnent au NPA cette boussole. Un texte largement approuvé au dernier congrès, Nos réponses à la crise, reprend les axes d’une démarche qui peut être nommée « transitoire » si nous voulons garder (et actualiser) ce que nous estimons le meilleurs dans nos traditions. Car elle ne se limite pas seulement à une pédagogie dans les mobilisations sociales de la prise de conscience vers l’anticapitalisme, elle cherche en même temps à servir d’outil stratégique dans les luttes afin de les conduire au seuil d’un affrontement de classe décisif, celui pouvoir.

Aujourd’hui, nous ne sommes donc pas démunis, puisque le NPA s’est donné une boussole aimantée vers l’émancipation avec Nos réponses à la crise. C’est un donc outil stratégique précieux pour le NPA, et qui fonde aussi notre regroupement. Il nous reste cependant à lui donner les moyens de naître, en ne renonçant pas à l’idée d’un NPA-stratège, comme l’avait invité Daniel Bensaïd dans son Eloge d’une politique profane.

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Message  Roseau Lun 9 Jan - 18:19


"Enfin, quelle conception aurions-nous de la « gestion d’Etat » au cas où nous obtiendrons, « seuls ou en coalition » la majorité dans une assemblée ? C’est une hypothèse que nous avons le plus grand mal à imaginer. Les effets mystificateurs de la citoyenneté formelle, le cercle vicieux du fétichisme et de la réification, l’emprise de l’idéologie dominante sont tels, qu’une prise de conscience graduelle sur le terrain électoral est exclue. Changer le monde passe par un bouleversement radical des rapports sociaux et notamment des rapports de propriété inconcevable sans une crise révolutionnaire au cours de laquelle les masses sont transfigurées et apprennent plus en quelques jours qu’en des années de routine parlementaire. Quant à la machine d’Etat, ’il s’agit toujours de la briser, et non de la gérer telle qu’elle, de désétatiser la politique, de s’engager sur la voie du dépérissement de l’Etat, et d’expérimenter les formes institutionnelles de ce dépérissement."
* Paru dans revue « La Distance politique » n°1, juillet 2005.
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Message  gérard menvussa Mar 13 Mar - 14:44

Comprendre l’échec du NPA ou plutôt pourquoi la LCR a disparu si subitement
GROND Pierre-François
12 mars 2012


La question peut paraître paradoxale. Mais le point de vue exprimé ici part de l’échec du NPA. Echec d’un parti large anticapitaliste. Echec du dépassement de la LCR. Echec de la construction d’une nouvelle représentation politique à partir de la transcroissance d’une seule organisation d’extrême gauche héritière des expériences accumulées depuis 1968. Mais est-ce le NPA qui échoue ou est-ce la LCR qui disparait faute d’un réajustement stratégique adapté à une nouvelle période ?

Etrange paradoxe cette disparition rapide tandis que survivent malgré tout, deux organisations trotskystes comme LO ou le POI, ou dans un autre registre les alternatifs qui s’inscrivent dans l’histoire du PSU. Une survie sans développement et en se bunkérisant pour les deux premières citées. Il s’agit en fait d’un phénomène européen : nulle part une organisation d’avant-garde révolutionnaire n’a réussi à percer le « plafond de verre ». Au contraire se multiplient revers, délitements, crise, pertes de fonctionnalité. Ce phénomène ne se réduit pas au trotskysme mais touche tous les courants révolutionnaires. Les « nouveaux subversifs » se construisant dans un rapport de filiation très éloigné de celle-ci (indignés). Dire ceci n’indique pas d’ailleurs, une voie lumineuse pour celles et ceux qui ont choisi des voies différentes (refondation communiste en Italie) mais le bilan n’est pas le même. Et plus exactement à chaque fois que la gauche radicale connaît des succès, est en phase avec des résistances ; la question qui lui est posée est bien son dépassement pas autoreproduction (Grèce).

La LCR s’est dissoute le 29 janvier 2009. Comme préalable à la fondation du NPA censé lui succéder et la dépasser. Un an plus tard, très symboliquement, la disparition de Daniel Bensaïd, un de ses fondateurs et son théoricien, sonne comme une deuxième disparition de celle-ci. En trois ans, la dynamique de départ du NPA a involué, marqué par un effondrement des effectifs et des départs successifs. Elle laisse le goût amer de l’échec et orphelin d’un nouveau projet politique. Ce délitement, cet éclatement, n’impliquent pas la disparition de courants militants toujours bien vivants et actifs mais dans des pratiques très éclatées. Dans des mouvements sociaux, des syndicats, des courants politiques aux trajectoires politiques très divers. L’étude des trajectoires, certes toujours singulières (mais la somme ne l’est pas), des membres du comité central de la LCR des années 90, serait édifiante tant elle montre un éclatement des choix : au PS, au FDG jusqu’à Dupont Aignan !

Cela montre une crise des perspectives stratégiques dans une organisation qui ne s’est jamais contentée de réciter un catéchisme hérité du début du XX° siècle. Contrairement aux deux autres « organisations trotskystes » la Ligue communiste puis la LCR ne s’est jamais contentée de fonder un projet révolutionnaire par un simple réajustement du modèle d’octobre. Ce qui a permis d’accueillir et de s’enrichir d’autres courants tout au long de son histoire. Dès le départ (1968 !) elle est traversée d’une tension entre inscription dans l’histoire du mouvement ouvrier et compréhension de nouvelles questions. Ne serait ce que par la place des jeunes, très spécifique à une génération, dans la contestation des années 70. Ce qu’explique bien l’historien Benjamin lorsqu’il revient sur son choix lambertiste (l’histoire du mouvement ouvrier) par rapport à la Ligue (trop guévariste et soixante huitarde) mais en insistant également sur le fait que globalement, cette génération est la dernière « génération d’octobre » c’est-à-dire façonnée intellectuellement et politiquement par la révolution russe. La LCR a constamment oscillé entre réappropriation du bolchévisme, d’un léninisme débarrassé du stalinisme, et l’intégration de nouvelles questions comme le féminisme, les oppressions de genre, d’origine, l’écologie, les nouvelles aspirations démocratiques…

Dès lors, si la LCR disparait la première c’est parce qu’elle fût la plus vivante. Ce qui implique nécessairement un rebond : comment un courant ayant exercé un tel attrait pendant plus de quarante ans pourrait disparaître sans connaître rebond, un droit de suite ? C’est une interruption de la réflexion stratégique pendant les dix dernières années qui expliquent le ressac actuel. Pourtant la Ligue avait initié très tôt après l’effondrement du mur de Berlin un travail de réactualisation à travers le manifeste à gauche du possible. Mais avec beaucoup de résistances et surtout un inachèvement coupable. Comment peut-on se lancer dans un nouveau parti sans une révolution intellectuelle, sans une réflexion approfondie ? Certains à cette lecture, comme Samy Joshua, bondiront. Car il est vrai que des camarades ont tenté de mener ce travail. Mais disons que nous avons été plus gestionnaire d’un phénomène politico-médiatique qu’attentifs à ce qui, dans la situation politique d’ensemble devait modifier notre projet de parti : « aux délimitations stratégiques inachevées », disions nous pour certains, alors que d’autres n’y voyaient qu’une pédagogie plus ou moins nécessaire pour réactualiser le clivage entre réformistes et révolutionnaires.

Les bouleversements opérés depuis vingt ans sont connus :

• Effondrement du bloc soviétique et restauration du capitalisme à l’est

• Expansion du système capitaliste à la quasi-totalité de la planète

• Effondrement du bloc soviétique et restauration du capitalisme à l’est

• Fin du cycle des révolutions dans les pays colonisés ou dépendants à dynamique socialiste (Nicaragua 1979)

• Mondialisation, globalisation, réorganisation du capital à l’échelle planétaire, émergence de nouvelles puissances capitalistes dont certaines (le Chine) sont dirigés par un parti communiste !

• Offensive dans les pays capitalistes du centre pour détruire les conquêtes du mouvement ouvrier impliquant des modifications dans le monde du travail : quel est le cœur de la classe aujourd’hui ?

• nouvelles guerres impérialistes croisés avec l’apparition de nouveaux conflits (dont un génocide au Rwanda et une guerre d’épuration ethnique en ex-Yougoslavie !)

• Révolution des techniques et de la diffusion de l’information avec ses effets sur les mouvements sociaux eux-mêmes

• Montée en puissance et en urgence de la question écologique

Sans être exhaustif de tels bouleversements impliquent une disposition intellectuelle à repenser globalement notre stratégie, notre programme mais également notre projet de parti. Il est clair que dans une telle situation le maintien de petites organisations d’avant-garde vivant dans un même schéma que dans la période précédente ne peut amener qu’à la perte progressive ou rapide d’oxygène et substance politique. De ce point de vue l’année 2011, année de crises et de basculement mondiaux, est particulièrement évocatrice du problème posé. La crise du capitalisme est globale et historique ; Fukushima met en exergue la question écologique et la crise énergétique et « le monde arabe » est partiellement secoué par des révolutions démocratiques. Un point commun à ces trois chocs : l’absence de perspective socialiste, pas seulement d’alternative de contre-modèle mais l’absence de dynamiques socialistes anticapitalistes internes à ces trois bouleversements. C’est pour moi la démonstration que nous trouvons dans une période longue de reconstruction et de refondation d’un nouveau mouvement émancipateur. Pas dans une période de montée révolutionnaire impliquant une démarcation nette avec les réformistes. Mais dans un moment, quelque part entre l’ancien et le nouveau, le mort et le vif, l’ancien mouvement ouvrier et le surgissement de nouvelles expériences. Dans cette période le brassage, le rassemblement est déterminant ; dans les rapports de force généraux comme dans la reformulation d’un projet de rupture avec le système. Le pire est de s’enfermer, de se fortifier et se protéger artificiellement des autres. Ou peut être encore pire, faire semblant de s’ouvrir pour en réalité transformer un nouveau projet de parti, en école, en sas pour de futurs révolutionnaires… Dit autrement, répéter jusqu’à satiété « nouvelle époque, nouveau programme, nouveau part » ne suffit plus à partir du moment où nous sommes confrontés à des aspirations, des problèmes politiques bien réels. Travailler dans une perspective de reconstruction et de refondation implique de travailler avec des réformistes, des radicaux, des révolutionnaires, des écologistes conséquents... En fixant une ligne de front bien réel correspondant aux enjeux de l’heure : la résistance au système contre l’adaptation à celui-ci.

Dans notre histoire récente, sont venus sont se télescoper deux problèmes. Le problème d’unité politique posé par la victoire du non en 2005 en France et la crise de notre section brésilienne intégrée au pouvoir de Lula. Le second a provoqué une réaction conservatrice au sein de notre courant qui a bien des égards est aux sources de nos problèmes actuels. Jusqu’en 2005 nous avons été confrontés à des épisodes de recomposition limitée. Le social déconnecté, du politique en particulier. Novembre et décembre 1995 a crée un cycle de mobilisations sociales et repolitisation couplée aux mobilisations altermondialistes. Mais sans produire de politique au sens frontiste ou partidaire du terme. Au contraire dans un contexte de distance revendiquée avec la politique. Dans cette situation, où de 1997 à 2002, la gauche plurielle était au gouvernement, l’extrême gauche, d’abord LO puis LO/LCR puis Olivier Besancenot pour la LCR ont cristallisé électoralement le refus d’une gauche d’adaptation mais sans réussir (ou vouloir pour LO) modifier son projet de construction. En 2005, la campagne pour le « non » réunifie partiellement la gauche sociale et politique : des comités à la base, des syndicalistes, des associatifs, des partis et des courants représentatifs de l’histoire du mouvement ouvrier. Il était clair que ce non était porteur de tout autre chose qu’une simple campagne publique de dénonciation d’un traité. La ligne de partage entre résistances et adaptation (jamais chimiquement pure) opérait pleinement. Il était donc également complètement clair que ce moment allait produire une demande d’unité politique, d’une unité durable. C’est sur cette question que la LCR est entrée en crise. Les problèmes posés dans la direction et dans l’organisation à ce moment n’en finisse pas de rebondir, démultipliés par l’urgence de la réponse à la crise depuis 2008. La politique du PCF (imposer Buffet à l’élection présidentielle de 2007) nous a donné un répit qui a permis de lancer le NPA, dont le processus était prometteur, mais qui a commencé à entrer en crise quelques mois seulement après sa fondation. Au-delà de problèmes connus, dont la candidate voilée, qui sont en fait les signes de notre impréparation à construire un parti large, la question unitaire que nous croyions dépassée en janvier 2009 a rebondi avec d’autant plus de forces qu’elle é tait désormais alimentée non seulement par le souvenir de 2005 mais aussi par la crise de 2008. Si à l’exception de quelques camarades, la faute a été collective pour les élections européennes, force est de constater qu’ensuite aucune ligne unitaire majoritaire ne s’est dégagée, et c’est au contraire une orientation d’isolement qui s’est imposée. Après les régionales, dans une contribution dite des 38, nous avions tiré à plusieurs déjà ce bilan, mais sans en tirer les conclusions concernant la préparation du congrès suivant. Dans cette situation confuse, la dépendance à la popularité d’Olivier Besancenot s’est substituée à une e orientation politique : l’espoir permanent qu’une candidature Besancenot, que « le parti d’Olivier Besancenot » serait un sésame, une porte de sortie à tous nos problèmes. En dix ans avec lui et en partie grâce à lui, nous avons installé l’anticapitalisme de manière vivante dans la société française. C’est un bilan très positif. Mais ni lui, ni la majorité actuelle du NPA, ne veulent à ce stade, comprendre le poison de l’isolement et la nécessité d’un changement de cap radical, que son propre retrait de l’élection présidentielle aurait par ailleurs pu permettre. Nous n’en sommes plus là. Mais une interrogation subsiste sur la LCR elle-même : il est notable que l’addition de petits groupes issus du trotskysme et généralement hostiles aux évolutions de la LCR post mur de Berlin ont modifié la donne, avec en particulier un propagandisme et un ouvriérisme issus de la culture LO (considérant que des désaccords au sein du parti sont nécessairement l’expression de pressions sociales extérieures). Mais l’explication est un peu courte car une grande partie de la nouvelle majorité, et de son aile la plus identitaire vient de la LCR, et de son organisation de jeunesse, les JCR, dont la direction s’est construite en opposition depuis plus de dix ans à la politique de la LCR…

Depuis plusieurs années une ligne de clivage resurgit sur la quasi-totalité des questions clés de l’heure (à l’exception du nucléaire et pour le PCF). Une gauche de « résistance » à l’adaptation de la France à la nouvelle donne capitaliste se manifeste contre l’Europe libérale, pour la défense des retraites, contre les plans de licenciements, pour défendre et étendre les services publics, contre les guerres impériales menées par les USA, dans les luttes écologistes contre les gaz de schistes…C’est beaucoup, dans un contexte de crises, voire décisif. C’est à l’intérieur de ce champ politique que nous devons formuler propositions d’action, revendications et réponses politiques. C’est le sens de la proposition d’un bloc de gauches anticrises déjà explicités dans de nombreux textes. Les coordonnées de la situation appellent à une politique unitaire qui ne se réduit pas à un appel aux luttes mais qui doit formuler une proposition d’ensemble valable dans les urnes comme dans les élections.

Il y a nécessairement dans cet espace, où se mêlent des forces militantes politiques associatives et syndicales, des histoires te des expériences différentes, un rapport aux institutions locales différent. Il ne s’agit pas de nier les problèmes mais de les hiérarchiser dans un contexte de crise. C’est l’austérité, la crise et ses effets destructeurs, un nouveau traité européen qui sont les questions clés de l’heure et sur lesquelles la campagne de Mélenchon et du FDG répond correctement ou en tout état de cause crée un cadre politique acceptable de résistance et de contre-propositions. Au lieu d’énoncer un énième pronostic, (la situation actuelle n’a pas besoin de Cassandre), nous devrions partir de cette contradiction entre socio libéraux et la gauche antilibérale pour proposer un bloc de gauche anticrises qui se doit d’être indépendant du PS au gouvernement, au parlement et dans la rue. Dans cette situation l’évolution du Front de gauche est une question clé.

Pour conclure :

• Le NPA s’est fondé comme parti large partie prenante d’un processus de reconstruction à poursuivre mais très vite est revenu au modèle classique d’organisation d’extrême gauche, désormais doté d’une surface moindre que la LCR

• On ne peut modifier un projet de construction sans une réflexion approfondie sur les questions de programme et de stratégie dont les conditions d’élaboration et de production sont nécessairement bouleversées par les transformations profondes de ces 20 dernières années (le web a l’âge de l’effondrement de l’URSS). C’est le seul aspect positif de la crise du NPA que de permettre maintenant un tel débat.

• L’échec du NPA, l’urgence de la crise, la brutalité des politiques menées, le poids du FN, l’adaptation du PS au système ; rendent impérieux un tournant unitaire radical, la formation d’un bloc, d’un front, dans lequel les anticapitalistes du NPA et d’ailleurs doivent prendre ensemble toute leur place.

Pierre-François Grond, le 12 mars 2012
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