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Je ne suis PAS Charlie

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Message  Rougevert Dim 8 Mar - 14:55

Finalement j'ai retrouvé.
C'est ici: https://forummarxiste.forum-actif.net/t3703p420-je-ne-suis-pas-charlie#101494
En page 29.
Ta mémoire déforme les propos d'autrui.
Pas étonnant, vu comme tu traites les dessins de CH.

Deux messages sont en rapport avec ce que tu dis et montrent que tu ne lis pas les messages d'autrui mais que tu y projettes tes obsessions.
Moi, je parlais de l'Histoire du colonialisme: tu as lu "colonialisme français en Algérie."
Or le colonialisme français (ou autre) ne s'est pas exercé que dans les pays où les femmes étaient et restent voilées.

L'Océanie (Polynésie Française et Kanaky), l'Amérique du Sud (Guyane),  l'Afrique Noire tu connais?
Là les femmes étaient souvent (mais pas toujours) plutôt peu habillées.
Donc, la colonisation a consisté, entre autres, à contraindre à adopter la tenue vestimentaire et les valeurs du colonisateur, à la fois puritain et violeur.

Voici maintenant les messages dont tu te "souviens":

1 er message:
Rougevert a écrit:
(....)

D'autre part, il me semble que tu fais un erreur sur l'Histoire du colonialisme.
Il me semble qu'il a IMPOSE (comme l'Islam) l'habillage des femmes "indigènes".
Sans leur éviter le viol (comme l'Islam, avec les mariages forcés).


2 ème message:
Rougevert a écrit:On verra demain.

MO2014 a écrit:

C'est toi qui fait une erreur sur le colonialisme en affirmant par ignorance le contraire de ce qu'il s'est produit. Le colonialisme a mené en Algérie des campagnes nombreuses campagne contre le voile. Frantz Fanon a abordé sous le titre de la bataille du voile, l’enjeu central constitué par le thème du dévoilement des femmes algériennes durant la domination coloniale française. Le voile des femmes était considéré comme le symbole par excellence de la nature rétrograde de la société algérienne et la colonisation présentée comme une mission de civilisation qui se donnait pour objectif premier de libérer les algériennes du patriarcat arabo-musulman dont elles étaient victimes en les dévoilant http://www.legrandsoir.info/la-bataille-du-voile.html

C'est vrai.

Mais le problème de l'émancipation des femmes (de toutes les femmes) reste entier.

Quand je parle du colonialisme, je ne le réduis pas à ce qu'il a fait au Maghreb, mais aussi en Amérique, en Afrique Noire, en Océanie.
TOUTES les sociétés colonisées ont été traitées comme tu le dis.
Il s'agissait partout, entre autres choses de "convertir" de gré ou de force, (ou d'exterminer) à à la religion chrétienne.
Donc de faire changer de costume ou d'habiller.
La colonisation a été commencée par les monarchies, puis continuée par les bourgeoisies métropolitaines et compradores.
Mais plus rien ne m'étonne quand (dans ce sujet) on traduit par "contact avec la modernité capitaliste" (mot que Lévy Strauss n'a jamais écrit dans Tristes Tropiques (sauf erreur de mémoire dema part).
Ou ailleurs quand certains MR parlent du rôle progressiste...de la Bourgeoisie.
Mais n'oublions pas que l'Islam a aussi un passé colonial et esclavagiste.
Et c'est peut être pour cela que CLS a décrit l'Islam de cette façon, parce qu'il y retrouvait l'Occident qu'il condamnait  AUSSI.
Mais là, on rentre dans un autre sujet, celui que Babel se proposait d'ouvrir.

Le voile des femmes était considéré comme le symbole par excellence de la nature rétrograde de la société algérienne et la colonisation présentée comme une mission de civilisation
Voir dans le voile le symbole de l'oppression des femmes dans l'Islam (il y en a d'autres dans les autres religions) ne signifie pas que la colonisation est une oeuvre de civilisation.

J'ai écrit en toutes lettres, à propos du voile en Algérie, "c'est vrai" et toi tu as lu/tu t'es rappelé "c'est faux".
Tu as donc un sérieux problème, mais moi je n'ai pas dit de conneries sur la Guerre d'Algérie..
Rougevert
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Message  MO2014 Dim 8 Mar - 15:19

Mensonge, la chronologie est très claire. Si j'ai posté la réponse de Fanon c'est suite à ton affirmation que le colonialisme  imposait "l'habillage des femmes indigènes". Tu as donc appris ce qui s'était passé réellement en Algérie  avec les campagnes coloniales sur le déshabillage des femmes et le texte de Fanon contre tes affirmations d'ignorant. Tu en as convenu ensuite pour lancer un nouveau débat de diversion parlant une fois de plus d'autre chose l'océanie, ...etc.
Tu es d'ailleurs cohérent car je ne me souviens pas que tu ne te sois jamais opposé à la loi de 2004 sur le foulard ni avoir demandé son retrait, normal puisque pour toi l'islamophobie n'existe pas . Tes contorsions sont vaines tout comme celle des Charlie Hebdo quand ils veulent nous faire croire à leur anti racisme tout simplement parce qu'il sont de gauche Laughing
PS : change ton pseudo Pierre Minnaert te va comme un gant. Twisted Evil

MO2014

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Message  Rougevert Dim 8 Mar - 17:04

MO2014 a écrit:Mensonge, la chronologie est très claire. Si j'ai posté la réponse de Fanon c'est suite à ton affirmation que le colonialisme  imposait "l'habillage des femmes indigènes". Tu as donc appris ce qui s'était passé réellement en Algérie  avec les campagnes coloniales sur le déshabillage des femmes et le texte de Fanon contre tes affirmations d'ignorant. Tu en as convenu ensuite pour lancer un nouveau débat de diversion parlant une fois de plus d'autre chose l'océanie, ...etc.
Tu es d'ailleurs cohérent car je ne me souviens pas que tu ne te sois jamais opposé à la loi de 2004 sur le foulard ni avoir demandé son retrait, normal puisque pour toi l'islamophobie n'existe pas . Tes contorsions sont vaines tout comme celle des Charlie Hebdo quand ils veulent nous faire croire à leur anti racisme tout simplement parce qu'il sont de gauche Laughing
PS : change ton pseudo Pierre Minnaert te va comme un gant. Twisted Evil
1) En effet, la chronologie est très claire.
Mais tu lis des mots "en plus"
Mon premier message  concerne le colonialisme dans le monde entier: en Océanie, en Afrique Noire, en Amérique du Sud.
J'ai écrit que tantôt, il déshabille, tantôt, il habille, toujours pour imposer quelque chose.
Tu as rappelé l'Algérie, cité Fanon et j'ai dit "c'est vrai".
Je ne suis pas , moi, islamocentré (voire islalophile ou Musulman), quand je parle du colonialisme.
Et puis je le répète: la question de la libération des femmes et de l'homophobie reste entière.
Ici, dans le monde entier et maintenant.

2)  Tu ne te souviens pas?
Normal... Very Happy
Tu ne te souviens que de ce qui va dans ton sens.
Alors sache que je suis contre l'interdiction du foulard, y compris à l'école, mais contre l'absentéisme en EPS, SVT et en Histoire.

3) ton fanatisme va jusqu'à vouloir m'amalgamer à quelqu'un que je ne connais pas, Pierre Minnaert.
Rougevert
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Message  Toussaint Dim 8 Mar - 17:46

L'oppression de la femme est une question universelle, le féminisme français en revanche n'est pas universel.

Mais c'est un autre débat. Quant à savoir ce contre quoi tu es, Very Happy , tu es islamophobe et tu fais feu de tout bois. Alors que tactiquement tu sois contre la loi raciste de 2004 ou pour, comme vérié, c'est assez indifférent.

Quant à être contre l'absentéisme, wah, quel scoop! Personne ici ni au CEPT en 2004 n'est pour l'absentéisme ou l'éducation à la carte. Sur la question de l'EPS, en revanche, l'absentéisme a été souvent le résultat de profs marquant absentes des élèves qui refusaient de se dévoiler et qu'ils refusaient de recevoir en classe. Et l'absentéisme des filles en EPS, le moins qu'on puisse en dire, c'est que ses raisons sont multiples, l'Islam n'en étant pas une, sauf évidemment si l'impératif scolaire sert de paravent à la volonté colonialiste et sexiste de dévoiler les filles. Les racistes ont d'ailleurs fait campagne pour l'exclusion des équipes féminines musulmanes sous prétexte de voile.
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Message  Rougevert Dim 8 Mar - 18:03

L'oppression des femmes est quelque chose de concret, quotidien.
Dire qu'elle est universelle est une manoeuvre pour éviter la question qui dérange: le féminisme est-il un combat universel?
C'est à dire:
- le droit des femmes à disposer de leur corps (contraception, avortement, sexualité, orientation sexuelle, indépendance conjugale et contre les mariages forcés))
- refus des discriminations et de l'attribution de rôles sociaux sexués (tâches domestiques, éducation des enfants)
-égalité des droits : notamment l'accès à l'instruction, à l'emploi, égalité des salaires.

Ou bien toutes ces questions sont-elles "relativisables"?

Baratin sur l'absentéisme,la ségrégation filles/garçons  bien réel et impossibilité d'aborder certains sujets "offensants et blasphématoires",  comme par exemple la théorie de l'évolution, bien sûr colonialiste... Twisted Evil
Ce n'est pas une invention des profs.


Dernière édition par Rougevert le Dim 8 Mar - 18:50, édité 2 fois
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Message  verié2 Dim 8 Mar - 18:13

Rougevert
le CSA a du boulot, s'il veut pointer les manquements à la déontologie chez les journalistes.
Je te répond sur ce seul point car, pour le reste, tes idées sont très arrêtées (ce qui encore une fois est ton droit) et il n'y a pas de dialogue.

Certes, les manquements à la déontologie sont nombreux, mais il y a des degrés. Les journalistes connus qui trouvent le moyen à la fois de se faire aligner par le CSA, d'être condamnés en diffamation et de se faire épingler à diverses reprises sur plusieurs erreurs factuelles, falsifications, bidonnages, non seulement par Arrêt sur images mais par pas mal d'autres gens, sont tout de même relativement rares. Il faut en faire beaucoup, justement parce que les médias dans leur ensemble ne sont pas des modèles.

Désolé d'insister, mais Fourest a atteint un niveau assez rarement égalé de légèreté, d'erreurs, d'ignorance des sujets traités et d'affabulation.

verié2

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Message  Toussaint Dim 8 Mar - 18:46

En termes d'affabulation, Rougevert précède son mentor, cela ne le dérangera pas, voir le fil sur l'islamophobie.

-le droit des femmes à disposer de leur corps (contraception, avortement, sexualité, orientation sexuelle, indépendance conjugale et contre les mariages forcés))
-discrimination et attribution de rôles sexués (tâches domestiques, éducation des enfants)
-égalité des droits : notamment l'accès à l'instruction, à l'emploi, égalité des salaires.

Non, en effet, et je remarque que tout cela est en bonne place dans la Marche Mondiale des Femmes, qui réunit des féministes de toutes cultures et orientations religieuses, contrairement à ce qu'ont essayé de faire les féministes françaises dans leur majorité, se livrant même, notamment les Femmes Françaises, à des agressions verbales, voire physiques sur des féministes musulmanes portant le voile.

Certaines revendications féministes sont en effet mondiales, mais le féminisme européen n'est pas universel, les chemins de l'émancipation sont divers, n'en déplaise à tous les racistes et éducateurs de femmes autoproclamés.

Ci-dessous un texte qui date, et notamment d'avant la Manif pour toutes où des orgas musulmanes se sont présentées au côté des églises chrétiennes contre les droits des homosexuels. Mais la logique du texte est intacte.

Homophobie, judéophobie, islamophobie : mêmes combats !

Manifeste pour l’égalité de traitement,
contre la “ concurrence des victimes ”  
et pour la convergence des luttes minoritaires

Initié  par les collectifs Les Blédardes et Les mots sont importants. Signataires :
Malika Amaouche (Act Up Paris, Les Blédardes), Djamila Bechoua, Houria Bouteldja et Radia Louhichi  (Les Blédardes), Pierre Tévanian et Sylvie Tissot (collectif Les mots sont importants,  Saïd Bouamama (Mouvement autonome de l’immigration),  Christine Delphy (Nouvelles questions féministes), Marielle Debos et Cecilia Vaeza (Les sciences potiches se rebellent), Pascale Ourbih (Femmes Publiques),  Christelle Hamel et Sadri Khiari (universitaires), Monique Crinon et Bernard Dreano (Cedetim et Une école pour tou-t-es),


En   tant que militant-e-s pour la liberté de choix et la complète égalité de traitement des hommes et des femmes  dans tous les domaines et à tous les niveaux, nous considérons que l’islamophobie, la judéophobie,  l’arabophobie, la négrophobie, et toutes les formes de xénophobie, sont des fléaux qui doivent au même titre, et pour les mêmes raisons, être combattus – comme doivent être combattues toutes les formes de sexisme et d’homophobie.  

Or, il  semble que l’on nous somme de choisir. Une récente pétition de personnalités “ de culture musulmane, croyants, athées ou agnostiques ” affiche par exemple son refus catégorique (et tout à fait louable) “ de la mysogynie, de l’homophobie, de l’antisémitisme  et de l’Islam politique ”, sans   mentionner les autres racismes, et notamment l’islamophobie, pourtant particulièrement exacerbée ces derniers mois. Cette pétition affirme également (à juste titre) que l’État n’a pas à interférer dans les choix sexuels des individus, mais elle se garde, on ne sait pourquoi, de dire la même chose des choix religieux et vestimentaires, et de dénoncer la loi interdisant le port du voile à l’école.

Plus grave encore : on entend de plus en plus, de la part d’intellectuels, de journalistes ou d’hommes politiques, des propos faisant de “ l’islam ” et de “ la communauté musulmane ”, souvent considérés comme des essences éternelles et comme des entités homogènes, les principaux vecteurs de l’homophobie, du sexisme et de l’antisémitisme.  

Enfin, nombre de partisans de la loi interdisant le port du voile à l’école ont tiré prétexte de propos homophobes et anti-juifs tenus par un orateur lors d’une manifestation,  pour discréditer l’ensemble du mouvement d’opposition à cette loi, y compris les groupes (comme “ Une école pour tou-te-s ”) qui avaient choisi de ne pas se rendre à la manifestation en question, et qui ont été les premiers à condamner publiquement ces propos.  

Tant et si bien que, pour ne prendre qu’un exemple, celui du rapport entre homophobie et islamophobie, on se retrouve sommé de choisir entre :
- d’un côté, le combat contre l’islamophobie, présenté comme une défense inconditionnelle de “ l’Islam ”, y compris sous ses formes les plus oppressives, et donc comme une capitulation face à l’homophobie que porte  “ l’islam politique ” ;
- de l’autre, le combat contre l’homophobie, impliquant le combat contre “ l’islam politique ”  et donc le rejet de ce mauvais combat que serait le combat contre l’islamophobie.

Nous refusons les termes même de cette alternative : pour notre part, nous affirmons que les deux combats vont de pair, et c’est au nom des mêmes principes de liberté et d’égalité que peuvent être défendus le droit pour les homosexuels de se marier et d’adopter des enfants, et le droit pour les jeunes filles voilées d’aller à l’école publique. Au lieu d’opposer, comme on le fait trop souvent, les causes antiraciste, antisexiste et anti-homophobe, nous préférons les relier, en partant d’un constat : il y a entre les filles voilées et les jeunes homosexuel-le-s, comme du reste entre ces deux minorités et les autres minorités “ sexuelles ” ou “ ethniques ”,  une profonde communauté d’expérience, sur laquelle des convergences et des solidarités peuvent se construire.

Concentrons nous sur un rapprochement, parmi beaucoup d’autres possibles : les différences ont beau être nombreuses, y compris dans un même milieu social, entre les préoccupations et le vécu d’un-e homosexuel-le et ceux d’une fille ou d’une femme voilée, il n’en demeure pas moins que tou-te-s ont en commun une expérience traumatisante et structurante : l’expérience de la stigmatisation. Les regards  hostiles et les propos injurieux qu’affrontent aujourd’hui  les filles voilées dans la rue ou dans les transports en commun, mais aussi à l’école, de la part de certains professeurs, sont en effet très proches de ce que subissent les personnes identifiées comme homosexuelles.  

Les discours accusateurs sont d’ailleurs très similaires : les filles voilées et les homosexuel-le-s sont de la même manière victimes d’amalgames qui les rattachent à des figures du “ Mal absolu ” : là où pour les unes on glisse d’Islam à islamisme, et d’islamisme à intégrisme et terrorisme, pour les autres on glisse de “ pédé ” à pédophile.

Le parallélisme est tout aussi flagrant si l’on considère les formes les plus sophistiquées de l’islamophobie et de l’homophobie : cette stigmatisation “ dans les formes ” qui, à l’injure,   au propos ordurier ou à l’amalgame grossier, préfèrent  les périphrases, les euphémismes et les pseudo-concepts comme “ différence des sexes ”, “ ordre symbolique ”, “ intégration républicaine ”, “ communautarisme ”, ou encore “ prosélytisme ”.

Voilà en effet un point de convergence : une phrase comme “ Je n'ai rien contre eux, mais je suis contre le prosélytisme ” est une phrase qu’on reçoit en permanence en pleine figure, aussi bien lorsqu’on est musulman-e  que lorsqu’on est homosexuel-le – alors que l'égalité de traitement suppose une égale légitimité du prosélytisme musulman et des prosélytismes catholique, évangéliste, bouddhiste,  communiste, libéral, ou   national-républicain, qui n’indisposent  pas grand monde ; de même que le prosélytisme homosexuel doit avoir une légitimité égale à celle du prosélytisme hétérosexuel, conjugal et familialiste qui s'étale à longueur de journée dans tous les médias, sans parler de la littérature pour enfants.

Autre point de convergence : l’accusation de “ communautarisme ”, qu’un certain discours  républicaniste  adresse avec morgue aux minorités dès qu’elles sortent de l'invisibilité et de la réserve auxquelles elles sont assignées pour revendiquer ni plus ni moins que l’égalité de traitement, autrement dit : l'accès à l'universel ! (le droit de se marier et d’avoir des enfants comme n’importe qui d’autre pour les homosexuel-le-s,  le droit d’aller à l’école publique comme n’importe qui d’autre pour les filles voilées).

Dans les deux cas, également, ce sont les individu-e-s qui sont accusé-e-s de “ repli communautaire ”, alors que l’entre-soi, qu’il s’agisse des halls d’immeubles HLM, des mosquées ou des  bars gay et lesbiens, est dans  une large mesure une réponse à la stigmatisation, ou plus exactement une stratégie d’évitement, permettant d’échapper un tant soit peu aux regards accusateurs et à la violence symbolique ou physique que rencontrent inévitablement les stigmatisé-e-s dans la société “ majoritaire ”.  

Il est donc logique que nombre de “ républicains ” partisans de l’exclusion des élèves voilées soient par ailleurs hostiles aux revendications égalitaires des homosexuel-le-s, et même à la simple visibilité des gays et des lesbiennes (cf.  la quasi-totalité des responsables de l’UMP, mais aussi certains intellectuels républicanistes ulcérés par l’existence de  la gay pride).

Il est tout aussi logique, à nos yeux, que ce soit le même député, en l’occurrence Noël Mamère, qui a eu le courage de défier l’homophobie “ soft ” et “ sophistiquée ” de la classe politique en célébrant pour la première fois un mariage homosexuel, et le courage de défier l’islamophobie ambiante en s’opposant publiquement à la loi d’exclusion des élèves voilées  et en venant soutenir   le collectif “ Une école pour tou-te-s ” lors d’un meeting organisé à Paris le 4 février 2004.

Il est également logique, selon nous, que la plupart des anciens présidents d'Act Up Paris, ainsi que le groupe de prostituées Cabiria, aient été parmi les premiers signataires de l'appel “ Oui à la laïcité, non aux lois d’exception ”, contre l’exclusion des élèves portant le voile  : cela prouve  que l'expérience de la minorité et de la stigmatisation peut rendre sensible à la situation des autres minorités stigmatisées – et pas forcément susciter des réflexes vengeurs sur fond de racisme de classe, comme ces propos tenus (lors d’un débat organisé par la FSU) par une essayiste favorable à l’exclusion des élèves voilées, en réponse à un  témoignage sur la dureté de la stigmatisation vécue par ces filles :
“ Et moi qui suis lesbienne,qu’est-ce qui m'arrive si je viens dans vos cités? ”.

Il reste à expliquer ce type de réactions. Il reste à expliquer comment des gens capables de déconstruire les sophismes anti-“ communautaristes ”  lorsqu’ils visent les homosexuel-le-s s’avèrent incapables de le faire lorsqu’ils s’appliquent à des musulman-e-s ; et réciproquement, comment des gens capables de déconstruire les poncifs sur le “ communautarisme  musulman ” peuvent colporter des poncifs construits sur  le même modèle et visant les homosexuel-le-s.

Une explication, mais peut-être pas la seule, est l'existence d’une islamophobie qui traverse les homosexuel-le-s et les “ non-homophobes ” au même titre que le reste de la société française, et réciproquement l’existence d’une homophobie qui traverse les musulman-e-s et les “ non-islamophobes ” au même titre que le reste de la société.

Une autre raison est ce phénomène complexe, largement attisé et instrumentalisé par les défenseurs des normes majoritaires, qu’on peut nommer “ concurrence des victimes ”.

Cela dit, quelles que soient les rivalités, ou les préjugés répandus de part et d’autres, il y a dans la similitude des expériences vécues par les homosexuel-le-s et les musulmanes voilées une occasion de rencontre et d’échange : pouvoir, par son propre vécu, s’imaginer ce que vit l’autre permet de dépasser les préjugés qu’on a à son égard : les préjugés homophobes que peut avoir une musulmane voilée, mais aussi, inversement, les préjugés islamophobes, ou plus largement anti-religieux, que peut avoir un-e homosexuel-le.

Dans un cas comme dans l’autre, la communauté d’expérience vécue peut enclencher une réflexion et un dépassement du différend qui existe, non sans raisons, entre ces  ensembles hétérogènes que sont “ la communauté homosexuelle ”, “ l’Islam ” et “ la religion ”.

Côté homosexuel, on peut se dire que, certes, la majorité des filles qui portent le foulard sont   probablement, sinon ouvertement et agressivement homophobes, du moins réservées vis-à-vis de l’égalité absolue des droits entre couples homosexuels et hétérosexuels  (notamment en ce qui concerne le mariage et la parentalité), mais que ces réserves doivent être combattues sur le terrain politique, et certainement pas justifier l’exclusion et la déscolarisation de ces jeunes filles.

Réciproquement, il existe dans la “ communauté homosexuelle ” française une forte prévention contre les religions (pour des raisons historiques aisément compréhensibles) et sans doute contre l’Islam plus particulièrement (un-e homosexuel-le  français-e étant, comme tout-e Français-e, nourri-e de préjugés   issus de l’histoire coloniale de la France), et il y a donc sans doute de nombreu-se-s homosexuel-le-s favorables à l’exclusion des élèves qui refusent d’enlever leur voile ; mais ces positions se combattent  politiquement, elles ne justifient  pas qu’on se venge en privant les homosexuel-le-s de l’égalité des droits en termes de mariage et de parentalité.

On peut aller plus loin : une musulmane voilée, même lorsqu’elle est homophobe, doit avoir le droit d’aller à l’école publique ; de même qu’un-e homosexuel-le , même lorsqu’il-elle est raciste, doit avoir le droit de se marier et d’adopter des enfants.  

Il est vrai que le différend entre “ les homosexuel-le-s ” et “ la religion ” est plus profond : dans aucune des grandes religions, quasiment aucun courant ne reconnaît jusqu’à présent d’égale légitimité aux relations homosexuelles et à aux relations hétérosexuelles. C’est en grande partie sur ce fait, et pas seulement sur des préjugés infondés, que se fonde la méfiance de certain-e-s homosexuel-les vis-à-vis de “ la religion ”.

Il est vrai, par exemple, que les réseaux les plus mobilisés contre le PACS, et a fortiori contre le droit au mariage et à la parentalité pour les couples homosexuels,  ont été des réseaux catholiques.

Il est vrai aussi que, si les différentes organisations musulmanes sont restées plus discrètes lors du débat sur le PACS, si quasiment aucune d’entre elles n’a participé à la  manifestation homophobe organisée par Christine Boutin,  ces organisations campent, comme leurs homologues des autres religions, sur une position hostile à l’égalité de traitement des modes de vie et des sexualités entre personnes consentantes. Cette hostilité est partagée aussi bien par les “ représentants ” officiels qui se présentent comme des “ modérés ” (par exemple Dalil Boubakeur, recteur de la Mosquée de Paris) que par  un auteur comme Tariq Ramadan, qui se veut l’aile anti-institutionnelle, “ progressiste ” et “ sociale ” du “ paysage islamique français ” : tous deux se cantonnent à des condamnations de la violence homophobe, tout en continuant de refuser l’é galité et de délégitimer l’homosexualité au nom de la “ complémentarité des deux sexes ” (une position qui, soit dit en passant, ne diffère pas fondamentalement de celle que vient d’exprimer le très laïque Lionel Jospin).

Tout cela ne rend que plus nécessaire les rencontres et le dialogue à la base. On ne peut qu’espérer que l’expérience violente de la stigmatisation  vécue actuellement par les filles ou les femmes voilées les aide à s’emparer de la “ question homosexuelle ”  et  à  la poser à leurs “ représentants ” sous un  angle inédit, moins marqué par le prisme de la norme et de l’interdit, et davantage par celui du devoir de solidarité avec son prochain.

Il y a certes, de la solidarité à l’égalité des droits, un pas à franchir qui n’ira sans doute pas de soi. Mais on peut au moins espérer que des liens et des échanges se développent, car c’est par l’échange, la rencontre et les combats communs (par exemple ces combats “ minimaux ” que sont le combat contre l’exclusion des élèves voilées, et le combat contre les violences homophobes), que les acteurs sociaux se transforment.

En d’autres termes : c’est en côtoyant les filles voilées, et en parlant avec elles, qu’on peut dépasser le stade de la phobie, qui conduit à accepter l’exclusion et la déscolarisation d’une adolescente. De même, si un Islam davantage ouvert à l’égalité des sexualités peut émerger, ce n’est certainement pas par décret des muftis “ modérés ” ou des essayistes “ réformateurs ” dont raffolent les magazines et les chaines de télévision : cela ne peut  être que l’œuvre des musulman-e-s eux-mêmes, en interaction avec des homosexuel-le-s, et non celle des donneurs de leçon professionnels, qui sont en général moins soucieux   du sort des musulman-e-s ou des homosexuel-le-s que de leur promotion personnelle au sein de l’espace politique  ou médiatique.

Nous mesurons l’ampleur des obstacles qui s’opposent à ces rencontres “ improbables ”  et à cette convergence des luttes minoritaires (la lutte contre l’homophobie et la lutte contre l’islamophobie, mais aussi la lutte contre le racisme anti-arabe, anti-noir, anti-juif,  les luttes de sans-papiers,  la lutte des Roms et celle des prostituées contre la criminalisation et toutes les luttes anti-sexistes…), et nous comprenons qu’elle puisse paraître utopique. Mais il n’y a selon nous pas d’autre alternative si l’on veut sortir du climat délétère – de concurrence des victimes, d’instrumentalisation des causes les plus légitimes et de radicalisation de l’islamophobie,  de l’homophobie, de la judéophobie, de la xénophobie et du sexisme  – que connaît actuellement la société française.
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Message  Toussaint Dim 8 Mar - 18:57

Un autre texte de Christine Delphy.

Comprendre l’instrumentalisation du féminisme à des fins racistes pour résister
Ces derniers mois, la médiatisation des violences sexuelles faites aux femmes a atteint l’élite politique : affaire DSK, affaire Tron ont tenu une bonne place dans les médias. Déplacement significatif du problème, puisqu’auparavant, le traitement médiatique des violences sexuelles s’était focalisé sur les banlieues, présentées comme le lieu de tous les dangers pour les jeunes femmes. Ainsi, en septembre 2010, la programmation de La Cité du Mâle, documentaire de Cathy Sanchez produit par Dock en Stock pour Arte présentait un tableau particulièrement outrancier de la situation : énumération macabre des meurtres et violences sexuelles subies par les jeunes femmes en particulier racisées[1] en banlieues, à l’exclusion de tout autre lieu, vocabulaire spécifique (« lapidation », « immolation »), portraits très fabriqués de jeunes hommes arabes violents[2]. Mais entre ces deux manifestations des violences inadmissibles faites aux femmes, rien de commun dans l’analyse qui en est dressée par les médias et la plupart des intervenants politiques : la culpabilité de DSK est apparue très improbable, voire impensable, et la contre-offensive de ses avocats mettant en cause sa victime a été accueillie avec soulagement. Si les faits sont avérés, ils traduiraient le penchant de séducteur de son auteur ou éventuellement ses problèmes psychologiques : un complot, un malentendu ou une déviance mais en aucun cas le résultat d’un système de domination. L’irruption de l’affaire Tron, accusé de viols en réunion, ne conduit à aucune généralisation sur le machisme des hommes français blancs, particulièrement en situation de pouvoir. Aucune conclusion n’en est tirée concernant la civilisation occidentale, il s’agit de cas individuels. Rien de tel en ce qui concerne les violences en banlieue : l’énumération des faits fait système. L’explication coule de source : la violence renvoie à l’image d’un homme étranger vu comme forcément barbare, le musulman incarnant ce rôle actuellement. Toute une série de stéréotypes attachés à l’islam sont mobilisés dans ce sens : arriération des mœurs faisant courir de graves dangers à la société moderne, traditions machistes et patriarcales (excision, lapidation, polygamie, etc.).
Cette vision de l’homme étranger barbare permet aux hommes blancs de se positionner en sauveur à la fois des femmes étrangères oppressées mais aussi des femmes blanches qu’ils présentent comme potentiellement menacées par cette oppression. Cela a plusieurs conséquences néfastes. La première est de faire des femmes un enjeu de pouvoir entre les hommes et de les mettre en position d’objet (à libérer, à émanciper) au lieu de les voir comme des sujets. La seconde conséquence est la stigmatisation de celles qui portent les signes de la barbarie.
Cette différence de traitement nous interpelle en tant que féministes : c’est un des multiples exemples où le sexisme est utilisé comme le marqueur d’une différence culturelle irréductible entre la « civilisation occidentale » émancipée, et l’islam porteur de régression en matière d’égalité hommes-femmes. C’est pourquoi il nous semble pertinent aujourd’hui de parler d’instrumentalisation raciste du féminisme dans le sens où le féminisme est intégré puis transformé, et perverti. Cette expression signifie que le « label » féministe est instrumentalisé et non le mouvement dans son ensemble ni celui des années 1970 ni celui d’aujourd’hui. Elle soulève pour le mouvement féministe un défi stratégique qui nous semble bien peu pris en compte en France actuellement : comment être féministe aujourd’hui sans servir d’alliés involontaires aux discours et projets racistes ? Comment proposer un féminisme inclusif, pour toutes les femmes, et non pas seulement pour celles qui ne subissent pas l’oppression raciste ? En un mot, comment être porteur d’un projet d’émancipation pour toutes les femmes quand le discours de l’égalité hommes-femmes est régulièrement détourné pour stigmatiser une partie d’entre-elles ?
Il ne suffit donc pas de dénoncer le racisme mais de construire une riposte féministe à cette perversion de notre lutte. C’est dans cette perspective que nous voulons ici étudier les mécanismes de l’utilisation du discours féministe par la droite et l’extrême droite dans la stigmatisation des populations musulmanes qui suscitent de nombreuses discussions aujourd’hui dans les rangs féministes majoritairement blanches et de classes moyennes[3] en France[4]. Cela nous conduit à nous interroger sur les racines de cette instrumentalisation, à partir des années 1980, avec l’institutionnalisation du féminisme. Puis au positionnement des féministes face à cette question stratégique pour proposer enfin des pistes d’orientation stratégique.
La perversion du discours féministe par l’extrême droite et la droite
La droite et l’extrême droite n’hésitent pas aujourd’hui à reprendre le discours féministe.
Le « relooking » du FN
« J’entends de plus en plus de témoignages sur le fait que dans certains quartiers, il ne fait pas bon être femme ni homosexuel […] »[5] s’insurgeait Marine Le Pen dans un discours prononcé à Lyon en décembre 2010. Cette déclaration fait écho à plusieurs prises de position de sa part concernant le PACS ou le droit à l’avortement, qu’elle a affirmé ne pas vouloir abolir si elle arrivait au pouvoir. Prenant ainsi à rebrousse poil une partie de son électorat, son attitude est l’une des facettes du « relooking » du FN. Mais qu’on ne s’y trompe pas, le programme du FN n’a pas changé pour autant : son programme sur la défense de la famille française est axé sur la mise en place d’un revenu parental dès le premier enfant visant implicitement le retour des femmes au foyer et l’affirmation du droit à la personne dès la conception qui remet en cause l’IVG. Il interdit clairement tout mariage ou adoption homosexuels. Quand Marine Le Pen prend la défense des femmes et des homosexuels dans «certains quartiers» il s’agit donc clairement d’une perversion du discours féministe et LGBTI qui poursuit différents objectifs : rallier un électorat nouveau et allonger la liste des « victimes » de la religion musulmane identifiée comme la source de l’oppression : « Je réitère qu'un certain nombre de territoires, de plus en plus nombreux, sont soumis à des lois religieuses qui se substituent aux lois de la République »[6] déclare-t-elle dans la suite de son discours.
La politique de la droite
La politique menée par l’UMP au pouvoir s’inscrit dans la même logique. D’une certaine manière, le gouvernement tient un discours de défense des droits des femmes. Ainsi, la loi « relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants » du 9 juillet 2010 reprend-elle une revendication ancienne du mouvement féministe, dont un certain nombre d’associations (CNDF, FNSF, Femmes pour le dire, Femmes pour agir, Femmes solidaires, ADFEM, Le Planning familial, Amnesty international – Commission Femmes et ECVF) ont d’ailleurs été auditionnées dans le cadre de l’élaboration de la loi. Ces associations ont ensuite exprimé leur déception devant son contenu définitif, en retrait par rapport à leurs ambitions, mais elles ont cependant mis en place à l’automne 2010 un comité de vigilance pour son application[7], ce qui montre que la loi est évaluée comme une avancée du point de vue des droits des femmes et c’est ainsi d’ailleurs qu’elle est perçue à une large échelle. Il faut s’interroger sur la logique politique d’un gouvernement qui d’un côté affiche cette posture de défense des droits des femmes et de l’autre, mène une politique sociale qui aggrave considérablement leur situation : remise en cause de l’IVG par la baisse des crédits, réformes des retraites qui pénalise en premier lieu les femmes… Comment expliquer une telle ambivalence ? Les mesures proposées pour lutter contre les violences faites aux femmes relèvent pour l’essentiel de la protection des victimes et surtout de la répression des coupables, sans que soit mise en place une réelle politique de prévention. Dans cette logique, la violence est considérée comme le fait d’individus dangereux et déviants, mais en aucun cas comme le résultat d’un système de domination patriarcale. En effet, dans cet esprit, la République française ayant adopté le principe de l’égalité hommes-femmes ne connaîtrait pas en son sein la domination masculine. C’est en tout cas le constat que faisait Nicolas Sarkozy le 8 mars 2011 à l’occasion de la journée internationale des femmes : celle-ci est « sympathique », mais pas « essentielle » puisqu’aujourd’hui « la vie des femmes ressemble à la vie des hommes ; les choses ont changé considérablement. »[8] La menace vient donc d’ailleurs, des autres et plus précisément de l’islam : « prenons garde de ne pas offrir aux adversaires de la démocratie, de la dignité et de l’égalité entre les sexes l’opportunité d’une victoire qui mettrait notre société dans une situation bien difficile »[9] déclarait ainsi Nicolas Sarkozy pour défendre la loi interdisant le port du voile intégral. Ainsi s’articule le discours de la droite : la défense des droits des femmes qui sont par ailleurs attaqués par la politique d’austérité mise en œuvre est opportunément invoquée comme alibi pour légitimer le discours raciste.
Une instrumentalisation qui vient de loin
Déjà, en 1993, Charles Pasqua utilisait le prétexte de la lutte contre la polygamie pour mettre en œuvre des mesures racistes à travers les lois dites « Pasqua » restreignant l’accès à la nationalité. Depuis, c’est la surenchère. Nina Power le constate à propos des États-Unis dans La Femme unidimensionnelle : « la manière dont, au cours de la décennie passée, les républicains ont usé et abusé du terme "féminisme" nous donne une ahurissante leçon d’opportunisme linguistique en matière politique. Alors que jadis la droite aurait mis dans le même sac les pédés, les gauchistes, les féministes, les pacifistes et autres déviants, alors qu’elle les aurait tous traités en ennemis intérieurs, quand il lui a fallu justifier l’invasion de l’Afghanistan, elle a soudain extrait le langage du féminisme de la poubelle de l’histoire, pour la brandir en tant que valeur spécifiquement "occidentale". "Le respect des femmes […] peut triompher au Proche-Orient et au-delà", s’écria Bush devant les Nations Unies, oubliant peut être que, le jour même de son accession à la présidence, il avait coupé les vivres aux associations internationales de planning familial qui offraient services et conseils en matière d’avortement. »[10] Tout cela, bien sûr, sans se préoccuper des campagnes que menaient les féministes musulmanes sur le terrain : « la dernière chose dont elles avaient besoin, c’était que les droits des femmes soient brandis comme l’instrument des envahisseurs, des occupants et des impérialistes culturels ».[11]
Ainsi, l’extrême droite et la droite ont repris à leur compte une partie du discours féministe non pas pour défendre effectivement les femmes, mais comme un critère de différenciation qui sert à dresser une barrière entre « nous », société occidentale égalitaire et émancipée et « eux », islam oppresseur et menaçant.
De l’institutionnalisation du féminisme à l’échec de l’intégration
Comment le discours de l’égalité hommes-femmes, considéré pendant longtemps comme subversif, a pu ainsi être approprié et utilisé par les gouvernements occidentaux ? A quoi sert cette appropriation ? Quelles en sont les conséquences pour le projet féministe ?
Institutionnalisation du féminisme et modèle d’intégration à la française
À partir des années 1980, une bonne partie du mouvement féministe s’est institutionnalisée, à la faveur de l’arrivée de la gauche PS-PC au pouvoir et d’une législation progressivement obtenue permettant une mise en œuvre partielle des revendications que les féministes avaient portées. Certaines chercheuses, telle Anne Revillard, vont jusqu’à parler de « féminisme d’Etat », concept qu’elle définit comme « les activités des structures gouvernementales qui sont formellement chargées de faire avancer le statut et les droits des femmes ».[12] Élaboré dans un premier temps au Danemark, en Suède et en Australie, le recours à la notion de « féminisme d’État » se pose aussi pour la France, tandis qu’Yvette Roudy devient ministre des Droits de la femme. Françoise Thébaud, dans Un féminisme d’État est-il possible en France ? L’exemple du ministère des Droits de la femme, 1981-1986, nous invite à la nuance sur la question, évoquant les difficultés d’Yvette Roudy dans la mise en œuvre de ses réformes[13].
À la fin des années 1980, dans un contexte d’offensive idéologique libérale, le féminisme militant était présenté comme une bataille d’arrière-garde : l’égalité des droits étant obtenue, s’ouvrait soi-disant une nouvelle ère de relations hommes-femmes apaisées. Des intellectuelles comme Mona Ozouf ou Irène Théry sont très représentatives de cette conception. L’idée de l’égalité hommes–femmes devenait donc consensuelle, mais d’une manière très paradoxale, puisque ce consensus niait le maintien des discriminations et des stéréotypes sexistes.
Parallèlement, dans cette même période, se construit un discours de l’intégration républicaine s’appuyant sur l’idée de l’universalisme de la société française. Ce discours a été accueilli avec espoir par la population immigrée, qui se féminise à la fin des années 1970 avec le regroupement familial et l’installation définitive en France des travailleurs immigrés et de leurs descendant·es. Les Cahiers du féminisme, en 1983, se font par exemple l’écho de cet enthousiasme avec le témoignage de Yamina, jeune femme née en France de parents marocains qui se bat pour poursuivre ses études comme « échappatoire » à la vie qui lui est tracée par sa famille plutôt « traditionnelle » : rester à la maison en attendant le mariage. L’école est pour elle un lieu de libération où elle considère qu’elle ne vit ni discriminations ni racisme.[14]
L’adhésion au modèle de la « femme libérée » devient alors un critère important mesurant le degré d’« intégration ». C’est le cliché paternaliste teinté de néocolonialisme de la « beurette émancipée » mise en avant par SOS Racisme, puis par Ni putes ni soumises ou son dernier avatar, Ni violée ni voilée. Le corps des femmes et leur sexualité deviennent un enjeu majeur de ces rapports sociaux, comme en témoigne l’ampleur des débats sur le port du foulard.
L’échec du modèle d’intégration
Malheureusement, les promesses de l’« intégration » s’évanouissent souvent devant celles qui y croient, engendrant déception et contestation. Christelle Hamel, dans une étude sur des descendantes de migrant·es du Maghreb et la virginité[15] en 2006 décrit ainsi finement le changement de la perception par ces jeunes femmes du modèle d’« intégration ». Quelle que soit en effet leur attitude vis-à-vis du principe de virginité, les jeunes femmes interrogées expriment clairement leur scepticisme vis-à-vis du modèle « occidental » de sexualité. Ainsi, celles qui revendiquent le principe de virginité « soulignent que la liberté sexuelle dont bénéficient "les Françaises" n’implique pas forcément que les garçons les respectent. À l’inverse de ces dernières, elles disent parvenir à se faire respecter grâce au principe de virginité qui leur permettrait d’évaluer les intentions des garçons. En cela, elles égratignent les discours faisant de "la liberté sexuelle des femmes" le signe de "la modernité française" et de la virginité celui du "traditionalisme arriéré" des familles maghrébines. »[16] Quant à celles qui décident de transgresser, elles portent également un regard critique et « pensent leur sexualité par opposition aussi bien au sexisme attaché à la virginité qu’au sexisme qui enjoint aux femmes "occidentales" de se conformer aux désirs masculins ».[17] Christelle Hamel décrit enfin le parcours de trois jeunes femmes qui quittent le domicile parental pour fuir une éducation jugée trop sévère. « Elles décidèrent donc de partir, en rejetant tout ce qui venait de leurs parents : la religion, les valeurs de l’honneur et de la virginité, et même l’identité arabe. Elles insistaient alors sur leur identité française pour revendiquer plus de liberté. Elles semblaient avoir pleinement intégré l’idée que leur oppression était le produit de leur culture d’origine et qu’aucune "Française" ne pouvait vivre une situation comparable. » Mais leur départ s’assimile plutôt à une descente aux enfers : discriminées dans l’emploi, elles deviennent sans-logis et subissent dans la rue des viols à répétition, faisant ainsi l’amère expérience du sexisme bien réel de la société française. « Autant dire que l’appel à s’émanciper n’est pas suivi d’une meilleure "intégration des filles" ». Logique d’un système qui ne s’intéresse pas réellement au sort des jeunes femmes présentées comme les victimes d’une culture oppressive dont l’intégration à la « culture française » pourrait seule les libérer, mais qui utilise en réalité le discours de l’émancipation à des fins stigmatisantes et finalement racistes.
En effet, ce « modèle d’intégration » proclamé universel n’est finalement qu’un leurre. Les défenseurs du « modèle républicain » mettent souvent en avant le fait qu’il n’a jamais pratiqué de discrimination raciale légale, à la différence des États-Unis par exemple. Cette idée est à remettre en cause, d’une part parce que la législation coloniale a maintenu jusqu’en 1946 un code de l’indigénat qui a forcément des implications quand la majorité des immigrés proviennent de l’ancien Empire colonial, d’autre part parce que cet « universalisme », l’égalité des individus « sans distinctions », masque une domination culturelle raciale bien présente mais non dite parce que le racisme et son déni structurent en profondeur la société française. L’« universel » invoqué fonctionne comme un déni des discriminations.
Au final, cette situation a des conséquences importantes pour un projet d’émancipation des femmes.
Tout d’abord, fondamentalement, une telle « intégration » n’est possible que pour des individus rejetant dans le même temps leurs origines, leurs quartiers, etc. Cette logique individuelle vient contredire toute possibilité d’une émancipation collective et auto-organisée des femmes racisées.
De plus, les expériences vécues par les femmes varient selon leurs positions dans les rapports sociaux de genre, de classe et de race. Pour reprendre l’exemple du rapport à la virginité, l’attitude des descendantes de migrant·es du Maghreb vis-à-vis de cette tradition (réinventée dans le contexte de l’immigration) est notamment guidée par le fait que « maintenir la tradition est surtout pour les jeunes une manière d’exprimer leur loyauté et leur solidarité avec leurs parents, dans un contexte où le groupe majoritaire ne cesse de dénigrer ces derniers ».[18] C’est pourquoi toutes les femmes ne vivent pas la même expérience du sexisme, certaines étant enjointes à jouir sous peine d’être considérées comme frigide tandis que d’autres le sont à rester vierges jusqu’au mariage, par exemple.
Enfin, proposer aux « femmes issues de l’immigration » un « modèle d’émancipation » consistant à adopter le mode de vie et les valeurs de la société occidentale peut conduire à exiger d’elle, par la même occasion, de cautionner la stigmatisation dont leur communauté fait l’objet. L’exemple-type de ce phénomène est Fadela Amara qui a choisi de participer à un gouvernement qui multiplie les lois racistes. Plus généralement, les femmes racisées sont prises entre deux feux et enjointes soit de « s’occidentaliser » pour être considérées comme des femmes libérées, soit de n’être perçues que comme des victimes soumises. Ces assignations identitaires les placent face à des choix problématiques entre refus du racisme et refus du sexisme.
Loin de l’universalisme, c’est donc la « racialisation du sexisme » qui opère pour conduire au « sexisme identitaire puisqu’il s’inscrit dans un processus défensif vis-à-vis du racisme » comme le souligne Christelle Hamel.[19]
À quoi sert l’instrumentalisation du féminisme ?
« choc des civilisations » et nouveau visage du racisme
Les discours instrumentalisant le féminisme aujourd’hui sont finalement le nouveau visage de ceux de l’« intégration » des années 1980. Si les thématiques se sont déplacées, les ressorts en sont les mêmes. À la faveur du « choc des civilisations », le racisme s’est reconstruit autour du thème de la différence des cultures, plus présentable que le racisme « naturel » et désignant l’islam comme ennemi principal. C’est l’apologie de la guerre contre le terrorisme, dont les gouvernements occidentaux font chacun un usage à leur façon. La France, et plus généralement l’Europe, l’utilise davantage à des fins de politique intérieure, comme le développe Éric Fassin : « L’Europe propose toutefois une déclinaison particulière de cette rhétorique : en effet, dans un contexte marqué par la restriction de l’immigration davantage que par la guerre contre le terrorisme, il s’agit non pas d’exporter "nos" valeurs, mais plutôt de les préserver. Autrement dit, la ligne de partage entre "eux" et "nous" apparaît de ce côté de l’Atlantique comme une frontière intérieure qui divise les espaces nationaux en fonction des cultures d’origine : la démocratie sexuelle définirait la limite entre les centres-villes et les banlieues. Aussi ne faudrait-il pas réduire les controverses autour du voile islamique ou des violences sexuelles, en raison de leur tonalité républicaine, à quelque singularité française : un peu partout en Europe, la différence entre "nous" et "eux" tient aujourd’hui à la manière dont les uns et les autres sont réputés se conduire avec les femmes. »[20] S’attachant à l’homophobie, Éric Fassin arrive à une conclusion qui s’applique tout aussi bien au sexisme : « Il ne s’agit donc pas de taire l’homophobie des cités ; mais de la dire sans la renforcer, il convient de déjouer les pièges d’une rhétorique qui, en opposant "eux" à "nous", condamne les premiers à se définir en opposition aux seconds, comme en réaction à la bonne conscience, non dénuée de racisme, d’une démocratie sexuelle dont l’exigence n’est hélas, le plus souvent, imposée qu’aux autres. »[21]
L’instrumentalisation de l’égalité hommes-femmes s’appuie donc sur la rhétorique du « eux » et du « nous » : « nous » on ne voile pas les femmes, « eux » le font, « nous » on ne lapide pas les femmes, « eux » le font, « nous » on ne les viole pas ou seulement par déviance psychique, « eux » le font par nature, etc. En plus de resserrer les liens de la communauté des blancs en désignant un bouc-émissaire, cette rhétorique remplit deux fonctions : donner un visage acceptable et une justification morale au racisme et dédouaner la société française de son propre système patriarcal.
L’émergence du « femonationalism »[22]
Au-delà des ressorts du discours, il nous semble primordial de chercher à comprendre les objectifs de l’idéologie dominante lorsqu’elle a recours à la perversion du féminisme : ne s’agit-il pas, pour elle, de renouveler son panel de valeurs pour construire une identité nationale particulière qui ne peut souffrir le « eux » ? Sara R. Farris, auteure du concept de « femonationalism », décrit l’alliance contemporaine entre les discours des féministes occidentales et les mouvements nationalistes et xénophobes sous le drapeau de la guerre contre le voile et le patriarcat musulmans. Bien qu’il s’agisse de l’instrumentalisation des luttes LGBTI, l’exemple de l’affiche, mettant en avant un coq à l’occasion de la Marche des Fiertés 2010 est révélateur de ce phénomène. Les Lesbiennes of colors[23] ne s’y trompent pas lorsqu’elles dénoncent : « Pourquoi donc un coq ? Pourquoi lier le patriotisme, le nationalisme, l'identité nationale... et, pourquoi pas, la "préférence nationale", aux espaces LGBT censés éviter des schémas et des discours d'oppression ? […] Par cette affiche, l’inter-LGBT signe son adhésion au racisme ambiant, décomplexé […] Tout un contexte nauséabond qu’il faudrait dénoncer au lieu de détourner des emblèmes nationaux en l’occurrence un coq. »[24]
Le « femonationalism » et l’« homonationalisme » s’intègrent dorénavant aux propagandes gouvernementales de l’Occident. Sirma Bilge évoque à ce propos l’exemple du Québec ou le Conseil du statut de la femme « a recommandé en 2007 au gouvernement provincial d’amender la Charte québécoise des droits de la personne pour y instaurer une hiérarchie entre les motifs de discrimination prohibés de façon à primer l’égalité des sexes sur la liberté religieuse. En demandant au gouvernement de déclarer haut et fort que l’égalité entre les sexes est une valeur collective et un « marqueur de l’identité québécoise », le Conseil affirme en creux que la liberté religieuse est moins importante. »[25] Finalement, le corollaire de la racialisation du sexisme conduisant au sexisme identitaire est la racialisation du féminisme conduisant au « femonationalism ».
Les féministes face à l’islamophobie
Comment les féministes répondent-elles à cet enjeu ? On considère ici comme féministes toutes celles qui interviennent publiquement à ce titre, sans prétendre à l’exhaustivité.
Le ralliement
Le discours islamophobe de l’extrême droite et de la droite parvient de plus en plus à faire des adeptes dans les rangs des féministes de la gauche et même de l’extrême gauche. Depuis quelques temps déjà, Anne Zelensky, « féministe historique » accuse l’islam de tous les maux au travers de Riposte laïque. Elle développe l’idée que « la culture machiste venue d’islam est une grave menace pour notre difficile marche vers plus d’égalité des sexes. […] Je ne peux accepter que sur ce territoire de France, où des décennies de luttes ont réussi à faire reculer la discrimination sexiste, une idéologie venue d’ailleurs tente d’imposer ses modèles archaïques de séparation des sexes et d’oppression des femmes. Le respect élémentaire du territoire de l’autre et de ses us, impose de ne pas mettre en avant des coutumes qui les bafouent : polygamie, mariages forcés, port des voiles, relégation et mépris des femmes, soumission aveugle à une religion particulièrement obscurantiste. »[26] C’est bien l’opposition entre le « eux » et « nous » qui est reprise ici. Au nom du féminisme, parce que le « eux » menace nos acquis, il s’agit maintenant pour elle de faire la guerre à l’islam par tous les moyens. Le glissement s’est opéré. L’islamophobie fait son chemin sur le terreau du féminisme. Dernier avatar en date : Fabien Engelmann, ex-militant de LO puis du NPA et de la CGT, est passé au Front National sur la base de l’islamophobie, considérant entre autre que Marine Le Pen est « la seule à défendre véritablement la loi de 1905, à dénoncer la banalisation du halal et les prières illégales sur la voie publique. » et que « le voile est un symbole de soumission de la femme, totalement à l’opposé du principe de l’égalité des hommes et des femmes, contraire à notre modèle civilisationnel et à nos valeurs progressistes. »[27]
Il n’est pas question pour Anne Zelensky de parler d’instrumentalisation du féminisme dans la mesure où le féminisme qu’elle défend est ouvertement raciste. Il n’a pas été approprié par d’autres pour servir une autre cause, c’est bien elle qui en fait directement usage ainsi.
L’appropriation du modèle « eux » - « nous »
La polémique récente par presse interposée, autour du « féminisme à la française » est l’exemple le plus flagrant de l’intégration de ce modèle. À travers l’affaire DSK, les conceptions soutenues, entre autre par Mona Ozouf[28] en 1995 dans Les mots des femmes[29], ont resurgi. En effet, dans cet ouvrage, elle développe l’idée d’un « féminisme modéré » et se félicite qu’en France, prédomine « un commerce heureux entre les sexes », hérité des salons aristocratiques. Plus récemment dans Le Monde, Irène Théry[30] défend un « féminisme à la française » qu’elle qualifie d’« universaliste » et considère que ce dernier doit refuser « les impasses du politiquement correct, veut des droits égaux des sexes et les plaisirs asymétriques de la séduction, le respect absolu du consentement et la surprise délicieuse des baisers volés ». Très justement, Joan Scott[31] soulève la contradiction que l’on peut observer entre le consentement et « la surprise des baisers volés ». Dans tous les cas, ce que ces discours démontrent c’est que l’on trouve des excuses au « nous » en la personne de Dominique Strauss-Kahn tandis que Nafissatou Diallo, représentante du « eux » n’a pas de crédit à leurs yeux en tout cas pas à ceux d’Élisabeth Badinter qui s’empresse de s’offusquer de la cabale et l’injustice qui s’abattraient sur DSK, et de dénoncer les mensonges supposés de sa victime[32]. La solidarité entre femmes s’arrête là où commence celle entre gens du même monde.
La majorité silencieuse
Une telle complaisance ne se retrouve pas chez les grandes associations des féministes de gauche, qui ont clairement pris position dans l’affaire DSK. Par ailleurs, Suzy Rojtman, du CNDF[33] écrit dans une tribune pour l’hebdomadaire Tout est à nous ! : « Le Front national va bientôt se déclarer le meilleur garant des droits des femmes. Non contente d’instrumentaliser la laïcité pour dégainer son discours anti-islam, Marine Le Pen prétend vouloir se battre contre les inégalités salariales et pour la parité, thèmes qui étaient jusqu’à aujourd’hui totalement étrangers au FN. »[34]
Mais ce constat ne conduit à aucune campagne particulière. La question du racisme est singulièrement absente de leurs publications. Ainsi, sur le site du CNDF, le dernier article auquel renvoie l’entrée « racisme » date de 2006 et consiste en une motion de solidarité avec les travailleurs sans-papiers. Les entrées « burqa », « voile » ou « islam » ne renvoient à aucun article concernant la France. Du côté d’Osez le féminisme, le premier numéro du journal OLF se proposait d’aborder en dossier central, « Les religions et les droits des femmes ». Bien que les articles évoquent l’ensemble des religions, il est particulièrement fait référence à l’islam dans l’article sur l’interdit vestimentaire : « On trouve aujourd’hui des retours de cette oppression dans l’islam à travers le voile et, d’une manière intégrale dans la burqa. »[35] Choisir d’aborder ce thème dès le premier numéro dans le contexte actuel au mieux porte à confusion, au pire, participe de la stigmatisation islamophobe qui s’opère dans la société. Il semble que, paralysées par leurs divisions concernant la question du foulard, les féministes soient rendues silencieuses face à la stigmatisation des populations musulmanes.
Le constat de l’utilisation du label féministe ne provoque pas de réaction. C’est ainsi qu’au moment où le gouvernement interdit le port du voile intégral « au nom » de la dignité des femmes, les organisations féministes se taisent, tout comme lorsque Luc Chatel annonce l’interdiction des sorties scolaires pour les mères portant un foulard. Ainsi, lorsque le gouvernement s’attaque spécifiquement à des femmes musulmanes en France, ces organisations ne réagissant pas, d’autres cadres se forment à côté. Elles se trouvent incapables de construire un « Nous les femmes » qu’elles appellent pourtant de leurs vœux : en cherchant à les homogénéiser, elles finissent par exclure des femmes du combat du féministe.
Les prémisses d’une articulation
L’articulation entre racisme et sexisme fait pourtant l’objet d’une réflexion ancienne, qui s’est en particulier construite en Amérique du Nord, avec le courant du black feminism. Des réflexions universitaires fructueuses existent également en France, notamment autour des travaux de Danièle Kergoat, d’Elsa Dorlin ou des auteur·es précédemment cité·es.
Des réseaux militants y font écho. Ainsi, le 20 mars 2011, Les Indivisibles, Les Mots sont importants, Les Panthères roses et Les TumulTueuses co-organisaient un débat refusant l’islamophobie au nom du féminisme. Le tract d’appel à cette réunion commençait ainsi : « Nous, féministes, dénonçons l’instrumentalisation des luttes féministes et LGBT à des fins racistes et islamophobes ». Ce fut la mise en place d’un cadre de débat croisant des militants LGBTI, féministes et antiracistes.
Dans un autre registre, le projet de Luc Chatel d’interdire l’accompagnement des sorties scolaires aux mères portant un foulard, une pratique déjà en œuvre dans certaines écoles avec son soutien, a suscité la création d’un collectif Mamans Toutes Égales, à l’initiative de mères voilées qui regroupe à la fois des associations qui luttent contre le racisme et l’islamophobie et des associations féministes.
Mais, globalement, le mouvement féministe, dans sa diversité, semble bien peu prendre en compte cette problématique, qui questionne pourtant ses propres fondements : l’expérience du racisme vécue par les femmes noires ou arabes ne se surajoute pas à celle du sexisme qui serait commune à toutes les femmes. C’est leur expérience même du sexisme, compte tenu de leurs places respectives dans la société qui diffèrent entre femmes blanches et racisées. Au fond, cette question soulève donc des enjeux stratégiques plus larges encore. De quoi parle-t-on lorsqu’on évoque « le » féminisme ? N’y a-t-il pas plusieurs féminismes ? N’est-ce pas le sujet « Nous les femmes » qu’il s’agit de questionner derrière ce débat sur l’instrumentalisation ?
Pistes pour un féminisme antiraciste combatif
Repenser la catégorie « Nous les femmes » pour résister à l’instrumentalisation
Il n’est pas question ici comme peut le proposer Nina Power d’« abandonner » le mot féminisme ou même d’« en limiter l’usage ». Il s’agit au contraire de lui redonner le contenu subversif qui l’a conduit aux victoires que nous connaissons.
Dans les années 70, la catégorie « Nous les femmes » a été le moteur du mouvement féministe occidental. Si la construction de ce nouveau sujet politique a été une avancée quand le masculin neutre dominait, il s’agit maintenant de la repenser à l’instar de ce qu’a proposé le black feminism aux États-Unis. En effet, la catégorie « Nous les femmes » a finalement eu une prétention réuniversalisante puisqu’elle a cherché à constituer un sujet politique unique alternatif au masculin. Elle s’est fondée sur une expérience commune : « Nous revendiquions simplement la réalité de l’expérience des femmes comme terrain de positionnement de ce mouvement, comme base pour une action politique consciente. Finalement, une fois sorties de leur flagrante invisibilité, on pouvait illustrer de bien des façons les réalités vécues par les femmes et presque tout le monde pouvait les comprendre en s’y impliquant avec un minimum de sympathie. »[36]
Or, selon Elsa Dorlin, « si toutes les femmes font bien l’expérience du sexisme, malgré cette commensurabilité de l’expérience, il n’y a pas pour autant d’expérience "identique" du sexisme, tant les rapports de pouvoir qui informent le sexisme modifient ses modalités concrètes d’effectuation et partant les vécus des femmes ». [37] En permanence, la classe, la race et le sexe, entre autre, produisent des expériences diverses. C’est pourquoi, il ne nous semble plus possible de partir d’un sujet préalable, le « Nous les femmes ». Les conditions matérielles et les discours les accompagnant ont opéré un fossé entre les femmes blanches et les femmes racisées et en particulier musulmanes. Chercher à reconstituer ce sujet revient à lui donner une essence, une façon d’être femme même si le pluriel admet quelques différences (lesquelles ? qui en décide ?). Même les féministes de la majorité silencieuse n’ont pas cherché à le résorber pour reconstruire ce sujet politique. Finalement, « aller vers un féminisme à vocation universelle » implique donc de renoncer à une posture universalisante et à la construction d’un modèle de l’oppression ou d’un modèle de la libération.
À l’instar de Judith Butler, il nous semble que c’est dans la lutte que le sujet se construit. Elle explique dans Trouble dans le genre qu’il n’y a pas besoin d’un « acteur ou une actrice caché-e derrière l’acte puisque celui/celle-la, se construit de toutes sortes de manières dans et par l’acte. »[38] C’est donc, en se battant sur des revendications concrètes, telles que le retrait du projet Chatel que nous parviendrons à construire un mouvement féministe de masse, qui ne soit pas dupe de l’instrumentalisation raciste en cours.
Articuler féminisme et antiracisme
Mais cet antiracisme ne peut se contenter d’être un supplément d’âme pour la stratégie féministe. Tout d’abord, il implique de tenir compte de la position qu’occupent les un·es et les autres dans les rapports de pouvoir au sein de la société. Comme le soutiennent Patricia Roux, Lavinia Gianettoni et Céline Perrin : « Si l’on admet que le Nord domine le Sud, que les modalités de l’"intégration" (cet euphémisme utilisé tant pour dissimuler une volonté politique d’assimilation que pour affirmer l’incommensurabilité de l’Autre, étranger) ne sont jamais définies par les personnes migrantes mais par le pouvoir national en place, il nous faut aussi penser la position que nous occupons dans ce rapport de pouvoir : en tant qu’Occidentales et Blanches (en tout cas pour beaucoup d’entre nous dans les collectifs féministes où nous militons), nous occupons une position de supériorité et nous tirons un certain nombre d’avantages, comme tous les dominants, de cette position occidentale. »[39] Ainsi, l’auto-organisation des personnes racisées est nécessaire pour construire un cadre de solidarité et de défense collective mais aussi, pour proposer des orientations et des campagnes féministes antiracistes à tout le mouvement féministe.
Ensuite, il s’agit de repenser l’articulation entre les différentes oppressions qui ne peut s’opérer de la même manière en tout temps et en tout lieu. Pour ce faire le concept d’intersectionnalité peut être un outil. Élaboré par Kimberley Crenshaw, ce concept signifie que les oppressions sont en interaction. Autrement dit, les oppressions croisées n’impliquent pas forcément une addition de ces oppressions et des difficultés qui se cumulent. Leurs existences conjointes produit des effets en particulier dans les résistances mises en œuvre. Naima Anka Idrissi explique en effet : « Pour prendre un exemple, dans les quartiers populaires, la stigmatisation liée à la race touche les filles au même titre que les garçons. Il se crée alors des résistances collectives face à cette oppression. Dans un entretien réalisé avec une élève d’origine tunisienne, la jeune fille expliquait que selon les contextes elle privilégiait le respect de la norme de genre ou la transgressait pour résister à une domination de race et/ou de classe. Dans sa cité, au milieu de ses pairs, elle explique qu’elle porte une attention particulière à son vocabulaire car "Je suis une fille, faut parler bien", cependant dans le cadre scolaire qui est souvent vécu comme un lieu d’exclusion et qu’Éric Debarbieux définit comme un lieu où s’exerce "un affrontement entre une ‘violence civilisatrice’ et une ‘résistance à cette force’"[40] elle affirme que "Je réponds, j’m’en fous de dire des gros mots, faut pas qu’elle [l’enseignante] se croit supérieure à moi." » Il y a donc des choix de résistance qui s’opèrent suivant les situations et selon qu’elles mobilisent tel ou tel rapport de domination. »[41] La question se pose alors concrètement de savoir, selon Sirma Blige, « si oui ou non on peut accorder plus de poids à un des axes dans un contexte donné, si l’on doit nier tout effet autonome des systèmes de race, de genre, de classe etc. »[42] lorsqu’il s’agit d’élaborer des revendications.
Conclusion
Ainsi, comme le note Sylvie Tissot : « Le féminisme est devenu une des "métaphores du racisme" : il alimente des représentations et des pratiques racistes, mais sur un mode euphémisé et par conséquent "respectable". Il est devenu légitime en effet, paré de la caution féministe, de stigmatiser "l’islam", désigné comme religion sexiste, de renvoyer les femmes musulmanes, a fortiori voilées, à leur aliénation. Ce discours n’a pas seulement libéré la parole raciste, mais il a aussi été mobilisé concrètement, à l’occasion de lois restreignant les droits humains, c’est-à-dire aussi bien des hommes que des femmes. »[43]
Il semble donc primordial d’élaborer et de dénoncer les offensives idéologiques actuelles. Tout d’abord, il est indispensable de mesurer les effets de cette instrumentalisation pour construire une contre-hégémonie féministe. Elle constitue en effet un véritable piège pour le mouvement féministe : elle conduit à casser la solidarité entre femmes, en mettant d’un côté les femmes musulmanes, avec ou sans foulard, victimes soumises et jamais considérées comme actrices de leur émancipation, sauf si elles manifestent leur adhésion aux « valeurs occidentales », de l’autre la société occidentale, voire le féminisme occidental, capable d’édicter les normes de l’égalité hommes-femmes et les chemins de la libération. Les féministes ne doivent faire aucune concession devant l’instrumentalisation qui s’opère : tenir les deux bouts, en permanence. Dénoncer pied à pies, jours à après jour ces perversions. Il en va de l’avenir du combat féministe.
________________________________________
[1] racisées : « victimes du racisme ». Ce terme fait débat. Nous avons choisi de le garder parce qu’il marque le processus de catégorisation.
[2] Voir la présentation sur le site d’Arte : http://www.arte.tv/fr/3388100,CmC=3388108.html.
[3] Il nous semble important de le signaler. Non qu’il s’agisse de féministes blanches par essence mais d’une place particulière qu’elles occupent dans les rapports sociaux de race, de classe et de sexe.
[4] Nous ne nous appesantirons pas sur la gauche dont la façon d’aborder ou de ne pas aborder le débat recoupe celle de certaines féministes.
[5] Marine Le Pen, AFP, 11 décembre 2010.
[6] Ibid.
[7] Communiqués disponibles sur le site du CNDF : http://www.collectifdroitsdesfemmes.org/spip.php?article300.
[8] « Sarkozy s'interroge sur l'utilité de la Journée internationale des femmes », AFP, 8 mars 2011.
[9] http://www.lemonde.fr/societe/article/2010/01/13/voile-integral-sarkozy-veut-une-resolution-sans-ambiguite-avant-un-texte-de-loi_1291389_3224.html.
[10] Nina Power, La Femme unidimensionnelle, Les Prairies ordinaires, 2010, p. 17.
[11] Katha Pollitt, « After Iraq and Afghanistan, Muslim Feminists Are Leery of Seeming Close to the West », The Nation, 23 juin 2007, citée par Nina Power, p. 23.
[12] Anne Revillard, « féminisme d’État : constructions de l’objet », 2006. Elle reprend cette définition de McBride Stetson et Mazur, Comparative State Feminism, Sage, Thousand Oaks, p. 333.
[13] Françoise Thébaud, Une féminisme d’État est-il possible en France ? L’exemple du ministère des Droits de la femme, 1981-1986, in Ian Coller, Helen Davies and Julie Kalman (eds), French History and Civlization. Papers from the Gerorge Rudé Seminar, vol. 1, University of Melbourne, 2005, p. 236-246.
[14] Cahiers du féminisme, n° 26, automne 1983, p. 16-19.
[15] Christelle Hamel, « La sexualité entre sexisme et racisme : les descendantes de migrant-e-s du Maghreb et la virginité », Nouvelles Questions féministes, vol. 25, n° 1/2006.
[16] Ibid.
[17] Ibid.
[18] Ibid.
[19] Ibid.
[20] Éric Fassin, « Homosexuels des villes, homophobes des banlieues ? », Métropolitiques, 2 décembre 2010.
[21] Ibid.
[22] Sara R. Farris, « Femonationalism and the "regular" army of labor called migrant women », History of the present, n° 2, 2011.
[23] LOCS, groupe féministe de lesbiennes originaires d’Afrique, des Amériques, des Antilles, des Caraïbes, du Moyen-Orient et d’Asie.
[24] LOCS, « Basta, le racisme et la xénophobie au nom de le lutte contre le racisme », le 12 avril 2011 : http://www.espace-locs.fr.
[25] Sirma Bilge, « Théoriser la différenciation sociale et l’inégalité complexe », in L’homme et la société, L’Harmattan, 2011.
[26] http://www.disons.fr.
[27] http://ripostelaique.com, 31 janvier 2011.
[28] Historienne de la révolution française.
[29] Mona Ozouf, Les mots des femmes. Essai sur la singularité française, « L'esprit de la cité », Fayard, 1995.
[30] Sociologue spécialisée dans le droit, la famille et la vie privée, auteure de la tribune « La femme de chambre et le financier », Point de vue, lemonde.fr, le 23 mai 2011.
[31] Historienne américaine, spécialiste de la France, tribune parue dans Libération, le 9 juin 2011.
[32] Intervention sur France Inter le 6 juillet 2011.
[33] Collectif national pour les droits des femmes, constitué en 1995 et regroupant l’essentiel du mouvement social.
[34] Tout est à nous !, 25 mai 2011.
[35] OLF, n° 1, septembre 2009.
[36] Catharine Mackinnon, « Féminisme, marxisme et postmodernisme », traduit par Elizabeth Tuttle et Annie Bidel Mordrel, in Annie Bidet-Mordrel (dir.), Rapports sociaux de sexe, Actuel Marx, n° 30, septembre 2001.
[37] Elsa Dorlin, Sexe, genre et sexualités, PUF, 2008, p. 84.
[38] Judith Butler, Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion, La Découverte, 2005, p. 267.
[39] Patricia Roux, Lavinia Gianettoni et Céline Perrin, « Féminisme et racisme. Une recherche exploratoire sur les fondements des divergences relatives au port du foulard », Nouvelles Questions Féministes, vol. 25, n°1 , 2006, p 86.
[40] Éric Debarbieux et al., « Le construit "ethnique" de la violence », in Bernard Charlot et Jean-Claude Emin (dirs), Violences à l’école. État des savoirs, Armand Colin, 1997.
[41] Naima Anka Idrissi et al., « Some of us are brave… » : http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no06-fevrier-avril-2011/article/some-of-us-are-brave.
[42] Sirma Bilge, « Théoriser la différenciation sociale et l’inégalité complexe” » in L’homme et la société, op. cit.
[43] Sylvie Tissot, « Bilan d’un féminisme d’État », février 2008, LMSI.net.
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15/09/2011 - 23:15
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Message  Rougevert Dim 8 Mar - 19:15

Toussaint a écrit:
Rougevert a écrit:-le droit des femmes à disposer de leur corps (contraception, avortement, sexualité, orientation sexuelle, indépendance conjugale et contre les mariages forcés))
-discrimination et attribution de rôles sexués (tâches domestiques, éducation des enfants)
-égalité des droits : notamment l'accès à l'instruction, à l'emploi, égalité des salaires.

Non, en effet, et je remarque que tout cela est en bonne place dans la Marche Mondiale des Femmes, qui réunit des féministes de toutes cultures et orientations religieuses, contrairement à ce qu'ont essayé de faire les féministes françaises dans leur majorité, se livrant même, notamment les Femmes Françaises, à des agressions verbales, voire physiques sur des féministes musulmanes portant le voile.
A quelle question réponds-tu?
La question était:
"Le féminisme est-il universel?"
ou bien
"Ces revendications sont-elles "relativisables"?
Tu réponds non, alors que tu cites les principales revendications féministes.
J'attends donc une  précision.
Votre projet est de créer une société de décolonisation (ce que serait une société communiste, mais vous n'employez pas ce mot de "blanc" ) et donc que nous vivions tous ensemble.
Alors que deviennent les revendications que tu cites et les droits des femmes dans ton relativisme?
Sont-elles des mesures colonisatrices valables seulement pour les femmes blanches???


Toussaint a écrit:
Certaines revendications féministes sont en effet mondiales, mais le féminisme européen n'est pas universel, les chemins de l'émancipation sont divers, n'en déplaise à tous les racistes et éducateurs de femmes autoproclamés.
Droit au but!
Dis nous lesquelles!


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Message  Rougevert Dim 8 Mar - 19:22

Pour le reste ... Very Happy
Voici ce que dit un porte parole REPRESENTATIF des colonisés musulmans à propos du mariage pour tous...et de la PMA:
http://www.uoif-online.com/communiques/discours-du-president-luoif-larencontre/
Le Président de l'UOIF a écrit: L’avortement, l’euthanasie ou le suicide assisté qui existent ailleurs, le rapprochement entre l’état des connaissances scientifiques et le droit des fœtus, mais aussi les conditions de la procréation médicalement assistée sont autant de questions qui nécessitent un dialogue profond et argumenté entre les savants des différentes religions et les institutions.

Enfin, l’intégrité physique et morale, c’est aussi comprendre qu’un individu a le droit de connaitre sa filiation. Des repères aussi simples mais tellement importants tels que savoir qui est son père et qui est sa mère sont ébranlés. Cela ne date pas uniquement de la loi dite sur le « mariage pour tous » mais cette dernière a bel et bien marqué un pas supplémentaire dans la dislocation de la filiation en énonçant qu’un enfant pourrait avoir deux pères ou deux mères.
C'est le moins qu'on puisse dire!

Etonnant non?
Les revendications des associations LBGT sont européennes elles aussi.
Alors quand on compare avec ta haine contre CH "torchon raciste sexiste et homophobe" notamment sur le dessin d'une "une" (une caricature) que tu as présentée, comprends que ta position puisse paraître alambiquée.
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Message  Rougevert Dim 8 Mar - 19:38

Toussaint a écrit:

Non, en effet, et je remarque que tout cela est en bonne place dans la Marche Mondiale des Femmes, qui réunit des féministes de toutes cultures et orientations religieuses, contrairement à ce qu'ont essayé de faire les féministes françaises dans leur majorité, se livrant même, notamment les Femmes Françaises, à des agressions verbales, voire physiques sur des féministes musulmanes portant le voile.


Faux.
Objectifs de la Marche Mondiale des femmes (et non des féministes)
http://www.marchemondiale.ch/index.php/fr/a-propos

La Marche mondiale des femmes est un réseau d'actions mondial rassemblant des groupes de la base, oeuvrant pour éliminer la pauvreté et la violence envers les femmes.
C'est suffisamment vague, pour que n'importe qui puisse y participer, y compris Christine Boutin.
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Message  Toussaint Dim 8 Mar - 19:45

Tu peux continuer longtemps tes délires sur les positions de tel ou tel regroupement religieux.

Personne n'a nié que l'UOIF ou les rabbins, les évêques ont pris des positions réactionnaires sur la question du mariage pour tous. Mais il me semble évident que la réponse aux questions posées demande pour des religieux un dialogue entre religions et à l'intérieur des religions, et aussi avec les institutions politiques, je ne vois rien de choquant dans cela. A moins de considérer que les religions et les institutions religieuses n'ont pas le droit de prendre position sur des questions dont certaines les heurtent et d'autres les confortent. Que des églises prennent position sur les questions sociales est absolument légitime et je soutiens leur droit entier à le faire, et à faire entendre leur point de vue. Ensuite, que je sois en accord ou en désaccord avec leurs positions me regarde et j'ai le droit de leur dire mon accord et mon désaccord. Que les croyants soient partagés ou pas, que ces églises soient aussi monolithiques que LO ou pas est une affaire qui les regarde et regarde les croyants d'abord. Je ne me vois pas donner aux musulmans des leçons de religion pour les convaincre du bien fondé du marxisme-révolutionnaire selon leurs textes sacrés et encore moins pour leur montrer que ce qu'ils croient n'est pas ce que dit leur religion, je n'ai pas une fascination pour le ridicule.

Quant aux revendications féministes que je partage, je vois que tu recommences à ne pas savoir lire et à péter un câble, prends ton calmant et respire profondément. Tu as essayé les génuflexions? c'est excellent pour la santé et l'équilibre nerveux.

Les féministes musulmanes et le CEPT ont fait partie des marches mondiales des femmes, sur les revendications que tu as présentées, dont aucune, strictement aucune ne suppose une abjuration de la foi musulmane, et dont aucune, strictement aucune ne suppose la lutte contre les musulmanes croyantes portant un voile. Contrairement à ce qui s'est passé et se passe encore souvent en Europe, comme on le voit avec la logorrhée de la Fourest. Je maintiens que le discours de Tariq Ramadan que j'ai mis en ligne et que personne n'a commenté (comme c'est étrange, pourtant, là, c'est un théologien musulman qui parle à des musulmans en priorité, et dit très exactement le contraire de ce que lui fait dire la Fourest, cette falsificatrice professionnelle).
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Message  Toussaint Dim 8 Mar - 19:49

Faux.
Objectifs de la Marche Mondiale des femmes (et non des féministes)
http://www.marchemondiale.ch/index.php/fr/a-propos



La Marche mondiale des femmes est un réseau d'actions mondial rassemblant des groupes de la base, oeuvrant pour éliminer la pauvreté et la violence envers les femmes.

C'est suffisamment vague, pour que n'importe qui puisse y participer, y compris Christine Boutin.

Very Happy  Very Happy   Very Happy

Eliminer la violence de genre et la pauvreté liée au genre, ce n'est donc pas féministe? J'adore ce genre de jugement très masculin, on ne s'en lasse pas...
Quant à Christine Boutin, quelle étrangeté, elle n'y a pas été, à la Marche des Femmes, en revanche, tous les mouvements féministes du monde que je connaisse y ont participé, mon pauvre Rougevert, ton état est inquiétant.

Féminisme et anti-racisme : savoir d’où l’on part, pour savoir où aller

C’est la lecture de l’article « Comprendre l’instrumentalisation du féminisme à des fins racistes pour résister » qui a motivé la rédaction de ce texte. Sans vouloir nous opposer aux analyses et aux orientations que cet article déploie, il nous a semblé important d’apporter une contribution critique à ce texte ; non pas sur l’analyse – que nous partageons – des mutations des discours de la droite réactionnaire mais sur la réalité des pratiques et des discours féministes et antiracistes de l’extrême gauche.
En effet, il nous paraît aujourd’hui primordial de ne pas occulter les politiques hésitantes voire problématiques des organisations anticapitalistes et révolutionnaires, mais de les analyser concrètement et de les critiquer fermement dans une perspective de reconstruction d’une politique féministe et antiraciste radicale.
Alors que l’État français et – de manière plus générale – les États impérialistes mènent une offensive raciste et sexiste sur l’ensemble des populations, il est important d’analyser non seulement les méthodes employées par les gouvernements pour légitimer cette offensive, mais aussi les réponses de notre propre camp politique et social et plus particulièrement celles des organisations françaises d’extrême gauche. Cela nécessite de revenir sur les positions qui ont été celles de ces organisations en 2003, qui ont ceci de commun qu’elles exprimaient un refus de prendre résolument position contre la prohibition et l’exclusion des jeunes filles voilées de l’école publique. En effet, plusieurs déclinaisons du prohibitionnisme se sont exprimées. Si une organisation comme Lutte Ouvrière a rapidement tranché en faveur de la loi d’interdiction, les débats au sein du PCF et surtout de la LCR ont été vifs. Alors qu’une minorité de militant·es ainsi que les JCR prenaient part aux luttes anti-prohibitionnistes, la majorité de l’organisation tranchait en faveur d’une orientation « Ni loi, ni voile », avec pour mot d’ordre « Pas besoin de loi pour combattre le voile », adhérant en pratique au principe de l’exclusion de ces jeunes filles.
La répression raciste et sexiste de 2003 ne s’est pas arrêtée là. Alors que Nicolas Sarkozy présente la France comme une terre d’asile pour les femmes victimes de violences, est adoptée la loi d’interdiction du port du voile intégral exposant les contrevenantes à des amendes, puis signée une circulaire ayant pour effet d’empêcher les mamans portant le foulard d’accompagner les sorties scolaires de leurs enfants[1]. Pendant ce temps, le NPA persistait dans l’indécision qui avait été celle de la LCR et reproduisait en son sein, à propos de la candidature d’Ilham Moussaïd, un débat symétrique à celui de 2003. La difficulté à admettre la capacité d’une femme portant le foulard, militante, à représenter le parti témoigne de la persistance d’une défiance à l’encontre de ces femmes.
En cette fin d’année 2011 débutent les campagnes présidentielles des partis politiques français. Cette dernière décennie a été marquée par de nombreuses mesures antisociales, racistes et sexistes : traque des sans-papiers, des Rroms, fermeture de centres IVG. Concrètement les résistances n’ont pas été assez puissantes pour, d’une part, empêcher réellement l’instauration de ces mesures et, d’autre part, lutter contre la légitimation idéologique de ces pratiques.
C’est à l’aune de ces constats que doivent être analysées et critiquées les politiques menées par l’extrême gauche française afin de repenser l’intervention de celle-ci dans les futurs défis. Ce texte portera spécifiquement sur la LCR (et le NPA depuis sa création) en raison de la vivacité des débats qui ont animé (et animent toujours) cette organisation sur cette question et des conséquences de ces hésitations sur son implication dans les luttes.
C’est en étudiant l’un des moments-clés qui révèle selon nous les failles et les lacunes de l’extrême gauche sur l’articulation féminisme-antiracisme, c’est-à-dire les luttes de 2003 et 2004 contre l’exclusion de jeunes filles voilées des écoles publiques (I), que peut se construire une critique féconde à partir de laquelle un féminisme et un antiracisme radical, matérialiste doivent se ré-élaborer (II).
I. Laïcité, islamophobie et responsabilité de l’extrême gauche
La position « Ni loi, ni voile » adoptée par la LCR en 2003 camoufle mal une adhésion de fait à la possibilité pratique pour le corps enseignant d’exclure de l’école publique des jeunes filles portant le foulard. En prétendant sortir du débat entre prohibitionnisme et anti-prohibitionnisme, la majorité de la LCR n’en a en réalité changé que les termes, en en conservant le fond et a en conséquence fait le choix de ne pas participer aux initiatives menées contre la loi ou en défense de ses victimes.
Dans un contexte d’islamophobie mondiale et de « guerre des civilisations », la position de la LCR était révélatrice de sa perméabilité à ce discours : le changement de position sur cette question entre 1989 et 2003 n’est pas anodin et doit être analysé à la lumière de l’évolution de la situation et du discours national et international.
La position majoritaire de la LCR témoigne d’une adhésion à une laïcité « nouvelle version », qui viserait non plus à garantir la liberté d’exercice des religions (de toutes les religions) et la neutralité de l’État vis-à-vis de celles-ci, mais au contraire à restreindre cette liberté d’exercice, au nom de l’athéisme. Que cette position ait été justifiée par le recours à des arguments féministes, marque l’imprégnation des organisations d’extrême gauche par un contexte international de stigmatisation d’un sexisme « pire que les autres » qui serait essentiellement arabo-musulman et dont il conviendrait d’en libérer les victimes, y compris par la répression.
A. La laïcité : de la protection à la répression…
Il est important pour analyser la gravité du racisme qui imprègne la société française – ses organisations de la gauche révolutionnaire comprises – d’une part de revenir aux textes de lois et à la définition du principe de laïcité en France et d’autre part d’opérer un retour sur les événements importants qui jalonnent le lent processus de transformation de la laïcité à des fins islamophobes. Processus qui s’inscrit, à l’échelle internationale, dans une politique plus large de défense de l’Occident capitaliste, mâle et blanche.
1. 1989-1905
C’est en 1989 que s’enclenche le double processus de transformation du concept de laïcité et de ré-élaboration d’un nouveau discours raciste et sexiste. Distinguer l’un de l’autre nous conduirait à des errements qui permettraient de nier la responsabilité de l’extrême gauche dans ces processus.
En septembre 1989, trois jeunes filles sont exclues provisoirement du collège de Creil (Oise) au motif que le port du foulard peut être considéré comme une atteinte à la laïcité. C’est à ce moment-là qu’est exposée médiatiquement la question du « danger » qui menacerait le principe de laïcité[2].
Le ministre de l’Éducation nationale, Lionel Jospin, demanda au Conseil d’État de rappeler le texte de loi : les élèves disposant de la « liberté de conscience » ont le « droit de porter des signes religieux ». Le prosélytisme peut être un motif d’exclusion.
Ce n’est qu’en 1994 que se rouvre l’affaire lorsque le ministre de l’Éducation nationale d’alors, François Bayrou, signe une circulaire à l’attention des directeurs d’établissements scolaires dans laquelle « le foulard est défini comme un "signe ostentatoire en soi", qui manifesterait donc une attitude prosélyte (contrairement à la croix ou la kippa)[3] ».
Alors que 18 lycéennes de Strasbourg sont exclues de l’école publique, le Conseil d’État « conclut, le 10 juillet 1995, qu’il ne peut y avoir interdiction générale ni exclusion automatique des jeunes filles portant le foulard islamique. Il énonce à nouveau qu’aucun signe ne saurait être considéré "ostentatoire" par nature et, se référant à la loi sur la séparation des Églises et de l’État de 1905 (populairement appelé loi sur la laïcité), qu’un signe religieux ne peut être en lui-même contraire à la laïcité »[4].
La loi de la séparation des Églises et de l’État repose sur le principe de laïcité qui garantit ainsi la liberté de conscience et de culte à chaque citoyen. Comme l’écrit Catherine Samary : « La laïcité [est] un ordre institutionnel, pas une philosophie anti-religieuse »[5]. L’on s’abstiendra ici d’étudier la transformation des valeurs et des principes chrétiens et ses résurgences théoriques et pratiques dans les processus historiques de sécularisation. Toutefois, on ne peut faire l’impasse sur le fait que la société française, quand bien même elle s’affirme laïque, est déterminée par la culture chrétienne. Cette dernière irrigue, de manières divergentes certes, toutes les composantes de cette société : des plus au moins militantes, des plus conservatrices au plus révolutionnaires[6]. Cela s’effectue de manière transversale par les lois, les institutions, les coutumes, l’organisation sociale, les productions artistiques, les discours, les pratiques quotidiennes ; que l’on y adhère ou qu’on les combatte, consciemment ou non.
2. Un contexte occidental d’islamophobie
2001 est l’année des manifestations massives anti-G8 à Gênes ainsi que des attentats du World Trade Center. Le gouvernement états-unien de Bush, après avoir annoncé que les attentats étaient revendiqués par Oussama Ben Laden, déclare la « guerre contre le terrorisme » et l’instauration d’un « état d’exception permanent ». La « guerre préventive » ainsi théorisée permettra à l’OTAN d’organiser des opérations belliqueuses en Afghanistan, puis aux États-Unis et au Royaume-Uni d’intervenir (sans mandat de l’ONU cette fois-ci) en Irak en 2003.
Larguer des bombes sur des populations civiles devient l’outil occidental de lutte contre le « terrorisme » ainsi que « pour la libération des femmes » des jougs de l’islamisme.
Ces événements permettent de réactualiser les thèses de Samuel Huntington publiées dans Le Choc des civilisations en 1996 : après l’effondrement des régimes soviétiques, les antagonismes ne se situeraient plus sur le plan des orientations politiques de classes mais sur celui des cultures. S’ouvre alors, avec les attentats du WTC, la théorie-socle du nouvel impérialisme : le « conflit de civilisations ».
Celui-ci repose sur une stratégie de décalage des problématiques politiques internes à chaque nation. L’existence du « mode de vie occidental » (présenté comme libéral et égalitaire) est menacé par le fantasme d’une « théocratie islamique expansionniste » qui impose son orientation par le terrorisme : les luttes de classes sont déniées.
L’exposition de femmes afghanes portant la burqa devient le prétexte « féministe » pour les États occidentaux d’intervenir en Afghanistan : a contrario le sexisme occidental est nié, l'Occident présenté comme l'eldorado de l'égalité entre les sexes.
La présentation médiatique de traductions (souvent contredites) de textes anti-impérialistes produits par différentes organisations arabes, religieuses ou non, devient la justification d’une guerre menée à des fins « antiracistes » : l’anti-impérialisme des peuples arabes est qualifié par l’Occident comme une forme de racisme, masquant ainsi les politiques véritablement racistes menées par les États occidentaux que ce soit à l’échelle internationale comme à l’échelle nationale.[7]
3. Le climat français d’islamophobie (2003-2004)
Le « choc des civilisations » est repris en France par nombre d’intellectuel·les et de politicien-ne-s. La théorie d’Huntington selon laquelle certaines civilisations (toutes de cultures musulmanes !) ne pourraient se « moderniser » permet au cirque médiatique – dont Éric Zemmour, Alain Finkielkraut ou Élisabeth Lévy en sont les principaux représentants – de théoriser l’échec de l’« intégration » (voire de l’« assimilation ») pour les individus « de culture musulmane ».
Cela leur a permis de poser dans le débat un double enjeu : d’une part, il faudrait lutter contre l’immigration (musulmane) parce que la culture musulmane ne permettrait pas de s’inscrire dans la société française ; d’autre part, pour lutter contre le terrorisme, il faudrait s’attaquer aux ennemie·s de l’intérieur (les Arabes et les noir·es), tou·tes potentiellement suspect·es de par les liens qu’ils et elles manifesteraient à toute religion ou culture musulmane (qu’ils soient d’ordre vestimentaire, langagier, culinaire…). Au racisme biologique s’est substitué un racisme culturel[8].
La suspicion à l’égard des Arabes et des noir·es s’est exacerbée en 2003. C’est dès la rentrée scolaire que deux jeunes filles portant le voile, Alma et Lila Lévy, sont exclues du lycée Henri Wallon d’Aubervilliers. Un coup d’un professeur d’extrême droite ? D’un lecteur attentif des chroniques d’Éric Zemmour ? Non. Le mérite revient à Pierre-François Grond, Mathiew Berrebi tous deux militants de la Ligue Communiste Révolutionnaire ainsi qu’à Georges Vartaniantz, Loris Castellani, Lise Tchao, militant·es à Lutte Ouvrière[9].
On ne peut a priori imputer la responsabilité de ces exclusions aux organisations politiques auxquelles ces militant·es appartiennent, et quand bien même ils auraient été membres de leur Bureau Politique (comme P.-F. Grond par exemple). C’est bien plutôt l’intervention de ces organisations au cours de ces exclusions et du débat sur la loi relative au port de signes religieux à l’école qu’ils ont réactivé qui est préoccupante.
Si LO s’est rangée comme un seul homme (blanc) du côté des prohibitionnistes – et donc du côté de l’État capitaliste, sexiste et raciste – on ne peut nier que de nombreux débats ont traversé et divisé la LCR. Une minorité de militant·es de cette organisation, ainsi que la majorité de son organisation de jeunesse, les JCR, se sont opposées à l’exclusion des filles voilées des écoles, s'opposant ainsi à la position adoptée par la majorité de l'organisation.
Le (seul) tract national de la LCR était titré : « Pas besoin de loi pour combattre le voile ! » C’est un coup dur pour tous les matérialistes dialectiques ! Pas besoin de loi pour combattre un symbole : nos militant·es expulsent ce symbole et les femmes qui le portent des écoles publiques. Ce n’est pas comme si la religion était « tout à la fois l’expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle »[10].
La politique du « ni-ni » a permis à la LCR de ne pas trancher sur une position : s’opposer à une mesure d’un gouvernement réactionnaire ne mange pas de pain et en même temps on continue d’affirmer que l’on soutient les exclusions des écoles après le « dialogue, [la] médiation, le temps à y consacrer, le moment de la décision »[11]. On rappelle : l’exclusion d’Alma et Lila Lévy a eu lieu le mercredi 24 septembre, 3 semaines après la rentrée !
Le principe de laïcité est devenu un outil, non plus de protection des individu·es d’une menace théocratique, de protection de la liberté de culte et de conscience mais, d’une part, de répression des femmes qui afficheraient ostensiblement leur appartenance religieuse à l’islam et le symbole de leur oppression, d’autre part, de renforcement de l’hégémonie culturelle de l’Occident. La laïcité en France est l’un des outils aujourd’hui qui permet de contribuer à « la défense de l’Occident »[12].
B. L’adhésion à un féminisme paternaliste
La position adoptée par la majorité de la LCR s’est avérée être dans la pratique une position d’approbation de l’exclusion de l’école publique des jeunes filles portant le foulard. Que cette position ait été justifiée par la nécessité de lutter pour l’égalité entre les hommes et les femmes est pour le moins paradoxale quand on sait les effets que sont susceptibles d’avoir en termes de stigmatisation et de déscolarisation de telles exclusions. Cette position ne peut être défendue et mise en œuvre qu’au prix de l’adhésion à un féminisme paternaliste et autoritaire qui revient à libérer, sans elles et parfois malgré elles, les premières concernées et ce y compris à l’aide de moyens répressifs.
1. Le refus d’entendre la parole des jeunes filles portant le foulard
L’adhésion à « une version extralégale du prohibitionnisme »[13] ne peut se faire qu’à condition de priver de droit à la parole les premières concernées. En effet, le refus quasi-général d’entendre et de prendre en compte la parole des jeunes femmes portant le foulard est l’un des éléments marquant des débats qui ont eu lieu en 2003. Si un tel refus se comprenait aisément de la part de la commission Stasi, il était et demeure plus étonnant de la part d’organisations politiques telles que la LCR ou LO. Et pourtant, ce refus s’est manifesté à plusieurs reprises et témoigne d’une « appréciation unilatérale de la signification du foulard »[14] en contradiction avec la parole même des premières concernées.
Ainsi, dans le tract daté du 15 décembre 2003, la LCR affirmait, en guise de préambule que « le port du foulard islamique exprime l’oppression et l’infériorité de la femme ». Cette appréciation définitive et univoque du port du foulard est révélatrice de l’absence de prise en compte des « motivations individuelles des jeunes filles porteuses de voiles […] y compris lorsqu’elles traduisent des formes personnelles d’émancipation »[15] telle par exemple l’affirmation d’une appartenance à un groupe religieux et culturel stigmatisé et discriminé.
Davantage, une telle position exprime la volonté de lutter contre le voile et l’oppression dont il est le signe, sans les jeunes filles voilées, en se passant purement et simplement de leurs expériences et de leurs avis. Dès lors, c’est avec mépris et indifférence qu’a été considérée leur parole. Un militant de la LCR exprimait d’ailleurs cette indifférence violente en s’indignant de ce qu’un tract des JCR qui s’opposait à l’exclusion des jeunes filles portant un foulard mettait « en valeur les propos d’une femme voilée »[16].
2. « L’émancipation des opprimés sera le fait de ceux qui ne le sont pas »[17]
Opprimées muettes ou plutôt privées de parole, les jeunes filles voilées ont pu dès lors être décrites comme des victimes, « aliénées a priori »[18], que l’on forçait à se parer d’un foulard. Ainsi c’est au nom du féminisme qu’il fallait les libérer, les émanciper. Le foulard est alors devenu LE signe « incomparablement pire que tout autre »[19] de LA violence sexiste, signe qu’il fallait à tout prix combattre même s’il fallait pour cela s’attaquer à celles qui le portaient. En effet, malgré le refus affiché d’approuver une loi interdisant le port de signes religieux dans l’école publique, la majorité de la LCR a en pratique approuvé, voire participé à la démarche d’exclusion et donc de déscolarisation des filles portant le foulard.
Par le recours à des « arguments pseudo-féministes »[20] on a construit une image mystifiée de LA jeune fille voilée, même s’il fallait pour cela « favoriser le symbole au détriment de la réalité »[21]. Leur foulard, rien que leur foulard : voilà ce à quoi ont été réduites ces jeunes filles et ces femmes. Peu importe ce qu’elles disaient ou faisaient, leur entière personnalité était réduite à ce foulard. Voulaient-elles aller au lycée, participer à une manifestation ou militer dans une organisation politique – activités dont nul·le ne doutera qu’elles participent de l’émancipation ? – elles en étaient privées en raison même de leur oppression trop visible, ostentatoire.
Le refus de prendre en compte la parole des premières concernées a conduit à les mettre en position d’objets à libérer au lieu de les voir comme des sujets, actrices de leur propre émancipation : c’est « pour leur bien qu’on ne doit pas prendre en compte leur avis »[22]. La lutte contre le foulard, objectif affiché de la LCR s’est ainsi faite aux dépens de celles que l’on prétendait libérer : c’est par leur stigmatisation et leur réification que pouvait se justifier le refus de lutter pour leur droit à l’éducation et donc contre la loi. Ce n’est plus contre le foulard qu’on lutte, c’est contre celles qui le portent.
De l’émancipation forcée à l’émancipation sanction, il n’y a qu’un pas, qui fut vite franchi. L’exclusion de l’école publique a été considérée comme une « sanction » envisageable, « si un dialogue n’est pas possible »[23].
Le fait d’exclure les jeunes femmes voilées de l’école publique revient à sanctionner celles dont il a pourtant été répété jusqu’à plus soif qu’elles étaient les victimes. La contradiction n’étant pas des moindres, il fallait justifier que l’on réprime celles-là mêmes qui avaient été décrites comme des incapables, tellement aliénées qu’il fallait pour cela les libérer, y compris par la force.
3. De bien menaçantes victimes
Pour justifier le fait d’adopter, au nom du féminisme, une position qui légitime le droit d’une équipe enseignante d’exclure une jeune fille qui porte le foulard, on ne pouvait se contenter de les décrire comme des victimes. Un tel processus « d’exclusion de l’école des jeunes filles voilées, est d’une grande violence – d’une violence disproportionnée à ces objectifs avoués. »[24]
De telles mesures ne pouvant se justifier par l’intérêt même de ces jeunes filles, tant il est évident que leur intérêt premier consiste dans la défense de leur droit à l’éducation, il était nécessaire de justifier autrement leur exclusion. Il fallait en conséquence les présenter comme une menace. Contre la réalité des faits[25], le port du foulard fut présenté comme un phénomène en augmentation exponentielle, menaçant par son existence même les droits chèrement acquis de l’ensemble des femmes vivant en France et plus largement l’ensemble des femmes luttant dans le monde pour ne pas porter le foulard. Le recours à une émancipation pour autrui répressive se justifiait donc par la défense des droits des autres femmes.
Par un habile retournement de situation, celles-là même que l’on avait décrites comme des victimes, à libérer par tous les moyens, devenaient des prosélytes, complices de musulmans intégristes et susceptibles à ce titre de menacer, par leur présence même au sein de l’école publique, l’ensemble des droits des femmes.
Une telle position revient à faire croire que l’on peut défendre les droits des femmes en réprimant certaines d’entre elles, comme si une loi ou une pratique sexiste, qui a pour effet de stigmatiser et sanctionner une partie des femmes pouvaient être bonnes pour les femmes et aptes à défendre leurs droits.
II. « Pas de luttes présentes sans mémoire des luttes passées »[26]
Après 2004, ces divergences ont resurgi en 2005 lors de l’Appel des Indigènes de la République[27] contre le néo-colonialisme dont la loi sur l’interdiction du port de signe religieux à l’école publique était l’une des manifestations.
Nous ne reviendrons pas ici sur les divisions internes à l’extrême gauche sur ce texte. L’on se concentrera davantage sur la pratique concrète du NPA lors de la candidature d’Ilham Moussaïd (A) avant de revenir sur la nécessité de s’emparer des acquis du féminisme radical dans une perspective de ré-élaboration d’un antiracisme et d’un féminisme radical (B).
A. La persistance de la divergence sur le voile : le cas du NPA
La LCR annonçait après la présidentielle de 2007, la volonté de construire un « Nouveau Parti Anticapitaliste » et de s’y dissoudre. Plutôt que de poursuivre de vaines discussions avec LO sur la possibilité, maintes fois repoussée, de rassembler les révolutionnaires, ou avec le PCF, les Alternatifs, etc. sur la possibilité de constituer un pôle antilibéral, la majorité de la LCR préféra amorcer un processus de construction « par le bas » et non plus « par le haut ».
Rapidement l’ouverture du NPA à toutes les luttes et à toutes les expériences d’oppressions et de résistances se referma sur les questions économiques et électorales sapant ainsi les débats stratégiques sur l’articulation des luttes et la nécessité de mener plusieurs combats de front sans en délaisser « tactiquement » d’autres.
1. Une militante « pas comme les autres ». NPA, élections régionales et représentation
Le porte-parole Olivier Besancenot rappela à plusieurs reprises que l’un des éléments moteurs de cette construction était la nécessité d’élaborer un rassemblement de tous ceux et toutes celles qui ne se sentent plus représenté·es par les partis politiques traditionnels.
La promesse du rassemblement et de l’ouverture à de nouvelles cultures (militantes ou non) s’accompagna d’un afflux important (bien que souvent éphémère) de « nouveaux et nouvelles venu·es à la politique ». L’objectif de construction d’un parti qui ne soit pas qu’anticapitaliste mais également « féministe, antiraciste, écologiste et internationaliste » rassembla des individu·es pour lesquel·les l’oppression et l’exploitation capitaliste n’était pas forcément celle qui primait.
Lors des élections régionales de 2010, les militant·es du Vaucluse présentaient sur leur liste une camarade, Ilham Moussaïd, portant un hijab. De nombreux·ses militant·es se sont empressé·es de dénoncer publiquement cet acte qualifié de « recul sur le plan du féminisme », leurs déclarations étaient très largement reprises dans les médias et elles allaient de concert avec toutes celles qui émanaient du PCF, du PS (qui ont des élues portant le foulard), de l’UMP, du FN…
La question de la laïcité revenait sur le devant de la scène à l’intérieur du parti comme à l’extérieur. Cette fois-ci, on se demandait si un parti « laïc et féministe » pouvait présenter sur sa liste une candidate voilée à des élections régionales dans un État « laïc ». Ou encore : est-ce qu’un parti « des opprimé·es » permet à une de ses militantes d’afficher publiquement et de manière aussi ostensible « un symbole de l’oppression » ? Autrement dit, la question qui traversa le parti fut : une opprimée peut-elle publiquement apparaître opprimée ? Si oui, peut-elle réellement représenter le « parti des opprimé·es et des exploité·es » ?
La réponse par la négative formulée par les politicien·nes et une partie du NPA fut apparemment plus convaincante que la réponse maladroite – sinon totalement antagonique à la perspective d’une émancipation féministe – de la direction du parti qui renvoyait la question du port du voile à un banal choix relevant de la « sphère privée », refusant ainsi d’assumer publiquement et politiquement la présentation d’une candidate portant le hijab.
2. Une question stratégique de hiérarchisation des luttes
Publiquement, le débat a été présenté de cette manière : « prohibitionniste » d’un côté et « pro-voile » de l’autre, fausse opposition. Les « prohibitionnistes » du NPA (souvent les mêmes qui avaient soutenu ou participé à l’exclusion des filles voilées des écoles publiques à la LCR) ne voyaient chez leurs opposant·es que des défenseurs suspects du voile, autrement dits des militant·es qui ne faisaient qu’organiser un « coup électoraliste ». Au contraire, les militant·es ayant défendu la candidature d’Ilham Moussaïd se sont opposés au prohibitionnisme dominant, émanant d’une société déterminée à dominante chrétienne. Bien plus, ils et elles ont lutté contre la vision paternaliste et néo-colonialiste qui réduisait Ilham Moussaïd à rien d’autre qu’un voile, rien d’autre qu’un symbole. C’est sa capacité à lutter, à s’émanciper qui a été totalement niée : « Ne te libère pas, je m’en charge et après tu pourras représenter le parti de ceux qui luttent pour leur émancipation. »
Cette conclusion ne découle pas seulement d’une islamophobie doublée d’un sexisme qui traverse l’ensemble des organisations politiques. Elle est aussi l’expression d’un point aveugle des théories révolutionnaires d’inspiration marxiste. S’il peut être admis du bout des lèvres au sein du NPA que le racisme et le sexisme ne sont pas totalement dépendants de l’existence du capitalisme, il n’en demeure pas moins que la pratique repose encore et toujours sur l’idée que le capitalisme est la contradiction principale de la société, les autres ne sont que secondaires. Cela fait longtemps que l’on sait que ce ne sont pas les partis qui désignent quelle contradiction doit être principale dans la situation. En revanche ce sont encore les partis qui organisent leur intervention et ce sont eux qui hiérarchisent les luttes dans lesquelles ils souhaitent intervenir en priorité.
Symboliquement le nom NPA signifie que le parti est d’abord et avant tout « anticapitaliste », que l’antiracisme et le féminisme sont subordonnés à l’anticapitalisme. Si le système économique dans lequel nous vivons tire profit des inégalités liées à la race ou au sexe, c’est une erreur stratégique de considérer que ces inégalités ne s’inscrivent pas dans d’autres systèmes d’oppression et d’exploitation qui traversent, certes, le capitalisme mais qui n’en sont pas totalement dépendants.
Qu’une lutte anticapitaliste permette d’amorcer une lutte antisexiste ne signifie pas que cela s’opère mécaniquement, ni qu’une lutte antisexiste ne serait pas réprimée, dès lors qu’elle entrerait en conflit avec les intérêts des travailleurs « mâles » et il y aura toujours des militant·es pour rappeler qu’il faut prioriser la lutte anticapitaliste et que les autres oppressions ne sont que des reliquats idéologiques qui s’effondreront d’eux-mêmes après la chute du capitalisme. Cela est faux est relève d’une analyse matérialiste mécaniste, « vulgaire » comme dirait Marx. Tout sauf dialectique.
3. Actualité du débat
À l’heure de la campagne présidentielle et de la naissance d’un courant « unitaire anticapitaliste » – cette fois-ci, nous dit-on, réellement « féministe » – le débat se repose au sein du NPA. Lors du dernier congrès, l’essentiel des débats s’est cristallisé autour des questions de la tactique de l’organisation lors des prochaines échéances électorales. Le débat sur « religion et émancipation » fût animé et les délégués se rendirent compte que les votes du congrès sur la question « religion et émancipation » (qui ne gravitait qu’autour de l’islam et du voile pour être honnête) ne correspondaient pas à ceux des différents comités[28] ! Pourquoi ? Tout simplement parce que les délégué-e-s n’étaient mandatés qu’en fonction de leur position sur la question électorale et non pas sur leur position relative au voile, dont la ligne de démarcation traversait toutes les tendances ! Pour celles et ceux qui adorent positionner les débats politiques sur la question du symbole[29] voilà un autre signe de secondarisation d’un antagonisme politique qui est central pour nombre de personnes qui subissent le racisme et le sexisme.
De nombreu-ses-x militant-e-s déclarèrent dans un communiqué au moment des régionales en 2010 que « la candidature d’Ilham nous a empêché de mettre les questions sociales au cœur de la campagne[30] ». Comme l’explique Denis Godard, « dans la période actuelle les capitalistes ne cherchent pas seulement à diviser les travailleurs pour affaiblir leurs capacités de résistance. Ils cherchent aussi à souder autour de leur classe et de l’État une fraction des couches populaires et des catégories intermédiaires[31] » afin de mener des politiques racistes et sexistes.
Cette question revient sur le devant de la scène pour le NPA. Des fondateur-trice-s du nouveau courant « unitaire anticapitaliste » ont publié « Quelques éléments pour un bilan du NPA »[32]. Ils y expliquent que la présentation d’une candidate voilée était un « coup de force » d’un seul comité et que cela a eu des répercussions immédiates sur la politique du NPA :
Pendant une campagne déjà fort courte, le NPA est devenu absolument inaudible sur ses propositions politiques, uniquement ramené au parti qui présente une femme voilée.
De toute évidence, cette question a joué un rôle important dans la marginalisation électorale et donc politique du NPA. Pire encore, elle a suscité incompréhension, et souvent rupture, de militants du mouvement social avec lesquels nous avions l’habitude de travailler de longue date. Cerise sur le gâteau, cette opération s’est traduite par des départs significatifs, notamment de militantes qui y ont vu la négation d’années de combats féministes.[33]
Les auteur-e-s expliquent donc que, d’une part, le fait de « présenter une opprimée qui porte les symboles de son oppression » a froissé des militant-e-s ainsi que des partenaires potentiels pour d’éventuels futurs accords électoraux ; d’autre part que cela a rendu le NPA inaudible sur son programme politique.
Dans un climat d’islamophobie croissant où les actes politiques du pouvoir (intérieur comme extérieur) sont accompagnés par les discours racistes de l’extrême droite et de la droite, où une grande partie de la gauche radicale ou de l’extrême gauche valide (au mieux se tait) les mesures répressives mises en place au nom de la laïcité, une partie du NPA propose de trancher plus fermement en faveur d’une dissimulation de ces militantes voilées en refusant de considérer leur exclusion de la sphère publique comme une question politique !
Comment s’étonner de la « décomplexion » de la droite sur les mesures antisociales, racistes et sexistes qu’elle met en œuvre quand des organisations de la gauche radicale ont accompagné la loi raciste de 2004, et qu’elles proposent ensuite de balayer ces questions de la table pour ne pas rompre avec d’autres fractions du mouvement ouvrier ?
B. La nécessité de prendre acte des apports du féminisme radical
Durant les mois qu’a duré « l’hystérie politique[34] » qui a caractérisé les débats relatifs au foulard islamique et pendant lesquels s’est manifesté le coupable refus de choisir exprimé par une partie de « la gauche » et certaines féministes, d’autres féministes on lutté aux côtés des jeunes filles voilées pour défendre leur droit à l’éducation. Tenantes d’un féministe radical, qui prend en compte, sans les hiérarchiser, les multiples oppressions que subissent ces jeunes filles, ces militantes œuvraient à la construction d’un féminisme inclusif qui part des expériences et de la parole de chacune.
1. Le refus de singulariser le port du voile
Ce qui a caractérisé la position des féministes qui manifestaient aux côtés des jeunes filles que l’on prétendait émanciper malgré elles, y compris s’il fallait pour ce faire les exclure de l’école, c’est une analyse particulière du port du foulard. Contrairement aux caricatures qui ont été faites de ces positions, il ne s’agissait pas pour ces féministes de nier le fait que le foulard soit un signe de l’oppression des femmes ou d’affirmer que le foulard serait « un signe d’émancipation en soi »[35]. Il s’agissait au contraire, en s’opposant clairement à toute démarche prohibitionniste, de réfuter l’interprétation univoque qui en était faite par ceux qui refusaient précisément de s’opposer à toute exclusion des jeunes filles voilées de l’école publique.
Le voile a été en conséquence analysé comme une pratique, certes singularisante, mais non singulière. En effet, si le voile peut sans nul doute être qualifié de singularisant en ce sens qu’il signifie les femmes en tant que femmes, c’est une erreur de considérer cette pratique comme singulière c'est-à-dire fondamentalement et essentiellement différente des autres pratiques – tout à fait occidentales – visant à singulariser et humilier les femmes. En effet, « tout ce que portent les femmes, et qui signifie « femmes », ne signifie-t-il pas du même coup leur infériorité »[36] ? Penser le voile comme une pratique de différenciation singulière a pour conséquence de masquer les pratiques occidentales de différenciation des femmes, qui consistent le plus souvent à pousser celles-ci, particulièrement les plus jeunes, à des pratiques d’hypersexualisation (talons aiguilles, mini-jupe ou maquillage…). Or, « tous les signes de distinction entre les femmes et les hommes étant des signes de distinction hiérarchique profitent à la partie supérieure de cette division hiérarchique. Tout ce qui indique le genre indique l’infériorité des groupes »[37]. Le port du foulard ni plus ni moins que le port de talons aiguilles : « détourner le regard des hommes ou l’attirer, c’est la même chose. Cela se fait toujours par rapport aux hommes »[38].
Produire un discours qui légitimerait l’exclusion des jeunes filles voilées de l’école publique en faisant du port du foulard une pratique de différenciation spécifique a conduit d’une part à marginaliser les jeunes filles qui le portent en les désignant comme plus aliénées que les autres et d’autre part à masquer les signes de l’oppression qui sont produits et imposés aux femmes par notre société et la culture occidentale. Contre ce discours, la position des féministes anti-prohibitionnisme révèle la nécessité de prendre en compte l’expérience et la parole des opprimées elles-mêmes pour lutter à partir de leur réalité et non du signe de l’oppression.
2. « Non, la race n’existe pas. Si la race existe »[39]
Partir de la réalité de l’oppression implique de saisir que les jeunes filles voilées subissent certes le sexisme mais également le racisme.
De la même manière que la répression qui s’exerce contre un groupe de femmes ne saurait être bénéfique pour aucune femme, la répression qui s’exerce à l’encontre d’une partie d’un groupe racisé ne saurait être bonne pour les femmes de ce groupe. Les femmes qui portent le foulard ne subissent pas que le sexisme, mais aussi, au même titre que les hommes racisés, le racisme. Les considérer et les traiter comme des victimes particulières, plus aliénées que les autres, soumises à un sexisme qui serait de nature différente de celui qui s'exerce dans société globale revient à stigmatiser davantage un groupe déjà discriminé tout en camouflant le sexisme qui s’exprime dans la société occidentale. Or, ce n'est qu'à partir de cette double oppression, de genre et de race que ces femmes peuvent lutter pour leur émancipation.
Cette prise en compte de la double oppression que subissent ces femmes permet de ne pas analyser le port du foulard de manière désincarnée et intemporelle. Quoi qu’aient pu en dire certain-e-s : « le foulard rebaptisé voile, ne signifie pas la même chose ici en France, porté par quelques centaines de jeunes filles, souvent contre la volonté de leurs parents, qu’en Afghanistan, où il est imposé sous menace de viol et de mort par des hommes armés »[40]. Entretenir cette confusion c’est d’abord refuser de voir les discriminations racistes que subissent ces jeunes filles, pour lesquelles le port du foulard peut devenir un moyen d’affirmation d’une appartenance culturelle dévalorisée. Mais c’est aussi désigner ces jeunes filles comme des ennemies qui mettraient en péril non seulement les libertés acquises par les femmes en Occident, mais aussi les luttes des femmes qui, dans le monde, refusent de porter le voile. Une telle analyse fait le jeu à la fois du racisme et du patriarcat. Le jeu du racisme, par l’essentialisation d’un groupe culturel et religieux dont les mœurs seraient réputées être plus sexistes. Le jeu du patriarcat, puisqu’il s’agit d’une stratégie patriarcale bien connue que celle qui consiste à montrer la paille du voisin pour mieux cacher la poutre que l’on a dans le sien. Cela revient dans les faits à refuser de prendre en compte à la fois la violence du patriarcat et celle du racisme. Or, si la race n’a pas d’existence biologique, elle existe bien socialement, « elle est la plus tangible, réelle et brutale des réalités »[41].
3. Pour un féminisme anti-raciste
L’apport  théorique de nombreuses féministes telles que Christine Delphy ou Colette Guillaumin consiste précisément à rechercher la manière d’articuler les oppressions multiples que subissent les femmes des groupes racisés. Pour cela il importe de prendre en compte les rapports de dominations entre les hommes et les femmes mais également entre les Blanc-he-s et les non-Blanc-he-s.
Il est par conséquent nécessaire de lutter contre la tentation d’un « universalisme ethno-centré »[42] qui conduirait à désigner implicitement comme plus sexistes les cultures non occidentales ou comme plus aliénées les femmes qui portent sur elles le stigmate d’une oppression qui ne dérange que parce qu’elle est trop visible. Car quelle serait la légitimité d’un féminisme qui, au nom de la lutte contre le signe, accepterait la répression de et imposerait le silence à celle qui le porte ? Quelle serait la légitimité d’un féminisme qui admet que l’exclusion et la sanction des seules femmes d’un groupe ? D’un féminisme qui s’en prendrait aux femmes ?
« Le féminisme doit être mondial ou ne pas être. Il doit prendre en compte les luttes de toutes les femmes du monde et de tous les groupes de femmes. Ces femmes ne peuvent lutter qu’à partir de leur propre vie et de leur propre expérience. Un féminisme qui exclut la vie et l’expérience de certaines femmes ne peut pas être valable[43] ». Le féminisme pour être « mondial », se doit certes de prêter une grande attention à la situation de violence et d’exploitation que subissent les femmes à travers le monde. Mais il doit d’abord partir de l’oppression que les femmes, dans leur diversité, subissent ici et maintenant. S’il est bel et beau de soutenir les femmes d’Iran qui souhaitent se débarrasser du foulard, il est tout aussi important de soutenir, face au racisme et au sexisme qu’elles subissent, le droit à l’éducation des jeunes filles voilées en France. Plus largement il importe de lutter sans relâche contre le patriarcat est qui est « un système de domination dont il faut se libérer, toutes les femmes le subissent, pas davantage les musulmanes que les athées, mais pas moins non plus »[44].
Il ne s’agit pas pour nous de renoncer à dénoncer les projets de sociétés qui sont ceux des religieux et des patriarches quels qu’ils soient et aussi proches qu’ils soient de nous. Mais dénoncer du haut de sa tour d’ivoire ne suffit pas. Dénoncer en refusant de donner la parole aux premières concernées en prétextant qu’elles sont trop aliénées pour avoir quelque chose à dire est aisé mais inefficace. Car c’est précisement de la parole et de l’expérience de ces femmes que peut naître un féminisme fondamentalement anti-raciste. L’enjeu est d’inventer un militantisme qui articule, sans les hiérarchiser, les oppressions de race, de sexe et de classe et qui parte du vécu et de l’expérience de chacun-e.
Ce n’est qu’à partir d’un bilan réellement critique des interventions (passées et présentes) des organisations politiques d’extrême gauche que peut se ré-élaborer une véritable politique antiraciste et féministe qui ne soit pas totalement assujetti au seul capitalisme. L’attitude du néocolonialiste consiste à penser que nous avons des choses à apprendre aux opprimé-e-s tandis que l’attitude des révolutionnaires devrait consister à penser que nous avons des choses à apprendre des luttes et des résistances, d’ici et d’ailleurs.


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[1] Cf. http://mamans-toutes-egales.tumblr.com.
[2] Cf. Natalie Benelli, Ellen Hertz, Christine Delphy, Christelle Hamel, Patricia Roux, et Jules Falquet, « De l’affaire du voile à l’imbrication du sexisme et du racisme », Nouvelles Questions Féministes, n° 1, 2006, p. 4-11.
[3] ibid., p. 5.
[4] ibid.
[5] Catherine Samary, « La laïcité n’est pas anti-religieuse », Que faire ?, n° 3, mars/avril 2010, p. 29. Disponible ici : http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no03-mars-avril-2010/article/la-laicite-n-est-pas-anti.
[6] Personne ne s’égosille devant le fait que des philosophes s’autoproclamant communistes défendent « l’héritage chrétien » (Slavoj Zizek), fasse de Saint Paul la figure de l’universalisme militant (Alain Badiou), de Saint François d’Assises la figure du nouveau prolétaire (Toni Negri) ou que Daniel Bensaïd puisse comparer les pratiques trotskistes au « marranisme », écrire un livre sur Jeanne d’Arc (Jeanne de Guerre lasse), des articles sur l’écrivain socialiste et catholique Charles Péguy ou sur la « sentinelle messianique » Walter Benjamin dont la rencontre féconde du marxisme et du judaïsme n’est pas l’objet d’une exclusion de la bibliothèque des militant·es. Que penser alors de la « théologie de la libération » dans laquelle le prêtre Gustavo Gutiérrez Merino s’inspire des critiques marxistes du capitalisme et de l’État pour s’engager dans une lutte politique contre la pauvreté tout en renouant avec une volonté de reconstruction d’une forme de communisme chrétien ?
[7] De la même manière, toute critique de la politique de l’État d’Israël est, du moins en France, considérée par de nombreux intellectuels comme relevant de l’antisémitisme. L’assimilation de l’antisionisme à l’antisémitisme s’inscrit dans une stratégie plus large, non pas de défense d’Israël et d’un État juif, mais de « défense de l’Occident ». Cf. Ivan Segré, La Réaction philosémite ou La Trahison des clercs, Lignes, 2009.
[8] « Idéologiquement, le racisme actuel, centré chez nous sur le complexe de l’immigration, s’inscrit dans le cadre d’un "racisme sans races" déjà largement développé hors de France, notamment dans les pays anglo-saxons : un racisme dont le thème dominant n’est pas l’hérédité biologique, mais l’irréductibilité des différences culturelles ; un racisme qui, à première vue, ne postule pas la supériorité de certains groupes ou peuples par rapport à d’autres, mais "seulement" la nocivité de l’effacement des frontières, l’incompatibilité des genres de vie et des traditions : ce qu’on a pu appeler à juste titre un racisme différentialiste (P.-A. Taguieff). » Étienne Balibar, « Y a-t-il un "néo-racisme" ? », in Étienne Balibar et Immanuel Wallerstein, Race, nation, classe. Les identités ambiguës, La Découverte, 1988, p. 33.
[9] Lire Laurent Lévy, « La gauche », les Noirs et les Arabes, La Fabrique, 2010.
[10] Karl. Marx, Pour une critique de la philosophie du droit, in Philosophie, « Folio essais », Gallimard, p. 90.
[11] Tract de la LCR du 15 décembre 2003.
[12] Cf. Ivan Segré, op. cit.
[13] Laurent Lévy, op. cit., p. 105.
[14] ibid., p. 103.
[15] Étienne Balibar, « Dissonances dans la laïcité », in Charlotte Nordmann (dir.), Le foulard islamique en questions, Éditions Amsterdam, 2004, p. 15.
[16] Caroline Monnot et Xavier Ternisien « L’exclusion de deux lycéennes voilées divise l’extrême gauche », Le Monde, 8 octobre 2003.
[17] Laurent Lévy, op. cit., p. 28.
[18] Christine Delphy, Un universalisme si particulier, Syllepse, 2010, p. 244.
[19] Christine Delphy, Classer, dominer. Qui sont les Autres ?, La Fabrique, 2008, p. 181.
[20] Christine Delphy, in Un racisme à peine voilé.
[21] ibid.
[22] Saïd Bouamama, « Ethnicisation et construction idéologique d’un bouc émissaire », in Charlotte Nordmann (dir.), op. cit., p. 41.
[23] Caroline Monnot et Xavier Ternisien, art. cit.
[24] Christine Delphy, Un universalisme si particulier, op. cit., p. 238.
[25] Ainsi, en 2002-2003, seuls 150 « cas » de port de foulard ont été recensés par l’Éducation nationale. Voir à ce sujet Françoise Gaspard, « Femmes, foulards et République », in Charlotte Nordmann (dir.), op. cit., p. 74.
[26] Christine Delphy, Un universalisme si particulier, op. cit.
[27] Si de nombreux membres de la LCR ont signé l’appel des Indigènes de la République, la LCR en tant qu’organisation n’a pas été signataire de cet appel.
[28] Le flou résidant dans les textes issus des compromis du congrès permet, comme indiquer dans une motion, des pratiques divergentes quant à l’application des motions. Une motion a été adopté par le congrès expliquant que celui-ci prenait acte de cette divergence et mandatait le Comité Politique National pour organiser une Conférence Nationale sur le thème "Religion émancipation, féminisme".
[29] Après le vote en faveur de la présence d’Ilham Moussaïd sur les listes du NPA, des militantes décidèrent de quitter l’organisation. L’une d’elles déclara : « C’était intenable, explique l’une d’elle, pour moi, il y avait une incompatibilité à être dans un parti laïc et féministe avec un signe religieux ostensible, symbole d’une forme d’oppression de la femme. » : http://www.liberation.fr/politiques/0101617578-le-npa-mal-fichu-sur-le-foulard.
[30] « Il s’agit là d’une réduction économiste qui influence toute la politique de notre parti. Car le racisme n’est pas une simple diversion. » Denis Godard, « S’il ne s’agissait pas de la religion ? », Que faire ?, op. cit., p. 3.
[31] ibid.
[32] Frédéric Borras, Pierre-François Grond, Ingrid Hayes, Anne Leclerc, Guillaume Liegard, Myriam Martin, Coralie Wawrzyniak, « Quelques éléments pour un bilan du NPA » : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article23334.
[33] ibid.
[34] Emmanuel Terray, « L’hystérie politique », in Charlotte Nordmann (dir.), op. cit., p. 103.
[35] Josette Trat, « De nouveaux défis pour les féministes », http://www.contretemps.eu/lectures/nouveaux-d%C3%A9fis-f%C3%A9ministes.
[36] Christine Delphy, Un universalisme si particulier, op. cit., p. 234.
[37] ibid., p. 243.
[38] ibid., p. 242.
[39] Colette Guillaumin, Sexe, race et pratique du pouvoir. L’idée de nature, Côté-femmes, 1992, p. 217.
[40] ibid., p. 235.
[41] ibid.
[42] Chandra Tapadle Mohanty, « Under Western Eyes : Feminist Scholarship and Colonial Discourses », in Chandra Tapadle Mohanty, Feminism without borders, Duke University Press, 2004, p. 21.
[43] ibid.
[44] Monique Crinon : http://mamans-toutes-egales.tumblr.com/post/8992396718/reunion-publique-du-collectif-mamans-toutes-egales.
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Message  Toussaint Dim 8 Mar - 19:55

Une entrevue de Delphy par la revue Socialisme International, en 2004 au moment de la loi sur le foulard.


"Le féminisme doit être mondial"
Christine Delphy est chercheuse au CNRS à Lyon. En 1980, elle a fondé avec Simone de Beauvoir la revue Nouvelles questions féministes, publication qu’elle continue de diriger.
Christine Delphy a souligné le rôle économique de l’oppression des femmes (voir L’ennemi principal, tome 1 et tome 2, aux éditions Syllepse, 1998 et 2001). Actuellement, Christine Delphy participe au Collectif des féministes pour l’égalité. Cette militante historique pour les droits des femmes est l’une des plus farouches opposantes à la loi contre le port du foulard. Dans un entretien à Socialisme international, elle explique sa position.

Socialisme International : Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a fait voter une loi interdisant à l’école les signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement leur appartenance religieuse: comment caractérisez-vous cette loi ?
CD: C’est une loi d’exception contre la minorité musulmane et arabe. Les différentes religions n’y sont pas traitées sur un pied d’égalité. Avec le mot « ostensiblement », il y est fait un parallèle entre un foulard et une croix de dimension extraordinaire. Mais pourquoi de dimension extraordinaire ? Les catholiques ne portent pas des croix de calvaire ! Comme le dit Yves Vargas, lorsqu’un gouvernement veut interdire quelque chose et qu’il veut avoir l’air équitable, il interdit une situation qui existe et une autre qui n’existe pas. Cette loi sanctionne une situation qui n’existe pas, à savoir le port de croix démesurées.
En fait, il s’agit d’une loi raciste. Quand vous avez une population vis-à-vis de laquelle vous avez des torts et que vous ne voulez pas les reconnaître, vous l’accusez de quelque chose. Comme si elle était responsable de la situation dans laquelle elle est ? Le cas de cet employé dans une piscine municipale à Villemomble, que le maire veut licencier à cause de sa barbe, montre bien qu’il s’agisse d’un problème de racisme. Il y a aujourd’hui une gestion coloniale de toute une partie de la population française. Alors cela ne sert à rien de se saouler de grands mots, comme laïcité ou droits des femmes.

S.I. Que dire à ceux et celles qui pensent que le foulard est un symbole de l’oppression des femmes ?
C’est plus un signe qu’un symbole de l’oppression des femmes. Mais il y a tellement de signes aujourd’hui que l’on n’a que l’embarras du choix ! Se fixer uniquement sur le foulard : voilà une des grandes manifestations du racisme. On le voit chez l’autre, parce que c’est un signe étranger et qu’on ne le supporte pas. Ce n’est pas l’infériorité des femmes que l’on ne supporte pas. Si la société française ne l’acceptait pas, on serait au courant ! Malheureusement, elle la supporte très bien. Ce qu’elle ne supporte pas c’est le côté exotique et étranger. Elle se défausse ainsi de sa propre oppression patriarcale et sexiste en disant que c’est chez l’autre que cela existe, pas chez elle.
Des féministes comme la Prix Nobel de la paix iranienne Shirin Ebadi1 l’ont bien dit : ce qui est oppressif c’est d’obliger à le mettre ou à ne pas le mettre. Par ailleurs, même les femmes qui vivent dans des pays où c’est obligatoire, comme en Iran, le disent aux Occidentaux qui ne veulent pas l’entendre : « On a des problèmes plus urgents que le fait de porter un foulard. Ce serait déjà énorme si on pouvait travailler et circuler librement. »

S.I. Est-ce que l’on peut comparer le foulard au maquillage et aux talons aiguilles ?
Oui, bien sûr. Ce qui est particulier au foulard, c’est qu’il n’est pas un signe indigène, français. Je pense que l’aveuglement de la société française, qui ne prend pas en compte les autres signes de l’oppression, est intéressant. Il y a beaucoup de choses que l’on ne critique pas, ou plus. Dans les années 70, on critiquait les tenues classiquement féminines qui aujourd’hui reviennent en force. Elles sont autant de signes d’oppression. Détourner le regard des hommes ou l’attirer, c’est la même chose. Cela se fait toujours par rapport aux hommes.
Tous les signes de distinction entre les femmes et les hommes étant des signes de distinction hiérarchique profitent à la partie supérieure de cette division hiérarchique. Tout ce qui indique le genre indique l’infériorité de l’un des groupes. Dans le cas présent, les femmes.

S.I. Certains qui font campagne contre le foulard parlent de culture de quartier, intégriste… sans lien avec l’ordre social existant. L’intégrisme musulman jouerait-il un rôle significatif en France ?
Je ne sais pas ce que cela veut dire, l’intégrisme musulman. Je ne sais pas qui sont ces intégristes. Ils existent sans doute, comme il existe des intégristes catholiques, protestants ou juifs. En tout cas, l’idée dont on se sert maintenant, c’est que les quartiers qui sont des ghettos où l’on a parqué les gens d’origine maghrébine seraient absolument pleins d’intégristes. Ils sont en fait soupçonnés d’être des terroristes, au moins potentiels. C’est ce soupçon qui pose problème : par glissement de musulman à intégriste, et d’intégriste à terroriste, toute une communauté est globalement et injustement soupçonnée.

S.I. Comment expliquer alors que de nombreux partisans de la loi, ou même ceux qui rejettent les musulmanes voilées sans soutenir la loi, ne sont pas des racistes avérés?
Ne nous faisons pas une fausse idée du racisme. Le racisme ne consiste pas à dire « je suis raciste ». La réalité est beaucoup plus complexe. Et de la même manière, s’il suffisait de dire « je suis antiraciste », pour ne pas être raciste, ce serait fabuleux. Malheureusement, cela ne suffit pas. Ce qui est important, c’est ce que l’on fait et ce que l’on veut. Beaucoup de gens « antiracistes » ont prouvé qu’ils étaient racistes, parce qu’ils n’ont pas éliminé leurs préjugés racistes. Il faut toujours se questionner pour ne pas succomber à ses préjugés. Se demander par exemple : est-ce que je pense de la même façon au voile qu’au talon aiguille ? De la même façon à l’islam qu’au christianisme ou au judaïsme ? Est-ce que j’applique les mêmes critères, est-ce que je juge de la même façon, suis-je équitable ?

S.I. Certaines féministes veulent se battre pour que les jeunes filles voilées abandonnent leur foulard. Elles comptent les convaincre qu’elles se trompent de combat. Qu’en pensez-vous ?
C’est typiquement un raisonnement colonialiste et raciste. Quand les féministes ont commencé à s’organiser, les hommes n’arrêtaient pas de nous dire que l’on se trompait de combat. Et je l’entends encore. Alors on leur a dit de se mêler de leurs oignons, c’est notre combat et on le mène comme on veut. Les femmes voilées doivent mener leur combat comme elles le veulent, comme elles l’entendent. Et puis, si on se préoccupait vraiment de leur sort, n’y aurait-il pas des choses plus importantes à faire pour elles ?
Les raisons pour lesquelles les femmes portent le foulard sont avant tout religieuses. Ces filles doivent donc être défendues au nom de la loi sur la laïcité, la vraie loi sur la laïcité, celle de 1905, et non la nouvelle loi raciste de 2004. La loi de 1905 défendait la liberté en prônant la liberté de religion, contre un catholicisme qui se voulait religion d’Etat. Il s’agit d’un acquis fondamental. L’idée même de lutter pour que les femmes abandonnent le foulard, sous prétexte qu’elles seraient « aliénées », revient à dire que nous ne prenons pas au sérieux leur liberté de conscience. Et si nous les considérons comme aliénées a priori, c’est parce qu’elles ne sont pas blanches, pas occidentales. Et l’on revient au racisme.

S.I. Beaucoup de filles qui portent le foulard ont fait un choix…
Ceux qui sont pour la loi disent que non. Les opposants disent que beaucoup le portent par choix. En réalité, on ne connaît pas les proportions. Il y en a certainement une partie –très jeune- qui est forcée, mais on en connaît beaucoup qui sont lycéennes ou travailleuses, qui le portent par choix et par conviction religieuse. Que ce soit par conviction religieuse, ou par goût, ou par mode, elles ont le droit comme tout le monde de s’habiller comme elles le veulent. Cela doit être absolument intangible. On ne devrait même pas en discuter.

S.I. … mais pourquoi des jeunes qui n’ont pas été éduqués dans la religion se sont mis à aimer la religion ?
C’est certainement une réaction au racisme. Alors le plus urgent à faire, c’est de lutter pour la pleine citoyenneté de tous les Français. Ces jeunes femmes subissent sans arrêt des discriminations. Il faudrait par exemple s’inquiéter du fait qu’elles sont beaucoup plus touchées par le chômage que d’autres. Ce n’est pas en leur arrachant leur foulard que cela va résoudre leurs problèmes.
En fait, la société française est mise en accusation par cette population. Le foulard n’est pas tant un symbole de l’infériorité des femmes que le signe que cette population se rebelle. Elle dit à la société française : « Vous nous avez parquées, vous nous avez infériorisées ». Au lieu de prendre ses torts en compte et de chercher à les réparer, la société française réagit par la répression et cela ne mènera nulle part. On peut toujours réprimer le symptôme de quelque chose, mais casser le thermomètre ne guérit pas la fièvre. Le foulard, c’est un thermomètre. La fièvre, c’est la discrimination.

S.I. Comment expliquez-vous l’engouement d’une bonne partie des enseignants et d’une bonne partie de la gauche pour l’interdiction du foulard ?
Les enseignants sont confrontés à des problèmes récurrents. Ils ne savent pas comment les résoudre. Ils font face à des élèves de classes très prolétarisées. Ils ne savent pas forcément comment s’y prendre, personne ne leur a donné de mode d’emploi. Dans bien des cas même, ils détestent leurs élèves, parce que leurs élèves ne correspondent pas à l’image qu’ils avaient d’eux lorsqu’ils faisaient leurs études.
Personne ne les a prévenus qu’ils auraient ce genre de jeunes en classe, personne ne leur a dit comment il fallait s’y prendre avec eux. Les enseignants se sentent donc agressés dans leurs valeurs, ils sont démunis. Et puis de façon plus générale, ils sont attaqués dans leur statut et dans leurs conditions de travail.
85% du corps enseignant est pour la loi interdisant le port du foulard, mais ils ne sont que 15% à avoir vu des foulards dans les rangs de leurs classes ! D’une façon quasiment instinctive, les enseignants pensent que tout ce qui relève de l’ordre de la répression des élèves va les réconforter, car les enseignants ne savent pas où trouver leur sécurité. Le « débat » sur le foulard arrive juste après le mouvement des enseignants de 2003 et il sert d’exutoire à beaucoup de choses.
Pour la gauche, c’est encore plus grave car elle porte une lourde responsabilité politique. Elle n’a jamais pris le problème du racisme à bras le corps. Personne à gauche n’a l’intention de défaire les ghettos. Personne n’a l’intention de lutter activement contre la discrimination à l’embauche.

S.I. L’islamophobie s’est considérablement renforcée après le 11 septembre. La dernière loi est-elle le prélude à une offensive encore plus large contre les musulmans ?
La population arabo-musulmane est visée depuis longtemps. Cela s’est accéléré depuis le 11 septembre, mais cela existe depuis longtemps. Edward Saïd2 disait que même dans les films américains des années 40, les Arabes étaient les vilains -au sens anglais du terme, les méchants. Il y a chez nous un vieux fond colonialiste qui sert l’exploitation des travailleurs immigrés. Il y a une vieille rivalité entre l’Orient et l’Occident. Tout ce qui est arabo-musulman est dénigré.
Ce rejet ne date pas d’hier. Il a été nourri par l’arrogance de l’occident à l’égard du reste du monde. Il y a d’abord eu la colonisation de l’Afrique du Nord par les Français. Puis celle du Moyen-Orient par les Français et les Anglais notamment. Après il y a eu toutes les opérations occidentales au Moyen-Orient, qui ont toujours été contraires aux intérêts des populations locales. Ainsi, en Iran, le renversement de Mossadegh3 et le retour du Shah. La révolution iranienne de 79 a, quant à elle, atteint directement les Américains dans leurs intérêts. Ensuite, il y a eu la première guerre du golfe (1991), la guerre en Afghanistan (2001), puis la deuxième guerre du golfe contre l’Irak (2003). Toutes ces manœuvres impérialistes classiques des grands pays par rapport au reste du monde se sont toujours appuyées sur une idéologie qui comporte des stéréotypes racistes.
Alors on peut dire qu’après le 11 septembre, les choses ont été multipliées par un facteur mille, mais l’état des lieux était déjà très mauvais. Depuis le 11 septembre, les lobbies pro-israéliens aux Etats-Unis mais aussi en France véhiculent l’idée que c’est en fait l’ensemble de la civilisation occidentale qui est attaquée, de façon à ce que le reste du monde ait l’impression d’avoir intérêt à soutenir la politique israélienne. Israël serait ainsi une espèce de tête de pont de la civilisation occidentale face à la barbarie.
En France, le FN ne fait que croître depuis sa percée en 1983. Aux élections présidentielles de 1995, son score électoral atteint 15,1%. A celles de 2002, le FN arrive même au second tour avec près de 6 millions de voix. Ce développement n’a fait que conforter les idées racistes dans l’ensemble de la classe politique…
Je pense que c’est le contraire. Comme le dit le Le Pen, il dit tout haut ce que les gens pensent tout bas. Je crois que les gens sont très racistes et qu’ils ne votent pas forcément pour Le Pen. C’est ce qu’on a vu avec cette loi : le racisme de gauche s’est exprimé très ouvertement. Cela a ouvert les vannes du racisme. Mais c’est vrai que depuis des années, tous les partis, y compris à gauche, cherchent à gagner les voix lepénistes. Ils font ainsi des concessions au FN, tout en prétendant le contraire.

S.I. Le mouvement féministe est extrêmement divisé sur la question du foulard. Certaines féministes ont même été des ardentes défenseuses de la loi. Pourquoi ?
Les mêmes préjugés sont à l’œuvre dans toute la société française, féministes compris. Les féministes ne sont pas des martiennes venues d’ailleurs ! Elles sont comme tout le monde. Quand vous êtes de gauche, c’est parce que vous votez pour les partis dits de gauche plutôt que pour les partis de droite, mais cela ne veut pas dire que vous n’êtes pas raciste. On baigne tous dans la même culture. Théoriquement, le plus gros collectif féministe n’a pas pris position pour la loi. Mais de facto, il l’a fait. Comme la LCR d’ailleurs, qui prétendait ne pas prendre position.
Dans la commission Stasi, les droits des femmes sont mis en avant. Mais s’il s’agissait vraiment du droit des femmes, pourquoi les féministes n’ont pas saisi la balle au bond ? Pourquoi ne pas prendre au mot un Alain Madelin qui assure se ranger du côté des femmes ? Mais il y a eu une trêve de très mauvais aloi entre les féministes et les hommes politiques, contre un ennemi commun, qui n’est autre que l’ennemi de l’Occident, celui qui nous est brandi comme une menace. Voilà l’axiome de la commission Stasi : il y a un complot intégriste pour renverser les lois de la république. Chez les féministes comme ailleurs, ce qu’il y a en toile de fond, c’est la peur de l’islam, religion qui suscite tous les amalgames.

S.I. Une affaire a fait grand bruit dans notre organisation, la LCR. Une section à Lille a acceptée en son sein une femme voilée, tandis que la direction s'est refusée à soutenir officiellement cette démarche..
En s’opposant ou en marginalisant les femmes voilées, la gauche française court à son suicide. Suivons l’exemple anglais, où il s’est passé exactement le contraire. Dès la guerre d’Afghanistan (2001), la gauche anglaise a pris contact avec des groupes musulmans et ils étaient tous contre la guerre. Cela leur a permis de faire de grandes manifestations anti-guerre. Mais en France, nous avons tellement peur de l’islam et des Arabes, que nous n’avons jamais fait de front commun avec les organisations religieuses, ou même avec celles qui ne l’étaient pas. Cela transparaît clairement dans le mouvement pour les droits des Palestiniens. La LCR garde la militance pro-palestinienne bien propre et bien blanche. Quelle erreur !

S.I. Qu’est-ce que vous pensez d’un mouvement comme Ni putes ni soumises ?
Cela aurait pu être intéressant. C’est une création de SOS-Racisme, lui-même crée en partie par Julien Dray, l’une des pires expressions du PS. Les filles de Ni putes ni soumises ont été complètement instrumentalisées. Comme le fait toujours le pouvoir, il a pris des gens et les a utilisés contre leurs propres intérêts.
Fadela Amara a quand même dit que l’antisémitisme est la mère de tous les racismes et que c’est contre cela qu’il faut lutter en premier ! Voilà des propos hallucinants, venant de la bouche de gens qui subissent une véritable discrimination et qui disent qu’il faut d’abord lutter pour le voisin. Les filles de Ni putes ni soumises disent ce qu’on veut entendre d’elles, à savoir que la violence masculine s’exerce dans les ghettos maghrébins et noirs. Elles diabolisent les jeunes hommes qui y vivent. S’il est clair qu’en matière de sexisme et de machisme ils ne sont pas mieux que les autres, il est certain qu’ils ne sont pas pires que les autres.

S.I. Y-a-t-il une exception française en matière de foulard islamique ? Comment cela se passe-t-il dans les autres pays occidentaux ?
Dans les autres pays, la loi française n’est tout simplement pas comprise. Il y a quelques Belges qui veulent suivre le gouvernement français, parce que le parti francophone veut toujours faire comme les Français. Mais les Anglais, les Canadiens, les Américains ne comprennent pas. Même George Bush ne comprend pas ! L’idée d’attenter à la liberté d’expression est quelque chose d’incompréhensible au reste du monde. Cela montre à quel point en France, nous acceptons une tradition autoritaire. Nous n’accordons pas beaucoup de prix à la liberté d’expression. On n’a entendu personne sur la scène politique s’élever fermement contre la loi, pour dire qu’elle était contraire à notre constitution, contraire à la Déclaration universelle des droits humains de 1949, contraire à toutes les conventions internationales sur la liberté d’expression. La liberté de conscience est un droit fondamental et inaliénable.

S.I. Y-a-t-il d’autres pays dans le monde où le mouvement féministe a connu la même situation que le mouvement français aujourd’hui ?
Tous les mouvements féministes dans le monde occidental ont subi cette révolte des femmes qui ne se reconnaissaient pas fondamentalement dans un mouvement blanc. Aux Etats-Unis ou en Angleterre par exemple, les femmes que l’on dit « noires », terme politique qui regroupe des femmes non blanches, ont fait leurs propres groupes. Elles n’avaient pas exactement la même analyse des problèmes. Elles ne souhaitaient pas appliquer exactement ce que disaient les autres féministes. Elles avaient besoin que leur expérience soit prise en compte. Une fois qu’il a accepté cette remise en cause, le mouvement féministe a pu reprendre de l’ampleur.

S.I. Qu’est-ce que vous souhaitez pour le mouvement féministe français?
Le féminisme doit être mondial ou ne pas être. Il doit prendre en compte les luttes de toutes les femmes du monde, et de tous les groupes de femmes. Ces femmes ne peuvent lutter qu’à partir de leur propre vie et de leur propre expérience. Un féminisme qui exclut la vie et l’expérience de certaines femmes ne peut pas être valable. De la même façon qu’un socialisme qui exclurait l’expérience d’une certaine couche de la population ou de certains secteurs professionnels ne le serait pas. C’est le problème de généraliser à partir d’un cas particulier, et de prétendre détenir l’universel, spécialité typiquement occidentale. En France, le mouvement féministe à l’heure actuelle est en crise. J’espère que des féministes vont se rendre compte de leur erreur. Il faudrait développer de nouveau les groupes de paroles entre femmes –ce que nous faisons au Collectif des féministes pour l’égalité.

S.I. Le mouvement féministe français subirait-il les conséquences d’un problème qui est mondial, et qui dépasse largement le débat franco-français ?
Cette crise du féminisme et l’affaire du foulard sont des expressions de l’approfondissement du fossé entre un Occident impérialiste, qui continue de prétendre qu’il a raison, et le reste du monde. Sur la question du foulard, toute la scène politique française, gauche y compris, s’est de facto alignée sur une position colonialiste, qui veut imposer ses valeurs par la force.
Après la décolonisation et une ère de prétendue coopération entre nations égales, le néo-colonialisme occidental, qui s’appelle aujourd’hui la mondialisation, conserve et amplifie son aspect guerrier : invasions, occupations, etc. La majorité des populations occidentales n’a pas un intérêt objectif dans ces guerres, car elle est elle-même exploitée par les mondialisateurs. Mais ce gang de dirigeants réussit à lui faire endosser ces guerres, comme il le fait depuis le XVIème siècle, grâce à l’idéologie de la supériorité du monde occidental, ce que Sophie Bessis4 appelle la « culture de la suprématie ». Cette croyance en notre supériorité nous aveugle et nous empêche de comprendre le ressentiment du reste du monde.
Propos recueillis par Thomas Mitch
______________________________
1 Shirin Ebadi est une femme iranienne qui a reçu le Prix Nobel de la paix en 2003. Pour la première fois depuis sa création en 1901, le Prix Nobel de la paix a récompensé une musulmane. Juriste et enseignante de 56 ans, Shririn Ebadi a été la première femme à devenir juge à Téhéran en 1974. Contrainte de démissionner par le pouvoir islamiste, elle a continué à œuvrer pour la défense des droits des femmes et des enfants, et à fournir une aide juridique aux personnes persécutées.
2 Edouard Saïd était un intellectuel palestino-américain. Il s’opposait vivement à la politique israélienne et réclamait le départ de Yasser Arafat, qu’il jugeait trop bureaucrate.
3 Homme politique iranien en faveur de la nationalisation des ressources pétrolières de son pays, alors détenues par les Américains et les Britanniques. Il fut renversé dans un coup d’état orchestré par la CIA en 1953.
4 Sophie Bessis, L’occident et les autres, La découverte, 2001.
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Message  Rougevert Dim 8 Mar - 20:49

Bah...tes pavés hors sujet n'ont pour effet que d'éloigner mes questions de ton absence de réponses.
Ca se voit quand même.
Je n'ai pas dit que la Marche Mondiale des femmes n'avait pas d'intérêt.
Mais ce n'est pas une marche féministe.
Ce n'est pas une marche qui soutient les revendications constituantes du féminisme (un luxe pour les blanches?).
A savoir:
Rougevert a écrit:L'oppression des femmes est quelque chose de concret, quotidien.
Dire qu'elle est universelle est une manoeuvre pour éviter la question qui dérange: le féminisme est-il un combat universel?
C'est à dire:
- le droit des femmes à disposer de leur corps (contraception, avortement, sexualité, orientation sexuelle, indépendance conjugale et contre les mariages forcés))
- refus des discriminations et de l'attribution de rôles sociaux sexués (tâches domestiques, éducation des enfants)
-égalité des droits : notamment l'accès à l'instruction, à l'emploi, égalité des salaires.

Ou bien toutes ces questions sont-elles "relativisables"?

(...)

Il n'y a même pas besoin d'être pour la libération des femmes pour s'opposer à la pauvreté (seules les femmes en sont victimes?) et aux violences faites aux femmes, dont certains pensent, à tort, que le voile les protège (autrement dit, l'appartenance à un homme, alors que  le respect seul devrait suffire).
Je le répète, même Christine Boutin peut-être pour.
Ou encore Frigide Barjot.
Ou Marine Le Pen.

Alors appeler féministes les femmes qui y participent (même si des féministes y participent) c'est se payer de mots.

Toujours est-il que ces revendications (féministes, celles que j'ai citées) ne figurent pas dans les objectifs de la Marche Mondiale des femmes, contrairement à ce que tu "constates".

Là, tu mens.
Ou alors, tu ne sais pas de quoi tu parles.


Quand tu  écris "certaines revendications", tu fais  un tri en excluant certaines...acceptables par toi, qui n'est pas victime de cette oppression particulière;
Tu fais comme le Pape et le Président du COIF: tu te mêles de qui ne te regarde pas.
Comme on le disait des députés en 1974.
Mais nous ne savons toujours même pas lesquelles.
Tu en as trop dit ou pas assez. Very Happy
Ce que nous voudrions savoir, c'est ce que deviendraient les droits à l'avortement, à la contraception, à disposer librement de son corps, le divorce, le partage des tâches ménagères, l'égalité des droits dans une société "décolonisée", comme la conçoit le PIR...
S'il y a MENACE ou pas.
Je comprends pourquoi tu hais tellement CH.

La question est pourtant simple mais nous n'avons toujours pas ta réponse.
C'est sûrement un hasard.
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Message  Toussaint Dim 8 Mar - 21:57

Mais ce n'est pas une marche féministe.
Ce n'est pas une marche qui soutient les revendications constituantes du féminisme


Oui, on sait, Christine Boutin... Very Happy

Non, mon pauvre Rougevert, je ne dis pas ce qui est acceptable par moi, je mets à la disposition la réponse de féministes à tes questions sur l'universalité du féminisme; tu vois, Rougevert, lorsque de féminisme il s'agit et de dire ou pas ce qu'est le féminisme et ce qu'il n'est pas (par exemple tu dis que lutter contre la spécificité de la pauvreté des femmes et contre les violences de genre n'est pas féministe, la totalité des féministes de ton pays ne l'ont pas vu ainsi, renseigne-toi, manifestement tu n'as pas idée de ce que sont les luttes féministes), j'ai tendance à me retrancher derrière des féministes plutôt qu'à le définir de ma haute autorité privée masculine. C'est pourquoi j'ai mis des textes de féministes qui débattent des questions que tu poses et te donneront des éléments de réflexion. Je n'aime pas trop les types qui disent ce qu'est ou n'est pas le féminisme, Maya est islamophobe mais elle est féministe par exemple et je ne me vois pas disant à Maya que pour moi elle n'est pas féministe (pas suicidaire, tous ceux qui connaissent Maya comprendront: "Non, mais qu'est-ce que c'est que ce connard qui vient dire aux femmes ce qu'est le féminisme..." je me souviens encore de la tête du malheureux Very Happy ). Ni à Delphy, qui répondrait sur un autre ton, mais aussi dévastateur...

J'ai dit que toutes les questions que tu citais étaient en effet universelles à mon avis et que d'ailleurs elles étaient traitées dans la Marche, ce qui est un fait; mais tu l'ignores, alors je vais chercher un texte de la Marche, et on verra, parce que tu me fais pitié.

Ensuite, par exemple le PCOI vient de sortir un texte contre l'islamisme, l'intégrisme; et dans leur pays, ils ont raison, les femmes se battent, de la même façon des femmes musulmanes féministes se battent contre l'oppression religieuse en France et pour tout ce que tu as cité. Mais qu'en sais-tu, Charlie? Bon, je vais chercher un texte.
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Message  Toussaint Dim 8 Mar - 22:08

Mais ce n'est pas une marche féministe.
Ce n'est pas une marche qui soutient les revendications constituantes du féminisme (un luxe pour les blanches?).
Very Happy
Redisons encore, malgré l'exclusion de la MMF du mouvement féministe par Rougevert, ce qu'est la Marche Mondiale des Femmes; les liens suivants permettront de se faire une idée du fait que la Marche Mondiale des Femmes est une marche féministe unitaire, mondiale et diverse, sur toutes les questions qui constituent l'oppression des femmes dans le monde:

http://www.mmf-france.fr/quinoussommes.htm

http://www.mmf-france.fr/documents/2004Chartemondiale.pdf

http://www.mmf-france.fr/documents/2003MMFvaleurs.pdf

http://www.mmf-france.fr/documents/2006MMFobjectifs.pdf


A comparer les textes de la MMF avec le délire pathologique de Rougevert, l'homme qui redéfinit le féminisme...

Il n'y a même pas besoin d'être pour la libération des femmes pour s'opposer à la pauvreté (seules les femmes en sont victimes?) et aux violences faites aux femmes, dont certains pensent, à tort, que le voile les protège (autrement dit, l'appartenance à un homme, alors que  le respect seul devrait suffire).
Je le répète, même Christine Boutin peut-être pour.
Ou encore Frigide Barjot.
Ou Marine Le Pen.
Alors appeler féministes les femmes qui y participent (même si des féministes y participent) c'est se payer de mots.

Very Happy Very Happy  Very Happy  Very Happy  Very Happy  Very Happy
Là, chapeau, tu t'es surpassé, merci.
J'adore le "alors"... Christine Boutin, Marine Le Pen, etc... vraiment?
Soigne-toi, mon pauvre Rougevert, cela fait maintenant plusieurs heures que tu délires...
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Message  Rougevert Lun 9 Mar - 19:02

Je te présente mes plus plates excuses, Toussaint.
Je reconnais avoir fait une grossière erreur en prétendant que tu menais et que tu ne savais pas de quoi tu parlais. A l’évidence, c’est mo qui ne savait pas.
Je ne connaissais pas la Marche, née pendant une longue période où je n’ai pas milité.
Et c’est vrai, quand j’ai cherché hier, je n’étais pas énervé, mais fatigué.
Par de longues recherches sur Caroline Fourest et ses bidonnages (j’en reparlerai).
Arrivé sur la page d’accueil de la MMF, je n’ai donc pas lu la Charte.
La présentation évoquait deux grands thèmes : la misère et les violences faites aux femmes.
Je ne connais personne qui dit être pour la misère et pour les violences faites aux femmes.
Les revendications fondatrices du mouvement féministe (que je connais bien, elles) sont plus clivantes et contraignantes : elles engagent plus.
Le droit à l’avortement, à la contraception, le divorce, la liberté de disposer de son corps ne peuvent qu’opposer les croyants à leur clergé ou à leurs représentants élus.
Donc, même après une aussi grosse bourde, et même je vais suivre ton conseil (celui de me reposer, d’autant plus qu’en semaine, je travaille), je vais poursuivre, avec beaucoup plus de rigueur.
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Message  Toussaint Mar 10 Mar - 11:17

Salut, camarade, désolé de mon ton sarcastique, tu nous donnes une leçon d'honnêteté.
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Message  verié2 Mar 10 Mar - 11:57

Toussaint a écrit:Salut, camarade, désolé de mon ton sarcastique, tu nous donnes une leçon d'honnêteté.
Et si tu en prenais toi-même de la graine, Toussaint, pour éviter d'insulter tes interlocuteurs et des organisations d'extrême-gauche ? (Quand il ne s'agit que d'un "ton sarcastique", ce n'est pas trop grave...)

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Message  Toussaint Ven 13 Mar - 0:00

Je ne suis pas Charlie, la traduction de l'article mis en espagnol par Copas
José Antonio Gutiérrez Dantón / Lunes 12 de enero de 2015

Je tiens à clarifier d’emblée que je considère l’attentat contre les bureaux du journal satirique Charlie-Hebdo à Paris comme une horreur et que je ne crois pas qu’il soit justifiable en quelque circonstance que ce soit, de convertir un journaliste, si douteuse que soit sa qualité professionnelle, en objectif militaire. Cela vaut en France, comme en Colombie ou en Palestine. Je ne m’identifie non plus avec aucun fondamentalisme, ni chrétien, ni juif, ni musulman, ni non plus avec le laïcisme bébête francisé, qui érige la "République" sacrée en déesse. J’apporte ces précisions, qui sont nécessaires puisque les gourous de la haute politique en Europe nous assurent que nous vivons dans une "démocratie exemplaire" avec des "grandes libertés", même si nous savons bien que Big Brother nous surveille et que n’importe quel discours hors cadre toléré se voit durement puni. Mais je ne crois pas qu’une condamnation de l’attentat contre Charlie Hebdo doive entraîner automatiquement qu’on porte aux nues une publication qui est, fondamentalement, un monument d’intolérance, de racisme et d’arrogance coloniale.

Des milliers de personnes, affectées par cet attentat –ce qui est compréhensible -, ont fait circuler des messages disant "Je suis Charlie" comme si ce message était le dernier cri de la défense de la liberté. Eh bien, je ne suis pas Charlie. Je ne m’identifie pas à la représentation dégradante et "caricaturale" qu’il fait du monde islamique, en pleine "Guerre contre le Terrorisme", avec toute la charge raciste et colonialiste que celle-ci comporte. Je ne peux pas voir d’un bon œil cette agression symbolique constante qui va de pair avec une agression physique et réelle, au moyen de bombardements et d’occupations militaires, dans les pays appartenant à cet horizon culturel. Je ne peux pas non plus voir d’un bon œil ces caricatures et ces textes offensants, quand les Arabes font partie des secteurs les plus marginalisés, appauvris et exploités de la société française, qui ont historiquement subi un traitement brutal : je n’oublie pas que c’est à Paris, au début des années 60, que la police a massacré à coup de matraques 200 Algériens qui demandaient la fin de l’occupation française de leur pays, déjà responsable selon les estimations d’un million de morts d’Arabes "barbares". Il ne s’agit pas de caricatures innocentes, œuvres de libre penseurs, mais de messages, produits par les médias de masse (car, bien qu’ayant une posture alternative, Charlie Hebdo appartient bien aux médias de masse), chargés de stéréotypes et de haine, renforçant un discours qui considère les Arabes comme des barbares à contenir, déraciner, contrôler, réprimer, opprimer et exterminer. Des messages dont le but implicite est de justifier les invasions des pays du Moyen-Orient ainsi que les multiples interventions et bombardements orchestrés par l’Occident, dans la défense du nouveau partage impérial. L’acteur espagnol Willy Toledo disait, dans une déclaration polémique – qui ne faisait qu’énoncer une évidence - que "l’Occident tue tous les jours. Sans bruit". Et c’est cela que Charlie et son un humour noir cachent sous forme de satire.

Je n’oublie pas la couverture du N°1099 de Charlie Hebdo, dans lequel on banalisait le massacre de plus de mille Égyptiens par une dictature militaire brutale, qui a la bénédiction de la France et des USA, avec un dessin d’un homme musulman criblé de balles, tandis qu’il essayait de se protéger avec le Coran, avec ce texte : "Tuerie en Égypte. Le Coran c’est de la merde : il n’arrête pas les balles". Certains auront trouvé ça d’amusant. En leur temps, des colons anglais en Terre de Feu (Argentine) trouvaient amusant de poser pour des photographies avec des indigènes qu’ils avaient "chassé", avec de larges sourires, carabine à la main, et avec le pied posé sur cadavre sanguinolent toujours chaud. Plutôt qu’amusante, cette caricature me semble violente et coloniale, un abus de cette liberté de presse occidentale aussi fictive que manipulée. Qu’est-ce qui arriverait si je publiais aujourd’hui journal avec en couverture la phrase : "Tuerie à Paris. Charlie Hebdo, c’est de la merde : ça n’arrête pas les balles") et une caricature du défunt Jean Cabut criblé de balles avec une copie du journal entre les mains ? Bien sûr, ce serait un scandale : la vie d’un Français est sacrée. Celle d’un Égyptien (ou d’un Palestinien, Irakien, Syrien, etc.) c’est du matériau "humoristique". C’est pourquoi je ne suis pas Charlie, puisque la vie de chacun de ces Égyptiens criblés de balles est pour moi aussi sacrée que celle de n’importe quel de ces caricaturistes aujourd’hui assassinés.

Nous connaissons déjà ce deux poids deux mesures : on va avoir droit à des discours de la défense de la liberté de presse de la part des mêmes pays qui, en 1999, ont donné la bénédiction au bombardement de l’OTAN, à Belgrad qui se sont tus quand Israël a bombardé à Beyrouth la station de TV Al-Manar en 2006, qui taisent les meurtres de journalistes critiques colombiens et palestiniens. Après la belle rhétorique de la liberté, viendra l’action liberticide: plus de maccarthysme au nom de l’ "anti-terrorisme", plus d’interventions coloniales, plus de restrictions à ces "garanties démocratiques" en voie d’extinction, et naturellement, plus de racisme. L’Europe se consume dans une spirale de haine xénophobe, d’islamophobie, d’antisémitisme (les Palestiniens sont de fait des sémites) et cette atmosphère devient de plus en plus irrespirable. Les musulmans sont déjà les juifs de l’Europe du XXIème siècle, et les partis néo-nazis redeviennent respectables 80 ans plus tard, grâce à ce sentiment répugnant. Pour tout cela, malgré la répulsion que provoque en moi l’attentat de Paris, Je ne suis pas Charlie.



Dernière édition par Toussaint le Ven 13 Mar - 1:32, édité 2 fois
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Message  hadrien Mar 17 Mar - 22:04

Je n'avais pas lu cet article et je ne sais pas si Pierre Rousset est encore à la direction du NPA.
Ca change en tout cas des tombereaux d'immondices qu'on a pu lire ici et qui semblent, heureusement ne pas être représentative de tout le NPA.

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34303#nb18

Un extrait qui plaira à ceux qui ont déversé leurs crachats et injures sur les journalistes de Charlie qu'ils ont traité pour l'occasion de "torchon raciste":

Charlie raciste ?

Charlie Hebdo est un journal, pas une organisation. Il inclut un panel de journaliste aux opinions assez variées. Il a une histoire parfois tourmentée, problématique, comme après le 11 septembre 2001 et sous la direction de Philippe Vall. Je dois avouer que je n’ai jamais été un lecteur de Charlie ou du Canard enchaîné – même si j’ai beaucoup apprécié les dessins des victimes du massacre : Cabu, Wolinsky, Charb, Tignous… largement publiés dans la presse militante, dont la mienne (Rouge). Pour l’histoire, je renvoie donc à d’autres auteurs [11].

La victime n’était pas parfaite ? Mais pourquoi devrait-elle être ? La mise en accusation des dessinateurs assassinés de Charlie m’évoque souvent la charge déclenchée contre une femme violée : sa tenue n’était-elle pas bien légère ? son comportement provocateur ? n’a-t-elle pas un passé volage ? Du soupçon on passe à la dénonciation : Charlie était raciste. Dans une grande partie de la blogosphère anglophone, le verdict est asséné, la cause entendue, répétée en boucle, incontestable.

Le procès par falsification est simple. On choisi des dessins qui peuvent sembler racistes et on ignore ceux, bien plus nombreux, qui sont explicitement antiracistes. On qualifie d’islamophobe toute caricature de Mahomet, même quand elle a pour objet de différentier islam et fondamentalistes, comme la fameuse « une » de Cabu présentant le Prophète la tête dans les mains et se lamentant : « c’est dur d’être aimé par des cons ». Bien des Anglo-saxons manifestent par ailleurs leur impérialisme culturel usuel en refusant de prendre en compte les traditions françaises en matière de caricatures et d’anticléricalisme (quitte à les critiquer après).

De toute façon, l’objectif pour beaucoup n’est pas de comprendre la complexité, mais de mener une instruction entièrement à charge. C’est tout à fait effrayant de voir cette mécanique opérer et jusqu’où elle peut conduire. Car enfin, comme le dit Gilbert Achcar, « Certaines personnes impliquées dans Charlie Hebdo se situaient tout à fait à gauche. Stéphane Charbonnier, connu sous le nom de Charb, le directeur de la publication qui était la cible principale des assassins, était à tous les égards quelqu’un qui se situait à gauche. Il avait des liens étroits avec le Parti communiste et les milieux de gauche. Ses funérailles se sont déroulées au son de l’Internationale [12] et l’éloge funèbre que lui a rendu Luz, un survivant de l’équipe de Charlie Hebdo, comprenait une critique acerbe de la droite et de l’extrême droite française, et du pape comme de Benjamin Netanyahou. En ce sens, la comparaison que certains ont pu faire de Charlie Hebdo avec un magazine nazi publiant des dessins antisémites dans l’Allemagne nazie est complètement absurde. Charlie Hebdo n’est certainement pas une publication d’extrême droite, et la France d’aujourd’hui n’est certainement pas un Etat de type nazi. »

Ou comme l’a écrit Michael Löwy le lendemain du massacre : « Infamie. C’est le seul mot qui peut résumer ce que nous sentons face à l’assassinat des copains de Charlie Hebdo. Un crime d’autant plus odieux que ces camarades artistes étaient des gens de gauche, anti-racistes, anti-fascistes, anti-colonialistes, sympathisants du communisme ou de l’anarchisme [13]. Il y a peu ils avaient participé à un album en hommage à la mémoire des centaines d’Algériens assassinés par la police française à Paris le 17 octobre 1961. Leur unique arme était la plume, l’humour, l’irrévérence, l’insolence. Aussi contre les religions, selon la vieille tradition anti-cléricale de la gauche française. Mais dans le dernier numéro de la revue, la couverture était une caricature contre l’islamophobie d’Houllebeck, et on trouvait à l’intérieur une page de caricatures contre la religion…catholique. Rappelons que Charb, le rédacteur en chef, était un dessinateur de sensibilité révolutionnaire, qui a illustré le livre de Daniel Bensaïd, Marx, mode d’emploi. Il était aussi présent dans la soirée en hommage à Bensaïd, où il croquait des dessins tendres et ironiques, qui étaient projetés au fur et à la mesure. » [14]

Certains ont cherché des poux dans le numéro de Charlie publié par les survivants une dizaine de jours après le massacre, ce que je trouve assez indécent quand on imagine dans quelles contions psychologiques la rédaction a dû travailler. Mais voici ce que dit Luz [15] de sa « une » présentant Mohamet un panneau « Je suis Charlie » entre les mains sous le titre « Tout est pardonné » – une couverture dont la genèse a été bien difficile : « [Je me suis tourné vers] la raison pour laquelle une partie de l’équipe de Charlie a été tuée [le dessin de Mahomet, en “une“ du “Charia Hebdo“] qui nous a valu un incendie [en 2011] Je me suis adressé là lui. Mon pauvre vieux, toi que j’ai dessiné en 2011, qui nous a valu beaucoup d’emmerdes... Quelque part, c’était presque un pardon mutuel qu’on se faisait. Moi, en tant qu’auteur, en disant “Je suis vraiment désolé de t’avoir foutu là-dedans“, et lui, en tant que personnage, qui me pardonnait, qui me disait “C’est pas grave, toi, tu es vivant, tu vas pouvoir continuer à me dessiner“. » Les propos d’un raciste islamophobe ?

Comme l’a noté Tareq Oubrou, imam et recteur de la mosquée de Bordeaux : « Une caricature c’est une caricature. Nous sommes dans un pays libre et c’est grâce à cette liberté que les musulmans peuvent s’exprimer et pratiquer. Il ne faut pas scier la branche sur laquelle tout le monde est assis. […] L’intention de ces caricatures c’est l’apaisement, c’est même un acte de gentillesse. Il faut voir la caricature au-delà du problème de la représentation du prophète en tant que tel. » [16]

Riss est aujourd’hui le nouveau directeur de Charlie Hebdo, remplaçant Charb. Il a été blessé durant l’attaque (une balle dans l’épaule). Interviewé au sortir de l’hôpital, il revient sur le massacre, sur l’histoire de Charlie (qui « a été fait le symbole du combat pour la laïcité à notre grande surprise ») et conclut : « Au bout d’un moment, on va quand même finir par comprendre que tous les musulmans ne sont pas destinés à être terroristes. On peut être musulman dans une démocratie, ce n’est pas un problème. Seuls des esprits malhonnêtes font l’amalgame. Et on voit très bien d’où cela vient. Les terroristes n’ont rien à voir avec l’immense majorité des Français de confession musulmane. » [17] Les propos d’un raciste islamophobe ?

Tout cela est dit après une épreuve terrible. Mais nos falsificateurs n’en ont cure. Ils se gardent bien d’informer leur auditoire des engagements militants des victimes, des propos que les survivants peuvent tenir contre l’amalgame entre musulman et terroriste. Ils n’ont pas grand-chose à dire des victimes juives. L’empathie, l’humanité ne sont pas leur fort. De quel projet de société sont-ils porteurs ?

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Message  Copas Mar 17 Mar - 22:47

Falsificateurs, tombereaux d'injures, etc ?

On qualifie d’islamophobe toute caricature de Mahomet, même quand elle a pour objet de différentier islam et fondamentalistes, comme la fameuse « une » de Cabu présentant le Prophète la tête dans les mains et se lamentant : « c’est dur d’être aimé par des cons ». Bien des Anglo-saxons manifestent par ailleurs leur impérialisme culturel usuel en refusant de prendre en compte les traditions françaises en matière de caricatures et d’anticléricalisme (quitte à les critiquer après).

Elle est où la caricature de Mahomet dans la une de Charlie qui montrent les jeunes femmes enlevées par Boko Haram; enceintes et les cheveux couverts criant "touches pas à mes allocs !" ????

Oui Charlie a eu des titres gras, pourris, racistes, celui-ci en était un, dégueulasse sans conteste, avec strictement rien là dedans d'une critique de l'islam ou des islamistes, mais tout du discours du FN sur les étrangers.

Qu'une partie de la gauche accepte cela en le cachant sous l'oreiller n'est pas très nouveau.
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Message  Rougevert Mer 18 Mar - 0:06

Merci hadrien. Smile

On a déjà parlé de ça, Copas.
Pour lire ou "interpréter" un dessin, il faut prendre en compte la totalité des éléments, ici, le titre: "les esclaves de Boko-haram", détenues au Nigéria.
Il ne s'agit pas là d'une caricature de Mahomet, mais de l'idée qu'ont les racistes des intentions des Musulmans, celle de vivre à leurs dépens, en "touchant des allocs".
Ce dessin met aussi en évidence le caractère odieux de la situation des femmes des "ex"-colonies, victimes partout.
Quant au dessin sur "Le Coran, c'est de la merde, ça n'arrête pas les balles!", il s'en prend certes crument, mais c'est le propre de la caricature, à l'idée des croyants que la vie réelle a moins (voire très peu) de valeur que la vie prétendue éternelle, et qui permet de donner la mort sans culpabilité comme de la recevoir (en martyr?) avec légèreté.
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Message  Babel Mer 18 Mar - 7:28

hadrien a écrit:Je n'avais pas lu cet article et je ne sais pas si Pierre Rousset est encore à la direction du NPA.
Ca change en tout cas des tombereaux d'immondices qu'on a pu lire ici et qui semblent, heureusement ne pas être représentative de tout le NPA.

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34303#nb18

J'avais cité et commenté ce texte dans un fil voisin https://forummarxiste.forum-actif.net/t3701p540-attentat-contre-charlie-hebdo#102036, soulignant son intérêt.

Je n'aime pas ce qu'est devenu ce canard ; je réprouve un bon nombre de ses "Unes" et de ses dessins, et je considère certaines de ses prises de position révélatrices d'une dérive réactionnaire. Mais je ne fais pas partie de ceux qui rangent Charlie du côté des "torchons d'extrême-droite". Pour deux raisons qui sont liées :
- un journal de presse n'est pas un organe de propagande politique, mais un lieu d'expression de différentes sensibilités qui s'accordent, se complètent et se confrontent pour lui donner un profil particulier ;
- bien plus encore qu'un texte écrit, un dessin se prête à plusieurs lectures, parfois contradictoires. Sa nature même (l'ensemble des signes graphiques qui le composent pour former un tout visuel) est polysémique : on peut même dire qu'il en joue.

Ceci dit, il ne faut pas être naïf, et abstraire une institution de presse comme Charlie (installée dans le paysage médiatique depuis bientôt un demi-siècle) de toutes les convoitises politiques, de tous les enjeux de pouvoir et les jeux d'influence qui traversent ce champ particulier de l'activité sociale. Posséder un titre comme celui-ci, fort d'un passé sulfureux et jouissant donc d'un capital symbolique lié à sa réputation, ou ne serait-ce que pouvoir influer sur sa ligne éditoriale, n'a rien d'innocent. C'est se donner la possibilité de pouvoir influencer l'opinion de la frange de lecteurs qui lui est attachée.

C'est également se donner les moyens de retourner cette réputation pour son propre profit, afin de s'installer au sein du paysage médiatique et y exercer une influence. Donc, tout simplement, y bâtir un "plan de carrière" : le parcours de Val (des planches des cafés "riv'gauche" à la direction de France-Inter) est un exemple significatif de ce genre d'arrivisme sans scrupules, qui n'est pas propre à ce milieu, mais que la nature même des liens que celui-ci noue avec les puissances financières et les pouvoirs politiques favorise et amplifie.

Balzac avait, en son temps, analysé l'ensemble de ces phénomènes de façon tout à fait éclairante, en particulier dans Illusions Perdues. Tout comme Maupassant, dans Bel Ami.        

Enfin, par delà les formulations excessives, ce que soulignent à juste titre les contempteurs de Charlie, c'est la responsabilité de tout journaliste, de tout dessinateur de presse. A fortiori quand le sujet qu'il traite relève de l'actualité dans sa dimension directement humaine. Un écrit, un dessin, quel qu'il soit, vous engage ; c'est un acte de communication fort et lourd de sens, qui nécessite la prise en compte de la manière dont il sera perçu et interprété par un lectorat. Par tous ses lectorats potentiels.

Il y a par conséquent une sorte d'effet de retour, de feedback, qui doit être intégré à son émission même. Et cet effet relève d'une déontologie journalistique d'autant plus exigeante sur le plan de la morale politique qu'on se prétend "de gauche", - c'est-à-dire être du côté de ceux qui subissent l'oppression et l'exploitation, tout n'ayant qu'un seul droit : celui de la boucler. Ne pas s'en soucier, en invoquant le refus de toute forme de censure et d'autocensure, revient à cultiver une espèce d'autisme politique irresponsable. Que celui-ci emprunte la forme de l'auto-suffisance  narcissique ("je me comprends, c'est l'essentiel") ou de la culture de l'entre-soi ("le périmètre délimité de lecteurs auquel je m'adresse m'aura compris, ça me suffit") revient au même. C'est la même irresponsabilité qui, lorsqu'elle exerce ses effets sur des catégories sociales dominées, opprimées et/ou stigmatisées, devient révoltante et insupportable.

A ma connaissance, Pierre Rousset est toujours au NPA. Et c'est l'un des membres de l'actuelle direction de la IVe Internationale (dite "SU"), présent lors de son XVIe congrès, qui s'est tenu en février 2010.

Babel

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