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Chili

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Message  Toussaint Mar 24 Sep - 18:59

Je ne parlais pas de la faiblesse du PCR pour jeter de la boue, c'est pathétique comme interprétation. Le MIR avait une autre force, plus grande, avec une capacité de mobilisation et un écho bien plus grand, point barre, et ton anecdote le confirme très bien. Quant à la VOP, j'ai connu de très, très près certains de ses militants, et ils étaient maoïstes, très exactement et très précisément, ils avaient d'ailleurs des relations très mauvaises avec le PCR. Point barre aussi... Maintenant, c'était une orga désastreuse, très hétérogène, sur ce point tu as raison et au bilan catastrophique, qui s'est désintégrée très vite.

La renommée du MIR en France c'est qui qui l'a faite?
Et pourquoi?
Parce qu'ils avaient (à peu près) la même conception tant du parti, comme de la politique.
Ils auraient pu choisir un tas d'autres camarades du MIR qui eux ont réfléchi et pensé leur parcours.
Mais non, il fallait une figure médiatique. Le MIR n'aurait pas fait différemment.
Pas un mot à retrancher ni à ajouter, à ceci près que je suis aussi d'accord avec vérié sur Carmen Castillo et son travail très ambigu. On ne peut pas juger les camarades qui ont craqué et on peut encore moins être plus rancunier que ceux qu'ils ont fait tomber. Mais le travail de Castillo est très ambigu, notamment ce qu'elle a fait avec son compagnon d'un temps, Régis Debray. Mais ses films ne sont pas tellement réconciliation nationale, je ne les vois pas ainsi, et d'ailleurs c'est impossible au Chili de rendre hommage au MIR et aux Enriquez en poursuivant la réconciliation nationale. Mais son travail est ambigu et faire le choix de commémorer avec celle le putsch, c'est un peu décevant 40 ans après de régresser sur la critique du cours de l'UP et du cours du MIR. Critique qui existait dans la LCR, pas forcément, c'est vrai, dans la majo dont la ligne envisagée en 81 était un peu un décalque de la position du MIR, mais n'a jamais été mise en place, les deux situations ne se ressemblaient pas du tout.

Je suis d'accord aussi sur ta vision des situations de résistance, autant que je l'aie appris et su, et sur ta remarque sur l'impossibilité de résister réellement sans une véritable direction. Mais Allende ne pouvait pas créer cette résistance de La Moneda, ni politiquement, ni organisationnellement, ni pratiquement. Ensuite, certes, il a été poussé à, etc... comme chacun de nous (et comme les bolcheviks pour se décider à organiser la prise du pouvoir, pousssés et sacrément poussés, presque menacés). Les explications après coup et la psychologie, c'est OK, mais reste qu'Allende a résisté et qu'il a résisté avec courage, sous le feu. Il aurait pu s'enfuir, il aurait pu se rendre, il aurait pu et à plusieurs reprises, il ne l'a pas fait et il a appelé à la lutte. Venir lui cracher dessus pour cela précisément, c'est minable, et ce n'est pas ce que tu fais, d'ailleurs. Et le PS chilien que tu décris avec une certaine exactitude était bel et bien un parti ouvrier, et personne ne peut ditre le contraire. Réformiste, inconséquent, électoraliste, assez à la remorque du PC malgré des phrases gauchistes... oui. Et un parti ouvrier, dont Allende était un militant et le candidat aux présidentielles à plusieurs reprises. On peut rajouter des paragraphes et des livres, ce sont des faits, point barre à nouveau.

Tu cites une phrase sur l'héroïsme du MIR et tu me dis que ce n'est pas un argument. Ce n'était pas un argument sur la ligne du MIR. Si tu avais lu ce qui suivait, tu aurais vu que je ne pensais pas grand bien de la politique du MIR. Ils sont tombés un peu à cause de leurs erreurs, et beaucoup à cause de la dictature qui avait bien préparé son coup. Quant à ton anecdote en milieu étudiant-lycéen, elle ne vaut certainement pas d'être généralisée, le MIR n'a pas eu que de ces rigolos, et tu le sais fort bien. Tu veux sans doute "jeter de la boue sur le MIR", c'est ton problème, bien dans le style des rancoeurs et des petites histoires discréditantes sur les uns et les autres de la militance chilienne des premiers temps de l'exil. On pourrait te citer d'autres exemples de réunions sérieuses et de coordinations sérieuses. De relations internationales et de réseaux construits avec un grand soin et une grande efficacité par les camarades du MIR. Ensuite je n'ai pas dit qu'il n'y avait eu des héros que dans le MIR, j'ai dit explicitement le contraire, précisément, mais tu ne peux pas insulter notre intelligence et notre connaissance en nous peignant le MIR comme des charlots, c'est simplement faux. Des camarades de la LCR ont mis leur vie entre les mains de ces zozos pendant la dictature et ils sont encore vivants. C'était un parti jeune, c'est vrai, formé à la base par des étudiants en effet, mais il avait gagné un peu plus que quelques paysans et quelques pobladores, je dirais plutôt qu'il avait une implantation très éparse avec quelques points forts, dans deux ou trois poblaciones, et quelques secteurs paysans. Le problème, c'est leur politique, mi-aventurière, mi-inconséquente, en effet, et jusque dans la résistance. Où ils se sont fait mettre en pièces avant de se restabiliser, et de pratiquement disparaître.

Après, la question du Que Faire aujourd'hui est ouverte, et elle ne concerne pas le MIR ou le PCR, elle ne concernera pas non plus les héritiers d'Allende, qui sont non le PS, mais le PC. C'est explicite, Gladys Marin le disait explicitement, le PC chilien se dit ou se disait il y a encore peu "allendiste", et c'est lui qui entretient le culte d'Allende en utilisant en effet le courage du dernier jour comme blanchiment de la ligne de l'UP.
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Message  Estirio Dogante Mar 24 Sep - 20:29

Bref, t'es d'accord avec tout ce que je dis sauf que tu penses que je le fais par des "rancœurs".
Quant à ton anecdote en milieu étudiant-lycéen
Drôle de lecture..j'avais 28 ans et j'étais électricien industriel comme je l'ai été toute ma vie. Les étudiants étaient ceux qui se sont réunis en cette maison, le "commandant" compris.
La question, la vrai question, et tu la connais est la suivante:
A t-on le MIR, sa direction, oui ou non déclaré quelques mois après le coup qu'il fallait "passer à l'offensive" dans les conditions du Chili de ce moment?
Comment peut-on défendre une direction capable d'une telle aventure criminelle?
Qui a eu comme résultat la liquidation d'un nombre de ses militants.
Une "erreur" ça?
Cela disqualifierait quiconque comme dirigeant même d'une cellule de base.

Quelle était donc la supposée "influence réelle" du MIR?
Dans la presse réactionnaire qui l'utilisait contre Allende et l'Unité Populaire?
Où? Où et quand ils ont influencé quoi que ce soit?
Il n'a fait que se poser en soutien critique d'Allende à côté du PS, jouant le même rôle et ne comprenant rien au fond de la politique de l'aile droite majoritaire de l'Unité Populaire. Sa politique a fait des changements d'orientation, des "zig-zags" permanents. Quelques mois après, quand le coup était consommé ils ont "pensé" passer à l'offensive.

Peut-il avoir un plus mauvais exemple pour les nouvelles générations qui ne veulent pas de la social-démocratie?

(la VOP) ils étaient maoïstes, très exactement et très précisément, ils avaient d'ailleurs des relations très mauvaises avec le PCR
Des "maoïstes" " contraires au PCR les seuls maoïstes sur place. En fait la VOP était un tout petit groupe d'aventuriers et des petits bourgeois enragés  partisans de l'Action Directe. Et peut-être des provocateurs manipulés par la CIA, ils ont tué l'ex-ministre et après...plus rien.. Leur assassinat du ex ministre Perez Zujovic a aidé puissamment la réaction et l’ambassade US. Qu'il a pu avoir d’anciens "maoïstes" là dedans, ne permet pas de les amalgamer au PCR.

Et le PS chilien que tu décris avec une certaine exactitude était bel et bien un parti ouvrier, et personne ne peut dire le contraire. Réformiste, inconséquent, électoraliste, assez à la remorque du PC malgré des phrases gauchistes... oui.
Parti ouvrier-bourgeois tu oublies la doxa trotskyste.
Et ce PS, parti "ouvrier" s'est donc transformé quand la "démocratie" est "revenue" et ...a dirigé la persécution des groupes armés avec trois de leurs dirigeants (un député encore en exercice et d'autres) qui ont plus de 99 assassinats extra-judiciaires contre des groupes de EG, qui ont fait plus de 100o arrestations et condamnations "judiciaires", qui ont infiltré les mouvements ,même le MIR (cela me l'a dit un de leurs dirigeants sur place) pour "défendre la démocratie", créé l'ANI (Agence Nationale d’Informations) qui mène la lutte contre les mapuches aujourd'hui,  qu'ils ont maintenu toutes les lois de la dictature.Le système de retraites par capitalisation de Pinochet, la Constitution de Pinochet, les lois syndicales de Pinochet, le système de "Santé" de Pinochet, l'éducation payante de Pinochet, qui ont privatisé les mines de cuivre ce que même Pinochet n'avait pas osé et j'en passe. Ca un "parti ouvrier" en voila une drôle de transformation. C'était un parti des carriéristes avec un secrétaire général ami des la parole "révolutionnaire" qui comptait avec un appui populaire certain, mais un "parti ouvrier"?

Après, la question du Que Faire aujourd'hui est ouverte, et elle ne concerne pas le MIR ou le PCR, elle ne concernera pas non plus les héritiers d'Allende, qui sont non le PS, mais le PC.
Justement il faudrait autre chose. Mais dire que les héritiers d'Allende c'est le PC, le PC qui nous a conduit au massacre, qui aujourd'hui soutient la "néolibérale candidate "Michelle Bachelet, est une très forte critique d'Allende...

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Message  gérard menvussa Mer 25 Sep - 17:17

Et puisqu'on en est aux confidences, je n'ai connu les action des maoistes chiliens (du pcr) que par leurs homologues français dans les années 70, et je suis désolé, mais c'était parfaitement sectaire (du genre "seuls nous avons la ligne "de classe" qui nous permettra de résister au désastre, les autres sont des baltringues ou des traites" (grosso modo) Je ne sais pas (il faudrait fouiller dans mes souvenirs) si ce sectarisme est directement celui des camarades chiliens, ou celui des français défendant leurs camarades chiliens. Mais au vu des derniers échanges, c'est plus que partagé !


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Message  Estirio Dogante Mer 25 Sep - 19:36

Le PCR n'est pas libre de faute et erreurs dogmatiques, loin de là! Je les tombe à bras raccourcis dans mon livre.
Autrement comment expliquer son peu de développement? Sa disparition en 1982?

Fouille donc dans tes souvenirs, mais fouille avant d'écrire, autrement on peut penser que tu n'est pas très juste ni correcte...

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Message  gérard menvussa Mer 25 Sep - 21:28

J'essaye (au moins dans cette discussion) d’être le plus honnête et le moins de mauvaise fois possible. Mais je ne peut le faire que via les sources dont je dispose. C'est par exemple un gros probléme de LO que de ne pouvoir juger de ce genre de question que via la presse bourgeoise, pour l'essentiel. Mais inversement, quand la situation du chili nous est donné que par nos contacts du MIR, cela entraine (nécessairement) d'autres problémes. Contraiement à toi, je ne crois pas du tout que l'analyse "la plus sérieuse" a été donnée par LO, mais bien par daniel bensaid. Mais "dans le feu de l'action" il n'a pas été trés critique envers le mir, par exemple... Mais si on prend la question telle qu'il se la posait en 2003 (c'est a dire loin aprés la bataille, à l'heure des bilans, et plus des brasiers) je consiére que son analyse était largement plus fouilée (et intéressante) que celle de LO

Chili
Chili, les souvenirs d’un amnésique

Le coup d’État militaire du 11 septembre 1973 n’est pas la sanction d’une « fuite en avant » de la gauche chilienne, mais une contre-révolution préventive, préparée.

Dans un bref entretien publié par le journal Le Monde (12 septembre 2003), Marco Aurelio Garcia, ancien militant du Mir [1] chilien, aujourd’hui conseiller diplomatique personnel du président Lula, revient sur les leçons du coup d’État chilien [2].

1. La « principale leçon à retenir » serait « qu’un projet de transformation politique a besoin d’un système d’alliance fort ». Soit. Marco Aurelio se demande en conséquence pourquoi l’alliance large entre l’Unité populaire et la démocratie chrétienne, esquissée en 1970 à l’occasion de l’assassinat du général Schneider, commandant de l’armée, n’a pas été confirmée et consolidée par la suite. Comme si la question des alliances était séparable de celle des politiques suivies et comme si pouvait être mise entre parenthèses la logique conflictuelle de la lutte des classes.

Devant la radicalisation du mouvement, l’extension de l’ère de la propriété sociale en 1972, les tentatives d’autodéfense de masses (notamment au lendemain de la tentative avortée de coup d’État de juin 1972 annonçant le coup réussi du 11 septembre), les partis bourgeois ont logiquement défendu l’ordre bourgeois contre l’extension des conquêtes sociales, l’organisation des soldats dans l’armée, la centralisation des cordons industriels et des commandos communaux. Marco Aurelio aurait-il oublié qu’après la crise d’octobre 1972, la réponse fut précisément un « élargissement de l’alliance » sous forme d’intégration des généraux au gouvernement. Le secrétaire général du PC, Luis Corvalan, déclarait alors : « Il ne fait aucun doute que le cabinet où sont représentées les trois branches des forces armées constitue une digue contre la sédition » ! Le scénario s’est répété lors de la crise de juin 1973, Pinochet en personne accédant alors au gouvernement pour mieux préparer son sinistre coup.

2. La question devient alors de savoir s’il fallait sacrifier à cet improbable élargissement des alliances une politique de réformes visant à consolider le soutien populaire au gouvernement Allende. C’est ce que suggère Marco Aurelio Garcia, en incriminant « la fuite en avant » d’une bonne partie de la gauche chilienne, comme si cette gauche radicale portait ainsi la moindre responsabilité d’un coup d’État fomenté par la réaction et la CIA (c’est aujourd’hui largement documenté et établi) dans le cadre du sinistre plan Condor, dès la victoire électorale d’Allende. Le sabotage illustré par la grève patronale de l’automne 1972 illustre la pression croissante de l’impérialisme et l’étranglement imposé à une économie dont le taux de croissance est passé de 14 % en 1971 à 2,4 % en 1972.

3. Cette façon de rendre la gauche radicale responsable de l’échec fait écho bien sûr à des polémiques actuelles au sein de la gauche. Pour Marco Aurelio Garcia, la faute du Mir (mouvement de la gauche révolutionnaire, principale organisation de l’extrême gauche) aurait été de « se cantonner dans une position erronée, voulant constituer une alternative absolue au lieu d’être le versant critique de l’Unité populaire ».

Marco Aurelio sait pourtant fort bien que le Mir a soutenu la victoire de l’UP et, sans y participer, le gouvernement Allende (allant jusqu’à assurer la garde personnelle du président). En 1972, le Mir envisagea même d’entrer au gouvernement, mais il renonça devant le cours droitier en matière de politique économique et d’alliances impulsé par le Parti communiste.

La question est ailleurs, dans l’hypothèse stratégique de guerre populaire prolongée qui guidait alors l’action du Mir. Le Mir s’attendait à un renversement du gouvernement mais sous la forme d’une défaite limitée qui donnerait le coup d’envoi de cette guerre prolongée. Dès lors, il se préparait davantage aux tâches imaginaires du lendemain ou du surlendemain qu’à la tâche de l’heure : l’affrontement dont la menace se précisait tout au long de l’année 1973. C’est d’ailleurs sur ce point que revient aujourd’hui l’un des rares survivants de la direction du Mir, Andrès Pascal, estimant que l’erreur stratégique fut de ne pas tenter de répliquer au « tankazo » (le coup avorté de juin 1973) par une contre offensive insurrectionnelle, sociale et armée.

4. Marco Aurelio Garcia juge illusoire cette « problématique du double pouvoir » selon laquelle les cordons industriels pouvaient constituer des embryons de soviets. C’est toute la question. La centralisation des cordons et des commandos communaux, combinée à des expériences démocratiques larges comme l’assemblée populaire de Conception, pouvait-elle déboucher sur la formation d’un pouvoir populaire constituant ? Il ne suffit pas de constater les faiblesses ou les forces. Elles dépendent en partie des stratégies et des volontés en présence. Et si, comme l’affirme Garcia, il n’y a « quasiment pas eu de résistance au coup d’État » (jugement pour le moins expéditif et unilatéral), il faut s’interroger sur la manière dont cette résistance a été préparée et sur les mots d’ordre qui n’ont pas été lancés le jour où Pinochet a fait bombarder la Moneda.

Bien sûr, pour poser le problème dans ces termes, encore faut-il admettre que la radicalisation d’un processus révolutionnaire n’est qu’une réponse, dans une escalade aux extrêmes, à une contre-révolution en marche. L’hypothèse tranquille d’un consensus social avec la bourgeoisie et d’une bénédiction de l’impérialisme est tout aussi irréelle que celle d’une stabilisation démocratique du gouvernement Kerensky entre février et octobre. Les Kornilov et les Pinochet ne l’ont jamais entendu de cette oreille.

5. Pour faire bonne mesure, Le Monde publie, dans son numéro du 12 septembre, un article de Jorge Castaneda (ancien ministre mexicain des relations extérieures du gouvernement Fox) décrétant imprudemment que « l’ère des révolutions est close » (et celle des contre-révolutions ?), ainsi qu’un article de Paolo Antonio Paranagua tendant à réduire les expériences stratégiquement fort diverses (de Cuba au Nicaragua et au Salvador, en passant par la Bolivie, le Pérou, ou l’Argentine), à une « pulsion de mort » (sic !) des militants. Qu’il entre une part d’ombre dans les motivations individuelles, c’est une banalité universelle. Cela n’autorise nullement à psychologiser et à dépolitiser les engagements et leur sens politique au cliché journalistique de la fuite en avant suicidaire, comme il devient de bon ton de le faire, notamment à propos de la mort du Che en Bolivie.

6. Élargissant la portée des leçons du Chili, Marco Aurelio Garcia rend hommage à la lucidité « du dirigeant communiste italien Enrico Berlinguer » qui « a remarqué d’emblée qu’on ne peut pas gouverner avec une faible majorité ».

L’expérience chilienne a en effet aussitôt servi d’argument (d’alibi) à la gauche respectueuse européenne pour prêcher « le compromis historique [3] » ou le « pacte de la Moncloa [4] ». Un quart de siècle plus tard, quel est leur bilan ? Le compromis historique a contribué à désarmer le mouvement ouvrier italien et conduit à la débâcle de l’Olivier et à l’avènement de Berlusconi. Berlinguer et ses héritiers (comme Robert Hue) ont sacrifié l’alternative aux alliances. Ils ont ainsi évité les coups d’État, mais au prix d’un renoncement à tout changement social sérieux, d’un enfoncement dans la crise, et d’une capitulation en rase campagne devant la contre-réforme libérale.

7. Ce retour pour le moins étrange en forme d’oraison funèbre sur l’expérience chilienne permet à Marco Aurelio Garcia d’établir un parallèle entre le « modèle chilien » et le « modèle brésilien », entre le gouvernement Allende et le gouvernement Lula, à l’avantage écrasant du second bien sûr. Mieux vaudrait « laisser du temps au temps ». Nous avons à l’époque adressé des critiques (parfois peut-être excessivement sévères) à Salvador Allende. Il n’empêche que le personnage mérite le respect et tiendra dignement son rang dans l’histoire. Si la politique libérale suivie depuis le début de l’année (au nom des alliances les plus larges) par le gouvernement Lula continue, il n’est pas sûr, hélas, que, d’ici quelques années, le « modèle brésilien » n’apparaisse pas comme un exemple de plus d’une capitulation sans grandeur devant l’ordre dominant. Il paraît que Lula est obsédé par l’idée de ne pas finir comme Walesa. Rien ne dit en effet qu’il parvienne à l’éviter.

Septembre 2003
Sinon, j'ai deux questions a Estirio : d'une part, et c'est un point de détail, le PCR s'est dissout en 1982 ? J'avais 1980 dans mes tablettes (corrobé avec la mort de son principal animateur) Et autre point (plus important) la figure de la "guerre permanente prolongée" qui était avancée par le mir était "normalement" une figure stratégique "maoiste" (en France c'était GPP contre "gréve générale insurectionnelle" pour les trotskystes) Comment le PCr concevait il cette question ?
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Message  Estirio Dogante Mer 25 Sep - 22:57

Hélas je ne peux que faire sortir les inexactitudes  et les approximations de l'article publié par Menvussa (de Bensaid?). C'est fatiguant et peu réjouissant, mais nécessaire pour comprendre.

Toute la question réside dans l’importance donnée tant au MIR comme aux Cordons industriels dans le contexte de la lutte à ce moment précis.

Que diriez vous si lors du gouvernement Miterrand serait arrivés un coup d'état contre les masses à l'offensive et on passait des jours à épiloguer sur l'action de la LCR?
L'importance du MIR n'était pas plus grande (et moins sérieuse; je crois avoir donné des éléments la dessus) que celle de la LCR , encore moindre.
Quand les premiers Cordons, des véritables Cordons se sont mis en place; Cerrillos où il y avaient 40 000 ouvriers, la zone industrielle la plus importante de Santiago et dans le Cordon Vicuña Mackenna, (une longue avenue qui part du centre vers la périphérie sud de Santiago), cela a provoqué l'opposition immédiate du PC, de la CUT et du gouvernement (sans parler de la droite, la DC et toute la presse). Pour les uns c'était "des divisionnistes qui voulaient casser le mouvement syndical et la CUT" pour d'autres "une menace à la démocratie et l'ordre constitutionnel" pour d'autres des saboteurs, qui s'opposaient au gouvernement et faisaient le jeu des putschistes et de la droite".

Qui se trouvaient dans ces Cordons? Des ouvriers de base qui commençaient à se poser des questions; des militants du PCR, du MIr des autres petits groupes, du PS, son aile très à gauche (en parole) et du MAPU "marxiste-léniniste-maoiste" pour un temps court, des communistes de base (rares et parfois comme opposants)
Alors imaginez un peu ces mêmes organisations se disputant le Cordon, et/ou en "fabriquant" des autres. Comme cela a été le cas un peu partout. Il y en a eu en tout et pour tout 33 Cordons le long du pays (un pays très long) dont la grande majorité étaient des fabrications des militants vides de base.
Mais l'effet d'imitation, l'envie de "voir des soviets", la solidarité anxieuse de voir une révolution, donnait crédit à une floraison des vrais/faux Cordon  industriels... Cela aurait été si joli. Tellement joli que cela aveugle le jugement. Si le Chili avait été couvert des Cordons, "des soviets" quoi, qui avaient rompu avec les directions réformistes et sous le contrôle ou l'influence des "révolutionnaires" (ou du MIR) comment cela se fait qu'il n'y a eu presque pas de réponse contre le coup? En fait, il n'y en avait que quelques vrais Cordons (je ne sais pas combien exactement, je n'ai connu comme véritables, et encore avec des problèmes, ceux déjà mentionnés à Santiago).
Les masses sont restés "allendistes" jusqu'au coup d'état. Je parle des masses, pas des certains individus et secteurs selects de la classe qui avaient commencé à passer aux positions révolutionnaires à peine à la fin de la période, poussés par la menace du coup.
Le coup se voyait venir de loin, six mois à l'avance au moins, comme une certitude.
L'UP a essayé de se compromettre par une capitulation en rase campagne.
Le MIR? Que est que pouvait faire le MIR? Ils étaient une poignée, sans moyens, sans véritable direction pour ce type des situations. Le PCR? Il venait de se diviser en deux et n'avait aucun moyen ni influence importante parmi les masses, malgré son implantation majeur parmi les ouvriers. Ils n'ont même pas essayé pensant qu'il fallait "continuer leur travail" sous d'autres conditions qui (inconsciemment) on ne pensait pas aussi dures.
Le MIR tous les mois, toutes les semaines à la fin, annonçait le coup pour tel jour et se plantait immanquablement. Son "travail auprès des forces armées" signifiait essayer de vendre "El Rebelde" devant certains casernes (ils n'étaient pas suffisamment nombreux pour les faire toutes) où ils se faisaient persécuter par la police, les tribunaux, les mêmes militaires. Ne pas oublier que l'on vivait une offensive politique et militaire intense de la bourgeoisie et le gouvernement hésitait, cédait, permettait que les militaires fouillent les usines, les poblaciones, les campagnes, tuent des ouvriers, impose la terreur dans des régions entières des mois avant le coup.
Et le MIR la dedans? Ils ne pouvaient, et c'est cela qu'ils faisaient, que demander au gouvernement "d'armer le peuple" (sanctas simplicitas) ou se mettre d'accord avec les socialistes de gauche (Elenos et autres) pour se défendre. 'santas simplicitas double) sans armes. Pascal Allende ex-haut dirigeant du MIr, secrétaire général après Miguel Enriquez vient de dire qu'ils ne comptaient que de 200 petoires et quelques fusils et que seulement moins de 10% du MIR était destiné à ces tâches, le reste faisait travail de masses (c'est à dire n'avait ni la formation, ni pouvait être utilisé à ce genre des taches)
Que voulez vous qu'il puisse sortir de ça?
Quand je dis qu'ils se sont gonflés comme la grenouille de la fable je ne fais pas de mauvaise polémique, je décris les faits. Pire, ici, comme ailleurs, les trotskystes ( Trotskysme que le MIR d'ailleurs avait renié pour se mettre progressivement à la queue du PC par le biais des cubains) lui ont fait la claque comme dans d'autres pays. Notamment la LCR en France.
Que est ce que je peux devant cette vérité? La dire et tomber sur un mur d'incompréhension parce que, je sais, c'est très dur de voir le roi nu. Mais le dire tout de même, non seulement pour démasquer les responsables de cette escroquerie politique néfaste mais pour éviter aux nouvelles générations cette façon terriblement malhonnête de faire de la politique.
Le PCR est mort, quand? Qu’importe, mais il renait de ces cendres. Le MIR aussi; mais si c'est pour faire la même chose, autant se flinguer.
Non, mil fois non, il faut sans pitié, sans compassion, décortiquer ces mensonges, ces erreurs, ces malhonnêtetés, nettoyer les étables d'Augias de ces escrocs politiques pour contribuer un peu (je ne me fais aucune illusion) à l'éducation des nouvelles générations.

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Message  Estirio Dogante Mer 25 Sep - 23:21

Menvussa a écrit:Et autre point (plus important) la figure de la "guerre permanente prolongée" qui était avancée par le mir était "normalement" une figure stratégique "maoiste"
Copié au PCR tout simplement.
Miguel Enriquez ne s'embarrassait pas de théorie. Il n'a presque pas laissé des textes théoriques. Ce n'était pas sa tasse de thé.
Il empruntait où il pouvait, mais pratiquait plutôt une sorte d'empirisme impressionniste.

Question "guerre" il a commencé par le guevarisme et le "Regis Debreisme" (ce salopard qui fait aujourd'hui des conférences, mais dont ses écrits ont couté tant de sang en Amérique Latine). Les discussions au sein du MUI (Mouvement de la gauche universitaire ou militaient le MIR et la VRM; à ce moment je faisais partie de la VRM) tournaient autour des thèses de Guevara, des cubains, de Regis Debray de son côté et de Mao Tse-tung du nôtre, nous influencés par Espartaco)
Quand le MUI (où le MIR était largement majoritaire) a gagné les élections de la Fédération d’étudiants universitaires de Concepcion, Miguel est parti directos à Cuba pour trouver des dollars, des appuis (ils pensaient que la direction cubaine était divisé entre révolutionnaires et pro-soviétiques) et de l'instruction pour former des "cadres politico-militaires. La condition? Abandonner le trotskysme...Eh ben, Miguel s'est exécuté ipso facto. Voila sa fermeté idéologique.
Et en abandonnant le trotskysme, qui en A.L. était pabliste-guevariste il a abandonné "ses" thèses et a adopté la Guerre Populaire prolongée sous le fouet de la critique ds maoïstes. Mais si demain le PC aurait dit que c'était mieux l'insurrection urbaine, il ne se serait posé aucun problème pour changer. Son idéologie était un mélange de Guevarisme, trotskysme de la pire espèce, la variante pabliste latino-américaine et ses propres idées qu'il glanait partout.
Après avoir écrit ceci je vais recevoir inévitablement la volée de bois vert parce qu'il est mort les armes à la main. Que faire? Se taire? Dire ce que l'on sait?

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Message  Toussaint Jeu 26 Sep - 3:31

Non, en tout cas en ce qui me concerne, je n'ai jamais douté de l'pportunisme du MIR. En France, c'était le groupe Révolution (scission de la Ligue) qui encensait le MIR et sa direction. Et tu pourrais rajouter encore d'autres choses. Etre courageux et héroïque ne met pas à l'abri de l'opportunisme. Et le MIR était une orga écartelée entre des lignes et des théories contradictoires. Ils ont commencé à construire un appareil clandestin armé très tard, et ils ne pouvaient pas peser sur la situation. Pas même défendre le parti. Là, je suis totalement en accord. Mais ils ont donné la priorité au travail de masses et c'était plutôt sensé, et cela marchait pas trop mal. Là aussi, je ne parle pas de ce que disait l'EG que j'ai un peu oublié, mais de ce que j'ai entendu en France et au Chili. L'opportunisme du MIR était en effet assez grand et leur héritage politique proche du néant. En revanche, lorsque tu nies leur travail de masse, leur importance et les compares à la grenouille de la fable... Very Happy Je suis assez impressionné par ce que tu décris sur leur propagande en direction des soldats. Mais là aussi, tu extrapoles entre ce que tu voyais et la réalité. Il ya eu bel et bien un début de travail, très petit, dans des unités. Tout ce qu'a fait le MIR a été trop peu, trop tard. Mais ils étaient bien plus forts que ne l'était la Ligue, en tout cas à l'époque, et ils étaient à la fois peu nombreux, en train de se former, de se construire, d'expérimenter lorque le coup a eu lieu. Ce que tu décris montre cela avant tout. Et cela n'a rien d'infamant, ne ressemble en rien à la grenouille de la fable. Par ailleurs, ils ont été capables de survivre à la répression qui, en plus, les ciblait avec insistance. Cela ne correspond pas aux gogols que tu décris en généralisant et en caricaturant.

Tu dis beaucoup de choses vraies, notamment sur l'opportunisme des composantes de la Gauche et l'EG chilienne, le mythe des cordons industriels, mais tu forces le trait et bien des choses que tu affirmes sont contradictoires avec ce que j'ai entendu et vu en 74 et après en France, mais aussi avec ce que j'ai entendu au Chili pendant 6 ans...

Bon, en ce qui concerne la VOP, tu ne les connaissais pas tellement, ceux que j'ai connus dans l'exil étaient des ouvriers, socialement... Pas grave, c'est une de tes approximations parmi beaucoup d'autres. Et celle-ci est la moindre parce que c'est un truc très petit et sur "la ligne générale" de la VOP, je suis d'accord, ils étaient aussi à côté de la plaque que la CdP en France, et ils se sont fait manipuler puis désintégrer. Sur le PCR, je n'ai pas grandes informations, mais je n'ai rencontré personne qui m'en ait parlé pendant 6 ans au Chili. Pas plus chez les mapuches que dans les "ex" qui sont nombreux (en revanche, le MIR, le MAPU, le PS et le PC, oui). Les PCR que j'ai connus (il étaient peu nombreux, ce qui est normal et reflétait probablement le développement de leur parti) dans l'exil en 74 étaient, sauf deux, des étudiants et des petits-bourgeois socialement, ce qui n'est pas une critique, mais un constat. L'un d'entre eux avait fait du travail dans la paysannerie, et il avait adopté des habitudes et des normes paysannes. Leur sectarisme et leur mépris pour tout ce qui n'était pas des adorateurs de la Révolution Culturelle et du Grand Bond en Avant, de Staline et de Mao, étaient conséquents et ils consacraient pas mal de temps à des séances de critique et d'autocritique sur la vie privée ou les projets de retour parfaitement irréalistes à l'époque. Ou à balancer de grandes phrases sans grand intérêt... Ils essayaient de cacher leur déception sur la politique chinoise par rapport au Chili et au PCR lui-même. Des camarades très bien, par exemple moins machistes que beaucoup de membres du PC et du PS, exemplaires sur bien des points et avec une formation véritable, une colonne vertébrale, mais mao-stals, avec les limitations politiques de ce courant. Ils ne parlaient pas trop politique avec les trotskystes et reprochaient aux autres maos de le faire. Mais bon, cela n'avait rien d'étonnant.

Ceci n'infirme pas ce que tu dis, j'ai parfaitement pu passer à côté de l'éléphant dans un couloir, les impressions et les rencontres ne fondent pas une réalité objective, mais vois-tu, une anecdote avec un groupe de très jeunes militants, selon ce que tu dis toi-même, ne fait non plus pas la vérité. Il y a eu d'autres aspects de ce que tu caricatures. J'ai rencontré des pobladores, et j'ai rencontré des enseignants, des militants mapuches, d'anciens camarades de la IV (SU), des anciens de Punto Final, des anciens de beaucoup d'orgas, mais au bout du compte, pas non plus tellement pour fonder une affirmation catégorique sur l'importance du PCR ou celle du MIR. Cependant l'ennemi aussi, les gens de "mi general", des gens de la DINA, des amis de Contreras, des propriétaires terriens qui ont tué des paysans pour leur prendre leur terre, tous parlaient du MIR et lui vouaient une haine intacte, brûlante. Cela ne dit pas que le MIR les menaçait, mais je n'aavais jamais entendu parler du PCR depuis les années 70 avant de te lire ici.

trotskysme de la pire espèce, la variante pabliste latino-américaine
Plop! Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy
OK. Cela clôt le débat et l'éclaire... Very Happy


Dernière édition par Toussaint le Jeu 26 Sep - 4:22, édité 4 fois (Raison : U)
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Message  Estirio Dogante Jeu 26 Sep - 8:03

Toussaint a écrit:Et cela n'a rien d'infamant, ne ressemble en rien à la grenouille de la fable. Par ailleurs, ils ont été capables de survivre à la répression qui, en plus, les ciblait avec insistance. Cela ne correspond pas aux gogos que tu décris en généralisant et en caricaturant.
Je ne décris pas des "gogos". J'ai peut-être utilisé une formule maladroite (en espagnol elle est neutre), mais ce que j'ai voulu dire est qu'ils utilisaient (assez bien) la presse et la communication pour donner les apparences d'une grande influence qu'ils n'avaient pas. La presse réactionnaire d'ailleurs les utilisait pour contrer l'Unité Populaire qui avait des centaines des milliers des militants et sympathisants.

Ils étaient ciblés naturellement par la DINA comme le parti communiste, leurs deux objectifs principaux. Nous, ils ne nous connaissaient presque pas. Le PCR, par son système, n'apparaissait jamais. Toujours derrière des fronts de lutte de tout ordre, les militantes avaient la consigne stricte de ne pas dévoiler leur appartenance au PCR. Ce qui était une erreur d'organisation et répondait à une ligne petite bourgeoise qui a été combattu à la fin, mais qui a divisé le PCR. Quand des militants tombaient, la plupart du temps on les prenait pour des sympathisants de tout autre chose sauf du PCR. Dans certaines provinces ils ne savaient même pas que cela existait. Une fois ils en ont pris 80 d'un coup par une irresponsabilité d'un jeune militant, ils n'ont jamais su qu'ils avaient pris un bon morceaux du PCR.
C'était une question de travail, d'organisation, un peu trop poussé, mais moins irresponsable que celle du MIR. Parce qu'on rentrait chez eux comme dans un moulin et ne savaient pas travailler clandestins, sans la presse même. Le MIR d’ailleurs a été complètement liquidée par la répression et par leur "offensive" cela les tout premiers 5 années. Quand Nelson Gutierrez et la direction est partie exilé, il ne restait plus rien du MIR au pays.
C'est après, avec leur politique de retour, opposé internement un peu partout, notamment à Paris, par son aventurisme et qui a provoquée les aventures tragiques des guerrillas rurales, qu'ils ont commencé à travailler, formés par les cubains mais avec la dépendance idéologique que cela signifiait auprès des soviétiques.
Alors à ce moment ils ont fait rentrer des militants formés dans la guerrilla foquiste et dirigés par Sergio Aguiló (que quelques uns accusent d'avoir été un Asev et aujourd'hui travaille dans l'entreprise d'un de ses amis de droite) et ils ont commencé une politique d'attentats, une guerre contre les militaires, totalement isolés des masses, utilisant les techniques de guerrille urbaine des Tpuamaros, Mariguela, Montoneros, etc. Cela les a amené à des scisions, des morts, encopre plus de répression et de l'autre côte la bourgeoisie préparait tranquilement l'échange des têtes pour continuer la même politique de Pinochet sous une masque "soave", "démocratique" pendant que le MIR, le MAPU Lautaro, le FPMR et d'autres tiraient des balles au milieu de l'indifférence des masses terrorisées.
Quand toute cette "politique" s'est effondré, (et n'a servi que comme forme de pression pour la "transition" vers le PS très à droite allié avec la démocratie chrétienne, comme la guerrilla du PC d’ailleurs mais eux revendiquaient précisément cette fonction) par la fatigue et les divisions, plusieurs d'entre leurs dirigeants se convertirent en entrepreneurs, quelques une faisant l'import-export Chili-Cuba et d'autres, les plus honnêtes rentrèrent chez eux ou abandonnèrent tout. Il n'y avait ni politique, ni perspective.

Les PCR étaient maoïstes naturellement, mais peu "staliniens" au moins ceux que j'ai connu dans la région de Concepcion. comme déjà dit, on ne savait rien du travail d'autres provinces, même des autres cellules, ni même si cela existait. "Pas des contacts horizontales". Seulement des rapports politiques et une centralisation poussée mais avec une large démocratie de discussion des tâches. Il y avaient des étudiants et des ouvriers (je n'ai jamais vu un paysan dans ma région et pour cause, c'était une région essentiellement prolétarienne).

Pour eux, comme pour tous les maoïstes, le trotskysme était un idéalisme dogmatique, une pratique aberrante et un recrutement sans principes. Pour ne rien parler des normes conspiratrices complètement inexistantes du MIR ou des infimes groupes trotskystes pendant la période "démocratique" bourgeoise. En cela ils faisaient comme les autres, ce qui veut dire, qu'ils avaient une totale confiance dans la démocratie bourgeoise, malgré leurs discours. Et qu'ils ne se préparaient pas sérieusement à ce que tout le monde savait qui arriverait.
mais je n'avais jamais entendu parler du PCR depuis les années 70
Et pour cause, je ne pense pas que tu sois partisans de cette conception, mais si tu avais consulte les sites de Robinson Rojas, ex-directeur de la revue "Causa ML" la revue du PCR ou des maoïstes (je suis d'accord c'est un fouillis pas possible où se côtoient toutes les positions, de la droite à la gauche, suite à la longue crise du maoïsme)
Le PCR faisait l'erreur contraire, ils pratiquaient le "sous-marinisme". Ce n'est pas mieux mais au moins c'était moins irresponsable envers les militants. Avec une telle pratique, les militants ne disaient tout simplement pas leur appartenance au PCR. Je suis passé 25 ans en France sans le dire, bien que par mes idées et discours tout le monde s'en doutait. Je ne le suis plus, il n'existe plus liquidé par la répression et par le recul du mouvement des masses, encore une fois l'élément déterminant.
Et franchement on ne s’occupait pas du trotskysme qui au Chili était insignifiant à l'époque. Mais on n'avait pas la même attitude que le PC. Dans mon livre je décris un travail syndical fait avec un trotskyste posadiste (peut-être le seul en tout le Chili). On est devenus des amis, mais lui n'a jamais essayé de proposer ses idées. tout simplement, on ne le connaissait pas, et on n'y pensait pas. C'était comme l'anarchisme, un truc du passé, sans influence aucune.
Par contre le PCR a sorti une brochure critique du MIR qui se trouve, en espagnol sur le site de Robinson Rojas et sur l'archive CEME (Centre d'études Miguel Enriquez) où il y a quelques documents politiques du PCR, en espagnol toujours. Il s’appelle "une ligne petite-bourgeoise dans la révolution chilienne" écrite par Jorge Palacios sous un pseudonyme (le MIR n'a jamais répondu), l’auteur aussi d'un essai 'Le Chili, Une tentative de Compromis historique" où il consacre tout un chapitre au travail du PCR parmi les paysans, les ouvriers à Santiago et ailleurs.
Ce Palacios, aujourd'hui très vieux et passé à l'anarchisme à la fin de sa vie, a été expulsé avec le secrétaire général "Velasquez" pour corriger les sous-marinisme et autres défauts du travail. Cela a cassé le PCR en deux...Cela arrivait en plus, assez souvent, avec les difficultés que l'on comprends. Ainsi, on travaillait beaucoup (de 8 heures du matin à minuit souvent) sans moyens même pas pour faire un tract de 500 feuilles ni pour prendre les transports en commun (à Concepcion d'autres endroits je n'en sais rien), sans orientations réelles (raison de la rébellion de la base) on arrivait à "construire le parti" et six mois après, nouvelle expulsion d'un groupe de camarades, démoralisation d'un nombre, perte des cellules des copains pas encore formés et tout à recommencer. C'était le tissu de Pénélope toujours à recommencer.
totu de même, le PCR a formé des cadres ouvriers d’excellente qualité et dévouement, mais avec une telle "politique" qui n'était que de l'anarcho-syndicalisme (on était très bons pour mener des grèves et gagner et former des syndicats) plus l’énonciation des vérités générales, on ne va nulle part. (Conseil aux LO, qu'ils n'entendront pas, auxquels on se ressemblait assez, sauf le trotskysme et un bien meilleur plan de leur part, mais nous on travaillait plus largement qu'eux)

La réaction avait comme cible le MIR (mais avant cela le PC) par deux raisons: la première était la politique de la droite d'effrayer les "couches moyennes" avec des "bolcheviques le couteau aux dents" et la deuxième c'est parce que le MIR avait comme tactique justement faire ressortir ses aspects-là, proclamant leur "engagement" à "la lutte armée". Ses cadres se faisaient appeler "commandants", ils avaient un style de rapports internes du genre "les commandants ordonnent et les militants obéissent", paradaient avec des nunchacos, cocktails Molotov, criant "pueblo, consciencia y fusil!" bref, faisaient tout pour se donner l'image de devenir une guerrilla comme tant d'autres de l'A.L. Une tactique qui correspondait exactement à leur conception profonde et aux idées de leurs dirigeants, mais une politique complètement irresponsable et aventuriste, même pour arriver à ces fins.
Il y a eu bel et bien un début de travail, très petit, dans des unités. Tout ce qu'a fait le MIR a été trop peu, trop tard.
C'est assez juste. Alors je ne vois pas pourquoi on devrait encenser les héros et ne pas soumettre à la critique une telle pratique. C'est tout de même une ligne très petite-bourgeoise, irresponsable de faire cela.

Je ne prétends pas défendre le PCR, moins encore le MIR. Cela ne sert à rien, moins encore aux nouvelles générations mon vrai objectif.
Il faut au contraire la critique la plus profonde. tous les adorateurs des mythes, travestismes de la vérité, créateurs "d'exemples" qui n'en étaient pas, font un mince service aux nouvelles générations.

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Message  verié2 Jeu 26 Sep - 9:09

Estirio Dogante
le MIR, le MAPU Lautaro, le FPMR et d'autres tiraient des balles au milieu de l'indifférence des masses terrorisées.
Quand toute cette "politique" s'est effondré, (et n'a servi que comme forme de pression pour la "transition" vers le PS très à droite allié avec la démocratie chrétienne, comme la guerrilla du PC d’ailleurs mais eux revendiquaient précisément cette fonction
-Le MIR a été très vite exterminé après le 11 septembre.
-Les Lautaro et le FPMR sont nés plus tard. Certes le PC a voulu utiliser le FPMR (sa branche armée à l'origine) comme moyen de pression pour la transition. Mais, comme tu l'as dit dans une autre de tes interventions, une partie des FPMR (j'ignore quelle proportion, tu le sais peut-être) en a eu marre d'être poussée en avant puis freinée selon la tactique du moment et s'est autonomisée. La meilleure preuve en est qu'ils ont continué la guérilla après 1988 (Pinochet battu au référendum).
-Ca ne me semble pas tout à fait exact de dire que les FPMR étaient totalement coupés des masses terrorisées. Il y a eu une véritable montée en puissance des FPMR, qui ont été capables de monter un attentat impressionnant (raté de justesse) contre Pinochet (1) et contrôlaient certaines poblaciones. Cette montée se conjuguait avec un développement des luttes, la multiplication des protestas etc. (Le MIR n'existait plus depuis longtemps).
Quand toute cette "politique" s'est effondré (...) plusieurs d'entre leurs dirigeants se convertirent en entrepreneurs
C'est une reconversion qui a touché une bonne partie du "milieu" d'extrême-gauche, toutes tendances confondues, à la manière de la reconversion des soixante-huitards en France, bien qu'il y ait eu tout de même un fossé de sang entre eux et leurs nouveaux amis au Chili, ce qui n'était pas le cas en France. Il y a même eu un cadre des FPMR, formé à Cuba (dont tu dois connaître le nom) qui est devenu spécialiste de la répression du ministère de l'intérieur pour former les flics aux techniques de clandestinité... (Les maoistes, je ne sais pas, mais on voit mal pourquoi ils auraient échappé à ce phénomène.)
__
1) A l'époque, LO en a parlé comme d'une "provocation" (sic) ce qui m'avait beaucoup choqué. Combat Communiste a écrit "Dommage qu'ils l'aient raté".

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Message  verié2 Jeu 26 Sep - 10:50

A propos de l'attentat manqué contre Pinochet. Un témoignage publié dans L'Huma.
J'ai rencontré moi-même en 1991 un autre rescapé de cet attentat, ouvrier du bâtiment, qui vivotait de petits boulots car il figurait sur les listes noires des patrons et avait le plus grand mal à se faire embaucher. Même après la semi-chute de Pinochet, le patronat ne lui pardonnait pas son passé...

César Bunster « Nous étions sûrs de tuer Pinochet »

Le 7 septembre 1986, un incroyable attentat, baptisé Operacion Siglo XX, est organisé par le FPMR (Front patriotique Manuel Rodriguez, créé par le Parti communiste chilien) contre Augusto Pinochet et n’échoue que de justesse. Les représailles déclenchées par la dictature vont être sanglantes et la plupart des militants du FPMR vont être arrêtés ou tués. César Bunster a été l’un des principaux auteurs de cet attentat manqué qui le fera plonger dans dix-huit années de clandestinité. Il témoigne pour l’Humanité.

«J’ai étudié la sociologie à l’université de Birmingham, en Angleterre, parce que mon père y avait été nommé ambassadeur par Salvador Allende en 1971. J’ai obtenu mon diplôme en 1982. Je n’ai jamais pu m’en servir ! Après le coup d’État militaire, mon père resta quelque temps en Angleterre puis partit au Mexique enseigner le droit à l’université Unam. Il fut l’un des pénalistes qui défendit la thèse de jurisprudence internationale à propos de Pinochet.

J’ai adhéré à la Jeunesse communiste en 1976, en exil en Angleterre. En 1977, le comité central du PC chilien fit pour la première fois une autocritique, parlant du « vacio historico » (vide historique) à propos du peu de réactions au coup d’État de Pinochet, le 11 septembre 1973. En 1980, il adopta la politique dite de « rébellion populaire de masse » et décréta, quelque temps plus tard, 1986 comme une « année décisive » vers le « soulèvement national ». Le pays était secoué de grandes grèves, et le FPMR les accompagnait d’actions militaires de soutien.

En 1982, je suis allé vivre au Mexique, et j’ai travaillé à l’ambassade du Canada. En 1983, j’ai suivi à Cuba un entraînement de six mois à la lutte clandestine avec d’autres militants. Nous n’insisterons jamais assez sur l’internationalisme de la révolution cubaine… Nous ne nous connaissions pas, utilisions entre nous des pseudos, dans un climat de grande camaraderie, de fraternité, d’idéal. En 1985, je suis allé au Nicaragua ; j’ai combattu les mercenaires de la contra, avec les sandinistes. Je suis ensuite rentré légalement au Chili, toujours en 1985, pour rejoindre le Front, avec l’expérience acquise à Cuba et au Nicaragua. Le plan de l’attentat contre Pinochet fut conçu par la direction du PCC. La majorité des combattants du FPMR étaient communistes, quelques miristes (du Mir) et des sans-parti venaient compléter les rangs.

En Amérique latine, dès le premier regard, on reconnaît l’appartenance sociale des gens ; j’étais donc chargé de jouer au bourgeois. Je travaillais à la réception de l’ambassade du Canada à Santiago, une garantie de respectabilité. Ma fausse épouse, d’extraction sociale classe moyenne aisée, était la belle Cecilia Magni (Comandante Tamara) ; en réalité, elle était mon chef. Elle réalisa des sabotages, comme celui du pont de Talca, des attaques de banques (Providencia, etc.). Elle fut torturée et assassinée plus tard, avec son groupe du Front « Autonome » (scission du FPMR), en octobre 1988 après l’attaque et la prise du village de Los Quenes, dans une zone montagneuse. Elle fut capturée alors qu’elle cherchait à échapper à l’encerclement militaire. On retrouva son corps le 28, aux côtés de celui de son compagnon et principal dirigeant du Front, Raul Pellegrin Friedman, dans la rivière Tinguiririca… Les médias parlèrent de « noyade », alors qu’elle tentait de fuir ! Elle avait la colonne vertébrale brisée… Avec Tamara, nous étions le couple « beautiful » parfait, jeunes, riches, au-dessus de tout soupçon, résidant dans le quartier bourgeois de La Obra.

J’avais vingt-huit ans. L’attentat devait avoir lieu une semaine plus tôt, mais Pinochet était rentré précipitamment de son lieu de villégiature dominical, à cause de la mort de l’ex-président Alessandri. Nous avions détecté que tous les vendredis soir, Pinochet se rendait à sa villa de Cajon de Maipo, zone résidentielle face à las Bizcachas, à la sortie de Santiago en direction du Sud-Est, et qu’il en revenait tous les dimanches à la même heure. Les Cubains nous avaient livré, à deux reprises, des tonnes d’armement, essentiellement nord-américain, des explosifs, des fusils mitrailleurs M-16, des grenades, etc., par le port de Carrizal Bajo, au nord du Chili ; la deuxième livraison fut découverte (affaire arsenaux) par la CIA et la CNI chilienne (Central Nacional de Informaciones) ; l’armée de Pinochet put ainsi en saisir une grande partie dans différents dépôts, le 6 août 1986.

À Cajon del Maipo, nous avions creusé un tunnel (découvert après l’attentat par les services de sécurité) et une fosse à explosifs pour 800 kilos de TNT, sur le modèle de l’attentat d’ETA contre Carrero Blanco. Mais le dépôt de deux tonnes de TNT tomba également aux mains de la police, quelques semaines avant l’attentat. Pour réussir l’attentat, il fallait des armes sophistiquées et du TNT. Cela ne fut pas possible. Nous dûmes donc opter pour le schéma de l’embuscade. Au lieu de lance-roquettes RPG 7, de fabrication soviétique, il fallut utiliser des vieux LAW américains, sans doute provenant de la guerre du Vietnam, des pièces scellées et qui ne pouvaient donc pas être vérifiées. La plupart des LAW, aux piles défaillantes, n’ont pas fonctionné.

Le dimanche 7 septembre 1986, à 18 heures, le convoi qui ramenait 
Pinochet – deux motos, trois Mercedes blindées aux vitres fumées… (huit véhicules au total) – fut bloqué par une caravane que nous avions mise en travers de la chaussée. L’opération, baptisée Siglo XX, prévoyait d’anéantir le convoi. Le long du cortège, une vingtaine de « fusileros » (francs-tireurs), dont une femme, étaient disposés de façon à pouvoir atteindre l’ensemble des véhicules. Deux motards ouvraient la voie ; l’un parvint à s’échapper. La garde de Pinochet, surprise, ne réagit que faiblement ; quelques gorilles préférèrent même se jeter dans le vide plutôt que de combattre. Deux véhicules furent détruits (cinq morts), mais sur la voiture qui conduisait Pinochet, un officier et son petit-fils, la charge, insuffisante, ne parvint pas à briser la vitre. Le chauffeur put dégager la Mercedes et repartir en sens inverse, vers l’endroit d’où il venait. Aucun des guérilleros ne fut blessé ; certains furent cependant capturés, torturés et assassinés plus tard, au Chili et même à l’étranger (Ricardo Palma, Mauricio Norambuena…). Comme j’avais loué à mon nom la maison qui servait de quartier général, les trois voitures, etc., mon patronyme et ma photo circulèrent immédiatement et demeurèrent pendant longtemps les seuls éléments connus de la police. Le parti me fit quitter le pays le jour même ; ma tête était mise à prix. Le peuple, dans sa grande majorité, réagit à l’attentat avec beaucoup de joie, voire d’incrédulité à la nouvelle. Certains pensèrent même qu’il s’agissait d’un « autogolpe » ; nous, nous étions persuadés que nous ne pouvions pas échouer. À la télévision, le soir, Pinochet déclara que l’impact du projectible sur la vitre était l’image de la Vierge protectrice, « Una huevada ! » (une de ses pitreries) !

Je suis resté quelque temps en Argentine et ailleurs. Puis, au Chili, la peine de mort fut abolie, remplacée par la perpétuité, et la prescription des crimes établie après quinze années sans délit, et sous condition d’avoir résidé sur le sol chilien. Je suis revenu clandestinement dans mon pays assez rapidement. J’ai dû prendre le nom de mon demi-frère, qui vivait à l’étranger, Pablo Enrique Miriel Aritzia, et changer de look : lunettes, barbe, le parti me frisait les cheveux tous les trois mois, etc. Comme j’avais un bon niveau en anglais, je devins traducteur professionnel et interprète. J’ai même traduit des échanges de documents politiques entre les gouvernements anglais et chilien, notamment lors de l’arrestation de Pinochet à Londres, en novembre 1998, et été retenu en détention domiciliaire au total 
503 jours. J’ai également travaillé pour la chancellerie et l’ambassade britanniques, pour celle des États-Unis ! J’ai été l’interprète de lord Norman Lamont lorsque la Fondation Pinochet l’invita au Chili. J’étais un traducteur coté par les politiques.

En janvier 2004, je suis sorti de la clandestinité et j’ai demandé la « prescription » du délit, elle m’a été concédée par le juge Humberto Villavivencio. Enrique Miriel est redevenu César Bunster ; mes enfants ont alors découvert qui était vraiment leur père.

Après la « retraite » de Pinochet, le parti a abandonné la stratégie militaire, étant donné que le cadre politique avait changé. Un petit groupe continua la lutte armée. La démarche du PCC n’a jamais été militariste. Le Front patriotique Manuel Rodriguez accompagnait les grandes protestations nationales des années 1980, réprimées dans le sang ; il servait en quelque sorte d’autodéfense. Il a permis de coupler une force militaire et un esprit de lutte frontale contre la dictature. Les actions du Front n’étaient jamais de grande envergure, pour ne pas se couper du peuple.

En 2005, les journaux chiliens ont tenté de me présenter comme un terroriste, réalisant même un montage photographique me faisant porter une cagoule, moi qui ai toujours vécu à visage découvert, et parfois maquillé !

Je ne me suis jamais considéré comme un héros ; j’ai parfois eu peur : un jour au combat, au Nicaragua, je ne parvenais même pas à saliver… mais il y a des circonstances qui exigent, comme chez vous les résistants, que l’on risque la mort pour la vie. Les communistes ont écrit de grandes pages du XXe siècle. Il est urgent de récupérer et de faire vivre cette mémoire. »

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Message  Estirio Dogante Jeu 26 Sep - 11:18

Le FPMR s'est divisé en deux et une partie soutient aujourd'hui la candidature de Marcel Claude à la présidence.
En fait, les "déviations de droite" immanquablement donnent lieu à des "déviations de gauche" et le PC a parcouru le destin des opportunistes, comme en Chine, Espagne, Indonésie et je ne me rappelle plus.
Ils comptèrent avec un appui dans des poblaciones très pauvre du Chili, à Santiago principalement.
Mais la politique militaire du PC se basait sur des cadres formés à l'étranger (Cuba, Bulgarie, URSS) à niveau des hauts officier d'armée (voir le très informatif, manque d'être politiquement bon "De la rebelión popular a la sublevación imaginada"  de Luis Rojas Nuñez éditiones LOM) importés au Chili où ils se sont développés assez rapidement sur la base de la masse militante du PC, de sa jeunesse surtout.
Le PC, plutôt Corvalan et Millas, voulaient garder ces cadres militaires à l'écart, mais la pression de le jeunesse, notamment des fils des fusilles et otrturés les a fait faire un virage quand ils ont vu que l'accord "démocratique" entre le PS et la DC avec la bénédiction de l'ambassade allait bon train les laissant tout à fait à la marge. Et pour cause, leur atout de négociation, le mouvement syndical, n'existait presque plus.
Rentrés au pays ils se sont bien battus, mais "à la MIR" c'est à  dire dans des conditions qui ne permettaient même pas la lutte politique, donc hors d'un montée importante des luttes (bien qu'ils prirent les "protestas" pour cela, ce qui était une erreur d’appréciation) et avec une direction qui ne voulait pas de cela ou à la rigueur pour se faire une place dans la coalition démocratique. en pure perte, l'Ambassade posait comme condition sine quoi non, l'éviction du PC, son programme de toujours.
Les Lautaro et le FPMR sont nés plus tard
Cela est vrai et le Lautaro était particulièrement craint par la police car ils s'approchaient des carabiniers en faction et sans dire "gare!" leur déchargeaient des redoutables carabines coupes artisanales (deux tirs). Ils se proclamaient M-L et je crois, le ne suis pas sur, je raconte ceci par oui dire, maoïstes.
Ceux qui ont liquidé les Lautaro, les FPMR et les restes du MIR ont été les socialistes! Il y a même un députe Schilling, un autre Burgos et un troisième qui ont monté, sous la pression des pinochetistes la sinistre "Oficina" qui a infiltré, arrêté, torturé et tué un nombre de ces militants (99 exécutions extra judiciaires à leur actif, plus de 1000 arrestations) Un ami du MIr m'a dit "on ne savait plus avec qui on travaillait, si avec des camarades ou avec des infiltrés" Dans ces conditions les gens normalement arrêtent vu qu'ils pensaient qu'ils étaient infiltrés (par les socialistes) à tous les niveaux...
La Concertation est en fait, la continuation de la dictature, sous toutes ses formes principales sans la brutalité contre tous (sélectivement) et avec une plus grande liberté de parole. Tout le reste est resté comme avant et la population, les larges masses, terrorisée encore. Sauf naturellement des honorables exceptions d'une couche de la population en augmentation permanente.
Il y a même eu un cadre des FPMR, formé à Cuba (dont tu dois connaître le nom) qui est devenu spécialiste de la répression du ministère de l'intérieur pour former les flics aux techniques de clandestinité...
Non, je ne sais pas qui est. Mais il en a eu beaucoup. Au PS, au MIR ,beaucoup au PC, notamment le sous-sécretaire général, le "Chino" Diaz qui a collaboré pour "sauver sa vie".Quand les flics eurent attrapé trois comités centrales entiers...ils l'ont tout simplement fait disparaitre.
Il faut éloigner les "têtes de pistolet" et ceux avec des tendances aventuristes des "actifs" des partis. Ils passent avec une facilité surprenant de l'autre côté. Mieux est de prendre de types stables, mariés, (si possible) avec  des histoires personnelles "normales" que les instables, amis de la quincaillerie, et autres névrosés.
La question militaire est avant tout une question politique. Nous ne sommes pas des "pistoleros" mais de pacifistes dans le sens ou nous voulons finir avec les guerres. La guerre quand elle nous est imposé doit se faire comme Lénine en 1917, le moins sanglante possible et cela se fait avec une tactique politique adéquate. Bien sur, la réaction qui se maintient par la terreur et  l’oppression impose souvent uine autre politique.
Mais la maudite adoration du flingue que certains nous ont vendu, n'a fait que des dégâts.

Il n'y a pas eu de PCR passé de l'autre côté, à ma connaissance. La plus grosse prise des flics a été parce qu'un jeune camarade, qui justement était instable et indiscipliné, contre toutes les directives du parti, maintenait un calepin avec des adresses.
Dans un groupe tombé dans ma région, il y avaient trois PCR. Les flics, malgré qu'ils ont torturé bestialement ces camarades, n'ont jamais su qu'ils étaient du PCR, ni aucun autre camarade du parti est tombé. Peut-être cela a été parce qu'ils ne connaissaient pas le PCR. Il y a du avoir des camarades qui ont flanché comme partout, mais je connais encore un autre cas d'un minier des mines du charbon, pourtant candidat du PCR aux élections de la CUT, qui a tenu une semaine le "traitement" et n'a pas lâché un seul camarade et passé par un "indépendant de gauche".

Estirio Dogante

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Message  verié2 Jeu 26 Sep - 12:24

(Estirio Dogante) Ils (Les FPMR) se sont bien battus, mais "à la MIR" c'est à  dire dans des conditions qui ne permettaient même pas la lutte politique, donc hors d'un montée importante des luttes (bien qu'ils prirent les "protestas" pour cela, ce qui était une erreur d’appréciation) et avec une direction qui ne voulait pas de cela ou à la rigueur pour se faire une place dans la coalition démocratique
Les FPMR, ne serait-ce qu'en raison de leur appartenance au PC, avaient beaucoup plus de liens avec la population et ils étaient, sur le plan militant et militaire, beaucoup plus rigoureux que le MIR. Ils disposaient de moyens en armes fournies par Cuba assez importants. Certes, la direction du PC les utilisait pour tenter d'avoir sa place dans la coalition dite démocratique. En revanche, je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi sur la situation qui prévalait à la fin des années quatre-vingt. Il me semble qu'il y avait tout de même, en plus des protestas régulières, une véritable montée des luttes, une réorganisation de la classe ouvrière, des grèves. C'est d'ailleurs ce qui a précipité la chute de Pinochet : la bourgeoisie préférait évidemment une transition en douceur, ou relative douceur, comme en Espagne après la mort de Franco, à un renversement de Pinochet par les masses populaires qui se seraient montrées plus exigeantes.

Le PC jouait donc un jeu relativement dangereux par rapport à ses objectifs. Il pouvait très bien se faire déborder. Par exemple, si l'attentat contre Pinochet avait réussi, cela aurait ouvert une crise dans la direction de l'Etat et encouragé les masses. Un successeur n'aurait peut-être pas été trouvé facilement et la transition se serait faite à chaud.
Ils (les Lautaro) se proclamaient M-L et je crois, le ne suis pas sur, je raconte ceci par oui dire, maoïstes.
Comme tu le sais ils venaient en partie du MAPU, scission de gauche de la Démocratie Chrétienne qui s'est radicalisée. Ils étaient semi spontanéistes : ils pensaient qu'il fallait donner l'exemple et que les masses suivraient. Ils organisaient des "distributions populaires" de vivres et objets divers dans les poblaciones après des opérations de "récupération" dans des entrepôts et grandes surfaces. J'ai assisté à une de ces opérations et c'était assez populaire évidemment ! Ils étaient très audacieux et avaient délivré un de leurs camarades dans un hôpital surveillé par les carabiniers.

Le maoïsme était une référence assez floue qui ne semblait pas avoir une très grande importance pour eux, du moins ceux que j'ai rencontrés. Ils n'avaient pas non plus de conception claire du pouvoir, de l'Etat ouvrier et disaient que ce n'était pas important. L'un de leurs principaux dirigeants, que j'ai rencontré, a été libéré voici quelques années après avoir passé pas mal de temps en prison... où il est devenu... poète.
__
L'ex-cadre des FPMR dont je parlais a travaillé sous les ordres de Shilling pour organiser l'infiltration de ses anciens camarades.

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Message  gérard menvussa Jeu 26 Sep - 13:44

Estirio Dogante a écrit:Hélas je ne peux que faire sortir les inexactitudes  et les approximations de l'article publié par Menvussa (de Bensaid?). C'est fatiguant et peu réjouissant, mais nécessaire pour comprendre.

Toute la question réside dans l’importance donnée tant au MIR comme aux Cordons industriels dans le contexte de la lutte à ce moment précis.

Que diriez vous si lors du gouvernement Miterrand serait arrivés un coup d'état contre les masses à l'offensive et on passait des jours à épiloguer sur l'action de la LCR?
L'importance du MIR n'était pas plus grande (et moins sérieuse; je crois avoir donné des éléments la dessus) que celle de la LCR , encore moindre.
Quand les premiers Cordons, des véritables Cordons se sont mis en place; Cerrillos où il y avaient 40 000 ouvriers, la zone industrielle la plus importante de Santiago et dans le Cordon Vicuña Mackenna, (une longue avenue qui part du centre vers la périphérie sud de Santiago), cela a provoqué l'opposition immédiate du PC, de la CUT et du gouvernement (sans parler de la droite, la DC et toute la presse). Pour les uns c'était "des divisionnistes qui voulaient casser le mouvement syndical et la CUT" pour d'autres "une menace à la démocratie et l'ordre constitutionnel" pour d'autres des saboteurs, qui s'opposaient au gouvernement et faisaient le jeu des putschistes et de la droite".

Qui se trouvaient dans ces Cordons? Des ouvriers de base qui commençaient à se poser des questions; des militants du PCR, du MIr des autres petits groupes, du PS, son aile très à gauche (en parole) et du MAPU "marxiste-léniniste-maoiste" pour un temps court, des communistes de base (rares et parfois comme opposants)
Alors imaginez un peu ces mêmes organisations se disputant le Cordon, et/ou en "fabriquant" des autres. Comme cela a été le cas un peu partout. Il y en a eu en tout et pour tout 33 Cordons le long du pays (un pays très long) dont la grande majorité étaient des fabrications des militants vides de base.
Mais l'effet d'imitation, l'envie de "voir des soviets", la solidarité anxieuse de voir une révolution, donnait crédit à une floraison des vrais/faux Cordon  industriels... Cela aurait été si joli. Tellement joli que cela aveugle le jugement. Si le Chili avait été couvert des Cordons, "des soviets" quoi, qui avaient rompu avec les directions réformistes et sous le contrôle ou l'influence des "révolutionnaires" (ou du MIR) comment cela se fait qu'il n'y a eu presque pas de réponse contre le coup? En fait, il n'y en avait que quelques vrais Cordons (je ne sais pas combien exactement, je n'ai connu comme véritables, et encore avec des problèmes, ceux déjà mentionnés à Santiago).
Les masses sont restés "allendistes" jusqu'au coup d'état. Je parle des masses, pas des certains individus et secteurs selects de la classe qui avaient commencé à passer aux positions révolutionnaires à peine à la fin de la période, poussés par la menace du coup.
Le coup se voyait venir de loin, six mois à l'avance au moins, comme une certitude.
L'UP a essayé de se compromettre par une capitulation en rase campagne.
Le MIR? Que est que pouvait faire le MIR? Ils étaient une poignée, sans moyens, sans véritable direction pour ce type des situations. Le PCR? Il venait de se diviser en deux et n'avait aucun moyen ni influence importante parmi les masses, malgré son implantation majeur parmi les ouvriers. Ils n'ont même pas essayé pensant qu'il fallait "continuer leur travail" sous d'autres conditions qui (inconsciemment) on ne pensait pas aussi dures.
Le MIR tous les mois, toutes les semaines à la fin, annonçait le coup pour tel jour et se plantait immanquablement. Son "travail auprès des forces armées" signifiait essayer de vendre "El Rebelde" devant certains casernes (ils n'étaient pas suffisamment nombreux pour les faire toutes) où ils se faisaient persécuter par la police, les tribunaux, les mêmes militaires. Ne pas oublier que l'on vivait une offensive politique et militaire intense de la bourgeoisie et le gouvernement hésitait, cédait, permettait que les militaires fouillent les usines, les poblaciones, les campagnes, tuent des ouvriers, impose la terreur dans des régions entières des mois avant le coup.
Et le MIR la dedans? Ils ne pouvaient, et c'est cela qu'ils faisaient, que demander au gouvernement "d'armer le peuple" (sanctas simplicitas) ou se mettre d'accord avec les socialistes de gauche (Elenos et autres) pour se défendre. 'santas simplicitas double) sans armes. Pascal Allende ex-haut dirigeant du MIr, secrétaire général après Miguel Enriquez vient de dire qu'ils ne comptaient que de 200 petoires et quelques fusils et que seulement moins de 10% du MIR était destiné à ces tâches, le reste faisait travail de masses (c'est à dire n'avait ni la formation, ni pouvait être utilisé à ce genre des taches)
Que voulez vous qu'il puisse sortir de ça?
Quand je dis qu'ils se sont gonflés comme la grenouille de la fable je ne fais pas de mauvaise polémique, je décris les faits. Pire, ici, comme ailleurs, les trotskystes ( Trotskysme que le MIR d'ailleurs avait renié pour se mettre progressivement à la queue du PC par le biais des cubains) lui ont fait la claque comme dans d'autres pays. Notamment la LCR en France.
Que est ce que je peux devant cette vérité? La dire et tomber sur un mur d'incompréhension parce que, je sais, c'est très dur de voir le roi nu. Mais le dire tout de même, non seulement pour démasquer les responsables de cette escroquerie politique néfaste mais pour éviter aux nouvelles générations cette façon terriblement malhonnête de faire de la politique.
Le PCR est mort, quand? Qu’importe, mais il renait de ces cendres. Le MIR aussi; mais si c'est pour faire la même chose, autant se flinguer.
Non, mil fois non, il faut sans pitié, sans compassion, décortiquer ces mensonges, ces erreurs, ces malhonnêtetés, nettoyer les étables d'Augias de ces escrocs politiques pour contribuer un peu (je ne me fais aucune illusion) à l'éducation des nouvelles générations.
L'article que j'ai cité (il m semblait être clair) était de Bensaid en 2003. Rappelons que Bensaid pendant les événements était membre de la direction internationale de la quatre, et passait son temps en amérique latine... Il est clair que si il y avait eu un coup d'état en france en 81, le camarade bensaid aurait consacré un temps non négligeable à la lcr. Pas en raison de son importance dans la lutte des classes, mais parce que c'est "son"" organisation...

C'est une chose de voir les chose de fort loin, et uniquement par le biais de la presse bourgeoise, et c'en est une autre que d'etre "au coeur de la mélée" C'est sur que quand on est loin, et longtemps aprés, on peut donner des leçons...

Le fait que le mir se retrouve au centre de l'article que j'ai posé se situe aussi parce qu'il s'agit d'un échange entre un ancien dirigeant du mir (passé au réformisme le plus plat) et DB  Si il échangeait avec toi, nul doute que les stratégies adoptées par les différents maoistes chiliens seraient de la discussion, quelque soit leur influence réeelle sur la lutte des classes au chili...

Sinon, un autre point de vue de daniel Bensaid, plus "stratégique", écrit en  juin73 (avant le coup d'état donc)
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Message  gérard menvussa Jeu 26 Sep - 13:46

Le texte de daniel bensaid (trés long, il sera publié en deux parties :


Chili, le socialisme sans la révolution ?

Il y a quelques mois, pour les partisans de l’Union de la gauche et du Programme commun, l’exemple chilien était presque devenu un modèle. Mitterrand et Duclos y allaient à tour de rôle chercher l’inspiration. Aujourd’hui on n’en parle plus guère. À croire que « la voie chilienne au socialisme », tant vantée alors, a tourné au labyrinthe. Et qu’on n’en voit plus la fin. Qu’en est-il au juste ?

Où en est le Chili ?

L’Unité populaire est arrivée au gouvernement au Chili à la fin de l’année 1970, après l’élection, le 4 septembre, de Salvador Allende à la présidence.

Un an plus tard, au moment du premier anniversaire de cette élection, le climat était à l’euphorie. Le régime présentait à son actif de nombreuses nationalisations, le freinage de l’inflation. Ces réalisations économiques et sociales avaient été sanctionnées par un net succès électoral aux élections municipales d’avril 1971.

Alors qu’Allende avait accédé à la présidence avec une majorité relative faible, de 36,3 % des suffrages, les partis de l’Union populaire remportaient en effet aux municipales d’avril près de 51 % des suffrages ; soit une majorité absolue qui exprimait l’élargissement du soutien populaire aux premières mesures du régime.

Aujourd’hui, plus de deux ans après le 4 novembre 1970, la situation s’est détériorée. L’euphorie a disparu pour laisser place à l’inquiétude, à la crainte du lendemain.

Sur le terrain économique, l’inflation a repris de plus belle. L’année écoulée, les prix ont grimpé de près de 100 % (le chiffre avancé est de 99,8 %). Depuis, la flambée des prix a encore empiré : on parle à présent de 144 %.

Sur le plan électoral, la majorité d’Unité populaire victorieuse aux municipales s’est effritée. En juillet 1971, la droite l’emportait lors de l’élection complémentaire de Valparaiso. Le 16 janvier 1972, le candidat démocrate-chrétien était élu sénateur à O’Higgins et le candidat du parti national député à Linares. Ces élections partielles marquaient un coup d’arrêt à la poussée électorale de l’Unité populaire. Leur signification tient au fait que l’Unité populaire a proclamé et maintient sa volonté de conquérir le pouvoir et de passer au socialisme en respectant les voies légales et électorales.

En septembre-octobre derniers, la détérioration de la situation a atteint un point de crise. Les camionneurs se sont mis en grève pour s’opposer au projet gouvernemental de création d’une entreprise nationalisée de transport. Paralysant la distribution, ils ont ainsi aggravé les problèmes d’alimentation. À leur suite, les commerçants ont lancé aussi un ordre de grève. Les deux grèves, cumulant les effets de désorganisation de la distribution, tendaient à exaspérer les masses et à exacerber les tensions sociales.

Craignant que la situation ne dégénère et que se multiplient les affrontements de rue, le gouvernement a décrété l’état d’urgence dans plusieurs provinces. Ainsi, dans la province de Santiago, le général Hector Bravo annonçait le 13 octobre par radio les mesures d’exception : interdiction de manifester dans les rues, interdiction de publier des informations pouvant être considérées comme « alarmistes, exagérées, tendancieuses ou provocatrices », interdiction aux civils de porter des armes à feu, renforcement du contrôle de la circulation dans les rues.

L’affaire est claire. Au lieu d’en appeler à la vigilance et à la mobilisation des masses, non seulement pour préserver leurs conquêtes, mais pour les approfondir, le gouvernement confie le maintien de l’ordre à l’armée. Au lieu d’en appeler aux masses, on exige des rues désertes et on confie à l’armée le soin de les vider, de les quadriller. Cette même armée décidera encore de ce qu’elle considère comme « alarmiste, exagéré, tendancieux ou provocateur ». Une telle clause ne vise pas seulement la droite ; de toute évidence, elle pourra être appliquée le cas échéant aux publications critiques à l’égard du régime venant de l’extrême gauche.

À l’occasion de cette crise d’octobre 1972, le président Allende éprouvera le besoin d’intervenir personnellement. Dans un discours alarmé et modérateur, il appela les travailleurs à « s’abstenir de toute occupation illégale » d’entreprise. Il leur interdisait ainsi leur moyen de riposte le plus efficace. Et, conséquence logique, le gouvernement cédait aux entrepreneurs de transports en renonçant à créer dans un délai prévisible une compagnie de transports nationalisée.

Cette capitulation du gouvernement d’Unité populaire face à la pression et au chantage du patronat n’est pas la première. Il avait déjà capitulé notamment devant la puissance de la Chambre chilienne de construction (CCC), sorte de trust régnant sur l’industrie du bâtiment. Cette CCC est liée à la Banque du Chili qui échappe au contrôle de l’État. Le programme de l’Union populaire avançait un plan ambitieux de construction de logements. Le but était double ; fournir un débouché à la main-d’œuvre et donner un logement salubre aux dizaines de milliers de mal-logés vivant dans les bidonvilles. Pour atteindre ce but, la nationalisation de la Chambre de construction aurait été un moyen nécessaire afin de prévenir le sabotage prévisible de la part du grand patronat.
Pourtant, il n’en a rien été

Et lorsque, en septembre 1971, un journaliste demanda à Raul Varela, président de la CCC, pourquoi le président de la République avait démenti les déclarations du ministre du Logement selon lesquelles l’industrie privée de la construction ne durerait pas plus d’un an et demi, Raul Varela répondit : « Pour nous, le dernier mot, le plus officiel et le plus digne de confiance, appartient au président de la République. Lorsque nous lui avons demandé des explications, à la suite de déclarations comme celle que vous mentionnez, le président de la République nous a répondu très clairement que l’activité du secteur privé de la construction se poursuivra indéfiniment et continuera d’assurer la construction dans la mesure même où elle remplira les plans du gouvernement [1]. »

Un peu plus d’un mois plus tard, le 14 octobre 1971, les sans-logis des bidonvilles manifestèrent à Santiago pour protester contre les retards dans le déblocage de crédits destinés aux logements populaires. Cette manifestation fut durement réprimée par le Groupe mobile. Un ouvrier fut grièvement blessé.

Encore une fois, au lieu de s’appuyer sur les travailleurs pour appliquer son programme, en reculant devant le patronat, l’Unité populaire a scié la branche sur laquelle elle pouvait espérer se hisser. Il n’est pas étonnant que les travailleurs qui savent tirer les leçons de l’histoire retirent partiellement à l’Unité populaire la confiance électorale qu’ils lui avaient accordée.

De reculade en capitulation, la voie peut être longue, mais elle conduit inexorablement à l’échec. Devant le chantage de la bourgeoisie, le président Allende avait dû éliminer du gouvernement le ministre de l’Économie Vuskovic considéré par le patronat comme un partisan trop chaleureux des nationalisations. Il avait dû éliminer ensuite du gouvernement le ministre de l’Agriculture, Chonchol, considéré comme trop radical dans l’application de la réforme agraire.

Céder un peu, c’est capituler beaucoup… dans certaines circonstances du moins. Au Chili la somme des concessions a fini par donner une spectaculaire capitulation. Après la crise d’octobre 1972, le président Allende a confié à un militaire, le général Prats, la direction du gouvernement.

La Vie ouvrière (VO) [2] commentait alors ainsi cette promotion d’un général à la tête d’un gouvernement qui se réclame du mouvement ouvrier : « Au surplus, si on réduisait le remaniement ministériel de Santiago à la seule entrée des militaires au gouvernement, on se limiterait à une vue partielle de l’affaire. Car la représentation des travailleurs, déjà assurée par les partis ouvriers, va se trouver renforcée. Le syndicat unique de là-bas, la Cut (Centrale unique des travailleurs), fait en effet son entrée au gouvernement dans la personne de son président et de son secrétaire général. C’est pour lui la garantie que les conquêtes sociales seront préservées et que la marche en avant continuera. »

L’interprétation que donne la VO des événements survenus au Chili constitue un avant-goût de ce que serait en France l’application du Programme commun. La présence au gouvernement de deux responsables syndicaux peut-elle être considérée comme une garantie des conquêtes ouvrières alors que, devant chaque épreuve de force, le gouvernement a renoncé à s’appuyer sur la mobilisation des travailleurs eux-mêmes ? L’entrée des responsables syndicaux au gouvernement ne constitue-t-elle pas plutôt une caution ouvrière au moment où l’un des principaux chefs de l’armée prend la tête de ce même gouvernement ? Et ne seront-ils pas deux otages supplémentaires pris au piège de la légalité et de la solidarité (demain de la complicité ?) ministérielle ?

L’Humanité qualifiait de « solution originale » la présence au gouvernement des militaires et des syndicats. Cette « solution originale » sent l’approche de la solution finale. En cas de démission ou de disparition du président, ce serait donc le général Prats qui exercerait le pouvoir suprême. Dès à présent, l’armée détient le pouvoir d’arbitrer au cas où la tension entre les classes s’accentuerait, elle est placée en position d’interpréter la légalité selon ses vœux.

Et, comble d’ironie, ce sont les partis ouvriers de l’Unité populaire qui lui ont déroulé un tapis triomphal jusqu’aux fauteuils ministériels.

Après la chaude alerte d’octobre, le régime a ainsi obtenu un répit. Mais à quel prix ? Devant les correspondants étrangers, le président Allende s’exprimait ainsi le 21 octobre : « Nous ne sommes plus au bord de la guerre civile, parce que l’immense majorité a compris que l’action séditieuse d’un petit groupe pouvait être écrasée sans violence. Si nous le voulions, nous aurions ici cent mille, cent cinquante mille personnes. Il suffirait de la moindre parole pour que quinze ou vingt mille travailleurs de la périphérie industrielle de Santiago viennent ouvrir les magasins de Santiago. Nous leur avons dit non. La force de ce gouvernement est dans le respect de la Constitution et de la loi. »

C’est tout simplement énorme ! « Si nous voulons… il suffirait de la moindre parole… ». Mais nous ne voulons pas, et la moindre parole n’a pas été prononcée… Rarement des représentants réformistes du mouvement ouvrier, promus à la fonction de gérants temporaires de la société capitaliste, auront dit plus clairement leur volonté de ne pas recourir à la mobilisation populaire. On demande aux travailleurs prêts à accourir contre les menaces de la réaction, de rester chez eux, de rester calmes. En un mot, on les démobilise. Au moment même où un général est appelé à la tête du gouvernement ; au moment même où le gouvernement rappelle que l’armée détient en exclusivité le droit de porter des armes, ce qui exclut toute perspective de milice ouvrière et populaire.

Tout est là.

Allende a obtenu son répit. Mais il a pour cela démobilisé davantage les travailleurs. En appelant un général, il a fait du gouvernement un organe de pouvoir parlementaire plus que jamais étranger aux masses. Si jamais Allende, ou quelque autre de ses semblables, est amené à crier « au loup ! », les travailleurs, tant de fois découragés et déçus, le croiront-ils encore ? N’abandonneraient-ils pas à son sort ce régime miné qu’ils commencent à abandonner sur le terrain électoral ?

La situation économique est sérieuse. L’assise populaire du régime s’effrite.

Allende prétend avoir conjuré les périls. En fait il a serré un peu plus le nœud de la légalité bourgeoise passé au cou de l’Unité populaire.

Il prétend avoir obtenu un répit, ce répit peut se révéler bientôt n’être qu’un sursis.
Comment en est-on arrivé là ?

Certains objecteront qu’il serait naïf de voir la situation chilienne à travers des déclarations présidentielles et des remaniements ministériels. Certes, ce ne sont que des données superficielles, mais leur signification tient à ce qu’elles expriment fidèlement des réalités sociales profondes.

Si les déclarations d’Allende et les résultats électoraux indiquent que le fossé risque de se creuser dans les mois à venir entre le régime d’Unité populaire et les masses, ce n’est là que le résultat d’un profond processus social, l’aboutissement des fameuses voies légales auxquelles le régime prétend se tenir.

Sur trois fronts décisifs, celui de la production, celui des relations internationales, celui des institutions, le régime d’Unité populaire a laissé l’initiative et les meilleures armes à la bourgeoisie. Il a accepté de se placer sur son terrain. Et sur ce terrain, il ne peut que perdre la confiance des masses : c’est là le mal qui ronge l’expérience chilienne et qui l’emportera peut-être un jour.
Produire d’abord !

L’Unité populaire a défini la bataille de la production comme une tâche centrale pour les travailleurs. En France, ce thème ne peut manquer de rappeler les positions du Parti communiste en 1945, quand il détenait certains fauteuils ministériels dans le gouvernement de Gaulle : « produire d’abord ! », tel était le mot d’ordre.

À partir du moment où l’Unité populaire prétend battre le capitalisme sur son propre terrain et avec ses propres armes, il n’est pas étonnant de voir apparaître au premier plan la bataille de la production.

L’Unité populaire se propose ni plus ni moins que de racheter le capital. C’est à peu près aussi absurde que si un esclave prétendait économiser sur sa ration alimentaire quotidienne pour racheter le fouet du maître qui l’opprime !

Il s’agit, comme on dit, de faire rôtir le mouton sans qu’il s’en aperçoive : d’administrer la preuve de la supériorité du secteur public sur le secteur privé, de grignoter petit à petit le secteur privé.

Mais, comme cela se passe dans le cadre de la légalité bourgeoise, et notamment du respect de la propriété privée des moyens de production qui en constitue l’un des piliers, bon nombre des 150 nationalisations auxquelles il a été procédé le furent avec rachat ou indemnisation. Dans ces conditions, lorsqu’on demande aux travailleurs de produire d’abord, on devrait ajouter : produire pour racheter, produire pour indemniser !

Et pour racheter quoi ? Indemniser qui ? Pour racheter des richesses qu’ils ont produites déjà de leur travail et de leur sueur et dont l’exploitation capitaliste les a dépossédés : c’est une façon de racheter ce qui leur a été volé et de travailler double pour le même résultat. Indemniser les exploiteurs d’hier qui pourront aller investir ailleurs, dans des secteurs plus rentables où ils continueront à exploiter la classe ouvrière ; quand encore ils n’utiliseront pas une part de l’indemnisation pour entretenir des milices privées et des troupes mercenaires !

Les travailleurs travaillent dur. Mais ils ne travaillent pas pour eux-mêmes : telle est la principale source de leur démobilisation et de leur désaffection prévisible à l’égard du régime. Comme ils produisent d’abord pour indemniser, le niveau de la consommation ne peut que se maintenir ou progresser lentement. Les derniers temps, il s’est même dégradé du fait de l’inflation qui fait grimper les prix plus vite que les salaires. Du fait surtout du sabotage de la bourgeoisie qui stocke les produits pour affamer les masses, qui développe le marché noir, qui désorganise la distribution ainsi que l’a illustré l’exemple spectaculaire de la grève des camionneurs et des commerçants.

La volonté opiniâtre de l’Union populaire de faire passer la mobilisation des masses par la porte étroite de la légalité bourgeoise explique bien des choses. Et d’abord la modération des mesures sociales prises.

Les nationalisations ont eu lieu à froid, souvent dans des secteurs déjà déficitaires comme les mines Schwager. En revanche, des secteurs clefs du point de vue économique, social ou politique (comme la chimie, le bâtiment, le papier) n’ont pas été touchés. Elles ont été limitées à 150 entreprises sur plus de 30 000 entreprises privées que compte le Chili. Autant dire que les nationalisations chiliennes peuvent connaître le sort qu’ont connu les nationalisations françaises de la Libération : fournir au capital privé investi dans les branches de pointe de l’industrie une infrastructure prise en charge par l’ensemble des consommateurs et des contribuables, le faire bénéficier y compris de tarifs préférentiels comme c’est le cas en France à l’EGF ou à la SNCF. Encore, il faut le répéter, ces nationalisations sont-elles effectuées la plupart du temps avec rachat. Enfin, par précaution, le Parlement chilien – où la droite bourgeoise reste majoritaire – a voté une loi limitant le droit du gouvernement à décider de nouvelles nationalisations.

Sur le front de la réforme agraire, l’Unité populaire s’est contentée d’appliquer la réforme entreprise par le gouvernement bourgeois qui l’a précédée sous la présidence d’Eduardo Frei. C’est-à-dire une réforme qui ne touche que les propriétés supérieures à 80 hectares. Or, la lenteur et les modalités d’application de la réforme, ont laissé aux propriétaires terriens le temps et les moyens de manœuvrer. Certains ont découpé leurs vastes domaines pour les répartir fictivement entre fils, gendres, et cousins afin d’échapper au cadre de la réforme. Les grands propriétaires de bestiaux ont fait passer en Argentine 200 000 têtes de bétail avant d’être touchés par la réforme. Au Chili même, ils ont procédé à un abattage accéléré du bétail, compromettant l’avenir du cheptel, alors que le Chili manque de viande bovine.

La possibilité de baisser à 40 hectares le seuil d’application de la réforme agraire n’a pas été retenue. Au contraire, devant le sabotage des grands propriétaires, le gouvernement a été amené à leur concéder le fait qu’ils restent propriétaires du bétail et des machines agricoles de leur domaine.

Ainsi, l’application de la réforme peut favoriser le regroupement du bétail et des machines sur les meilleures terres, le développement d’une agriculture capitaliste concentrée, intensive et hautement mécanisée, et ce tandis que les paysans pauvres se retrouvent sur de mauvaises parcelles sans bétail, sans machines, sans capitaux pour s’approvisionner en semences et en engrais. En un mot, ils ont toute chance de rester, sous une forme nouvelle, sous la dépendance matérielle et financière des gros propriétaires et de leur tenir lieu de secteur d’appoint.

Les travailleurs sentent bien que, pour ne pas rester à la merci de la bourgeoisie, il faudrait aller plus loin : occuper les usines rentables, occuper les terres, débusquer les stocks, confier aux masses le contrôle de l’application des mesures, leur confier la défense, armée s’il le faut de leur conquête. Mais l’Unité populaire a choisi de se plier devant la loi de la bourgeoisie. Cela implique de briser l’élan des masses, de les frustrer de conquêtes nouvelles qu’elles sentent à leur portée.

Le dialogue entre le « camarade président » Allende et Anselmo Cancino, représentant élu du conseil paysan de la province de Linares est édifiant, et d’une certaine façon émouvant à cet égard. Cancino pose le problème de la situation dans la province où 35 % de la main-d’œuvre agricole ne trouve pas à s’employer, où les propriétaires terriens sabotent ouvertement la production. Pour riposter, les paysans sont tentés d’occuper les terres et de s’en emparer : « Allende : occuper les terres, c’est violer un droit. Et les travailleurs doivent comprendre qu’ils font partie d’un processus révolutionnaire que nous sommes en train de réaliser avec le minimum de souffrances, le minimum de morts, le minimum de faim. Pensez-y. Si on agissait de la même façon avec les entreprises importantes que nous voulons nationaliser (il y a 35 000 entreprises), qu’est-ce qui se passerait si nous voulions les contrôler toutes ? Cancino : Le changement, camarade président. Allende : Non le chaos. J’ai l’obligation de vous montrer que vous vous trompez. Le problème ne réside pas seulement dans la forme de propriété, mais dans la production […] [3]. »

Encore une fois, tout est là. Pour mener la bataille de la production, on en appelle à la responsabilité des travailleurs. Et leur responsabilité, en l’occurrence, consisterait ni plus ni moins qu’à livrer cette bataille dans le cadre de la propriété privée et de l’exploitation capitaliste qui reproduit inexorablement le pouvoir des patrons, d’un côté, et leur propre dépouillement, de l’autre. À ce jeu, les travailleurs ne peuvent que s’user.

La confiance électorale qu’ils ont manifestée envers l’Union populaire devrait être justifiée par un changement profond dans leur situation. Changement qu’ils espéraient et qu’ils attendaient. Si un tel changement, profond, radical, irréversible, ne débute pas, c’est le moteur même de la mobilisation populaire qui sera brisé. Et les arguments les plus affinés, les statistiques les plus précises, les discours chiffrés les plus éloquents, seront impuissants à le réparer.
Le chantage international

Au Chili même, l’Unité populaire, en acceptant le terrain de la bourgeoisie, s’est placée dans une situation difficile. À cela, il faut ajouter l’appui direct ou indirect que le capitalisme international, l’impérialisme, pourront donner à la bourgeoisie chilienne.

L’embargo de la Kennecott sur le cuivre chilien, réalisé en automne avec l’appui des gouvernements bourgeois – dont le gouvernement français –, les complots militaires trouvés par les trusts internationaux comme ITT constituent la forme spectaculaire du sabotage. Mais il faut y ajouter des formes plus subtiles. Au niveau du crédit par exemple : les banques américaines qui avaient promis au Chili à l’époque de Frei un prêt de 270 millions de dollars n’en ont prêté que 32 après l’avènement d’Allende.

La spéculation sur les prix internationaux représente un autre moyen subtil. La livre de cuivre valait 78 cents sur le marché mondial à l’époque où la démocratie-chrétienne était au pouvoir au Chili. Après l’arrivée de l’Unité populaire, par exemple, le prix a chuté à 48 cents. Et on sait que les États-Unis ont joué un rôle déterminant dans la fixation de ces prix.

Chantage au crédit ! Aux tarifs commerciaux ! Voila [une] forme de siège économique du Chili, au moment même où ce dernier demande aux travailleurs un effort supplémentaire pour rembourser les grands trusts internationaux. Quarante pour cent (oui, 40 %) des réserves du Chili sont actuellement consacrées à éponger la dette extérieure ! On voit ici à quelles absurdités conduit le légalisme jusqu’au-boutiste sur le terrain national et international. Imaginons seulement un instant qu’en 1917 la jeune République des soviets se soit engagée à acquitter le fameux emprunt russe et autres dettes contractées par le tsarisme décadent. Saignée à blanc sur le plan économique, jamais elle n’aurait pu mener à bien la guerre civile contre la réaction blanche à l’intérieur et les armées du capital international à l’extérieur ! Jamais ! C’est aussi simple que ça. Pour échapper au blocus, au chantage économique, l’Unité populaire est amenée à rechercher des échappatoires : ainsi, l’accord commercial passé avec les pays andins, et en particulier l’Argentine du tortionnaire Lanusse, pour l’abaissement des tarifs douaniers sur 5 000 articles.

De tels accords expliquent peut-être en partie les infléchissements que connaît la politique internationale de l’Unité populaire. Ainsi, un sénateur fougueux et énergique déclarait en 1968 à la tribune du Sénat chilien : « Qu’il plaise ou non aux gouvernements réactionnaires, le mouvement populaire chilien sera implacable et solidaire avec ceux qui luttent par les moyens légaux ou les armes à la main pour la révolution latino-américaine et je demande que mes paroles soient enregistrées. »

Elles l’ont été. Malheureusement pour le sénateur osé qui n’était autre qu’Allende lui-même. Depuis il en a rabattu. Lorsqu’en août dernier, les six militants révolutionnaires argentins, combattants de la révolution latino-américaine, évadés des geôles de Rawson, firent atterrir au Chili un avion détourné et demandèrent asile, leur sort fut remis « légalement » entre les mains de la Cour suprême. Le sous-secrétaire d’État au ministre de l’Intérieur, membre du PC chilien, anticipant sur la décision de la Cour suprême, déclara même que, selon lui, les réfugiés relevaient du droit commun et non de l’asile politique. En conséquence, il était envisagé de remettre les réfugiés à leurs tortionnaires argentins. Les manifestations organisées par le Mir et certains secteurs du PS pour la défense de nos camarades furent dispersées. Si, finalement, les six rescapés reçurent l’autorisation de partir pour Cuba, c’est qu’entre-temps, à Trelew, dix-sept de leurs camarades avaient été sinistrement exécutés sans jugement dans leurs cellules en représailles de leur tentative d’évasion. Dès lors, il devenait quasi impossible, face à l’opinion, de remettre les évadés aux bourreaux responsables d’un tel massacre. Mais il s’en est fallu de peu pour que l’Unité populaire chilienne rende à la dictature argentine un service policier en échange d’un service commercial.
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Message  gérard menvussa Jeu 26 Sep - 13:47

deuxiéme partie de l'article de DB

Le carcan de la légalité

Allende, nous l’avons déjà dit, a été élu à la présidence par une majorité relative le 4 septembre 1970.

Dans un tel cas, le Parlement est appelé à ratifier le résultat de l’élection présidentielle. Avant de montrer son respect de la légalité en acceptant, au Parlement, de reconnaître un président issu de l’Unité populaire, la démocratie chrétienne a cependant pris des précautions. Le 24 septembre 1970, vingt jours après le résultat des élections, elle demandait par un texte au futur président de se prononcer sur certaines questions essentielles. Le texte soulignait en particulier : « Nous voulons un État de droit. Ceci requiert l’existence d’un régime politique à l’intérieur duquel l’autorité soit exclusivement exercée par les organes compétents : exécutif, législatif et judiciaire […]. Sans intervention d’autres organes de fait qui agiraient au nom d’un soi-disant pouvoir populaire […]. Nous voulons que les forces armées et les corps de carabiniers continuent d’être une garantie de notre système démocratique. Ce qui implique que soient respectées les structures organiques et hiérarchiques des forces armées, et du corps des carabiniers […]. »

Voilà une bourgeoisie cultivée, éduquée, qui sait aller droit au but, sobrement. Elle met d’emblée en évidence les deux conditions garantissant que l’expérience de l’Union populaire ne franchira pas un point de non-retour :

1. respect de l’autonomie de l’armée ;

2. refus de tout organe direct de pouvoir populaire de type soviet ou conseil.

C’est dit clairement ; on peut seulement regretter que les partis ouvriers n’y répondent pas de manière aussi claire et directe.

Mais la démocratie chrétienne, et derrière elle les secteurs dynamiques de la bourgeoisie chilienne, ne se s’est pas contentée de promesses et d’engagements verbaux. Certes, Allende avait répondu positivement aux questions de la démocratie chrétienne en affirmant notamment que « l’Unité populaire n’aurait aucun droit de regard [sur] la nomination du haut commandement […] ». Mais, le 15 octobre, la Chambre approuvait un texte, connu sous le nom de « statut des garanties », qui codifiait les limites légales imposées par la bourgeoisie à l’Unité populaire.

Là encore, la bourgeoisie n’y va pas par trente-six chemins. À propos des moyens d’information, par exemple, le paragraphe 3 de l’article 10 dit : « Le régime de propriété et de fonctionnement de ces moyens d’information ne pourra être modifié que par une loi. »

Maintien de la hiérarchie militaire, refus de tout organe de pouvoir populaire extraparlementaire, garantie de la propriété privée des moyens d’information : la bourgeoisie sait mettre en évidence les frontières de son ordre social. En cédant immédiatement à toutes ces exigences, l’Unité populaire s’est précipitée dans la nasse qui lui était tendue. Exemple parmi d’autres de cette capitulation, le fait que le président Allende ait accepté le principe d’inamovibilité des fonctionnaires mis en place par la démocratie chrétienne.

Autrement dit, tout le personnel politique mis en place dans l’enseignement, les ministères, l’armée par le régime bourgeois restera en place. L’Unité populaire doit donc gouverner en s’appuyant sur un personnel qui lui est hostile et n’hésitera pas à la saboter, si ce n’est le moment venu à la trahir. C’est comme si une armée acceptait de partir en campagne en assurant une immunité de droit aux espions enrôlés dans ses rangs. L’une des premières mesures qu’aurait dû prendre au contraire un réel gouvernement ouvrier, c’est l’épuration de tous les corps administratifs.

Très important également, le fait de laisser les moyens d’information à la disposition des fortunes privées. Ainsi, la presse réactionnaire orchestra-t-elle de véritables campagnes d’intoxication. C’est elle qui a préparé et assuré l’écho de la manifestation dite des « casseroles vides », première grande manifestation de rue contre le régime en décembre 1971, organisée pour protester contre la pénurie alimentaire par de prétendues ménagères qui étaient en fait les femmes des quartiers bourgeois de Santiago. C’est encore cette presse qui organise l’intimidation contre les partisans de l’Unité populaire. Par exemple, pendant la grève des commerçants en octobre dernier, le journal réactionnaire Tribuna publiait une liste noire des commerçants non grévistes, donc suspects de sympathie envers le régime, pour les désigner aux exactions des bandes d’extrême droite ! Un véritable gouvernement ouvrier aurait au contraire nationalisé les imprimeries, papeteries, messageries, afin de mettre les moyens d’information, précédemment assujettis à la fortune, à la disposition des groupements politiques, syndicaux, culturels.

Autre signe de faiblesse et de résignation les Peace Corps, formés aux États-Unis sous prétexte d’accomplir des missions sociales dans le monde et connus pour être un canal privilégié de pénétration de la CIA, ont continué à intervenir au Chili après l’arrivée au pouvoir de l’Unité populaire.
Une armée démocratique ?

Les idéologues du PC chilien comme du PC français reconnaissent volontiers que l’expérience chilienne de passage au socialisme n’a rien d’orthodoxe. Mais, pour ces mêmes idéologues, l’originalité de l’expérience tiendrait avant tout à l’originalité de l’armée chilienne pétrie de traditions démocratiques : là serait la pierre angulaire de l’édifice.

Le PC chilien en donne pour preuve que le général Schneider, chef de l’armée, a été assassiné pour s’être déclaré fidèle à la légalité et prêt à servir, si la légalité l’exigeait, le gouvernement d’Unité populaire. Ce qu’on oublie de dire en revanche, c’est que d’autres secteurs de l’armée, en particulier le général Viaux, ont trempé dans l’assassinat. Ce même général Viaux dont la justice chilienne vient de réduire la peine de vingt à deux ans de détention ! Remarquable clémence à l’égard d’un conspirateur militaire !

Miser sur les traditions démocratiques de l’armée chilienne, c’est oublier, et cet oubli peut devenir criminel, qu’elle reste une armée bourgeoise. C’est-à-dire un corps de répression autonome forgé par la bourgeoisie à son propre usage. L’armée chilienne, ce sont d’abord 60 000 soldats de métier, auxquels il faut ajouter 24 000 carabiniers. Soit environ 8 hommes en armes pour 1 000 habitants ! Tous de métier, tous mercenaires, puisqu’il n’y a pas de contingent d’appelés ! L’armée chilienne, ce sont aussi près de 3 000 officiers de carrière entraînés entre 1950 et 1965 par les États-Unis dans les corps antiguérilla, à Panama notamment. Et l’on sait bien que l’entraînement en question n’est pas seulement militaire, mais aussi idéologique. Aujourd’hui, pour ne pas brusquer ou froisser la hiérarchie militaire, sous la présidence d’Allende, alors que le pays est gouverné par l’Unité populaire, l’entraînement à Panama des officiers continue ; oui, continue ! Dans le même sens, en octobre 1971, la marine chilienne a fait dans le Pacifique des manœuvres communes avec la flotte américaine sous le nom d’opération Unitas.

Miser sur les traditions démocratiques de l’armée chilienne, c’est encore oublier tragiquement, qu’une telle armée bourgeoise (il faut le dire et le répéter, car elle ne saurait être neutre socialement !) ne peut rester en dehors de la lutte de classe. Si le conflit s’aiguise entre les classes, elle devra choisir son camp. Non entre la légalité et l’illégalité, mais entre la bourgeoisie et le prolétariat. Si elle s’engage à rester fidèle à la loi, elle choisit déjà puisque cette loi, personne ne doit l’oublier, reste la loi des patrons, la loi de la bourgeoisie. Au mieux, peut-on espérer que l’armée ne basculera pas en son entier au côté de la bourgeoisie qui l’a nourrie et formée, peut-on espérer qu’elle sera divisée. Mais il ne suffit pas de l’espoir. Il faut y œuvrer. En y travaillant en son sein, en y développant les idées révolutionnaires. Il ne suffit pas de convaincre quelques têtes galonnées de l’état-major, de les amadouer en multipliant les concessions, comme le fait l’Unité populaire, il faut travailler à la base de l’armée.

Au lieu de cela, comme pour conjurer le sort, le PC chilien se prosterne lamentablement devant cette armée de sabreurs de demain ; devant les Gallifet, les Suharto, les Papadopoulos, les Banzer chiliens qui attendent leur heure. Au lieu de se montrer résolu à la lutte, de s’acquitter de ses tâches d’antimilitarisme révolutionnaire, l’organe du PC, Puro Chile, publie à l’occasion de la fête nationale une photo d’un corps de bérets noirs (corps anti-subversif) dont les officiers sont entraînés à Panama avec la légende effarante que voici : « Leur aspect martial et leur étrangeté leur ont attiré les faveurs de la foule » !

Le PC chilien ne ménage donc pas ses efforts pour camper une image de l’armée chilienne démocratique telle qu’il la souhaiterait pour confirmer sa thèse sur les voies pacifiques. Dans cette besogne, La Vie ouvrière, lui prête main-forte en écrivant : « Remarquons d’abord que l’armée chilienne, à la différence des armées de la plupart des autres pays d’Amérique latine et de beaucoup d’autres pays du monde, est respectueuse de la légalité (quelle légalité ? celle de la bourgeoisie, bien sûr) et du suffrage universel. L’ex-chef d’état-major, le général Schneider, s’est fait assassiner par des hommes de l’extrême droite pour avoir refusé d’organiser un putsch contre l’Unité populaire. D’autre part, les militaires se sont opposés à toutes les tentatives d’insurrection fomentées par les groupes fascistes. Sans brutalités excessives, mais avec fermeté, ils ont maintenu l’ordre » !

Sans brutalités excessives ? Et quel ordre ? Et le massacre de la Hermida ? La Hermida, c’est un bidonville. Au printemps dernier, à la suite d’échauffourées entre la police et des sans-logis, deux automitrailleuses et trente cars prennent position à l’aube autour du bidonville. Par haut-parleur, ils appellent les habitants à sortir « pour soutenir l’Unité populaire, renversée par un coup d’État ». Et ils ouvrent le feu. Bilan quatre morts, 15 blessés, 160 arrestations. L’affaire n’a jamais été démentie. Qui a décidé le massacre ? On ne le sait. Seule mesure prise : la suspension de leurs fonctions du secrétaire (membre du PS) et du sous-secrétaire (membre du PC) des renseignements généraux.

Pourtant le secrétaire général du PC, Luis Corvalan, ne cesse de réaffirmer sa confiance dans les « vents nouveaux » qui traversent l’armée. L’armée, elle, se montre plus lucide, plus consciente de sa réelle fonction. Le Mémorial de l’armée, organe de l’état-major, rappelle que sa mission « reste de garantir la continuité de la démocratie formelle et de la solidarité occidentale […] ».

Au lieu d’épuiser les travailleurs dans une bataille de la production qui ne vise guère qu’à racheter leurs chaînes, un gouvernement ouvrier véritable se serait hardiment engagé dans l’expropriation sans indemnité ni rachat des grandes entreprises. Au lieu de subir l’étranglement commercial et financier de l’impérialisme, il aurait refusé de reconnaître les dettes contractées par une bourgeoisie banqueroutière et aurait instauré le monopole du commerce extérieur.

Au lieu de s’empêtrer dans les mailles de la légalité et des institutions bourgeoises, il aurait épuré l’administration et encouragé la naissance et le développement d’organes de pouvoir populaire à partir des entreprises, des villages et des quartiers. Au lieu de confier le maintien de l’ordre à une armée bourgeoise, il aurait encouragé l’auto-organisation des soldats favorables au régime et surtout favorisé la constitution et l’armement de milices populaires sur la base des entreprises, des villages et des quartiers.

Face à chaque choix, l’Unité populaire a opté pour le maintien dans la légalité bourgeoise. Elle a ainsi affaibli ou tranché les liens qui la rattachaient à la mobilisation des travailleurs. Son régime devient ainsi de plus en plus vulnérable aux manœuvres et aux coups de la bourgeoisie, au point qu’on peut commencer à se demander quand et comment la bourgeoisie essaiera de s’en débarrasser, et si nous connaîtrons une tragédie du prolétariat chilien.

Le Chili…

• C’est un pays de 741 767 km2. C’est un pays évalué en 1970 à
9 268 000 habitants. Le tiers de la population active travaille la terre. Les deux tiers de la population sont regroupés dans des agglomérations supérieures à 1 000 habitants. La capitale Santiago compte 3 millions d’habitants. Les villes principales, Valparaiso et Conception 600 000 et 300 000 habitants. C’est un pays marqué par la présence permanente de l’impérialisme : espagnol d’abord, britannique ensuite, américain enfin ; de l’exploitation du salpêtre à l’exploitation du cuivre. C’est un pays qui a connu en 1938 une expérience de Front populaire.

• Le Chili, ce n’est donc pas la France. Mais… L’Union de la gauche, le PC comme le PS, y a cherché l’inspiration. La bourgeoisie française, Sac et CDR en tête, veut en faire un épouvantail et y cherche des arguments. Certains groupes d’extrême gauche ont voulu y voir leurs modèles. Au Chili comme en France, parallèlement, presque simultanément, se préparent des élections législatives. Le bilan de l’expérience chilienne viendra donc inévitablement sur le tapis pendant la campagne électorale.

Nous présentons nos arguments :

• Où en est le Chili ? Comment en est-on arrivé là : bataille de la production, contraintes internationales, maintien de l’appareil d’État bourgeois et de son armée. Quelles solutions s’affrontent ? Celle de la bourgeoisie qui ménage la double possibilité d’une reprise électorale du gouvernement et d’un coup de force. Celle de l’Unité populaire qui, pour n’envisager que la première, risque de devenir l’otage et l’instrument de la bourgeoisie. Celle de l’extrême gauche révolutionnaire qui a connu, avec le Mir notamment, ses heures de gloire, mais qui est encore en gestation.

• Le Chili n’est pas une expérience d’éprouvette que nous pourrions étudier froidement. À bien des égards, il nous concerne et nous engage. Nous devons être prêts. Il y a quelques mois, pour les partisans de l’Union de la gauche et du Programme commun, l’exemple chilien était presque devenu un modèle. Mitterrand et Duclos y allaient à tour de rôle chercher l’inspiration. Aujourd’hui on n’en parle plus guère. À croire que « la voie chilienne au socialisme », tant vantée alors, a tourné au labyrinthe. Et qu’on n’en voit plus la fin. Qu’en est-il au juste ?
Où va le Chili ?

La bourgeoisie chilienne n’a pas perdu la tête devant l’arrivée au pouvoir de l’Unité populaire. Puisque les partis ouvriers se sont engagés à rester dans le cadre de la légalité, elle s’efforce d’abord de les défaire sur ce terrain, sachant que le temps y travaille pour elle.

L’organe théorique de la démocratie-chrétienne a même exposé en toutes lettres sa stratégie inspirée de celle des maréchaux russes contre Napoléon : « [...] Pratiquer la retraite stratégique, laisser l’ennemi s’enfoncer au cœur du territoire ami, le paralyser et l’affaiblir par la politique de la terre brûlée et de la guérilla, le couper de ses arrières puis passer à la contre-offensive, l’encercler et le détruire. » C’est clair, c’est simple, et, d’une certaine manière, ça marche. À force de gérer un appareil d’État bourgeois, on finit par s’en servir. À force de vouloir rester dans la légalité bourgeoise, on finit par la faire respecter aux autres, aux travailleurs. On ne peut longtemps prétendre maintenir les liens avec les masses et gouverner avec un appareil d’État poliment emprunté à la bourgeoisie, avec promesse de le rendre.

La marche au socialisme demande une mobilisation énergique des masses. Elle est rude et nécessite de bonnes chaussures cloutées, solides, tenant bien le pied. Au lieu de cela, l’Unité populaire emprunte les escarpins vernis de la bourgeoisie : les masses commencent par s’y estropier, puis elles refuseront de marcher.

La bourgeoisie le sait bien. Quand elle parle de « couper l’ennemi de ses arrières », elle sait de quoi elle parle. Elle mise sur la lassitude des travailleurs.

Pour elle, les élections législatives prochaines seront un test. Si elles donnent une majorité bourgeoise maintenue ou renforcée, Allende ne sera plus qu’un président en sursis, tenu en laisse. Car alors Frei sera à peu près assuré de regrouper sur son nom, ou celui d’un autre leader démocrate-chrétien, les voix de la bourgeoisie qui s’étaient divisées aux présidentielles de 1970 entre le candidat du parti national Alessandri et celui de la démocratie chrétienne Rodomiro Tomic.

Au cas où les partis bourgeois reviendraient au gouvernement par des voies électorales, ils n’auraient rien perdu. Au contraire, Ils auraient seulement confié, de façon parasitaire, à des partis ouvriers, les tâches délicates de rationalisation et de réorganisation économique : nationalisation des pertes, concentration des capitaux dans les secteurs de pointe, modernisation de l’agriculture. Mieux, ils auront fait réclamer par des partis ouvriers l’effort supplémentaire que cette restructuration capitaliste réclame des travailleurs.

Au cas, peu probable, où la bataille électorale ne lui donnerait pas satisfaction, la bourgeoisie chilienne aurait toujours le temps de recourir à d’autres moyens. Déjà de multiples complots contre le régime ont été dénoncés : complot de l’ITT, complot dit de septembre (dont la grève des camionneurs fut présentée comme un élément), complot connu sous le nom de Calvo Sotelo [4] qui montre que la bourgeoisie chilienne connaît ses classiques historiques et que, à la différence des partis ouvriers, elle sait faire le rapprochement entre la situation actuelle du Chili et celle de l’Espagne des années trente.

Jusqu’à présent, ce sont des initiatives dans lesquelles ne sont engagées que des fractions limitées de la bourgeoisie. Le jour où les secteurs dominants de la bourgeoisie ne croiront plus à un règlement électoral de la situation, gageons qu’elle se donnerait des moyens d’une tout autre envergure.
Le PC et la « voie non armée »

Face aux projets limpides de la bourgeoisie, quelle réponse prépare le mouvement ouvrier ? Pour trouver cette réponse, le meilleur moyen est d’examiner les positions du PC chilien. D’une part, parce qu’il reste la force dominante au sein de ce mouvement ouvrier. D’autre part, parce que, à la différence de ses alliés, il détient une idéologie et une ligne politique relativement cohérentes.

Le premier point de l’argumentation du PC chilien, c’est que l’appareil d’État peut passer tel quel qu’aux mains des travailleurs. Sans être brisé et remplacé par un pouvoir totalement différent, émanant directement des entreprises et des campagnes, comme l’affirmait Lénine dans L’État et la révolution. Le secrétaire général du PC chilien est absolument clair sur ce point : « Une fois conquis ce pouvoir exécutif, des conditions meilleures seraient créées pour obtenir la majorité absolue au Parlement, par conséquent pour transformer cet instrument de domination des classes réactionnaires en instrument de libération de notre peuple. » Comme si un instrument pouvait changer de fonction en changeant de main ! Comme si un extincteur pouvait devenir chalumeau, ou vice-versa, en changeant de main ! Cet appareil d’État, la bourgeoisie l’a bâti à son usage et à son image. Il faudra bel et bien le briser.

Le réformisme a sa logique, et elle est implacable. À partir du moment où l’on prétend utiliser l’appareil d’État bourgeois, ses institutions, son personnel, le reste en découle. Notamment le respect obstiné de la légalité dont il s’est drapé.

Volodia Teitelboim, théoricien et membre du bureau politique du PC chilien, pousse ainsi à son comble le crétinisme légal : « Le mouvement, dit-il, a gagné une partie appréciable du pouvoir, à travers un chemin qui n’est pas classique (c’est le moins qu’on puisse dire !). Nous devons transformer la légalité bourgeoise de l’intérieur (? !?!), avec l’appui des masses, de façon à construire une autre légalité, populaire. Dans cette situation, la lutte des classes est acharnée. La droite n’a pas hésité à employer l’assassinat politique pour le général Schneider ; elle n’hésitera pas à y recourir, si besoin est, dans le futur. Avancer dans la légalité, c’est comme marcher sur un abîme (nous aimons le lui entendre dire). Mais c’est notre plus grande force (voilà qui s’appelle manier le paradoxe !). Ce n’est pas romantique, ce n’est pas héroïque. Mais la bourgeoisie veut nous mettre dans l’illégalité pour gagner l’appui de l’armée. C’est à nous de la mettre dans l’illégalité [5]. »

Ce morceau de bravoure révisionniste a été, comble d’ironie, reproduit dans La Nouvelle Critique, revue théorique du PCF. Il fait irrésistiblement penser au lièvre qui s’étrangle davantage en se débattant dans le collet de la légalité. Et voilà bien une innovation dans l’analyse marxiste, du droit et de la loi : une loi au-dessus des classes, dont chacun tente de s’emparer, pour l’utiliser à son compte ? Une loi d’origine divine ? Un droit naturel ? Pour nous, le droit et la loi font partie de l’arsenal d’une classe qui en domine une autre. S’asseoir sur la légalité de la bourgeoisie, c’est déjà un peu poser la tête sur le billot de sa justice !

On comprend mieux que, complètement prisonnier d’une conception fétichiste, a-historique, de la légalité, Luis Corvalan, secrétaire général du PC, ne voit aucun moyen d’y échapper. Dans une déclaration du 25 mai 1972, il dit : « Nous pensons qu’il n’existe actuellement aucune possibilité de modifier cette légalité, ces institutions, par aucun moyen, ni par une voie légale, ni par une voie illégale [6]. »

Ces moyens existent. Mais le PC refuse d’y recourir. Pire, il les redoute. Et le premier de ces moyens, c’est la mobilisation des masses. Laissons le même Corvalan en tirer le bilan à propos des fameux comités d’Unité populaire [Cup] à la base apparus au cours de la campagne présidentielle : « Prenons le cas des Cup, nous en avions 15 000 au moment de la campagne. 3 000 ont disparu, 2 000 fonctionnent, le reste végète. Et c’est presque normal. La majorité d’entre eux avait une orientation essentiellement électorale, et par la suite le mouvement unitaire du peuple a créé d’autres formes d’organisation […] [7]. »

Ces autres formes d’organisation sont essentiellement des comités de ravitaillement dont la dynamique est limitée du fait même de leur fonction. En revanche, toute tentative d’impulser des comités de base dans les entreprises, sur les lieux de production, là où peut être remis en cause le fondement même du pouvoir bourgeois, a été freinée.

Réformiste, révisionniste, le PC chilien l’est. Non pas honteusement et discrètement, mais résolument et glorieusement. Il ne se contente pas d’additionner les capitulations réformistes, il les théorise. Il ne se contente pas de théoriser en prenant prétexte des spécificités chiliennes, il vient exposer ses trouvailles à la tribune de la conférence internationale des partis communistes tenue à Moscou en juin 1969. Corvalan y déclare : « En ce qui nous concerne, nous avons, depuis un certain temps, cessé de parler des voies pacifiques ou non pacifiques pour poser le problème en termes de voie armée ou voie non armée [8]. »

C’est un comble ! Même les réformistes staliniens les plus avérés montraient certaines précautions si ce n’est certaines pudeurs envers les classiques. Ils empruntaient à Lénine quelques citations tirées du contexte de juin 1917 sur les possibilités de passage pacifique ou peu sanglant au socialisme, pour les généraliser à notre époque, sans tenir compte de la mobilisation, de l’auto-organisation, de l’armement déjà réalisés du prolétariat russe au printemps 1917. Mais ils gardaient ouverte, pour ne pas être pris en défaut, l’hypothèse d’une voie non pacifique. Et même, la plus grande probabilité accordée au passage pacifique n’excluait pas a priori la nécessité d’armer le prolétariat. Du moins, la question restait dans le vague.

Corvalan, lui, lève toute ambiguïté. Car parler de voie non armée, c’est exclure la possibilité d’une voie non pacifique, violente. Parler de voie non armée, ce n’est pas neutre, c’est désarmer le prolétariat du « désir de s’armer » dont parle Lénine, c’est le désarmer tout court. C’est mâcher la besogne des bourreaux.

Il est intéressant de constater que, dans les colonnes de La Nouvelle Critique, Christine Glucksmann parle à propos du Chili et des thèses de Corvalan « d’une nouvelle forme historique de doubles pouvoirs, assez différente en raison des conditions historiques et politiques de celle analysée par Lénine ». Il ne s’agit pas d’une nouvelle forme, mais de la négation même du double pouvoir ! La dualité du pouvoir, ce n’est pas le partage de dépouilles et d’institutions parlementaires entre partis ouvriers et partis bourgeois, c’est la naissance dans les usines, dans les campagnes, dans la rue d’un pouvoir nouveau, directement représentatif des travailleurs, inconciliable avec le vieil appareil d’État bourgeois qu’il devra briser.

Voilà qui est cent fois plus clair que les entourloupettes idéologiques de tous les staliniens chiliens et français cousus ensemble.

Défenseurs d’une ligne de capitulation devant la bourgeoisie, les staliniens chiliens sont appelés à en devenir les agents pratiques. Un parti réformiste n’est pas un parti révolutionnaire velléitaire, à qui manqueraient seulement l’audace et le courage. C’est un parti qui, placé devant les choix décisifs par le mouvement de la lutte de classes, basculera du côté de l’ordre bourgeois et de la réaction.

Ainsi, les sociaux-démocrates allemands sont-ils devenus les assassins de Rosa Luxemburg ; ainsi, les staliniens espagnols sont-ils devenus les bourreaux d’Andrès Nin.

Le 12 mai 1972, à Concepcion, le Mir voulait organiser une contre-manifestation face à une marche de l’opposition orchestrée par les fascistes de Patrie et Liberté. La contre-manifestation fut interdite par le gouvernement et cependant maintenue. Un lycéen du Mir fut tué dans la répression, il y eut plusieurs dizaines de blessés. Certains militants du PC se vantent d’avoir joué un rôle actif, zélé, dans la défense de l’ordre.

Enfin, dans le numéro d’août de la Nouvelle Revue internationale (revue du mouvement communiste officiel lié à l’URSS) paraît, entre un article de Podgorny et un article de la Pasionaria, une étude sur le « révolutionnarisme petits-bourgeois au Chili ». L’article prend violemment à partie les révolutionnaires et les accuse de gauchisme : « Ils opposent, dit crûment l’article, à la bataille pour la production la nécessité de préparer politiquement et matériellement les masses à la prise du pouvoir [9]. » On ne saurait être plus clair : tout est là en effet !

L’aboutissement d’une solution révolutionnaire passe par la construction d’un parti révolutionnaire !

D’ores et déjà, une chose est certaine : le Chili n’atteindra pas graduellement et pacifiquement le socialisme.

La situation de l’Unité populaire ne peut que se détériorer. Pourtant, les solutions existent. Elles exigent une politique énergique.

Contre le sabotage de la production et la tentative d’affamer les travailleurs pour mieux tirer parti du mécontentement, expropriation sans indemnité ni rachat des secteurs clefs de l’économie, y compris la distribution et l’information ! Extension et approfondissement de la réforme agraire !

Contre le chantage économique de l’impérialisme, refus de reconnaître les dettes, instauration du monopole du commerce extérieur !

Contre la logique capitaliste d’une économie de marché régie par le profit, élaboration démocratique d’un plan discuté par les travailleurs pour la satisfaction de leurs besoins !

Ces mesures résolues réclament l’appui enthousiaste des masses. Elles ne peuvent aboutir que portées par une mobilisation intense des masses dans leurs usines, leurs quartiers, leurs villages, par l’apparition et la multiplication d’organes de pouvoir populaire à la base !

Contre les menaces de l’armée et de la réaction, il est nécessaire et possible de procéder immédiatement à une épuration de la police et de l’administration, d’organiser des comités de soldats prêts à se ranger aux côtés des travailleurs et surtout d’armer les travailleurs eux-mêmes en encourageant la formation de milices ouvrières et populaires.

Ces solutions ne sont pas des inventions « gauchistes » étrangères à la situation chilienne. Au Chili même, elles ont été plus ou moins clairement avancées par les militants révolutionnaires.

Le Mir a impulsé ou encouragé les occupations de terre, notamment par les paysans mapuches, débordant le cadre légal de la réforme agraire. Les militants ont soutenu les occupations d’usines qui n’entraient pas dans la liste des nationalisations prévues. Dans certains cas, la mobilisation ouvrière a laissé entrevoir ce que permettrait sa généralisation : ainsi, dans certaines mines, la lutte résolue des travailleurs contre l’indemnisation prévue pour les possédants d’hier a obtenu gain de cause.

Le Mir a également dénoncé le piège où s’enferre l’Unité populaire. Il a demandé la dissolution du Parlement bourgeois, prit l’initiative de la riposte de rue contre les menées des groupes fascistes du type Patrie et Liberté.

La situation actuelle au Chili requiert plus que jamais la présence d’un parti révolutionnaire implanté dans les masses. Les réponses apportées par les militants révolutionnaires chiliens en général et ceux du Mir en particulier montrent que si un parti révolutionnaire n’existe pas encore, les éléments existent pour le construire.

Le Mir continue cependant à se référer de façon privilégiée
à la direction cubaine. C’est là un obstacle à l’adoption d’une
stratégie révolutionnaire efficace, qui ne saurait, à l’époque de
la crise internationale du stalinisme, de mûrissement des
nouvelles avant-gardes à l’échelle planétaire, faire abstraction de sa dimension internationale ; elle ne peut pas se développer sur un terrain étroitement national sans connaître de graves mutilations.

Le Mir se présente comme un front, comme un mouvement, non comme un parti. Ainsi sous prétexte de préserver son unité, s’il admet la circulation de textes en son sein, il refuse de reconnaître le droit de mener le débat en s’organisant en tendances à l’occasion des congrès. Loin d’être une preuve de force, cette limitation de la démocratie interne constitue une fuite devant les débats approfondis nécessaires aujourd’hui pour atteindre une cohésion idéologique et politique indispensable pour affronter les épreuves prochaines.

Les militants du Mir qui ont acquis une implantation réelle dans certains secteurs ouvriers et populaires doivent être partie prenante de la construction du parti révolutionnaire au Chili, car cette tâche reste encore à accomplir. Et elle est de plus en plus urgente.

La situation chilienne rappelle celle de l’Espagne avant le déclenchement de la guerre civile en 1936. Elle sent les préparatifs d’affrontement entre les classes.

Ou bien la bourgeoisie l’emporte à court terme par les voies électorales face à un prolétariat démobilisé. Ou bien la confrontation violente devient inévitable.

L’évolution de la situation au Chili constitue certes un facteur de clarification politique. L’exemple que l’on citait, il y a quelques mois, pour renforcer les perspectives de victoire électorale de la gauche et mettre en valeur les voies pacifiques de passage au socialisme, est un exemple à double tranchant : il va jouer maintenant contre ceux qui l’ont utilisé les premiers.

Mais il serait puéril de notre part de nous en réjouir. Certes, la clarification politique est importante. Malheureusement, elle risque de se faire sur le dos des masses chiliennes.

La lutte est encore ouverte et le temps presse. Une défaite politique, et à plus forte raison une défaite militaire du prolétariat chilien, pèserait très lourd sur l’avenir de la révolution à l’échelle de l’Amérique latine. Elle serait un coup porté à la montée actuelle de la révolution mondiale.

Tel est l’enjeu réel.

C’est pourquoi, tout en tirant pas à pas les leçons de l’expérience chilienne, nous devons nous préparer aux tâches de solidarité internationale qui nous incomberont immanquablement à l’égard du prolétariat chilien.

Nous devons tout faire au Chili et dans le monde, pour que l’expérience chilienne tourne à la déroute de la bourgeoisie et du réformisme, et ne se solde pas par une nouvelle défaite sanglante du prolétariat chilien, semblable à celle qu’a connu, en août 1971, le prolétariat voisin de Bolivie.
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Message  Estirio Dogante Jeu 26 Sep - 13:55

D'accord Verié,bien que à mon avis, au Chili, un pays où 80% des gens vivent en ville, il faut un très large mouvement des masses pour tenter une insurrection.
Pendant les protestas qui étaient cantonnées à quelques quartier bien définis, cela n'était pas encore cela.
Cela allait dans ce sens là, et les impérialistes et la réaction très intelligemment n'ont pas attendu que cela se développe, comme lors du coup d'état et ils ont agit avant.
Ils ont servi la même chose avec un masque "socialiste" ou Concertationniste.
Lors du surgissement des Lautaros j'étais déjà ici, et je n'ai que des infos de seconde main. Une parti des MAPU en 1973 et après, les "MAPU Partido de  Trabajadores ou (PT) s'était proclamé "marxiste-léniniste-maoiste". Peut être les MAPU Lautaro provenaient de là.
Ils étaient très audacieux et avaient délivré un de leurs camarades dans un hôpital surveillé par les carabiniers.
Cela est vrai, et s'il faudrait une légende d'audace et de courage, les Lautaros seraient en première ligne.
Mais leur politique...avaient-ils une? Ou c'était la Bande à Bonnot élargie version chilienne?
La VOP aussi a fait preuve de courage, mais il y a de fortes chances qu'ils ont été manipulés...
Non, la politique de la classe ouvrière est autre chose, c'est une politique des masses, justement, de ceux qui n'ont pas ce courage là mais ils ont le nombre, la science politique prolétaire, le marxisme-léninisme et un parti correct et une direction éprouvée.
Tout le reste ne sert à rien..

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Message  verié2 Jeu 26 Sep - 14:09

Estirio Dogante
s'il faudrait une légende d'audace et de courage, les Lautaros seraient en première ligne.
Mais leur politique...avaient-ils une? Ou c'était la Bande à Bonnot élargie version chilienne?
La bande à Bonnot... n'exagérons rien. Mais, idéologiquement et par leurs pratiques, il m'a semblé qu'ils évoquaient certains "mao-spontex" des années soixante-dix en France.
Ils défendaient la théorie anarchiste de l'exemple par le geste spectaculaire. Sauf que les Mao-spontex ont pillé... Fauchon, alors que les Lautaros avaient pris les armes et ont payé cher en morts et années de prison. Ce qui m'avait aussi frappé, c'était leur vision du genre "le mouvement est tout". Si on leur demandait quelle était leur vision du "pouvoir populaire" dont ils se revendiquaient, ils restaient très flous, c'était un peu "on verra à ce moment-là". Et ça ne leur plaisait pas du tout qu'on essaie de les pousser dans leurs retranchements. Eux aussi à leur manière semblaient assez sectaires.
la politique de la classe ouvrière est autre chose
Oui, nous sommes bien d'accord sur ce point.

Il semble que nous soyons aussi d'accord sur le fait que c'est bien la crainte que les mouvements se développent, aussi bien les groupes armés que les luttes populaires, qui a poussé une partie de la bourgeoisie et de la classe politique a hâter la mise à l'écart de Pinochet. Sur le niveau de ces luttes à cette époque, c'est évidemment un peu subjectif, je n'ai pas les moyens de l'évaluer avec précision.

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Message  Toussaint Jeu 26 Sep - 14:33

Assez d'accord avec vérié sur le FPMR, cela recoupe bien ce que je pourrais en dire aussi. Ils ont aussi joué un rôle sans le vouloir, de montrer un aspect de la continuité entre la Concertacion et le régime militaire. Et ils ont été une référence dans des secteurs de la jeunesse chilienne. Mais sans pour autant que cela se traduise par une construction de quoi que ce soit.

Sur ce que tu décris du PCR cette fois, Dugante, cela me semble intéressant, merci des infos. Et précisons encore que reconnaître des qualités de courage ou de dynamisme, d'agitation et d'utilisation des médias, de bonnes idées même tardives, ne signifie pas "encenser" ou idéaliser ou exonérer des errances politiques et théoriques.

Cette fois, je n'ai pas grand-chose à dire.
Le MIR est né comme d'autres du refus du réformisme et de ses impasses, il s'est créé de l'extérieur du mouvement ouvrier entièrement dominé par le PC et le PS dans une moindre mesure, et la Démocratie Chrétienne qui avait une implantation populaire et ouvrière. Ensuite est venue la vague, l'UP, et le golpe. Ils ont échoué à construire une direction alternative au PC dans la classe, un parti révolutionnaire. On peut pointer les erreurs et les opportunismes, et il faut le faire, dans nos divergences sur la nature de la révolution, des alliances, des méthodes. Mais aurions-nous fait mieux? Nous n'avons pas fait mieux, cela, c'est sûr et tu as raison de pointer qu'au delà des phrases sur la GPP ou la propagande armée foquiste, la LCR avait fondamentalement le même opportunisme que le MIR.

La Ligue a encensé le MIR? Pas trrès exact, mais cela peut apparaître ainsi. Ce que tu dis a été dit aussi par la Ligue, et je me souviens de Rovère qualifiant Edgardo de "campiste", par exemple. La LCR reconnaissait l'héroïsme, car héroïsme il y a eu, mais elle a pointé le caractère proprement suicidaire, gauchiste de la politique du MIR niant la défaite et sa profondeur. Surtout, elle a soutenu la thèse que le coup marquait l'impasse du réformisme et la nécessité de détruire l'état bourgeois par l'insurrection ouvrière. A un niveau propagandiste, c'était correct. Et le MIR était la force politique chilienne qui partageait cette analyse et le disait. Soutenir la vison de l'état du MIR contre celle de l'UP dans un contexte de Programme Commun et d'UG en France n'était pas idiot. Ce n'est pas le MIR qui a utilisé la Ligue, c'est la Ligue qui a voulu éduquer à partir de l'échec du réformisme en utilisant les points communs qu'elle avait avec le MIR, pour des raisons historiques et théoriques (Luis Vitale, la théorie de la révolution permanente, la théorie de l'état, etc...). Tu dis que le MIR et le PCR ont échoué mais tu montres aussi, en creux ou explicitement, que leur responsabilité dans la défaite finale a été mince, vu leurs forces. Ils ont fait ce qu'ils ont pu en fonction de leurs trajectoires. Il faut critiquer, mais il me semble inutile de prendre des tons méprisants, ou calomniateurs (LO sur Allende, je ne parle pas de toi). Les orgas françaises, que je sache, dans leur diversité, n'ont pas réussi grand-chose de plus que le MIR ou le PCR si on considère les conditions et la durée dans lesquelles elles ont expérimenté.

Cela n'est pas secondaire. C'est négligeable en ce qui concerne le Chili. Les camarades sont morts, ou ont changé, se sont dispersés, la défaite a été profonde, l'heure est au redémarrage et à la reconstruction. Ce n'est pas anodin en France.
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Message  Toussaint Jeu 26 Sep - 14:56

c'est bien la crainte que les mouvements se développent, aussi bien les groupes armés que les luttes populaires, qui a poussé une partie de la bourgeoisie et de la classe politique a hâter la mise à l'écart de Pinochet.
Une mise à l'écart? Je n'ai pas vécu ni vu les choses exactement ainsi. Chef d'état major, gardien officiel de SA Constitution et de l'ordre social établi, ce n'est pas tout à fait une "mise à l'écart". Le pouvoir était sous sa surveillance officielle et constitutionnelle, au point quà son arrestation, ce sont les dirigeants socialistes et démocrates chrétiens qui ont remué ciel et terre jusqu'aux Nations Unies pour ramener le gorille. Et ils y sont parvenus, il est mort dans l'impunité en se moquant ouvertement de tous ses adversaires. Je le revois riant devant une tombe contenant deux corps terriblement torturés: "Vaya economia!" Je le revois menacer et mobiliser ses troupes devant un pouvoir DC-PS tétanisé par la peur. C'était le peronnage tutélaire du pays, et il ne ratait pas une occasion d'humilier Frei, d'insulter la gauche et les victimes du Golpe. C'était un pouvoir partagé très officiellement.

Il me semble aussi que la défaite dans sa profondeur permettait de revenir à une situation politique normalisée plus intéressante pour la bourgeoisie chilienne. Le retour au pouvoir de la DC intégrant le PS est une ultime victoire du golpe. Les garanties institutionnelles ont permis de se débarrasser du gorille encombrant à la tête du gouvernement et de poursuivre la politique économique. Le TLC, l'ouverture sur le Pacifique, l'intégration régionale, la normalisation avec l'Argentine, tout cela a été facilité, accéléré, voire rendu possible par l'arrivée au pouvoir de la Concertacion.Ce fut le sort très classique des dictatures qui ont donné à la classe dominante ce qu'elle en attendait. La question des mobilisations a été englobée dans ce cadre. Et la campagne du Non a entériné la marginalisation du mouvement ouvrier, du PC, des anciennes lubies de transformation sociale. Les anciens thèmes porteurs des luttes ouvrières paysannes ont été marginalisés, voire ont été considérés comme des utopies responsables du golpe. Allende a été mis aux oubliettes sauf par le PC, non pour sa politique réelle, mais pour les rêves de l'UP et ses tentatives de réformes. Avant 73, il était banal de parler de réforme agraire. Après 89, l'idée a disparu de la place publique pendant des décennies, par exemple. Il y a eu un blanchiment du régime militaire, et un consensus réel sur "tourner la page" à la fois du pinochetisme et du socialisme.
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Message  Roseau Jeu 26 Sep - 15:19

Toussaint a écrit: Soutenir la vison de l'état du MIR contre celle de l'UP dans un contexte de Programme Commun et d'UG en France n'était pas idiot.
Et nous avions tenté d'éduquer contre le réformisme avant le coup d'Etat.
Il s'agissait alors en France de vacciner le plus de travailleurs
face au crétinisme parlementaire du Programme commun,
comme nous le faisons maintenant face au crétinisme du FdG.

A propos de vaccin, je me souviens d'avoir rédigé un édito de feuille de boite, en Aout 73,
qui mettait en garde contre le réformisme PC-PS en France et UP au Chili
dont le titre était très explicite :"On ne va pas au socialisme comme on va à la plage"...
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Message  Estirio Dogante Ven 27 Sep - 8:03

Sur un des articles de Bensaid est dit:
Voilà une bourgeoisie cultivée, éduquée, qui sait aller droit au but, sobrement. Elle met d’emblée en évidence les deux conditions garantissant que l’expérience de l’Union populaire ne franchira pas un point de non-retour :

1. respect de l’autonomie de l’armée ;

2. refus de tout organe direct de pouvoir populaire de type soviet ou conseil.

C’est dit clairement ; on peut seulement regretter que les partis ouvriers n’y répondent pas de manière aussi claire et directe.
Mais il n'y a rien à "regretter". Si la définition partis ouvriers-bourgeois est acceptée, il faudrait dire plutôt "partis bourgeois à composante ouvrière" mais tout leur programme était démocratique bourgeois nationaliste".
Et cela n'était pas une vue de l'esprit mais les revendications d'une couche sociale bourgeoise très concrète qui, était déjà installée et voulait aussi développer une couche social qui tirait son profit de l'appareil de l'Etat.
Comme l'a dénoncé le PCR c'était "une nouvelle bourgeoisie bureaucratique"
(surprenant de la part d'un trotskyste de ne pas voir cela, ou peut-être ailleurs, je ne connais pas tous ses écrits et de loin).
Il n'y a rien à regretter tout simplement parce que l'Unité Populaire ne voulait pas détruire l'armée bourgeoisie ni "créer pouvoir populaire" ils s'en sont toujours opposés.
Bensaid se bat contre des moulins à vent.
La question de la nature de classe de la direction de l'Unité Populaire et d'un tas des bureaucrates de parti et syndicaux plus (et majoritairement) des petits bourgeois "intellectuels", ou fonctionnaires, avocats, économistes, et autres secteurs  bourgeois qui ne trouvaient leur morceau du gâteau dans le capitalisme étriqué chilien et qui voyaient en l'Etat, tout même le premier investisseur du pays la manne nécessaire à leur train de vie tout à fait comparable à celui des bourgeois est à considérer.
La vitesse à laquelle s'est forme une coutre des "interventores" (fonctionnaires de l'état en charge des entreprises "intervenues") qui pour la plupart agissaient en vrais patrons, prenaient des privilèges, organisaient pour un certain nombre le marché noir, et servaient à la propagande de la droite qui les présentait caricaturalement.
La Dc, à qui le PC avait donné la possibilité de installer un vice-président de la CUT, parlait des "nouveaux patrons" et les quolibets contre "l'ascension sociale des upelientos" (dénomination très méprisante des bourgeois contre l'UP) étaient "le pain de tous les jours de la presse réactionnaire" et des petits bourgeois et bourgeois de tous acabits.
Ceci hélas correspondait à une réalité, mais justement n'avait rien à voir avec des "partis ouvriers" bien au contraire avec une couche social en formation qui tirait de l'Etat ses moyens de vie "qui profitait de la plus-value générale pour s’enrichir et se constituer en bourgeoisie bureaucratique" comme le dénonçait le PCR
C'était aussi la base bourgeoise réelle qui, selon le PC et autres pouvait permettre le compromis historique (appuyés d'en bas et de façon "ordonné" par les masses).

Mais, et ce mais est d'une importance décisive; de par leurs inspirateurs, le Compromis Historique répondait aux intérêts et aux plans de l'URSS qui, voyait qu'elle ne pouvait pas contrer directement l'impérialisme US dans sa " cour arrière" et que cette étape de compromis si elle se  concrétisait  lui permettrait d'enfoncer une pointe dans le pré carré de son adversaire. C'est justement pour cela que l'impérialisme a tout fait pour le contrer. "Nous ne voulons pas une nouvelle Cuba!" était le cri du cœur de la grande bourgeoisie et de l'impérialisme. Pas de concurrents, et aussi pas des petits bourgeois qui (comme c'est leur habitude historique) agitent les masses dans leur propre intérêt, c'était trop dangereux.
Sans tenir compte de ceci et demander des poires au pommier; c'est à dire à une couche bourgeoise bureaucratique en formation et essayant de prendre le pouvoir, qu'elle arme les ouvriers, développe le pouvoir populaire est le degré final de l'incompréhension complète de la situation, la pensée obnubilée par leurs propres fantasmes et schémas idéologiques.

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Message  verié2 Ven 27 Sep - 8:59

Toussaint
Une mise à l'écart? Je n'ai pas vécu ni vu les choses exactement ainsi. Chef d'état major, gardien officiel de SA Constitution et de l'ordre social établi, ce n'est pas tout à fait une "mise à l'écart". Le pouvoir était sous sa surveillance officielle et constitutionnelle
C'est tout de même une mise à l'écart, pas complète, mais une mise à l'écart. Passer de la fonction de chef de l'Etat-dictateur absolu à celle de de chef d'Etat Major honorifique, c'est une chute de statut considérable. De plus, cela s'est traduit par une démocratisation, certes pas complète non plus, de la société chilienne : liberté de la presse, de manifestation, d'organisation. J'y suis allé à ce moment-là, dans une des principales rues commerçantes de Santiago, un marchand de disques et de K7 faisait hurler à fond une chanson anti-Pinochet...

Alors, certes, le plus important pour la bourgeoisie chilienne, c'est que la politique anti-sociale de Pinochet a été poursuivie par la Concertation. On peut ajouter que les tortionnaires n'ont pas été poursuivis et qu'une partie des militants emprisonnés n'ont pas été libérés. Ce qui est vrai aussi, c'est que Pinochet, contrairement aux généraux argentins, a toujours bénéficié d'une grande popularité au sein de la bourgeoisie et d'une partie de la petite bourgeoisie. Il a donc été protégé du sort de ses homologues argentins vomis par 90 % de la population. Dix ans après cette mise à l'écart, quand ils l'ont nommé sénateur à vie, il y a eu des grandes cérémonies et des bourges et petits bourges chiliens n'hésitaient pas à proclamer leur "émotion", mais il y a avait aussi des manifs importantes dans les rues pour protester et elles n'étaient pas réprimées.

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Message  gérard menvussa Ven 27 Sep - 9:58

Estirio Dogante a écrit:Sur un des articles de Bensaid est dit:
Voilà une bourgeoisie cultivée, éduquée, qui sait aller droit au but, sobrement. Elle met d’emblée en évidence les deux conditions garantissant que l’expérience de l’Union populaire ne franchira pas un point de non-retour :

1. respect de l’autonomie de l’armée ;

2. refus de tout organe direct de pouvoir populaire de type soviet ou conseil.

C’est dit clairement ; on peut seulement regretter que les partis ouvriers n’y répondent pas de manière aussi claire et directe.
Mais il n'y a rien à "regretter". Si la définition partis ouvriers-bourgeois est acceptée, il faudrait dire plutôt "partis bourgeois à composante ouvrière" mais tout leur programme était démocratique bourgeois nationaliste".
Et cela n'était pas une vue de l'esprit mais les revendications d'une couche sociale bourgeoise très concrète qui, était déjà installée et voulait aussi développer une couche social qui tirait son profit de l'appareil de l'Etat.
Comme l'a dénoncé le PCR c'était "une nouvelle bourgeoisie bureaucratique"
(surprenant de la part d'un trotskyste de ne pas voir cela, ou peut-être ailleurs, je ne connais pas tous ses écrits et de loin).
Il n'y a rien à regretter tout simplement parce que l'Unité Populaire ne voulait pas détruire l'armée bourgeoisie ni "créer pouvoir populaire" ils s'en sont toujours opposés.
Bensaid se bat contre des moulins à vent.
La question de la nature de classe de la direction de l'Unité Populaire et d'un tas des bureaucrates de parti et syndicaux plus (et majoritairement) des petits bourgeois "intellectuels", ou fonctionnaires, avocats, économistes, et autres secteurs  bourgeois qui ne trouvaient leur morceau du gâteau dans le capitalisme étriqué chilien et qui voyaient en l'Etat, tout même le premier investisseur du pays la manne nécessaire à leur train de vie tout à fait comparable à celui des bourgeois est à considérer.
La vitesse à laquelle s'est forme une coutre des "interventores" (fonctionnaires de l'état en charge des entreprises "intervenues") qui pour la plupart agissaient en vrais patrons, prenaient des privilèges, organisaient pour un certain nombre le marché noir, et servaient à la propagande de la droite qui les présentait caricaturalement.
La Dc, à qui le PC avait donné la possibilité de installer un vice-président de la CUT, parlait des "nouveaux patrons" et les quolibets contre "l'ascension sociale des upelientos" (dénomination très méprisante des bourgeois contre l'UP) étaient "le pain de tous les jours de la presse réactionnaire" et des petits bourgeois et bourgeois de tous acabits.
Ceci hélas correspondait à une réalité, mais justement n'avait rien à voir avec des "partis ouvriers" bien au contraire avec une couche social en formation qui tirait de l'Etat ses moyens de vie "qui profitait de la plus-value générale pour s’enrichir et se constituer en bourgeoisie bureaucratique" comme le dénonçait le PCR
C'était aussi la base bourgeoise réelle qui, selon le PC et autres pouvait permettre le compromis historique (appuyés d'en bas et de façon "ordonné" par les masses).

Mais, et ce mais est d'une importance décisive; de par leurs inspirateurs, le Compromis Historique répondait aux intérêts et aux plans de l'URSS qui, voyait qu'elle ne pouvait pas contrer directement l'impérialisme US dans sa " cour arrière" et que cette étape de compromis si elle se  concrétisait  lui permettrait d'enfoncer une pointe dans le pré carré de son adversaire. C'est justement pour cela que l'impérialisme a tout fait pour le contrer. "Nous ne voulons pas une nouvelle Cuba!" était le cri du cœur de la grande bourgeoisie et de l'impérialisme. Pas de concurrents, et aussi pas des petits bourgeois qui (comme c'est leur habitude historique) agitent les masses dans leur propre intérêt, c'était trop dangereux.
Sans tenir compte de ceci et demander des poires au pommier; c'est à dire à une couche bourgeoise bureaucratique en formation et essayant de prendre le pouvoir, qu'elle arme les ouvriers, développe le pouvoir populaire est le degré final de l'incompréhension complète de la situation, la pensée obnubilée par leurs propres fantasmes et schémas idéologiques.

On ne doit pas avoir lu le même texte, ou alors pas avec les mêmes lunettes. Car je n'ai jamais compris son "on peut regretter que le mouvement ouvrier" comme "la partie réformiste du mouvement ouvrier". Mis a part ça, il n'y a aucune complaisance, loin de la, envers les réformistes dans les propos tenu par Bensaid en 73. Tu es obligé non pas de "tordre le baton dans l'autre sens", mais carrément d'en inventer un...
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Message  Estirio Dogante Ven 27 Sep - 15:38

Toussaint a écrit:Sur ce que tu décris du PCR cette fois, Dugante, cela me semble intéressant, merci des infos.
Je viens de trouver une compilation des textes du premier congrès du PCR que je n'avais pas vu depuis des décennies (Dr Freud a son mot à dire dans cette "découverte")
si cela vous intéresse, je peux encore développer.

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