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Qui recourt à la prostitution ? Les victimes ou les agresseurs ?
Publié le 20 octobre 2012 par binKa
La version officielle est la version de l’agresseur : elle retourne la vérité.
J’entends de plus en plus répéter : « Temps de crise, précarité des femmes … elles vont recourir encore plus à la prostitution » … Les uns se frottent les mains, les autres s’alarment. Mais tous expliquent l’explosion de l’industrie du viol par l’agence des femmes, l’agence d’un sujet rationnel économique. On fait ainsi un lien entre hold up capitaliste et explosion de l’industrie du viol, sans même se demander si les hold-up ne marcheraient pas ensemble plutôt que de penser que les plus faibles se débrouillent …. On attribue aux femmes la capacité d’entraîner l’expansion du secteur, et on arrive à nous faire croire que dans une situation de crise, les femmes, elles, se débrouillent. En effet, ça tombe bien, les emplois semblent réservés car l’écrasante majorité des « travailleuses » sont … des femmes !Il existerait un secteur, visiblement économique, qui leur permettrait de survivre en temps de crise.
Comment laisser penser que la prostitution est une solution économique pour les femmes ? Qui à part les proxénètes et les quelques vitrines lobbyistes alibis sont capables de croire que les femmes vivent de cet argent qui circule en masse dans ce système ?
Au contraire. La précarité économique n’explique pas le « recours » à la prostitution, car sinon les hommes seraient beaucoup plus nombreux dans les personnes victimes.
Cette vision en fait est issue du point de vue de l’agresseur. 1) il voit la prostitution comme un business, car il ne voit que ce qui lui coûte à lui (coût d’« achat » ou coût de « production » pour les proxénètes) 2) il la voit comme une bonne affaire, car il y voit l’échange d’un rapport sexuel (de son point de vue, il s’agit de sexualité, au pire décevante, au mieux réjouissante) contre de l’argent. D’où le cynisme et le pragmatisme décomplexés de ce raisonnement qui consiste à penser que les femmes pourraient faire spontanément le « choix » d’affronter la pire menace de leur vie (menace de viol) pour vivre, voire vivre bien.
Or la prostitution est
un système de violences dites « sexuelles » (en fait sexistes)
qui dégage des bénéfices matériels pour tous les hommes (attaque les droits fondamentaux des femmes en suspendant le droit commun concernant une forme de viol, ce qui modifie les pratiques judiciaires et policières et détruit l’accès des femmes au droit de ne pas être violées) ;
et des bénéfices économiques considérables pour toute la clique virile (proxénètes individuels ou en réseaux et états).
Ce n’est pas la précarité des femmes qui pousse à la prostitution, ce qui explique la prostitution est la violence sexuelle masculine, et sa capacité structurelle à devenir une source de richesse pour les hommes.
Au plan structurel, au-delà des raisons subjectives que se donnent les protagonistes, ce qui explique l’entrée des jeunes filles et femmes dans la prostitution est
a) au plan économique, la pauvreté relative des femmes par rapport aux hommes
b) or, sur un autre plan, ils nous brutalisent sexuellement en masse
a) + b) = Cela veut dire que les possédants sont aussi des agresseurs sexuels. La violence économique leur sert donc à organiser leurs violences sexuelles, comme celles-ci renforcent considérablement la puissance des violences économiques sur nous. En tant que véritables agents du système, ils profitent de leur pouvoir économique pour en plus organiser le viol des femmes, puis le faire payer encore. Double Arnaque comme l’analyse Paola Tabet (2001 ; 2004). Triple arnaque quand on considère la trajectoire des femmes ainsi brutalisées : la paupérisation et l’escalade des violences sont intrinsèques au système de violences masculines, sous toutes ses formes institutionnalisées (conjugalité, système prostitueur).
La version de l’agresseur mène toujours à la négation de ses crimes et de ses bénéfices.
Il est dangereux de répéter, avec l’agresseur, que le système marche selon ce principe : la personne prostituée « recourt » à la prostitution pour survivre économiquement.
Car ceci entérine des contre-vérités :
- le système prostitueur ferait vivre économiquement les femmes, ce qui est une manière de dire que c’est un métier (en tant qu’activité produisant de la richesse pour la personne). FAUX. C’est une grande arnaque organisée par les hommes qui paupérise les femmes. De plus, ce n’est pas une activité économique mais la mise à profit de violences sexuelles, arnaque bien antérieure au capitalisme.
- ce raisonnement repose sur l’idée que les femmes malgré tout « choisissent » cette voie, en bon sujet rationnel économique, et que c’est ce choix qui est déterminant. FAUX. Tout démontre que les « choix » que font les femmes sont des faux-choix, qui ne sont pas motivés par la recherche du meilleur terme mais plutôt leur évite le pire dans une situation qu’elle ne maîtrise pas.
- ce serait la personne prostituée qui serait le moteur du système, en « s’engageant » dans la prostitution, elle serait l’agent et même agent économique du système. FAUX.
L’agent économique du système est celui auquel ce système bénéficie et historiquement, celui pour lequel il a été et est organisé : les hommes comme clique possédante.
De plus, l’agent est celui dont les décisions sont détemrinantes sur sa propre vie voire celle d’autres. En l’occurrence, les femmes n’ont pouvoir ni sur la vie des prostitueurs, ni des proxénètes (l’inverse par contre, si) et pour 90% d’entre elles –tenues pas le proxénétisme – elles n’ont pas même pouvoir sur leur propre vie.
Enfin, l’écrasante majorité des femmes arrivent à la prostitution par l’agence des hommes. C’est l’inégalité économique entre hommes et femmes (monopole des ressources, des logements et des moyens de vivre) qui fait que les hommes ont le pouvoir d’imposer leurs violences sexuelles, soit en « monnayant » les miettes qu’ils nous cèdent (logement ou emploi) soit en organisant la collectivisation des violences masculines (organiser des « partouzes » payantes, les filmer, puis céder à d’autres « propriétaires » le droit de violer leur conjointe, leur sœur, etc.).
L’agent économique et le sujet des violences n’est pas la victime mais l’agresseur.
Les violences sexuelles masculines sont le pilier du système de domination masculine. Elles sont continuelles et ponctuées de pics de violences imprévisibles : actes d’intimidation par un inconnu, humiliation publique par le petit copain qui « joue » à nous poursuivre et nous maintenir à terre, agressions sexuelles dans les transports publics extrêmement fréquents à l’adolescence, etc.). Comme telles, elles détruisent les défenses psychiques, depuis la capacité à prendre des initiatives pour vivre mieux jusqu’à préserver ses intérêts vitaux en face de la précarité ou du danger. C’est ainsi qu’elles désorganisent la vie des femmes, au point de nous mener à la dépression ou à des handicaps psychiques menant à l’invalidité.
Ces violences sont normatives. Elles mènent les femmes à la docilité hétérosexuelle et à l’anesthésie face à ses dangers, toujours coûteux, souvent mortels. Cette socialisation est une destruction psychique qui construit l’« identité féminine ». Cette destruction violente s’accompagne de rétorsions économiques : exploitation, mise sous dépendance dès l’enfance, etc.
S’il y a un facteur économique expliquant l’entrée dans la prostitution, c’est dans l’écart de ressources entre femmes et hommes : en période de crise, il n’y a pas que les capitalistes qui s’enrichissent quand les pauvres s’appauvrissent. Il y a un véritable décrochage économique, les hommes concentrant les ressources disponibles, asséchant les femmes. Ils détiennent aussi de plus en plus tous les accès à ces ressources (à l’emploi, au logement). Comme des douaniers corrompus d’un régime dictatorial, chaque agent est en capacité matérielle de s’accaparer une part des ressources collective de leur claste pour en monnayer quelques miettes par l’agression sexuelle ou le viol (exemple connu de toutes : ce que les hommes nomment « promotion canapé », en fait droit de violer acquis aux supérieurs). Double peine pour les femmes.
Chaque homme détient toujours un peu de ce dont une femme a besoin, tous les hommes collectivement détiennent ce dont nous avons besoin. Ils obtiennent donc de nous ce qu’ils veulent contre des miettes de ce dont nous avons un besoin vital (y compris l’amour, car nul humain ne peut vivre dans la haine de soi, ne peut avancer sous le regard de mépris d’un monde ennemi).
Individuellement et collectivement, ils ont donc de quoi nous approcher et nous victimiser en prétendant nous faire survivre.
De fait, les femmes, statistiquement, ne « recourent » pas à la prostitution, ça c’est une vision fausse du moteur du système prostitueur. Dire que c’est la précarité qui les y pousse, c’est 1) faire aussi croire que ce système de violences sexuelles est une ressource économique pour les femmes : pur mensonge du système prostitueur qui prétend faire d’un système de violences masculines un business fait pour les femmes. 2) effacer de l’équation les violences sexuelles masculines : stratégie de l’agresseur.
En fait, ce sont les hommes qui sont en contact avec elles qui les enchaînent à ce système, à force de violences sexuelles, facilitées par des violences économiques. Le cas typique (avant ou hors réseau) est la violence par conjoint : la mise en prostitution n’est qu’un des formes que prend le projet de destruction et de profitation de l’agresseur.
Remettre la vérité à l’endroit pour y voir clair dans les évidences.
Il serait en fait plus juste de dire : les hommes en tant que caste dominante recourent à la prostitution en temps de crise de leur système : crise idéologique et matérielle (revendications féministes ayant abouti à quelques droits) et crise économique (la violence sexuelle masculine est l’un des plus grands moteurs de l’économie patriarcale – du secteur publicitaire à l’industrie du cinéma en passant par la prostitution et la pornographie, les industries sexistes dégagent des sommes astronomiques). Les hommes en tant qu’individus recourent à la prostitution pour les mêmes raisons : refus de la contestation de leur pouvoir et rapacité économique.
>> De fait, la question du « consentement » des victimes est réglée : il existe un principe dans les droits fondamentaux qui veut que personne ne peut consentir aux violences, à sa propre destruction. Cette notion de consentement est à BANNIR de nos argumentaires féministes, car elle est une notion du patriarcat dans sa phase capitaliste, quand les agresseurs possédants ont décidé de couvrir leurs exactions par le pacte démocratique, en prêtant à leurs sujets la liberté de décider de leur destin, alors même que les inégalités se creusaient.
>> la question du « choix » tombe aussi : ce ne sont pas les femmes qui sont les agentes du système – ce sont les hommes qui « choisissent » de violer ou de vendre leur droit d’appropriation.
>> la question du « métier » tombe aussi : un métier qui a pour « activité » le viol et la violence masculine (violence par conjoint, violence familiale, violence de trafic) n’en est pas un, c’est juste un marché cynique qui tire profit d’actes criminels.