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Handicap : accompagnement sexuel ou prostitution ?
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Briser les tabous. En finir avec l’hypocrisie. La demande de création de « services d’accompagnement sexuel pour les personnes handicapées » est partout présentée comme un progrès vers plus d’égalité, de citoyenneté, de justice.
Si nous nous félicitons du fait que soit abordée, au grand jour, la question de la sexualité des personnes handicapées, et plus largement celle de leur intégration réelle à la société, nous exprimons en revanche quelques inquiétudes face à cet aspect de leurs revendications.
Nous ne portons aucun jugement sur la sexualité des personnes et notamment celle des personnes handicapées. Ce qui nous interpelle est le commerce de la sexualité, sa réduction à une dimension marchande. Et les conséquences de ce commerce au-delà du monde du handicap, sur l’ensemble de la société.
Ne sommes-nous pas, au nom des meilleures intentions du monde, face à une promotion inespérée, pour l’industrie du sexe, de l’institution la plus archaïque, la plus inégalitaire - la prostitution -, au titre de « service à la personne », emploi de proximité, profession para médicale ?
L’égalité de droit défendue entre personnes handicapées et valides s’appuie en l’occurrence, sur ce point précis, sur un "droit" qui fait de plus en plus débat, notamment en Europe : le séculaire "droit de l’homme" à l’accès marchand au corps des femmes – et d’autres hommes -, avec sa logique de domination, de mépris et de violence.
L’initiative soulève des questions éthiques d’importance : existe-t-il un « droit à la sexualité » ? Peut-on donner une réponse marchande à la souffrance ? La prostitution, même "aménagée", peut-elle constituer un "emploi" à promouvoir ? Le combat des personnes handicapées, parfaitement légitime quand il touche à leur droit à l’intimité et à la dignité, peut-il être soutenu quand il exige la création d’une "profession" dédiée au plaisir sexuel ?
1 – La France va-t-elle suivre les Pays-Bas ?
Allons-nous, en France, vers la création d’un « service d’accompagnement sexuel [1] » à l’attention des personnes lourdement handicapées ?
La question est posée depuis le colloque international intitulé « Dépendance physique : intimité et sexualité [2] », organisé les 26 et 27 avril 2007 au Parlement européen de Strasbourg, à l’initiative de la Coordination Handicap et Autonomie (CHA), de l’Association des paralysés de France (APF), de l’Association française contre les myopathies (AFM) et de Handicap International.
Les intervenants y ont unanimement revendiqué la création d’un « système d’accompagnement érotique et sexuel », donc d’une profession dûment formée, sur le modèle de certains pays européens comme le Danemark, l’Allemagne, la Suisse ou les Pays-Bas. M. Marcel Nuss, lui-même plurihandicapé et président de la CHA, a promis un débat dans le cadre d’une prochaine « Conférence du consensus » puis la concrétisation du projet d’ici 2010.
Les représentants d’associations ou d’établissements d’accueil ont mis en relief l’idée que le « service sexuel » est une nécessité et ont souvent déploré le fait que faciliter le recours à la prostitution pour leurs résidents – pratique assez courante mais clandestine - soit assimilé à du proxénétisme. La confusion a d’ailleurs été couramment faite entre « droit à la sexualité » et « droit à la prostitution »… Pour l’APF, « le cadre législatif et réglementaire est inadapté ». Un avocat parisien, Karim Felissi, a d’ailleurs suggéré d’instaurer un régime pénal dérogatoire, afin que « l’assistance sexuelle » ne soit pas assimilée à de la prostitution, et donc sa fourniture à du proxénétisme.
Suite à ce colloque, un collectif Handicaps et sexualités s’est constitué en mars 2008 avec l’objectif de « favoriser l’accès à la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap ».
Il réunit les mêmes associations et a entre autres pour but d’élaborer une définition de « l’assistance érotique, de l’assistance sexuelle et de leur cadre éthique » ainsi que des « référentiels métier, de compétence et de formation ». L’APF revendique ainsi « la reconnaissance et le respect des droits fondamentaux pour les personnes en situation de handicap, le droit à la vie, à la dignité et à l’intimité, le droit à la compensation pleine et entière de toutes les conséquences liées au handicap, et dans ce cadre s’inscrit le droit à une sexualité épanouie. » Elle propose de « s’inspirer des exemples des autres pays européens pour concevoir des réponses adaptées et personnalisées ».
De son côté, Handicap International, plus connu pour ses actions contre les mines antipersonnel, a déjà mis en place, en 2000, un Service Accompagnement à la vie affective et sexuelle des personnes handicapées (AVAS), qui propose des actions d’éducation à la vie à l’intention des intéressés - enfants, adolescents et adultes en situation de handicap -, des groupes de parole destinés aux parents, et des sessions de formation ainsi que des supervisions pour les personnels et responsables d’établissements.
L’un des objectifs essentiels est de mettre en place les conditions nécessaires pour favoriser le droit à l’intimité pour les personnes en situation de handicap, qu’elles séjournent ou non en milieu institutionnel.
Si cette question surgit aujourd’hui dans l’actualité, c’est en raison d’un contexte particulier d’affirmation des droits de la personne handicapée. La loi « handicap » du 11 février 2005 prévoit « l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté » et « le droit à compensation des conséquences de son handicap ».
La convention de l’ONU adoptée en décembre 2006 réaffirme « la nécessité [de] garantir la pleine jouissance [de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales] aux personnes handicapées sans discrimination. » S’ajoute à ces textes un "air du temps" qui prône le "droit au plaisir sexuel", parfaitement résumé par la Déclaration de Montréal, « Santé sexuelle pour le millénaire », de 2005 : « Le plaisir et la satisfaction sexuels sont des composants fondamentaux du bien-être et il est indispensable de les faire connaître et les promouvoir. »
Ailleurs en Europe
« L’accompagnement sexuel » existe dans les pays réglementaristes, pays qui font donc de la prostitution un service public garanti à la moitié masculine de la population. Cet "emploi" est d’ailleurs reconnu en tant que « prostitution spécialisée ».
Des femmes et des hommes – des femmes en majorité - formées aux spécificités des personnes en situation de grande dépendance physique ou mentale, sont rémunérées pour leur offrir des massages, caresses et expériences sexuelles, à domicile ou en institution.
C’est le cas au Danemark, en Allemagne (service Sensis) en Suisse (Pro Infirmis, qui délivre des adresses pour des « relations sexuelles payantes », et SEHP, Sexualité et Handicaps Pluriels) et aux Pays-Bas (SAR, Stiching Alternatieve Relatiebemiddeling).
Dans ce dernier pays, "pionnier" en 1980 avec une association de call-girls « spécialisées », les assurances sociales de certaines collectivités locales remboursent le coût de la « prestation », facturée 85 ou 100€ pour une heure.
Dernier exemple en date, la création en Suisse romande, en 2008, du SEHP, Sexualité et Handicaps Pluriels. Mais la plupart des pays européens ne suivent pas (encore ?) cette voie. Il est intéressant de souligner que la Norvège, pays exemplaire en matière de politique sur le handicap, n’a pas créé ce type de « service ».
Le « service sexuel » rémunéré est impensable dans un pays qui devrait voter prochainement une loi interdisant tout achat de service sexuel, comme il l’est en Suède où cette loi est en place depuis 1999.
2- Accompagnement sexuel, un autre nom pour la prostitution ?
Un « emploi » particulièrement flou…
« Service érotique », « service affectif », « accompagnement sexuel »… Les termes confus révèlent le malaise qui entoure la définition de cette « prestation hors du commun », « fonction hybride », « art généreux » selon les termes de Catherine Agthe Diserens, sexo-pédagogue suisse, responsable de SEHP, et Françoise Vatré dans leur ouvrage « Accompagnement érotique et handicaps [3] ».
Pour décrire le profil professionnel des assistant-e-s de Pro Infirmis Zürich, les auteures parlent « d’hommes et de femmes qui utilisent leur corps pour procurer de la joie et du plaisir à autrui ». « Assistant, soignant, prostitué “soft” ? » (le tout au masculin), interroge le docteur Denis Vaginay dans sa préface à l’ouvrage.
Le flou demeure sur la nature réelle de cet "emploi". Pour Bernadette Soulier [4], médecin sexologue spécialisée dans le handicap, favorable à la mise en place de « l’accompagnement sexuel », « à condition qu’il soit bien encadré » , qu’il n’y ait « ni pénétration ni fellation. Seulement le droit de masturber la personne ou de lui apprendre à se masturber. Les accompagnants ressemblent plus à des masseurs qu’à des prostitués, avec juste le côté masturbation. On devrait parler d’accompagnement sensuel plutôt que sexuel.
Moi même, je suis allée voir des prostituées pour leur demander si elles accepteraient ces handicapés. On en trouve une sur dix qui accepte. Quand je conseille à un handicapé d’aller voir une prostituée, je demande qu’il y ait une personne valide avec lui par précaution. Certaines peuvent exercer des violences. »
Les précautions sont infinies et sont l’aveu des risques que comporte la mise en place d’un tel "emploi". Il faudra « une sélection très rigoureuse » afin d’éviter de mettre la personne handicapée en danger mais aussi « protéger des accompagnateurs qui, trop fragiles, se mettraient en péril psychologiquement ». « Un tel accompagnement nécessite de très grandes compétences et capacités humaines, c’est-à-dire de l’empathie, de l’humilité, de l’écoute, de la psychologie et un profond don de soi. [5] » écrit M. Nuss dans son rapport.
Le catalogue des qualités et compétences requises peut sembler inatteignable : formation au développement personnel, soutien psychologique continu, supervision, clarification rigoureuse des motivations, etc…
Pour Catherine Agthe, responsable de SEHP, il faut être une personne « courageuse, tendre et solidaire », faire preuve de « cœur », de « générosité ». Comme Nina de Vries, elle-même « accompagnante sexuelle » hollandaise, elle dit juger utile de recourir au bouddhisme, au tantrisme et à la méditation.
Les mots sont toujours choisis avec soin : droit, citoyenneté, humanité, générosité, responsabilité… Et surtout éthique. Le beau mot « d’accompagnement » lui-même a été longuement pesé. Qui s’aviserait de s’opposer à des notions si positives et généreuses ?
Un acte dit paramédical…
Il ne s’agirait donc pas de prostitution en raison de la sélection opérée, de la formation des accompagnant-e-s (issu-e-s théoriquement du milieu paramédical), et de leur consentement éclairé.
Bernadette Soulier précise : « Il ne s’agit que de personnes volontaires. Aucune n’est prostituée. Ce sont des femmes et des hommes qui ont un emploi, au moins à ¾ temps, qui sont bien dans leur tête (pas psychotiques), qui vivent en couple et ont donc une expérience de vie sexuelle. La formation s’effectue sur un an, avec des entretiens avec des psychologues. On s’assure qu’ils ne viennent pas pour assouvir un fantasme. On prend énormément de précautions. Sinon, ce sera l’ouverture à toutes les dérives. Il semble qu’en Hollande, on ait fait machine arrière en raison d’agressions notamment. Il a fallu revoir les méthodes. »
Pas de prostitution, donc. Et du personnel paramédical. Pourquoi, dans ce cas, ne pas demander à ce que ce « service », si c’en est un, soit tout simplement fourni par les infirmières ? « Ce serait catastrophique », explique Bernadette Soulier. « Le personnel médical a un rôle de soin, pas d’acte sexuel. La blouse blanche est là pour mettre une barrière. Quand il y a passage à l’acte, on assiste à des fracas psychologiques, à des suicides, des tentatives de suicide, des pathologies graves. »
Il est donc bien question d’acte sexuel. L’expérience suisse est d’ailleurs conduite en partenariat avec des associations de « professionnel-le-s du sexe » - Aspasie à Genève et Fleur de pavé à Lausanne - qui veillent à la reconnaissance et à la défense d’une prostitution indépendante et reconnue, inscrite légalement au registre du commerce.
La présidente de SEHP invite bel et bien à « construire une vision plurielle de la prostitution », à « en valoriser certains aspects existant depuis toujours et qui s’apparentent à la thérapie sexuelle ». Elle affirme clairement qu’il s’agit de répondre aux « besoins » de personnes « défavorisées sur le marché courant du sexe par rapport aux clients et clientes [sic] non handicapés » ; des personnes qui « ne s’expriment pas toujours de manière compréhensible et ne parviennent pas forcément à s’affirmer dans le milieu de la prostitution ».
3 - Rencontre avec Marcel Nuss
Fondateur de l’association Coordination Handicap et Autonomie (CHA), Marcel Nuss, lui-même plurihandicapé, fait de la création de « l’accompagnement sexuel », « une question de droit, de citoyenneté et d’humanité ». Nous lui avons demandé d’en éclaircir le contenu. M. Nuss l’a fait en pesant chacun de ses mots…
->Qu’entendez-vous exactement par accompagnement sexuel ?
L’objectif est de fournir une aide aux couples dont les deux partenaires sont trop handicapés pour se rapprocher sexuellement mais aussi de permettre à une personne handicapée d’avoir une expérience intime avec une personne formée au préalable pour cette activité ; pas n’importe qui, bien entendu, mais une personne choisie après une sélection drastique qui serait là pour apporter à la personne handicapée un soulagement, pour lui permettre de se réapproprier son corps, de se réincarner.
Ce service, très ciblé, n’est envisagé que pour des personnes qui sont trop dépendantes pour avoir un contact avec leur corps, donc pour pouvoir se masturber, et pour des personnes déficientes mentales pour qui cette non maîtrise provoque souffrances et déstructuration. Cette activité n’irait pas au-delà de la masturbation ; l’essentiel reposant sur l’écoute, les massages, les caresses. Ce qui se passe ensuite dans une chambre entre deux personnes relève de l’intime et de leur libre choix. Ce n’est pas du ressort du législateur.
Il faut que les deux personnes s’apprivoisent, il faut une complicité, un bien-être. Il s’agit en fait d’un accompagnement à la vie affective et sexuelle. 80% de l’accompagnement relève de l’écoute, de l’information, de la formation, du suivi des parents, des ados et des adultes. 20% relèverait de l’accompagnement sexuel lui-même. On fait une montagne de quelque chose qui est beaucoup plus subtil et complexe.
->Pour vous, il ne s’agit donc pas de prostitution ?
En Allemagne, en Suisse, ce ne sont pas des prostituées qui exercent cette activité. Un peu plus en Hollande où la prostitution est légale. La personne handicapée peut se payer une prostituée si elle le souhaite, mais cela n’a rien à voir avec l’accompagnement sexuel. 80% des personnes sélectionnées viennent du milieu paramédical : psychologues, kinés, aide-soignants. On ne peut pas jouer avec les gens, avec leur équilibre, leur bien-être.
->Vous demandez pourtant une dérogation pénale pour ne pas risquer l’incrimination de proxénétisme ?
Après avoir rencontré des parlementaires, des juristes, nous pensons qu’il n’est pas question de légaliser la prostitution. Il faut passer par un autre biais. Notre but n’est que de répondre à un besoin en mettant des garde-fous pour protéger les accompagnants. Ce que nous demandons n’est pas une dérogation pénale, mais un ajustement.
Nous sommes favorables à la loi française mais la prostitution n’est pas le problème. On mélange tout. L’accompagnement sexuel n’a rien à voir avec une passe. Les séances durent au moins une heure ou une heure et demie. On prend le temps d’apporter du bien-être. Et les accompagnants sexuels n’exerceront cette activité qu’à mi-temps. Pas plus de 3 à 4 séances par mois, parce qu’il s’agit d’un investissement énorme. Il s’agit de répondre à une souffrance.
L’idéal serait évidemment de rencontrer l’amour. En attendant, certains handicapés s’endettent pour se payer une call girl. Des mères de famille masturbent leur gamin, est-ce défendable ?
->Quelle est la demande réelle ?
La demande est récurrente et très importante. Elle est montée depuis quelques années en raison de l’évolution des mentalités. Etant donné les films porno que visionnent les personnes handicapées dans les établissements, le sexe qui s’étale partout, comment leur refuser ce qui est promis à tous ?
->Une demande… au masculin ?
Pour l’instant, oui la demande exprimée est essentiellement masculine.
Mais les femmes ont aussi des besoins comme l’a montré le colloque de Strasbourg, ainsi que des témoignages poignants qui figurent dans notre livre. Il est vrai que les besoins et attentes des hommes ne sont pas les mêmes que ceux des femmes. Et puis il y a l’homosexualité. C’est très complexe. Et du côté des accompagnants (dont beaucoup sont bisexuels), contrairement à ce que l’on pourrait penser, il y a plus de candidats hommes que femmes.
Je suis assez étonné. Pour moi, c’est le signe que les hommes commencent à laisser parler leur féminité, leur capacité à donner. Le suisse Lorenzo Fumagalli a une extraordinaire humanité.
->N’y-a-t-il pas des risques ? Violences éventuelles, perversions…
Si on me trouve un risque zéro, je suis preneur. Mais quoi que l’on fasse dans la vie, il y a des risques. Sans accompagnement sexuel, on n’a jamais empêché les perversions, les dérapages. Avec, il n’y en aura ni plus ni moins. Nous travaillons pour les éviter au maximum. Nos associations sont sérieuses et ne peuvent se permettre de dérives. Leur crédibilité est en jeu.
->Quelle est votre position sur la légalisation de la prostitution ?
L’humain est névrosé, potentiellement pervers ou déviant. A titre personnel, je suis contre la prostitution dans la mesure où c’est un esclavage, une exploitation de la chair humaine. Je pense qu’il y a entre 1% et 5% de prostituées qui sont volontaires. La majorité ne l’est pas. Je sais trop ce que je dois aux femmes pour accepter qu’elles soient humiliées.
->Dans ce cas, pourquoi pas un accompagnement sexuel gratuit pour éviter toute confusion ?
Les accompagnants actuels ont un contrat. C’est un garde-fou. Et il faut bien vivre. L’idée est recevable, mais est-elle vivable ? Tout travail mérite salaire. Ces personnes suivent un an de formation, ont fait des études. C’est à la fois une vocation et un métier. Bon nombre d’accompagnants sont mariés dans les pays où cela existe.
->L’accompagnement sexuel relève-t-il du soin ?
Pour nous, il ne s’agit pas d’un soin. La personne n’est pas en danger. En Hollande, l’accompagnement sexuel est pris en charge par l’équivalent de la sécurité sociale. C’est hors de question en France. Notre approche serait plutôt d’obtenir une augmentation des "charges spécifiques", qui s’élèvent aujourd’hui à 100€ par mois et qui permettent d’assumer les frais médicaux et para médicaux non remboursés. La personne paierait l’accompagnement sexuel en prenant sur cette somme. Notre but est aussi de la responsabiliser.
->N’êtes-vous pas en train de légitimer un « droit à la sexualité » et donc une voie royale pour la marchandisation de la sexualité ?
Ce que nous proposons amène forcément d’autres questionnements. D’autres revendications. Ce sera aux générations futures d’y répondre. Le sexe a toujours été central dans l’histoire de l’humanité. C’est un facteur d’humanisation. Notre motivation, c’est la souffrance. Une souffrance immense. On n’arrête pas une société en marche.
Pour nous, il s’agit de faire évoluer la société dans le respect des règles établies et le respect des personnes. Je connais des hommes handicapés qui disent préférer rester abstinents. Nous ne voulons rien imposer, juste apporter un choix supplémentaire.
4 - Nos interrogations, nos questionnements
Le souci éthique – Existe-t-il un « droit à la sexualité » ?
Une "relation" à sens unique, payante, ponctuelle, peut-elle relever de la sexualité ? La sexualité peut-elle être dissociée de la personne ? Ne la réduit-on pas à la génitalité, formatée par la consommation pornographique et la marchandisation généralisée ? Comment, ensuite, parler de droit à la sexualité puisqu’il s’agit bien de priver une autre personne, celle que l’on rémunère, de ce même droit ?
Le psychanalyste Joseph Rouzel, directeur de l’Institut Européen Psychanalyse et Travail Social, voit surtout là une impasse du néolibéralisme : « On voit proliférer les droits (sans que ne soient jamais évoqués les devoirs d’ailleurs) à tout et n’importe quoi. Comme si les droits n’étaient pas balisés par des valeurs, une éthique, des principes. Notamment les valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité. Il serait temps de s’en souvenir.
Le principe éthique énoncé par Emmanuel Kant qui exclut de la marchandisation ce qu’il nomme « la dignité » humaine, ce qui exclut la marchandisation du corps n’est, me semble-t-il, pas dépassé. Le droit à une sexualité ainsi posé n’est donc pas soutenable en tant que tel.
Ce n’est qu’un article de plus qui fait du sexe un mode de consommation comme un autre. C’est de plus confondre allègrement génitalité et sexualité. Ce qui ne signifie pas, bien évidemment, qu’il n’y a pas à prendre en compte les désirs des malades, des handicapés etc… Mais s’il s’agit de les accompagner, ce n’est certes pas dans un geste d’appui à la consommation qui réduit l’acte sexuel à une pure marchandise. En termes de droits, il existe un respect de l’intimité ; ce qui n’est pas le droit d’y faire n’importe quoi. »
Le psychanalyste fustige « la mondialisation d’un système néolibéral, où tout est marchandise et tout est spectacle, pour reprendre une formule des situationnistes. Le citoyen a été réduit à l’état de pur consommateur. Et ce qui échappait jusque là au trafic, à savoir la marchandisation des corps, des organes, du vivant etc en fait aujourd’hui partie. » Il appelle à une « véritable révolution éthique » : « Nous avons fait comme s’il n’y avait aucune limite à la jouissance, que ce soit des objets ou du corps d’autrui. Or cette limite, chassée par la porte, nous revient de façon dramatique par la fenêtre, que ce soit dans les désordres écologiques que nous avons engendrés, ou la destruction des collectifs humains, jusqu’à cette forme généralisée de mise à l’étalage, comme viande de boucherie des corps de femmes, d’hommes, d’enfants que nous voyons proliférer. Allons-nous poursuivre cette destruction du fait humain ? »
Hommes/femmes, tous égaux ?
Dans leur ouvrage, Catherine Agthe et Françoise Vatré reconnaissent qu’ « imaginer un court instant un accompagnant érotique en train de masturber une femme handicapée » est une vision qui « nous semble presque impossible », la situation inverse nous étant plus « familière »…
S’interrogeant sur le moyen de « se mobiliser pour les besoins féminins », elles soulignent que « les attentes féminines, bien qu’évidentes, restent plus souvent muettes et prennent la voie de la dépression. » En revanche, « les manifestations sexuelles [des hommes] dérangent parce que s’ils ne sont pas satisfaits », écrivent-elles, « elles tournent en actes violents, à l’égard d’autrui ou de soi-même. Ces comportements insupportables pour des tiers poussent à chercher urgemment des réponses. »
La dimension fondamentale d’inégalité hommes/femmes, démultipliée en cas de handicap, n’est abordée qu’à titre de constat, ou franchement esquivée dans les textes destinés à promouvoir « l’accompagnement sexuel ». En général, ils s’appliquent à faire comme s’il était indifféremment destiné aux hommes et aux femmes ; et comme si hommes et femmes, indifféremment, étaient destinés à devenir accompagnants sexuels (terme souvent utilisé au masculin).
Quand la question de la prostitution est abordée, de la même façon, on parle indifféremment de clients et de clientes ! Mieux (ou pire), quantité d’articles s’ouvrent sur des témoignages de femmes présentées comme demandeuses d’un « droit à la sexualité ». Est-ce avoir mauvais esprit que se demander s’il s’agit d’une façon de noyer la dimension de domination masculine, pourtant centrale en la matière ?
La demande est en effet très majoritairement masculine, comme nous l’a indiqué M. Nuss. « En majorité, nous entendons les demandes d’hommes souhaitant l’assistance de femmes », explique de son côté la présidente de SEHP, Catherine Agthe, « mais des demandes homosexuelles existent bien sûr aussi. » Bernadette Soulier renchérit : « Il y a plus de demandes d’hommes. Evidemment, c’est moins évident pour les femmes, elles peuvent plus facilement se faire abuser, agresser. Mais s’il s’agit de délivrer de la tendresse, de l’affection, de la douceur, ça plaît aux femmes. »
Régina Ubanatu, du RIFH, Réponses Initiatives Femmes Handicapées, opposée à titre personnel (son association ne s’étant pas prononcée) à la création de l’accompagnement sexuel, est formelle : « Chez les femmes handicapées, la demande sexuelle n’est pas explicite comme elle peut l’être chez les hommes. Ce type de demande est très rare. Nous nous y sommes trouvées confrontées une seule fois en dix ans ! De la même façon, lors du colloque qui s’est tenu à Berlin en 2007, European Disability Forum, dans aucun atelier, y compris l’atelier sexualité, les femmes handicapées n’ont posé de demande d’accompagnement sexuel ! » Voilà pour la "demande". Côté "offre", M. Nuss est très clair dans son rapport : « pour des raisons culturelles, ce sont essentiellement des femmes qui pratiquent pour le moment l’accompagnement à la vie sexuelle ». En clair, le schéma traditionnel de domination masculine est ici parfaitement lisible.
5 - Les raisons de notre refus
Des risques de violence, de maltraitance
Régina Ubanatu, elle-même handicapée et présidente du RIFH, exprime sa crainte : « Les pervers vont s’engouffrer ! Il y a des femmes handicapées en telle détresse, en telle solitude, qu’elles en viennent à accepter n’importe quoi. Elles nous décrivent les violences, y compris sexuelles, qu’elles subissent. Il faudrait un observatoire sur les violences faites aux femmes handicapées. En réalité, dans ce domaine, elles sont abandonnées. L’ENVEFF n’a pas eu l’idée d’intégrer les femmes handicapées dans son enquête sur les violences ! »
Ne faut-il pas aussi s’interroger sur le fait que 80% des personnes qui se sont présentées en Suisse romande pour exercer ce type "d’emploi" aient été des hommes ? Ne s’agit-il vraiment que de générosité ? Quel type d’attirance pouvait bien pousser certains d’entre eux à se proposer pour offrir des "services sexuels" ? Quelle part pour le voyeurisme, les pulsions inavouables, quand on sait que la pornographie use de plus en plus de personnes handicapées, preuve, s’il en fallait une, des motivations troubles qui peuvent entourer la démarche.
Une prostitution « soluble » dans l’accompagnement
Il ne s’agirait pas de prostitution au motif que la teneur de l’acte est laissée à l’appréciation de chacun. Un choix individuel qui relèverait de l’intimité. Mais quelle "intimité" dans une prestation minutée et payante ? Quel choix dans un rapport rémunéré dont on peut imaginer qu’il sera tenu à obligation de résultat ?
De plus, il ne s’agirait pas de prostitution puisque l’on ferait appel à des personnes issues du milieu paramédical. Il suffirait que les personnes rémunérées pour une pratique sexuelle ne soient plus étiquetées "prostituées" pour qu’il ne s’agisse plus de prostitution. Mais la prostitution se définit-elle par ses acteurs ou par ses actes ? Loin de supprimer la prostitution, c’est bien son extension insidieuse, incolore et inodore, que promeut cette pratique.
On s’abrite donc derrière l’idée qu’il existerait des "prostituées en soi", des "professionnelles du sexe", seules en mesure d’exercer "la prostitution" ; des personnes apparemment d’une autre nature que les autres êtres humains, à même de supporter ce que nul ne peut supporter : la détresse – ou la domination - de ceux dont personne ne voudrait.
Mais, et leur sexualité à elle ? Et les conséquences sur leur vie privée ? Les réflexes demeurent inchangés. Les droits reconnus à toute personne sont déniés aux personnes prostituées. La demande « d’accompagnement sexuel » est faite au nom du droit à l’intimité, du droit au plaisir. Pour garantir ce droit à la personne handicapée, il faut donc le refuser à la personne rémunérée, dont l’activité même consiste à nier sa propre intimité, son propre désir et plaisir.
On se souvient du film Nationale 7 de Jean-Pierre Sinapi (2000). Tout le film était construit autour de René, l’homme handicapé, de ses désirs, de ses pulsions. Et ceux de Florine, la jeune prostituée ? Inexistants, en dehors de la satisfaction, si féminine, de se sacrifier pour autrui. Un succès populaire, loué par la critique pour son audace. Audace, vraiment, ou parfait conformisme ?
Faut-il rappeler que c’est précisément cette croyance, cette construction sociale de la personne prostituée comme "autre", comme "différente", qui fait d’elle une personne exploitable au plan sexuel et préserve l’irresponsabilité de ses exploiteurs et l’indulgence sociale à leur endroit ?
Un recul pour les droits des femmes
La fonction va échoir en immense majorité à des femmes. Et à quelles femmes ? Dans les faits, on peut douter de l’abondance des candidatures. Comment ne pas penser que ce seront bel et bien des femmes prostituées, pour l’essentiel, qui penseront trouver, en se "recyclant", une certaine promotion, une normalisation en tout cas d’une activité dans laquelle elles se sont pour la plupart trouvées enfermées, suite à des itinéraires difficiles, par manque de soutien familial et social.
Ces fonctions, quels que soient les discours, seront méprisées socialement. Les plus démunies, une nouvelle fois, seront mises à contribution.
Qu’en sera-t-il, plus largement, des femmes qui exercent des emplois de proximité ? Comment voir reculer les agressions et le harcèlement sexuels, déjà répandus ? Quelle infirmière, quelle aide à domicile pourra encore refuser les attouchements, voire plus, si la société légitime le « service sexuel » au nom de la détresse ?
Faut-il rappeler que l’un des acquis majeurs dans la lutte des femmes pour l’égalité et la dignité a été de ne plus être corvéables sexuellement dans le cadre de l’emploi ?
Enfin, qu’en sera-t-il de la barrière éthique qui prend soin de séparer les gestes qui soignent et les gestes sexuels ? Ne franchit-on pas un interdit fondamental ?
Une consécration des « sous-métiers », de la précarité, de la flexibilité
On sait à quel point les auxiliaires de vie souffrent d’emplois difficiles, morcelés et mal payés. Et l’on propose une escalade dans la corvéabilité : service domestique, service soignant, et maintenant service sexuel. N’assiste-t-on pas à l’extension de l’assujettissement - majoritairement féminin - sous le règne du néo-libéralisme ?
A l’heure où l’Europe prétend lutter contre les stéréotypes qui nuisent aux femmes et à leur accès à l’égalité, ces emplois renforceront leur cantonnement dans les activités exigeant abnégation, compassion, disponibilité, oubli de soi selon la division traditionnelle des métiers.
Et que dire de la précarité, de la flexibilité de ces prétendus emplois ? Quelle garantie d’emploi ? Quels critères réels d’embauche ?
Quelle application du droit du travail ? (lois sur le harcèlement sexuel ou les discriminations)
Quelle marge de manœuvre auront les personnes concernées ? Qu’en sera-t-il de leur droit de refus ?
Une fausse réponse à de vraies questions
Sont invoqués le cœur, la générosité ; un registre émotionnel dont on se demande bien comment il trouverait son compte dans un rapport rémunéré à heure fixe. Que fait-on du problème de l’attachement ? Comment empêcher le désir de relation de la part de la personne handicapée ? Que faire en cas de changement de la personne apportant la "prestation" ?
En outre, ce "droit" ne risque-t-il pas de devenir une solution de facilité, une panacée que l’on sera tenté d’utiliser sans souci des véritables demandes, pour libérer les personnels soignants de l’obligation de les décrypter ou les décharger de situations difficiles ? Les « accompagnantes sexuelles » risquent de devoir faire face aux situations les plus ingérables.
Un risque d’escalade
S’il existe un « droit à l’accompagnement sexuel », au nom de quoi le limiter aux personnes gravement handicapées ? Pourquoi ne pas l’étendre aux « handicapés sociaux », à ceux qui souffrent de solitude, de vieillesse, de maladie, etc… Aux sortants de prison, aux grabataires sur leur lit d’hôpital ?
A tous ces hommes qui, comme l’a montré notre enquête [6], ont toutes les "bonnes raisons" du monde de recourir à la prostitution.
En quoi certaines seraient-elles plus légitimes que d’autres ?
Un cheval de Troie pour l’industrie du sexe, une porte d’entrée politique pour la reconnaissance de la prostitution
La mise en place, en France, de cet "emploi" fournirait la vitrine rêvée pour l’industrie du sexe et les proxénètes qui ont tout intérêt à la respectabilité d’une activité présentée sous les dehors généreux du « service à la personne ».
Inévitablement, la voie serait ouverte à la légalisation du « service sexuel » et donc à la dépénalisation du proxénétisme sur le modèle réglementariste.
Au nom des meilleures intentions, les associations de personnes handicapées appuieraient le lobby des proxénètes dont tout le "travail" consiste actuellement à moderniser cette vieillerie qu’est la prostitution.
Quel argument plus efficace que la nécessité de la prostitution, présentée, sous un autre vocable, comme un métier paramédical ?
Il s’agirait d’un coup d’arrêt au long travail effectué pour faire reconnaître la prostitution comme l’entreprise de destruction qu’elle est en réalité. Comment la faire reculer, elle qui, sur la planète tout entière, enrôle les plus vulnérables au plan social, économique, psychologique, affectif, ethnique ? Elle qui ne fonctionne qu’avec le concours de la traite des êtres humains. Elle qui constitue le lieu de toutes les violences…
La prise de conscience des liens entre traite et prostitution a d’ailleurs amené des avancées récentes au plan politique. Depuis 2000, les textes internationaux sur la traite exigent de « décourager » la demande. Donc de dissuader les « clients », ceux que nous appelons les prostitueurs.
Comment continuer à les responsabiliser si on normalise cette même demande – présentée sous un autre nom - au nom du handicap ou de toute autre raison ?
Ce serait renoncer à toute cohérence politique au moment où, dans un nombre de plus en plus élevé de pays d’Europe, des campagnes de sensibilisation sont pour la première fois menées pour amener les prostitueurs à prendre conscience de leur responsabilité majeure dans l’explosion de la traite des êtres humains (Suède, Espagne, Lituanie, Hongrie, Bulgarie, etc…)
6 - Une trahison de la véritable demande ?
Depuis longtemps, les personnes handicapées réclament une prise en compte de leur sexualité, non en termes de « service » qui viendrait pallier un manque mais en termes de respect de leur personne dans leur globalité et leur intimité.
Quelle est la véritable demande des personnes très dépendantes ? Quelle part revient aux valides ? À leur culpabilité, leurs projections ? À leur désir de se débarrasser de la violence de certains hommes dans les établissements ? Ne faut-il pas interroger l’influence de la pornographie, largement utilisée dans les établissements pour "calmer" les demandes sexuelles masculines ? La pornographie et sa vision sexiste, purement technique, performante et violente de la sexualité. Est-ce sans conséquence sur la demande croissante de « service sexuel » assuré par un tiers ?
Et si la véritable demande des personnes avait été dévoyée ? Pour Delphine Reynaud, du Collectif féministe contre le viol, qui a travaillé durant 20 ans auprès des personnes handicapées, « ce qui émerge aujourd’hui est une trahison de la véritable colère et demande des personnes handicapées » : « La sexualité est une vraie préoccupation. La grogne est latente depuis longtemps et elle est légitime.
La sexualité des personnes handicapées faisait peur aux valides. J’ai vu beaucoup de répression dans les établissements ; de la tyrannie même ; le refus de l’intimité des personnes au nom de la sécurité. J’ai vu aussi des formes de harcèlement sexuel, d’agressions sexuelles, beaucoup de maltraitances… et beaucoup de silence sur les harceleurs.
Pour ce qui est de la demande “d’accompagnement sexuel”, il arrivait qu’un homme demande à aller voir des prostituées. Il y avait des personnels d’accord pour l’emmener à l’extérieur. Avec pas mal de voyeurisme d’ailleurs.
Mais pour moi, qui ai entendu les personnes handicapées pendant des années, la demande n’est pas celle-là ! C’est un détournement au profit d’une petite minorité d’hommes qui veut justifier sa demande d’accès à la prostitution. En réalité, les personnes handicapées veulent qu’on leur laisse vivre leur vie, dans le respect de leur intimité, de leur dignité. Ce qu’elles demandent, c’est une vie sociale, relationnelle, un accès aux loisirs, aux rencontres. La sexualité, pour elles, c’est compliqué. Cela demande du temps, du courage, de la patience.
Il faut les aider à se rencontrer. Accepter leur vie sentimentale. Ce qu’il faut, c’est un vrai discours sur la sexualité, un vrai dialogue. La capacité de sortir des normes. Chacun se débrouille avec ses trucs, ses astuces… Un « service » payant va être plus simple. Et plus dégradant. Le message est quand même : personne ne voudra de toi, alors paie. C’est une forme de mépris. »
7 - Pour conclure - Pour une citoyenneté sans loi d’exception
Il est légitime que les personnes handicapées puissent voir respectée leur intimité, leur droit d’avoir des relations affectives et sexuelles. Nous comprenons que des personnes, formées pour cela, puissent apporter leur aide.
Mais il existe une barrière éthique à ne pas franchir.
C’est une chose de trouver les moyens et conditions de vivre sa vie sexuelle, c’en est une autre de payer une tierce personne pour fournir un « service sexuel ».
Or, la notion « d’accompagnement sexuel » joue sur la confusion en mêlant, de façon assez inextricable, juste revendication et revendication abusive.
Une partie de « l’accompagnement sexuel », faite d’attention à la personne, d’écoute, de paroles, de pédagogie, sera parfaitement légitime. Une autre, éventuelle, relèvera bel et bien de l’acte prostitutionnel.
Pour nous, aider les personnes handicapées à accéder à l’autonomie ne signifie pas obéir à toutes les dérives liées à l’extension du « marché du sexe », à la marchandisation des êtres humains, à la banalisation et normalisation de la prostitution. La sexualité n’est ni une marchandise ni un spectacle.
Ni un acte médical ou paramédical.
Les personnes handicapées ont besoin d’une reconnaissance globale. D’une intégration dans la société et non de solutions-ghetto.
Oublie-t-on leur long combat pour une société qui leur donnerait la pleine citoyenneté, longtemps traduit par le slogan « mêmes droits, mêmes devoirs, citoyens à part entière ! » ?
Une loi d’exception pour le trafic sexuel reviendrait à les considérer comme des sous-citoyens, incapables de se conformer aux mêmes lois que les autres, incapables d’avoir les mêmes devoirs.