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Violences policières

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Violences policières - Page 5 Empty Re: Violences policières

Message  MO2014 Jeu 17 Nov - 13:09


Il est très difficile aujourd'hui pour des militant-e-s noir-e-s et arabes de militer et de s'organiser dans les quartiers populaires.
Face aux classes/races dangereuses, et pour les mater, les pouvoirs locaux n'hésitent plus à exploiter tout ce que le système policier et judiciaire met à leur disposition.
Car attaquer en justice pour diffamation des militant-e-s de terrain qui se battent pour changer l'ordre établi, afin de les intimider et de les faire taire, ça on connait.
Mais attaquer en justice Assa Traoré, la soeur d'Adama Traoré, mort asphyxié parce que trois gendarmes se sont assis sur son dos, et en plus faire payer les frais de justice aux habitants de la ville, c'est à dire notamment à la famille Traoré, ça on avoue on ne connaissait pas encore, même si on savait que la volonté d’empêcher toute remise en question du pouvoir sur une ville peut mener les politicien-nes locaux très loin tout au fond de l'égout.
Reste que cette attaque en justice va renforcer encore plus la détermination de la famille et des proches, et renforcer encore plus notre respect, et notre soutien.
Réseau Classe/Genre/Race

Pour poursuivre la sœur d'Adama Traoré, la maire veut faire payer la commune

Assa Traoré, la sœur d'Adama Traoré, face à des policiers le 30 juillet à Paris. (CRÉDITDOMINIQUE FAGET / AFP)
INFO OBS. La maire UDI entend faire financer par le budget de la commune les frais de justice liés à la procédure qu'elle a engagée contre Assa Traoré.


La maire UDI de Beaumont-sur-Oise, Nathalie Groux, entend demander ce jeudi 17 novembre lors du conseil municipal le financement par le budget de la commune des frais de justice liés à la procédure qu’elle a décidé d’engager contre la sœur d’Adama Traoré. La mort brutale du jeune homme de 24 ans le 19 juillet dernier dans la cour de la gendarmerie de Beaumont-sur-Oise après son arrestation avait provoqué des émeutes dans la ville.

L’initiative de l’édile risque donc fort aujourd’hui de remettre de l’huile sur le feu. "Nathalie Groux n’a jamais adressé le moindre mot de condoléances à ma famille, explique Assa Traoré. J’attends toujours qu’elle nous fasse un signe. Et aujourd’hui elle veut me poursuivre ? Je ne me laisserai pas intimider, je porterai plainte en retour".
"Le maire a choisi son camp"

Invitée du "Gros Journal" sur Canal Plus, le 28 septembre, la sœur de la victime avait déclaré que "le maire de Beaumont-sur-Oise a choisi son camp, qu’elle se met du côté des gendarmes, c’est-à-dire du côté des violences policières". Selon des documents que "l'Obs" a pu consulter, Nathalie Groux, décidée à déposer plainte pour diffamation publique, demande aujourd’hui à son conseil municipal de l’autoriser à bénéficier d’une "protection fonctionnelle" prévue dans le code général des collectivités territoriales. Elle espère ainsi que le budget communal prenne en charge "l’ensemble des frais d’avocat" liés à la procédure engagée contre Assa Traoré.

La jeune femme veut rappeler que "le problème, ce ne sont pas les mots que j’ai employés, mais les faits qui sont à l’origine de ceux-ci : mon frère est mort". Assa Traoré insiste :

"Mes frères, ma mère et moi ne sommes pas des assaillants, mais la famille de la victime. Nous portons ce deuil, et la ville nous attaque en utilisant l’argent du contribuable ? Mais jusqu’où ira-t-on pour tenter de criminaliser et salir le nom d’Adama ?"
http://tempsreel.nouvelobs.com/justice/20161116.OBS1315/pour-poursuivre-la-soeur-d-adama-traore-la-maire-veut-faire-payer-la-commune.html

MO2014

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Message  MO2014 Jeu 24 Nov - 12:23

La famille Traoré harcelée par la police :

http://contre-attaques.org/magazine/article/assa-traore

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Message  MO2014 Dim 5 Fév - 22:00

Aulnay-sous-Bois : un policier mis en examen pour viol, les autres pour violences volontaires
5 février 2017 Par Mathilde Goanec

Des policiers ont frappé un jeune homme de 22 ans, jeudi 2 février, à Aulnay-sous-Bois. Les quatre ont été mis en examen dimanche soir pour violences avec armes et en réunion, et l'un d'entre eux pour viol.

C'est bien plus qu'une « interpellation musclée » ou qu'une « arrestation mouvementée », comme certains médias ont pu le rapporter. Jeudi 2 février, un jeune homme de 22 ans fait l'objet d'un contrôle d'identité par quatre policiers, à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), à proximité d'un centre culturel. Selon Le Parisien, rapportant la parole de jeunes du quartier, un policier aurait mis une gifle à un adolescent, décidant le jeune homme à s'interposer. La situation dégénère largement, puisque ce dernier se retrouve au sol, encadré et frappé par les forces de police, comme l'attestent les vidéos filmées par un témoin, ainsi que les caméras de surveillance municipales.

Il y a eu escalade de la violence, c'est certain, mais à quel point ? Placés depuis jeudi en garde à vue dans les locaux de l'IGPN (Inspection générale de la police nationale), une instruction judiciaire a finalement été ouverte et les quatre policiers ont été présentés dimanche 5 février devant un juge. L'un d'entre eux a été mis en examen le soir même pour des faits de « violences aggravées » et remis immédiatement en liberté sous contrôle judiciaire. Son avocat, contacté par Mediapart, explique que son client récuse « toute faute qui lui serait personnellement imputée » et que s'il a été fait usage de la force, c'est que l'interpellation avait « malheureusement dégénéré ». On ne sait pas encore ce que la justice réserve aux trois autres gardiens de la paix.

Mais un débat s'est d'ores et déjà ouvert sur la nature des faits susceptibles d'être reprochés pénalement aux policiers. Alors qu'ils ont d'abord été soupçonnés de « viol en réunion », l'information judiciaire s'oriente effectivement plutôt vers des « violences volontaires avec armes par personnes dépositaires de l'autorité publique », selon le parquet de Bobigny. L'avocat du policier mis en examen estime qu'il n'est « en rien concerné par quelque accusation de nature sexuelle que ce soit ».

Pourtant, dès son hospitalisation jeudi à l'hôpital Robert-Ballanger d'Aulnay, le médecin ayant examiné la victime a diagnostiqué, entre autres blessures, une « plaie longitudinale du canal anal », ainsi qu'une « section du muscle sphinctérien », soit une grave blessure rectale, qui requiert 60 jours d'incapacité totale de travail (ITT). Toujours hospitalisé dimanche après avoir été opéré, le jeune homme a par ailleurs déclaré que l'un des policiers lui avait introduit volontairement sa matraque dans l'anus, alors qu'il était au sol, sur la voie publique.

Une source proche de l'enquête judiciaire, citée par l'AFP, a une autre version des faits, qui justifierait la requalification en violences du « viol en réunion » initial : un policier aurait seulement « porté un coup de matraque horizontal au niveau des fesses » du jeune homme, après que son « pantalon [eut] glissé tout seul ». Le ministre de l'intérieur a réagi très vite dans un communiqué, souhaitant que « toute la lumière soit faite sur les accusations d'une extrême gravité » portées contre les policiers, alors que la famille de la victime disait envisager de son côté de porter plainte.

Une source policière locale dit cependant son étonnement devant l'affaire, rappelant que les agents d'Aulnay-sous-Bois ne sont pas « des dingos », mais des hommes « tenus » par le commissaire local, Vincent Lafon. Néanmoins, la même source rappelle les règles en vigueur lorsque les agents utilisent une matraque télescopique dans ce genre d'intervention : « Ni le visage, ni le torse, ni les bras, qui peuvent casser. La règle, c'est de plutôt viser les jambes et les hanches, pour éviter les lésions. »

Le quartier de la Rose-des-Vents (longtemps appelé la « Cité des 3 000 ») d'Aulnay-sous-Bois, où a eu lieu l'interpellation jeudi, est en colère. « C'est un vrai choc, comme on n'en a jamais connu à Aulnay, explique un habitant au Huffington Post. Théo [le jeune homme blessé – ndlr] est un citoyen français engagé dans la vie de son quartier. C'est une famille exemplaire. » Des incidents ont d'ailleurs éclaté dans la nuit de samedi à dimanche. Une voiture a été brûlée et des abribus dégradés.

La classe politique nationale est pour le moment mutique. C'est d'un élu local Les Républicains qu'est venue la charge. Dimanche, le maire d'Aulnay-sous-bois, ancien officier de police et secrétaire général du syndicat Synergie Officiers, Bruno Beschizza, s'est indigné publiquement sur Facebook de la tournure que prenait l'enquête, évoquant même un « détournement de la vérité ». « La police est là pour protéger et non humilier nos concitoyens », s'est-il indigné, assurant de son soutien « indéfectible » le jeune homme et sa famille.

Une attitude qui tranche avec celle de la maire de Beaumont-sur-Oise, Nathalie Groux, critiquée pour son absence de soutien à la famille Traoré, à l'issue du décès du jeune Adama en juillet dernier, dans une affaire où pèse également des soupçons de violences policières. Ironie du sort, les violences d'Aulnay ont eu lieu le soir du concert organisé à La Cigale à Paris pour dénoncer les violences policières, en hommage à Adama Traoré.

Outre Aulnay-sous-Bois, le département de la Seine-Saint-Denis s'est déjà illustré pour des actes policiers illégitimes : le 16 janvier dernier, un policier municipal de Drancy comparaissait devant le tribunal de grande instance de Bobigny pour violences policières avec arme en octobre 2015, la victime s'étant retrouvée avec une plaie ouverte de 1,5 centimètres au niveau de l'anus. Son ADN a été repéré sur la matraque télescopique de l'agent, selon le récit d'audience de Julia Pascual, du Monde.

En ce qui concerne l'affaire de jeudi dernier, les quatre policiers appartenaient à la BST (brigade spécialisée de terrain) du 93, dont le Bondy Blog avait déjà décrit les méthodes « musclées », passant mal auprès des habitants du quartier, surtout les plus jeunes. Sur Twitter, cette semaine, les militantes et militants contre les violences policières, par crainte de nouvelles bavures, faisaient tourner un message exhortant les habitants à filmer, sans prendre de risques supplémentaires, les interpellations policières.

https://www.mediapart.fr/journal/france/050217/aulnay-sous-bois-un-policier-mis-en-examen-pour-viol-les-autres-pour-violences-volontaires

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Message  MO2014 Lun 6 Fév - 17:12


Aulnay-sous-Bois: Théo raconte son interpellation
06/02/2017 à 14h30 Mis à jour le 06/02/2017 à 14h52

DOCUMENT BFMTV - Depuis son lit d'hôpital, le jeune homme blessé par des policiers à Aulnay-sous-Bois a fait le récit de son interpellation à l'un de ses avocats. Dans ce document auquel a eu accès BFMTV, il évoque des coups, des insultes et des moqueries, et surtout la blessure infligée "volontairement" par l'un des policiers avec sa matraque.

Pendant plus d'une dizaine de minutes, Théo, le jeune homme de 22 ans blessé lors de son interpellation par des policiers à Aulnay-sous-Bois, a raconté les faits en détail à l'un de ses avocats. Un document sonore que s'est procuré BFMTV. Sur son lit d'hôpital, il confie s'être retrouvé au milieu de l'interpellation par hasard, alors qu'il venait de sortir de chez lui et allait saluer plusieurs connaissances, lorsque les policiers sont arrivés pour procéder à un contrôle d'identité. Il raconte avoir alors été choqué par la violence de ces interpellations, et explique avoir tenté de se placer dans le champ des caméras volontairement.

"Je savais que là où on était il n’y avait pas de caméras, j’ai réussi à me débattre, je suis parti devant les caméras. J’ai pas cherché à fuir, j’ai dit aux policiers, 'vous avez déchiré mon sac', ils me répondent 'on s’en fout'. Ils sont trois à me saisir, je leur demande, pourquoi vous faites ça, ils ne me répondent pas, ils me disent que des injures", commence le jeune homme.

"J'avais plus de force"

Il raconte ensuite comment l'un des policiers est revenu vers lui et l'a blessé "volontairement" à l'anus avec sa matraque. Une blessure qui lui a valu d'être opéré rapidement après son interpellation.

"Il me regarde, j’étais de dos, mais j’étais en trois quart, donc je voyais ce qu’il faisait derrière moi. Il prend sa matraque et il me l’a enfoncée dans les fesses, volontairement. Dès qu’il m’a fait ça je suis tombé sur le ventre, j’avais plus de force. Là il me dit 'les mains dans le dos', j’ai dû mettre mes mains dans le dos, ils m’ont mis les menottes et là ils m’ont dit ‘assieds-toi maintenant’, je leur ai dit ‘j’arrive pas à m’asseoir, je sens plus mes fesses’, et ils m’ont mis des gaz lacrymogènes dans la tête, dans la bouche, un coup de matraque en pleine tête, et moi j’avais tellement mal aux fesses que cette douleur-là semblait éphémère (…) c’était vraiment trop dur pour moi. (...) Mon pantalon était baissé, j’avais vraiment mal", insiste Théo.

"Je croyais que j'allais mourir"

Le jeune homme poursuit son récit en expliquant que les policiers ont tenté de l'entraîner hors du champ des caméras, mais lorsqu'un habitant du quartier est intervenu, leur demandant avec insistance ce qu'ils allaient faire au jeune homme, ils l'ont alors placé dans leur véhicule pour l'emmener au commissariat.

Aulnay-sous-Bois: un policier mis en examen pour viol, les trois autres pour violences volontaires

"J’avais du mal à marcher, je n’étais même pas moi-même. Je croyais que j’allais mourir, je marchais mais parce qu’ils me tenaient bien". Dans la voiture, le jeune homme dit avoir subi d’autres coups, des moqueries et des insultes. Il cite notamment "espèce de salope" et "bamboula".

"Je ne souhaite ça à personne"

D'après son témoignage, les policiers ont remarqué qu'il saignait à l'endroit où le policier avait utilisé sa matraque, et cela aurait fait redoubler les moqueries. Au commissariat, on lui demande de s’asseoir, il répond qu’il n’est pas en mesure de le faire. Un policier lui aurait alors dit de s’allonger. Au bout de quelques minutes, l’un des agents décide d’appeler le Samu.

"Le Samu me retourne, il regarde la plaie et me dit ‘là c’est très grave, il y a au moins 5 ou 6 centimètres d’ouverture, faut l’opérer le plus rapidement possible. (…) Ils ont dit que j’avais perdu beaucoup de sang. (...) Le coup de bâton dans les fesses qu’ils m’ont mis, ça m’a marqué à vie, c’est une chose que je ne souhaite à personne, physiquement je suis très diminué, j’arrive pas à bouger, là comme vous me voyez ça fait trois heures que je suis comme ça. (…) Je dors pas la nuit", conclut le jeune homme.

"Il est dans un état assez critique" selon sa soeur

Sur BFMTV, le soeur de Théo, venue témoigner, a évoqué lundi après-midi l'état physique "critique" de son frère. Outre son traumatisme psychologique, le jeune homme souffrira sans doute des séquelles de sa blessure, mais les médecins ne peuvent pas encore déterminer quelles seront ces conséquences à long terme.

"Les médecins ne sont pas capables de se positionner aujourd’hui et de nous dire quelles séquelles il va avoir. On doit attendre, deux mois au moins. Aujourd’hui il a une poche. On nous parle de beaucoup de choses, notamment d’incontinence. Donc on ne peut pas dire qu’il va bien, il est dans un état assez critique", a expliqué la jeune femme.
http://www.bfmtv.com/police-justice/aulnay-sous-bois-theo-raconte-son-interpellation-1097492.html

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Message  MO2014 Mer 15 Fév - 14:51

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Message  MO2014 Mer 22 Fév - 9:19

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QUARTIERS POPULAIRES ET INSTITUTION POLICIÈRE : UNE HUMILIATION RACISTE ET SEXISTE ATHMOSPHÉRIQUE

21 février 2017
Après la mort d’Adama Traoré en juillet dernier lors d’une « interpellation » par des gendarmes, les violences, les insultes racistes et le viol de Théo le 2 février par quatre policiers, a une nouvelle fois soulevé la colère des quartiers populaires en général, de leurs composantes issues de l’immigration en particulier. Alors que nous étions encore tous sous le coup de l’émotion et de la colère, le projet de loi assouplissant les règles de légitime défense des policiers était définitivement adopté par les sénateurs et les députés.

La dernière loi du quinquennat Hollande les autorise désormais à tirer après deux sommations dans cinq situations énumérées par le texte de loi. Le texte prévoit en outre un doublement des peines pour le délit « d’outrage à agent » faisant passer la peine possible à 1 an de prison et à 15 000 euros d’amende. La nouvelle loi instaure également l’anonymat des policiers dans les procédures judiciaires, pratique jusque-là réservée aux seuls enquêteurs des affaires de terrorisme.
 
Un sentiment d’impunité pour les uns voisine désormais un peu plus qu’auparavant avec un sentiment de négation pour les autres. Les deux versants du rapport social entre l’institution policière et les quartiers populaires sont exacerbés dans le sens d’un renforcement de la fabrique d’une humiliation raciste et sexiste atmosphérique.

Comme à chaque fois qu’il s’agit des quartiers populaires une série de contre-feux ont rapidement émergés dont la fonction est d’occulter la question première posée par les faits : celle du rapport social entre l’institution policière d’une part et les « noirs et arabes » des quartiers populaires d’autre part. Abordons trois de ces débats écran : la mise en exception des acteurs policiers sous la forme de l’affirmation outragée « toute la police n’est pas raciste » ; la mise en exception de la victime sous la forme de « Théo est un bon garçon » ; la mise en exception des faits sous la forme de la focalisation sur le viol.



 


La mise en exception des acteurs policiers

Rappelons avant d’aborder ces trois discours que la « mise en exceptionnalité » est un processus classique des processus et des discours de domination lorsqu’un fait ou une attitude empêche la légitimation habituelle du rapport inégalitaire. Il permet de préserver une structure en dénonçant un « abus », de sauver un système en éliminant une de ses conséquences devenues illégitimes, de reproduire les mécanismes essentiels en supprimant un effet visible trop scandalisant aux yeux de l’opinion publique d’une époque et/ou d’un espace géographique.
 
Les exemples de ce type de processus sont légions : de la dénonciation des « abus coloniaux » pour plaider une « colonisation humaine » à la promotion de quelques enfants d’ouvriers ou d’immigrés pour justifier un système inégalitaire en insistant sur leurs efforts et leurs intelligences exceptionnels, en passant par la fameuses phrases que nous avons tous déjà entendu «  oui mais toi c’est pas pareil » pour développer une affirmation raciste.

La mise en exception des policiers prend classiquement deux formes : le discours négatif sur la bavure et le discours positif sur la grande majorité des policiers « républicains » qui ne seraient pas « racistes ».

Dans les deux cas le résultat est la disparition de l’institution policière du débat et de l’effort de compréhension. La notion galvaudée et récurrente de « bavure » lorsque les faits ne sont plus niables occulte l’ensemble des facteurs constitutif du rapport social entre « noirs et arabes » et institution policière dont une conséquence logique est justement ces fameuses « bavures » : nature des missions confiées à la police, choix de constitution de certains corps policiers spéciaux (Brigade Anti-Criminalité- BAC, Brigades Spécialisés de Terrain- BST), type d’armements (les BST sont par exemple équipés matraques télescopiques et de Lanceurs de Balle de Défense pouvant tirer à 40 mètres-LBD40), discours politiques sur les « territoires de la république à reconquérir », contrôle au faciès répétés, nombre de victimes suite à une confrontation avec la police et nombre de condamnations, etc.

Comme le souligne un slogan apparu sur les réseaux sociaux le simple fait que de nombreux jeunes décident de fuir est significatif du sentiment d’insécurité généralisé qu’ils ressentent face aux policiers : « Théo et Adama nous rappellent pourquoi Zyed et Bouna courraient ». De même un slogan jusque-là utilisé par les « sans-papiers » est spontanément réapparut dans les manifestations de ces derniers jours : « Nous ne sommes pas dangereux, nous sommes en danger ».
 
Comme pour Zyed et Bouna les jeunes noirs et arabes de l’ensemble de l’hexagone peuvent par expérience (subie ou vue) s’identifier à Théo. Ce simple fait invalide la notion de « bavure » qui en elle-même oriente vers l’exceptionnalité et la faible récurrence.

Le discours sur la « police républicaine » pour sa part déplace le débat. Il s’agit ici de renvoyer à une posture morale binaire du type : « dites-vous que tous les policiers sont racistes ? ». Il s’agit de mettre sur la défensive ceux qui oseraient remettre en cause le fonctionnement de l’institution policière. De trop nombreuses déclarations concernant les violences subies par Théo débutent ainsi par un « éloge à la police républicaine » qu’il ne faudrait pas confondre avec quelques « ripoux » en son sein.

La question qui nous est dramatiquement et régulièrement posées n’est pourtant pas celle de la moralité de tel ou tel pourcentage de policiers mais celle des missions qu’on confie à la « police républicaine », des cibles qu’on lui désigne, des passages à l’acte qu’on lui autorise, des impunités dont on la garantie, des armements dont on la dote, etc. La question posée n’est pas morale mais politique. C’est ni plus ni moins celle de l’institution policière.
Poser cette dimension systémique ne signifie pas que les agents n’interviennent pas dans le déroulement des faits. La violence systémique s’incarne certes dans des comportements qui varieront d’un agent à l’autre mais elle reste déterminée par le contexte global de l’institution policière. Il ne faut pas par ailleurs sous-estimer l’influence des idéologies d’extrême-droite qui se développent depuis plusieurs décennies dans la police.

En témoigne l’étude du CEVIPOF en 2015 qui fait apparaître que 51. 5 % des policiers et militaires ont votés Front National contre 30 % en 2012. En témoigne également les manifestations illégales de policiers légitimées à postériori par l’adoption de la loi assouplissant les règles de la légitime défense.

Nous attendons enfin encore les dénonciations des pratiques violentes des « collègues » par les « policiers républicains ». Non seulement elles sont rares mais on a pu entendre alors que les cris de Théo étaient encore récents, un responsable syndical de la police dire sur une antenne que « Bamboula ça reste à peu près convenable ».

La mise en exception de la victime

Le maire (Les Républicains) d’Aulnay-sous-Bois a pour une fois dénoncé un « détournement de vérité » après que la mise en accusation pour viol ait été requalifiée de « violences volontaires ». On pourrait certes interroger la cohérence de cet élu qui ne questionne pas la responsabilité de son parti dans les évolutions récentes de l’institution policière mais de telles prises de position sont suffisamment rares pour ne pas « cracher dans la soupe ». En revanche à plusieurs reprises il a insisté sur le fait que Théo était un « type bien » rejoignant en cela de nombreuses déclarations et prises de positions rappelant qu’il n’avait pas de casier judiciaire, qu’il était « éducateur », qu’il participait à plusieurs associations de son quartier.

Cette mise en exception en apparence positive porte un implicite : l’acceptabilité possible de telles violences pour les jeunes ayant un casier judiciaire ou « connus des services de polices » pour reprendre l’expression consacrée à chaque « bavure policière ». Comme le souligne Frantz Durupt et Balla Fofana dans le billet de libération du 8 février :

« A trop souligner les «qualités» de Théo, on prend le risque de le faire passer pour une exception, le gentil noir, et de présenter son cas comme un acte isolé. Insister sur sa «gentillesse», c’est mettre du mascara sur le coquard d’une réalité française : celle des violences policières. Ces agressions aveugles, basées sur des préjugés racistes, ne s’embarrassent pas de savoir si un individu est digne d’un prix Nobel de la paix ou pas. Théo n’a pas besoin de circonstance atténuante et encore moins qu’on l’enferme dans le cliché colonial du bon noir sage, seulement coupable de n’être pas né sous la bonne étoile. Oui, Théo est un type bien. Mais ce n’est pas la question ! »

Une autre version de la mise en exception de Théo prend la forme de la louange sur sa réaction qui aurait été « digne » et « responsable ». Ici aussi l’important est ce qui se dit en creux, ce qui se suggère, ce qui se véhicule implicitement : l’invalidation de la colère devant une injustice. Une simple comparaison avec les discours et pratiques tenus à propos des réactions de la famille d’Adama Traoré (plainte de en diffamation de la maire de Beaumont sur Oise, plainte pour diffamation d’une des gendarmes, mises en détention provisoire de deux frères d’Adama, etc.) permet de saisir la fonction de cette mise en exceptionnalité : interdire l’expression d’une colère légitime.« Les violences ne se valent pas selon qui les pratique», tel est le message que porte implicitement la valorisation des « bons comportements ».

La mise en exception de la victime contribue ainsi à silencier les victimes et leurs proches, et de ce fait participe de la reproduction des violences policières. Elle contribue également à découpler les manifestations de protestations et les affrontements avec la police de ces dernières semaines des faits dramatiques subies par Théo. Il s’agit ici de nier tous lien entre des violences policières banalisées et impunies d’une part et la colère d’une jeunesse silenciée d’autre part.
 
Le comportement de Théo est mis en opposition à celui des manifestants pour nier les raisons même de la colère. La négation de la cause réelle des affrontements avec les forces de l’ordre permet dès lors d’avancer d’autres causes, stigmatisantes cette fois, pour les habitants des quartiers populaires. Marion Maréchal Le Pen peut dès lors déclarer sur France 2 le mardi 14 février que les jeunes qui se sont confrontés à la police « se fichent pas mal de Théo » pour ensuite avancer son explication : « une haine anti-France latente dans ces quartiers qui est liée vraisemblablement au communautarisme. »

Le discours n’est pas nouveau. C’est le même que celui entendu en 2005 à propos de la révolte de 400 quartiers populaires pendant 21 jours suite à la mort de Zyed et Bouna. Il consiste de nouveau à passer sous-silence le processus d’identification à Théo que ressentent de nombreux jeunes suite à leur « expertise d’usage » des contrôles de police. Bien sur d’autres causes existent pour expliquer les explosions de ces dernières semaines et entre autres les pratiques de provocation de certains policiers. Bien entendu certains jeunes voulaient en découdre avec une institution qui leur apparaît injuste et impunie. Si la cause des explosions n’est pas le viol de Théo, celui-ci est indéniablement un déclencheur révélant l’ampleur du passif entre l’institution policière et la jeunesse des quartiers populaires.

La mise en exception des faits

Il y a indéniablement un seuil qualitatif de passé dans l’ampleur et le type de violences que s’autorisent certains policiers. Nous aurions tort cependant de les considérer comme entièrement nouvelles comme en témoigne les témoignages qui apparaissent depuis la médiatisation des faits. D’autres violences policières à caractère sexuelle ont existées dans le passé, elles étaient simplement tues et/ou n’avaient pas réussies à traverser la frontière des médias. C’est ici un autre aspect du processus de mise sous silence des victimes de violences policières. On ne témoigne pas aisément des atteintes à l’intégrité physique et à l’intimité de sa personne. On ne porte pas facilement plainte pour de telles violences devant d’autres policiers. A tort ou à raison nombreux sont ceux qui tentent « faire avec » dans l’espoir d’oublier ou au moins de continuer à « vivre ».

L’insistance frisant parfois l’obscénité sur les détails du viol (nombre de centimètres de la pénétration, détail des blessures, etc.) outre qu’elle ne prenait pas en compte les effets possibles sur Théo, contribue également au processus de mise en exception et même d’une double exception : vis-à-vis de la culture du viol au sein de la police et des passages à l’acte qu’elle suscite d’une part et vis-à-vis des processus d’humiliation dont le viol n’est qu’une des formes d’autre part.

Concernant les violences sexuelles par la police rappelons quelques « affaires » qui ont réussis à figurer dans les médias. En 1991 à Bobigny un homme de 49 ans est tabassé au cours de sa garde à vue pour trafic de stupéfiant et porte plainte pour violence et viol. Les 5 policiers seront condamnés de 3 à 4 ans d’emprisonnement mais cette peine est réduite à 12 et 15 mois de sursis avec 3 mois ferme pour le chef.

La cour européenne des droits de l’homme condamne la France dans son arrêt du 28 juillet 1999 en précisant que « de tels agissements doivent être regardés comme des actes de torture ». (1) En 2001 un jeune homme de 16 ans est arrêté suite à un contrôle d’identité à Asnières-sur-Seine. Il est emmené au commissariat et tabassé. Deux heures plus tard les médecins de l’hôpital constatent de multiples contusions et une «  fracture du testicule droit avec contusions et hématomes ».
 
La cour européenne des droits de l’homme condamne une nouvelle fois la France dans son arrêt du 14 mars 2011. Fin 2015 c’est un jeune homme de 29 ans qui est contrôlé en état d’ivresse à Drancy et violé à l’aide d’une matraque. Le policier reconnaît les faits en soulignant que l’acte était involontaire.

Ces quelques faits concernant 3 hommes (« un noir et deux arabes ») ne doivent pas occulter les viols contre des femmes par des agents de l’institution policière. Donnons ici aussi quelques exemples. En mai 2012 une femme placée en cellule de dégrisement à Mantes la jolie est violée par un agent. Il affirme pour sa défense que la victime était consentante et qu’il s’agissait d’un « malentendu sexuel ». (2) En avril 2014 une touriste canadienne de 34 ans est violée aux 36 quais des orfèvres. Les trois policiers évoquent un « rapport sexuel consenti ». Un non-lieu général est prononcé (3).

En décembre 2015 18 adolescents âgés de 14 à 18 ans portent plainte contre une dizaine de policiers pour « violence volontaire, agression sexuelle, séquestration et abus d’autorité ». (4)  Comme pour les violences sexuelles concernant des hommes, il ne s’agit ici que des actes de violence pour lesquels les victimes ont réussies à dépasser les multiples obstacles pour déposer plainte.

Ces faits scandaleux ne sont possibles que parce que la culture du viol est une réalité prégnante dans l’institution policière. En témoigne les récits multiples figurants sur la page Facebook intitulée « témoignages de sexisme, culture du viol et culpabilisation des victimes de la part ou au sein de la police ». (5)  La mise en exceptionnalité excessive des violences subies par Théo contribue, volontairement ou non à masquer cette culture du viol et les passages à l’acte qu’elle autorise.
 
La mise en exception des faits contribuent également à une sous-estimation des pratiques d’humiliation qui sont loin dans le rapport de la police aux quartiers populaires de ne se limiter qu’aux violences sexuelles. Du tutoiement généralisé, aux contrôles volontairement répétitifs des mêmes jeunes, en passant par les injures à connotation racistes et sexistes, les palpations, etc., l’humiliation tend à se banaliser dans certains quartiers populaires. Or l’humiliation n’est jamais sans conséquences. Ce n’est pas un hasard que le terme de « dignité » apparaît de plus en plus dans les témoignages et les titres des mobilisations contre les violences policières. L’humiliation est, en effet, ce qui porte atteinte à la dignité de l’être humain.

De l’humiliation à la dignité

Les jeunes des quartiers populaires ont recyclés le terme arabe « Hogra » pour rendre compte de cette expérience d’humiliation avec l’institution policière mais aussi avec de nombreuses autres institutions. Le terme était présent dans les conversations en bas des immeubles avant que de figurer sur les tracts et affiches associatifs et politiques. Dans un article publié en 2000 nous attirions déjà l’attention sur le réinvestissement de ce terme que nous définissions de la manière suivante : «  il signifie à la fois mépris, humiliation, injustice et abus de pouvoir ». (6)
 
 Les conséquences de la Hogra sur le sujet qui la subie ne sont pas anodines. Nous ne sommes pas en présence d’une épreuve que l’on peut facilement dépassée. La Hogra en général et l’humiliation en particulier porte atteinte à l’intégrité et à l’intimité du sujet et à l’image qu’il a de lui-même. En me chosifiant la Hogra et l’humiliation porte atteinte à l’envie de vivre elle-même. En me niant comme sujet porteur de droits imprescriptibles, elles m’orientent vers une mort sociale qui peut prendre une multitude de formes sur un spectre allant de l’intériorisation totale à la canalisation de l’énergie vers une action collective.

Les comportements d’autodestructions individuels, la hausse des violences sur les miens et sur mes proches, les révoltes des quartiers populaires, l’organisation collective, sont autant de formes d’expression de la réaction à la hogra et à l’humiliation. L’orientation vers telle ou telle forme dépend des canaux de reconnaissances et d’expression de la colère légitime d’une part, de l’état d’isolement d’autre part et de l’état du sentiment de prise sur la transformation du réel pour une troisième part. Cette description sommaire des conséquences de l’humiliation subie était nécessaire pour prendre la mesure de l’inanité de nombreux discours et sommations adressés aux militants des quartiers populaires. Soulignons en deux particulièrement présente aujourd’hui.
 
La première sommation inconsistante est l’exigence d’une condamnation des révoltes violentes des quartiers populaires ou des affrontements avec la police. Nous appelons tous les militants et collectifs à refuser cette injonction et ce quelle que soit leur position à l’égard de la violence comme forme d’action politique. Non seulement cette condamnation est inefficace mais elle contribue à isoler encore plus ceux pour qui la violence agie n’est qu’une réponse à l’humiliation et à la violence subie.

L’allégeance à cette sommation quelle que soit son intention contribue à nier la recherche de dignité qu’il y a dans ces sursauts de vie et de dignité. Que l’on considère que ces sursauts doivent prendre d’autres chemins est une autre question. Les désirs de vie et de dignité prennent les formes qu’ils peuvent prendre à un moment donné et dans un contexte donné.
 
La seconde sommation inconsistante est celle de la défense de la « police républicaine » qui serait globalement saine à l’exception de quelques ripoux. Céder à cette injonction c’est renoncer à la compréhension du caractère systémique du rapport entre quartiers populaires et violences policières.

C’est renvoyer aux individus policiers ce qui n’est que le résultat de choix sécuritaires globaux. Si l’individu policier peut tenter de sauvegarder son intégrité morale c’est en entrant en contradiction avec les principaux déterminants des choix sécuritaires à l’encontre des quartiers populaires depuis plusieurs décennies. Car l’humiliation est un rapport social qui n’a pas que des effets sur l’humilié. Il en a aussi sur l’humiliant.

A être acteur de l’humiliation de l’autre on ne fait pas que le déshumaniser, on se déshumanise également. Voici ce que disait Frantz Fanon à propos d’un inspecteur européen pratiquant la torture pendant la guerre d’Algérie et : « Comme il n’envisageait pas (ce serait un non-sens) d’arrêter de torturer (alors il faudrait démissionner), il me demandait sans ambages de l’aider à torturer les patriotes algériens sans remords de conscience, sans troubles de comportement, avec sérénité. » (7) 

Prévenons la critique : nous ne disons pas que la situation des quartiers populaires est la même que celle de la colonisation mais que les processus qui s’y déroulent suivent la même logique d’humiliation avec des conséquences de même nature sur la déshumanisation des autres et de soi. Si la colonisation est un état et des pratiques d’exceptions généralisés, chaque situation de mise en exception empruntera ou retrouvera le chemin des pratiques coloniales.
 
L’héritage est bien présent et les processus largement similaires. Comme le souligne pertinemment Olivier Le Cour Grandmaison : « Les origines coloniales des pratiques actuelles des forces de l’ordre ne font aucun doute et ceux qui trouvent que « bamboula » est une expression acceptable en font la démonstration exemplaire. » (Cool

Ne pas se tromper de séquence historique

Avec les violences subies par Théo nous sommes en présence à la fois d’une invariance et d’une mutation. L’invariance est celle de l’instauration d’une humiliation « atmosphérique » pour paraphraser Frantz Fanon dans les rapports entre l’institution policière et les quartiers populaires depuis de nombreuses décennies. La « mort des frères » et la hogra « atmosphériques» sont inscrits dans l’histoire de nombreux quartiers populaires et dans la vie de nombreux de leurs habitants. Toutes les approches, discours ou programmes qui ne partent pas de cette expérience dans le rapport à la police, est condamnée à l’incompréhension pour le mieux et au rejet brutal pour le pire de la part des habitants des quartiers populaires.
 
Cette invariance ne signifie pas que rien ne bouge. Au contraire tout est en mouvement, autant les « humiliants que les humiliés ». Du côté des humiliants un seuil important a été franchi dans les manifestations policières de la fin de l’année dernière et dans les réponses étatiques qui leur ont été données. Ces manifestations sont à la fois une expression d’une fascisation explicite d’une partie du corps policier et un moyen de développement de cette fascisation. Les réponses étatiques apportées sont de fait une reconnaissance publique de la légitimité de se situer « hors-la loi ». Le vote de la loi sur la légitime défense policière encourage les passages à l’acte, autorise les pratiques humiliantes, renforce le sentiment d’impunité.

Du côté des « humiliés » des changements notables sont également repérables. En premier lieu ces changements se reflètent dans des postures quotidiennes de refus de l’indignité au risque de subir des violences dans les interactions avec la police. Ce qui est vécu par les uns comme de l’arrogance, de l’insolence, de la mise en danger, de l’absence de prise en compte du rapport des forces, de l’irrationalité, etc., pourrait bien être simplement le refus de la place assignée, l’exigence du respect d’une dignité, l’affirmation d’une humanité qui refuse d’être niée.

Pourquoi ce jeune contrôlé par une dizaine de policiers, insisterait-il autant et aussi fortement sur le refus du tutoiement au risque de voir dégénérer la situation ? Ce type de situation est désormais quotidien dans nos quartiers. Il exprime ce que Martin Luther King soulignait dans un autre contexte : « Mieux vaut souffrir dans la dignité, qu’accepter la ségrégation dans l’humiliation. » (9)

Mais les changements ne sont pas qu’individuels et réactifs. Depuis la révolte des quartiers populaires de 2005, une multitude d’expériences collectives se sont déployées. Fragiles, éparpillées, parcourues de contradictions, elles n’en sont pas moins une recherche d’alternatives au face à face individuel avec l’institution policière.

Des collectifs de familles de victimes des violences policières, aux multiples petits regroupements affirmant une volonté d’autonomie et d’auto-organisation, en passant par la multiplication des espaces de débat ou d’éducation populaire, la dignité tente de se donner une forme d’expression publique organisée.

De manière significative les analyses et discours présents dans ces expérimentations sont marqués par la radicalité, l’articulation avec l’héritage colonial, la volonté de refuser les approches individuelles et morales au profit d’approches politiques et systémiques, etc. Nous sommes bien en présence d’un « nouveau » qui cherche à émerger.

La séquence historique actuelle est bien celle du paradoxe et d’une course de vitesse entre le processus de fascisation et le processus de reconquête de la dignité.

Notes :

 Affaire Selmouni Contre France, CEDH, requête 25803/94, http://actu.dalloz-etudiant.fr/fileadmin/actualites/pdfs/NOVEMBRE_2011/AFFAIRE_SELMOUNI_c._FRANCE.pdf, consulté le 20 février à 10 h.
http://www.la-croix.com/Actualite/France/10-ans-de-prison-pour-un-ex-policier-accuse-d-un-viol-en-cellule-2014-10-29-1228972, consulté le 20 février à 16 h.
 http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2016/07/20/non-lieu-general-dans-l-affaire-des-policiers-de-la-bri-accuses-du-viol-d-une-touriste-canadienne_4972318_1653578.html. Consulté le 20 février à 17 h.
 http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2015/12/18/espece-de-libanais-de-merde-connards-sales-noirs-des-adolescents-portent-plainte-pour-violences-policieres_4834472_1653578.html, consulté le 20 février à 18 h.
https://www.facebook.com/payetapolice/photos/a.600094363513661.1073741828.600090306847400/600096430180121/?type=3&hc_ref=PAGES_TIMELINE, consulté le 20 février à 18 h 15.
 Said Bouamama, Le sentiment de « Hogra » : Discrimination, négation du sujet et violences, Hommes et Migrations, n° 1227, sept-oct 2000, p. 38.
Frantz Fanon, Les damnés de la terre, La Découverte, Paris, 2002, p. 258.
 Olivier Le Cour Grandmaison, Police « républicaine » et quartiers populaires : l’état d’exception permanent, https://blogs.mediapart.fr/edition/les-mots-en-campagne/article/160217/police-republicaine-et-quartiers-populaires-l-etat-d-exception-permanent, consulté le 21 février à 9 h 30.
 Martin Luther King, discours à l’université d’Oslo du 11 décembre 1964, Je fais un rêve : les grands textes du pasteur noir, Bayard, Paris
[/quote Said Bouamama,

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Message  MO2014 Mer 8 Mar - 17:16

Heurts près du lycée Suger de Saint-Denis : une cinquantaine de gardes à vue prolongées

« Ce sont des actes gravissimes (…) qu’il faudra sanctionner fermement », a estimé la ministre de l’éducation, Najat Vallaud-Belkacem.

Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 08.03.2017 à 15h40

Cinquante-cinq personnes avaient été initialement placées en garde à vue mardi. Une seule a été relâchée mercredi, précise le parquet de Bobigny.
Les gardes à vue de 54 jeunes, dont 43 mineurs, pour la plupart lycéens, ont été prolongées de vingt-quatre heures mercredi, après des violences urbaines dans le lycée Suger puis dans le centre de Saint-Denis mardi, a-t-on appris auprès du parquet de Bobigny (Seine-Saint-Denis).

Cinquante-cinq personnes avaient été initialement placées en garde à vue mardi. Une seule a été relâchée mercredi, précise le parquet.

Mardi, le lycée Suger de Saint-Denis a été le théâtre de violences avec des jets de pierre et de fumigènes et des incendies de poubelles dans l’enceinte de l’établissement.

Après l’évacuation du lycée, effectuée dans le calme, un groupe de jeunes s’est déplacé vers le centre de Saint-Denis, où des affrontements ont eu lieu avec la police, indique le parquet.

Les autorités, qui privilégiaient initialement la thèse d’une manifestation qui a dégénéré, pensent désormais qu’un appel à « casser » diffusé sur les réseaux sociaux est à l’origine des violences.
Dérives et escalade régulière

« Il y a une digue qui semble avoir sauté avec l’introduction de la violence non plus seulement sur le parvis des établissements mais à l’intérieur des établissements. Ce sont des actes gravissimes (…) qu’il faudra sanctionner fermement », a estimé la ministre de l’éducation, Najat Vallaud-Belkacem sur BFM TV à la sortie du conseil des ministres.

Le premier syndicat des proviseurs, le SNPDEN-UNSA, s’est alarmé dans un communiqué de « graves dérives, dont le caractère chronique et l’escalade régulière (…) menacent les communautés éducatives d’un drame ».

La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse (LR), a condamné dans un communiqué les violences et dégradations et rappelé que la région avait investi « près de 15 millions d’euros » pour la sécurisation des lycées. Elle a « renouvelé » sa demande au ministre de l’intérieur « de protéger les abords des lycées franciliens, qui depuis plusieurs semaines sont le théâtre d’incidents violents ».

Mardi, trois autres jeunes avaient été placés en garde à vue après des incidents devant le lycée Paul-Eluard à Saint-Denis et devant le lycée Voltaire à Paris.

Ces dernières semaines, des heurts ont éclaté aux abords de plusieurs lycées à Paris et en région parisienne, lors de rassemblements contre « les violences policières ».

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/03/08/heurts-pres-du-lycee-suger-de-saint-denis-une-cinquantaine-de-gardes-a-vue-prolongees_5091342_3224.html#BCp9kMlfDe51aWhD.99

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Message  MO2014 Ven 10 Mar - 23:28

Après plus de six heures de délibérations, les huit jurés dans le procès en appel (Cour d'assises de Paris) de Damien Saboundjian, ont rendu leur verdict vendredi 10 mars à 20h20.

Ce gardien de la paix de 38 ans, originaire de La Tronche, une banlieue de Grenoble, a été condamné à 5 ans d'emprisonnement avec sursis et à la suspension du port d'arme pendant cinq ans.

Il était poursuivi pour avoir tué d'une balle dans le dos le 21 avril 2012 à Noisy-le-Sec (93), Amine Bentounsi, 28 ans à l’époque des faits, recherché pour ne pas être rentré de permission.

Plus tôt dans la matinée, l’avocat général Rémi Crosson du Cormier avait réclamé une peine de 5 ans avec sursis. Il avait également réclamé la suspension de son port d'arme pour 5 ans, le maximum autorisé par la loi.

Les jurés ont suivi le réquisitoire de l’avocat général. La cour a estimé que Damien Saboundjian n'avait pas agi en état de légitime défense et qu'il est donc responsable pénalement de la mort d'Amine Bentounsi. Les parties ont cinq jours pour se pourvoir en cassation.

Nadir Dendoune
http://lecourrierdelatlas.com/france-damien-saboundjian-condamne-a-5-ans-d-emprisonnement-avec-sursis-7651

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Message  MO2014 Sam 11 Mar - 17:03

Amal Bentounsi : « Cette condamnation, aussi légère soit-elle, on l’a arrachée »
Amal Bentousi / samedi 11 mars 2017 /

Coupable. Après cinq ans de bataille judiciaire, la Cour d’Assises de Bobigny a condamné, ce 10 mars 2017, le policier Damien Saboundjian à 5 ans de prison avec sursis et 5 ans d’interdiction d’usage d’arme. Le 21 avril 2012, il avait tué Amine Bentounsi d’une balle dans le dos. Nous retranscrivons ici le discours prononcé par la sœur, Amal Bentounsi, après l’annonce du délibéré.

Cinq ans. Ça nous a pris cinq ans pour en arriver à cette condamnation, somme toute symbolique. Cinq ans de larmes, parce que la mort d’un fils, d’un petit frère, dans ces circonstances, c’est quelque chose qui ne s’efface pas. Cinq ans de cris, parce qu’il a fallu se faire entendre, par les médias, les politiques et la justice. Il a fallu défoncer le plafond de verre qui, dans ce genre d’affaires, empêche de dépasser le classement en fait divers. Cinq ans de batailles, et de petites victoires aussi, face à cette machine à broyer les familles et les luttes qui se met en route à chaque fois qu’un policier est mis en cause dans une affaire de violences policières. Cinq ans à redire que mon frère, quel que soit son passé, ne méritait pas d’être abattu comme ça, comme un chien, une balle dans le dos, alors qu’il fuyait un policier. Cinq à espérer que justice passe, même si la militante politique que je suis devenue malgré moi, sait pertinemment qu’ils sont très rares les policiers à être condamnés pour ces faits.

Alors oui, la Cour vient de déclarer Damien Saboundjian coupable des faits qui lui étaient reprochés. Et oui, c’est une victoire... en demie-teinte, mais une victoire quand même, tant elle m’a coûté, tant elle nous a coûté. Il ne faut pas être dupe, le peu que nous avons obtenu aujourd’hui est le fruit de notre mobilisation collective. Rien ne nous a été donné. Rien. Et cette condamnation, aussi légère soit-elle, on l’a arrachée. Elle est le résultat d’années de luttes de l’immigration et des quartiers populaires, elle est le résultat de notre détermination. De ce point de vue là, c’est une vraie victoire.

Après évidemment, le décalage entre ce qui a été démontré durant ces deux procès en Cour d’assises et la sanction prononcée ne peut qu’interroger et indigner. En effet, il a été très clairement établi que Damien Saboundjian n’était pas en état de légitime défense ce 21 avril 2012. L’avocat général de la Cour d’assises de Bobigny l’avait clairement démontré en 2016. L’avocat général de la Cour d’assises de Paris l’a de nouveau clairement démontré en 2017. Pire, les deux procès ont rendu visible le corporatisme policier primaire, les liens avec le pouvoir et les tentatives de pression sur la justice. Non seulement, les policiers ont menti pour se couvrir mais ils ont surtout été protégés par la hiérarchie et le Ministère de l’Intérieur. On nous traitait de « complotiste » quand on disait cela… maintenant au moins les choses sont claires.

Je sais que beaucoup vont être déçus. Mais il faut aussi prendre la mesure de ce qui vient d’être fait. Ce n’est pas rien de se battre contre des structures aussi puissantes. Il y a une inégalité des forces qui n’est jamais en notre faveur. Donc ça, ce n’est pas rien.
Il faut le prendre comme une invitation, une obligation, à continuer le combat.
Il y a une culture de l’impunité policière dans ce pays qu’il va falloir régler avant que les choses ne dégénèrent davantage. Ça fait des années que j’alerte aussi sur le danger des lois sécuritaires, et en particulier du permis de tuer qu’on accorde aux forces de l’ordre. La loi sécurité qui vient d’être promulguée en mars 2017, et qui assouplit les règles d’usage d’armes pour les forces de l’ordre et les règles de la légitime défense, est très très dangereuse. L’ironie c’est qu’elle a été pensée pour contenter les policiers juste après la mise en examen de celui qui a tué mon frère en 2012. Si nous ne sommes pas vigilants, si nous ne nous mobilisons pas, elle arrachera à la vie d’autres petits frères, fils, pères, maris et amis.

Le combat doit continuer. Il continue pour toutes les victimes de violences policières et leurs familles à qui je souhaite dédier ces quelques lignes : Amine, mon frère déjà, je t’ai rendu justice, j’espère que tu trouveras la paix. Papa, maman, ta petite fille, nous tous pouvons commencer à faire notre deuil. Je pense aussi à Wissam El Yamni, Amadou Koumé, Lahoucine Ait Omghar, Abdoulaye Camara, Rémi Fraisse, Lamine Dieng, Ali Ziri, Hakim Ajimi, Mahamadou Maréga, Karim Tagbalhout, Jaouad Zahouia, Morad Touat, Zied Benna et Bouna Traoré, Hocine Bouras, Olivier Massono, Abou Bakari Tandia, Tina Seba, Babacar Gueye, Jean-Pierre Ferrara, Adama Traoré, mais aussi Théo Luhaka, et bien d’autres.

Le combat continue avec toutes les composantes de la société qui le souhaitent. Il est urgent, vraiment urgent, de se mobiliser. Ce sont majoritairement des Arabes et des Noirs qui meurent entre les mains de la police, mais ce combat ne doit pas être uniquement le leur. Il doit être soutenu largement par celles et ceux qui estiment que le respect des vies humaines et le respect de notre dignité ne saurait être fonction d’une couleur de peau, d’une religion ou d’une origine. À tous ceux là, je donne rendez-vous le 19 mars, lors de la Marche pour la Justice et la Dignité qui partira à 14h de la place de la Nation. Venez nombreux. J’ai besoin de vous. Les familles ont besoin de vous. En m’arrachant Amine, mon petit frère, ils ont volé une partie de ma vie. Je veux dédier la partie qui me reste à lutter pour la justice, la vraie… la seule qui apportera l’apaisement tant souhaité. Merci beaucoup.
http://contre-attaques.org/l-oeil-de/article/amal-bentounsi

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