Algérie 1830-1962
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Re: Algérie 1830-1962
yannalan a écrit:Effectivement, militer à l'époque pour un "européen" n'avait rien de facile, vu l'hostilité de la grosse majorité des autres "européens". Et se planquer côté algérien,pas facile non plus... Surtout que les militants du PCA étaient déjà connus de la police. De plus, côté FLN, certains étaient largement hostiles. Un certain nombre de communistes ayant rejoint les maquis se sont fait liquider, par Chihani Bachir dans les Aurès, par exemple.
Oui. (Mais la famille Sportisse n'était pas "européenne".)
sylvestre- Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010
Re: Algérie 1830-1962
yannalan a écrit:Il y a un Maitron qui regroupe les biographies des militants ouvriers algériens. Il existe aussi en ligne, mais pour avoir accès à l'intégralité, il faut acheter le bouquin. Sion,il y a eu un livre sur 'le camp de Lodi" où étaient internés les "européens".
De Jean Galland "EN ALGÉRIE DU TEMPS DE LA FRANCE1950-1955"
L'auteur était instit dans le bled et militant du PCA. Comme beaucoup, il a été expulsé en 55 vers la métropole, mais ses descriptions sont très intéressantes, même si c'est un bon stal.
Merci.
mykha- Messages : 1079
Date d'inscription : 19/06/2013
Re: Algérie 1830-1962
Oui. (Mais la famille Sportisse n'était pas "européenne".)
Formellement tu as raison, c'est pour ça que je mets des guillemets. Les juifs algériens dans leur grand en majorité sont devenus français en 1871, se sont assimilés pour beaucoup culturellement, avec l'aide des institutions juives de France. Quand ça a vraiment pété, ils ont choisi leur camp pour beaucoup, celui des français.
Couramment, en Algérie coloniale, quand j'étais gosse,il y avait les "européens" et "les musulmans".
yannalan- Messages : 2073
Date d'inscription : 25/06/2010
Re: Algérie 1830-1962
Très intéressant texte de la fédération de France du FLN, en 1958 : Le P. C. F. et la Révolution algérienne
sylvestre- Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010
Re: Algérie 1830-1962
sylvestre a écrit:Très intéressant texte de la fédération de France du FLN, en 1958 : Le P. C. F. et la Révolution algérienne
A lire effectivement.
mykha- Messages : 1079
Date d'inscription : 19/06/2013
Re: Algérie 1830-1962
Tout cela est juste, mais ne correspond pas à l'état d'esprit qui régnait au sein du PCF à l'époque et même au ton de nombre d'articles de l'Huma. On peut dire que la direction du PCF avait une politique à "double casquette", l'une envers le PS et l'Etat bourgeois, l'autre envers ses militants souvent très profondément anti-colonialistes et solidaires des Algériens...mykha a écrit:sylvestre a écrit:Très intéressant texte de la fédération de France du FLN, en 1958 : Le P. C. F. et la Révolution algérienne
A lire effectivement.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Algérie 1830-1962
Que les membres du PCF aient été indignés, c'est une chose. La politique du Parti dans la lutte anti-coloniale a été, comme le dit la lettre, subordonnée aux tractations politicardes en métropole. On peut comparer les actions contre la guerre d'Indochine (Henri Martin, etc..., les grèves et sabotages des dockers et des ouvriers de l'armement) et la quasi-absence de ce genre de mouvement au moment de la guerre d'Algérie où on regarde partir le contingent. Le seul mouvement ayant été celui des rappelés, qui aurait eu lieu même si on les avait envoyés ailleurs.
Les militants FLN en France ne se sont jamais beaucoup senti aidés par le PCF, c'est le moins qu'on puisse dire, et quand des militants individuels le faisaient, on ne peut vraiment pas dire qu'il étaient encouragés! Bien sûr, il y avait des actions pour la Paix en Algérie, mais je n'ai pas souvenir d'une grève générale contre la Guerre, par exemple...
Les militants FLN en France ne se sont jamais beaucoup senti aidés par le PCF, c'est le moins qu'on puisse dire, et quand des militants individuels le faisaient, on ne peut vraiment pas dire qu'il étaient encouragés! Bien sûr, il y avait des actions pour la Paix en Algérie, mais je n'ai pas souvenir d'une grève générale contre la Guerre, par exemple...
yannalan- Messages : 2073
Date d'inscription : 25/06/2010
Re: Algérie 1830-1962
Nous sommes d'accord sur le fond de la politique du PCF, Yannalan. Mais, superficiellement, à la lecture du texte du FLN ou d'autres analyses, on pourrait presque croire que le PCF était un parti colonialiste. La lutte contre la guerre d'Algérie, même si elle prenait la forme de la lutte pour la paix et les négociations avec le FLN, et non celle du soutien actif aux Algériens, était une des motivations principales des militants du parti, en particulier des jeunes. Il n'y a eu ni grève générale ni grande manif centrale avant 1961, mais d'innombrables manifs locales, bagarres avec les flics etc. Coller des affiches et faire des inscriptions contre la guerre, ça aboutissait bien souvent à se faire embarquer et tabasser. Toutes les semaines il y avait des bagarres avec les partisans de l'Algérie française et les paras en permission. Les militants de l'époque ne l'ont pas vécue de la façon dont on pourrait interpréter ces textes, ils étaient convaincus de lutter contre la guerre et le sont restés. Pour ce qui est de l'aide au FLN, comme je l'ai déjà écrit sur un autre fil, les responsables du PCF disaient : "Les camarades qui aident le FLN sont courageux, ils ont raison, mais le parti ne peut pas le faire officiellement pour ne pas être interdit etc". Certains étaient exclus pour cet engagement, mais pas pour autant considérés comme des pestiférés, comme l'étaient d'autres exclus.
Tout cela est important à savoir pour comprendre ce qu'était le PCF à l'époque, surtout pour ceux qui ne l'ont pas connue et auraient tendance à simplifier.
Tout cela est important à savoir pour comprendre ce qu'était le PCF à l'époque, surtout pour ceux qui ne l'ont pas connue et auraient tendance à simplifier.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Algérie 1830-1962
Si on compare avec la lutte "contre la sale guerre d'Indochine", il n'y a pas photo. Le problème qui s'est posé au PCF, c'est que l'Algérie état beaucoup plus proche, que tous les jeunes travailleurs devaient y passer plus de deux ans et en revenaient avec des idées mitigées là-dessus. Les manifestants d'octobre 61 ont pu apprécier la solidarité de certains travailleurs parisiens comme les chauffeurs de bus qui faisaient des appels de phares pour dire aux flics qu'ils avaient des arabes à bord.
En fait et comme à d'autres occasions, la crainte principale était l'interdiction, ce qui entraîne un réflexe de protection et un manque d'action.
Que les militants de l'époque aient été opposés à la guerre, que ça n'ait pas été facile pour eux, c'est sûr.
En fait et comme à d'autres occasions, la crainte principale était l'interdiction, ce qui entraîne un réflexe de protection et un manque d'action.
Que les militants de l'époque aient été opposés à la guerre, que ça n'ait pas été facile pour eux, c'est sûr.
yannalan- Messages : 2073
Date d'inscription : 25/06/2010
Jean Louis HURST
Auteur du livre Le Déserteur publié et interdit en 1960, membre des réseaux dits de « porteurs de valises » en soutien au FLN pendant la guerre d'Algérie, puis journaliste au quotidien Libération à partir des années 1970, Jean Louis Hurst, est mort le mardi 13 mai à l'hôpital Paul-Brousse à Villejuif. (Val-de-Marne).
http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2014/05/15/mort-du-journaliste-jean-louis-hurst-le-deserteur-de-la-guerre-d-algerie_4418786_3382.html
mykha- Messages : 1079
Date d'inscription : 19/06/2013
Algérie
Paris - La Brèche - “L'Algérie au cœur”
Mercredi 12 Novembre 2014, 18:00
Présentation et débat sur la parution du livre de Clara et Henri Benoits
"L'Algérie au coeur" :Révolutionnaires et anticolonialistes à Renault-Billancourt.
Introduction de Jean Claude Vessilier et préface de Mohamed Harbi.
En présence notamment des auteurs.
Mercredi 12 Novembre 2014, 18:00
Présentation et débat sur la parution du livre de Clara et Henri Benoits
"L'Algérie au coeur" :Révolutionnaires et anticolonialistes à Renault-Billancourt.
Introduction de Jean Claude Vessilier et préface de Mohamed Harbi.
En présence notamment des auteurs.
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Algérie 1830-1962
Pendant la guerre d’indépendance algérienne, de 1954 à 1962, au nom de la lutte contre la “subversion” du FLN, au nom du rattachement de l’Algérie à la France qui interdisait d’y appliquer le droit de la guerre et de considérer les nationalistes comme des combattants, plus de 1 500 condamnations à mort furent prononcées par la justice française.
En 2001, après avoir pu consulter le “registre des grâces” qui répertoriait les noms des condamnés à mort, deux journalistes parvenaient au total de 222 militants du FLN exécutés entre 1956 et 1962, « le plus souvent au terme d’une parodie de justice ».
Abdelkader Guerroudj : « A chaque exécution, toute la casbah hurlait. »
Le 7 décembre 1957, Abdelkader Guerroudj, dit « Lucien », chef de la branche armée du Parti communiste algérien, et sa femme, Jacqueline, sont condamnés à mort. Ils seront graciés, puis libérés en 1962.
Pourquoi avez-vous été condamné à mort ?
J’ai été condamné pour atteinte à la sécurité de l’Etat et complicité d’assassinat en tant que chef des Combattants de la libération, l’organisme armé créé par le Parti communiste algérien et versé au FLN.
Avez-vous été torturé ?
C’est une question que vous ne devez plus poser. On ne peut pas avoir été condamné à mort sans avoir été torturé. Et parfois copieusement. Je ne connais qu’une personne qui y ait échappé, c’est ma femme. Mais elle était d’origine européenne et d’une famille influente. Après mon arrestation, j’ai été emmené au commissariat central d’Alger, où j’ai subi de la part des policiers et des gendarmes la gamme des différentes tortures : ça commence par les coups, puis il y a la tentative d’asphyxie à la baignoire, ensuite on vous remplit d’eau en se branchant sur le robinet du coin, et puis l’électricité. Trois ou quatre séances, je crois, en plusieurs jours. Ensuite, on m’a envoyé à la prison de Barberousse, où je suis resté vingt jours à l’isolement avant d’être présenté au juge d’instruction.
Ce juge, Jean Bérard, est le fameux juge d’instruction dont le général Aussaresses prétend dans son livre qu’il était l’émissaire secret de François Mitterrand auprès des militaires ?
C’est bien lui. Je me souviens d’un homme féroce, froid, très dur. Il doit être celui des juges qui, pendant cette période, a obtenu le plus d’exécutions capitales. Il m’a dit : « En avril, vous serez condamné à mort ; en mai, vous serez exécuté. »
Comment s’est déroulé votre procès ?
Il a duré quatre jours, au tribunal militaire, l’actuel tribunal d’Alger. Nous étions dix, dont ma femme, ma belle-fille ayant pris le maquis au début de 1956. Ça a été une parodie. J’ai fait une déclaration, expliqué pourquoi nous, Algériens, nous voulions l’indépendance et j’ai revendiqué l’action de mes groupes. Et puis la sentence est tombée.
Que ressent-on ?
Je savais que je serais condamné à mort. Mais on imagine plus facilement qu’on va mourir au combat qu’au petit matin, la tête coupée, dans une cour de prison.
Pensiez-vous que vous seriez exécuté ?
J’en étais certain. Parce qu’à cette période les exécutions capitales étaient nombreuses. Parfois jusqu’à quatre dans la même journée. Pour moi, cela ne faisait aucun doute.
Vous souvenez-vous des premières exécutions capitales de la guerre d’Algérie ?
Bien sûr. Elles avaient créé une émotion immense. Barberousse, la prison d’Alger, est située en haut de la casbah. Tous les habitants vivaient cela dans leur chair. Immédiatement après, les femmes avaient hurlé, fait le youyou pendant que les 2 000 prisonniers tapaient les murs avec leurs gamelles, leurs cuillères. Tout le monde comprenait aussi que nous étions, cette fois, installés dans la guerre totale. Sans cadeaux, ni d’un côté, ni de l’autre.
Quelle fut la première exécution à laquelle vous avez assisté ?
C’était Fernand Iveton, le seul Européen à avoir été guillotiné. Son histoire a fait beaucoup de bruit à l’époque. C’était un camarade, un militant communiste. Il avait déposé une bombe dans son casier de vestiaire de l’usine de gaz d’Alger, où on l’a découverte. Je me souviens seulement des bruits, car j’étais en cellule, donc je ne peux pas dire que j’y ai assisté. Je n’ai rien vu, mais tout entendu. C’était en pleine nuit. Il y a eu un branle-bas de combat terrible vers 4 heures du matin. Immédiatement, les détenus se sont mis à crier quand ils ont compris que la guillotine venait d’entrer dans la prison.
Qu’avez-vous ressenti ?
Une grande haine. Pas contre la France ou les Français, non. Mais contre le système.
Avez-vous vu des amis partir pour la guillotine ?
Oui, mon meilleur ami, Taleb Abderrahmane. Il avait été condamné à mort trois fois. Quand on est venu le chercher, mon compagnon de cellule m’a dit de me préparer, car il pensait que je serais le suivant.
Qui étaient ces hommes qu’on exécutait ?
Ce n’était pas les chefs. L’Histoire nous a enseigné que le système colonial n’exécutait pas les responsables politiques après jugement. On préférait, comme pour Ben M’Hidi, s’en débarrasser avant en les assassinant. Dans la réalité, ce sont surtout des pauvres bougres qu’on a guillotinés. Pour l’exemple, pour faire peur
[Propos recueillis par François Malye]
http://ldh-toulon.net/la-guillotine-et-la-guerre-d.html
En 2001, après avoir pu consulter le “registre des grâces” qui répertoriait les noms des condamnés à mort, deux journalistes parvenaient au total de 222 militants du FLN exécutés entre 1956 et 1962, « le plus souvent au terme d’une parodie de justice ».
Abdelkader Guerroudj : « A chaque exécution, toute la casbah hurlait. »
Le 7 décembre 1957, Abdelkader Guerroudj, dit « Lucien », chef de la branche armée du Parti communiste algérien, et sa femme, Jacqueline, sont condamnés à mort. Ils seront graciés, puis libérés en 1962.
Pourquoi avez-vous été condamné à mort ?
J’ai été condamné pour atteinte à la sécurité de l’Etat et complicité d’assassinat en tant que chef des Combattants de la libération, l’organisme armé créé par le Parti communiste algérien et versé au FLN.
Avez-vous été torturé ?
C’est une question que vous ne devez plus poser. On ne peut pas avoir été condamné à mort sans avoir été torturé. Et parfois copieusement. Je ne connais qu’une personne qui y ait échappé, c’est ma femme. Mais elle était d’origine européenne et d’une famille influente. Après mon arrestation, j’ai été emmené au commissariat central d’Alger, où j’ai subi de la part des policiers et des gendarmes la gamme des différentes tortures : ça commence par les coups, puis il y a la tentative d’asphyxie à la baignoire, ensuite on vous remplit d’eau en se branchant sur le robinet du coin, et puis l’électricité. Trois ou quatre séances, je crois, en plusieurs jours. Ensuite, on m’a envoyé à la prison de Barberousse, où je suis resté vingt jours à l’isolement avant d’être présenté au juge d’instruction.
Ce juge, Jean Bérard, est le fameux juge d’instruction dont le général Aussaresses prétend dans son livre qu’il était l’émissaire secret de François Mitterrand auprès des militaires ?
C’est bien lui. Je me souviens d’un homme féroce, froid, très dur. Il doit être celui des juges qui, pendant cette période, a obtenu le plus d’exécutions capitales. Il m’a dit : « En avril, vous serez condamné à mort ; en mai, vous serez exécuté. »
Comment s’est déroulé votre procès ?
Il a duré quatre jours, au tribunal militaire, l’actuel tribunal d’Alger. Nous étions dix, dont ma femme, ma belle-fille ayant pris le maquis au début de 1956. Ça a été une parodie. J’ai fait une déclaration, expliqué pourquoi nous, Algériens, nous voulions l’indépendance et j’ai revendiqué l’action de mes groupes. Et puis la sentence est tombée.
Que ressent-on ?
Je savais que je serais condamné à mort. Mais on imagine plus facilement qu’on va mourir au combat qu’au petit matin, la tête coupée, dans une cour de prison.
Pensiez-vous que vous seriez exécuté ?
J’en étais certain. Parce qu’à cette période les exécutions capitales étaient nombreuses. Parfois jusqu’à quatre dans la même journée. Pour moi, cela ne faisait aucun doute.
Vous souvenez-vous des premières exécutions capitales de la guerre d’Algérie ?
Bien sûr. Elles avaient créé une émotion immense. Barberousse, la prison d’Alger, est située en haut de la casbah. Tous les habitants vivaient cela dans leur chair. Immédiatement après, les femmes avaient hurlé, fait le youyou pendant que les 2 000 prisonniers tapaient les murs avec leurs gamelles, leurs cuillères. Tout le monde comprenait aussi que nous étions, cette fois, installés dans la guerre totale. Sans cadeaux, ni d’un côté, ni de l’autre.
Quelle fut la première exécution à laquelle vous avez assisté ?
C’était Fernand Iveton, le seul Européen à avoir été guillotiné. Son histoire a fait beaucoup de bruit à l’époque. C’était un camarade, un militant communiste. Il avait déposé une bombe dans son casier de vestiaire de l’usine de gaz d’Alger, où on l’a découverte. Je me souviens seulement des bruits, car j’étais en cellule, donc je ne peux pas dire que j’y ai assisté. Je n’ai rien vu, mais tout entendu. C’était en pleine nuit. Il y a eu un branle-bas de combat terrible vers 4 heures du matin. Immédiatement, les détenus se sont mis à crier quand ils ont compris que la guillotine venait d’entrer dans la prison.
Qu’avez-vous ressenti ?
Une grande haine. Pas contre la France ou les Français, non. Mais contre le système.
Avez-vous vu des amis partir pour la guillotine ?
Oui, mon meilleur ami, Taleb Abderrahmane. Il avait été condamné à mort trois fois. Quand on est venu le chercher, mon compagnon de cellule m’a dit de me préparer, car il pensait que je serais le suivant.
Qui étaient ces hommes qu’on exécutait ?
Ce n’était pas les chefs. L’Histoire nous a enseigné que le système colonial n’exécutait pas les responsables politiques après jugement. On préférait, comme pour Ben M’Hidi, s’en débarrasser avant en les assassinant. Dans la réalité, ce sont surtout des pauvres bougres qu’on a guillotinés. Pour l’exemple, pour faire peur
[Propos recueillis par François Malye]
http://ldh-toulon.net/la-guillotine-et-la-guerre-d.html
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Algérie 1830-1962
L'exécution du camarade Fernand Yveton est un des événements qui m'ont le plus marqué dans ma jeunesse et je n'ai jamais pardonné ce crime à Mitterrand pour qui j'ai toujours refusé de voter. Mais j'ignorais qu'il avait en plus un émissaire secret de cet acabit. Ce qui n'a en fait rien d'étonnant vu le cynisme du personnage...Ce juge, Jean Bérard, est le fameux juge d’instruction dont le général Aussaresses prétend dans son livre qu’il était l’émissaire secret de François Mitterrand auprès des militaires ?
C’est bien lui. Je me souviens d’un homme féroce, froid, très dur. Il doit être celui des juges qui, pendant cette période, a obtenu le plus d’exécutions capitales.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Algérie 1830-1962
verié2 a écrit:L'exécution du camarade Fernand Yveton est un des événements qui m'ont le plus marqué dans ma jeunesse et je n'ai jamais pardonné ce crime à Mitterrand pour qui j'ai toujours refusé de voter. Mais j'ignorais qu'il avait en plus un émissaire secret de cet acabit. Ce qui n'a en fait rien d'étonnant vu le cynisme du personnage...Ce juge, Jean Bérard, est le fameux juge d’instruction dont le général Aussaresses prétend dans son livre qu’il était l’émissaire secret de François Mitterrand auprès des militaires ?
C’est bien lui. Je me souviens d’un homme féroce, froid, très dur. Il doit être celui des juges qui, pendant cette période, a obtenu le plus d’exécutions capitales.
Pas au point de mémoriser l'orthographe de son nom!
artza- Messages : 114
Date d'inscription : 29/04/2013
Re: Algérie 1830-1962
Tu sais, avec le temps (plus d'un demi siècle !), on a des souvenirs très précis de certaines choses, de certains détails, et d'autres non. Ce n'est pas ton cas ?Pas au point de mémoriser l'orthographe de son nom!
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Algérie 1830-1962
Quand les Algériennes de France reprennent le relais des manifestations
El Watan, 20 octobre 2010
Le 20 octobre 1961, en réaction à la sauvage répression du 17 octobre à Paris, les Algériennes montent au créneau dans toute la France.
Le déchaînement des forces de police, des CRS, des harkis, le 17 octobre 1961, contre nos manifestants désarmés et pacifiques, avait été prévu par les responsables de l’organisation FLN. La directive du 10 octobre 1961, signée par le responsable fédéral à l’Organisation, Kaddour Laâdlani en témoigne : «Comme il est à prévoir des arrestations ou des internements, il convient de préparer les femmes avec les mots d’ordre suivants : ‘‘A bas le couvre-feu raciste’’, ‘‘Libérations de nos époux et de nos enfants’’, ‘‘Négocier avec le GPRA’’, ‘‘Indépendance totale de l’Algérie’’. La manifestation aura lieu devant la préfecture de police, le troisième ou quatrième jour après le boycott du couvre-feu. A cette occasion, faites votre possible pour faire participer le maximum de femmes algériennes…»
Et comme prévu, à Paris et en Province, elles sortirent et manifestèrent le 20 octobre 1961 ! Consultons sur cet événement quelques-uns des nombreux témoignages collectés à chaud, de manifestantes, de militants missionnés présents sur les lieux et de journalistes.
Ce jour-là, À Paris
Fatma Morsli : (…) «En arrivant à St Michel, nous avons été partagées en deux groupes avec la femme de Ramdhane, Simone Boulanouar. Mme Rahma Boulanouar, sa belle-fille, Yamina, Aïcha et moi, on a été aussitôt appréhendées et ils nous ont séparées… Après ça, j’étais dirigée vers l’hôpital Sainte Anne. Nous n’étions pas battues et maltraitées. C’est un docteur qui nous a fait sortir par une autre porte et nous étions 150 femmes avec leurs enfants».
Oudda Bennaceur : «Nous sommes parties, une sœur et moi de Bobigny, manifester. Nous devions nous rendre au Châtelet. Evidemment, ce ne fut pas tellement facile étant donné que chaque sortie de métro était surveillée par des policiers, leurs armes braquées et vêtus de gilets pare-balles. (…) Ils nous dirigèrent au commissariat de police du 4e. Là, des centaines d’Algériennes nous accueillirent avec des youyous et des cris de : ‘‘Algérie algérienne’’. A ce moment-là, quelques passants s’arrêtaient en entendant nos cris ; deux Françaises parmi la foule applaudirent à nos slogans. Elles furent aussitôt conduites avec nous. De là, ils nous transportèrent dans un bus en direction du 19e en traversant les grandes rues de Paris. Pendant tout le trajet, nous criions de toutes nos forces : ‘‘Algérie algérienne’’, ‘‘Le racisme au poteau’’. Un policier dans le bus, furieux, nous dit : ‘‘Moi, quand je n’aime pas un pays, je ne reste pas chez eux !’’. Je lui ai répondu : ‘‘Nous serions heureuses de vivre dans notre pays libérées de vos colonialistes !’’».
Arrivées à l’hôpital, ils nous enfermèrent dans une salle où nous accueillirent des cris de «Vive l’Algérie algérienne» et des youyous des sœurs déjà parquées comme du bétail dans cette salle. Nous les accompagnons nous aussi dans un chant traditionnel empli de beauté. Alors que les inspecteurs commençaient à entrer pour nous voir, nous recommencions de crier plus fort encore. Nous eûmes l’idée d’écrire sur les murs de la grande salle ceci : ‘‘Algérie algérienne’’, ‘‘Nous voulons notre liberté’’, ‘‘Libérez nos maris’’, etc. A l’heure des repas de midi et du soir, nous avons refusé de manger en leur criant ‘‘Nous voulons notre pays’’ (…) »
Nadira : « (…) Nous devions nous rendre à la manifestation qui devait se dérouler à 12h au Châtelet pour crier tout ce qui nous tenait à cœur depuis tant d’années (…) Là, ont surgi quatre ou cinq agents vêtus de gilets pare-balles. L’un d’eux s’est avancé et nous a demandé nos papiers. Nous lui avons demandé si on pouvait partir, il nous a regardées avec colère et nous a dit : «Pas du tout ! Montez en voiture et en vitesse !» Le car était très grand, plein de nos sœurs de tout âge, célibataires, mariées, mères de famille avec des enfants. Nos sœurs étaient venues de tous les coins. Une sœur s’est précipitée à la porte du car et s’est sauvée ; trois agents accoururent et l’ont rattrapée. L’un d’eux lui a donné un coup de pied et elle l’a insultée et lui a craché à la figure.»
Il y avait des Européens qui nous regardaient sans rien dire. Nous sommes restées une demi-heure dans le car, puis on nous a conduites au commissariat de police du 4e arrondissement. Là, se trouvaient des sœurs qui poussaient des youyous à notre entrée. Nous avons crié ‘‘Vive l’Algérie indépendante ! ‘‘, ‘‘Libérez nos époux et nos frères’’, ‘‘Vive le FLN’’. Au moment du départ, nous avons crié. Il se trouvait trois Européennes sur le trottoir, elles ont applaudi. L’un des agents a fait arrêter l’autobus et ils les ont faites monter avec nous en les insultant… Ils m’ont donné un coup de poing et une gifle à une de mes sœurs. Nous avons mis un foulard à la vitre. Ils l’ont arraché en nous bousculant.
Au feu rouge, les journalistes nous photographièrent. Nous avons cassé les tables, les bancs, les lampes, écrit au rouge à lèvres étant donné que nous n’avions pas de craie. L’inspecteur est venu et a crié : ‘‘Qui a écrit vive le FLN ?’’ Nous lui avons répondu en criant toutes ensemble que c’était nous. Il nous a dit : ‘‘Qui va payer les tables, les bancs, les lampes cassées ?’’ Il nous a dit : ‘‘Moi, si je n’aime pas un pays, je n’y vais pas’’. Nous lui avons répondu que tout notre pays était rempli de postes de colons et qu’une fois qu’ils nous laisseront la place, nous on ira. Il nous a dit : ‘‘On va vous donner votre Algérie, vous casserez des cailloux’’. Nous avons répondu que nous serions très heureuses (…).
Fatma Dehimi : «J’étais responsable de plusieurs sœurs, marchant à l’avant, le drapeau algérien dans ma main. On criait ‘‘Algérie algérienne’’, ‘‘Libérez les détenus’’. Lorsque nous avons été encerclées par plusieurs policiers, je me suis mise à l’avant, avec le drapeau. J’ai griffé des agents. Alors, ils m’ont battue à coups de matraque aux jambes et à l’épaule. Jusqu’à présent, j’ai des marques sur mon corps. Je suis toujours prête pour ma patrie algérienne. Mon mari est emprisonné depuis trois ans au camp de Larzac. J’ai un enfant à ma charge. Vive l’ALN ! Vive le FLN !’’
Raya Daoui : «… Il fallait attendre un autre groupe de femmes qui devaient arriver avec les drapeaux dans un sac. Nous voici donc toutes rassemblées, au total 36 femmes. Aucune peur ne se lisait sur nos visages, bien au contraire, nous allions défendre notre patrie… »
Farida Amghar : «… Nous étions nombreuses, parmi nous, il y en avait de Nanterre, venues à pied, femmes et enfants, de Vermeileu-Parisis, de St-Denis etc. Les agents étaient brusques avec nous. Nous avons entendu des réflexions de toutes sortes. Un agent a bousculé une femme enceinte et nous avons toutes protesté, crié, nous étions courageuses. Les inspecteurs interrogeaient les enfants, leur demandaient : ‘‘Pourquoi êtes-vous venus à Paris ?’’ ‘‘Pour manifester’’, dit un enfant de 8 ans ! Les tout-petits pleuraient, ils n’avaient rien mangé depuis le matin. Quelques femmes avaient des panneaux ‘‘Algérie algérienne’’ ‘‘Libérez nos hommes’’ ‘‘Arrêtez les massacres’’. Ce jour-là était pour nous un jour de lutte pour notre pays. Nous ne regrettons rien de ce que nous avons fait et dit et s’il faut recommencer, nous sommes prêtes, nous les femmes algériennes !’’
Mme Boubekeur : «…Nous sommes descendues du métro, toujours groupées. Au bas de l’escalier, nous avons trouvé trois agents de police. Là, Mme D. et Mme C ont pris le drapeau et l’ont brandi en l’air pour que tout le monde le voit. Malheureusement, toute une armée de gendarmes, policiers, CRS, nous ont barré la route en disant à Mme D. et Mme C : ‘‘Jetez-moi ce chiffon ! ‘‘, en parlant du drapeau ! Ensuite, mitraillette au poing, les policiers nous ont conduites à la prison du 5e arrondissement. Nous étions très nombreuses, mais les policiers aussi, et ils avaient un avantage, ils étaient armés. Nous avons eu quelques bousculades. Nous avons été identifiées et ensuite on nous a laissées un bon moment sans savoir ce qu’ils allaient faire de nous puisqu’ils manquaient de place. Là, nous sommes montées dans des cars policiers, en nous comptant plusieurs fois. Un policier est arrivé avec un kilo de sucre en morceaux pour distribuer aux enfants en attendant de leur donner à manger. Mais personne n’en a voulu».
Rabha Dekar : «… Nous avons pris un taxi jusqu’à Chatelet. Nous avons été arrêtées par la police et nous avons été conduites au poste de police du 4e arrondissement en attendant que l’autobus nous conduise aux hospices. Nous avons crié pendant trois heures ‘‘Vive le FLN ! Algérie algérienne ! Libérez nos maris !’’ etc. Nous avons été conduites à l’hôpital Lariboisière du 10e arrondissement en autobus, en criant et en répétant les mêmes slogans. Nous avons aussi cassé les carreaux, les portes, les tables, on a tout saccagé… »
Zahia Belhocine : «… Ils nous laissèrent à peu près trois quarts d’heure à l’Hôtel de Ville. Après ça, ils commencèrent à trier : les jeunes filles et femmes qui étaient venues seules, d’un côté, les femmes avec enfants, de l’autre. Dans l’autobus qui nous transportait, nous commencions à crier ‘‘Algérie algérienne ! Libérez nos ministres ! A bas le racisme !’’, etc. Toutes les personnes qui se trouvaient sur le boulevard s’arrêtaient pour nous écouter, d’autres sortaient des magasins ou de chez elles. Une jeune fille mit un foulard vert à la fenêtre, en s’apercevant de ça, un CRS nous prit brutalement par les épaules en nous poussant vers le fond de l’autobus… Ce qui m’a beaucoup frappée, ce sont les Françaises, la plupart mariées à des frères, elles criaient comme nous, faisaient du tapage. Les femmes algériennes ont été très courageuses, certaines ont laissé leurs enfants seuls à la maison et sont venues malgré ça !»
Un militant : «Nous avions reçu la directive d’avertir toutes les femmes de se rendre devant les portes de la préfecture de police le vendredi à 12h. Toutes celles prévenues dans la nuit se sont rendues à l’heure prévue. Celles qui n’ont pas pu être touchées et avoir communication de l’horaire ne sont pas parties. Pour le moment, aucune n’est signalée qui, prévenue, n’a pas participé. Nous pouvons donc considérer qu’elles sont toutes révolutionnaires et ont toutes participé à la manifestation… La police a demandé aux Algériennes : ‘‘Etes-vous venues sous la menace du FLN ?’’, réponse : ‘‘Nous sommes venues parce que vous avez arrêté nos maris. Nous voulons qu’ils soient libérés ou nous les rejoindrons ! ‘‘ La police a répondu : ‘‘La prochaine fois, vous serez cueillies par les harkis !’’».
Le Monde du 21 octobre 1961 : «Vendredi matin, place de l’Hôtel de Ville et dans d’autres quartiers de Paris, des femmes musulmanes ont tenté de manifester contre le couvre-feu. Vendredi, à la fin de la matinée, une manifestation de femmes musulmanes s’est déroulée place de l’Hôtel de Ville pour protester contre le couvre-feu et les arrestations en masse des travailleurs algériens… Dans d’autres quartiers, à la périphérie de Paris, des femmes musulmanes ont également tenté de se rassembler dans la matinée. Elles ont été conduites en car dans les commissariats. » Le Monde du 22 et 23 octobre 1961 : «Un millier de femmes souvent accompagnées d’enfants ont été appréhendées à Paris»
L’Express du 26 octobre 1961 : (Reportage de Jean CAU). «… Ces derniers jours, je n’ai vu que des visages désertés par le sourire, des yeux tuméfiés, des dos bleuis à coups de crosse ; je n’ai entendu que des récits où revenaient, en litanie, les mêmes mots : rafles, coups, tortures, disparitions, assassinats. Pour monter les étages, le gosse frottait des allumettes… Ils m’ont fait asseoir. La mère, cinquante-et-un ans, qui était dans le lit, s’est excusée. Elle ne pouvait pas bouger à cause de son dos qui était tout bleu. Mais je voyais son visage violet et noir, avec un œil - l’œil gauche - gonflé comme un œuf et dont la cornée était rouge vif. ‘‘Le docteur il a dit que l’œil était mauvais et que je perdrai la vue de ce côté’’. Les deux fils se taisent. Le père regarde sa femme. Elle me dit qu’elle était allée manifester «parce qu’on nous tue trop et parce que maintenant on doit rester dans la maison comme des rats».
Elle défilait avec sa fille et l’un de ses fils, lorsque ce fut la charge. – ‘‘Un policier, il a mis son revolver sur ma fille…’’ Elle est intervenue. Un autre policier l’a jetée à terre et elle a reçu une volée de gifles, des coups de matraque. On les a jetées elle et sa fille dans le car. ‘‘Là, les policiers m’ont tordu le bras, regarde… et ils me criaient : ‘‘Salope ! On te crèvera, on te videra comme un lapin. Dis ‘‘Algérie française ! Salope !’’. Et il m’a dit des choses que je ne peux pas répéter. Alors, moi j’ai crié : ‘‘Vive l’Algérie indépendante ! Vive mes frères’’. Et j’ai dit au policier : ‘‘tu peux me tuer si tu veux, mais je ne dirai pas autre chose !’’».
On l’a jetée dans le commissariat du Val de Grâce. Sous ses yeux, sa fille a attrapé une dégelée de coups de pieds dans le ventre. Dans la nuit, on l’a jetée sur la chaussée. Elle a réclamé sa fille. Les policiers ont levé leurs matraques. Titubant, se traînant, elle se demande comment elle a pu rentrer chez elle. «Et votre fille ?». «Elle n’est pas revenue. Y a trois jours et elle n’est pas revenue».
Forbach (Est) : (La responsable locale de la Section des femmes de la Fédération de France du FLN) : «Nous avons mis à exécution les décisions prises par l’organisation de faire du 20 octobre 1961 une journée de manifestation de nos sœurs accompagnées de leurs enfants. Nous avons mis l’ensemble de notre effectif féminin en état d’alerte. Les moyens de locomotion, les itinéraires à suivre et l’acheminement des banderoles se sont bien effectués et nous n’avons eu aucune difficulté à signaler dans ces domaines.
Sur chacune des banderoles, faites en double, nous avons inscrit les slogans suivants :
A bas les mesures racistes
Libération de nos époux et de nos enfants
Indépendance totale de notre pays
Négociations avec le GPRA
L’effectif des femmes mis en mouvement est de 353 et celui des enfants de 175, qui ont accompagné leurs mères. Arrivées sur les lieux (à partir de deux endroits différents pour atteindre la sous-préfecture de Forbach), des policiers et des gendarmes leur ont arraché les banderoles. Dans une voiture, des policiers, dont un inspecteur leur disaient : ’’Rentrez chez vous !’’. Les sœurs continuaient de marcher en lançant des youyous. Les gendarmes en nombre important pourchassaient les femmes tandis que les enfants pleuraient. Dispersées, nos sœurs se sont de nouveau réorganisées à Stiring, en revenant avec de nouvelles banderoles qu’elles ont récupérées et des morceaux de bois pour les tendre. Ensuite, deux autres groupes arrivèrent. A ce moment, la sous-préfecture était protégée d’une barrière en grilles, barrant les deux rues qui y donnent accès.
Des heurts ont été provoqués par l’arrivée des CRS et des pompiers. Ces derniers n’ont pas utilisé de jets d’eau, par contre les gendarmes mobiles et les CRS ont procédé à des brutalités sur les femmes en utilisant leurs bâtons et en frappant les femmes aux bras pour leur faire lâcher les banderoles. Nos sœurs refoulées dans le centre de la ville ont bloqué la circulation dans toutes les artères importantes. Et de nouveau elles se sont réorganisées avec les groupes revenant de Stiring et ont marché sur la ville. Les gendarmes et les CRS ont été débordés. Ils ont procédé à des brutalités et à 10 arrestations…»
Rouen (Ouest) : un militant : «Le jour de la manifestation, la police était en alerte depuis 8h du matin, soit les gendarmes, les CRS, la police et la DST. Des barrages ont été installés avec des herses à chaque entrée de la ville de Rouen. Toute voiture, bus et camion compris, est arrêté pour vérification d’identité de chaque passager, quelle que soit sa nationalité. Même chose pour les passantes et les passants. Les Françaises poursuivent leur chemin, les Algériennes sont arrêtées et conduites à la Centrale et à la caserne St.Severt.
Une Française n’a pas répondu aux sommations de la police, celle-ci a tiré des rafales de mitraillette, crevant les pneus de la voiture. Après le scandale qu’elle a fait à la police, la Française a été conduite au poste et relâchée le soir. Les femmes françaises qui sont sorties avec leurs gosses pour faire leurs courses ont été arrêtées pour vérification d’identité et refoulées vers leur maison sans pouvoir se rendre là où elles allaient. Les femmes françaises mariées aux nôtres et les Algériennes qui se sont fait arrêter à 2 ou 3 sont vérifiées et refoulées vers leur domicile tout en s’entendant dire : ‘‘Si on vous revoit dehors, vous savez où c’est qu’on va vous mettre !’’ »…
«Enfin, à midi, les femmes suivent l’ordre donné. 174 femmes de Rouen, Vernon, Evreux, Aissel et les banlieues de Rouen se sont rendues au centre de Rouen pour manifester. Une quarantaine de manifestantes ont réussi à joindre la place de l’Hôtel de Ville et ont déployé les banderoles. La police les a arrêtées toutes et conduites au Central où elle a procédé aux vérifications d’identité et des domiciles. Elles ont été retenues jusqu’à 15 heures. Au Central de police, les sœurs ont crié les slogans inscrits sur les banderoles…»
Mézières (Nord) : une
Militante : «Le 20 octobre, après de brèves délibérations avec le commissaire, celui-ci autorisa deux sœurs à se rendre à la Préfecture. Nous avons tout d’abord protesté, notre dessein était de nous y rendre toutes ensemble. Par la suite, vu la résistance que nous rencontrâmes, deux sœurs se rendirent en délégation à la Préfecture. Là, elles exposèrent les motifs et le but que nous voulions atteindre par ces manifestations. Elles remirent une lettre au Préfet dans laquelle nous avons exposé les motifs suivants :
La reprise des négociations immédiates avec notre gouvernement, le GPRA, lequel a le soutien et la confiance du peuple algérien.
La libération des 5 frères ministres internés à Turquant : Aït Ahmed, Ben Bella, Bitat, Boudiaf, Khider
D’autre part, nous avons tenu à protester contre : les arrestations massives de ces derniers jours, arrestations que ne peuvent justifier les sentiments nationalistes exprimés par tous. Les sévices et les tortures dont sont victimes de nombreux frères et sœurs incarcérés. Nous exigeons la libération de nos maris à qui l’on ne peut reprocher que d’avoir exprimé avec force des sentiments nationalistes. Après la lecture de notre lettre, le Préfet exprima son ignorance des sévices et tortures auxquels nous faisions allusion.
Quant au déroulement des manifestations, tout se passa dans un calme relatif. La volonté des sœurs a été nette malgré l’opposition des policiers, les slogans et les drapeaux firent leur apparition sur le quai et aux portières de l’autorail. Le voyage ne passa donc pas inaperçu et il semble que la majorité de la population française approuve nos manifestations. «Le Préfet a été impressionné par la justesse de la cause défendue par nos sœurs et la détermination mise par elles pour remplir leur mission ; celui-ci, ancien avocat, prétend comprendre le droit des hommes et des femmes de notre peuple à disposer d’eux-mêmes dans le respect et la dignité »…
«Pour ce qui est des Français, tous ont admis qu’une démonstration faite par des femmes, accompagnées de leurs enfants, ne peut être le fait de la peur ou du hasard, mais bien la preuve que notre peuple a atteint une maturité et une solidarité à toute épreuve ; que rien ne détourne ou n’empêche un tel peuple d’atteindre son objectif. Qu’une paix épargnera des vies humaines, surtout celle de leurs propres enfants qui meurent pour une cause injustifiée».
Lille (Nord) : (un militant) : «L’ordre a été largement suivi puisqu’une grande majorité a participé ce jour-là. Malgré la mobilisation de toute la police et des CRS, cela n’a pas empêché nos sœurs, parfois accompagnées de leurs époux, de descendre dans la rue. Dans la localité de Tourcoing, plus de 650 femmes et enfants sont sortis dans la rue avec des pancartes sur lesquelles sont inscrits les slogans reçus. Plusieurs dizaines ont pu rejoindre la préfecture de Lille où la population du quartier de Wazemie les attendait. Des commerçants européens ont même fermé un moment leur boutique en voyant arriver les manifestantes. Quant aux autres sœurs de Tourcoing et de Roubaix, qui n’ont pu franchir les barrages de police, elles ont manifesté à plusieurs centaines dans les rues des localités et sur la place de la ville, devant la centrale de police, ce qui a occasionné plus de 500 arrestations !»
Pas De Calais (Nord) : (un militant) : «Plus de 200 femmes accompagnées de leurs enfants se sont mises en route pour aller manifester à Arras, avec des banderoles préparées à l’avance. Mais là aussi, les policiers les ont arrêtées en cours de route par des barrages établis aux arrêts d’autocars et sur l’autoroute…»
L’Humanité du 21 octobre 1961 : «Manifestations dans plusieurs villes de l’Est».
A Thionville : une cinquantaine de femmes, portant leurs enfants dans les bras, ont défilé dans les rues principales se dirigeant vers la sous-préfecture. Devant les grilles du bâtiment, elles ont poussé des youyous et brandi des banderoles. Elles ont été arrêtées et conduites au commissariat.
A Longwy : une manifestation s’est déroulée avec la participation d’une soixantaine de femmes.
A Metz : on signale une autre manifestation de femmes.
A Mulhouse : une centaine de femmes se sont formées en cortège pour manifester devant la sous-préfecture, tandis qu’à Charleville une cinquantaine d’Algériennes, accompagnées de leurs enfants sont arrivées en gare afin de se rendre à la préfecture de Mezieres. Les policiers les ont enfermées dans la salle d’attente de la gare. Au moment de leur embarquement, elles ont manifesté en poussant des youyous et en scandant «Algérie Algérienne !». Deux manifestations se sont déroulées hier après-midi à Forbach, entre 12h et 14h30. La première a rassemblé 350 femmes avec leurs enfants. Elles se sont dirigées vers la sous-préfecture en poussant des youyous. Peu après 14h, un second groupe d’une centaine de femmes s’est dirigé vers l’usine Stiring-Wendel.
A Belfort et A Montbéliard : Cris hostiles et youyous ont scandé les manifestations des musulmanes hier matin à Belfort et à Montbéliard :
«Répondant aux ordres donnés par le GPRA, les Nord-Africains et surtout leurs épouses et leurs enfants manifestèrent hier à Paris. Il est bien évident que le mouvement devait s’étendre dans les régions à forte densité de population musulmane. C’est ainsi que dans le secteur de Belfort-Montbéliard-Sochaux, les services de police durent endiguer le flot des manifestantes…
Suivant un mot d’ordre général, les musulmanes, se servant de leur progéniture comme ‘‘bouclier’’ se rassemblaient hier matin à Montbéliard, tandis que les services de sécurité du commissariat central de Montbéliard et de la gendarmerie se tenaient en état d’alerte. Venues des quatre coins du pays, des délégations circulaient en ville…»
Nous retiendrons, qu’en organisant en France même les manifestations des femmes émigrées, le Comité Fédéral de la Fédération de France* a entendu notre aspiration à participer directement et sans restriction aucune à l’action. C’est en quoi notre engagement à la lutte était par nature révolutionnaire et porteur de progrès…
Puissent ces quelques témoignages immortaliser toutes les femmes-courage du 20 octobre 61, les sortir à jamais de l’oubli et faire entendre leur voix à nos enfants. Ainsi, il leur sera enfin rendu justice dans l’Histoire de l’Algérie.
Mimi Maziz
Garmia Ferria
Akila Abdelmoumen-Ouared
Malika Benchenouf
Salima Sahraoui-Bouaziz
(Militantes de la Fédération de France du FLN 1954-1962)
*: Omar Boudaoud, Chef de la Fédération de France.
Kaddour Laâdlani, Organisation «Nedham» (Paix à son âme).
Abdelkrim Souissi, Finances et Organisations de masse (Paix à son âme).
Rabah Bouaziz, Organisation Spéciale et Renseignement (Paix à son âme).
Ali Haroun, Presse et Soutien aux détenus.
El Watan, 20 octobre 2010
Le 20 octobre 1961, en réaction à la sauvage répression du 17 octobre à Paris, les Algériennes montent au créneau dans toute la France.
Le déchaînement des forces de police, des CRS, des harkis, le 17 octobre 1961, contre nos manifestants désarmés et pacifiques, avait été prévu par les responsables de l’organisation FLN. La directive du 10 octobre 1961, signée par le responsable fédéral à l’Organisation, Kaddour Laâdlani en témoigne : «Comme il est à prévoir des arrestations ou des internements, il convient de préparer les femmes avec les mots d’ordre suivants : ‘‘A bas le couvre-feu raciste’’, ‘‘Libérations de nos époux et de nos enfants’’, ‘‘Négocier avec le GPRA’’, ‘‘Indépendance totale de l’Algérie’’. La manifestation aura lieu devant la préfecture de police, le troisième ou quatrième jour après le boycott du couvre-feu. A cette occasion, faites votre possible pour faire participer le maximum de femmes algériennes…»
Et comme prévu, à Paris et en Province, elles sortirent et manifestèrent le 20 octobre 1961 ! Consultons sur cet événement quelques-uns des nombreux témoignages collectés à chaud, de manifestantes, de militants missionnés présents sur les lieux et de journalistes.
Ce jour-là, À Paris
Fatma Morsli : (…) «En arrivant à St Michel, nous avons été partagées en deux groupes avec la femme de Ramdhane, Simone Boulanouar. Mme Rahma Boulanouar, sa belle-fille, Yamina, Aïcha et moi, on a été aussitôt appréhendées et ils nous ont séparées… Après ça, j’étais dirigée vers l’hôpital Sainte Anne. Nous n’étions pas battues et maltraitées. C’est un docteur qui nous a fait sortir par une autre porte et nous étions 150 femmes avec leurs enfants».
Oudda Bennaceur : «Nous sommes parties, une sœur et moi de Bobigny, manifester. Nous devions nous rendre au Châtelet. Evidemment, ce ne fut pas tellement facile étant donné que chaque sortie de métro était surveillée par des policiers, leurs armes braquées et vêtus de gilets pare-balles. (…) Ils nous dirigèrent au commissariat de police du 4e. Là, des centaines d’Algériennes nous accueillirent avec des youyous et des cris de : ‘‘Algérie algérienne’’. A ce moment-là, quelques passants s’arrêtaient en entendant nos cris ; deux Françaises parmi la foule applaudirent à nos slogans. Elles furent aussitôt conduites avec nous. De là, ils nous transportèrent dans un bus en direction du 19e en traversant les grandes rues de Paris. Pendant tout le trajet, nous criions de toutes nos forces : ‘‘Algérie algérienne’’, ‘‘Le racisme au poteau’’. Un policier dans le bus, furieux, nous dit : ‘‘Moi, quand je n’aime pas un pays, je ne reste pas chez eux !’’. Je lui ai répondu : ‘‘Nous serions heureuses de vivre dans notre pays libérées de vos colonialistes !’’».
Arrivées à l’hôpital, ils nous enfermèrent dans une salle où nous accueillirent des cris de «Vive l’Algérie algérienne» et des youyous des sœurs déjà parquées comme du bétail dans cette salle. Nous les accompagnons nous aussi dans un chant traditionnel empli de beauté. Alors que les inspecteurs commençaient à entrer pour nous voir, nous recommencions de crier plus fort encore. Nous eûmes l’idée d’écrire sur les murs de la grande salle ceci : ‘‘Algérie algérienne’’, ‘‘Nous voulons notre liberté’’, ‘‘Libérez nos maris’’, etc. A l’heure des repas de midi et du soir, nous avons refusé de manger en leur criant ‘‘Nous voulons notre pays’’ (…) »
Nadira : « (…) Nous devions nous rendre à la manifestation qui devait se dérouler à 12h au Châtelet pour crier tout ce qui nous tenait à cœur depuis tant d’années (…) Là, ont surgi quatre ou cinq agents vêtus de gilets pare-balles. L’un d’eux s’est avancé et nous a demandé nos papiers. Nous lui avons demandé si on pouvait partir, il nous a regardées avec colère et nous a dit : «Pas du tout ! Montez en voiture et en vitesse !» Le car était très grand, plein de nos sœurs de tout âge, célibataires, mariées, mères de famille avec des enfants. Nos sœurs étaient venues de tous les coins. Une sœur s’est précipitée à la porte du car et s’est sauvée ; trois agents accoururent et l’ont rattrapée. L’un d’eux lui a donné un coup de pied et elle l’a insultée et lui a craché à la figure.»
Il y avait des Européens qui nous regardaient sans rien dire. Nous sommes restées une demi-heure dans le car, puis on nous a conduites au commissariat de police du 4e arrondissement. Là, se trouvaient des sœurs qui poussaient des youyous à notre entrée. Nous avons crié ‘‘Vive l’Algérie indépendante ! ‘‘, ‘‘Libérez nos époux et nos frères’’, ‘‘Vive le FLN’’. Au moment du départ, nous avons crié. Il se trouvait trois Européennes sur le trottoir, elles ont applaudi. L’un des agents a fait arrêter l’autobus et ils les ont faites monter avec nous en les insultant… Ils m’ont donné un coup de poing et une gifle à une de mes sœurs. Nous avons mis un foulard à la vitre. Ils l’ont arraché en nous bousculant.
Au feu rouge, les journalistes nous photographièrent. Nous avons cassé les tables, les bancs, les lampes, écrit au rouge à lèvres étant donné que nous n’avions pas de craie. L’inspecteur est venu et a crié : ‘‘Qui a écrit vive le FLN ?’’ Nous lui avons répondu en criant toutes ensemble que c’était nous. Il nous a dit : ‘‘Qui va payer les tables, les bancs, les lampes cassées ?’’ Il nous a dit : ‘‘Moi, si je n’aime pas un pays, je n’y vais pas’’. Nous lui avons répondu que tout notre pays était rempli de postes de colons et qu’une fois qu’ils nous laisseront la place, nous on ira. Il nous a dit : ‘‘On va vous donner votre Algérie, vous casserez des cailloux’’. Nous avons répondu que nous serions très heureuses (…).
Fatma Dehimi : «J’étais responsable de plusieurs sœurs, marchant à l’avant, le drapeau algérien dans ma main. On criait ‘‘Algérie algérienne’’, ‘‘Libérez les détenus’’. Lorsque nous avons été encerclées par plusieurs policiers, je me suis mise à l’avant, avec le drapeau. J’ai griffé des agents. Alors, ils m’ont battue à coups de matraque aux jambes et à l’épaule. Jusqu’à présent, j’ai des marques sur mon corps. Je suis toujours prête pour ma patrie algérienne. Mon mari est emprisonné depuis trois ans au camp de Larzac. J’ai un enfant à ma charge. Vive l’ALN ! Vive le FLN !’’
Raya Daoui : «… Il fallait attendre un autre groupe de femmes qui devaient arriver avec les drapeaux dans un sac. Nous voici donc toutes rassemblées, au total 36 femmes. Aucune peur ne se lisait sur nos visages, bien au contraire, nous allions défendre notre patrie… »
Farida Amghar : «… Nous étions nombreuses, parmi nous, il y en avait de Nanterre, venues à pied, femmes et enfants, de Vermeileu-Parisis, de St-Denis etc. Les agents étaient brusques avec nous. Nous avons entendu des réflexions de toutes sortes. Un agent a bousculé une femme enceinte et nous avons toutes protesté, crié, nous étions courageuses. Les inspecteurs interrogeaient les enfants, leur demandaient : ‘‘Pourquoi êtes-vous venus à Paris ?’’ ‘‘Pour manifester’’, dit un enfant de 8 ans ! Les tout-petits pleuraient, ils n’avaient rien mangé depuis le matin. Quelques femmes avaient des panneaux ‘‘Algérie algérienne’’ ‘‘Libérez nos hommes’’ ‘‘Arrêtez les massacres’’. Ce jour-là était pour nous un jour de lutte pour notre pays. Nous ne regrettons rien de ce que nous avons fait et dit et s’il faut recommencer, nous sommes prêtes, nous les femmes algériennes !’’
Mme Boubekeur : «…Nous sommes descendues du métro, toujours groupées. Au bas de l’escalier, nous avons trouvé trois agents de police. Là, Mme D. et Mme C ont pris le drapeau et l’ont brandi en l’air pour que tout le monde le voit. Malheureusement, toute une armée de gendarmes, policiers, CRS, nous ont barré la route en disant à Mme D. et Mme C : ‘‘Jetez-moi ce chiffon ! ‘‘, en parlant du drapeau ! Ensuite, mitraillette au poing, les policiers nous ont conduites à la prison du 5e arrondissement. Nous étions très nombreuses, mais les policiers aussi, et ils avaient un avantage, ils étaient armés. Nous avons eu quelques bousculades. Nous avons été identifiées et ensuite on nous a laissées un bon moment sans savoir ce qu’ils allaient faire de nous puisqu’ils manquaient de place. Là, nous sommes montées dans des cars policiers, en nous comptant plusieurs fois. Un policier est arrivé avec un kilo de sucre en morceaux pour distribuer aux enfants en attendant de leur donner à manger. Mais personne n’en a voulu».
Rabha Dekar : «… Nous avons pris un taxi jusqu’à Chatelet. Nous avons été arrêtées par la police et nous avons été conduites au poste de police du 4e arrondissement en attendant que l’autobus nous conduise aux hospices. Nous avons crié pendant trois heures ‘‘Vive le FLN ! Algérie algérienne ! Libérez nos maris !’’ etc. Nous avons été conduites à l’hôpital Lariboisière du 10e arrondissement en autobus, en criant et en répétant les mêmes slogans. Nous avons aussi cassé les carreaux, les portes, les tables, on a tout saccagé… »
Zahia Belhocine : «… Ils nous laissèrent à peu près trois quarts d’heure à l’Hôtel de Ville. Après ça, ils commencèrent à trier : les jeunes filles et femmes qui étaient venues seules, d’un côté, les femmes avec enfants, de l’autre. Dans l’autobus qui nous transportait, nous commencions à crier ‘‘Algérie algérienne ! Libérez nos ministres ! A bas le racisme !’’, etc. Toutes les personnes qui se trouvaient sur le boulevard s’arrêtaient pour nous écouter, d’autres sortaient des magasins ou de chez elles. Une jeune fille mit un foulard vert à la fenêtre, en s’apercevant de ça, un CRS nous prit brutalement par les épaules en nous poussant vers le fond de l’autobus… Ce qui m’a beaucoup frappée, ce sont les Françaises, la plupart mariées à des frères, elles criaient comme nous, faisaient du tapage. Les femmes algériennes ont été très courageuses, certaines ont laissé leurs enfants seuls à la maison et sont venues malgré ça !»
Un militant : «Nous avions reçu la directive d’avertir toutes les femmes de se rendre devant les portes de la préfecture de police le vendredi à 12h. Toutes celles prévenues dans la nuit se sont rendues à l’heure prévue. Celles qui n’ont pas pu être touchées et avoir communication de l’horaire ne sont pas parties. Pour le moment, aucune n’est signalée qui, prévenue, n’a pas participé. Nous pouvons donc considérer qu’elles sont toutes révolutionnaires et ont toutes participé à la manifestation… La police a demandé aux Algériennes : ‘‘Etes-vous venues sous la menace du FLN ?’’, réponse : ‘‘Nous sommes venues parce que vous avez arrêté nos maris. Nous voulons qu’ils soient libérés ou nous les rejoindrons ! ‘‘ La police a répondu : ‘‘La prochaine fois, vous serez cueillies par les harkis !’’».
Le Monde du 21 octobre 1961 : «Vendredi matin, place de l’Hôtel de Ville et dans d’autres quartiers de Paris, des femmes musulmanes ont tenté de manifester contre le couvre-feu. Vendredi, à la fin de la matinée, une manifestation de femmes musulmanes s’est déroulée place de l’Hôtel de Ville pour protester contre le couvre-feu et les arrestations en masse des travailleurs algériens… Dans d’autres quartiers, à la périphérie de Paris, des femmes musulmanes ont également tenté de se rassembler dans la matinée. Elles ont été conduites en car dans les commissariats. » Le Monde du 22 et 23 octobre 1961 : «Un millier de femmes souvent accompagnées d’enfants ont été appréhendées à Paris»
L’Express du 26 octobre 1961 : (Reportage de Jean CAU). «… Ces derniers jours, je n’ai vu que des visages désertés par le sourire, des yeux tuméfiés, des dos bleuis à coups de crosse ; je n’ai entendu que des récits où revenaient, en litanie, les mêmes mots : rafles, coups, tortures, disparitions, assassinats. Pour monter les étages, le gosse frottait des allumettes… Ils m’ont fait asseoir. La mère, cinquante-et-un ans, qui était dans le lit, s’est excusée. Elle ne pouvait pas bouger à cause de son dos qui était tout bleu. Mais je voyais son visage violet et noir, avec un œil - l’œil gauche - gonflé comme un œuf et dont la cornée était rouge vif. ‘‘Le docteur il a dit que l’œil était mauvais et que je perdrai la vue de ce côté’’. Les deux fils se taisent. Le père regarde sa femme. Elle me dit qu’elle était allée manifester «parce qu’on nous tue trop et parce que maintenant on doit rester dans la maison comme des rats».
Elle défilait avec sa fille et l’un de ses fils, lorsque ce fut la charge. – ‘‘Un policier, il a mis son revolver sur ma fille…’’ Elle est intervenue. Un autre policier l’a jetée à terre et elle a reçu une volée de gifles, des coups de matraque. On les a jetées elle et sa fille dans le car. ‘‘Là, les policiers m’ont tordu le bras, regarde… et ils me criaient : ‘‘Salope ! On te crèvera, on te videra comme un lapin. Dis ‘‘Algérie française ! Salope !’’. Et il m’a dit des choses que je ne peux pas répéter. Alors, moi j’ai crié : ‘‘Vive l’Algérie indépendante ! Vive mes frères’’. Et j’ai dit au policier : ‘‘tu peux me tuer si tu veux, mais je ne dirai pas autre chose !’’».
On l’a jetée dans le commissariat du Val de Grâce. Sous ses yeux, sa fille a attrapé une dégelée de coups de pieds dans le ventre. Dans la nuit, on l’a jetée sur la chaussée. Elle a réclamé sa fille. Les policiers ont levé leurs matraques. Titubant, se traînant, elle se demande comment elle a pu rentrer chez elle. «Et votre fille ?». «Elle n’est pas revenue. Y a trois jours et elle n’est pas revenue».
Forbach (Est) : (La responsable locale de la Section des femmes de la Fédération de France du FLN) : «Nous avons mis à exécution les décisions prises par l’organisation de faire du 20 octobre 1961 une journée de manifestation de nos sœurs accompagnées de leurs enfants. Nous avons mis l’ensemble de notre effectif féminin en état d’alerte. Les moyens de locomotion, les itinéraires à suivre et l’acheminement des banderoles se sont bien effectués et nous n’avons eu aucune difficulté à signaler dans ces domaines.
Sur chacune des banderoles, faites en double, nous avons inscrit les slogans suivants :
A bas les mesures racistes
Libération de nos époux et de nos enfants
Indépendance totale de notre pays
Négociations avec le GPRA
L’effectif des femmes mis en mouvement est de 353 et celui des enfants de 175, qui ont accompagné leurs mères. Arrivées sur les lieux (à partir de deux endroits différents pour atteindre la sous-préfecture de Forbach), des policiers et des gendarmes leur ont arraché les banderoles. Dans une voiture, des policiers, dont un inspecteur leur disaient : ’’Rentrez chez vous !’’. Les sœurs continuaient de marcher en lançant des youyous. Les gendarmes en nombre important pourchassaient les femmes tandis que les enfants pleuraient. Dispersées, nos sœurs se sont de nouveau réorganisées à Stiring, en revenant avec de nouvelles banderoles qu’elles ont récupérées et des morceaux de bois pour les tendre. Ensuite, deux autres groupes arrivèrent. A ce moment, la sous-préfecture était protégée d’une barrière en grilles, barrant les deux rues qui y donnent accès.
Des heurts ont été provoqués par l’arrivée des CRS et des pompiers. Ces derniers n’ont pas utilisé de jets d’eau, par contre les gendarmes mobiles et les CRS ont procédé à des brutalités sur les femmes en utilisant leurs bâtons et en frappant les femmes aux bras pour leur faire lâcher les banderoles. Nos sœurs refoulées dans le centre de la ville ont bloqué la circulation dans toutes les artères importantes. Et de nouveau elles se sont réorganisées avec les groupes revenant de Stiring et ont marché sur la ville. Les gendarmes et les CRS ont été débordés. Ils ont procédé à des brutalités et à 10 arrestations…»
Rouen (Ouest) : un militant : «Le jour de la manifestation, la police était en alerte depuis 8h du matin, soit les gendarmes, les CRS, la police et la DST. Des barrages ont été installés avec des herses à chaque entrée de la ville de Rouen. Toute voiture, bus et camion compris, est arrêté pour vérification d’identité de chaque passager, quelle que soit sa nationalité. Même chose pour les passantes et les passants. Les Françaises poursuivent leur chemin, les Algériennes sont arrêtées et conduites à la Centrale et à la caserne St.Severt.
Une Française n’a pas répondu aux sommations de la police, celle-ci a tiré des rafales de mitraillette, crevant les pneus de la voiture. Après le scandale qu’elle a fait à la police, la Française a été conduite au poste et relâchée le soir. Les femmes françaises qui sont sorties avec leurs gosses pour faire leurs courses ont été arrêtées pour vérification d’identité et refoulées vers leur maison sans pouvoir se rendre là où elles allaient. Les femmes françaises mariées aux nôtres et les Algériennes qui se sont fait arrêter à 2 ou 3 sont vérifiées et refoulées vers leur domicile tout en s’entendant dire : ‘‘Si on vous revoit dehors, vous savez où c’est qu’on va vous mettre !’’ »…
«Enfin, à midi, les femmes suivent l’ordre donné. 174 femmes de Rouen, Vernon, Evreux, Aissel et les banlieues de Rouen se sont rendues au centre de Rouen pour manifester. Une quarantaine de manifestantes ont réussi à joindre la place de l’Hôtel de Ville et ont déployé les banderoles. La police les a arrêtées toutes et conduites au Central où elle a procédé aux vérifications d’identité et des domiciles. Elles ont été retenues jusqu’à 15 heures. Au Central de police, les sœurs ont crié les slogans inscrits sur les banderoles…»
Mézières (Nord) : une
Militante : «Le 20 octobre, après de brèves délibérations avec le commissaire, celui-ci autorisa deux sœurs à se rendre à la Préfecture. Nous avons tout d’abord protesté, notre dessein était de nous y rendre toutes ensemble. Par la suite, vu la résistance que nous rencontrâmes, deux sœurs se rendirent en délégation à la Préfecture. Là, elles exposèrent les motifs et le but que nous voulions atteindre par ces manifestations. Elles remirent une lettre au Préfet dans laquelle nous avons exposé les motifs suivants :
La reprise des négociations immédiates avec notre gouvernement, le GPRA, lequel a le soutien et la confiance du peuple algérien.
La libération des 5 frères ministres internés à Turquant : Aït Ahmed, Ben Bella, Bitat, Boudiaf, Khider
D’autre part, nous avons tenu à protester contre : les arrestations massives de ces derniers jours, arrestations que ne peuvent justifier les sentiments nationalistes exprimés par tous. Les sévices et les tortures dont sont victimes de nombreux frères et sœurs incarcérés. Nous exigeons la libération de nos maris à qui l’on ne peut reprocher que d’avoir exprimé avec force des sentiments nationalistes. Après la lecture de notre lettre, le Préfet exprima son ignorance des sévices et tortures auxquels nous faisions allusion.
Quant au déroulement des manifestations, tout se passa dans un calme relatif. La volonté des sœurs a été nette malgré l’opposition des policiers, les slogans et les drapeaux firent leur apparition sur le quai et aux portières de l’autorail. Le voyage ne passa donc pas inaperçu et il semble que la majorité de la population française approuve nos manifestations. «Le Préfet a été impressionné par la justesse de la cause défendue par nos sœurs et la détermination mise par elles pour remplir leur mission ; celui-ci, ancien avocat, prétend comprendre le droit des hommes et des femmes de notre peuple à disposer d’eux-mêmes dans le respect et la dignité »…
«Pour ce qui est des Français, tous ont admis qu’une démonstration faite par des femmes, accompagnées de leurs enfants, ne peut être le fait de la peur ou du hasard, mais bien la preuve que notre peuple a atteint une maturité et une solidarité à toute épreuve ; que rien ne détourne ou n’empêche un tel peuple d’atteindre son objectif. Qu’une paix épargnera des vies humaines, surtout celle de leurs propres enfants qui meurent pour une cause injustifiée».
Lille (Nord) : (un militant) : «L’ordre a été largement suivi puisqu’une grande majorité a participé ce jour-là. Malgré la mobilisation de toute la police et des CRS, cela n’a pas empêché nos sœurs, parfois accompagnées de leurs époux, de descendre dans la rue. Dans la localité de Tourcoing, plus de 650 femmes et enfants sont sortis dans la rue avec des pancartes sur lesquelles sont inscrits les slogans reçus. Plusieurs dizaines ont pu rejoindre la préfecture de Lille où la population du quartier de Wazemie les attendait. Des commerçants européens ont même fermé un moment leur boutique en voyant arriver les manifestantes. Quant aux autres sœurs de Tourcoing et de Roubaix, qui n’ont pu franchir les barrages de police, elles ont manifesté à plusieurs centaines dans les rues des localités et sur la place de la ville, devant la centrale de police, ce qui a occasionné plus de 500 arrestations !»
Pas De Calais (Nord) : (un militant) : «Plus de 200 femmes accompagnées de leurs enfants se sont mises en route pour aller manifester à Arras, avec des banderoles préparées à l’avance. Mais là aussi, les policiers les ont arrêtées en cours de route par des barrages établis aux arrêts d’autocars et sur l’autoroute…»
L’Humanité du 21 octobre 1961 : «Manifestations dans plusieurs villes de l’Est».
A Thionville : une cinquantaine de femmes, portant leurs enfants dans les bras, ont défilé dans les rues principales se dirigeant vers la sous-préfecture. Devant les grilles du bâtiment, elles ont poussé des youyous et brandi des banderoles. Elles ont été arrêtées et conduites au commissariat.
A Longwy : une manifestation s’est déroulée avec la participation d’une soixantaine de femmes.
A Metz : on signale une autre manifestation de femmes.
A Mulhouse : une centaine de femmes se sont formées en cortège pour manifester devant la sous-préfecture, tandis qu’à Charleville une cinquantaine d’Algériennes, accompagnées de leurs enfants sont arrivées en gare afin de se rendre à la préfecture de Mezieres. Les policiers les ont enfermées dans la salle d’attente de la gare. Au moment de leur embarquement, elles ont manifesté en poussant des youyous et en scandant «Algérie Algérienne !». Deux manifestations se sont déroulées hier après-midi à Forbach, entre 12h et 14h30. La première a rassemblé 350 femmes avec leurs enfants. Elles se sont dirigées vers la sous-préfecture en poussant des youyous. Peu après 14h, un second groupe d’une centaine de femmes s’est dirigé vers l’usine Stiring-Wendel.
A Belfort et A Montbéliard : Cris hostiles et youyous ont scandé les manifestations des musulmanes hier matin à Belfort et à Montbéliard :
«Répondant aux ordres donnés par le GPRA, les Nord-Africains et surtout leurs épouses et leurs enfants manifestèrent hier à Paris. Il est bien évident que le mouvement devait s’étendre dans les régions à forte densité de population musulmane. C’est ainsi que dans le secteur de Belfort-Montbéliard-Sochaux, les services de police durent endiguer le flot des manifestantes…
Suivant un mot d’ordre général, les musulmanes, se servant de leur progéniture comme ‘‘bouclier’’ se rassemblaient hier matin à Montbéliard, tandis que les services de sécurité du commissariat central de Montbéliard et de la gendarmerie se tenaient en état d’alerte. Venues des quatre coins du pays, des délégations circulaient en ville…»
Nous retiendrons, qu’en organisant en France même les manifestations des femmes émigrées, le Comité Fédéral de la Fédération de France* a entendu notre aspiration à participer directement et sans restriction aucune à l’action. C’est en quoi notre engagement à la lutte était par nature révolutionnaire et porteur de progrès…
Puissent ces quelques témoignages immortaliser toutes les femmes-courage du 20 octobre 61, les sortir à jamais de l’oubli et faire entendre leur voix à nos enfants. Ainsi, il leur sera enfin rendu justice dans l’Histoire de l’Algérie.
Mimi Maziz
Garmia Ferria
Akila Abdelmoumen-Ouared
Malika Benchenouf
Salima Sahraoui-Bouaziz
(Militantes de la Fédération de France du FLN 1954-1962)
*: Omar Boudaoud, Chef de la Fédération de France.
Kaddour Laâdlani, Organisation «Nedham» (Paix à son âme).
Abdelkrim Souissi, Finances et Organisations de masse (Paix à son âme).
Rabah Bouaziz, Organisation Spéciale et Renseignement (Paix à son âme).
Ali Haroun, Presse et Soutien aux détenus.
MO2014- Messages : 1287
Date d'inscription : 02/09/2014
Re: Algérie 1830-1962
Il y a tout de même eu aussi des débrayages et manifs organisés par le PCF et la CGT, même si cela n'a pas eu l'ampleur de la réaction qui a suivi le massacre de Charonne.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Octobre 61, Papon pousuit son "métier" de tueur!
de rouge MIDI
Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers d’Algériens manifestaient pacifiquement à Paris contre le couvre feu discriminatoire qui leur avait été imposé par Maurice Papon, préfet de police de Paris. Ce même Maurice Papon, qui sera condamné en 1998 pour crime contre l’humanité dans la déportation de Juifs bordelais entre 1942 et 1944, quand il était secrétaire général de la préfecture de Gironde.
Ce 17 octobre 1961, les manifestants algériens défendaient leur droit à l’égalité, leur droit à l’indépendance et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Des centaines perdirent la vie, victimes d’une violence et d’une brutalité extrême des forces de police.
La France n’a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les guerres coloniales qu’elle a menées, - en particulier la Guerre d’Algérie - non plus que dans le cortège de drames et d’horreurs qu’elles ont entraînés, comme ce crime d’Etat que constitue le 17 octobre 1961.
En 2014, un collectif d’associations et de structures anticolonialistes, a lancé l’appel du 17 octobre 2014. Ce texte note qu’en 2013, le Président de la République a fait un premier pas important, en déclarant : "Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes."
Mais le terme de crime n’est pas utilisé et les responsabilités ne sont pas clairement définies alors que certains ne se gênent pas pour évoquer les "bienfaits de la colonisation", célébrer le putsch des généraux à Alger contre la République et rendre hommage aux les criminels de l’OAS.Reconnaître et condamner le crime
Pour les associations et mouvements signataires de l’appel du 17 octobre 2014, après un demi-siècle, il est temps que :
- - « le Président de la République, au nom de la France, confirme, par un geste symbolique, la reconnaissance et la condamnation de ce crime d’état ;
- - la Fondation pour la Mémoire de la Guerre d’Algérie soit redéfinie sur des bases totalement différentes ;
- - l’Etat français reconnaisse sa responsabilité dans l’internement arbitraire, pendant la Guerre d’Algérie, d’Algériens dans des camps ;
- - l’Etat français reconnaisse sa responsabilité dans l’abandon des harkis, les massacres et l’enfermement dans les camps en France en 1962 ;
- - la liberté d’accès aux archives soit effective pour tous, historiens et citoyens ;
- - la recherche historique sur ces questions soit encouragée, dans un cadre franco-algérien, international et indépendant ;
- - La vérité doit être dite sur l’organisation criminelle de l’OAS que certains, au sein de l’ancienne majorité présidentielle sarkozyste ont voulu réhabiliter.
Dans cet esprit, elles organisent à Marseille, Toulon et La Ciotat une série de manifestation du 16 au 25 octobre.Un film unique
Le Cercle Manouchian, la FRACHI, l’Espace Franco-algérien Paca-Méditerranée, l’Association nationale des Pieds Noirs progressistes et leurs amis et Rouges Vifs 13, tous signataires proposent le filmOctobre à Paris, de Jacques Panijel.
Le vendredi 24 octobre à 20 heures au CRDP
(Accueil à partir de 18 h/ collation possible)
31, Bd d’Athènes 13001
Et le samedi 25 octobre à 16 heures (accueil à partir de 15h)
Au siège de Rouges Vifs 13
9 rue Saint-André 13014 Marseille
Dans les mois qui suivent les massacres d’octobre 1961, Jacques Panijel, biologiste, membre du comité Maurice Audin, met en scène une reconstitution du quotidien des Algériens : la vie dans les bidonvilles de Nanterre et Gennevilliers, les arrestations, le centre de torture du 28 rue de la Goutte d’or. Il fait jouer, par ceux qui en avaient été les acteurs et sur les lieux mêmes, la préparation et le départ de la manifestation du 17 octobre, évoquée par un montage d’archives, photos et images filmées. Puis des témoignages : la caméra refait le trajet de ceux qui ont été arrêtés, battus, jetés à la Seine.
Les copies sont saisies dès sa sortie et le film n’obtiendra un visa de censure qu’en 1973, après une grève de la faim du cinéaste René Vautier (Avoir 20 ans dans les Aurès, 1972).
En 1981, des promesses de diffusion à la télévision restent sans suite. Aujourd’hui encore les copies dispersées d’Octobre à Paris sont quasiment invisibles.Continuité des luttes
La projection de ce film unique par son histoire et par sa force, sera suivie d’un débat animé par Francis Arzalier, historien, essayiste, spécialiste de la période coloniale.
Seront également présents Salika Amara, présidente de Filles et Fils de la République, et fondatrice de la troupe de théâtre de femmes "Kahina" et Mogniss H. Abdallah, écrivain, réalisateur et producteur, auteur d’une étude sur le traitement médiatique du 17 octobre 1961.
Comme le précise l’Appel du 17 octobre 2014, « Cette commémoration ne vise pas uniquement à parler du passé. Force est de constater que les comportements colonialistes perdurent dans la France du 21ème siècle. Par exemple, lors des révoltes de 2005, le gouvernement n’a pas hésité à instaurer un couvre-feu.
Il y a une continuité évidente dans les luttes anticoloniales de cette époque et les luttes actuelles de l’immigration, c’est le combat pour l’égalité des droits dans tous les domaines. En 2015 le 70ème anniversaire des massacres de Sétif, le 8 mai 45, sera l’occasion de continuer la lutte, mobilisons-nous dès maintenant, prenons de multiples initiatives pour faire cesser le silence. N’oublions pas que la plaque commémorant ces massacres, qui a été posée en juin 2013, a disparu sans aucune réaction sérieuse des autorités. »
A.C33- Messages : 84
Date d'inscription : 18/07/2014
Re: Algérie 1830-1962
Ce disait Voix Ouvrière dans le premier numéro de LdC qui a suivi le massacre du 17 octobre 1961, à propos du comportement de la gauche française:
http://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-1960-1963/article/ceux-qui-laissent-faire
http://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-1960-1963/article/ceux-qui-laissent-faire
Or ces jours derniers, le FLN avait fait appel à la gauche française pour le 1er novembre. Aucune des grandes organisations n’a répondu. Plus, les pourparlers entre les centrales syndicales ont eu lieu en secret jusqu’au 30 octobre où leurs U.D. de la Seine ont publié un communiqué commun, faisant savoir « qu’ils déclencheraient une réaction immédiate de l’ensemble des travailleurs de la région parisienne au cas d’une répression policière (analogue à celle du I7 octobre). »
Que Monsieur Papon et sa police doivent trembler ! Non seulement les organisations en question n’ont même pas discuté de la possibilité d’une manifestation commune le 1er novembre, (et pas le 31 octobre comme l’a fait le PCF juste assez timidement pour que cela passe inaperçu) mais même, elles ont craint de rendre publics leurs contacts, afin de ne pas risquer d’être contraintes à faire plus.
C’est dans ces circonstances que l’on peut mesurer jusqu’où va le prétendu radicalisme de formations comme l’UNEF ou le PSU. Elles ne pouvaient guère organiser de manifestations à elles toutes seules, mais elles auraient pu au moins mettre en demeure les partis ouvriers et les centrales syndicales ouvrières à ce propos.
Les étudiants du PSU doivent manifester, mais le PSU s’est abstenu.
On ne peut que citer « France -Nouvelle » hebdomadaire central du PCF de cette semaine : « Quand le préfet Papon, arguant des « mesures spéciales » qu’il a prises, se montre fier du bilan « technique » des opérations répressives de ce mardi soir : 11 500 arrestations en deux heures, les Français comprennent fort bien ce qui est en cause : c’est leur propre sort. Car il n’est pas douteux qu’à l’occasion d’une manifestation syndicale ou autre, pour les libertés ou la défense du droit de grève, le même Papon et sa police ne répugneraient nullement à faire d’eux les bénéficiaires d’une technique qui permet de jeter en prison plus de 5 000 manifestants ou grévistes à l’heure ! ».
Or, les organisations ouvrières avaient là en ce premier novembre, l’occasion de briser, au moins pour un temps, l’appareil répressif de la bourgeoisie. Les organisations ouvrières pouvaient, dans ces circonstances, mobiliser facilement, étant donné l’état d’esprit de la population ouvrière et d’un grand nombre d’autres couches de la population, plusieurs milliers sinon plusieurs dizaines de milliers de manifestants qui se seraient ajoutés aux quelques dizaines de milliers d’Algériens, qu’en de semblables circonstances le FLN a prouvé être capable de regrouper.
Là, les avertissements à la police auraient eu une valeur. Là, les organisations auraient pu dire à Papon et son cheptel qu’elles ne toléreraient aucune violence. Là seulement, cette police aurait pu craindre de voir se retourner contre elle la chasse au faciès ! Mais, malheureusement pour la classe ouvrière française, les organisations de gauche ont à leur tête des dirigeants vénaux, renégats ou traîtres qui ont de commun l’hypocrisie, quand ce ne sort pas simplement de « pauvres CAU » !
Dinky- Messages : 400
Date d'inscription : 02/12/2013
Re: Algérie 1830-1962
Cet article de VO (future LO) que je ne connaissais pas appelle plusieurs commentaires.
-Est-ce le seul article de VO de l'époque sur le 17 octobre ? Si c'est le cas, VO semble avoir été très mal informée - comme l'étaient d'ailleurs la plupart des militants -, puisqu'il n'évoque pas le massacre.
-La critique de l'UNEF me semble excessive. A l'époque l'UNEF organisait presque toutes les semaines des manifs contre la guerre d'Algérie, qui étaient interdites et se terminaient par des tabassages et arrestations.
Si j'ai bonne mémoire, une des rares manifs qui ont suivi cette tuerie a été organisée par l'UNEF. Tout au long de la guerre, l'UNEF a été en pointe dans la protestation contre la guerre d'Algérie.
-Est-ce le seul article de VO de l'époque sur le 17 octobre ? Si c'est le cas, VO semble avoir été très mal informée - comme l'étaient d'ailleurs la plupart des militants -, puisqu'il n'évoque pas le massacre.
-La critique de l'UNEF me semble excessive. A l'époque l'UNEF organisait presque toutes les semaines des manifs contre la guerre d'Algérie, qui étaient interdites et se terminaient par des tabassages et arrestations.
Si j'ai bonne mémoire, une des rares manifs qui ont suivi cette tuerie a été organisée par l'UNEF. Tout au long de la guerre, l'UNEF a été en pointe dans la protestation contre la guerre d'Algérie.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Algérie 1830-1962
il suffisait d'aller regarder sur le site de Lutte Ouvrière, les VO de l'époque y sont reproduites. Le numéro du 17 octobre ne parle évidemment pas de la manif, mais le suivant, daté du 31 en parle largement. C'est l'article reproduit, dont le début manquait, ce qui a permis à Vérié de faire une critique hâtive et paresseuse... Je le rétablis donc in extenso, pour éviter les interprétations trop rapides.
Les numéros suivants sont encore plus explicites, encore plus critiques vis-à-vis du PCF et du faux radicalisme du PSU (dont le courage des jeunes est salué). Rappelons que les tracts dont ce petit journal est le reflet étaient à l'époque la seule presse publique distribuée aux portes des entreprises, avec bien des difficultés et malgré l'opposition (physique) des staliniens. La section de IV (les ancêtres de la LCR et du NPA) se refusaient à le faire.
Les numéros suivants sont encore plus explicites, encore plus critiques vis-à-vis du PCF et du faux radicalisme du PSU (dont le courage des jeunes est salué). Rappelons que les tracts dont ce petit journal est le reflet étaient à l'époque la seule presse publique distribuée aux portes des entreprises, avec bien des difficultés et malgré l'opposition (physique) des staliniens. La section de IV (les ancêtres de la LCR et du NPA) se refusaient à le faire.
Ceux qui laissent faire
On ne saurait dire ce qui, de la manifestation algérienne du I7 octobre à Paris ou de sa répression par une police aussi lâche que scélérate, a le plus bouleversé l’opinion. En tous cas la presse, au moins celle qui se prétend de gauche, a découvert pour ses lecteurs le monde quotidien, fait de souffrances, de misère et d’insécurité, des Algériens de Paris. L’Humanité, France-Nouvelle, l’Observateur, l’Express, Libération promènent leurs lecteurs dans les bidonvilles. On décrit enfin. On parle enfin. On cite enfin les témoignages de ceux qui y vivent journellement : la terreur policière, les rescapés de la rafle et de la Seine. Certains même, emportés par leur vertueuse indignation, vont jusqu’à traiter leurs lecteurs de « pauvres cons ». (Jean Cau - Express du 26 octobre).
Oui, lecteurs, nous disent-ils, tout cela existe et vous le tolérez.
Mais si les lecteurs de cette presse ont toléré cela jusqu’à présent, pourquoi cette même presse a-t-elle attendu le 17 octobre pour manifester... son indignation. Elle l’a fait ? Si peu !
Or ces jours derniers, le FLN avait fait appel à la gauche française pour le 1er novembre. Aucune des grandes organisations n’a répondu. Plus, les pourparlers entre les centrales syndicales ont eu lieu en secret jusqu’au 30 octobre où leurs U.D. de la Seine ont publié un communiqué commun, faisant savoir « qu’ils déclencheraient une réaction immédiate de l’ensemble des travailleurs de la région parisienne au cas d’une répression policière (analogue à celle du I7 octobre). »
Que Monsieur Papon et sa police doivent trembler ! Non seulement les organisations en question n’ont même pas discuté de la possibilité d’une manifestation commune le 1er novembre, (et pas le 31 octobre comme l’a fait le PCF juste assez timidement pour que cela passe inaperçu) mais même, elles ont craint de rendre publics leurs contacts, afin de ne pas risquer d’être contraintes à faire plus.
C’est dans ces circonstances que l’on peut mesurer jusqu’où va le prétendu radicalisme de formations comme l’UNEF ou le PSU. Elles ne pouvaient guère organiser de manifestations à elles toutes seules, mais elles auraient pu au moins mettre en demeure les partis ouvriers et les centrales syndicales ouvrières à ce propos.
Les étudiants du PSU doivent manifester, mais le PSU s’est abstenu.
On ne peut que citer « France -Nouvelle » hebdomadaire central du PCF de cette semaine : « Quand le préfet Papon, arguant des « mesures spéciales » qu’il a prises, se montre fier du bilan « technique » des opérations répressives de ce mardi soir : 11 500 arrestations en deux heures, les Français comprennent fort bien ce qui est en cause : c’est leur propre sort. Car il n’est pas douteux qu’à l’occasion d’une manifestation syndicale ou autre, pour les libertés ou la défense du droit de grève, le même Papon et sa police ne répugneraient nullement à faire d’eux les bénéficiaires d’une technique qui permet de jeter en prison plus de 5 000 manifestants ou grévistes à l’heure ! ».
Or, les organisations ouvrières avaient là en ce premier novembre, l’occasion de briser, au moins pour un temps, l’appareil répressif de la bourgeoisie. Les organisations ouvrières pouvaient, dans ces circonstances, mobiliser facilement, étant donné l’état d’esprit de la population ouvrière et d’un grand nombre d’autres couches de la population, plusieurs milliers sinon plusieurs dizaines de milliers de manifestants qui se seraient ajoutés aux quelques dizaines de milliers d’Algériens, qu’en de semblables circonstances le FLN a prouvé être capable de regrouper.
Là, les avertissements à la police auraient eu une valeur. Là, les organisations auraient pu dire à Papon et son cheptel qu’elles ne toléreraient aucune violence. Là seulement, cette police aurait pu craindre de voir se retourner contre elle la chasse au faciès ! Mais, malheureusement pour la classe ouvrière française, les organisations de gauche ont à leur tête des dirigeants vénaux, renégats ou traîtres qui ont de commun l’hypocrisie, quand ce ne sort pas simplement de « pauvres CAU » !
ottokar- Messages : 196
Date d'inscription : 09/07/2010
Re: Algérie 1830-1962
C'est tout de même très elliptique pour évoquer ce massacre !Extrait du début manquant de l'article de VO :
On cite enfin les témoignages de ceux qui y vivent journellement : la terreur policière, les rescapés de la rafle et de la Seine.
D'une part, je ne pouvais pas deviner que le début manquait, d'autre part je ne critiquais pas, je demandais s'il s'agissait du seul article sur le sujet !Ottokar
L'article reproduit, dont le début manquait, ce qui a permis à Vérié de faire une critique hâtive et paresseuse... Je le rétablis donc in extenso
Donc, je repose la question. Comment se fait-il que VO n'évoque pas les nombreuses victimes ? Peut-être les militants de VO ignoraient-ils l'ampleur du massacre ? Ou alors craignaient-ils la censure ?
__
Je précise que, pour ma part, alors militant du PCF, je n'ai connu que bien plus tard cette ampleur. Des bruits couraient, notamment sur des atrocités dans les commissariats et la cour de la préfecture, rapportés discrètement par des policiers CGT et sympathisants du PCF - ça existait encore à l'époque.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Algérie 1830-1962
Cette attaque est un peu hors sujet. On peut sans doute reprocher pas mal de choses à la IV, notamment son opportunisme vis à vis du stalinisme et des mouvements nationalistes, mais ses militants ont eu le courage de sauver l'honneur du mouvement ouvrier de France en procurant (avec d'autres, notamment des dissidents du PCF) une aide matérielle à la lutte de libération du peuple algérien.Ottokar
Rappelons que les tracts dont ce petit journal est le reflet étaient à l'époque la seule presse publique distribuée aux portes des entreprises, avec bien des difficultés et malgré l'opposition (physique) des staliniens. La section de IV (les ancêtres de la LCR et du NPA) se refusaient à le faire.
Au passage rappelons que cette célèbre inscription a été tracée par Jean-Michel Mension, alias Alexi Violet son nom de plume dans Rouge, qui était alors militant de la IV et "entriste" au PCF.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Algérie 1830-1962
Sauf que ce n'est ni une question de courage -il en fallait, sans aucun doute, il en faut, pour mille choses...-, ni une question de "sauver l'honneur", ni quoi que ce soit du genre. C'est très bien d'être capable d'improviser une fabrique de fusils dans le désert, mais il y avait peut-être d'autres priorités. Comment s'adresser politiquement, directement, aux travailleurs en France, dans les entreprises, dans le contexte de la guerre d'Algérie, d'une crise politique tout de même importante, avec les staliniens, le FLN et le MNA (les ancêtres du NPA ayant choisi les premiers, les ancêtres du POI les seconds...) à organiser une fraction des travailleurs algériens sur des bases nationalistes mais aussi, notamment, à s'entre-tuer, etc. ?
Certains se sont posés le problème de s'adresser directement aux travailleurs dans les entreprises, et pas seulement par rapport à la guerre d'Algérie, bien sûr, et ils l'ont, à leur toute petite échelle, en partie résolu... LO a d'ailleurs édité un recueil des éditos de VO pendant la guerre d'Algérie, qui est intéressant du point de vue des positions politiques, de ce que LO pouvait dire alors aux travailleurs (notamment si on compare un instant à ce que disait le PC), etc. Maintenant bien sûr cela n'a existé qu'a une échelle réduite, sans influence sur quoi que ce soit. D'autres organisations, pourtant plus fortes, ont refusé de poser concrètement le problème de s'adresser directement aux travailleurs dans les entreprises.
Certains se sont posés le problème de s'adresser directement aux travailleurs dans les entreprises, et pas seulement par rapport à la guerre d'Algérie, bien sûr, et ils l'ont, à leur toute petite échelle, en partie résolu... LO a d'ailleurs édité un recueil des éditos de VO pendant la guerre d'Algérie, qui est intéressant du point de vue des positions politiques, de ce que LO pouvait dire alors aux travailleurs (notamment si on compare un instant à ce que disait le PC), etc. Maintenant bien sûr cela n'a existé qu'a une échelle réduite, sans influence sur quoi que ce soit. D'autres organisations, pourtant plus fortes, ont refusé de poser concrètement le problème de s'adresser directement aux travailleurs dans les entreprises.
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