Ukraine
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Les protestations en Ukraine: regarder sans voir.
http://blogs.mediapart.fr/blog/anna-colin-lebedev/310114/les-protestations-en-ukraine-regarder-sans-voir
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Ukraine : un pourrissement explosif
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article30991
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Crise économique en graphiques
http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/02/07/economie-la-crise-ukrainienne-en-trois-graphiques_4361751_3234.html
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Les enjeux de la confrontation en Ukraine
Les protestations de masse qui ont leur centre sur la place principale de la capitale ukrainienne de Kiev ont survécu aux diverses tentatives du gouvernement pour les réprimer par la violence tout au long du mois de janvier. Les deux camps sont depuis lors engagés dans de grandes manœuvres alors qu’approchent de nouvelles confrontations.
http://www.avanti4.be/analyses/article/les-enjeux-de-la-confrontation-en-ukraine
http://www.avanti4.be/analyses/article/les-enjeux-de-la-confrontation-en-ukraine
Antonio Valledor- Messages : 160
Date d'inscription : 01/06/2012
Re: Ukraine
Ilya Budraitskis : Ukraine’s Protest Movement: Is a ‘Left Sector’ Possible?
sylvestre- Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010
Re: Ukraine
L’Ukraine ébranlée
Philippe Alcoy
Source: http://www.ccr4.org/L-Ukraine-ebranlee
Secouée depuis plusieurs mois par une forte contestation dans les rues des principales villes du pays, l’Ukraine vit la crise la plus aiguë depuis son indépendance formelle en 1991. Au-delà de ce qu’affirmait la presse impérialiste, le mécontentement populaire répond à des causes bien plus profondes que de simples « aspirations européennes ». En effet, la dégradation des conditions de vie et les humiliations constantes depuis plus de vingt ans d’un régime politique complètement corrompu, sont les éléments fondamentaux qui permettent de comprendre cette explosion sociale.
L’élément déclencheur des mobilisations contre le gouvernement de Viktor Ianoukovitch a été son refus, à la dernière minute, de signer un accord d’association avec l’Union Européenne (UE) préférant signer un accord avec la Russie, fin novembre 2013. Immédiatement après, des milliers de personnes ont manifesté dans les rues de Kiev. Au début, c’est l’exigence de reprise des négociations avec l’UE qui fut mise en avant par les manifestants ; certains dirigeants impérialistes comme la déléguée aux affaires étrangères de l’UE, Catherine Ashton, et l’ancien candidat à l’élection présidentielle des Etats-Unis, le sénateur républicain John McCain, se mêlant même aux manifestants sur la Place de l’Indépendance (Maïdan). Cependant, au fur et à mesure des semaines, le ton allait changer, les revendications « pro-UE » allaient commencer à laisser la place à une contestation de la répression d’Etat et, plus en général, du régime instauré depuis la chute de l’URSS et de l’indépendance formelle du pays.
Ce sont notamment les lois anti-manifestations votées d’une façon plus que controversée par le Parlement le 16 janvier dernier qui ont marqué un tournant dans la radicalisation des manifestations et des affrontements avec les forces répressives de l’Etat. En effet, ces lois introduisaient « un certain nombre de restrictions aux libertés d’expression, d’assemblée et de manifestation, assorties de lourdes amendes et peines de prison. Des sanctions pénales [étaient] réintroduites contre les actes de diffamation, clause qui avait été supprimée en 2001. Tout accès à Internet [pouvait] être coupé par les forces du SBU (Service de Sécurité d’Ukraine). Ces dernières [obtenaient] d’ailleurs de nouvelles prérogatives dans leurs investigations, tandis que la protection des juges et hauts fonctionnaires de l’Etat [était] renforcée. Un passeport [était] désormais nécessaire pour acheter une carte SIM de téléphone. Toute participation à une manifestation avec un casque ou un uniforme [était] interdite. Les colonnes de voitures de plus de 5 véhicules [étaient] prohibées. (…) Dans une tribune de l’hebdomadaire The Kyiv Post, la journaliste Katya Gorchinskaya s’amusait du fait que ‘‘même les embouteillages de voiture sont désormais interdits en Ukraine’’ » [1]. Finalement, sous la pression de la rue et une situation qui semblait de plus en plus incontrôlable ces lois ont été annulées le 25 janvier dernier par le parlement.
Une forte répression
La répression déclenchée par le gouvernement du Parti des Régions, auquel appartient le président Ianoukovitch, est l’un des facteurs les plus importants pour comprendre la contestation en cours. En effet, plusieurs morts et des enlèvements de militants ont été signalés, comme ce fut le cas pour Ihor Loutsenko un manifestant retrouvé vivant avec des marques de tortures le lendemain dans une forêt près de Kiev, ou encore de Yuriy Verbytsky, kidnappé par des inconnus dans un hôpital de la capitale et retrouvé mort dans la forêt. Un autre cas très médiatisé est celui de Dmytro Boulatov, leader du mouvement « avtoMaïdan », qui a été séquestré et torturé pendant huit jours. Lui aussi a été libéré dans une forêt près de Kiev. Mais le nombre de « disparus » est très élevé, près de 40 selon les sources. Les gens ayant occupé la Place de l’Indépendance (Maïdan) ont même dû improviser un hôpital pour soigner les blessés eux-mêmes car les manifestants ont peur de se faire arrêter ou enlever dans les hôpitaux publics. Cette situation de répression a également poussé les occupants de Maïdan à organiser des « milices » d’auto-défense, au sein desquelles des militants d’extrême-droite et des hooligans jouent un rôle important.
Une situation économique désastreuse
Rares sont les analyses, notamment de la presse bourgeoise, qui rappellent la situation économique catastrophique de l’Ukraine comme un facteur fondamental du mécontentement populaire, au-delà des revendications que certains mettent en avant dans l’immédiat. En effet, on préfère parler du « rêve européen » de la « société civile ».
Or, l’Ukraine a été l’un des pays les plus durement frappés par les effets de la crise économique mondiale. Comme le montre Catherine Samary : « Après le choc brutal de 2009 (près de 15 % de récession), la reprise a été fragile en 2010 et 2011, accompagnée d’une flambée du déficit public (passant de -1,5 % en 2008 à -4 % en 2009 et à -6 % du PIB en 2010) et d’un retrait massif des banques occidentales, comprimant les crédits. Le gouvernement a préféré soutenir la consommation par une politique de dépense publique expansionniste, se heurtant de plein fouet au FMI : celui-ci, en dépit d’une dette publique globale relativement modérée (inférieure à 40 % du PIB, comme c’est souvent le cas en Europe de l’Est), prônait, comme ailleurs, la contraction des dépenses publiques – notamment des salaires des fonctionnaires – et le relèvement des tarifs d’énergie payés par les entreprises à l’État. Le refus du gouvernement d’obtempérer, par crainte d’une explosion sociale, laissait en même temps le pays confronté à une dette à court terme, dont le montant excède les réserves du pays (158 % de celles-ci selon les Études du CERI de décembre 2013). Après une croissance quasi nulle en 2012, l’Ukraine était à nouveau en récession (-0,5 %) en 2013 et confrontée à une dégradation de ses comptes extérieurs et au risque de se trouver en cessation de paiement » [2].
Mais les problèmes économiques du pays ne datent pas du début de la crise capitaliste de 2007. En effet, l’Ukraine est l’un des pays de l’ancien « bloc soviétique » qui a subi le choc économique le plus fort pendant la-dite « transition » (restauration du capitalisme). Ainsi, en 1999 le PIB était descendu à 38% du niveau de celui de 1989, les conditions de vie et de travail s’étaient fortement dégradées [3] et les salaires avaient fortement diminué (en 1993 déjà, le niveau des salaires réels était de 57,6% ceux de 1991). Pour certains analystes, l’Ukraine est le pays qui a connu « la plus profonde récession des économies en transition n’ayant pas été affectées par la guerre ».
Derrière des projets politiques bourgeois
Si l’on prend en compte cette situation économique dégradée et le fait que depuis son indépendance formelle l’Ukraine est très dépendante économiquement de la Russie (à travers les menaces sur le prix du gaz russe ainsi que sur l’accès au marché russe, fondamental pour l’économie ukrainienne), on comprend que pour une partie importante de la population la signature de l’accord avec la Russie signifiait la continuité dans une voie de dégradation des conditions de vie. A cela il faudrait ajouter un élément politique : le refus et la crainte de voir l’Ukraine se diriger vers l’imposition d’un régime « à la Poutine », c’est-à-dire plus bonapartiste.
Des secteurs de la population, notamment dans l’Ouest du pays, pensent avoir raté une opportunité de se rapprocher de l’UE dans la perspective d’une intégration de l’Ukraine comme Etat associé. C’est sur ce sentiment que l’opposition de droite a voulu jouer en instrumentalisant les mobilisations. L’intégration à l’UE, pour les populations de l’Ouest, pour certaines davantage tournées vers la Pologne, mais aussi pour certaines fractions de la jeunesse, constituerait à leurs yeux une amélioration de l’économie du pays, mais aussi une « démocratisation » de son régime politique complètement corrompu et à la merci des oligarques. Une sorte de garantie contre les « dérives autoritaires » de leur gouvernement.
La crise économique, sociale et politique profonde dans laquelle se trouvent des pays relativement importants de l’UE (l’Etat Espagnol, l’Italie, la Grèce) et les « recettes » prônées par la « Troïka » dans ces pays n’ont pas complètement douchés cet enthousiasme initial, ni même le fait que « l’intégration » des pays d’Europe Centrale et Orientale à l’UE a, de fait, signifié un approfondissement et de leur semi-colonisation et de leur transformation en arrière-cour des impérialismes principalement allemand, mais aussi français, italiens ou encore britanniques – autant d’éléments qui laissent de grands doutes sur une « perspective heureuse » pour l’Ukraine au sein de l’UE.
L’opposition pro-UE
Suite aux mobilisations s’est constituée une sorte « d’entente » entre les trois partis d’opposition, représentés au Parlement qui tente de diriger le mécontentement sans y parvenir réellement. Ainsi le parti des libéraux, « Patrie », de l’ancienne présidente Iulia Timochenko et dirigé actuellement par Arseni Iatseniouk (25% des voix aux élections de 2012) ; le parti Udar (« le coup » en ukrainien), de l’ancien boxeur Vitali Klitschko (13%), lié à la CDU d’Angela Merkel, et finalement le parti néo-fasciste Swoboda (10%), proche du Jobbik hongrois et du FN en France, très présent dans l’ouest du pays. Rappelons que le bloc gouvernemental est constitué du Parti des Régions de Viktor Ianoukovitch (30% des voix) et du Parti Communiste (13%).
La presse impérialiste et les dirigeants de l’UE, notamment au début des mobilisations, ont essayé de passer plus ou moins sous silence la participation de Swoboda dans cette « entente », ce dernier étant un « partenaire encombrant ». Plus tard on a dû dénoncer ses « dérives » les plus ouvertement antisémites. Cependant, Swoboda est déterminant pour l’alliance sur laquelle s’appuient les pays impérialistes. En effet, « avec 10%, Swoboda c’est le quatrième parti le plus fort dans le parlement. Klitschko et le parti de Timochenko ont besoin de leur soutien. Plus encore, ce parti joue un rôle central dans les mobilisations. (…) ‘On a des différences idéologiques mais il y a deux choses qui nous unissent’, dit Klitschko. ‘Nous luttons contre ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui et nous voulons des valeurs européennes pour notre pays’ » [4]. Même si ça peut sembler paradoxal, ces « aspirations européennes » ne sont pas niées par les dirigeants de Swoboda, au contraire. Un de ses leaders déclarait ouvertement : « [l’intégration à] l’UE c’est la seule possibilité pour nous de défendre notre pays contre la pression russe » [5].
Malgré cela, lors des rencontres entre les dirigeants impérialistes et l’opposition, on essaye de laisser Swoboda de côté, ou en tout cas de les rencontrer mais en toute discrétion (comme le fit Victoria Nuland, ministre adjointe américaine des Affaires étrangères il y a quelques jours). Il en va de même avec les propositions du pouvoir. Ainsi, pour calmer la situation, le président Ianoukovitch avait proposé au leader des libéraux Arseni Iatseniouk le poste de premier ministre et à Vitali Klitschko le poste de vice-premier ministre délégué aux droits humains, sanr ien proposer à Oleg Tiagnybok, le dirigeant de Swoboda.
Alors que Iatseniouk, s’était montré plutôt « ouvert » à la proposition du pouvoir, mais la pression des manifestants l’a fait reculer, un autre élément important explique cette réticence de l’opposition « modérée » à s’arranger avec Ianoukovitch. Pour elle, il faut éviter de laisser le terrain libre pour que Swoboda et les groupes d’extrême-droite deviennent les seuls représentants de l’opposition au gouvernement. Ainsi, « plutôt que de permettre à Klitschko et à Iatseniouk de prendre leurs distances vis-à-vis du leader d’extrême-droite, le pacte [proposé par le gouvernement] aurait permis à Tiagnybok [de Swoboda] de se présenter comme le seul leader de l’opposition encore loyal aux manifestants. Ainsi, le départ [de Maïdan] des politiciens modérés (…) aurait rendu plus facile pour Tiagnybok et même pour d’autres forces plus radicales comme Pravyi Sektor (Secteur de Droite), une alliance d’organisations nationalistes (…), d’essayer de prendre la tête de la contestation » [6].
En tout les cas, personne aujourd’hui ne voit une sortie de crise claire. C’est au contraire l’incertitude qui règne. Ces derniers jours ont d’ailleurs révélé des divergences entre les Etats-Unis et l’UE concernant l’attitude à adopter vis-à-vis du gouvernement ukrainien. Les Etats-Unis, placés sur la défensive par les derniers évènements sur l’arène internationale - affaire Snowden et « dossier syrien en tête-, utilisent la crise dans ce pays charnière pour adopter une attitude ferme, prônant l’application de sanctions économiques à l’encontre des principaux dirigeants du régime ; une position qui, en quelque sorte, leur permet de prendre leur revanche sur Moscou. Cependant, cette nouvelle tentative de « changement de régime » peut se révéler irresponsable de la part de l’administration Obama car elle pourrait déboucher sur une sorte de scénario de « guerre civile à la syrienne », étant donné la division qui règne actuellement dans le pays [7]. L’UE, de son côté, adopte pour le moment une attitude plus « diplomatique » qui associe la Russie à une solution de sortie de crise, tout en essayant de contenir la progression diplomatique de Moscou dans son ancienne « zone d’influence » en Europe de l’Est. En effet, pour un pays comme l’Allemagne, cette tentative de « recomposition des relations diplomatiques » de la Russie dans la région apparaît comme un danger car des pays comme la Pologne, la République Tchèque ou la Slovaquie sont centraux pour la chaine de production des multinationales allemandes. Cet élément ainsi que le besoin de Berlin de déployer un plus grand activisme politico-militaire, à la hauteur de son nouveau poids au sein de l’UE, explique la réactivité de l’Allemagne dans la première phase de la contestation. Cela d’autant plus qu’il s’agit d’une zone d’influence russe, avec qui l’Allemagne avait une relation diplomatique privilégiée. Mais pour Washington, comme les commentaires de Victoria Nuland (enregistrée à son insue lors d’une conversation diplomatique disant « Fuck the EU ») le montrent, cette politique ne va pas jusqu’au bout car elle ne veut pas risquer un affrontement avec la Russie. Cela ouvre une brèche entre les principales puissances impérialistes concernant l’issue de la crise ukrainienne.
Du côté du gouvernement ukrainien, cette situation incertaine est des plus inconfortable, au vu de la dégradation de la situation économique. En outre, l’aide économique de 11 milliards d’euros promise par la Russie est suspendue jusqu’à ce que la crise soit sur la voie d’une résolution… favorable à Moscou bien évidemment. En effet, les dirigeants russes commencent à exprimer leur impatience vis-à-vis du gouvernement d’Ianoukovitch. Ainsi, Alexander Prokhanov, un intellectuel russe fidèle à Poutine, a parcouru les plateaux de la télé ukrainienne pour traiter Ianoukovitch de « traitre » car « il ne fait rien pour mettre fin aux protestations. Il a peur de faire couler le sang (…) alors que ‘la vague révolutionnaire’ est en train de détruire la civilisation russe » [8]. C’est dans le même sens scandaleux que vont les déclarations du conseiller de Poutine sur les affaires ukrainiennes, Sergey Glazyev : « dans une situation où le pouvoir fait face à une tentative de coup d’Etat, il n’a d’autre alternative que d’utiliser la force » [9].
Cette attitude hésitante du gouvernement ukrainien répond à la crainte des oligarques nationaux de voir leurs intérêts en danger. En effet, Rinat Akhmetov, deuxième fortune du pays et dont une cinquantaine de députés au parlement sont alignés derrière lui, a eu un rendez-vous ces derniers jours avec l’ambassadeur américain qui l’a menacé « de congeler les comptes des oligarques [ukrainiens] dans les banques de l’Ouest si les manifestants sont expulsés de Maïdan violemment » [10] . C’est cette menace qui pèse très lourdement sur les oligarques et le gouvernement.
Finalement, bien que ces derniers jours le niveau de mobilisation et la contestation aient baissé, on ne devrait pas conclure qu’on est rentré dans une phase de négociations et de retour progressif au calme. Au contraire, les manifestants pourraient être entrés dans une phase d’expectative. Or, Maïdan continue d’être occupée, de même que des bâtiments gouvernementaux dans différentes villes du pays. Dans l’Est du pays, suivant le modèle de Poutine contre les mobilisations en Russie ces dernières années, le pouvoir commence à concentrer une force de choc, pour l’instant embryonnaire, qui pourrait, avec l’aide de Moscou, être utilisée pour s’affronter aux manifestants sans avoir à payer le coût d’une telle répression.
La possibilité de trouver une issue négociée qui soit la plus favorable aux différentes fractions de la bourgeoisie ukrainienne et à leurs partenaires européens, pourrait être compromise par un début de mobilisation de gauche dans l’Est du pays, du type des manifestations en Bosnie, notamment au sein de la jeunesse –une mobilisation qui reste cependant difficile pour le moment à cause de la capitalisation initiale de l’extrême-droite. Tout ceci montre que les événements qui secouent l’Ukraine actuellement sont loin d’être refermés.
L’extrême-droite à Maïdan
Un acteur politique très actif dans la contestation actuelle en Ukraine, qui « gâche » beaucoup l’image « européaniste » que certains voudraient donner des événements, sont les groupes d’extrême-droite néo-fascistes. Ces tendances sont regroupées dans le « Pravyi Sektor » et à la différence des l’alliance des partis parlementaires, y compris Swoboda, elles sont plutôt hostiles à l’UE. Cette extrême droite parle de façon démagogique d’une « vraie indépendance » de l’Ukraine et rejette l’UE comme un endroit où les homosexuels peuvent se marier entre eux et où les valeurs de la famille ne représentent plus rien.
Tout en s’appuyant sur un problème réel (la fausse indépendance de l’Ukraine, aussi bien vis-à-vis de la Russie que de l’impérialisme) et sur des aspects les plus retardataires de la conscience des masses (l’homophobie) Pravyi Sektor essaye d’étayer son idéologie ultraréactionnaire et de gagner du prestige parmi les manifestants. Il s’agit d’un vrai danger car, à travers l’expérience de lutte commune avec l’extrême-droite et dans l’absence de groupes révolutionnaires, il pourrait se développer une certaine banalisation des idées fascisantes, comme ce témoignage le révèle : « Daniel est juif, et cela aussi a son importance, quand les ultranationalistes, très présents dans le mouvement, utilisent allégrement la figure de Stepan Bandera, dirigeant de l’Organisation des nationalistes ukrainiens, dont la branche armée, l’Armée insurrectionnelle d’Ukraine (UPA), collabora avec l’occupant allemand, par antisoviétisme, pendant la seconde guerre mondiale. ‘Quand je vois à côté de moi un activiste qui porte sur son casque le signe ’88’ [référence au double ’H’ de ’Heil Hitler’], je me pose des questions, explique-t-il. Mais lorsque dans la minute d’après je le vois se ruer seul sur une ligne de 100 policiers, je décide que je n’en ai rien à faire. A vrai dire, il y a parmi nous peu de vrais fascistes ou de vrais antisémites…’ » [11].
Mettre les revendications économiques, sociales et politiques des exploités au cœur de la contestation !
Il est très clair que dans l’actuel mouvement de contestation en Ukraine, nombreuses sont les limites, contradictions et tendances profondément réactionnaires. On est cependant loin de la reproduction d’une « Révolution Orange ». En effet, « de l’eau a coulé sous les ponts, non seulement depuis la “Révolution orange” de 2004, mais aussi depuis le retour de partis dits “pro-russes” par les urnes en 2010 (…) Si, en 2004, les protestations de masse visaient la reconnaissance d’une nouvelle majorité électorale, aujourd’hui, les partis sont largement discrédités (…) Comme les Indignés de Bulgarie, le mouvement est à la fois critique des partis et de divers bords idéologiques… » [12].
L’explosion sociale en cours, qui trouve ses sources dans des conditions de vie très dégradées depuis des années, remet en cause à sa façon le régime en place depuis la restauration capitaliste. Mais regrettablement, règne parmi les masses une grande confusion politique et une non moins grande désorganisation qui favorise la capitalisation du mécontentement populaire par des forces profondément réactionnaires. Ainsi, « à Kiev, comme dans les régions de l’ouest et du centre, l’occupation des bâtiments est principalement organisée par le troisième parti d’opposition parlementaire Swoboda/Liberté et divers autres groupes d’extrême droite, avec un soutien populaire dans le contexte de rejet massif des violences policières et d’un président de plus en plus discrédité. Mais il n’y a ni processus d’auto-organisation de la population ni même montée en masse des mobilisations, en dépit d’une certaine extension territoriale. Cela donne un rôle surdimensionné à des groupes bien structurés, en lien ou en rivalité avec Swoboda » [13] .
La situation de dépendance totale du pays vis-à-vis des intérêts soit de la Russie, soit de l’impérialisme, est un autre élément sur lequel les groupes ultranationalistes fascisants s’appuient de façon démagogique.
Si les groupes et les militants qui se revendiquent de l’anticapitalisme et de l’antifascisme ne disputent pas les secteurs populaires mobilisés à l’extrême-droite, les risques seront grands pour le mouvement ouvrier et les masses en Ukraine. Sur ce point, une grande responsabilité retombe sur l’oppression nationale exercée par la Russie de Poutine sur l’Ukraine. En 1939, Trotsky soutenait que « sans le viol de l’Ukraine soviétique par la bureaucratie stalinienne, il n’y aurait pas de politique hitlérienne pour l’Ukraine ». En paraphrasant le révolutionnaire russe, tout en gardant les proportions, on pourrait dire aujourd’hui que sans la politique réactionnaire de Poutine et sa clique on ne peut pas comprendre le poids de l’influence des tendances pro-UE et ultranationalistes sur les classes populaires d’Ukraine.
Une des faiblesses fondamentales de ce mouvement c’est l’absence de la participation mouvement ouvrier organisé. Or, l’entrée du prolétariat dans la lutte serait centrale pour donner un autre contenu aux mobilisations actuelles, qui sont pour l’instant majoritairement tournées soit vers des objectifs pro-impérialistes soit vers le nationalisme réactionnaire de l’extrême droite. Les travailleurs et les masses d’Ukraine doivent s’inspirer des mobilisations en cours en Bosnie-Herzégovine qui mettent en avant des revendications clairement sociales des exploités et opprimés. Les travailleuses et travailleurs d’Ukraine doivent œuvrer à la construction d’un puissant mouvement qui s’oppose aussi bien au gouvernement d’Ianoukovitch qu’à l’opposition de droite pro-impérialiste ou fascisante. S’ils s’engagent dans cette voie ils sauront sans doute trouver des alliés de poids au sein de la classe ouvrière de Russie, des autres pays de la région mais aussi des pays impérialistes d’Europe !
13/2/2014.
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NOTES
[1] Regard-Est, « Ukraine : Nouveau « Jeudi Noir » », 17/1/2014.
[2] Catherine Samary, « La société ukrainienne entre ses oligarques et sa Troïka », 25/1/2014.
[3] L’exemple de l’industrie minière est très parlant. Alors que, dans les années 1980, il y avait en moyenne 4 morts et 6 blessés graves pour chaque million de tonnes de charbon, dans les années 1990 il y avait entre 15 et 20 morts par million de tonne de charbon extraite. Il s’agit d’un des taux de mortalité dans l’industrie minière des plus importants au monde.
[4] Spiegel.de, « ’Prepared to Die’ : The Right Wing’s Role in Ukrainian Protests », 27/1/2014.
[5] Idem.
[6] Idem.
[7] Comme dit Rafael Poch : « Tout pari sur un compromis qui ne satisfasse personne –ni à l’intérieur ni à l’extérieur de l’Ukraine- revient à jouer avec du feu. L’identité nationale de ce pays est un chantier encore inachevé, avec des grands différences internes qu’il ne faudrait pas déstabiliser depuis l’extérieur. En Galicie (Ouest) on regarde plutôt vers l’Occident. A l’Est et au Sud, une différenciation grandissante avec le grand-frère russe gagne du terrain. Il en va de même pour l’expansion de la langue ukrainienne et un certain sentiment de différenciation. Mais ces deux processus sont très différents entre eux, et si on exerce une pression sur eux depuis l’extérieur il y a un grand risque de rupture plein d’incertitude et dangers » (“La flor ucraniana de la Señora Nuland”, La Vanguardia 9/2/201).
[8] Spiegel, « Dithering in Kiev », 12/2/2014.
[9] Idem
[10] Idem.
[11] Le Monde, « Ukraine : Daniel, jeune père et prêt à prendre les armes », 3/2/2014.
[12] Catherine Samary, « La société ukrainienne… », op. cit.
[13] Catherine Samary, « Ukraine : pourrissement explosif », CATDM, 4/2/2014.
Philippe Alcoy
Source: http://www.ccr4.org/L-Ukraine-ebranlee
Secouée depuis plusieurs mois par une forte contestation dans les rues des principales villes du pays, l’Ukraine vit la crise la plus aiguë depuis son indépendance formelle en 1991. Au-delà de ce qu’affirmait la presse impérialiste, le mécontentement populaire répond à des causes bien plus profondes que de simples « aspirations européennes ». En effet, la dégradation des conditions de vie et les humiliations constantes depuis plus de vingt ans d’un régime politique complètement corrompu, sont les éléments fondamentaux qui permettent de comprendre cette explosion sociale.
L’élément déclencheur des mobilisations contre le gouvernement de Viktor Ianoukovitch a été son refus, à la dernière minute, de signer un accord d’association avec l’Union Européenne (UE) préférant signer un accord avec la Russie, fin novembre 2013. Immédiatement après, des milliers de personnes ont manifesté dans les rues de Kiev. Au début, c’est l’exigence de reprise des négociations avec l’UE qui fut mise en avant par les manifestants ; certains dirigeants impérialistes comme la déléguée aux affaires étrangères de l’UE, Catherine Ashton, et l’ancien candidat à l’élection présidentielle des Etats-Unis, le sénateur républicain John McCain, se mêlant même aux manifestants sur la Place de l’Indépendance (Maïdan). Cependant, au fur et à mesure des semaines, le ton allait changer, les revendications « pro-UE » allaient commencer à laisser la place à une contestation de la répression d’Etat et, plus en général, du régime instauré depuis la chute de l’URSS et de l’indépendance formelle du pays.
Ce sont notamment les lois anti-manifestations votées d’une façon plus que controversée par le Parlement le 16 janvier dernier qui ont marqué un tournant dans la radicalisation des manifestations et des affrontements avec les forces répressives de l’Etat. En effet, ces lois introduisaient « un certain nombre de restrictions aux libertés d’expression, d’assemblée et de manifestation, assorties de lourdes amendes et peines de prison. Des sanctions pénales [étaient] réintroduites contre les actes de diffamation, clause qui avait été supprimée en 2001. Tout accès à Internet [pouvait] être coupé par les forces du SBU (Service de Sécurité d’Ukraine). Ces dernières [obtenaient] d’ailleurs de nouvelles prérogatives dans leurs investigations, tandis que la protection des juges et hauts fonctionnaires de l’Etat [était] renforcée. Un passeport [était] désormais nécessaire pour acheter une carte SIM de téléphone. Toute participation à une manifestation avec un casque ou un uniforme [était] interdite. Les colonnes de voitures de plus de 5 véhicules [étaient] prohibées. (…) Dans une tribune de l’hebdomadaire The Kyiv Post, la journaliste Katya Gorchinskaya s’amusait du fait que ‘‘même les embouteillages de voiture sont désormais interdits en Ukraine’’ » [1]. Finalement, sous la pression de la rue et une situation qui semblait de plus en plus incontrôlable ces lois ont été annulées le 25 janvier dernier par le parlement.
Une forte répression
La répression déclenchée par le gouvernement du Parti des Régions, auquel appartient le président Ianoukovitch, est l’un des facteurs les plus importants pour comprendre la contestation en cours. En effet, plusieurs morts et des enlèvements de militants ont été signalés, comme ce fut le cas pour Ihor Loutsenko un manifestant retrouvé vivant avec des marques de tortures le lendemain dans une forêt près de Kiev, ou encore de Yuriy Verbytsky, kidnappé par des inconnus dans un hôpital de la capitale et retrouvé mort dans la forêt. Un autre cas très médiatisé est celui de Dmytro Boulatov, leader du mouvement « avtoMaïdan », qui a été séquestré et torturé pendant huit jours. Lui aussi a été libéré dans une forêt près de Kiev. Mais le nombre de « disparus » est très élevé, près de 40 selon les sources. Les gens ayant occupé la Place de l’Indépendance (Maïdan) ont même dû improviser un hôpital pour soigner les blessés eux-mêmes car les manifestants ont peur de se faire arrêter ou enlever dans les hôpitaux publics. Cette situation de répression a également poussé les occupants de Maïdan à organiser des « milices » d’auto-défense, au sein desquelles des militants d’extrême-droite et des hooligans jouent un rôle important.
Une situation économique désastreuse
Rares sont les analyses, notamment de la presse bourgeoise, qui rappellent la situation économique catastrophique de l’Ukraine comme un facteur fondamental du mécontentement populaire, au-delà des revendications que certains mettent en avant dans l’immédiat. En effet, on préfère parler du « rêve européen » de la « société civile ».
Or, l’Ukraine a été l’un des pays les plus durement frappés par les effets de la crise économique mondiale. Comme le montre Catherine Samary : « Après le choc brutal de 2009 (près de 15 % de récession), la reprise a été fragile en 2010 et 2011, accompagnée d’une flambée du déficit public (passant de -1,5 % en 2008 à -4 % en 2009 et à -6 % du PIB en 2010) et d’un retrait massif des banques occidentales, comprimant les crédits. Le gouvernement a préféré soutenir la consommation par une politique de dépense publique expansionniste, se heurtant de plein fouet au FMI : celui-ci, en dépit d’une dette publique globale relativement modérée (inférieure à 40 % du PIB, comme c’est souvent le cas en Europe de l’Est), prônait, comme ailleurs, la contraction des dépenses publiques – notamment des salaires des fonctionnaires – et le relèvement des tarifs d’énergie payés par les entreprises à l’État. Le refus du gouvernement d’obtempérer, par crainte d’une explosion sociale, laissait en même temps le pays confronté à une dette à court terme, dont le montant excède les réserves du pays (158 % de celles-ci selon les Études du CERI de décembre 2013). Après une croissance quasi nulle en 2012, l’Ukraine était à nouveau en récession (-0,5 %) en 2013 et confrontée à une dégradation de ses comptes extérieurs et au risque de se trouver en cessation de paiement » [2].
Mais les problèmes économiques du pays ne datent pas du début de la crise capitaliste de 2007. En effet, l’Ukraine est l’un des pays de l’ancien « bloc soviétique » qui a subi le choc économique le plus fort pendant la-dite « transition » (restauration du capitalisme). Ainsi, en 1999 le PIB était descendu à 38% du niveau de celui de 1989, les conditions de vie et de travail s’étaient fortement dégradées [3] et les salaires avaient fortement diminué (en 1993 déjà, le niveau des salaires réels était de 57,6% ceux de 1991). Pour certains analystes, l’Ukraine est le pays qui a connu « la plus profonde récession des économies en transition n’ayant pas été affectées par la guerre ».
Derrière des projets politiques bourgeois
Si l’on prend en compte cette situation économique dégradée et le fait que depuis son indépendance formelle l’Ukraine est très dépendante économiquement de la Russie (à travers les menaces sur le prix du gaz russe ainsi que sur l’accès au marché russe, fondamental pour l’économie ukrainienne), on comprend que pour une partie importante de la population la signature de l’accord avec la Russie signifiait la continuité dans une voie de dégradation des conditions de vie. A cela il faudrait ajouter un élément politique : le refus et la crainte de voir l’Ukraine se diriger vers l’imposition d’un régime « à la Poutine », c’est-à-dire plus bonapartiste.
Des secteurs de la population, notamment dans l’Ouest du pays, pensent avoir raté une opportunité de se rapprocher de l’UE dans la perspective d’une intégration de l’Ukraine comme Etat associé. C’est sur ce sentiment que l’opposition de droite a voulu jouer en instrumentalisant les mobilisations. L’intégration à l’UE, pour les populations de l’Ouest, pour certaines davantage tournées vers la Pologne, mais aussi pour certaines fractions de la jeunesse, constituerait à leurs yeux une amélioration de l’économie du pays, mais aussi une « démocratisation » de son régime politique complètement corrompu et à la merci des oligarques. Une sorte de garantie contre les « dérives autoritaires » de leur gouvernement.
La crise économique, sociale et politique profonde dans laquelle se trouvent des pays relativement importants de l’UE (l’Etat Espagnol, l’Italie, la Grèce) et les « recettes » prônées par la « Troïka » dans ces pays n’ont pas complètement douchés cet enthousiasme initial, ni même le fait que « l’intégration » des pays d’Europe Centrale et Orientale à l’UE a, de fait, signifié un approfondissement et de leur semi-colonisation et de leur transformation en arrière-cour des impérialismes principalement allemand, mais aussi français, italiens ou encore britanniques – autant d’éléments qui laissent de grands doutes sur une « perspective heureuse » pour l’Ukraine au sein de l’UE.
L’opposition pro-UE
Suite aux mobilisations s’est constituée une sorte « d’entente » entre les trois partis d’opposition, représentés au Parlement qui tente de diriger le mécontentement sans y parvenir réellement. Ainsi le parti des libéraux, « Patrie », de l’ancienne présidente Iulia Timochenko et dirigé actuellement par Arseni Iatseniouk (25% des voix aux élections de 2012) ; le parti Udar (« le coup » en ukrainien), de l’ancien boxeur Vitali Klitschko (13%), lié à la CDU d’Angela Merkel, et finalement le parti néo-fasciste Swoboda (10%), proche du Jobbik hongrois et du FN en France, très présent dans l’ouest du pays. Rappelons que le bloc gouvernemental est constitué du Parti des Régions de Viktor Ianoukovitch (30% des voix) et du Parti Communiste (13%).
La presse impérialiste et les dirigeants de l’UE, notamment au début des mobilisations, ont essayé de passer plus ou moins sous silence la participation de Swoboda dans cette « entente », ce dernier étant un « partenaire encombrant ». Plus tard on a dû dénoncer ses « dérives » les plus ouvertement antisémites. Cependant, Swoboda est déterminant pour l’alliance sur laquelle s’appuient les pays impérialistes. En effet, « avec 10%, Swoboda c’est le quatrième parti le plus fort dans le parlement. Klitschko et le parti de Timochenko ont besoin de leur soutien. Plus encore, ce parti joue un rôle central dans les mobilisations. (…) ‘On a des différences idéologiques mais il y a deux choses qui nous unissent’, dit Klitschko. ‘Nous luttons contre ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui et nous voulons des valeurs européennes pour notre pays’ » [4]. Même si ça peut sembler paradoxal, ces « aspirations européennes » ne sont pas niées par les dirigeants de Swoboda, au contraire. Un de ses leaders déclarait ouvertement : « [l’intégration à] l’UE c’est la seule possibilité pour nous de défendre notre pays contre la pression russe » [5].
Malgré cela, lors des rencontres entre les dirigeants impérialistes et l’opposition, on essaye de laisser Swoboda de côté, ou en tout cas de les rencontrer mais en toute discrétion (comme le fit Victoria Nuland, ministre adjointe américaine des Affaires étrangères il y a quelques jours). Il en va de même avec les propositions du pouvoir. Ainsi, pour calmer la situation, le président Ianoukovitch avait proposé au leader des libéraux Arseni Iatseniouk le poste de premier ministre et à Vitali Klitschko le poste de vice-premier ministre délégué aux droits humains, sanr ien proposer à Oleg Tiagnybok, le dirigeant de Swoboda.
Alors que Iatseniouk, s’était montré plutôt « ouvert » à la proposition du pouvoir, mais la pression des manifestants l’a fait reculer, un autre élément important explique cette réticence de l’opposition « modérée » à s’arranger avec Ianoukovitch. Pour elle, il faut éviter de laisser le terrain libre pour que Swoboda et les groupes d’extrême-droite deviennent les seuls représentants de l’opposition au gouvernement. Ainsi, « plutôt que de permettre à Klitschko et à Iatseniouk de prendre leurs distances vis-à-vis du leader d’extrême-droite, le pacte [proposé par le gouvernement] aurait permis à Tiagnybok [de Swoboda] de se présenter comme le seul leader de l’opposition encore loyal aux manifestants. Ainsi, le départ [de Maïdan] des politiciens modérés (…) aurait rendu plus facile pour Tiagnybok et même pour d’autres forces plus radicales comme Pravyi Sektor (Secteur de Droite), une alliance d’organisations nationalistes (…), d’essayer de prendre la tête de la contestation » [6].
En tout les cas, personne aujourd’hui ne voit une sortie de crise claire. C’est au contraire l’incertitude qui règne. Ces derniers jours ont d’ailleurs révélé des divergences entre les Etats-Unis et l’UE concernant l’attitude à adopter vis-à-vis du gouvernement ukrainien. Les Etats-Unis, placés sur la défensive par les derniers évènements sur l’arène internationale - affaire Snowden et « dossier syrien en tête-, utilisent la crise dans ce pays charnière pour adopter une attitude ferme, prônant l’application de sanctions économiques à l’encontre des principaux dirigeants du régime ; une position qui, en quelque sorte, leur permet de prendre leur revanche sur Moscou. Cependant, cette nouvelle tentative de « changement de régime » peut se révéler irresponsable de la part de l’administration Obama car elle pourrait déboucher sur une sorte de scénario de « guerre civile à la syrienne », étant donné la division qui règne actuellement dans le pays [7]. L’UE, de son côté, adopte pour le moment une attitude plus « diplomatique » qui associe la Russie à une solution de sortie de crise, tout en essayant de contenir la progression diplomatique de Moscou dans son ancienne « zone d’influence » en Europe de l’Est. En effet, pour un pays comme l’Allemagne, cette tentative de « recomposition des relations diplomatiques » de la Russie dans la région apparaît comme un danger car des pays comme la Pologne, la République Tchèque ou la Slovaquie sont centraux pour la chaine de production des multinationales allemandes. Cet élément ainsi que le besoin de Berlin de déployer un plus grand activisme politico-militaire, à la hauteur de son nouveau poids au sein de l’UE, explique la réactivité de l’Allemagne dans la première phase de la contestation. Cela d’autant plus qu’il s’agit d’une zone d’influence russe, avec qui l’Allemagne avait une relation diplomatique privilégiée. Mais pour Washington, comme les commentaires de Victoria Nuland (enregistrée à son insue lors d’une conversation diplomatique disant « Fuck the EU ») le montrent, cette politique ne va pas jusqu’au bout car elle ne veut pas risquer un affrontement avec la Russie. Cela ouvre une brèche entre les principales puissances impérialistes concernant l’issue de la crise ukrainienne.
Du côté du gouvernement ukrainien, cette situation incertaine est des plus inconfortable, au vu de la dégradation de la situation économique. En outre, l’aide économique de 11 milliards d’euros promise par la Russie est suspendue jusqu’à ce que la crise soit sur la voie d’une résolution… favorable à Moscou bien évidemment. En effet, les dirigeants russes commencent à exprimer leur impatience vis-à-vis du gouvernement d’Ianoukovitch. Ainsi, Alexander Prokhanov, un intellectuel russe fidèle à Poutine, a parcouru les plateaux de la télé ukrainienne pour traiter Ianoukovitch de « traitre » car « il ne fait rien pour mettre fin aux protestations. Il a peur de faire couler le sang (…) alors que ‘la vague révolutionnaire’ est en train de détruire la civilisation russe » [8]. C’est dans le même sens scandaleux que vont les déclarations du conseiller de Poutine sur les affaires ukrainiennes, Sergey Glazyev : « dans une situation où le pouvoir fait face à une tentative de coup d’Etat, il n’a d’autre alternative que d’utiliser la force » [9].
Cette attitude hésitante du gouvernement ukrainien répond à la crainte des oligarques nationaux de voir leurs intérêts en danger. En effet, Rinat Akhmetov, deuxième fortune du pays et dont une cinquantaine de députés au parlement sont alignés derrière lui, a eu un rendez-vous ces derniers jours avec l’ambassadeur américain qui l’a menacé « de congeler les comptes des oligarques [ukrainiens] dans les banques de l’Ouest si les manifestants sont expulsés de Maïdan violemment » [10] . C’est cette menace qui pèse très lourdement sur les oligarques et le gouvernement.
Finalement, bien que ces derniers jours le niveau de mobilisation et la contestation aient baissé, on ne devrait pas conclure qu’on est rentré dans une phase de négociations et de retour progressif au calme. Au contraire, les manifestants pourraient être entrés dans une phase d’expectative. Or, Maïdan continue d’être occupée, de même que des bâtiments gouvernementaux dans différentes villes du pays. Dans l’Est du pays, suivant le modèle de Poutine contre les mobilisations en Russie ces dernières années, le pouvoir commence à concentrer une force de choc, pour l’instant embryonnaire, qui pourrait, avec l’aide de Moscou, être utilisée pour s’affronter aux manifestants sans avoir à payer le coût d’une telle répression.
La possibilité de trouver une issue négociée qui soit la plus favorable aux différentes fractions de la bourgeoisie ukrainienne et à leurs partenaires européens, pourrait être compromise par un début de mobilisation de gauche dans l’Est du pays, du type des manifestations en Bosnie, notamment au sein de la jeunesse –une mobilisation qui reste cependant difficile pour le moment à cause de la capitalisation initiale de l’extrême-droite. Tout ceci montre que les événements qui secouent l’Ukraine actuellement sont loin d’être refermés.
L’extrême-droite à Maïdan
Un acteur politique très actif dans la contestation actuelle en Ukraine, qui « gâche » beaucoup l’image « européaniste » que certains voudraient donner des événements, sont les groupes d’extrême-droite néo-fascistes. Ces tendances sont regroupées dans le « Pravyi Sektor » et à la différence des l’alliance des partis parlementaires, y compris Swoboda, elles sont plutôt hostiles à l’UE. Cette extrême droite parle de façon démagogique d’une « vraie indépendance » de l’Ukraine et rejette l’UE comme un endroit où les homosexuels peuvent se marier entre eux et où les valeurs de la famille ne représentent plus rien.
Tout en s’appuyant sur un problème réel (la fausse indépendance de l’Ukraine, aussi bien vis-à-vis de la Russie que de l’impérialisme) et sur des aspects les plus retardataires de la conscience des masses (l’homophobie) Pravyi Sektor essaye d’étayer son idéologie ultraréactionnaire et de gagner du prestige parmi les manifestants. Il s’agit d’un vrai danger car, à travers l’expérience de lutte commune avec l’extrême-droite et dans l’absence de groupes révolutionnaires, il pourrait se développer une certaine banalisation des idées fascisantes, comme ce témoignage le révèle : « Daniel est juif, et cela aussi a son importance, quand les ultranationalistes, très présents dans le mouvement, utilisent allégrement la figure de Stepan Bandera, dirigeant de l’Organisation des nationalistes ukrainiens, dont la branche armée, l’Armée insurrectionnelle d’Ukraine (UPA), collabora avec l’occupant allemand, par antisoviétisme, pendant la seconde guerre mondiale. ‘Quand je vois à côté de moi un activiste qui porte sur son casque le signe ’88’ [référence au double ’H’ de ’Heil Hitler’], je me pose des questions, explique-t-il. Mais lorsque dans la minute d’après je le vois se ruer seul sur une ligne de 100 policiers, je décide que je n’en ai rien à faire. A vrai dire, il y a parmi nous peu de vrais fascistes ou de vrais antisémites…’ » [11].
Mettre les revendications économiques, sociales et politiques des exploités au cœur de la contestation !
Il est très clair que dans l’actuel mouvement de contestation en Ukraine, nombreuses sont les limites, contradictions et tendances profondément réactionnaires. On est cependant loin de la reproduction d’une « Révolution Orange ». En effet, « de l’eau a coulé sous les ponts, non seulement depuis la “Révolution orange” de 2004, mais aussi depuis le retour de partis dits “pro-russes” par les urnes en 2010 (…) Si, en 2004, les protestations de masse visaient la reconnaissance d’une nouvelle majorité électorale, aujourd’hui, les partis sont largement discrédités (…) Comme les Indignés de Bulgarie, le mouvement est à la fois critique des partis et de divers bords idéologiques… » [12].
L’explosion sociale en cours, qui trouve ses sources dans des conditions de vie très dégradées depuis des années, remet en cause à sa façon le régime en place depuis la restauration capitaliste. Mais regrettablement, règne parmi les masses une grande confusion politique et une non moins grande désorganisation qui favorise la capitalisation du mécontentement populaire par des forces profondément réactionnaires. Ainsi, « à Kiev, comme dans les régions de l’ouest et du centre, l’occupation des bâtiments est principalement organisée par le troisième parti d’opposition parlementaire Swoboda/Liberté et divers autres groupes d’extrême droite, avec un soutien populaire dans le contexte de rejet massif des violences policières et d’un président de plus en plus discrédité. Mais il n’y a ni processus d’auto-organisation de la population ni même montée en masse des mobilisations, en dépit d’une certaine extension territoriale. Cela donne un rôle surdimensionné à des groupes bien structurés, en lien ou en rivalité avec Swoboda » [13] .
La situation de dépendance totale du pays vis-à-vis des intérêts soit de la Russie, soit de l’impérialisme, est un autre élément sur lequel les groupes ultranationalistes fascisants s’appuient de façon démagogique.
Si les groupes et les militants qui se revendiquent de l’anticapitalisme et de l’antifascisme ne disputent pas les secteurs populaires mobilisés à l’extrême-droite, les risques seront grands pour le mouvement ouvrier et les masses en Ukraine. Sur ce point, une grande responsabilité retombe sur l’oppression nationale exercée par la Russie de Poutine sur l’Ukraine. En 1939, Trotsky soutenait que « sans le viol de l’Ukraine soviétique par la bureaucratie stalinienne, il n’y aurait pas de politique hitlérienne pour l’Ukraine ». En paraphrasant le révolutionnaire russe, tout en gardant les proportions, on pourrait dire aujourd’hui que sans la politique réactionnaire de Poutine et sa clique on ne peut pas comprendre le poids de l’influence des tendances pro-UE et ultranationalistes sur les classes populaires d’Ukraine.
Une des faiblesses fondamentales de ce mouvement c’est l’absence de la participation mouvement ouvrier organisé. Or, l’entrée du prolétariat dans la lutte serait centrale pour donner un autre contenu aux mobilisations actuelles, qui sont pour l’instant majoritairement tournées soit vers des objectifs pro-impérialistes soit vers le nationalisme réactionnaire de l’extrême droite. Les travailleurs et les masses d’Ukraine doivent s’inspirer des mobilisations en cours en Bosnie-Herzégovine qui mettent en avant des revendications clairement sociales des exploités et opprimés. Les travailleuses et travailleurs d’Ukraine doivent œuvrer à la construction d’un puissant mouvement qui s’oppose aussi bien au gouvernement d’Ianoukovitch qu’à l’opposition de droite pro-impérialiste ou fascisante. S’ils s’engagent dans cette voie ils sauront sans doute trouver des alliés de poids au sein de la classe ouvrière de Russie, des autres pays de la région mais aussi des pays impérialistes d’Europe !
13/2/2014.
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NOTES
[1] Regard-Est, « Ukraine : Nouveau « Jeudi Noir » », 17/1/2014.
[2] Catherine Samary, « La société ukrainienne entre ses oligarques et sa Troïka », 25/1/2014.
[3] L’exemple de l’industrie minière est très parlant. Alors que, dans les années 1980, il y avait en moyenne 4 morts et 6 blessés graves pour chaque million de tonnes de charbon, dans les années 1990 il y avait entre 15 et 20 morts par million de tonne de charbon extraite. Il s’agit d’un des taux de mortalité dans l’industrie minière des plus importants au monde.
[4] Spiegel.de, « ’Prepared to Die’ : The Right Wing’s Role in Ukrainian Protests », 27/1/2014.
[5] Idem.
[6] Idem.
[7] Comme dit Rafael Poch : « Tout pari sur un compromis qui ne satisfasse personne –ni à l’intérieur ni à l’extérieur de l’Ukraine- revient à jouer avec du feu. L’identité nationale de ce pays est un chantier encore inachevé, avec des grands différences internes qu’il ne faudrait pas déstabiliser depuis l’extérieur. En Galicie (Ouest) on regarde plutôt vers l’Occident. A l’Est et au Sud, une différenciation grandissante avec le grand-frère russe gagne du terrain. Il en va de même pour l’expansion de la langue ukrainienne et un certain sentiment de différenciation. Mais ces deux processus sont très différents entre eux, et si on exerce une pression sur eux depuis l’extérieur il y a un grand risque de rupture plein d’incertitude et dangers » (“La flor ucraniana de la Señora Nuland”, La Vanguardia 9/2/201).
[8] Spiegel, « Dithering in Kiev », 12/2/2014.
[9] Idem
[10] Idem.
[11] Le Monde, « Ukraine : Daniel, jeune père et prêt à prendre les armes », 3/2/2014.
[12] Catherine Samary, « La société ukrainienne… », op. cit.
[13] Catherine Samary, « Ukraine : pourrissement explosif », CATDM, 4/2/2014.
CCR- Messages : 168
Date d'inscription : 12/05/2011
Re: Ukraine
"Une révolte de masse d’Ukrainiens pour la démocratie"
Entretien.
Zakhar Popovych est économiste
et membre de la direction de « Opposition de gauche », un groupe politique ukrainien.
Avec lui, nous revenons sur la situation du pays ces dernières semaines
et la façon dont les militants anticapitalistes peuvent y intervenir.
http://npa2009.org/content/une-revolte-de-masse-dukrainiens-pour-la-democratie
Entretien.
Zakhar Popovych est économiste
et membre de la direction de « Opposition de gauche », un groupe politique ukrainien.
Avec lui, nous revenons sur la situation du pays ces dernières semaines
et la façon dont les militants anticapitalistes peuvent y intervenir.
http://npa2009.org/content/une-revolte-de-masse-dukrainiens-pour-la-democratie
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Ukraine
Explosion ukrainienne et enjeux entre grandes puissances
L’Ukraine à feu et à sang
Philippe Alcoy
Source: http://www.ccr4.org/L-Ukraine-a-feu-et-a-sang
Kiev a été le théâtre d’extrêmes violences dans la nuit du 18 au 19 février, les importants depuis le début de la contestation contre le gouvernement ukrainien en novembre 2013. On dénombre au moins 26 morts, dont 11 policiers, et plus de 240 blessés, une grande partie par balle. Cela est le résultat d’un tournant répressif du président Ianoukovitch alors que le pays traverse une situation de profonde crise économique, politique et sociale dont personne ne voit clairement une issue.
Même si les mobilisations avaient déjà pris un tour violent au milieu du mois de janvier quand le gouvernement ukrainien a fait voter au parlement des lois limitant fortement le droit à manifester, depuis au moins deux semaines la situation semblait s’être un peu apaisée. Une phase de négociation paraissait même ouverte. L’annulation de ces lois antidémocratiques, comme conséquence des mobilisations, les pressions internes et externes sur le gouvernement, ainsi que la démission du premier ministre Mycola Azarov, avaient contribué à établir un « calme sous tension ». D’ailleurs, les manifestants n’avaient pas évacué les places et bâtiments publics qu’ils occupaient dans différentes villes à travers le pays, notamment à l’Ouest.
Cependant, une brusque volte-face des députés du parti au pouvoir (le Parti des Régions), qui ont refusé d’inscrire à l’ordre du jour de la séance parlementaire le traitement d’une série de lois censées conduire à une réforme du régime politique, a provoqué la réactivation des manifestations. Près de vingt mil manifestants se sont dirigés vers le parlement ukrainien et ont occupé la Maison des Officier, un bâtiment de l’Armée à proximité du parlement. Après un ultimatum lancé parle gouvernement, le service du métro a été suspendu et des barrages ont été installés sur les routes menant à Kiev avec l’objectif d’isoler les manifestants antigouvernementaux.
En fin d’après-midi, mardi 18 février, les forces de répression renforcées par des blindés et des canons-à-eau lançaient l’assaut contre la Place de l’Indépendance (Maïdan), occupée depuis novembre par les manifestants. Les occupants de Maïdan les ont reçues avec des jets de cocktails molotov, de pavés, de feux d’artifices, ripostant même parfois avec des armes même. C’est après ces affrontements que le bilan en termes de morts et de blessés a été le plus lourd. Finalement, la police a pu rentrer à la place mais pour l’instant ne contrôle qu’un tiers de celle-ci.
Dans d’autres villes de l’Ouest du pays comme Lviv des manifestants auraient occupé les bâtiments du gouvernement local. Ils auraient également attaqué des commissariats et des bâtiments militaires. Un dépôt d’armes serait sous contrôle des manifestants, dans une région où la contestation est largement dirigée par le parti Swoboda, de l’extrême-droite nationaliste.
S’agit-il simplement d’un tournant répressif de Ianoukovitch ?
Ces derniers jours Ianoukovitch et ses proches étaient divisés sur l’attitude à adopter face aux manifestants. D’une part, un secteur soutenu voire encouragé par Moscou penchait pour une attitude répressive ; alors que, d’autre part, des secteurs de l’oligarchie nationale exerçaient une pression sur le gouvernement pour que celui-ci adopte une ligne de « dialogue » avec l’opposition et l’impérialisme. Ce secteur, menacé par les dirigeants impérialistes, craint que ses intérêts ne soient affectés et que leurs fortunes ne soient bloquées dans les banques occidentales.
Aujourd’hui ce « tournant répressif » pourrait être un indice d’un probable accord entre le président Ianoukovitch et la Russie. Ce qui aurait pu accélérer ce rapprochement est sans doute la situation économique catastrophique dans laquelle se trouve le pays. Celle-ci s’est en effet dégradée profondément depuis le début de l’année. Avant même le début de la contestation déjà, l’Ukraine se trouvait au bord de la faillite. En ce sens, la promesse de la part de la Russie de l’octroi d’un prêt de 15 milliards de dollars ainsi que d’une décote sur le prix du gaz avait joué un rôle déterminant pour que Ianoukovitch prenne la décision de ne pas signer l’accord d’association avec l’UE en novembre dernier.
Une première tranche de 3 milliards de dollars a été versée à l’Ukraine en décembre. En janvier, après la démission du premier ministre Azarov, le gouvernement russe avait conditionné le versement du reste du prêt à la formation d’un nouveau gouvernement qui lui soit favorable mais le 17 février des dirigeants russes déclaraient que la Russie verserait une nouvelle tranche de 2 milliards de dollars. On ne connaît pas encore sur quelle contrepartie Kiev s’est engagé. A cela il faut ajouter que l’impérialisme, aujourd’hui, est incapable de faire une offre équivalente à celle promise par Moscou, pas même pas une intégration à l’UE à court terme.
Les dirigeants impérialistes de l’UE de leur côté, notamment l’Allemagne, qui avait une position plus « modérée », ont haussé le ton, menaçant d’appliquer des sanctions ciblées « à l’encontre des responsables de la violence et de la répression ». Parallèlement, pour laisser une porte de sortie ouverte et ne pas s’aventurer dans une spirale de violence incontrôlable, ils appellent au calme, au dialogue et à la recherche d’une solution négociée avec la Russie.
Le gouvernement russe parle de complot et de « tentative de coup d’Etat » de la part des occidentaux et les rend responsable de la violence. De concert, Moscou appelle l’opposition ukrainienne à reprendre les négociations avec le « gouvernement légitime », celui de Ianoukovitch. C’est en ce sens qu’on ne peut pas non plus exclure que ce tournant répressif soit une sorte de manœuvre, encore limitée, destinée à faire pencher le rapport de forces en faveur d’Ianoukovitch et des alliés de la Russie pour pouvoir négocier dans une position plus favorable. Tout cela dans le cadre où il n’est pas facile de désamorcer le mouvement sans qu’il y ait un massacre qui risquerait de déclencher une guerre civile, ce qui, de surcroît, provoquerait une rupture complète avec les puissances occidentales. D’ailleurs, au moment où nous écrivons cet article le président Ianoukovitch déclarait avoir décrété une « trêve » avec l’opposition, notamment après la menace de sanctions de la part de plusieurs pays occidentaux.
Lutter pour une perspective de classe
Actuellement, aucun scénario ne peut être exclu pour l’Ukraine, y compris les plus « catastrophiques ». Evidemment, l’impérialisme pour le moment, notamment l’Allemagne à la tête des puissances européennes, fait le pari d’une issue négociée avec Ianoukovitch, l’opposition et la Russie. Mais la répression contre les occupants de Maïdan pourrait être en train de réactiver et de radicaliser la résistance, notamment dans les régions de l’Ouest.
En ce sens, si la lutte s’intensifie, une balkanisation du pays, à l’image de ce qu’a connu la Yougoslavie dans les années 1990 n’est pas à exclure. Pour essayer d’éviter ce danger, certains dirigeants russes commencent à parler d’une Ukraine « fédérative ». Ainsi, Serguei Glaziev, conseiller du président russe Vladimir Poutine, explique « [qu’il] faut donner davantage de droits aux régions d’Ukraine afin qu’elles puissent avoir leur propre budget et déterminer partiellement leur propre politique étrangère ».
Mais face à ces alternatives réactionnaires aussi bien du pouvoir pro-russe que de l’opposition pro-UE et des groupes d’extrême-droite nationalistes, une alternative de classe faire cruellement défaut, à même de lutter pour les intérêts des travailleurs et des classes populaires. Pour l’instant, dans les régions les plus industrialisées de l’Est du pays, le monde du travail se tient en marge de la contestation lorsqu’il ne soutient pas carrément Ianoukovitch.
Plus en général, le mouvement ouvrier organisé n’est pas intervenu pour le moment dans la crise que traverse l’Ukraine. Pourtant, cela serait fondamental pour donner un autre contenu à cette explosion sociale. Une explosion sociale qui est évidemment beaucoup plus profonde que l’exigence d’un « rapprochement » avec l’UE. Pour l’instant, malheureusement, ce sont l’opposition pro-UE et les groupes néofasciste qui réussissent à capitaliser le mécontentement.
Les travailleurs et les masses d’Ukraine doivent s’inspirer de la révolte qui secoue la Bosnie-Herzégovine où les revendications ouvrières et populaires sont sur le devant de la scène. Prendre cette voie ce serait aussi une façon de disputer l’influence sur des secteurs importants des classes moyennes aux tendances nationalistes réactionnaires et bourgeoises libérales et créer une alliance de classe explosive capable de remettre profondément en question le capitalisme semi-colonial ukrainien.
19/02/14.
L’Ukraine à feu et à sang
Philippe Alcoy
Source: http://www.ccr4.org/L-Ukraine-a-feu-et-a-sang
Kiev a été le théâtre d’extrêmes violences dans la nuit du 18 au 19 février, les importants depuis le début de la contestation contre le gouvernement ukrainien en novembre 2013. On dénombre au moins 26 morts, dont 11 policiers, et plus de 240 blessés, une grande partie par balle. Cela est le résultat d’un tournant répressif du président Ianoukovitch alors que le pays traverse une situation de profonde crise économique, politique et sociale dont personne ne voit clairement une issue.
Même si les mobilisations avaient déjà pris un tour violent au milieu du mois de janvier quand le gouvernement ukrainien a fait voter au parlement des lois limitant fortement le droit à manifester, depuis au moins deux semaines la situation semblait s’être un peu apaisée. Une phase de négociation paraissait même ouverte. L’annulation de ces lois antidémocratiques, comme conséquence des mobilisations, les pressions internes et externes sur le gouvernement, ainsi que la démission du premier ministre Mycola Azarov, avaient contribué à établir un « calme sous tension ». D’ailleurs, les manifestants n’avaient pas évacué les places et bâtiments publics qu’ils occupaient dans différentes villes à travers le pays, notamment à l’Ouest.
Cependant, une brusque volte-face des députés du parti au pouvoir (le Parti des Régions), qui ont refusé d’inscrire à l’ordre du jour de la séance parlementaire le traitement d’une série de lois censées conduire à une réforme du régime politique, a provoqué la réactivation des manifestations. Près de vingt mil manifestants se sont dirigés vers le parlement ukrainien et ont occupé la Maison des Officier, un bâtiment de l’Armée à proximité du parlement. Après un ultimatum lancé parle gouvernement, le service du métro a été suspendu et des barrages ont été installés sur les routes menant à Kiev avec l’objectif d’isoler les manifestants antigouvernementaux.
En fin d’après-midi, mardi 18 février, les forces de répression renforcées par des blindés et des canons-à-eau lançaient l’assaut contre la Place de l’Indépendance (Maïdan), occupée depuis novembre par les manifestants. Les occupants de Maïdan les ont reçues avec des jets de cocktails molotov, de pavés, de feux d’artifices, ripostant même parfois avec des armes même. C’est après ces affrontements que le bilan en termes de morts et de blessés a été le plus lourd. Finalement, la police a pu rentrer à la place mais pour l’instant ne contrôle qu’un tiers de celle-ci.
Dans d’autres villes de l’Ouest du pays comme Lviv des manifestants auraient occupé les bâtiments du gouvernement local. Ils auraient également attaqué des commissariats et des bâtiments militaires. Un dépôt d’armes serait sous contrôle des manifestants, dans une région où la contestation est largement dirigée par le parti Swoboda, de l’extrême-droite nationaliste.
S’agit-il simplement d’un tournant répressif de Ianoukovitch ?
Ces derniers jours Ianoukovitch et ses proches étaient divisés sur l’attitude à adopter face aux manifestants. D’une part, un secteur soutenu voire encouragé par Moscou penchait pour une attitude répressive ; alors que, d’autre part, des secteurs de l’oligarchie nationale exerçaient une pression sur le gouvernement pour que celui-ci adopte une ligne de « dialogue » avec l’opposition et l’impérialisme. Ce secteur, menacé par les dirigeants impérialistes, craint que ses intérêts ne soient affectés et que leurs fortunes ne soient bloquées dans les banques occidentales.
Aujourd’hui ce « tournant répressif » pourrait être un indice d’un probable accord entre le président Ianoukovitch et la Russie. Ce qui aurait pu accélérer ce rapprochement est sans doute la situation économique catastrophique dans laquelle se trouve le pays. Celle-ci s’est en effet dégradée profondément depuis le début de l’année. Avant même le début de la contestation déjà, l’Ukraine se trouvait au bord de la faillite. En ce sens, la promesse de la part de la Russie de l’octroi d’un prêt de 15 milliards de dollars ainsi que d’une décote sur le prix du gaz avait joué un rôle déterminant pour que Ianoukovitch prenne la décision de ne pas signer l’accord d’association avec l’UE en novembre dernier.
Une première tranche de 3 milliards de dollars a été versée à l’Ukraine en décembre. En janvier, après la démission du premier ministre Azarov, le gouvernement russe avait conditionné le versement du reste du prêt à la formation d’un nouveau gouvernement qui lui soit favorable mais le 17 février des dirigeants russes déclaraient que la Russie verserait une nouvelle tranche de 2 milliards de dollars. On ne connaît pas encore sur quelle contrepartie Kiev s’est engagé. A cela il faut ajouter que l’impérialisme, aujourd’hui, est incapable de faire une offre équivalente à celle promise par Moscou, pas même pas une intégration à l’UE à court terme.
Les dirigeants impérialistes de l’UE de leur côté, notamment l’Allemagne, qui avait une position plus « modérée », ont haussé le ton, menaçant d’appliquer des sanctions ciblées « à l’encontre des responsables de la violence et de la répression ». Parallèlement, pour laisser une porte de sortie ouverte et ne pas s’aventurer dans une spirale de violence incontrôlable, ils appellent au calme, au dialogue et à la recherche d’une solution négociée avec la Russie.
Le gouvernement russe parle de complot et de « tentative de coup d’Etat » de la part des occidentaux et les rend responsable de la violence. De concert, Moscou appelle l’opposition ukrainienne à reprendre les négociations avec le « gouvernement légitime », celui de Ianoukovitch. C’est en ce sens qu’on ne peut pas non plus exclure que ce tournant répressif soit une sorte de manœuvre, encore limitée, destinée à faire pencher le rapport de forces en faveur d’Ianoukovitch et des alliés de la Russie pour pouvoir négocier dans une position plus favorable. Tout cela dans le cadre où il n’est pas facile de désamorcer le mouvement sans qu’il y ait un massacre qui risquerait de déclencher une guerre civile, ce qui, de surcroît, provoquerait une rupture complète avec les puissances occidentales. D’ailleurs, au moment où nous écrivons cet article le président Ianoukovitch déclarait avoir décrété une « trêve » avec l’opposition, notamment après la menace de sanctions de la part de plusieurs pays occidentaux.
Lutter pour une perspective de classe
Actuellement, aucun scénario ne peut être exclu pour l’Ukraine, y compris les plus « catastrophiques ». Evidemment, l’impérialisme pour le moment, notamment l’Allemagne à la tête des puissances européennes, fait le pari d’une issue négociée avec Ianoukovitch, l’opposition et la Russie. Mais la répression contre les occupants de Maïdan pourrait être en train de réactiver et de radicaliser la résistance, notamment dans les régions de l’Ouest.
En ce sens, si la lutte s’intensifie, une balkanisation du pays, à l’image de ce qu’a connu la Yougoslavie dans les années 1990 n’est pas à exclure. Pour essayer d’éviter ce danger, certains dirigeants russes commencent à parler d’une Ukraine « fédérative ». Ainsi, Serguei Glaziev, conseiller du président russe Vladimir Poutine, explique « [qu’il] faut donner davantage de droits aux régions d’Ukraine afin qu’elles puissent avoir leur propre budget et déterminer partiellement leur propre politique étrangère ».
Mais face à ces alternatives réactionnaires aussi bien du pouvoir pro-russe que de l’opposition pro-UE et des groupes d’extrême-droite nationalistes, une alternative de classe faire cruellement défaut, à même de lutter pour les intérêts des travailleurs et des classes populaires. Pour l’instant, dans les régions les plus industrialisées de l’Est du pays, le monde du travail se tient en marge de la contestation lorsqu’il ne soutient pas carrément Ianoukovitch.
Plus en général, le mouvement ouvrier organisé n’est pas intervenu pour le moment dans la crise que traverse l’Ukraine. Pourtant, cela serait fondamental pour donner un autre contenu à cette explosion sociale. Une explosion sociale qui est évidemment beaucoup plus profonde que l’exigence d’un « rapprochement » avec l’UE. Pour l’instant, malheureusement, ce sont l’opposition pro-UE et les groupes néofasciste qui réussissent à capitaliser le mécontentement.
Les travailleurs et les masses d’Ukraine doivent s’inspirer de la révolte qui secoue la Bosnie-Herzégovine où les revendications ouvrières et populaires sont sur le devant de la scène. Prendre cette voie ce serait aussi une façon de disputer l’influence sur des secteurs importants des classes moyennes aux tendances nationalistes réactionnaires et bourgeoises libérales et créer une alliance de classe explosive capable de remettre profondément en question le capitalisme semi-colonial ukrainien.
19/02/14.
CCR- Messages : 168
Date d'inscription : 12/05/2011
Re: Ukraine
La question de l’indépendance de classe du prolétariat
Ukraine. Retour sur les luttes des mineurs du Donbass dans les années 1990
Philippe Alcoy
Source: http://www.ccr4.org/L-exemple-des-luttes-des-mineurs-du-Donbass-dans-les-annees-1990
Dans le mouvement actuel de contestation en Ukraine, on peut voir des secteurs des classes populaires descendre dans la rue pour soutenir des projets politiques bourgeois comme l’intégration de l’Ukraine au sein de l’UE. Malheureusement ce n’est pas la première fois que les masses d’Ukraine, par manque d’une alternative politique qui défende réellement leurs intérêts, soutiennent des projets bourgeois. De ce point de vue, le cas le plus dramatique est celui des mineurs du Donbass, région la plus industrialisée du pays, majoritairement russophone.
Dans cette région, face à la dégradation de leurs conditions de vie, les mineurs avaient déclenché des grèves très importantes à la fin des années 1980 contre « Moscou ». Ils sont par la suite devenus l’un des piliers de la lutte pour l’indépendance de l’Ukraine, mais aussi de celle pour l’établissement d’un régime de démocratie bourgeoise et l’ouverture au marché capitaliste : « le premier et le deuxième congrès du syndicat des mineurs, tenus à Donetsk en juin et octobre 1990, sont devenus des événements bien plus politiques que syndicaux. Les résolutions adoptées accusaient le Parti Communiste et le gouvernement central de bloquer la transition vers l’économie de marché et la démocratie » [1].
Pour autant, l’espoir porté par les mineurs derrière ces revendications n’étaient nullement les mêmes que celles des bureaucrates et de « l’intelligentsia » cherchant à s’enrichir et devenir la nouvelle classe dominante au niveau national : « les objectifs des mineurs et des autres groupes d’opposition en Ukraine qui s’opposaient à l’Etat soviétique et à la ‘bureaucratie de Moscou’ étaient presque identiques. Cependant, cette similarité était basée sur des croyances différentes. (…) Lors du premier congrès du Rukh [principal groupe d’opposition bourgeois], la motion proposant de promouvoir ‘la démocratisation et l’extension de la glasnost’ a été appuyée par 75% des délégués ; 73% des délégués a défendu ‘le développement de la langue et de la culture ukrainiennes’, et seulement 46% a donné la priorité à la ‘résolution des problèmes économiques pressants’. Au contraire de l’intelligentsia, les travailleurs ont soutenu l’indépendance de l’Ukraine car ils pensaient que cela pourrait permettre d’améliorer leur situation matérielle » [2].
Au milieu des années 1990, les mineurs du Donbass constatant les effets désastreux de l’application des réformes pro-marché, se sont affrontés aux nouvelles autorités ukrainiennes. Mais malheureusement, une fois encore ils se sont associés à des projets bourgeois « alternatifs », cette fois-ci celui des nouvelles « élites » régionales, en soutenant le Parti des Régions du président Ianoukovitch dans cette partie du pays. L’auteur de l’article cité ci-dessus résume ainsi en deux phases les luttes des mineurs : « [durant la première phase] les opportunités politiques créées par l’action commune des mineurs du Donbass et des intellectuels de Kiev ont été finalement saisies par l’ancienne nomenklatura et par les nouvelles élites. Pendant la seconde phase, le soutien apporté antérieurement par l’intelligentsia nationale avait disparu. Les managers, les groupes régionaux clientélistes, les élites affairistes et de larges segments de la population russophone locale sont devenus les nouveaux alliés des mineurs » [3]. Vers la fin des années 1990, les luttes des mineurs pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail avaient nettement diminué et une certaine démoralisation avait gagné les rangs des travailleurs. Cela pourrait expliquer, en partie, leur attitude de méfiance, voire de soutien au gouvernement, face au mouvement de contestation actuel.
Tirer les leçons tragiques de la période stalinienne ainsi que celles de la restauration capitaliste, est une question de vie ou de mort pour que le prolétariat d’Ukraine se présente comme une force indépendante et puisse imprimer un caractère progressiste aux événements à venir.
10/2/2014.
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[1] Vlad Mykhnenko, “State, Society and Protest under Post-Communism : Ukrainian Miners and Their Defeat”, avril 2000.
[2] Idem.
[3] Idem.
Ukraine. Retour sur les luttes des mineurs du Donbass dans les années 1990
Philippe Alcoy
Source: http://www.ccr4.org/L-exemple-des-luttes-des-mineurs-du-Donbass-dans-les-annees-1990
Dans le mouvement actuel de contestation en Ukraine, on peut voir des secteurs des classes populaires descendre dans la rue pour soutenir des projets politiques bourgeois comme l’intégration de l’Ukraine au sein de l’UE. Malheureusement ce n’est pas la première fois que les masses d’Ukraine, par manque d’une alternative politique qui défende réellement leurs intérêts, soutiennent des projets bourgeois. De ce point de vue, le cas le plus dramatique est celui des mineurs du Donbass, région la plus industrialisée du pays, majoritairement russophone.
Dans cette région, face à la dégradation de leurs conditions de vie, les mineurs avaient déclenché des grèves très importantes à la fin des années 1980 contre « Moscou ». Ils sont par la suite devenus l’un des piliers de la lutte pour l’indépendance de l’Ukraine, mais aussi de celle pour l’établissement d’un régime de démocratie bourgeoise et l’ouverture au marché capitaliste : « le premier et le deuxième congrès du syndicat des mineurs, tenus à Donetsk en juin et octobre 1990, sont devenus des événements bien plus politiques que syndicaux. Les résolutions adoptées accusaient le Parti Communiste et le gouvernement central de bloquer la transition vers l’économie de marché et la démocratie » [1].
Pour autant, l’espoir porté par les mineurs derrière ces revendications n’étaient nullement les mêmes que celles des bureaucrates et de « l’intelligentsia » cherchant à s’enrichir et devenir la nouvelle classe dominante au niveau national : « les objectifs des mineurs et des autres groupes d’opposition en Ukraine qui s’opposaient à l’Etat soviétique et à la ‘bureaucratie de Moscou’ étaient presque identiques. Cependant, cette similarité était basée sur des croyances différentes. (…) Lors du premier congrès du Rukh [principal groupe d’opposition bourgeois], la motion proposant de promouvoir ‘la démocratisation et l’extension de la glasnost’ a été appuyée par 75% des délégués ; 73% des délégués a défendu ‘le développement de la langue et de la culture ukrainiennes’, et seulement 46% a donné la priorité à la ‘résolution des problèmes économiques pressants’. Au contraire de l’intelligentsia, les travailleurs ont soutenu l’indépendance de l’Ukraine car ils pensaient que cela pourrait permettre d’améliorer leur situation matérielle » [2].
Au milieu des années 1990, les mineurs du Donbass constatant les effets désastreux de l’application des réformes pro-marché, se sont affrontés aux nouvelles autorités ukrainiennes. Mais malheureusement, une fois encore ils se sont associés à des projets bourgeois « alternatifs », cette fois-ci celui des nouvelles « élites » régionales, en soutenant le Parti des Régions du président Ianoukovitch dans cette partie du pays. L’auteur de l’article cité ci-dessus résume ainsi en deux phases les luttes des mineurs : « [durant la première phase] les opportunités politiques créées par l’action commune des mineurs du Donbass et des intellectuels de Kiev ont été finalement saisies par l’ancienne nomenklatura et par les nouvelles élites. Pendant la seconde phase, le soutien apporté antérieurement par l’intelligentsia nationale avait disparu. Les managers, les groupes régionaux clientélistes, les élites affairistes et de larges segments de la population russophone locale sont devenus les nouveaux alliés des mineurs » [3]. Vers la fin des années 1990, les luttes des mineurs pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail avaient nettement diminué et une certaine démoralisation avait gagné les rangs des travailleurs. Cela pourrait expliquer, en partie, leur attitude de méfiance, voire de soutien au gouvernement, face au mouvement de contestation actuel.
Tirer les leçons tragiques de la période stalinienne ainsi que celles de la restauration capitaliste, est une question de vie ou de mort pour que le prolétariat d’Ukraine se présente comme une force indépendante et puisse imprimer un caractère progressiste aux événements à venir.
10/2/2014.
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[1] Vlad Mykhnenko, “State, Society and Protest under Post-Communism : Ukrainian Miners and Their Defeat”, avril 2000.
[2] Idem.
[3] Idem.
CCR- Messages : 168
Date d'inscription : 12/05/2011
Re: Ukraine
Ianoukevitch a abandonné sa résidence et ses bureaux de Kiev,
désertés des forces qui les protégeaient, pour une destination inconnue.
L’un de ses proches, le président du Parlement, a démissionné
tandis que les défections de son parti pleuvent chez les députés.
Vitali Klitschko, l’un des leaders de l’opposition réclame
qu’il soit destitué par le Parlement et que des élections présidentielles se tiennent le 25 mai.
Le bras droit de Ioulia Tymochenko, ancien premier ministre aujourd’hui emprisonnée,
a depuis été élu président du Parlement.
Sur le site officiel du ministère de l’intérieur, la police proclame être
« au service du peuple et partage entièrement ses aspirations aux changements rapides ».
désertés des forces qui les protégeaient, pour une destination inconnue.
L’un de ses proches, le président du Parlement, a démissionné
tandis que les défections de son parti pleuvent chez les députés.
Vitali Klitschko, l’un des leaders de l’opposition réclame
qu’il soit destitué par le Parlement et que des élections présidentielles se tiennent le 25 mai.
Le bras droit de Ioulia Tymochenko, ancien premier ministre aujourd’hui emprisonnée,
a depuis été élu président du Parlement.
Sur le site officiel du ministère de l’intérieur, la police proclame être
« au service du peuple et partage entièrement ses aspirations aux changements rapides ».
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Ukraine
Interview (traduite en anglais) d'un syndicaliste autonome ukrainien. Beaucoup d'informations utiles sur le contexte politique et social.
the welfare of the working classes, as well as the general state of the economy leaves much to be desired, and people have all legitimate reasons to demand better living standards. Sadly, these grievances are dressed in the false consciousness of nationalism.
sylvestre- Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010
Re: Ukraine
L'histoire est très très loin d'être finie.
L'armée ?
L'armée ?
Copas- Messages : 7025
Date d'inscription : 26/12/2010
Re: Ukraine
En live:
http://abonnes.lemonde.fr/europe/live/2014/02/22/suivez-la-situation-en-ukraine_4371724_3214.html
http://abonnes.lemonde.fr/europe/live/2014/02/22/suivez-la-situation-en-ukraine_4371724_3214.html
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Ukraine
L'Ukraine découvre le train de vie luxueux de l'ex-président
Un domaine immense, des intérieurs de marbre, un parcours de golf et même un zoo privé: les milliers d'Ukrainiens venus samedi admirer la résidence du président déchu Viktor Ianoukovitch en sont ressortis bouche bée.
«Je suis sous le choc», lance Natalia Roudenko, militaire à la retraite. Elle contemple, bouche bée, les pelouses manucurées, ornées de statues de lapins et de cerfs, dans cette propriété située à une quinzaine de kilomètres de Kiev et perçue comme un symbole de la corruption du régime.
Son titulaire habituel, Viktor Ianoukovitch, a été quelques heures plus tôt destitué de facto par le Parlement et «se cache actuellement quelque part dans la région de Donetsk», région pro-russe dans l'est de l'Ukraine dont il est originaire, selon le président du Parlement Olexandre Tourtchinov.
«Dans un pays où il y a autant de pauvreté, comment une personne peut-elle avoir autant ? Ce doit être un malade mental», estime Natalia Roudenko. «Il faut que le monde voit ça et qu'on le traîne devant la justice», insiste-t-elle.
L'ex-militaire n'est pas la seule à s'intéresser au train de vie de l'élite ukrainienne: l'affluence de curieux a provoqué un énorme embouteillage sur la route d'accès au site et une interminable queue devant l'imposant portail de fer forgé du domaine.
La suite .../...
Il est instructif de constater que de la Chine à la Russie, de l'Ukraine à d'autres pays de l'Est, les régimes issus de la transition du capitalisme d'état au capitalisme plus traditionnel, fabriquent tant de corrompus maffieux.
Il n'y a là rien de bien spécial dans l'histoire du capitalisme, la prédation aux sources du système ne part pas de la main libre du marché, mais de la violence et l’accaparement sans état d'âme.
La façon dont les oligarques se sont saisis d'immenses fortunes, dont ils ont utilisés les appareils d'état, les failles de la transition, pour s'en mettre plein les fouilles, se saisir de fortunes par des méthodes maffieuses, sont des mécanismes communs de Poutine à Khodorkovski, de Ioulia Timochenko à Ianoukovitch, de la famille de Xi Jinping à celle de Hu Jintao..
Il n'y a là rien qui ne se fasse par la main libre du marché mais plus par la main baladeuse dans les poches de la classe populaire avec toute la puissance de l'appareil d'état.
Derrière chaque grande fortune, il y a un grand crime, Balzac.
Dans ces chocs de prédation, les uns perdent, les autres gagnent et vice versa. L'Ukraine nous le rappelle.
Reste la question des masses.
Copas- Messages : 7025
Date d'inscription : 26/12/2010
Déclaration du Syndicat Autonome des Travailleurs
http://communismeouvrier.wordpress.com/2014/02/22/declaration-sur-la-situation-en-ukraine-du-syndicat-autonome-des-travailleurs/
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Ukraine
Le profil vkontakte de la fameuse infirmière martyre
http://vk.com/id92352737
On voit qu'elle repartage sans problème des statuts des nazis de Praviy Sektor
http://vk.com/wall92352737_22936
http://vk.com/wall92352737_22935
http://vk.com/wall92352737_22934
http://vk.com/wall92352737_22924
etc.
http://vk.com/id92352737
On voit qu'elle repartage sans problème des statuts des nazis de Praviy Sektor
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http://vk.com/wall92352737_22924
etc.
Marco Pagot- Messages : 940
Date d'inscription : 26/06/2010
Age : 36
du bras de fer au bain de sang
http://www.union-communiste.org/?FR-archp-show-2014-1-1832-6734-x.html
Prise entre l’impérialisme d’un côté, la Russie de Poutine et la bureaucratie de Ianoukovitch de l’autre, la population travailleuse d’Ukraine voit se dresser contre elle les Berkout tout comme les nervis de Svoboda. La crise actuelle souligne de façon sanglante à quel point il lui manque des groupes, des organisations révolutionnaires, qui veuillent et sachent s’adresser à la classe ouvrière de ce pays, dans toutes les langues qu’elle emploie, pour défendre auprès d’elle une politique de classe. Une politique qui indique clairement aux travailleurs ce qui les oppose fondamentalement à leurs exploiteurs et à ceux qui sont leurs serviteurs politiques, au système dont ceux-ci se réclament, et cela quelle que soit leur étiquette ou la langue dans laquelle ils donnent des ordres à leurs chiens de garde.
21 février 2014
Lutte de Classe
Mars 2014
mykha- Messages : 1079
Date d'inscription : 19/06/2013
La bataille pour l’avenir ne fait que commencer
Bain de sang à Kiev
http://www.avanti4.be/analyses/article/bain-de-sang-a-kiev
La bataille pour l’avenir ne fait que commencer en Ukraine
http://www.avanti4.be/analyses/article/la-bataille-pour-l-avenir-ne-fait-que-commencer
http://www.avanti4.be/analyses/article/bain-de-sang-a-kiev
La bataille pour l’avenir ne fait que commencer en Ukraine
http://www.avanti4.be/analyses/article/la-bataille-pour-l-avenir-ne-fait-que-commencer
Antonio Valledor- Messages : 160
Date d'inscription : 01/06/2012
Quelle victoire ?
Catherine Samary
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article31190
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article31190
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Ukraine
Ukraine : le risque de partition, et ce qu'il impliquerait
Depuis l'installation du nouveau pouvoir à Kiev, les médias français semblent découvrir que l'Ukraine ne se réduit pas à sa capitale. Et d'expliquer maintenant que cette « révolution », qu'ils ont dépeinte comme mobilisant la population contre le régime précédent, non seulement ne fait pas l'unanimité parmi la population, mais que la situation qu'elle crée pourrait déboucher sur une partition du pays.
Dans l'Ouest ukrainophone, les soutiens ont été massifs à l'opposition de droite et d'extrême droite de « l'Euromaïdan ». Les autorités en place y ont été balayées ou se sont soumises aux ultranationalistes. Le parti d'extrême droite Svoboda, qui a recueilli près de 40 % des voix aux législatives dans ces provinces, s'y sent assez fort pour avoir fait interdire les organisations communistes. Dans la nuit du 20 février, des commandos d'extrême droite ont même réussi à investir des bâtiments de la police et autres organes de répression à Lvov et dans sept villes de l'ouest du pays, en s'emparant des armes qui s'y trouvaient.
En revanche dans l'Est, industriel et russophone, l'attitude de la majorité de la population reste circonspecte, sinon hostile à l'égard des forces qui dominent dans la capitale. Et les autorités en jouent. Kharkov, seconde ville du pays et capitale de l'Ukraine soviétique après 1917, compte un million et demi d'habitants : très industrialisée et située à proximité de la Russie, c'est là que vient de se former un Front ukrainien anti-Maïdan. Dans la région de Donetsk, avec sa sidérurgie et ses mines, les autorités menacent de faire sécession.
C'est également le cas au sud du pays, dans la presqu'île de Crimée, avec sa population majoritairement russe. Khrouchtchev l'avait rattachée administrativement à l'Ukraine en 1954, ce qui n'avait aucune incidence dans le cadre unifié de l'Union soviétique. Mais l'URSS a disparu, des frontières jusqu'alors administratives sont devenues étatiques. Et cela change bien des choses.
La coupure du pays en deux entités plus ou moins opposées par la langue, le degré de développement économique, l'environnement géographique et plus encore par la démagogie de politiciens sans scrupules dans chaque camp, est grosse de dangers. Les interventions répétées d'Obama et de ses collègues européens ces jours derniers, leurs mises en garde contre la tentation que Poutine aurait de jouer l'est de l'Ukraine contre le pouvoir nationaliste qui se met en place à Kiev, dit assez que les dirigeants occidentaux prennent au sérieux l'éventualité d'un éclatement de l'Ukraine. Depuis des années, ils l'ont poussée à s'éloigner de la Russie et ont soutenu les forces pesant en ce sens. Maintenant ils s'inquiètent de la possibilité d'un incendie qu'ils ont contribué à lancer et qui, échappant à leur contrôle, ravagerait cette partie de l'Europe.
Rien ne dit que l'on en arrivera là. Mais une chose est certaine : si l'Ukraine devait éclater, l'Occident aurait une responsabilité énorme dans une séparation qui, vu les circonstances, n'aurait rien d'amiable.
Présenté comme un divorce civilisé car sans heurts, l'éclatement de la Tchécoslovaquie, fin 1992, allait déjà dans un sens réactionnaire : les dirigeants slovaques voulaient avoir leur appareil d'État, les dirigeants tchèques voulaient se délester d'une Slovaquie moins développée qui gênait leur intégration au marché impérialiste.
Mais à la même époque se déroula un autre divorce étatique, lui de sinistre mémoire : celui que provoquèrent les ambitions rivales des bureaucrates de Yougoslavie, sur fond de rivalités entre grandes puissances européennes. Le résultat fut une guerre de plusieurs années, des millions de gens chassés de chez eux, des centaines de milliers de morts, un fossé de sang creusé entre les populations par leurs dirigeants et leur ignoble politique d'épuration ethnique.
Vingt ans et quelques plus tard, personne ne sait quand les plaies de l'éclatement yougoslave auront cicatrisé.
En Ukraine, une partition risque de se faire « à la yougoslave », mais en dix fois pire. Parce que le pays est plus grand, plus peuplé. Parce que, sans remonter aux pogroms du tsarisme, l'histoire rappelle que pareilles tragédies sont toujours possibles. Cette histoire, c'est celle des nationalistes ukrainiens durant la Seconde Guerre mondiale, alliés des nazis dans la chasse aux Juifs, aux Polonais, aux Russes et aux communistes ; celle des déportations meurtrières de peuples par Staline à la même époque ; celle des conflits qui ensanglantent le Caucase et l'Asie ex-soviétiques depuis un quart de siècle.
Bien sûr, rien n'est joué. Mais le jeu des grandes puissances et de la Russie en ex-URSS, celui des dirigeants ukrainiens qui ont attisé le nationalisme des uns contre celui des autres, tout cela a placé une bombe à retardement au coeur de l'Ukraine, de sa population et des peuples qu'elle a pour voisins.
P.L.
LUTTE OUVRIERE
mykha- Messages : 1079
Date d'inscription : 19/06/2013
Maidan : de l’autodéfense à la démocratie
Vitalyï Doudine
http://orta.dynalias.org/inprecor/article-inprecor?id=1582
http://orta.dynalias.org/inprecor/article-inprecor?id=1582
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Euromaidan et le programme de la gauche
Zahar Popovitch
http://orta.dynalias.org/inprecor/article-inprecor?id=1574
http://orta.dynalias.org/inprecor/article-inprecor?id=1574
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Ukraine
Déclaration du Comité International de la Quatrième International :
Ukraine : déclaration adoptée par le CI de la QI le 25/02/2014
1- La crise politique a commencé en Ukraine en novembre 2013 quand le président Ianoukovitch a décidé, sous fortes pressions russes, de ne pas signer l'association de libre-échange avec l'UE, en dépit de la campagne officielle menée par le Parti des Régions depuis des mois. Elle s'est déclenchée dans le contexte d'une profonde crise sociale et d'endettement qui plaçait le pays sous pression du FMI. La façon dont la décision a été prise par le pouvoir personnel du président, a donné force à la crainte populaire d'une nouvelle intégration de l'Ukraine dans un projet régional dominé par la Russie, et que cela accentuerait les dérives oligarchiques répressives et présidentielles du régime visibles depuis 2010.
Dès lors la crise fut loin d'opposer deux camps ou programmes clairement délimités : elle a révélé des différenciations et hésitations parmi les oligarques et élites, même au sein du Parti des Régions (du président), et - en dépit de différences culturelles, sociales et politiques entre différentes régions historiques du pays-, l'émergence des masses comme un facteur indépendant exprimant leur « indignation » et défiance envers les partis politiques – que ce soit par l'implication directe dans le mouvement Maïdan (surtout dans l'ouest et le centre du pays) ou de façon passive (dominant dans l'est russophone).
Une semaine de violence sanglante a imposé le point de vue des protestataires en faveur du départ immédiat du président Ianoukovitch. Ce n'est pas un « coup d'Etat » qui l'a renversé : son impopularité croissante est devenue rejet absolu devant l'horreur de quelques 80 victimes de ses snipers tirant à balles réelles contre les manifestants. C'est cela qui a produit, après des mois d'hésitation des institutions dominantes entre répression et dialogue, l'isolement radical du président dans son propre camp : le Parlement a voté sa destitution, pendant qu'une partie des forces de police et sans doute de l'armée se déclarait à Kiev, comme en régions, « du côté du peuple », et que la fuite vers la Russie du président était stoppée dans le Donetsk, au cœur de son propre bastion.
2- Ce mouvement, depuis le début, a présenté des traits combinés, à la fois révolutionnaires (démocratiques, anti-hiérarchiques, auto-organisé) et réactionnaires – dont l'issue globale est et demeure tributaire de luttes politiques et sociales. Ces traits ont été également profondément liés au caractère marquant l'actuelle société ukrainienne post-soviétique (atomisée, sans identité de classe claire, avec une dégradation de l'éducation et l'hégémonie des idées nationalistes réactionnaires dans la société – combinées avec un légitime attachement à l'indépendance nationale et l'héritage dramatique du stalinisme).
Nous soutenons le mécontentement et les aspirations populaires à une vie décente et libre dans un Etat de droit débarrassé de son régime oligarchique et criminel, exprimés dans le mouvement dit EuroMaïdan et dans le pays – tout en étant convaincus que l'UE est incapable de les satisfaire, et en le disant.
Nous soutenons le droit du peuple ukrainien tout entier à décider et contrôler les accords internationaux négociés – ou rompus – en son nom, que ce soit avec la Russie ou avec l'UE. Avec une pleine transparence sur leurs effets politiques et socio-économiques.
Nous dénonçons toutes les institutions et forces politiques internationales ou nationales, quelles que soient leurs étiquettes, qui limitent la pleine et libre détermination de ces choix par la population, que ce soit par des diktats économiques ou financiers, par des lois et forces de sécurité liberticides, ou par des agressions physiques qui interdisent la pleine expression pluraliste des choix et désaccords. Sur ce plan, nous dénonçons tout autant les courants d'extême-droite que les forces de sécurité du régime, qui partagent d'ailleurs souvent la même idéologie réactionnaire, antisémite et nationaliste violemment exclusive.
Alors que les principales forces politiques organisées étaient de droite ou d'extrême-droite, nous soutenons les forces sociales et politiques qui ont cherché à construire une opposition de gauche au sein de ce mouvement. Elles ont ce faisant refusé de rester à l'extérieur de ce mouvement ou de l'assimiler à l'extrême-droite. Cette orientation autonome impliquait une difficile confrontation aux courants fascistes et l'accent sur la dénonciation de 25 ans de privatisations quelles que soient les partis politiques au pouvoir depuis l'indépendance du pays.
3- Après la chute du régime Ianoukovitch, le mouvement de masse lui-même, n'a pas de programme progressiste basé sur des revendications démocratiques nationales et sociales ou de force politique et syndicats indépendants implantés parmi les travailleurs – tout en étant imprégné d'espoirs de réels changements politiques et sociaux. Quels que soient les résultats des prochaines élections, des désillusions populaires suivront. Et quels que soient les accords conclus avec l'UE, les nouveaux partis au pouvoir poursuivront les attaques sociales, avec le risque de confrontations intérieures conduisant le pays à la désintégration. La gauche alternative doit répondre aux espoirs et illusions populaires par ses propres propositions sur les enjeux sociaux, lingistiques, démocratiques, contre les divers partis de droite.
Nous espérons que la population ukrainienne trouvera ses propres formes auto-organisées d'expression autonome de ses exigences concrètes et de défiance envers les partis dominants, dans toutes les régions du pays.
sylvestre- Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010
Re: Ukraine
Michael Roberts sur l'Ukraine :
http://thenextrecession.wordpress.com/2014/02/27/ukraine-hobsons-choice/
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Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
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