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Appel commun pour sauver les peuples d’Europe

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Message  gérard menvussa Mar 8 Nov - 13:35


THEODORAKIS Mikis, GLEZOS Manolis, Collectif-
31 octobre 2011


Onze personnalités grecques, dont le compositeur grec Mikis Theodorakis et Manolis Glezos, le héros de la résistance durant l’occupation nazie, dénoncent le fascisme financier qui menace et appellent les peuples d’Europe à s’unir pour en finir avec la domination des marchés.

65 ans après la défaite du nazisme et du fascisme, les peuples européens sont aujourd’hui confrontés à une menace dramatique, non militaire cette fois, mais financière, sociale et politique.

Un nouvel « Empire de l’Argent » a attaqué systématiquement un pays européen après l’autre au cours des 18 derniers mois, sans rencontrer de véritable résistance.

Les gouvernements européens n’échouent pas seulement à organiser une défense collective des peuples européens face aux marchés, mais, au contraire, cherchent à « calmer » les marchés en imposant des politiques qui nous rappellent la manière dont les gouvernements ont tenté d’affronter le nazisme dans les années 30. Ils organisent des « guerres de la dette » entre les peuples européens, tout comme ils firent de la belle époque à la première Guerre mondiale.

L’offensive des marchés a commencé par une guerre contre la Grèce, un État membre de l’Union européenne, dont le peuple a joué un rôle décisif dans la résistance à la barbarie et dans la libération de l’Europe au cours de la seconde Guerre mondiale. Au début, il s’agissait d’une guerre de communication, qui nous rappelait les campagnes contre les pays hostiles, proscrit comme l’Irak ou la Yougoslavie. Cette campagne présentait la Grèce comme un pays de citoyens paresseux et corrompus, tout en entreprenant de rejeter la responsabilité de la crise de la dette sur les « poorcs » [PIIGS, acronyme anglais des initiales du Portugal, de l’Italie, de l’Irlande, de la Grèce et de l’Espagne] de l’Europe et non sur les banques internationales.

Rapidement, cette offensive s’est muée en une offensive financière, qui entraina la soumission de la Grèce à un statut de souveraineté limitée et l’intervention du FMI dans les affaires internes de la zone euro.

Quand ils eurent obtenu ce qu’ils attendaient de la Grèce, les marchés prirent pour cible les autres pays de la périphérie de l’Europe, plus petits ou plus grands. Le but est toujours le même : garantir pleinement les intérêts des banques contre ceux des États, la démolition de l’état providence européen, qui était la pierre angulaire de la démocratie et de la culture européennes, la démolition des États européens et la soumission de ce qu’il reste des structures étatiques à la nouvelle « Internationale de l’Argent ».

L’Union européenne, qui était présentée à ses peuples comme l’outil du progrès collectif et de la démocratie, tend à devenir l’outil de la fin de la prospérité et de la démocratie. Elle était présentée comme un outil de résistance à la mondialisation, mais les marchés souhaitent qu’elle soit l’instrument de la mondialisation.

Elle était présentée aux Allemands et aux autres peuples européens comme le moyen d’augmenter pacifiquement leur pouvoir et leur prospérité, et non comme le moyen d’abandonner tous les Européens aux injonctions des marchés financiers, de détruire l’image de l’Europe et de transformer les marchés en acteurs d’un nouveau totalitarisme financier, en nouveaux maîtres de l’Europe.

Nous sommes confrontés au risque de reproduire l’équivalent financier des première et seconde guerres mondiales sur notre continent et de nous dissoudre dans le chaos et la décomposition, au bénéfice d’un Empire international de l’Argent et des Armes, dont le pouvoir des marchés est à l’épicentre économique.

Les peuples d’Europe et du monde font face à une concentration sans précédent historique du pouvoir financier mais aussi politique et médiatique par le capital financier international, c’est-à-dire par une poignée d’institutions financières, d’agences de notation et une classe politique et médiatique qu’ils ont convertie, dont les centres sont plutôt externes qu’internes à l’Europe. Ce sont les marchés qui attaquent aujourd’hui un pays européen après l’autre, utilisant le levier de la dette pour démolir l’État providence européen et la démocratie.

L’ « Empire de l’Argent » exige aujourd’hui la transformation rapide, violente et brutale d’un pays de la zone euro, la Grèce, en un pays du Tiers monde, à l’aide d’un programme dit de « sauvetage », en fait de « sauvetage » des banques qui ont prêté aux pays. En Grèce, l’alliance des banques et des leaders politiques a imposé - par le biais de l’UE, la BCE et le FMI - un programme qui équivaut à un « assassinat économique et social » du pays et de sa démocratie, et qui organise le pillage du pays avant la banqueroute à laquelle il mène, en souhaitant d’en faire le bouc émissaire de la crise financière mondiale et l’utiliser comme le « paradigme » pour terroriser tous les peuples européens.

La politique, qui est menée actuellement en Grèce et qui tend à se généraliser, est la même que celle qui fut appliquée au Chili de Pinochet, dans la Russie d’Eltsine ou en Argentine et aura les mêmes résultats, si on n’y met pas fin immédiatement. Victime d’un programme supposé l’aider, la Grèce est maintenant au bord d’un désastre économique et social ; elle sert de cobaye pour étudier les réactions des peuples au darwinisme social et terroriser l’ensemble de l’Union européenne, par ce qui peut arriver à l’un de ses membres.

Les marchés peuvent aussi pousser et utiliser le leadership de l’Allemagne pour détruire l’Union européenne. Mais cela constitue un acte d’un extrême aveuglement politique et historique pour les forces dominantes de l’UE et d’abord pour l’Allemagne que de penser qu’il puisse y avoir un projet d’intégration européenne ou seulement de simple coopération, sur les ruines d’un ou de plusieurs membres de la zone euro.

L’Union européenne ne peut en aucun cas s’établir sur la destruction planifiée d’acquis politiques et sociaux majeurs, de grande portée mondiale. Cela conduira au chaos et à la désintégration et favorisera l’émergence de solutions fascistes sur notre continent.

En 2008, les banques privées géantes de Wall Street ont forcé les États et les banques centrales à les sortir de la crise qu’elles avaient elles-mêmes créée, en faisant payer aux contribuables le coût de leur fraude gigantesque, comme leurs prêts immobiliers, mais aussi le coût opérationnel du capitalisme casino dérégulé imposé au cours des vingt dernières années. Ils transformèrent leur propre crise en une crise de la dette publique.

Maintenant, ils utilisent la crise et la dette, qu’ils ont eux-mêmes créée, pour dépouiller les États et les citoyens du peu de pouvoir qu’ils détiennent encore.

C’est une partie de la crise de la dette. La seconde partie est que le capital financier, avec les forces politiques qui le soutient globalement, impose un agenda de mondialisation néolibérale, qui se traduit inévitablement par la délocalisation de la production hors de l’Europe et la convergence vers le bas des normes sociales et environnementales européennes avec celles du Tiers Monde. Pendant de nombreuses années, ils ont caché ce processus derrière les prêts, et maintenant ils utilisent les prêts pour finir le travail.

L’ « Internationale de l’Argent », qui souhaite éliminer toute notion d’État en Europe, menace aujourd’hui la Grèce, demain l’Italie ou le Portugal ; elle encourage la confrontation entre les peuples d’Europe et met l’Union européenne devant le dilemme de se transformer en une dictature des marchés ou de se dissoudre. Le but est que l’Europe et le reste du monde reviennent à la situation d’avant 1945, ou même à avant la Révolution française et les Lumières.

Dans l’Antiquité, l’abolition par Solon des dettes qui forçaient les pauvres à devenir esclaves des riches, appelée la réforme Seisachtheia, posa les bases qui allaient conduire à l’émergence, dans la Grèce antique, des idées de démocratie, de citoyenneté, de politique et d’Europe, et d’une culture européenne et mondiale.

En luttant contre la classe fortunée, les citoyens d’Athènes ouvrirent la voie à la constitution de Périclès et à la philosophie politique de Protagoras, qui déclara que « l’homme est la mesure de toute chose ».

Aujourd’hui, les classes fortunées cherchent à venger cet esprit de l’homme : « les marchés sont la mesure de tous les hommes » est la devise que nos leaders politiques embrassent, en s’alliant au démon de l’argent, comme le fit Faust.

Une poignée de banques internationales, d’agences de notation, de fonds d’investissement, une concentration mondiale du capital financier sans précédent historique, revendiquent le pouvoir en Europe et dans le monde et se préparent à abolir nos états et notre démocratie, utilisant l’arme de la dette pour asservir la population européenne, instituant en lieu et place de nos démocraties imparfaites la dictature de l’argent et des banques, le pouvoir de l’empire totalitaire de la mondialisation, dont le centre politique se situe à l’extérieur de l’Europe continentale, malgré la présence de banques européennes puissantes au cœur de l’empire.

Ils ont commencé par la Grèce, l’utilisant comme cobaye, pour se tourner ensuite vers les autres pays de la périphérie européenne, et progressivement vers le centre. L’espoir de quelques pays européens d’y échapper finalement prouve que les leaders européens sont face à la menace d’un nouveau « fascisme financier », auquel ils ne répondent pas mieux que face de la menace d’Hitler dans l’entre-deux-guerres.

Ce n’est pas par accident qu’une grande partie des médias contrôlée par les banques ont choisi de s’attaquer à la périphérie européenne, en traitant ces pays de « porcs », et de diriger leur campagne médiatique méprisante, sadique et raciste à travers les médias qu’ils possèdent, non seulement contre les Grecs, mais aussi contre l’héritage grec et la civilisation grecque antique. Ce choix montre les buts profonds et inavoués de l’idéologie et des valeurs du capital financier, promoteur d’un capitalisme de destruction.

La tentative d’une partie des médias allemands d’humilier des symboles tels que l’Acropole ou la Venus de Milo, monuments qui furent respectés même par les officiers d’Hitler, n’est rien d’autre que l’expression d’un profond mépris affiché par les banquiers qui contrôlent ces médias, pas tant contre les Grecs, que contre les idées de liberté et de démocratie qui sont nées dans ce pays.

Le monstre financier a produit quatre décennies d’exemption de taxe pour le capital, toutes sortes de « libéralisation du marché », une large dérégulation, l’abolition de toutes les barrières aux flux de capitaux et de marchandises, d’attaques constantes contre l’état, l’acquisition massive des partis et des médias, l’appropriation des surplus mondiaux par une poignée de banques vampires de Wall Street. Maintenant, ce monstre, un véritable « état derrière les États » se révèle vouloir la réalisation d’un « coup d’état permanent » financier et politique, et cela depuis plus de quatre décennies.

Face à cette attaque, les forces politiques de droite et la social-démocratie européennes semblent compromises après des décennies d’entrisme par le capitalisme financier, dont les centres les plus importants sont non-européens. D’autre part, les syndicats et les mouvements sociaux ne sont pas encore assez forts pour bloquer cette attaque de manière décisive, comme ils l’ont fait à de nombreuses reprises par le passé. Le nouveau totalitarisme financier cherche à tirer avantage de cette situation de manière à imposer des conditions irréversibles dans toute l’Europe.

La coordination immédiate et transfrontalière des actions d’intellectuels, des gens des arts et lettres, des mouvements spontanés, des forces sociales et des personnalités qui comprennent l’importance des enjeux s’impose ; nous avons besoin de créer un front de résistance puissant contre « l’empire totalitaire de la mondialisation » qui est en marche, avant qu’il ne soit trop tard.

L’Europe ne peut survivre que si elle met en avant une réponse unie contre les marchés, un défi plus important que les leurs, un nouveau « New Deal » européen.

- Nous devons stopper immédiatement l’attaque contre la Grèce et les autres pays de l’UE de la périphérie ; nous devons arrêter cette politique irresponsable et criminelle d’austérité et de privatisation, qui conduit directement à une crise pire que celle de 1929.

- Les dettes publiques doivent être radicalement restructurées dans la zone euro, particulièrement aux dépens des géants des banques privées. On doit reprendre le contrôle des banques et placer sous contrôle social, national et européen le financement de l’économie européenne. Il n’est pas possible de laisser les clés de la finance européenne aux mains de banques comme Goldman Sachs, JP Morgan, UBS, la Deutsche Bank, etc... Nous devons bannir les dérives financières incontrôlées, qui sont le fer de lance du capitalisme financier destructeur et créer un véritable développement économique, à la place des profits spéculatifs.

- L’architecture actuelle, basée sur le traité de Maastricht et les règles de l’OMC, a installé en Europe une machine à fabriquer de la dette. Nous avons besoin d’une modification radicale de tous les traités, de soumettre la BCE au contrôle politique de la population européenne, une « règle d’or » pour un minimum social, fiscal et environnemental en Europe. Nous avons un urgent besoin d’un changement de paradigme ; un retour de la stimulation de la croissance par la stimulation de la demande, via de nouveaux programmes d’investissements européens, une nouvelle réglementation, la taxation et le contrôle des flux internationaux de capitaux et de marchandises ; une nouvelle forme de protectionnisme doux et raisonnable dans une Europe indépendante qui serait le protagoniste dans la lutte en faveur d’une planète multipolaire, démocratique, écologique et sociale.

Nous appelons les forces et les individus qui partagent ces idées à s’unir dans un large front d’action européen aussi tôt que possible, à produire un programme de transition européen et à coordonner notre action internationale, de façon à mobiliser les forces du mouvement populaire, à renverser l’actuel équilibre des forces et à vaincre les actuels leaderships historiquement irresponsables de nos pays, de façon à sauver nos populations et nos sociétés avant qu’il ne soit trop tard pour l’Europe.

Athènes, octobre 2011

Alexis Tsipras

John Mylopoulos

Dimitris Constantakopoulos

Theodosis Pelegrinis

Constantinos Tsoukalas

Costas Douzinas

Costas Vergopoulos

Kyriakos Katzourakis

Katia Gerou

Mikis Theodorakis

Manolis Glezos
THEODORAKIS Mikis, GLEZOS Manolis, Collectif-

* Texte original en grec sous http://ecoleft.wordpress.com/2011/10/27/ ou http://www.mikis-crete.gr/diary/new...

* Texte traduit de l’anglais en français (première moitié par R. Joumard le 7 novembre 2011 à partir du texte publié par http://arirusila.wordpress.com/2011..., et seconde moitié publiée par http://www.cnr-resistance.fr/mikis-... et revue par R. Joumard).
Mis en ligne le 8 novembre 2011
gérard menvussa
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