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Islamophobie

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Message  Achille Sam 9 Nov - 12:38

verié2 a écrit:
Il y a un phénomène bien plus "déplorable" : le silence et la pression sociale pour que les femmes violées se taisent dans leur douleur et elles sont immensément plus nombreuses que les très rares cas de mythomanie.
Certes, mais on ne parlait pas spécifiquement du viol, mais des agressions racistes et fascistes. Aucune des victimes des agressions racistes connues récentes n'a été violée.
Cela ce change rien au fait que la pression sociale est immensément forte que aussi les victimes du racisme se taisent (dans la crainte de l'expulsion, de la perte d'emploi, du "il ne faut pas faire d'histoire)... alors que de rares mythos s'expriment de temps en temps est un épiphénomène.

Achille

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Message  verié2 Lun 11 Nov - 10:19

Achille
que de rares mythos s'expriment de temps en temps est un épiphénomène.
Sans doute, mais ces actes de mythomanie sont assez souvent montés en épingle. Et je répondais à Mykha qui avait mis en avant une agression islamophobe imaginaire démasquée par la police...
___
Sinon, à signaler : un dossier sur Babyloup publié dans La Gazette du Mantois. (Numéro du 30 octobre au 5 novembre). Disponible uniquement sur papier semble-t-il. Du moins je n'ai pas réussi à trouver cet article sur le net. Si quelqu'un parvient à le mettre en ligne...

Cette enquête très précise et a priori objective et crédible montre que la réalité est très différente de celle qui nous a été vendue par les médias :
-Natalia Baleato n'est pas la fondatrice d'"une crèche féministe et pas comme les autres". Elle n'en est qu'une des directrices venues plus tard. Et, sous sa direction, cette crèche semble plutôt avoir été détournée de sa vocation originale.
-Cette crèche a reçu des subventions d'un montant très élevé.
-Natalia Baleato est partie dans une commune voisine lancer une autre crèche, grâce à de nouvelles subventions très importantes, en prétendant quitter Chanteloup à cause des "pressions islamistes". Ces pressions islamistes sont purement imaginaires selon l'enquête et les élus locaux.
-La salariée licenciée était déjà venue travailler avec un voile sans que cela pose problème avant son congé. En fait, elle souhaitait être licenciée avec indemnités, ce que Natalia Baleato lui refusait. Elle a donc fait un peu de provoc avec son voile, non pour des raisons religieuses ou en raison de pressions, mais pour se faire virer.
-La cause fondamentale de l'affaire est donc la rivalité et même la haine entre ces deux femmes, selon la journaliste qui a enquêté.

Ensuite, Baleato a été starisée voire canonisée par tout ce que le milieu médiatico-politique compte de féministes bourgeoises et d'islamophobes : divers prix décernés par Elle, Marie Claire, des comités laïques etc.  Elle s'est prêtée avec complaisance à cette starisation et cette instrumentalisation qui ont abouti à construire une fable très éloignée de la réalité. Cette version fantasmatique a été reprise par toutes sortes de gogos...

On attend évidemment avec intérêt un éventuel droit de réponse de l'une ou l'autre des parties, mais l'enquête est très nuancée et très précise. Elle conclut que, fondamentalement, cette affaire est avant tout une histoire d'argent et de rivalités de personnes, n'ayant rien à voir avec la religion...

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Message  mykha Lun 11 Nov - 13:48

Vérié

Et je répondais à Mykha qui avait mis en avant une agression islamophobe imaginaire démasquée par la police...
Ah bon ?
J'apprécierais que tu cesses d'inventer des interventions imaginaires pour justifier tes incessantes polémiques.
Ce devrait être d'autant plus facile pour toi que j'interviens très peu sur ce sujet pour lequel je ne suis pas pris, comme toi, d'une passion dévorante.
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Message  verié2 Lun 11 Nov - 14:31

En effet, c'est Alexi qui a mis cette info en ligne et non Mykha. Erreur de ma part. Sur le fond de la discussion, ça ne change vraiment rien. Inutile de prendre la mouche...
Mykha
j'interviens très peu sur ce sujet pour lequel je ne suis pas pris, comme toi, d'une passion dévorante.
Je ne trouve pas que tu sois intervenu très peu sur cette question. Tu as notamment mis systématiquement en ligne toutes sortes d'info sur les méfaits réels ou supposés des islamistes. D'où mon erreur.

Quant à la "passion dévorante". Oui, je suis révolté par toutes les formes de racisme, dont l'islamophobie est aujourd'hui une des plus pernicieuses pour des raisons maintes fois expliquées ici. Je me sens donc, et je ne suis pas le seul, très concerné par la menace représentée par l'islamophobie.

verié2

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Message  mykha Lun 11 Nov - 14:40

Je ne trouve pas que tu sois intervenu très peu sur cette question.
Peut-être que pour toi, c'est encore trop...Mais ne fais pas confiance à tes intuitions ou sensations viscérales : vérifie, comptabilise et ça t'évitera d'autres erreurs comme celles qui t'amènent régulièrement à me prêter des interventions ou propos qui ne sont pas les miens;

(et mes deux derniers messages comptent pour du beurre puisque je n'ai fait que répondre à tes mises en causes personnelles fondées sur rien.)
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Message  verié2 Mer 13 Nov - 11:11


L’explosion de l’islamophobie en France, symptôme d’une société malade
Rédigé par Nicolas Bourgoin | Mercredi 13 Novembre 2013

Depuis plus de 10 ans, les agressions contre les musulmans se multiplient en France. En 2012, près de 500 actes envers des institutions ou des individus ont été recensés, 200 de plus qu’en 2011 et 300 de plus qu’en 2010. En moyenne, une institution chaque semaine et un individu chaque jour sont victimes d’actes d’hostilité, dégradation ou agression physique. Et encore, ne s’agit-il là que des seuls actes déclarés par les victimes, un grand nombre d’entre elles préférant se taire. Totalement occultée par les médias dominants, l’islamophobie n’en fait pas moins des ravages dans notre société. Cette évolution massive des opinions et des comportements est l’indice d’une transformation profonde du champ politique, elle-même étant le reflet de mutations plus larges, notamment économiques.

L’islamophobie explose en France. Selon le rapport du Collectif contre l’islamophobie en France, les agressions physiques ou verbales contre les musulmans ont augmenté de 57 % en 2012 par rapport à l’année précédente. Depuis 2005, leur fréquence a quasiment décuplé. Les atteintes interpersonnelles (agressions verbales ou physiques) ont connu une croissance pharamineuse avec 27 fois plus de cas recensés en 2012 qu’en 2008. Les institutions sont régulièrement la cible d’actes de vandalisme ou de dégradation en nombre croissant : ces actes ont été en 2012 cinq fois plus fréquents qu’en 2007 et ceux visant les mosquées ont été deux fois plus nombreux en 2012 qu’en 2011. L’islamophobie se banalise et touche désormais tous les secteurs de la société : « Nous observons une mutation de l’islamophobie, qui après avoir été longtemps et majoritairement l’œuvre des services publics, s’enracine désormais dans le monde du travail, dans le secteur privé, sous la forme d’atteintes interpersonnelles ou d’agressions. La France est passée d’une islamophobie politique à une islamophobie culturelle, relayée politiquement », note le CCIF dans son rapport annuel. Le rôle joué par les médias dans cette diffusion est déterminant.

La construction médiatique du « problème musulman » (1)
L’agenda politico-médiatique des affaires relatives à la question musulmane semble influencer fortement la fréquence des agressions anti-islam. La forte recrudescence d’actes islamophobes correspond à une actualité où la couverture médiatique de l’islam et des musulmans est forte : en 2004, année des débats sur le vote de la loi interdisant le port du hijab à l’école publique, en 2009 au moment du débat sur l’identité nationale et en 2010 au moment du vote de la énième loi ant-voile. L’année 2012 connaît des pics sensibles en avril-mai et en septembre-octobre, aux périodes de l’affaire Mohamed Merah et aux moments de la sortie de la vidéo raciste L’innocence des musulmans, de la publication des caricatures du prophète par Charlie Hebdo et de l’épisode du pain au chocolat de Jean-François Copé. « Cela fait plusieurs années que le CCIF constate cette corrélation entre le traitement médiatique et politique du fait musulman en France et la hausse du passage à l’acte islamophobe », lit-on dans le rapport.

Pour l’opinion, les sujets abordés par les médias étant par définition dignes d’intérêt, on comprend qu’un sujet médiatiquement surinvesti acquiert facilement le statut de problème prioritaire. Si les politiques et les médias sont à ce point obsédés par la question de l’Islam, c’est le signe évident que cette religion pose problème. Dans une étude plus large, on notait une relation similaire entre fréquence des articles ou des émissions traitant de la délinquance et variation du sentiment d’insécurité (préoccupation pour la délinquance) (voir ici). Tandis que les lois anti-voiles banalisent la discrimination en la légalisant, les campagnes ou débats publics autour de l’Islam ont pour effet de libérer la parole islamophobe (ceux de l’automne 2009 à propos de l’identité nationale ont été sur ce point exemplaires). Les deux combinés ouvrent la porte à toutes les dérives et ne peuvent qu’encourager les agressions contre la communauté musulmane et ses institutions.

Les machines de guerre islamophobes : laïcité et féminisme
L’islamophobie aime se présenter sous le masque respectable de la laïcité. Dernière manœuvre politicienne en date, la promulgation d’une charte de la laïcité à l’école a été une nouvelle fois l’occasion de s’attaquer aux signes extérieurs de la pratique religieuse des musulmans et de stigmatiser cette communauté (voir ici. En réalité, cette laïcité que revendiquent les politiques est à géométrie variable : tandis que l’on stigmatise l’Islam à travers les manifestations visibles de sa pratique, on ne craint pas de défendre « l’identité judéo-chrétienne » de la France ou ses « racines juives » (voir ici.

Alors que les victimes des actes islamophobes déclarés sont très majoritairement des femmes, certaines associations féministes combattent ouvertement le port du voile et ont milité activement pour son interdiction, en particulier le collectif Ni Putes Ni Soumises (voir ici). Rappelons que les femmes voilées sont une cible privilégiée de la violence islamophobe, celles-ci représentant plus des 3/4 de l’ensemble des victimes et que cette violence est souvent une violence d’État, au moins un fonctionnaire étant mis en cause dans plus de 40 % des cas recensés. Dans deux cas sur trois, il s’agit d’un fonctionnaire de l’Education nationale, dans un cas sur sept, d’un fonctionnaire de police. Mais cette contradiction manifeste ne semble pas beaucoup gêner l’association Ni Putes Ni Soumises toujours prompte à stigmatiser le sexisme des jeunes maghrébins et à combattre le port du voile dans des campagnes à forts relents néocoloniaux.

L’idéologie islamophobe au service de la classe dominante
« Les idées dominantes d’une époque sont les idées de la classe dominante », écrivait Marx. Ainsi, il s’est construit un véritable consensus national sur l’idée que l’islam pose problème et notamment qu’il constitue une menace pour la laïcité. Consensus fabriqué de toutes pièces par les médias dominants soumis aux logiques financières des grands groupes capitalistes, dont certains journalistes n’hésitent pas à tenir des propos ouvertement islamophobes (voir ici. Ce consensus est d’autant plus fort qu’il apparaît comme un moyen efficace dont disposent la classe dominante et son État pour faire diversion face à la crise. La maîtrise des flux migratoires et la stigmatisation des populations immigrées et de leurs enfants au travers de lois sécuritaires et discriminatoires permettent au gouvernement de retrouver une part de la souveraineté qu’il a perdue dans son impuissance manifeste à combattre efficacement la crise économique et sociale du fait des contraintes budgétaires européennes auxquelles il est soumis avec une intensité croissante, tout en canalisant les colères populaires contre un ennemi imaginaire.

Face au désarroi provoqué par les politiques d’austérité, le musulman est appelé à jouer le rôle de bouc émissaire, et il excelle d’autant plus dans ce rôle qu’il en cumule toutes les qualités : sans soutien, visible et socialement dominé. La stigmatisation dont il est l’objet semble être sans limites. L’islamophobie se diffuse dans tous les espaces sociaux : les femmes voilées sont exclues d’un nombre croissant de lieux du fait de l’empilement des lois votées depuis 10 ans (voir ici, sans même parler de celles à venir (voir ici, la discrimination à l’égard des musulmans s’amplifie et ceux-ci se voient de plus en plus fréquemment privés d’accès à certains services comme ceux proposés dans les auto-écoles, les salles de sport, les centres de bronzage ou de beauté, les restaurants, les centres de formation professionnelle,… en raison des signes de leur appartenance religieuse.

Nouvelle idéologie dominante, l’islamophobie se banalise non seulement dans les actes et mais aussi dans les esprits : d’après une récente enquête, les Français soutiennent très largement (à 87 %) la crèche Baby Loup dans son différend avec une salariée musulmane voilée qu’elle a licenciée et se déclarent favorables (à 84 %) à une loi interdisant les signes religieux ou politiques dans les entreprises privées. Droite et gauche confondues, le consensus islamophobe est aujourd’hui quasi-total (voir ici.

L’islamophobie fait le lit du fascisme
En un peu plus de 10 ans, la présence musulmane est devenue un véritable problème de sécurité intérieure : loi antiterroriste de Daniel Vaillant, lois discriminatoires anti-voile de Sarkozy, racisme anti-arabe assumé de Brice Hortefeux, croisades antimusulmanes de Claude Guéant, délires islamophobes de Manuel Valls (ce dernier renie d’ailleurs le terme même, … les ministres changent, la ligne politique reste identique : taper encore et toujours sur le musulman. La lepénisation des discours et des pratiques atteint la quasi-totalité du corps politique français qui reprend à son compte la rhétorique frontiste sur « l’islamisation de la France », la « menace intégriste » ou le « communautarisme musulman ». Ce véritable racisme d’État qui se met peu à peu en place n’est pas sans rappeler les lois de Nuremberg adoptées dans un contexte d’ailleurs similaire au nôtre (crise économique et sociale et tensions internationales).

Aux mêmes causes, les mêmes effets. Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie, mais son évolution par temps de crise, écrivait Bertolt Brecht. L’exclusion progressive des musulmans de la société française, comme d’ailleurs des autre sociétés européennes également touchées par les politiques d’austérité, ne peut que contribuer à lui donner raison.

(1) J’emprunte cette expression à Marwan Mohamed dont on lira avec profit le dernier ouvrage : « Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le problème musulman » (avec Abdellali Hajjat), Éditions La Découverte.

Nicolas Bourgoin est démographe, maître de conférences à l’université de Franche-Comté, membre du Laboratoire de sociologie et d’anthropologie de l’université de Franche-Comté (LASA-UFC). Dernier ouvrage paru : La Révolution sécuritaire, Éditions Champ social, 2013.

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Message  verié2 Mer 13 Nov - 16:02

Manifestation contre la discrimination lors des sorties scolaires. C'est tout de même un comble de voir MG Buffet soutenir les mères de famille musulmanes, alors que Nathalie Arthaud a refusé...

C’est la première fois que plusieurs mères voilées vont être reçues ensemble par l’Inspection de l’Education nationale. Regroupées au sein du collectif Sorties Scolaires Avec Nous, elles mènent un combat visant à être considérées comme des parents d’élèves à part entière. Depuis l’instauration de la circulaire Chatel, du nom de l’ancien ministre de l’Education nationale, en date du 27 mars 2012, elles se voient en effet refuser la possibilité d’accompagner les élèves lors de sorties scolaires.

Mises à l’écart de la vie scolaire de leur progéniture, elles ne veulent pas se laisser faire. Le collectif, rassemblant l’association Mamans toutes égales, des centres sociaux et le Collectif contre l’Islamophobie en France (CCIF), organise, mercredi 13 novembre à 15h, un rassemblement devant la Direction départementale de l'Education nationale, à Bobigny, en Seine-Saint-Denis.* Au même moment, cinq membres du collectif accompagnés de Marie-Georges Buffet, ancienne secrétaire nationale du Parti communiste français, rencontreront un inspecteur départemental.

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Message  mykha Mer 13 Nov - 16:24

Manifestation contre la discrimination lors des sorties scolaires. C'est tout de même un comble de voir MG Buffet soutenir les mères de famille musulmanes, alors que Nathalie Arthaud a refusé...
Eh oui, c'est une des différences entre une réformiste sans principe comme Buffet et une communiste révolutionnaire comme Nathalie.
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Message  verié2 Mer 13 Nov - 16:33

mykha a écrit:
Manifestation contre la discrimination lors des sorties scolaires. C'est tout de même un comble de voir MG Buffet soutenir les mères de famille musulmanes, alors que Nathalie Arthaud a refusé...
Eh oui, c'est une des différences entre une réformiste sans principe comme Buffet et une communiste révolutionnaire comme Nathalie.
On en a déjà discuté cent fois. Soutenir des femmes portant un foulard ou un voile religieux contre les discriminations, les brimades, ça ne revient pas à soutenir le port de ces symboles religieux, mais à affirmer une solidarité féministe et de classe. C'est d'ailleurs en luttant à leurs côtés qu'on pourra contribuer à les aider à se débarrasser de leurs tabous religieux, certainement pas en contribuant à les clouer au pilori.

C'est franchement dramatique que des gens qui se revendiquent du marxisme et du communisme ne comprennent pas cela. C'est d'ailleurs en quoi l'islamophobie est une des formes de racisme les plus dangereuses aujourd'hui. Car, si le racisme anti-Roms et le racisme anti-Black (campagne infecte contre Taubira) sont à la hausse, ces racismes sont immédiatement identifiés par une majorité des médias, de la classe politique, de la population, alors que l'islamophobie avance masquée derrière des prétextes féministes, laïques etc.

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Islamophobie - Page 31 Empty Billet de M. Lequenne 2003 michel.lequenne.free.fr

Message  Giaches_de_Wert Mer 13 Nov - 23:02


Spécial "VOILE"
contre
intégristes, tartufes et confus !

Le soufflé de la "Crise du Voile" va-t-il retomber ?

Il le devrait, et du fait même de la montée de mayonnaise, par exemple avec les quatre pleines pages du Monde, plus plusieurs paquets d'articles de discussion où la tartufferie le dispute à la confusion.
Pourtant, à bien lire ce que disent les porteuses de voile, et leurs défenseurs avoués ou masqués, les choses se précisent dans leur aveuglante clarté, au travers même des contradictions des discours :

Elles le proclament ! C'est bien comme manifestation religieuse ostentatoire que ces filles portent le voile (et non comme coiffure traditionnelle - d'autant plus pour celles dont ce n'est pas la tradition). Donc ce signe religieux doit être exclu de l'école laïque.

Ce n'est pas "leur choix" individuel, quoi qu'elles en disent, puisque que a) c'est leur choix commun, b)c'est sur injonction du Coran, et par "soumission à Dieu".

Ce "choix" est le plus souvent récent (sauf pour celles où l'obéissance familiale accompagne celle à Dieu), et relève souvent d'une conversion récente, dont on cache plus ou moins bien l'origine, mais qui s'accompagne de pratiques rituelles et de recherche d'un enseignement auprès… de religieux intégristes. En passant, notons que quasi aucune de ces filles ne sait lire l'arabe. Elles lisent le Coran traduit en français.

Le curieux est qu'elles obéissent aux données coraniques en ce qui concerne le port du voile mais… pas sur tout le reste. Là, elles sont intraitables : elles n'obéissent pas au père, ni n'obéiront demain au mari, en violation de la loi coranique. Il serait intéressant qu'elles nous disent si elles accepteront d'être mariées selon la volonté familiale, voire d'être lapidées si elles sont infidèles. L'une des filles Lévy dit tranquillement qu'elle veut devenir avocate, détournant la tête sur le fait que Chirine Ebadi, prix Nobel de la Paix, musulmane qui refuse de porter le voile (sauf en Iran, où la loi l'oblige à le porter, en dépit de "son choix", là, bien individuel) et qui, étant avocate, a été chassée du barreau iranien par la dictature intégriste des mollah.

Et puis, il y a la "pudeur", avancée en complément d'argumentation, et la défense contre un machisme qui serait en progrès. Il faut ne jamais être allé se promener dans des souks, pour prétendre que le voile à quelquefois évité les propos égrillards et les attouchements furtifs. Mais, passons ! La pudeur quant aux cheveux, oreilles et cou, c'est encore celle du Coran qui fait des femmes les responsables mêmes du désir masculin (comme d'ailleurs les autres religions du Livre, quand elles ont fait ou font la loi), et le signe de l'infériorité féminine, plus ou moins diabolique (voir Eve). C'est donc une raison de plus d'interdire le voile dans l'école de l'égalité des sexes.

Mais disent les "indignés" de l'exclusion (dont le papa Lévy) : "Le radicalisme laïque les exclut de l'éducation scolaire". Non ! C'est le voile qui est exclu. Qu'elles l'enlèvent , et plus d'exclusion ! Comment un choix "individuel", et encore plus un choix imposé par une religion, pourrait-il l'emporter contre la loi républicaine ? (Car la loi existe, il n'en est pas besoin d'une autre).

Plus grave est l'argument des inquiets qui voient dans l'exclusion du voile une brèche par où s'engouffre une islamophobie profonde, et qui craignent de voir de ce fait le fossé s'élargir avec la population musulmane. Certes, ce risque existe, et l'on voit effectivement l'exclusion du voile faire l'affaire du lobby sharonien. Mais ce n'est pas en reculant qu'on évitera la nécessité d'être clair avec ces tartufes. La grande masse des musulmans ne s'y trompe d'ailleurs pas.

Ceci nous amène naturellement entre la grande différence entre Islam et islamisme. Même de bons esprit (comme Denis Siffert, dans Politis), nient que l'affaire du Voile ait quelque chose à voir avec une offensive islamiste (et très précisément saoudienne). Certes, il y a eu, et il y a encore, des cas particuliers, familiaux, voire le vedettariat de provocation des filles Lévy (qui proposent le "compromis" de voiles de chez Dior), Mais que les journalistes quittent leurs salles de rédaction et se promènent dans les quartiers et banlieues, y interrogent les militants et les professeurs, et ils verront la savante offensive de l'argent arabe des pires réactions travailler avec une savante ruse.

Il y a enfin les plaisantins qui soulignent le christianisme présent au quotidien dans l'école, que le dimanche est férié pour la raison que c'est le jour où, pour parler comme Victor Hugo : "Dieu s'est laissé tomber dans son fauteuil Voltaire" ; que l'école accepte les congés de Noël et de Pâques, etc. Ils oublient le calendrier qui nous met dans l'ère chrétienne. Pour combien de Français, le dimanche est-il le jour de la messe ? Et le samedi, conquis par les luttes ouvrières (et remis en cause par le libéralisme) : est-il jour du shabbat, ou deuxième jour de repos ? Ces conquêtes me dissuadent de revendiquer le retour au calendrier républicain qui, très bourgeois, avec une semaine de dix jours, prolongeait le temps de travail hebdomadaire. Tant qu'à faire, c'est au calendrier pataphysique universel qu'il faudrait revenir. Ils ignorent aussi, semble-t-il, que Noël (Novel = Solus Novus) est la christianisation de la fête du solstice d'hiver, comme la Saint-Jean celle du solstice d'été, deux fêtes de la génération. Le Ier mai, avant d'être fête de Marie, ou de lutte du Travail, fut la fête du Printemps, etc. Il faudrait un régime socialiste universel pour en finir avec tous les legs religieux de l'histoire. Laissons donc les plaisantins manifester qu'ils sont aveugles à toutes les questions politiques.

P.S. - Un mot pour Dany le Jaune, ex-Rouge, ex-Vert (et son frangin). Ayant choisi d'être, maintenant, candidat en Allemagne et non en France, on comprend que, pour ce pays, où la religion a toute sa place à l'école, il soit un partisan qu'on autorise le voile… la kipa et la croix. Brave garçon, partisan aussi de la Constitution libérale européenne !

24 octobre 2003

Giaches_de_Wert

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Islamophobie - Page 31 Empty et un autre pour la route...

Message  Giaches_de_Wert Mer 13 Nov - 23:07


LAICITÉ, DITES-VOUS ?
MAIS QUELLE LAICITÉ ?

(sur deux débats télévisés)

Tant de laïcs étonne. Tout à coup, au vent du voile islamique, on en voit fleurir de toutes les couleurs. De la droite chiraquienne à la gauche respectueuse, voire au-delà, cela semble bien le quasi consensus. Mais le consensus n'est-il pas maintenant la tarte à la crème de l'escroquerie? Et, en effet, dès que ça s'exprime, ça détonne.

C'en fut une belle manifestation que le débat mené sur France 2 par Guillaume Durand, le 4 décembre.

Le sujet était donné par le titre : "le Voile et la Loi". Et le thème en fut explicité d'emblée : doit-on ou non enfreindre pour le voile islamique le principe laïc du refus des signes religieux ostentatoires (à effet de prosélytisme) à l'école ? Et sinon faut-il une loi spéciale d'adaptation de la laïcité à son sujet ?

L'invité Boubakeur, recteur de la Mosquée de Paris et président du Conseil islamique, inventé par M. Sarkozy (en violation des principes de la séparation des Eglises et de l'Etat), eut beau tenter de détourner le sujet en avançant que le voile était une coiffure, donc un vêtement, non seulement cette astuce tomba dans le vide, mais lui-même, en fin de débat, admis implicitement son caractère de signe religieux en rappelant l'offre d'un "compromis" de remplacement du voile par un bandana, donc comme signe (religieux) non ostentatoire.

Ce caractère religieux ne faisant plus problème, la question de la nécessité ou non d'une loi retint finalement peu l'attention du plateau. Ce pouvait être en effet un terrain dangereux. Car s'il faut "toiletter" la laïcité, et pas pour la rendre plus perméable, mais plus stricte, ne faut-il pas en profiter pour supprimer les aumôneries existant encore dans certains lycées et rétablir la loi laïque commune en Alsace-Lorraine, voire cesser de subventionner les riches écoles religieuses, alors que l'enseignement laïque manque de moyens ? Mais ce n'était pas une revendication à demander à un catho comme M. Pascal Bruckner. Et la terrible évocation par un autre invité de la décapitation du roi divin Louis Capet en 1793, suivie de celle de la belle déchristianisation de l'école en 1905, comme sources de notre laïcité républicaine, n'entraîna pas de sa part une revendication telle que celle évoquée ci-dessus, pourtant beaucoup moins radicale…

Restait la question sociale de cette soudaine prolifération de voiles. Mais comment demander à MM. Darcos, sous-ministre chiraquien de l'Éducation nationale et Allègre, son prédécesseur "socialiste", crapaud dégraisseur de mamouths, d'avouer leur faillite de l'intégration de la jeunesse d'origine maghrébine et leur abandon des banlieues à la misère culturelle et aux bavures de la politique sécuritaire ? Et comment dénoncer le fric arabe qui passe par cette énorme brèche et inonde les banlieues, alors que ledit Sarkozy accepte que l'Arabie Saoudite finance la rénovation de la grande mosquée à Paris même ?

Pour tourner un tel abîme, il fallait un bouc émissaire. On avait tout prévu, il était invité : Tariq Ramadan. L'essentiel du débat fut son procès.

Le procès de Tariq Ramadan

Guillaume Durand, animateur de ce débat, et tous les invités formant l'accusation, et l'accusé étant sans avocat (même du diable) sans compter l'absence de jury, l'auteur de cet article se doit d'y suppléer à son corps défendant, mais avec toutes les qualités pour jouer ces deux rôles, n'ayant jamais vu l'accusé, ni aucun lien avec lui, comme le doit le jury tout entier, et sa neutralité étant fondée sur un athéisme qui partage la même hostilité et le même mépris équitablement entre toutes les religions, les considérant toutes comme réactionnaires et opium du peuple.

Avant que l'on touche les éléments de faits de l'accusation, j'eus d'abord l'étonnement de voir M. Pascal Brukner se plaindre de l'auto-médiatisation de M. Ramadan. Grand étonnement, puisque j'avais suivi comme lecteur de journaux, et depuis le début, la dénonciation acharnée dudit Ramadan — dont le grand public n'avait jamais entendu parler auparavant —, par les "nouveaux philosophes" , dont fait partie M. Brukner, et ceci dans la grande presse. C'était donc bien eux qui étaient responsable de sa médiatisation, et non pas lui-même.

Et il s'agissait, dès le début, de l'accusation actuelle d'antisémitisme et de judéophobie islamiste, pour un article que les journaux qui portaient l'accusation avaient refusé de publier, ce qui ne permettait guère de juger par soi-même, mais exigeait une confiance aveugle envers les maîtres à penser du postmodernisme. Mais ne voilà-t-il pas que Politis publiait intégralement ledit article, où de bonnes lunettes cérébrales ne permettaient pas de découvrir d'antisémitisme, à moins d'accepter l'amalgame chantage : anti-sionisme sharonien = antisémitisme, puisque ledit Ramadan y attaquaient des intellectuels juifs français (se trompant d'ailleurs quant à la judaïté de quelques-uns) en tant que souteneurs de la politique israélienne... et de la guerre bushienne contre l'Iraq, dénonçant là une réaction communautariste détestable. (Le dernier point suscita l'ire particulière de Bernard-Henri Lévy, qui protesta qu'il n'avait pas partagé l'ardeur va-t-en-guerre de son copain Glucksmann. Et c'était exact. Sur la question de cette guerre d'Irak, il s'était contenté de fermer un clapet qui bruisse pourtant d'habitude à tout propos. On ne saurait parfois être trop prudent.) Comme Politis est (malheureusement) moins lu que Le Monde et Libération, les accusateurs firent comme si de rien n'était, et ont continué (jusque dans le débat de ce 4 décembre) à faire comme si l'antisémitisme dudit article avait été démontrée. Ainsi, c'est bien grâce à eux que l'affaire Ramadan se poursuivit. Il s'agissait, comme nous l'avons montré dans notre article "Les naufrageurs de l'altermondialisme", d'empêcher ledit Ramadan de pouvoir parler au Forum social européen. L'affaire fit long feu, d'où la dénonciation féroce de la vraie gauche qui n'accepte pas que l'on règle les débats par la censure, et où l'on avait pu s'apercevoir que le front dressé contre lui était celui des pro-sionistes. La médiatisation de Ramadan par ses ennemis changea alors d'angle d'attaque : il avait deux langages, un pour parler à la gauche, un autre pour parler aux musulmans.

Dans ce procès de France 2, on allait retrouver tous les thèmes mêlés.

   T. Ramadan est contre la laïcité et veut que les filles puissent venir voilées à l'école.
   Il est antisémite. Guillaume Durand posa le péril antisémite européen comme une réalité indiscutable, et Ramadan comme un de ses fauteurs.
   Il a un double langage, et son enseignement vise à la conquête islamiste de toute la communauté d'origine maghébine pour, à terme, modifier les lois française, en particulier celles de la laïcité.

Je vis immédiatement que mon client avait de la ressource. Sur le premier point, il fut net et clair, et malgré tous les harcèlements, quant à son respect des lois de la République, existantes et à venir. Sur le second, on glissa vite, malgré les jappements de M. Brukner. Le terrain était glissant de plaider l'antisémitisme comme exportation de la guerre du Proche-Orient. Et quant aux fondements judéo-chrétiens de la culture française, M. Ramadan contre-attaqua brillamment en évoquant l'apport arabe à la philosophie médiévale scolastique, plus le large socle gréco-latin, donc "païen", oublié dans le préambule de la Constitution européenne.

Bref ! Sur tous ces points, et bien que sans cesse interrompu, il n'avait pas besoin de moi. Restait la question du double langage où l'accusatrice était Mlle Caroline Fourest. Mais là, comme dans les débats de presse qui précédaient, la faiblesse des accusateurs est de vouloir trop prouver. Reprocher à Tariq Ramadan les propos de son grand-père comme étant de lui sous prétexte que "si ce n'est toi c'est donc ton grand-père" enlève du poids à ce qu'il y a de vrai dans l'accusation.

Et qu' y a-t-il de vrai où l'avocat n'a plus qu'à plaider les circonstances atténuantes ? Précisément ce qu'on trouve d'incontestable au fond du creuset, une fois la décantation faite.

Oui, Tarik Ramadan est un musulman, sans doute pas absolument intégriste, mais pour qui, néanmoins, le Coran s'impose, sinon à la lettre, du moins en son fond. Et, de ce fait, il veut voir sa religion être revécue dans son intégrité par toute la communauté d'origine maghrébine, que sa masse vit aussi passivement et superficiellement que l'immense majorité des chrétiens vivent la leur, et ainsi créer un rapport de force qui pèse sur sa morale, ses mœurs, et au-delà sur toute la société, y compris sur l'école.

En son for intérieur, l'avocat ne peut que s'inquiéter gravement d'une telle orientation (abondamment financée) qui tend à enclore les communautés par l'oppositions des religions, et est une terrible menace contre l'intégration, indispensable à une claire conscience sociale, capable de s'élever au-dessus des particularités religieuses et culturelles. Et si le débat s'était focalisé sur ce point, ledit avocat aurait quitté sa robe pour, en costume non ostentatoire de simple militant, parler de politique sociale et internationale comme… dans les assemblées intermondialistes.

Mais pourquoi donc, alors, la polémique ne fut-elle pas limité à ce point, en toute sa profondeur ? Encore une fois à cause de ce que l'avocat n'aurait pas eu de mal à opposer à la meute des accusateurs : ce qui est reproché, et à juste titre, à Tarik Ramadan, ainsi qu'à toutes les forces islamiques qui sont derrière lui, c'est… exactement la même chose que font en même temps les autres religions du Livre.

L'offensive de Ramadan contre des intellectuels juifs, et autres intellectuels de droite déguisés en fausse gauche, a visé leur tentative réactionnaire, menée en un véritable terrorisme intellectuel, de rassembler toute la communauté juive derrière le sionisme sharonien intégriste, dont la base théorique est religieuse. Et si ceux qui étaient dénoncés ne sont pas des intégristes juifs, ils sont fondamentalement alliés aux pires intégristes génocideurs, au même titre que M. Ramadan avec les féodaux intégristes Saoudiens.

En même temps, si toute les Églises chrétiennes s'opposent à une loi sur la laïcité et se prononcent pour l'acceptation du voile à l'école, c'est qu'elles se sont engagées dans un véritable combat pour la re-christianisation de la France (actuellement majoritairement incroyante), et que le voile peut servir au retour des croix dans les écoles. Si leurs porte-parole comme M. Brukner ne sont pas des intégristes, ils ne se délimitent pas non plus de l'intégrisme du pape. Et mènent leur lutte au cri de : Ce sont les laïcs qui veulent "relancer" la guerre religieuse. Tartufe n'est pas mort.

Voilà ma plaidoirie, qui se conclut par la demande de renvoi au vrai débat : Faire rentrer toutes les religions dans la stricte sphère du privé. Telle est la véritable laïcité.

Et la loi ! Quelle loi ?

On a remis ça, dimanche soir 7 décembre, sur le 3, chez Christine Ockrent. Et là ce fut un vrai débat, grâce à deux jeunes femmes musulmanes, Fadala Amara, une des dirigeantes de "Ni putes ni soumises", et l'iranienne Chahdortt Djavann, et au professeur Jean-Claude Santana du lycée Lamartinière, faisant face à… quasi tous les autres : le normand converti à l'Islam Dr Abdallah Thomas Milcent ; l'évêque Michel Dubost ; et toute la brochette du consensus, de François Baroin, qui attend que Chirac tranche (celui-ci attend de savoir de quel côté penchera la balance électorale pour prendre une position "de principe"), Jean Boberot, historien qui, vu la France du XIXe/début XXe, pense qu'il faut prendre son temps, et, entre les deux, une Voynet qui se pose des questions et ne sais comment y répondre.

Parmi ces questions : En excluant de l'enseignement les filles voilées, ne pénalisent-on pas les femmes, tandis que ne le sont pas les garçons complices de l'obligation du voile, mais qui, eux, viennent s'instruire sans signe religieux ? En effet, et c'est même un des objectifs de l'opération "voile" : les filles n'ont pas à s'instruire. Mais Dominique Voynet, malgré la présence d'une représentante de "Ni putes ni soumises", oublie que la libération des femmes ne peut être d'abord que l'œuvre des femmes elles-mêmes. Si l'on accepte le voile, on sabote la lutte de celles qui se libèrent.

Les seules interventions vraiment intéressantes furent de ce fait, précisément, celles des deux jeunes femmes et de M. Santana, ce qui n'est pas étonnant, puisqu'il s'agit de trois cas de personnes directement impliqués dans le problème. Santana, sans emphase, précis, net, calme, montra le caractère évident du voile comme opération provocatrice de prosélytisme islamiste, les cas passant d'exceptions à des dizaines, puis des centaines, pour arriver à 1500, et demandant que la loi ne parle pas de "signes ostentatoires" ( ce dont Serge July avait rappelé que c'était déjà dans l'arrêt de 1994 du Conseil d'État), mais de tout "signe religieux visible".

L'argumentation des deux jeunes femmes refusait de voir un signe religieux dans le voile, et se concentrait sur ce qu'il symbolisait l'infériorisation des femmes, leur soumission, leur enfermement dans un ghetto, hors de toute possibilité d'intégration. Si elles avaient raison de dire que le prétexte religieux cachait essentiellement cette volonté de refus de l'égalité entre les sexes, cette dissociation leur cachait d'une part que c'était seulement le caractère religieux qui permettait à la loi de l'interdire, et surtout, d'autre part, que le Coran martèle du début à la fin les affirmations de cette infériorité et de la naturelle soumission que les femmes doivent aux hommes. De ce fait, rappeler les musulmans à la loi de la lettre coranique justifie de manifester cette soumission et cette infériorité par le voile.

Cela n'empêche donc pas qu'elles avaient raison sur le fond, et que leur belle révolte contre cette loi des mâles était plus forte que toutes les arguties, aussi bien de l'évêque, pleurnichant que l'"on ne connaît pas assez les religions" (Mais si ! mais si ! toute leur histoire de guerres pour imposer chacune leur domination universelle, leurs persécutions, leurs massacres, leurs chasses aux sorcières et aux athées, avec leurs bûchers, leur obscurantisme, sans oublier, à notre bout, le refus fait aux femmes de disposer de leur propre corps, et au refus de la lutte contre le sida par Jean-Paul II…). En appelant au "Vivre ensemble", mais dans une "différence" affirmée, l'évêque oubliait qu'à chaque fois que les religions ont été face à face, cela a toujours été pour s'entre-massacrer ! Sur le même thème, l'Abdallah normand, en bon converti, tartufe islamique, finissait par dénoncer "l'extrémisme de la laïcité". En déclenchant leur guerre inter-religieuse, les religions du Livre ne se mettent d'accord que pour la lutte contre la laïcité.

Intéressant débat, conclu comme il se doit par une lapalissade : l'intégration est en retard. Vous l'avez dit bouffis !

Un aspect d'un débat annexe

Arte se devait d'un apport particulier au débat. Ce fut, le 9 du mois, "Où sont passées les féministes", dont la première partie "Banlieues" se sous-titrait "Quand les filles mettent les voiles". Cette dernière fine plaisanterie permettait de faire réapparaître le dernier argument fort destiné à justifier les porteuses de voiles : la violence machiste, en paroles obscènes et en actes, des garçons de la nouvelle jeunesse des banlieues, explique que des filles en viennent à se vêtir de façon à dissimuler leurs formes et à se voiler pour se faire respecter.

Ah ! oui. Ce serait là une solution beaucoup plus efficace que de se joindre au mouvement "Ni putes, ni soumises". Grâce à ce signe de conversion, on améliorerait les mœurs : plus de violences sexuelles !
Malheureusement, la page du Monde du 7/8 décembre, consacrée à "L'hôpital confronté à la radicalisation des pratiques religieuses" démontre… le contraire. En particulier avec l'histoire de cette jeune femme qui, orpheline, s'était mariée et convertie à l'islam. Avant, elle "s'habillait comme toutes les filles, à la mode." Le mari lui imposa la burqua pour sortir, trois voiles, des gants, des chaussures fermées. Elle n'avait plus le droit de sortir seule, ne travaille pas. Pas question qu'un homme la soigne. "Mais s'il y a urgence ? — T'as qu'à crever." Enfin, malgré son obéissance, une infirmière la découvre lardée de cicatrices, aux bras, aux doigts, aux épaules, à la poitrine : "Il m'a tranchée de partout…"

Je dédie ce bel exemple aux sœurs Lévy. Certes, elles me diront que le Coran recommande que l'on traite bien ses épouses et concubines. Mais les maris n'ont-ils pas le droit aussi de punir ces mineures dont on connaît la perversité naturelle ?

10 décembre 2003

Giaches_de_Wert

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Message  verié2 Jeu 14 Nov - 10:29


Giaches de Wert
Spécial "VOILE"
contre
intégristes, tartufes et confus !
Dix ans se sont écoulés depuis cet article de Lequenne. Dix années au cours desquelles nous avons vu se développer l'islamophobie. A cette époque, j'étais moi-même favorable à l'interdiction du voile pour les élèves. Ce genre d'interdiction est un problème tactique et non de principe. Cette interdiction et son instrumentalisation ont été le point de départ d'une escalade de campagnes, lois et mesures islamophobes.

Par ailleurs, c'est très différent d'interdire ce port à des mineures et de l'interdire à des majeures, que ce soit lors de sorties scolaires ou dans des entreprises, comme divers politiciens le réclament. Ou encore de l'interdire dans l'espace public. Je te rappelle qu'on voit un certain nombre de femmes portant le foulard islamique à la fête de LO, il y en avait plusieurs cette année au débat sur PSA...

Pourrais-tu nous donner ton point de vue : es-tu partisan d'interdire le port du foulard dans les entreprises ? D'interdire à des mères de famille musulmanes de participer à des sorties scolaires ?

Quant au second article que tu as posté, qui se caractèrise notamment par sa longueur et sa confusion, on ne voit pas le lien avec la question des sorties scolaires, ni son intérêt en général...Shocked


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verié2

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Message  Roseau Jeu 14 Nov - 11:03

La prochaine fois que quelqu’un vous bassine avec le voile …
Parlez-lui de l’Alsace Moselle


http://terrainsdeluttes.ouvaton.org/?p=1541
Roseau
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Message  mykha Jeu 14 Nov - 11:39

D'interdire à des mères de famille musulmanes de participer à des sorties scolaires ?
a ma connaissance, il n'a jamais été question d'interdire quoi que ce soit aux "femmes musulmanes", pas plus qu'aux femmes chrétiennes, juives, boudhistes ou athées.
la question posée, c'est celle d'accoutrements religieux ostensibles pour encadrer des sorties scolaires de l'école publique.
Et heureusement, toutes les musulmanes ne portent pas le voile, loin de là même.

Il n'est donc pas honnête de parler des "femmes musulmanes" pour mieux laisser entendre que c'est le fait de croire en Mahomet plus qu'en Jesus ou en Rien qui serait en cause.
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Message  verié2 Jeu 14 Nov - 11:43

Tu avais parfaitement compris la question, qui s'adressait à Giaches de Wert : êtes-vous
(LO et vous) partisans d'interdire dans les sorties scolaires la présence de mères de famille musulmanes coiffées d'un foulard ? Nathalie Arthaud, à la différence de Marie Georges Buffet, a refusé de soutenir ces mères de famille, mais ne s'est pas non plus clairement prononcée pour une interdiction. Alors ?

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Message  mykha Jeu 14 Nov - 12:20

Giaches_de_Wert a écrit:

Spécial "VOILE"
contre
intégristes, tartufes et confus !

Le soufflé de la "Crise du Voile" va-t-il retomber ?

Il le devrait, et du fait même de la montée de mayonnaise, par exemple avec les quatre pleines pages du Monde, plus plusieurs paquets d'articles de discussion où la tartufferie le dispute à la confusion.
Pourtant, à bien lire ce que disent les porteuses de voile, et leurs défenseurs avoués ou masqués, les choses se précisent dans leur aveuglante clarté, au travers même des contradictions des discours :

   Elles le proclament ! C'est bien comme manifestation religieuse ostentatoire que ces filles portent le voile (et non comme coiffure traditionnelle - d'autant plus pour celles dont ce n'est pas la tradition). Donc ce signe religieux doit être exclu de l'école laïque.

   Ce n'est pas "leur choix" individuel, quoi qu'elles en disent, puisque que a) c'est leur choix commun, b)c'est sur injonction du Coran, et par "soumission à Dieu".

   Ce "choix" est le plus souvent récent (sauf pour celles où l'obéissance familiale accompagne celle à Dieu), et relève souvent d'une conversion récente, dont on cache plus ou moins bien l'origine, mais qui s'accompagne de pratiques rituelles et de recherche d'un enseignement auprès… de religieux intégristes. En passant, notons que quasi aucune de ces filles ne sait lire l'arabe. Elles lisent le Coran traduit en français.

   Le curieux est qu'elles obéissent aux données coraniques en ce qui concerne le port du voile mais… pas sur tout le reste. Là, elles sont intraitables : elles n'obéissent pas au père, ni n'obéiront demain au mari, en violation de la loi coranique. Il serait intéressant qu'elles nous disent si elles accepteront d'être mariées selon la volonté familiale, voire d'être lapidées si elles sont infidèles. L'une des filles Lévy dit tranquillement qu'elle veut devenir avocate, détournant la tête sur le fait que Chirine Ebadi, prix Nobel de la Paix, musulmane qui refuse de porter le voile (sauf en Iran, où la loi l'oblige à le porter, en dépit de "son choix", là, bien individuel) et qui, étant avocate, a été chassée du barreau iranien par la dictature intégriste des mollah.

   Et puis, il y a la "pudeur", avancée en complément d'argumentation, et la défense contre un machisme qui serait en progrès. Il faut ne jamais être allé se promener dans des souks, pour prétendre que le voile à quelquefois évité les propos égrillards et les attouchements furtifs. Mais, passons ! La pudeur quant aux cheveux, oreilles et cou, c'est encore celle du Coran qui fait des femmes les responsables mêmes du désir masculin (comme d'ailleurs les autres religions du Livre, quand elles ont fait ou font la loi), et le signe de l'infériorité féminine, plus ou moins diabolique (voir Eve). C'est donc une raison de plus d'interdire le voile dans l'école de l'égalité des sexes.

   Mais disent les "indignés" de l'exclusion (dont le papa Lévy) : "Le radicalisme laïque les exclut de l'éducation scolaire". Non ! C'est le voile qui est exclu. Qu'elles l'enlèvent , et plus d'exclusion ! Comment un choix "individuel", et encore plus un choix imposé par une religion, pourrait-il l'emporter contre la loi républicaine ? (Car la loi existe, il n'en est pas besoin d'une autre).

   Plus grave est l'argument des inquiets qui voient dans l'exclusion du voile une brèche par où s'engouffre une islamophobie profonde, et qui craignent de voir de ce fait le fossé s'élargir avec la population musulmane. Certes, ce risque existe, et l'on voit effectivement l'exclusion du voile faire l'affaire du lobby sharonien. Mais ce n'est pas en reculant qu'on évitera la nécessité d'être clair avec ces tartufes. La grande masse des musulmans ne s'y trompe d'ailleurs pas.

   Ceci nous amène naturellement entre la grande différence entre Islam et islamisme. Même de bons esprit (comme Denis Siffert, dans Politis), nient que l'affaire du Voile ait quelque chose à voir avec une offensive islamiste (et très précisément saoudienne). Certes, il y a eu, et il y a encore, des cas particuliers, familiaux, voire le vedettariat de provocation des filles Lévy (qui proposent le "compromis" de voiles de chez Dior), Mais que les journalistes quittent leurs salles de rédaction et se promènent dans les quartiers et banlieues, y interrogent les militants et les professeurs, et ils verront la savante offensive de l'argent arabe des pires réactions travailler avec une savante ruse.

   Il y a enfin les plaisantins qui soulignent le christianisme présent au quotidien dans l'école, que le dimanche est férié pour la raison que c'est le jour où, pour parler comme Victor Hugo : "Dieu s'est laissé tomber dans son fauteuil Voltaire" ; que l'école accepte les congés de Noël et de Pâques, etc. Ils oublient le calendrier qui nous met dans l'ère chrétienne. Pour combien de Français, le dimanche est-il le jour de la messe ? Et le samedi, conquis par les luttes ouvrières (et remis en cause par le libéralisme) : est-il jour du shabbat, ou deuxième jour de repos ? Ces conquêtes me dissuadent de revendiquer le retour au calendrier républicain qui, très bourgeois, avec une semaine de dix jours, prolongeait le temps de travail hebdomadaire. Tant qu'à faire, c'est au calendrier pataphysique universel qu'il faudrait revenir. Ils ignorent aussi, semble-t-il, que Noël (Novel = Solus Novus) est la christianisation de la fête du solstice d'hiver, comme la Saint-Jean celle du solstice d'été, deux fêtes de la génération. Le Ier mai, avant d'être fête de Marie, ou de lutte du Travail, fut la fête du Printemps, etc. Il faudrait un régime socialiste universel pour en finir avec tous les legs religieux de l'histoire. Laissons donc les plaisantins manifester qu'ils sont aveugles à toutes les questions politiques.

P.S. - Un mot pour Dany le Jaune, ex-Rouge, ex-Vert (et son frangin). Ayant choisi d'être, maintenant, candidat en Allemagne et non en France, on comprend que, pour ce pays, où la religion a toute sa place à l'école, il soit un partisan qu'on autorise le voile… la kipa et la croix. Brave garçon, partisan aussi de la Constitution libérale européenne !

24 octobre 2003
Beaucoup d'éléments intéressants dans cet article de Michel Lequenne que je connaissais pas Et c'est d'autant plus estimable que Lequenne se situe dans un courant politique qui est loin d'être clair sur la question.
Il démonte clairement et en peu de mots les arguments de ceux qu'il appelle "les intégristes, les tartufes et les confus";

Ce passage est particulièrement utile, car il met en avant le véritable sens du refus du voile, non pas au nom d'une laïcité illusoire mais pour ne rien céder à l'oppression et à l'humiliation des femmes que symbolise le voile islamique :

 Et puis, il y a la "pudeur", avancée en complément d'argumentation, et la défense contre un machisme qui serait en progrès. Il faut ne jamais être allé se promener dans des souks, pour prétendre que le voile à quelquefois évité les propos égrillards et les attouchements furtifs. Mais, passons ! La pudeur quant aux cheveux, oreilles et cou, c'est encore celle du Coran qui fait des femmes les responsables mêmes du désir masculin (comme d'ailleurs les autres religions du Livre, quand elles ont fait ou font la loi), et le signe de l'infériorité féminine, plus ou moins diabolique (voir Eve). C'est donc une raison de plus d'interdire le voile dans l'école de l'égalité des sexes.
Ce ne sont pas les filles musulmanes qui sont exclues, c'est le voile d'infériorisation : et ce n'est pas un détail.
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Message  verié2 Jeu 14 Nov - 12:38

Bis
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(LO et vous) partisans d'interdire dans les sorties scolaires la présence de mères de famille musulmanes coiffées d'un foulard ? Nathalie Arthaud, à la différence de Marie Georges Buffet, a refusé de soutenir ces mères de famille, mais ne s'est pas non plus clairement prononcée pour une interdiction. Alors ?
On attend une réponse claire et on non une dissertation sur un article de Lequenne vieux de dix ans. S'il est en état d'y répondre, à 90 balais et quelques aujourd'hui, il faudrait lui demander ce qu'il pense de la montée de l'islamophobie...

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Message  Toussaint Sam 16 Nov - 0:09

Pour une sociologie de l’islamophobie

Ou comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman »

par Abdellali Hajjat, Marwan Mohammed
3 octobre 2013

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Alors que l’hostilité à l’encontre des musulmans se traduit presque quotidiennement par des discours stigmatisants, des pratiques discriminatoires ou des agressions physiques, le livre d’Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed, Islamophobie, constitue une oeuvre salutaire : il explique comment l’islam a peu à peu été construit comme un « problème » et comment l’islamophobie est devenue l’arme favorite d’un racisme qui ne dit pas son nom. Ce livre présente ainsi au grand public, pour la première fois, un bilan critique des recherches menées, en France et à l’étranger, sur ce phénomène. Faisant le point sur les débats autour du concept même d’islamophobie, il offre une description rigoureuse des discours et actes islamophobes, en les inscrivant dans l’histoire longue du racisme colonial et dans leur articulation avec l’antisémitisme. En insistant sur l’importance des stratégies des acteurs, les auteurs décortiquent le processus d’altérisation des « musulmans » qui, expliquant la réalité sociale par le facteur religieux, se diffuse dans les médias et ailleurs. Ils analysent enfin la réception du discours islamophobe par les musulmans et les formes de contestation de l’islamophobie par l’action collective et la mobilisation du droit antidiscrimination. De ce livre utile voici l’introduction.


« Je m’adresse aux personnes qui, n’étant ni stupides ni méchantes, se laissent encore bercer par la prudence et par le doute. Et je leur dis : debout, braves gens, debout ! Réveillez-vous ! Paralysés comme vous l’êtes par la peur d’aller à contre-courant et de sembler racistes (un mot totalement inapproprié puisque ce que je dis regarde une religion, pas une race), vous ne comprenez pas ou vous ne voulez pas comprendre que nous avons affaire à une Croisade à l’envers. »

Oriana Fallaci, La Rage et l’Orgueil  

« On ne peut détruire en quelques décennies un système perceptif et axiologique qui a commandé la pensée d’une culture durant plus d’un siècle. Sur le plan inconscient, la forme et le fondement biologiques qui sont attribués aux conduites culturelles sont restés prégnants et dominent notre conception du monde. (…) Si la race n’existe pas, cela n’en détruit pas pour autant la réalité sociale et psychologique des faits de race. »

Colette Guillaumin, L’Idéologie raciste

Sirine est une adolescente de quinze ans scolarisée en classe de 3 ème au collège des Prunais à Villiers-sur-Marne, dans la banlieue sud-est de Paris. D’une famille nombreuse et modeste, elle porte un hijab dans la rue, qu’elle enlève en arrivant au collège. Ne lui reste qu’un bandeau frontal qui laisse apparaître les deux tiers de sa chevelure et qu’elle associe souvent à une jupe longue. Une jupe et un bandeau qui ne revêtent aucun caractère religieux mais dont le traitement scolaire, juridique et politique illustre concrètement certaines formes de l’islamophobie contemporaine en France.

À partir du 4 décembre 2012, Sirine s’est vu interdire la possibilité de suivre ses cours et de partager les moments de récréation avec les autres élèves. Durant quatre mois, sans décision administrative, elle a été isolée en salle de permanence ou dans le bureau des surveillants. Faute d’effectifs, il est même arrivé qu’elle suive les surveillants dans leurs différents déplacements ou bien qu’elle attende, y compris dans le froid et la neige, que tous les élèves soient rentrés pour être escortée jusqu’à la salle de permanence. Sa scolarité a également été sacrifiée : privée de cours, elle a dû se contenter de polycopiés, irrégulièrement fournis, et parfois d’exercices distribués sans les leçons qui permettaient de les réaliser. Pendant qu’une poignée d’entre eux s’autorisaient des remarques désobligeantes et des regards défiants, la majeure partie des enseignants, conscients de sa situation, ont préféré l’ignorer.

L’association de son bandeau frontal et de sa jupe longue a été considérée – au départ par deux enseignants et la principale du collège – comme un signe religieux ostensible. Pour donner un peu d’épaisseur à cette interprétation, l’administration a même avancé l’idée que la jupe longue de Sirine mettait en danger les autres élèves dans les escaliers et que le bandeau, couvrant les oreilles, limitait ses capacités d’écoute. Mais c’est l’argument du signe religieux qui va perdurer durant toute cette période. Une interprétation arbitraire, étayée ni par les propos de la jeune fille, ni par une éventuelle attitude prosélyte, ni même par le recours à une quelconque théologie musulmane. En effet, aucune règle islamique ne vient appuyer cette « fatwa scolaire » attribuant un caractère religieux à une jupe et un bandeau de quelques centimètres. Pourtant, c’est bien au nom de la loi du 15 mars 2004, « encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics », et « pour non-respect du règlement intérieur »  que la direction a demandé à Sirine de retirer son bandeau et de raccourcir sa jupe, et aux enseignants de lui fournir « des documents de travail ».

Souhaitant « éviter les problèmes », les parents de Sirine essaient au départ de la convaincre de se soumettre aux injonctions du collège. Ce que la jeune fille refuse vivement en raison de leur caractère discriminatoire et « injuste ». Pour différentes raisons, d’autres élèves portent également un bandeau sans pour autant être inquiétées. La détermination de l’adolescente finit par l’emporter sur la volonté de ses parents, qui reconnaissent que l’injustice est manifeste et s’inquiètent de la santé fragile de leur fille. L’année précédente, après plusieurs hospitalisations, un médecin avait estimé que Sirine souffrait de « phobie scolaire ». À partir de ce moment, l’ensemble de la famille fait front en déposant dans un premier temps une plainte pour discrimination contre la principale du collège. Les principes d’égalité et de non-discrimination invoqués par la famille se confrontent dès lors au principe de laïcité auquel s’attachent la principale et les enseignants, de plus en plus nombreux à se rallier à l’idée que la jupe et le bandeau de Sirine ont une connotation religieuse.

S’ouvre alors une deuxième phase où la mère multiplie les rendez-vous de clarification avec une direction refusant de changer de regard sur les habits de Sirine. Les agents scolaires interprètent son refus de se soumettre à une injonction « injuste » comme une confirmation de la dimension religieuse du vêtement. C’est un point fondamental du contentieux : l’« islamisation » de l’indocilité de Sirine par l’institution scolaire constitue un argument central lors des différentes procédures.

Face à l’intransigeance de la direction, la famille saisit alors l’inspection académique, le rectorat, puis un médiateur de l’Éducation nationale. Lorsqu’elles répondent, ces instances tranchent en faveur de la direction. La mobilisation des représentants des enseignants et du puissant syndicat des chefs d’établissement joue sûrement un rôle décisif dans ce consensus institutionnel.

D’autres démarches sont effectuées : le médecin scolaire est alerté par courrier de la santé fragile de Sirine et de la mise en danger que constitue sa mise à l’écart, vécue quotidiennement comme une humiliation. À la maison, elle s’endort difficilement et a progressivement recours à des somnifères puis, au bout de quelques semaines, elle est placée sous antidépresseurs. Par ailleurs, des courriers et des appels tentent de mobiliser les représentants de parents d’élèves de 3ème. De manière assez surprenante, les deux associations de parents d’élèves refusent de défendre et même de recevoir ou entendre la famille. Entre-temps, ces associations sont convoquées par la principale et, sans contradicteur, finissent par se rallier à sa position.

Une nouvelle étape est franchie avec l’entrée en scène du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) dix jours après le déclenchement de l’affaire. C’est un agent du collège, non musulman, outré par le traitement réservé à l’adolescente, qui recherche les coordonnées du CCIF et les transmet à la famille. Le Collectif tente dans un premier temps une médiation auprès de la direction du collège qui refuse de le recevoir.

Des démarches sont ensuite initiées auprès de l’inspection académique et du rectorat en raison de l’urgence de la situation scolaire de Sirine et de son état de santé qui se dégrade, mais cette tentative de médiation n’aboutit pas. Puis, une association militante, implantée dans la cité des Hautes-Noues dans laquelle réside l’adolescente, publie un communiqué et l’envoie aux différents acteurs locaux de la vie scolaire et politique.

Ce début de mobilisation inquiète la direction du collège qui multiplie les contacts avec les mêmes acteurs, notamment la municipalité. L’un des enseignants à l’origine de l’exclusion de Sirine informe l’opposition socialiste, dont il est proche. La confrontation prend alors un visage judiciaire, médiatique puis politique.

À la rentrée des vacances d’hiver, une journaliste du Parisien publie un article sur le cas de Sirine, après que le tribunal administratif de Melun (TA) a reconnu l’illégalité de son traitement par le collège. Statuant sur le fond de l’affaire, le TA estime que la situation de Sirine relève d’une urgence, considère que son droit à l’éducation est bafoué et conteste le recours à la loi du 15 mars 2004. De fait, ni cette loi, ni le règlement intérieur du collège ne prévoient que le bandeau, et encore moins une jupe longue, soient assimilables à des signes religieux ostensibles.

Cette décision aurait pu s’appuyer sur une note interne de la direction du collège – que l’administration scolaire s’est bien gardée de fournir aux magistrats –, qui appelle les enseignants à la vigilance « sur le port de bandeau (…) en attendant la rédaction d’un nouveau règlement intérieur (partie sur le respect de la laïcité)… » La note sous-entend en outre que les bandeaux qui laissent les « oreilles découvertes » d’une « largeur d’environ 5 cm » sont acceptables.

D’après ce document, quelques centimètres séparent la neutralité laïque de l’ostentation religieuse. Si le règlement intérieur est si explicite, pourquoi vouloir le modifier ? Cette note interne, qui constitue un aveu d’irrégularité, ne provoque aucune réaction des enseignants. Bien au contraire, comme en témoigne leur déposition collective au Conseil d’État (CE), dans laquelle une quarantaine d’entre eux – dont la majorité n’encadrent pas Sirine et ne l’ont pas entendue – se réfèrent à la loi du 15 mars 2004 et au règlement intérieur pour justifier son exclusion.

En effet, l’académie de Créteil, sur instruction ministérielle, interjette appel auprès du CE, qui décide de casser la décision du TA (arrêt du 18 mars 2013). Pour fonder son avis, le Conseil s’appuie exclusivement sur le récit de l’administration, jugeant que le bandeau masquait une « grande partie » des cheveux (ce qu’infirment la photo du Parisien et d’autres témoignages). Il considère que Sirine se présentait systématiquement avec « une longue jupe noire » (alors que les couleurs variaient), mais surtout que les « éléments de cours » et les « travaux » fournis par les enseignants évitaient que sa scolarité ne soit compromise et suffisaient pour sa « préparation au brevet des collèges ». Ce que la famille et des membres de la vie scolaire en charge de Sirine contestent. Par ailleurs, le CE juge le « dialogue » entretenu par la direction du collège conforme à la loi du 15 mars 2004. Dans les faits, ce « dialogue » a pris la forme d’un ultimatum pour la famille, sommée de choisir entre la soumission et l’exclusion.

Au final, le CE ne s’est pas prononcé sur l’urgence de la situation et a même émis des doutes sur le caractère religieux du bandeau. Statuant sur la forme, il a simplement estimé que le collège avait le droit d’agir ainsi car la procédure de « dialogue » était respectée. Mais, en cassant la décision du tribunal administratif, il entérine les significations données par l’Éducation nationale aux vêtements de Sirine. Le CE estime que le doute doit profiter à l’administration, contrairement à la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, ratifiée par la France, qui stipule que :

« dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

Cette décision a été accueillie avec satisfaction et une certaine euphorie au collège. Selon un agent, un message de félicitations du cabinet du recteur adressé à la direction est même reproduit, agrandi et affiché en salle des professeurs. Sollicité par la principale, Jacques-Alain Bénisti, député-maire de Villiers-sur-Marne membre de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), s’est également réjoui de la décision et décide de l’instrumentaliser à l’échelle nationale. Le 27 mars, lors de la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, il déclare que Sirine qualifie elle-même sa tenue « comme étant religieuse, enfreignant par là même volontairement la loi » et qu’elle est manipulée par des « associations dogmatiques ».

Pour le député-maire, cette affaire relève d’une « guerre larvée imposée par des idéologues qui, sous prétexte de lutter contre l’islamophobie, tentent d’imposer dans notre société des valeurs que nous refusons et qui heurtent nos institutions et l’opinion ». L’hypothèse d’un complot « intégriste » manipulant Sirine n’est pas contredit par Vincent Peillon, ministre socialiste de l’Éducation nationale, qui considère également que ses vêtements – aucun des deux ne précise qu’il s’agit d’une jupe et d’un bandeau – sont des « signes religieux ostentatoires », que « nous ne sommes pas désarmés face à ces situations », et que la « communauté nationale tout entière est réunie lorsqu’il faut aller en justice pour faire respecter nos principes ». La réponse du ministre se conclut par une information sur les suites de l’affaire :

« j’ai demandé à ce que la procédure disciplinaire soit engagée. »


En effet, Sirine est définitivement exclue de son collège le 4 avril 2013, quatre mois après le début du contentieux l’opposant à sa direction. Le même jour, l’un d’entre nous publie une tribune dans le journal Libération, sous forme de lettre, qui résume les événements en interrogeant les ressorts sociaux et politiques ayant permis une telle alliance contre Sirine.

De nombreuses questions se posent en effet : comment ces deux hommes politiques, supposés être des rivaux, en arrivent-ils à épouser aussi facilement la même vision de l’histoire de Sirine ? C’est bien à la thèse belliciste de la « guerre larvée » soutenue par le député Bénisti que souscrit le ministre Peillon lorsqu’il précise que la « communauté nationale » n’est « pas désarmée ». Ce sont les mêmes catégories d’entendement qui participent de ce consensus, ponctuel, entre deux hommes à la stature intellectuelle et aux références idéologiques fort différentes. Mais, plus largement, c’est le rôle de l’ensemble des protagonistes de l’exclusion et, durant plusieurs mois, de la déshumanisation de Sirine, qui nous semble emblématique des effets concrets de l’islamophobie.

Si l’exclusion de Sirine a eu une résonance médiatique et politique, ce ne fut pas le cas de sa réintégration dans l’autre collège public de la ville… avec sa jupe et son bandeau. Pourquoi avoir gâché autant d’énergie et de moyens, fragilisé la scolarité et la santé de Sirine pour en revenir à la situation initiale, tout à fait légale ? Est-ce la République qui a cédé ? L’intégrisme qui a triomphé ?

Comment comprendre que les enseignants du collège, majoritairement de gauche, dont certains sont très appréciés dans la principale cité populaire de la ville, se rallient aussi facilement à l’entreprise d’exclusion et de disqualification d’une adolescente en souffrance ?

Pourquoi les deux associations de parents d’élèves n’ont même pas dénié recevoir et entendre la famille ?

Comment finalement comprendre que l’islamité associée arbitrairement à la jupe et au bandeau de Sirine suffise à la déshumaniser ou, du moins, à neutraliser les affects de l’encadrement scolaire (mis à part les agents de la Vie scolaire), à suspendre toute forme d’empathie et de compréhension ?

Pourquoi son islamité présumée a-t-elle écrasé aussi facilement les différentes facettes de son identité, de son humanité et de sa subjectivité ?

L’islamophobie de plume

L’expérience de Sirine symbolise le caractère passionnel ou haineux des réactions qui accompagnent les polémiques et les faits impliquant des musulmans. Elle dévoile une espèce de réflexe d’hostilité et de défiance qui prévaut dans le traitement de l’islam. Qu’elle relève d’un activisme idéologique ou d’une forme de suivisme, cette posture est indissociable de la construction du « problème musulman », en grande partie alimentée par la montée en puissance et en fréquence d’une islamophobie de plume qui trouve une audience croissante dans les médias. En effet, on ne dénombre plus les discours publics stigmatisant sans complexe l’islam et les musulmans, de la part de chefs d’État, de membres de gouvernements, de professionnels de la politique, de journalistes, d’« éditocrates », d’intellectuels médiatiques, d’universitaires, etc.

Ces personnalités ne partagent pas le même « diagnostic » sur la nature du « problème musulman » et sur sa « solution ». Certaines d’entre elles s’opposent, politiquement ou intellectuellement. L’islamophobie de plume n’est donc pas un espace monolithique et sans nuances, mais tous ses protagonistes conviennent qu’il existe un « problème musulman », auquel les pouvoirs publics doivent répondre de manière urgente. L’accumulation des discours islamophobes, notamment durant les campagnes électorales et les expéditions militaires, produit un climat idéologique particulièrement hostile à la présence musulmane en France.

Dans les années 1990, Jacques Chirac, alors maire de Paris et président du Rassemblement pour la République (RPR), déclare qu’« avoir des Polonais, des Italiens, des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d’avoir des musulmans ou des Noirs ». Pierre-André Taguieff, chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), affirme quant à lui que « deux millions de musulmans en France, ce sont deux millions d’intégristes potentiels ». Dans le contexte du 11 septembre 2001, l’écrivain à succès Michel Houellebecq déclare :

« la religion la plus con, c’est quand même l’islam. Quand on lit le Coran, on est effondré ».

Et le même d’ajouter :

« l’islam est né en plein désert, au milieu de scorpions, de chameaux et d’animaux féroces de toutes espèces. Savez-vous comment j’appelle les musulmans ? Les minables du Sahara. Voilà le seul nom qu’ils méritent […], l’islam ne pouvait naître que dans un désert stupide, au milieu de Bédouins crasseux qui n’avaient rien d’autre à faire – pardonnez-moi – que d’enculer leurs chameaux. »

La traduction française du best-seller islamophobe de la journaliste italienne Oriana Fallaci, La Rage et l’Orgueil, rencontre en 2002-2003 un écho médiatique plutôt favorable en France malgré la violence de ses propos. Elle y décrit par exemple une mobilisation pour des papiers d’identité, « dont ces Somaliens avaient besoin pour s’ébattre en Europe et faire venir les hordes de leurs parents » :

« les musulmans somaliens (…) défigurèrent et souillèrent et outragèrent la piazza del Duomo de Florence. (…) Une tente (…) aménagée comme un appartement. Des chaises, des chaises longues, des petites tables, des matelas pour dormir et baiser, des fourneaux pour cuire la nourriture, empester la place de la fumée puante. (…) Pour accompagner tout ça, les dégoûtantes traces d’urine qui profanaient les marbres du Baptistère (Parbleu ! Ils ont la giclée longue, ces fils d’Allah). »

Ainsi, « les Albanais, les Soudanais, les Pakistanais, les Tunisiens, les Algériens, les Marocains, les Nigérians, les Bengalis » seraient tous des « trafiquants de drogue », des « bandits » et des « sauvages » qui « se multiplient comme des rats ». Selon le philosophe Alain Finkielkraut, l’auteure « a l’insigne mérite de ne pas se laisser intimider par le mensonge vertueux », « met les pieds dans le plat » et « s’efforce de regarder la réalité en face ». Taguieff soutient qu’elle « vise juste, même si elle peut choquer par certaines formules ». Quant au journaliste de Charlie Hebdo Robert Misrahi, il considère qu’elle « fait preuve de courage intellectuel ».

Plus récemment, lors de la campagne présidentielle de 2012, Richard Millet, influent éditeur chez Gallimard et auteur d’un Éloge littéraire d’Anders Breivik (le terroriste d’extrême droite norvégien), affirme vivre un « cauchemar absolu » lorsqu’il prend le RER à la station Châtelet-les-Halles, « surtout quand [il est] le seul Blanc » :

« il y a une douleur pour moi à me poser la question de savoir dans quel pays je suis, ethniquement, racialement, religieusement, etc. (…) Je ne supporte pas les mosquées en France. »

Réagissant aux actes meurtriers de Mohamed Merah en 2012, le candidat Nicolas Sarkozy prétend que « les amalgames n’ont aucun sens », tout en rappelant que « deux de nos soldats [assassinés par Merah] étaient… comment dire… musulmans, en tout cas d’apparence, puisque l’un était catholique, mais d’apparence ».

Quelques mois plus tard, le président de l’UMP, Jean-François Copé, popularise la légende du « pain au chocolat » :

« Je pense à ces parents d’élèves traumatisés parce qu’un de leurs fils, qui prenait son goûter à la sortie du collège, s’est fait arracher sa nourriture des mains par une bande de jeunes qui se prenait pour une brigade iranienne de promotion de la vertu : “pas pendant le ramadan !”, avait-elle ordonné. »

Le mythe de l’islamisation de l’Europe est inventé, propagé par de nombreux intellectuels européens et états-uniens : Oriana Fallaci, Alexandre Del Valle, Gisèle Littman alias Bat Ye’or, Christopher Caldwell, Timothy M. Savage, Melanie Phillips, etc. Certains d’entre eux définissent l’islamisation comme un « grand remplacement », selon l’expression de Renaud Camus (écrivain d’extrême droite et fondateur du parti de l’In-nocence) : le nombre d’Européens décline alors que celui des immigrés, de leurs descendants et des musulmans, bientôt démographiquement majoritaires, augmente. D’autres la définissent, à l’instar de la démographe Michèle Tribalat, comme :

« l’apparition d’une minorité musulmane importante, de plus en plus sûre d’elle et exprimant des exigences [qui changent] notre cadre de vie, nos modes de vie et [limitent] nos libertés ».

La violence symbolique de l’islamophobie de plume atteint son paroxysme lorsque de véritables appels au meurtre sont lancés dans l’indifférence des pouvoirs publics et malgré les alertes lancées par des intellectuels et des associations antiracistes (voir notre chapitre 13). En 2004, Michèle Vianès, militante lyonnaise se revendiquant du féminisme, publie un livre comparant les maris de femmes portant la burka à des « chiens d’aveugle » :

« Pardonnez la métaphore, inélégante mais nécessaire, écrit-elle : la femme est aveugle, le mari est un chien d’aveugle. Sauf que le chien est attachant parce qu’il n’est pas responsable de la cécité de son maître, qu’il compense. Ici, c’est l’inverse. »

Elle déplore le manque de « courage » des musulmanes médecins :

« Quel gâchis de voir des femmes turques achever aujourd’hui leurs études de médecine et ne pas exercer en raison de pressions familiales qui leur interdisent de soigner des hommes ! Bien que médecins, elles ne songent pas à mettre du cyanure dans le thé à la menthe familial. Dommage ! »


Dans un registre analogue, la militante Christine Tasin publie, sur le site Boulevard Voltaire dirigé par les journalistes Robert Ménard et Dominique Jamet, un virulent article intitulé « Que faire des musulmans une fois le Coran interdit ? ». Dans le « rêve » qu’elle échafaude, les gouvernants votent « une loi interdisant la pratique de l’islam sur notre sol, la vente du Coran et l’enseignement de celui-ci, mais ont garanti, bien entendu, la liberté de croire en Dieu, qu’il s’appelle Allah ou pas ». Les musulmans français ou étrangers « auront donc le choix » :

« S’ils veulent rester en France, ils seront dans un pays où disparaîtra toute visibilité de l’islam (…). Les nés-musulmans pourront alors librement abdiquer l’islam et devenir apostats ou pratiquer leur culte de façon totalement privée (…). Si cela ne leur convenait pas, ils auraient le droit de gagner un des cinquante-sept pays musulmans de la planète où règne la charia. (…) Bien sûr, il y aura contestations, émeutes et même menaces terroristes. Le pouvoir y mettra fin grâce à sa détermination sans faille, et, s’il faut sacrifier quelques extrémistes pour redonner à soixante-cinq millions d’habitants paix et protection, il faudra faire savoir que l’armée, dépêchée à chaque menace, n’hésitera pas à tirer dans le tas. C’est terrible, mais il n’y aura pas d’autre solution pour calmer le jeu et imposer notre loi. »

L’islamophobie comme « fait social total »

Ces discours d’une incroyable violence ne doivent pas dissimuler les discours plus discrets et les actions plus feutrées d’un ensemble d’acteurs sociaux ayant participé à l’universalisation du « problème musulman », milité en faveur de mesures législatives d’exception ou mis en place des pratiques discriminatoires à l’encontre des musulmans. Il faut éviter les généralisations et les corrélations abusives : les discours de Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy, dans l’exercice de leurs mandats, n’obéissent pas aux mêmes logiques que ceux de Christine Tasin ou Renaud Camus, participant aux Assises internationales contre l’islamisation en 2010 (voir notre chapitre Cool. Comme pour toute définition d’un phénomène social, il est indispensable de distinguer plusieurs niveaux. Nous en identifions trois qui permettent d’analyser l’islamophobie comme racisme : l’idéologie, les préjugés et les pratiques. Si l’islamophobie de plume renvoie à une forme d’idéologie raciste, ce n’est pas forcément le cas d’autres formes d’islamophobie qui relèvent, par exemple, du préjugé.

L’islamophobie ne se cantonne plus aux champs médiatique et politique. Elle se développe, par capillarité, dans d’autres espaces sociaux :

- les écoles publiques, où l’on interdit aux jeunes filles de porter un signe religieux « ostensible » (hijab ou bandeau assorti d’une jupe longue) et aux mères voilées d’accompagner bénévolement les sorties scolaires, et où l’on oblige des enfants musulmans à manger de la viande non halal à la cantine ;

- les services publics, où l’on demande aux femmes de se dévoiler pour célébrer leur mariage, recevoir leur décret de naturalisation, être entendues devant la justice, passer un examen, intégrer une formation professionnelle ou universitaire ;

- l’administration des étrangers, où une religiosité trop visible peut être un frein à l’obtention d’un titre de séjour et de la nationalité française ;

- des entreprises privées, où les discriminations concernent les femmes voilées, en tant que clientes et employées, et les employés faisant le ramadan ;

- dans la rue, où l’on observe une recrudescence des actes islamophobes non seulement par des groupes d’extrême droite mais aussi par des citoyens lambda.

Que s’est-il donc passé pour que les partisans de l’interdiction du port du hijab à l’école publique, minoritaires lors de la première « affaire des foulards » en 1989, soient devenus majoritaires dans les années 2000 ? Comment des événements internationaux, comme les conflits entre Al-Qaida et les forces de l’OTAN, ont-ils contribué à amplifier des phénomènes déjà existants dans la vie quotidienne des millions de musulmans de France ? Par quels processus sociaux s’est constitué un consensus national, plus seulement élitaire mais aussi en partie populaire, sur l’idée d’un « problème musulman » qu’il faudrait « résoudre » par le biais d’une violence symbolique ou physique ? Comment est-on arrivé à l’instauration d’un régime juridique d’exception, c’est-à-dire un régime juridique dérogatoire du droit commun, à l’encontre de tout ou partie des musulmans ? Bref, comment expliquer sociologiquement le développement de l’islamophobie ?

L’objectif général de notre livre est d’apporter des éléments de réponse et de suggérer des pistes de réflexion pour saisir l’islamophobie comme un « fait social total », c’est-à-dire comme un phénomène social qui engage « la totalité de la société et de ses institutions » politiques, administratives, juridiques, économiques, médiatiques et intellectuelles. L’islamophobie implique « viscéralement » les individus et les groupes sociaux, de manière consciente ou inconsciente, ce qui explique en grande partie la dimension « hystérique » ou « passionnelle » des controverses sur la question musulmane. La sociologie de l’islamophobie permet ainsi de saisir les transformations de la société dans sa totalité, dans la mesure où elle nous renseigne sur le fonctionnement des champs médiatique, politique, juridique, intellectuel, etc. Que peuvent apporter les sciences sociales à la connaissance de l’islamophobie ? Quelles sont les avancées et les limites des recherches menées essentiellement dans le monde anglophone ?

Si les pratiques religieuses des musulmans de France sont relativement bien connues des sciences sociales françaises, l’islamophobie n’a pas encore fait l’objet d’enquêtes historiques et sociologiques de grande ampleur. La situation française contraste avec celle du monde universitaire anglophone, où les travaux pluridisciplinaires sur le concept d’islamophobie se multiplient. Depuis une décennie, le terme « islamophobie » fait l’objet, en France, d’une active disqualification dans l’espace public qui laisse peu de place à un débat serein. Des voix se font entendre pour bannir ce mot du vocabulaire courant, politique et même antiraciste, en s’appuyant essentiellement sur quatre arguments d’ordres sémantique et politique.

Le premier argument est avancé par des personnalités médiatiques pour qui cette notion aurait été inventée par des mollahs iraniens afin d’interdire tout blasphème. Or, comme nous le montrons dans le quatrième chapitre, le terme d’islamophobie n’a pas d’équivalent en persan et on doit son invention, en 1910, à un groupe d’orientalistes français spécialisés dans les études de l’islam ouest-africain.

Le deuxième argument concerne le suffixe « phobie » dont l’utilisation reviendrait à faire de l’islamophobie une peur irraisonnée, évacuant ainsi les dimensions de l’aversion, de la haine, du rejet, du racisme, pour s’en tenir à l’expression d’un pathos. En effet, pourquoi condamner une peur ? Or, si l’on considère que la racine phobos est inappropriée pour désigner le rejet ou le racisme, ne doit-on pas aussi se débarrasser de termes centraux dans le débat public tels que xénophobie, négrophobie et homophobie ? Le suffixe « phobie » n’est sûrement pas le plus approprié d’un point de vue scientifique, mais il nous semble que les sciences sociales peuvent se saisir de ce terme et le redéfinir en allant au-delà de la dimension « phobique ».

Le troisième argument consiste à dire que l’islamophobie n’est qu’un nouvel avatar du racisme antiarabe. Or tous les Arabes ne sont pas musulmans et tous les musulmans ne sont pas arabes. De nombreuses études sociologiques anglophones permettent de distinguer, et surtout d’articuler, les discriminations fondées sur l’appartenance raciale et celles fondées sur l’appartenance religieuse (partie I). Mais si la confusion entre plusieurs marqueurs suffit à disqualifier un concept, alors il ne faudrait pas non plus parler d’antisémitisme, terme qui englobe des marqueurs phénotypiques, culturels et religieux et qui opère même une sélection entre les peuples « sémites ». Faut-il pour autant se débarrasser du concept d’antisémitisme ? Ce point nous rappelle qu’il n’existe pas de concept parfait permettant de désigner et d’englober des phénomènes nécessairement complexes.

Le dernier argument concerne l’usage du terme d’islamophobie comme outil de censure limitant la liberté d’expression, notamment la critique des religions. C’est une remarque légitime et un risque réel, qui vise moins le concept que certains de ses usages. Or, les mots sont parfois pris au piège de polémiques qui les dépassent : tel est également le cas de l’accusation d’antisémitisme visant toute critique de l’État d’Israël, qui ne démonétise heureusement pas ce concept. Ainsi, comme tous les termes désignant d’autres formes d’« altérophobie », la notion d’islamophobie est imparfaite et instrumentalisable, mais nécessaire afin de nommer et d’analyser un phénomène aujourd’hui mesuré et exploré par les sciences sociales, combattu par l’action militante et pris au sérieux par la plupart des organisations internationales et gouvernements occidentaux. Mettre un mot sur une réalité sociale permet de faire reconnaître son existence. A l’inverse, ne pas la nommer revient finalement à l’occulter socialement et politiquement.

Tout l’enjeu consiste donc à proposer une définition opératoire de l’islamophobie qui limite, autant que faire se peut, les confusions et les usages problématiques. Comme nous le détaillons dans notre chapitre 5, nous considérons que l’islamophobie correspond au processus social complexe de racialisation/altérisation appuyée sur le signe de l’appartenance (réelle ou supposée) à la religion musulmane, dont les modalités sont variables en fonction des contextes nationaux et des périodes historiques. Il s’agit d’un phénomène global et « genré » parce que influencé par la circulation internationale des idées et des personnes et par les rapports sociaux de sexe. Nous faisons l’hypothèse que l’islamophobie est la conséquence de la construction d’un « problème musulman », dont la « solution » réside dans la discipline des corps, voire des esprits, des (présumé-e-s) musulman-e-s.

Au-delà de la construction d’un problème public, les origines de l’islamophobie sont à analyser dans le cadre d’une relation entre établis et marginaux (insiders/outsiders), telle que le sociologue Norbert Elias l’avait proposée dans Norbert Elias par lui-même au sujet des juifs d’Europe, des communautés noires et hispanophones états-uniennes et des musulmans :

« Le ressentiment surgit quand un groupe marginal socialement inférieur, méprisé et stigmatisé, est sur le point d’exiger l’égalité non seulement légale, mais aussi sociale, quand ses membres commencent à occuper dans la société des positions qui leur étaient autrefois inaccessibles, c’est-à-dire quand ils commencent à entrer directement en concurrence avec les membres de la majorité en tant qu’individus socialement égaux, et peut-être même quand ils occupent des positions qui confèrent aux groupes méprisés un statut plus élevé et plus de possibilités de pouvoir qu’aux groupes établis dont le statut social est inférieur et qui ne se sentent pas en sécurité ».

Autrement dit, on « tolère un groupe marginal méprisé, stigmatisé et relativement impuissant tant que ses membres se contentent du rang inférieur qui, selon la conception des groupes établis, revient à leur groupe et tant qu’ils se comportent, conformément à leur statut inférieur, en êtres subordonnés et soumis ».

Il faut alors analyser l’émergence de l’islamophobie comme un des avatars du refus de l’égalité, qui se différencie cependant de ce que d’autres minorités peuvent vivre (femmes, LGBT, etc.) dans la mesure où l’enjeu central est bien la légitimité de la présence musulmane sur le territoire national, tout comme pour l’antisémitisme des dix-neuvième et vingtième siècles (voir notre chapitre 11). Ce n’est en effet pas un hasard si la première politisation de la question musulmane en France apparaît au moment où les travailleurs immigrés revendiquent l’égalité avec les travailleurs français à propos des conditions de travail et des licenciements (voir notre chapitre 6). Comme le soulignait le sociologue Pierre Bourdieu au sujet de l’affaire du voile de 1989 :

« la question patente – faut-il ou non accepter à l’école le port du voile dit islamique ? – occulte La question latente – faut-il ou non accepter en France les immigrés d’origine nord-africaine ? »

La question latente de l’islamophobie renvoie à la légitimité « présentielle » des immigrés postcoloniaux et de leurs enfants (« immigrés à vie » malgré la nationalité française) qui, selon la logique des coûts et profits de l’immigration de la pensée nationale, est étroitement reliée à leur statut de travailleur et à leur position dans le rapport de production. Sachant que la majorité des musulmans font partie des classes populaires, ils se situent dans une position économique fragilisée par la déstructuration du capitalisme industriel et subissent de plein fouet le chômage de longue durée et le « précariat ». Dès lors que leur position économique est remise en cause par les transformations du capitalisme postindustriel, leur légitimité présentielle s’est considérablement décliné aux yeux des classes dominantes pour qui les « coûts » de leur présence sont supérieurs aux « profits ».

Au déni islamophobe de la légitimité présentielle des musulmans, s’ajoute un déni de l’islamophobie comme nouvelle forme de racisme. Malgré la reconnaissance des organisations internationales (Union européenne et Nations unies) et la mobilisation associative contre l’islamophobie (voir notre chapitre 13), ce déni semble ancré au sein des classes dominantes françaises. Or, il faut avoir en tête ces ressorts du déni lorsque l’on entreprend une analyse sociologique et historique de l’islamophobie.

Avant de faire l’histoire du concept d’islamophobie, de présenter les débats théoriques autour de sa définition et d’en proposer une (partie II), il s’agit de rendre compte de la réalité de l’islamophobie en mettant en lumière non seulement l’expérience de la discrimination telle qu’elle est vécue par les musulman-e-s, mais aussi les outils et données statistiques disponibles pour objectiver l’existence de discours et d’actes islamophobes (partie I).

Nous considérons que ces manifestations de l’islamophobie sont le résultat de la construction du « problème musulman » et du « problème de l’immigration », dont la sociologie passe par la compréhension des logiques de fonctionnement du champ médiatique, du jeu politique et de l’espace des mobilisations (partie III).

Les controverses publiques autour de l’islam sont révélatrices d’une lutte autour de la définition de l’islam qui mobilise ce qu’on appelle l’« archive antimusulmane », c’est-à-dire le répertoire symbolique des représentations négatives de l’islam et des musulmans. Pour comprendre les usages contemporains de l’archive antimusulmane, il est nécessaire de s’interroger sur la construction, la circulation et les transformations de ces représentations d’une période à l’autre (Moyen Âge, Lumières, périodes coloniale et postcoloniale), ainsi que sur la comparaison historique entre l’islamophobie et l’antisémitisme, dont les formes symboliques et les enjeux sociologiques sont souvent similaires (partie IV).

Il s’agit enfin de mettre en lumière les enjeux des mobilisations contre l’islamophobie, en essayant d’analyser les divisions persistantes au sein des mouvements antiracistes et féministes français, ainsi que les logiques d’engagement de certains intellectuels et d’associations musulmanes et non musulmanes visant à construire ce qu’on peut appeler le « problème islamophobe » (partie V).


P.-S.


Ce texte constitue l’introduction du livre d’Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed : Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman », qui vient de paraître aux Editions La Découverte et que nous reproduisons avec l’amicale autorisation des éditeurs et des auteurs. Les références précises des livres ou articles cités dans cette introduction figurent dans le livre.
Toussaint
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Message  Toussaint Sam 16 Nov - 0:17

Le texte ci-dessous de Catherine Samary en 2006 avec un rectificatif de Laurent Lévy, tous deux membres du FDG, Catherine étant à ma connaissance membre de la GA et du NPA, Lévy du PDG.


Au-delà du voile et de la laïcité

Bilan de trois ans de controverses


par Catherine Samary
1er juin 2006



C’est en membre actif du Collectif Une école pour toutes et tous (CEPT) et du Collectif des Féministes pour l’égalité (CFPE) que je m’intègre à ces débats - et que j’ai connu la plupart de ceux et celles qui y participent. Ces rencontres ont été « essentielles », en profondeur. Elles n’ont pas fini de produire des chocs externes et intérieurs, à la fois dans nos « familles » respectives crispées sur des protections et rejets parfois viscéraux, et en nous même comme individu découvrant l’inattendu et s’en enrichissant, mais aussi soumis à des tensions profondes et interrogations. Je voudrais en évoquer quelques unes, liées à mon engagement de long terme dans la gauche radicale [1] marxiste.
La « loi sur le voile » et l’expulsion des jeunes filles concernées nous ont interpellé-e-s sans qu’on y réfléchisse - la réflexion est venu après... Elle est loin d’avoir encore été au fond des enjeux...


La famille politique particulière à laquelle je suis « attachée » (en dépit des conflits qui traversent les familles...) - la LCR - a, lors des premières « affaires du voile », à la fin des années 1980, clairement condamné les mesures d’exclusion des jeunes filles. Cela n’a pratiquement pas fait débat à l’époque. La défense du droit à l’école publique apparaissait comme une évidence, quelle que soit l’hostilité au port du foulard, contre toute discrimination et logique « civilisatrice » en fait répressive : l’émancipation passe par les choix et l’engagement individuels, l’instruction est un enjeu fondamental notamment pour les femmes, ces exclusions sont injustes : ces jeunes filles ne menacent personne... Tels étaient en tout cas les motifs de base de notre positionnement d’alors.

Le tournant de la position dominante de la LCR en 2004 par rapport à sa ligne antérieure fut donc pour moi un choc inattendu. Pourquoi ce qui était simple et évident est-il devenu compliqué ?

Comme mes ami-e-s du CEPT et du CFPE le savent, je n’ai pas adhéré à l’idée que le racisme était suffisant à expliquer tout cela - même si je partage totalement l’analyse et la dénonciation de « ce racisme à peine voilé » ou « respectable » [2] que la Loi de 2004 a « libéré ». Mais je pense essentiel d’analyser les peurs sous-jacentes et leurs instrumentalisations idéologiques et politiques, plus encore que le terreau raciste. Et de façon encore plus délimitée - parce que centré sur un « petit » milieu au sein de la société - je pense qu’il est fondamental d’analyser les théorisations, réflexes et constructions qui ont produit, en 2004 en France, ces rejets profond des femmes portant le foulard dans les milieux de tradition anti-raciste, anti-colonialiste et féministe...

Car il faut s’attaquer à ce qui divise ceux et celles qui devraient combattre ensemble - et qui a rapproché des fronts contre nature...

J’adhère profondément, à la thèse de Saïd Bouamama quant à «  l’enjeu du débat (...) fondamental » :

« Soit nous réussirons à éviter la division dans le peuple de ce pays, et le combat aura lieu contre notre ennemi commun, soit la division raciste l’emportera pour le plus grand bénéfice des dominants. Voilà pourquoi ces derniers ont mis tant d’ardeur à cette manipulation idéologique  ».

Il faut la prolonger et approfondir sous l’angle plus « étroit » et délimité de ce qui tend à diviser les « milieux » militants et associations progressistes - y compris... issus de l’immigration ! En l’occurrence, ce n’est pas tant l’articulation féminisme/racisme qui a posé et pose problème, mais :

1- la façon dont le religieux - et l’islam en particulier - percute l’articulation social, féminisme, racisme ... : et plus spécifiquement encore, le jugement que les un-e-s et les autres portent sur les courants et dynamiques existant dans le monde musulman...

2- l’articulation autonomie/convergences à la fois dans la « pensée », l’auto-organisation, la menée des luttes - et, au-delà, la démocratie individuelle et collective à inventer... : avec, à nouveau, plus spécifiquement la place du religieux dans la démocratie - comme la place des athées dans le monde musulman...

Or sur ces deux ensembles de questions, il n’y a rien de « définitif », aucune pensée cristallisée qui fasse autorité ou qui se « situe » de façon univoque dans tel ou tel courant, organisation ou « camp »... Nous sommes dans un contexte où ces questions évoluent et doivent encore largement être « pensées », élaborées, en tirant tout le parti des expériences accumulées... Il est donc hors de question de pouvoir « traiter » ces questions ici. Mais je veux les mettre au cœur des réflexions nécessaires.

Ceci n’implique aucune complaisance ou naïveté : nulle organisation et nul individu n’est imperméable à l’erreur et aux idées réactionnaires, bien sûr. Et on connaît des histoires de convergences « rouges-brunes », de basculement, de dégénérescences... On peut être féministe et raciste... Antiraciste et machiste... Anti-capitaliste, raciste et machiste... (et l’on peut ajouter l’homophobie à tout cela).

Mais il ne faut pas se tromper d’ennemi. Ni pratiquer ce que l’on reproche aux autres - l’absence de dialogues, l’étiquetage sans vérification et sans recul qui interdit et bloque l’écoute, notamment sur des questions qui sont, justement « en devenir ». La stigmatisation de « l’ennemi » externe supposé authentifié - et avec lequel on ne discute pas - tourne très vite (l’expérience du stalinisme l’a montré) à l’excommunication de l’ennemi interne, coupable de « complaisance » et autres trahisons. Il est essentiel de refuser tout monopole de « vérité », de féminisme, d’antiracisme ou d’universalisme... aux autres, et entre « nous »...

Incorporer toutes les facettes des résistances aux oppressions...

Je m’inscris dans un courant au sein de la « cosmogonie » marxiste qui est explicitement critique des comportements « ouvriéristes ». Leur mécanisme et racines peuvent être analysés : ils s’adaptent en général aux idéologies dominantes chez les travailleurs, au nom de la centralité des luttes sociales auquel est réduit le pseudo-marxisme et qui les fait rejeter comme « petits-bourgeois » les revendications transversales aux classes (l’écologie, le féminisme, la défense de droits nationaux, etc...). Ce type d’analyse renverse ensuite les articulations : c’est la dénonciation de l’oppression (des femmes, des communautés nationales ou religieuses) qui « divise » les travailleurs et affaiblit la lutte contre le système - et non le machisme, le racisme, le sectarisme intolérant pénétrant la classe ouvrière.

L’expérience historique confirme au contraire que la lutte « jusqu’au bout » contre les sociétés d’oppression et d’exploitation appartenant à la « préhistoire » des sociétés humaines comme les appelle Marx, exige qu’on ne laisse sur le côté de la route aucune forme d’oppression et de domination. L’échec des régimes se réclamant du socialisme a été accompagné au plan idéologico-politique par une inversion stalinienne de la logique du Manifeste communiste : au lieu que l’émancipation de chacun-e soit la condition de l’émancipation de tou-te-s (comme l’exige le Manifeste), le système de parti unique a subordonné les individus (l’émancipation individuelle) à la pensée dogmatique et au dirigisme du parti-Etat, supposé incarner les « intérêts historiques du prolétariat » - et l’émancipation « collective » ... [3]

Les critiques formulées au sein de l’islam, notamment par Ali Shariati [4] envers les régimes et partis communistes au pouvoir ont postulé - à tort - que le « matérialisme » marxiste était « par essence » porteur de ce bureaucratisme répressif, incapable de critères éthiques, de respect des individus, de prise en compte de l’écologie et de démocratie pluraliste respectueuse y compris des croyants. Pourtant le marxisme est porteur d’une possible critique interne au nom de son éthique. Et l’histoire du siècle écoulé a été marquée par bien des analyses et résistances critiquant « de l’intérieur » et au nom des idéaux socialistes les régimes de parti unique, régnant au nom des travailleurs, sur leur dos ; des régimes devenus dictatoriaux, réprimant « en défense du socialisme » toute pensée et mouvement autonome et critique.

Or il est essentiel de constater des cheminements analogues possibles au sein de l’islam, critiquant de l’intérieur, au nom de valeurs et finalités fondamentales de l’islam, les pratiques et théorisations [5] se disant islamiques et s’imposant de façon dictatoriale aux musulmans et non musulmans, privant les individus (notamment les femmes) de leurs droits et libertés, au nom de l’islam [6]. ...

Je me revendique donc d’un certain humanisme radical qui revient aux fondements, aux sources profondes du marxisme : l’individu libre et les finalités universalistes de justice sociale, c’est-à-dire de dignité et d’égalité réelle pour tous et toutes, dans un monde solidaire et soucieux de préserver le patrimoine commun de la planète... quels que soient les cheminements qui tendent vers ces buts-là. La démocratie pluraliste, directe et indirecte, basée sur l’organisation des intéressé-e-s est, doit être au centre des mécanismes de décision - ce qui ne supprime pas la fonctionnalité des associations, partis, syndicats, etc... sans hiérarchie « politique », qui mettent en avant leurs élaborations et confrontent les points de vue qui pèsent dans les choix : il y a là, à inventer, des articulations complexes droits individuels/droits collectifs... Dans cette démocratie-là, l’individu libre, le droit du sol - quel que soit l’origine, les convictions athées ou religieuses, le sexe, le statut social -... est essentiel à la citoyenneté universelle. Mais cette citoyenneté peut s’exercer à divers niveaux des prises de décision aujourd’hui imbriquée du local au planétaire. Sans une combinaison/distinction citoyenneté et nationalité, la construction européenne sera totalitaire... Et les droits socio-économiques et politiques (au sens large) doivent réduire les écarts entre égalité citoyenne proclamée et réalité des inégalités et discriminations... Ils doivent permettre que s’expriment et soient défendus les intérêts collectifs, dans leurs dimensions conflictuelles dont l’étouffement supprime la démocratie réelle pour les individus à multiples facettes [7]. L’idée que toute affirmation collective est « communautariste » et remet en cause la citoyenneté universelle est simplement... fausse.

Il faut rejeter l’étapisme qui renvoie aux lendemains chantants d’un après-capitalisme la lutte pour d’autres rapports humains et écologistes ; ou encore qui établit de façon figée et permanente une « hiérarchie » entre les diverses solidarités dans lesquelles les individus peuvent être amenés à s’insérer : luttes de classe, féminisme, communautés diverses... C’est l’individu libre qui peut seul déterminer, dans un contexte donné, la bonne « hiérarchie », qui n’impose pas de mettre entre parenthèse les diverses facettes des combats menés, mais les articule selon les priorités du moment. Le sexisme et la violence contre les femmes affaiblit la cohésion d’une lutte. Mais on a vu aussi le « féminisme » instrumentalisé pour diviser réellement des fronts de résistance - le colonialisme pseudo « civilisateur » en a été maître. La stigmatisation des jeunes hommes issus de l’immigration post-coloniale, notamment dans les campagnes de Ni Putes Ni Soumises en est un autre exemple [8] ; le sentiment de solidarité des femmes contre une telle stigmatisation raciste n’impose pas le silence sur les violences - il impose par contre de ne pas accepter une approche sélective injuste des violences dénoncées.

Les solidarités n’imposent pas le «  campisme  » qui consiste à ne pas critiquer son propre « camp » pour ne pas donner prise aux arguments de l’adversaire [9]. L’autocensure empêche de donner pleinement leur sens aux combats menés. Pire, elle les rend vulnérables à des courants réactionnaires qui les mènent sur des voies de garage.

La pensée binaire, campiste, est incapable de critique interne  ; elle est également incapable d’incorporer les apports externes, c’est-à-dire ceux provenant des combats et résistances qui ont divisé « le monde » que l’on combat : la « guerre de civilisation » de l’Islam contre l’Occident est une vision tout aussi fausse que la réduction des enjeux commerciaux à des rapports Nord /Sud... ou encore les thèses d’une lutte des sexes qui primerait en permanence sur les autres conflits. Mais c’est la « pensée » d’un autre monde possible qui est aussi handicapée par ces approches binaires et exclusives. Comme si les hommes n’avaient rien à gagner et à apporter au combat féministe. Comme si les pays du Sud n’étaient pas aussi soumis à des rapports de classe et de domination « interne » rejoignant finalement des combats menés dans des conditions parfois plus favorables au cœur des pays occidentaux... Comme si les finalités n’étaient pas les mêmes sous divers cieux...

« Qu’il me soit permis de découvrir et de vouloir l’homme, où qu’il se trouve » écrit Franz Fanon [10] dans un texte magnifique...

Quels dangers ?...

Par un étonnant renversement de perspective, la volonté d’insertion dans des luttes pour les droits des femmes du CEPT ou du CFPE avec des femmes portant le foulard a été perçue et dénoncée comme « diviseuse » « du » mouvement féministe ou altermondialiste [11] ...

J’ai été confrontée à ce type de critique, exprimée visiblement avec conviction, dans la LCR... Au mieux, j’étais devenue naïve, perdant mes repères par anti-racisme, avec quelques autres, féministes de longue date comme Christine Delphy [12] ; au pire, j’étais quasiment devenue une « musulmane progressiste » (comme on me l’a dit), voire j’avais renoncé au féminisme en étant instrumentalisée par un projet caché visant à la destruction « du » mouvement féministe (porté, évidemment par... Tariq Ramadan [13] et ses ami-e-s) ; au-delà, c’est la boussole des solidarités de classe qui était menacée : du voile aux Indigènes (que j’ai également soutenus) une continuité fut établie, dans la vision fantasmée de l’ « ennemi intérieur ».

Nous avons été une minorité significative à combattre le changement de position de la LCR en 2004, publiquement. Il resta certes distinct de celui de Lutte Ouvrière (LO) qui soutenait explicitement la nouvelle Loi en se revendiquant du « féminisme », elle qui était généralement en posture critique des lois « bourgeoises » et fort peu connue pour son engagement féministe... Mais la position de la LCR fut un « ni Loi, ni voile » incapable d’une quelconque mobilisation contre la loi dénoncée pourtant comme hypocrite et stigmatisante [14]. Cette paralysie fut perçue à l’extérieur comme un soutien de fait aux exclusions - prolongeant l’issue désastreuse de « l’affaire d’Aubervilliers » où l’exclusion des jeunes filles Lévy fut finalement acceptée par un enseignant membre du BP de la LCR.

En pratique, le « ni, ni » se traduisit par la défiance voire l’hostilité majoritaire envers la mise en place du CEPT perçu comme un « soutien » au port du voile et un front sur des bases religieuses - ce qui était doublement faux, comme il était aisé de le vérifier en lisant la plate-forme du Collectif. Des membres de la LCR défendant le point de vue minoritaire participèrent comme tels au CEPT et il fut prévu que le débat sur les enjeux sous-jacents se poursuivrait, en interne et publiquement [15].

Deux ensemble d’arguments furent avancés pour légitimer la nouvelle vision - il concernaient des dangers...

1) Le premier ensemble d’arguments suppose que le port du voile serait en France le signe visible d¹une offensive intégriste mondiale. Cette vision emprunte directement à la thèse du « choc des civilisations », pourtant par ailleurs très fustigée.

L’argumentaire « féministe » - en fait puissamment soutenu par le vécu traumatisé de certaines camarades et amies algériennes - ressassé à l’infini, suggérait des connexions diaboliques pour le moins difficile à établir. Il traduisait le refus de voir, en France, dans la plupart des jeunes filles et femmes qui portent le foulard, des Françaises nées ici, voulant se faire reconnaître comme Françaises et musulmanes dans leur propre pays...

La grille de lecture de l’offensive islamiste organisée derrière la montée du port du foulard a fait l’impasse d’une analyse spécifique en premier lieu des transformations de la société française depuis vingt ans - après l’arrêt de la croissance et de la politique d’immigration « de passage » en 1974. La percussion de ces transformations sociologiques, faisant de l’islam la deuxième religion de France, avec un « modèle » d’intégration/ assimilation en crise, telle aurait du être la première des explications avancées.

Le voile était-il imposé aux jeunes filles mineures par des frères, des pères ou des maris, bref des hommes (arabes, musulmans et machistes) ? Nous ne discutons pas ici du nombre de ces cas. Ils existent certainement - et tout particulièrement dans certains quartiers [16]. Mais, quand c’est le cas, quel peut avoir été et sera l’impact de la loi  ? Ces femmes ne pourront s’émanciper de l’emprise de leur milieu que par l’école, les diplômes et le travail. Une loi qui exclut de l’école publique ne peut que conforter le pouvoir du père, du frère ou du mari sur la femme voilée. Lorsque les jeunes femmes sont soumises à de telles pressions, les hommes en question seront justement ravis et confortés par la loi dans l’objectif de ne pas envoyer ces filles à l¹école publique - et pourquoi pas, de négocier avec Sarkozy le financement d’écoles confessionnelles privées. Paradoxalement, la « laïcité » telle que conçue par cette loi sur les signes religieux aboutira... à plus de financement public des écoles privées, et ... au communautarisme clientéliste « encadrant » la population musulmane sur des bases à la fois religieuses et liées au Ministère de l’Intérieur...

Cette thèse faisait aussi l’impasse sur ce qui se passe sous le voile, chez les femmes elles-mêmes [17], dans le monde musulman et en France - comme en témoigne notamment l’émergence d’un féminisme au sein de l’islam dont le premier congrès international, tenu à Barcelone fin octobre dernier, était un témoignage majeur. En France même, le Collectif des féministes pour l’égalité (CFPE) est un creuset de rencontres et connaissances réciproques de féministes refusant l’hypothèse et le « modèle » d’un cheminement unique en faveur de l’égalité des droits entre hommes et femmes et de la critique du patriarcat [18].

Il s’avère en réalité, que dans la nouvelle génération de jeunes femmes, beaucoup font le choix (contre leur environnement) de porter le voile tout en allant à l’école publique. Dans ce cas, en quoi l’Etat a-t-il le droit de les priver de ce choix et de ces droits ? Et en quoi l’argument du voile « symbole de soumission et d’enfermement » est-il vérifié ?
Derrière chaque femme voilée ne se cache pas un homme barbu. Certaines de nos féministes ont du mal à accepter cette réalité. En France comme ailleurs, des jeunes filles ont choisi de revendiquer leur islamité et de marquer leur différence par le port du voile. Les cheminements intérieurs et les motifs et contextes (personnels, familiaux, nationaux, internationaux) qui les conduisent à de tels choix sont multiples et, en dernier ressort, intimes.

Quand on les écoute (ce que certain(e)s féministes et « émancipateurs » ne cherchent même pas à faire), leur discours sont divers. Elles veulent, en tout cas, être acceptées comme musulmanes. Leurs parents qui ont cherché à s’assimiler, sont marginalisés ou exclus parce qu’ils s’appellent Mohamed et ont la peau basanée... Elles refusent qu’on porte sur elles un regard de pitié, qu’on considère que l’islam impose l’obscurantisme alors qu’elles y puisent l’exigence, pour les femmes comme pour les hommes, de s’instruire et d’être actif socialement... Pire, on l’a dit, certaines « prétendent » de l’intérieur de l’islam revendiquer l’égalité des droits contre les comportements patriarcaux. Elles ne veulent pas qu’on les traite en victimes ou en femmes soumises alors même qu’elles veulent acquérir les moyens de l¹autonomie et procèdent de choix personnels. Ces jeunes filles sont fières et prêtes à se battre avec leur foulard contre des adultes (souvent des hommes d’ailleurs) pour le garder...

Le plus aberrant de ce regard aveugle sur le voile est d’interpréter la présence de ces femmes dans des cortèges et manifestations au contenu progressiste non comme des victoires sur l’obscurantisme et le repli religieux et communautariste, mais comme un danger !
La lutte contre « l’obscurantisme » recouvre malheureusement bien souvent d’épaisses couches de mentalité archéo-coloniale.

Certes, il vrai que la résistance au (néo)colonisateur a pu (peut encore) instrumentaliser, elle aussi, les femmes et le voile [19]. Mais laissons, à nouveau, les femmes en juger et déterminer elles-mêmes leur façon de lutter. Dans tous les cas, un comportement féministe doit être à l’écoute du choix des femmes elles-mêmes, de leurs combats et motivations « sous le voile » [20] ou sans voile...

Dans l’ensemble, il ne s’agit évidemment pas de nier l’existence de courants réactionnaires et intégristes dans toutes les religions et sous tous les cieux - comme parmi les athées..., mais de mesurer les dynamiques contradictoires à l’œuvre et de refuser un traitement séparé de l’islam qui exclut l’existence de dynamiques et courants contradictoires pour ne retenir, par « essence » que de sombres possibles... menant tous à Al Qaida. Comme le souligne Saïd Bouamama [21]],

«  les mises en scène de l’insécurité, puis de l’association Ni putes Ni soumises, puis de l’affaire du foulard, etc, ne sont que des éléments d’une vaste offensive idéologique destinée à faire intérioriser par tous la grille de lecture de la " guerre des civilisations " et à empêcher les grilles de lecture sociales de se développer ».

Il y a, à l’arrière-plan de ce que fut le tournant de la LCR en 2004, une vision pessimiste, qui ne devrait pas résister à l’analyse concrète...

2) Deuxième ensemble d’arguments : le voile menace le modèle républicain français et l’égalité des droits entre hommes et femmes, ou la laïcité.
Cet argument oublie... que la première égalité entre hommes et femmes porte sur le droit d’aller à l’école... Et que les victimes de cette loi sont pour l’essentiel - jeunes Sikhs mis à part, qui en sont des victimes collatérales - des jeunes filles...

En outre, la Loi sur la parité est en elle-même, pour le moins, une entorse au « modèle » partant du constat majeur du grand écart entre l’égalité supposée et la réalité. Les féministes s’opposèrent sur les réponses à apporter à cet écart - et sur le sens qu’elles attribuaient à cette loi de parité (il y eut plus d’un chassé-croisé dans les pour et les contre cette loi qui pouvaient tout à fait se rattacher à des visions opposées des rapports hommes/femmes) [22].
Enfin, l’argument laïc oublie... la dynamique soulevée plus haut : l’application de la loi renvoie les jeunes filles rétives vers... l’école privée. Renvoi qui implique à son tour bien des entorses à « l’égalité des droits » et aux principes de laïcité : il introduit un droit à l’école à deux vitesses, selon les moyens dont dispose chaque famille d’assumer ou non un substitut privé à l’école publique ; ou bien, pour rétablir l’égalité de scolarisation obligatoire, il pousse à un financement... public des écoles confessionnelles, aux antipodes des principes de laïcité...

Au-delà de la laïcité, le débat réel porte en fait sur les enjeux de société, ceux de la démocratie capable de faire vivre ensemble des personnes de convictions différentes...
Et dans ce cadre, pour des altermondialistes, quelle est la place des croyants ?

Au-delà du foulard et de l’islam, la religion...

Ceux qui dans la gauche radicale dénoncent l’obscurantisme religieux reprennent souvent de façon appauvrie la fameuse formule de Marx sur la religion, « opium du peuple » - et se comportent comme les pires Eglises et théocraties inquisitoires... Ils oublient de citer l’ensemble de la pensée de Marx [23] précédant la formule en question :

« La religion est la théorie générale de ce monde, son compendium encyclopédique, sa logique sous forme populaire, son point d’honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, sa raison générale de consolation et de justification [...]. La misère religieuse est d’une part l’expression de la misère réelle et d’autre part une protestation contre la misère réelle, le soupir de la créature accablée, le cœur d’un monde sans cœur, l’esprit d’un temps privé d’esp

t. » [24].

L’expérience historique prouve malheureusement que ni la référence à Dieu, ni le rejet matérialiste de Dieu n’empêche les pires rapports d’oppression et de domination, de machisme, de violences, d’agressions et de guerres... Ni l’une ni l’autre de ces postures n’empêche la cupidité, les relations d’argent, la corruption. Le grand écart a, sous tous les cieux, été gigantesque entre valeurs affichées et comportements, dès que confrontés aux « dangers professionnels du pouvoir », à ses avantages matériels...

Mais il s’avère aussi que l’on peut, sur des bases athées ou religieuses, critiquer ceux qui prétendent au monopole des « savoirs » pour protéger leurs propres privilèges, ou qui s’érigent en pouvoir (« laïque » ou théocratique) prétendant faire le bonheur des êtres humains en leur dictant de façon « scientifique » comment organiser les sociétés humaines.

Pour les « matérialistes », faut-il rappeler, contre des approches « essentialistes » de la religion quelques distinctions fondamentales pour nos débats :

- entre pouvoirs cléricaux (Eglises et Etats théocratiques - et tous ceux qui s’arrogent le pouvoir de parler au nom de Dieu pour imposer un ordre juridique et politico-social contradictoire avec les procédures démocratiques) - et croyants (êtres humains, faisant partie à part entière d’une société qui doit les intégrer dans toutes les procédures de choix démocratiques) ;

- entre courants religieux qui tournent les croyants vers l’acceptation des injustices, inégalités et ordres oppresseurs existant sur Terre (au nom d’un futur Paradis céleste) - ou qui estiment au contraire que la fidélité à leur foi, y inclus l’espoir d’aller au Paradis, impose de résister sur Terre aux inégalités et à l’injustice - sur des bases universelles ;

- entre courants religieux qui prônent le repli entre croyants et cherchent à construire une société pour les seuls croyants en rejetant les non-croyants et les sociétés laïques - ou, au contraire critiquent ce type de comportements ;

- entre courants religieux qui abordent les Textes sacrés de référence comme des bases « scientifiques » opposables aux sciences de la nature et sciences sociales, aux savoirs et expériences humaines - ou au contraire estiment que la fidélité aux Ecritures impose leur lecture non littérale, la pleine ouverture aux sciences et l’élaboration par des individus et peuples souverains des lois définissant leurs relations, sur la base de contextes et d’expériences évolutifs...

- entre courants religieux qui légitiment, au nom de leurs croyances, les inégalités et les discriminations de toutes sortes, notamment contre les femmes ; ou au contraire les combattent et mènent un travail d’analyse critique interne de ces pseudo-légitimations, au nom de leur foi...

Loin d’être des vues de l’esprit, ces distinctions ont été et sont pertinentes et fort concrètes dans les luttes récentes. Celles et ceux qui, athées comme moi, ont spontanément cherché avec qui lutter parmi les musulmans (nous ne connaissions pas ce qu’était le « PIF » - paysage islamique français, comme l’appellent nos amis musulmans...) contre la Loi de mars 2004, ont découvert « en marchant » des partenaires ; et les raisons pour lesquelles ceux-là, et pas d’autres, se retrouvaient ensemble avec nous dans ces luttes...

Refusant à la fois la diabolisation de l’islam [25] comme tout homogène incapable de s’ouvrir à ces différenciations et à des pratiques démocratiques - ou, au contraire, une valorisation « en bloc » des musulmans comme porteurs en eux-mêmes d’un positionnement « anti-impérialiste », nous avons évidemment repéré des clivages « pertinents » dans les fronts de lutte. Nous nous sommes rapproché-e-s de ceux et celles qui luttaient pour des droits civils et sociaux sur des bases égalitaires ; ceux et celles qui recherchaient la mixité, démocratique, de combat pour ces droits ; ceux et celles qui refusaient le clientélisme, l’embrigadement, les dépendances financières envers les pouvoirs, corruptrices...

Et nous avons découvert que l’affirmation comme « musulman » dans des cadres associatifs pouvait recouvrir diverses dynamiques et comportements, fort bien analysés par Abdellalli Hajjat ou Yamin Makri [26]. Ils pouvaient signifier notamment l’ouverture constatée à l’action sociale, politique, citoyenne dans des cadres mixtes et non repli « de fermeture », communautariste - et telle était, en dépit des affirmations mensongères répétées à ce propos, l’orientation des « ramadaniens »... Ils refusaient par contre d’être « émancipés » et « civilisés » par l’Etat post-colonial français, que ce soit dans sa variante pseudo-universaliste de fait assimilationniste, ou sur un mode communautariste clientéliste à la Sarkozy... Et cela aussi nous convenait, justement...

Mais cela a suffit également pour nous faire taxer - entre autres par le président d’honneur d’Attac, Bernard Cassen (notamment dans une interview donnée au Manifesto) - de « communautaristes » ou « relativistes » supposés opposés à l’universalisme républicain... Dans notre réponse à Bernard Cassen, Bernard Dréano, Monique Crinon et moi-même avons contesté cette appropriation autoritaire et réductrice de l’universalisme [27] :

« Nous partons de l’hypothèse que le monde que nous voulons construire ne réalisera un universalisme concret qu’en assurant la convergence d’une pluralité d’acteurs, de mouvements autonomes enracinés dans des combats spécifiques pour l’émancipation humaine ; en tirant le bilan de toutes les expériences, de leurs apports comme de leurs échecs nous voulons trouver les moyens de réduire les grands écarts entre valeurs proclamées et réalisées... ».

Et la réduction de tels écarts, qu’il s’agisse des inégalités de classe, de genre, ou de traitement des diverses communautés nationales ou religieuses, impose que les intéressé-e-s... s’organisent collectivement, pour peser, pour que soient reconnus des droits bafoués... Mais cette expérience conduisait symétriquement nos amis musulmans (comme d’ailleurs nous-mêmes) à distinguer, parmi les athées

- ceux qui ont de la laïcité une lecture éradicatrice de la religion au moyen de la force de l’Etat ; ou au contraire ceux qui percevaient le rôle de l’Etat comme garant des libertés religieuses, permettant comme le recherchait Jean Jaurès de placer sur le devant de la scène politique les enjeux démocratiques et la question sociale...

- ceux qui en ont une conception « sélective » et a-historique fermée, acceptant l’inégalité de traitement de l’islam - ou au contraire qui combattaient pour la pleine application de la Loi de 1905 à ce qui est devenu la deuxième religion dans une société française profondément transformée au cours des dernières décennies... notamment dans sa composante « issue de l’immigration post-coloniale »...

Dans la discussion sur le projet de Traité constitutionnel européen, les partisans du « non » (dont j’étais), notamment au sein d’ATTAC mettaient l’accent sur les dénis de démocratie que représentait cet échafaudage. Mais certains, prétendant combattre des régressions sur la laïcité, ont pris pour cible l’article II-70 sur la Liberté de pensée, de conscience et de religion.

Cet article stipulait :

«  Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques, et l’accomplissement des rites ».

Se revendiquant de la Loi de 2004 en France, ils percevaient - à juste titre - l’affirmation d’une liberté « de manifester sa religion ... en public » comme une défense du droit à porter le foulard islamique...

Mais au lieu de s’interroger sur leur propre « regard » sur le foulard et les droits existants, nos amis altermondialistes se sont engouffré-es dans la logique dangereuse... d’une profonde régression de droits - en fait, perpétuellement « justifiée », comme en jeu de miroirs, par le foulard imposé et les dictatures régnant dans le monde musulman...

C’est une autre logique qu’il faut promouvoir : critiquer, contester ensemble tous les dénis de droits, sous tous les cieux... (notamment, en solidarité avec les femmes auxquelles le foulard, les inégalités de droit, l’enfermement au foyer sont imposés dans la pire des violences). Et nous inspirer des distinctions utiles que la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) note avec clarté, notamment dans une étude d’avril 2005 de son groupe de travail laïcité :

« Ajoutons, pour être plus précis, ce que recouvre exactement l’opposition public/privé dans le domaine religieux. En fait la séparation définit trois espaces : l’espace privé de l’individu et de la famille, l’espace public social de la société civile, et l’espace public civique de l’Etat ; les religions, comme les autres faits sociaux, se déploient et s’expriment, sont visibles, à la fois dans l’espace privé intime et dans l’espace public de la société civile, à la réserve du respect de l’ordre public. ».

La séparation de l’Etat et des religions, la neutralité des bâtiments et institutions étatiques, n’imposent ni le renoncement des usagers à l’expression de leurs convictions, ni la restriction au seul espace privé d’une telle expression... La démocratie est précisément l’organisation de cet espace sociétal, public où les religions n’ont plus de « pouvoir » institutionnel, mais où les idées et convictions religieuses peuvent, évidemment être défendues...

La LDH incite à juste titre, dans le texte évoqué, à un minimum de prudence quant à l’aspect supposé « universel » et satisfaisant du « modèle » français, assortie d’ouverture d’esprit sur d’autres expériences dans le reste du monde :

« Le processus de laïcisation a, dans un premier temps, permis l’autonomie progressive du sujet, de l’école et de l’Etat par rapport à la, puis aux religions. La laïcisation a été le moyen de l’émancipation. La laïcité a été ensuite ce dispositif politique qui permettait de faire coexister harmonieusement une totale liberté de conscience pour les sujets, une entière liberté d’expression dans l’espace civil pour la multiplicité des groupes sociaux, et d’abord des groupes religieux, et l’unité de l’Etat garantie, au bénéfice de tous, par la loi et le droit. (...) Il semble que de gros progrès restent à faire pour que ce dispositif puisse servir de référence et de modèle, en Europe où il n’est qu’un des nombreux dispositifs de sécularisation et non pas le seul, et dans le monde d’une manière plus globale où le mode des religions occidentales risque de nous rendre aveugle devant d’autres problématiques et d’autres solutions.  »

Une remarque, non anodine, de conclusion : je suis intervenue dans les débats d’Attac en soulignant ... que l’article II-70 du projet de Traité constitutionnel qui était contesté reproduisait en fait... l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) reprit par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) en son point 9... Certes celle-ci ajoute :

« La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

On pouvait demander que cette précision soit ajoutée dans le Traité - mais la signature de la CEDH était suffisante pour qu’elle puisse être appliquée au plan européen. Il était donc possible à chaque pays et citoyen de juger, de façon concrète, si l’affichage de convictions religieuses se transformait en dangereuses « pressions  », contradictoires avec des droits défendus ou portant atteinte à l’ordre public... Mais cela doit faire l’objet d’une analyse spécifiée, dans chaque contexte... Et c’est pourquoi nous demandons... où est l’analyse confirmée d’une menace de l’ordre public par les jeunes filles voilées ? La Loi de 2004 a-t-elle pacifié les esprits ou bien ouvert une boite de Pandore remettant en cause les droits associés à la Loi de 1905...

Au-delà, il faut mesurer la gravité des enjeux, tels qu’ils se sont manifestés dans le cadre de la critique évoquée du projet de Traité constitutionnel européen. Alors qu’il était et reste essentiel de faire émerger une « autre Europe » pour « un autre monde » possible, sur des bases démocratiques et socialement solidaires, pour une réelle égalité des droits et contre toute discrimination, la proposition de supprimer tout droit positif d’expression de ses convictions religieuses en public, est une dramatique aberration... risquant de pousser les croyants dans les bras de la droite... Avec pour substitut d’analyse, au sein du mouvement altermondialiste, une thèse fondée mais dont les conclusions sont erronées :

- ce qui est vrai : l’orientation libérale marchande peut parfaitement s’accommoder des identités religieuses organisées et instrumentalisées sur le mode du modèle anglo-saxon ou Sarkozyste, ou encore celles de Bush et du protestantisme réactionnaire... recherchant un « islam modéré » comme relais. Et réciproquement, bien sûr, s’affirmer musulman, peut parfaitement aussi s’accommoder d’un libéralisme économique creusant les inégalités et détruisant l’Etat social - moyennant le paiement de la Zakat...

- mais on ne peut conclure de ces vérités-là, par contre, que toute affirmation religieuse est nécessairement « communautariste » et clientéliste... et qu’elle accepterait par essence le libéralisme économique et ses dégâts sociaux... On peut encore moins empêcher les alliances du premier genre de se réaliser en proposant... d’interdire l’expression des convictions religieuses dans l’espace public...

Quel monde serait-on en train de nous proposer - au sein même des altermondialistes-, par de dangereux glissements, dans une bien totalitaire conception de la laïcité, du féminisme... et, finalement, de l’universalisme ?


P.-S.

Catherine Samary est universitaire, membre de la LCR et des Collectifs Une Ecole pour tou-te-s et Féministes Pour l’Egalité. Cet article est issu d’une intervention au séminaire « 100 ans après, la laïcité », organisé par la FTCR (Fédération des Tunisiens Citoyens des deux Rives) le vendredi 16 décembre 2005.


Ce texte a suscité la remarque suivante de la part de Laurent Lévy. Nous le faisons suivre d’un courrier dans lequel Catherine Samary en prend acte [28]

Rectificatif

J’espère que Catherine Samary ne m’en voudra pas de rectifier un point de fait de son article, qui concerne ce dont je peux témoigner, pour avoir été personellement dans l’oeil du cyclone. Elle m’en voudra d’autant moins que la formule qu’elle emploie est très probablement un simple dérapage de plume, puisqu’elle connait la réalité du déroulement de cette affaire - j’ai eu l’occasion d’en parler avec elle la première fois que je l’ai rencontrée, en janvier 2004.

Catherine écrit : "« l’affaire d’Aubervilliers » où l’exclusion des jeunes filles Lévy fut finalement acceptée par un enseignant membre du BP de la LCR."

L’inexactitude porte sur l’expression "fut finalement acceptée". Cette formulation pourrait laisser entendre que la seule chose que l’on pourrait reprocher à ce membre de premier plan de la direction de la LCR, Pierre-François Grond, aurait été de ne pas mener bataille contre l’exclusion, de s’y êtrer résigné, de l’avoir combattue mollement pour, en désespoir de cause, l’accepter. Et il est vrai que cela serait certainement déjà une honte pour une personne se prétendant un dirigeant "révolutionnaire".

Mais les choses ne se sont pas déroulées ainsi. Pierre-François Grond était le professeur d’histoire et de géographie, et le professeur principal, de l’une de ces deux lycéennes, alors âgée de 16 ans. Il fut en réalité l’un des véritables organisateurs de son exclusion, au motif qu’elle était "militante", tout en précisant qu’elle était "intelligente", et "élève par ailleurs vive et agréable".

A supposer un enjeu idéologique majeur à cette question de vêtements (un autre militant, Rémi Dulocquin, expliquait doctement que l’exclusion aurait pu être évitée si les lycéennes en cause avaient accepté de laisser dépasser le lobe de leur oreille et une mèche de cheveux de leur foulard...), force est de noter que, à moins de quinze jours de la rentrée, un professeur d’histoire qui capitule en rase campagne devant une enfant de seize ans et renonce à tout effort pédagogique et de conviction ne mérite ni le titre de professeur, ni celui de militant révolutionnaire.

Notons aussi que, même non fondée, "l’accusation" de militantisme avait quelque chose d’étrange dans la bouche d’une personne qui fut elle même dirigeante d’une organisation politique de jeunesse.

Pierre-François Grond a mené bataille pour ces exclusions, sans être désavoué par les autres militants de la LCR du lycée (comme Mathiew Berrebi) et en collusion avec des militant-es de Lutte Ouvrière (Georges Vartaniantz, Loris Castellani, Lise Tchao...). Il est vrai que la période était aux grandes embrassades pré-électorales entre les deux formations d’extrême-gauche.

L’expression "ni voile ni loi" prend tout son sens dans cette organisation d’une exclusion sans loi de filles voilées. L’attitude de ce dirigeant de la LCR n’a d’ailleurs fait l’objet d’aucune contestation officielle de son organisation. L’hebdomadaire Rouge lui a même ouvert ses colonnes, pour y présenter, en complicité avec Matthiew Berrebi, une version falsifiée de toute l’histoire. Un rectificatif que j’avais alors adressé est resté lettre morte.

Les quelques personnes qui ont vu le petit sourire de satisfaction triomphante de Pierre-François Grond lorsqu’a été annoncée l’exclusion définitive de cette lycéenne de 16 ans, "élève par ailleurs vive et agréable", ne l’oublieront pas de sitôt.

Je tenais à rectifier ce point.

Laurent Lévy

Réponse

Cher Laurent,

Je n’ai pas de raison de t’en vouloir. J’en veux plutôt à Rouge et à la LCR de ne pas avoir publié ta demande de rectificatif - Pierre-François Grond et les autres enseignants que tu évoques auraient gagné en clarté en publiant ton point de vue auquel ils pouvaient te répondre s’ils pensaient que tu déformais ce qui s’était passé.

A l’époque des faits, les protestations et demandes internes d’explications que nous avons été plusieurs à exprimer ont en fait tourné cours en débouchant sur un débat d’ensemble sur le projet de loi - où nous nous sommes organisé-e-s en minorité publique contre la ligne politique émergeante du "ni voile, ni loi". Rétrospectivement, je pense qu’on aurait dû mener bataille sur l’affaire d’Aubervilliers en tant que telle jusqu’à clarification publique - et qu’elle a joué un rôle déterminant dans le flou et basculement de la direction.

Ultime remarque : tu te trompes sur les grandes "embrassades" avec LO comme arrière-plan explicatif de ce basculement. Sur la question de la religion et du voile - et des supposés menaces communautaristes - des chassés croisés étonnants rapprochent LO des anars... et cet éventail se retrouve dans LCR...

Bien amicalement,

Catherine Samary
 


Notes


[1] Avant la chute du Mur de Berlin et de l’URSS, mes origines, mon activité de recherche universitaire autant que mon implication militante, pendant de longues années, m’ont tournée principalement vers l’Europe de l’Est dominée par les régimes se réclamant du socialisme ; notamment vers les Balkans où je me suis mobilisée contre les politiques de nettoyages ethniques dans la décennie de désintégration de l’ex-Yougoslavie. Et il n’est sans doute pas un hasard que, de la Bosnie au CFPE (Collectif des Féministes pour l’égalité) et au CEPT (Collectif Une Ecole Pour Tou-te-s), l’exigence de combattre la diabolisation raciste de l’islam ait percuté les luttes où je me suis engagée sous divers cieux, rejoignant aussi les positions que j’ai prise et l’appel que j’ai signé, comme « Juive », contre le sionisme et la politique de Sharon envers le peuple palestinien...


[2] Cf. [l’interview par Hamé de Saïd Bouamama]->266 sur le site Les mots sont importants à propos de son étude L’affaire du voile ou la production d’un racisme respectable. Cf. également, sur lmsi.net, les analyses de Pierre Tévanian et Ch. Nordmann, Le foulard islamique en questions, Editions Amsterdam, 2004.


[3] C’est un des apports de la gauche marxiste yougoslave, notamment dans la revue Praxis, d’avoir dénoncé cette inversion et d’avoir, au nom des idéaux émancipateurs, porté la critique contre les diverses variantes de parti unique, y inclus titiste


[4] Cf. Ali Shariati Histoire et destinée, Textes choisis et traduits du persan, Sindbad, Paris 1982 ; cf. également Mahmoud Mohamed Taha, Un islam à vocation libératrice, L’Harmattan, 2002


[5] Il est particulièrement affligeant de constater l’aveuglement et l’ignorance arrogante en France envers les apports de Tariq Ramadan, dans la pensée et la démarche proposée, stigmatisée de façon aberrante comme « communautariste ». Cf. T. Ramadan, Les musulmans d’occident et l’avenir de l’islam, Sindbad, Actes Sud, 2003. L’on peut également, quand on le veut, vérifier l’impact de sa démarche sur les personnes et associations qui s’en réclament. Lire notamment, Yamin Macri, du réseau Présence musulmane que préside Tariq Ramadan, http://oumma.com/article.php3?id_article=1544 : « Du sens et de la cohérence - pour mieux comprendre et mieux agir » A la veille du Forum social européen de St Denis, en 2004, sans connaître alors Tariq Ramadan, je m’adressais à mes amies féministes qui voulaient l’empêcher de parler, en contestant des procédures de rumeurs et calomnies en lieu et place des débats rigoureux nécessaires cf. http://www.islamlaicite.org/article105.html


[6] Cf. Nasr Abou Zeid, Critique du discours religieux, Sindbad, Actes Sud, 1999.


[7] Sur les débats concernant les formes de la démocratie dans un autre monde possible, cf « groupe d’étude « socialisme de demain » -GESD, sur le site de Michel Husson : http://hussonet.free.fr/gesd.htm


[8] Sur le traitement médiatique de la « condition des femmes des quartiers », cf. L. Mucchielli, Le scandale des « tournantes ». Dérives médiatiques, contre-enquête sociologique, La découverte, 2005 ; N. Guénif-Souilamas, E. Macé, Les féministes et le garçon arabe, Ed. de l’Aube, 2004. Sur les questions du féminisme dans la résistance anti-coloniale cf. note 20.


[9] Le rejet du « campisme » fut introduit par les trotskystes, qui revendiquaient l’importance de critiquer le régime soviétique - alors que les staliniens voulaient imposer de ne pas « hurler avec les loups » du « camp » anti-communiste. La préservation du « sens » des idéaux socialistes imposait cette critique...


[10] Franz Fanon, Peau noire, masques blancs, 1ère Edition, Seuil, 1952 - Points 1971, p.187.


[11] Cf. ma contribution « féminisme et altermondialisme » à la filière laïcité de l’Université d’été d’Attac 2005 :
http://www.communautarisme.net/attaclaicite/Contribution-de-Catherine-Samary-a-la-Filiere-17-Feminisme-et-altermondialisme-Session-2-Feminismes-d-hier-et-d-aujourd_a31.html


[12] Le dernier numéro de Nouvelles questions féministes (vol. 5, N° 1, février 2006) « sexisme et racisme : le cas français » aborde centralement ce supposé dilemme.


[13] Cf. l’interprétation proposée notamment par Josette Trat de l’orientation supposée « anti-féministe » de Tariq Ramadan dans son article du n° de Contretemps n°12, janvier 2005 « A quels saints se vouer - espaces publics et religion ». Les associations musulmanes impliquées dans le CEPT ou le CFPE étant elles-mêmes proches de T. Ramadan, nos convergences ne pouvaient être que superficielles et largement naïves... Ce qui est peut-être vrai, mais... aucun effort de vérification et de débat réel avec les personnes concernées n’ont accompagné ces jugements péremptoires.


[14] Le communiqué d’Alain Krivine, porte parole de la LCR « contre les exclusions » le 21/10/2004 - cf. le site de la LCR - est passé inaperçu, sans action pratique pour l’accompagner.


[15] Les différentes positions ou sensibilités en présence dans la LCR se sont exprimées dans nos trois publications - Rouge (présentation des débats puis bilan critique de la Loi que j’ai notamment co-signé (« sortir de la paralysie », le 6/1/2005) et qu’on peut trouver sur son site, Critique Communiste n° 172, printemps 2004, Dossier sur le voile en débat  ; et la revue Contretemps n°12, janvier 2005 « A quels saints se vouer - espaces publics et religion ».


[16] Le livre L’une voilée, l’autre pas de Dounia Bouzar et Saïda Kada -Albin Michel, Paris 2003- analyse certaines de ces situations et évoque l’offensive de certains groupes dits salafistes. Mais il met à sa place relative cet aspect, dans l’ensemble de la situation en France.


[17] Cf. notamment Musulmanes et modernes. Voile et civilisation en Turquie de Nilüfer Göle, La Découverte. Confluences Méditerranée, Femmes et islamisme. N°27 automne 1998. Le foulard islamique en question, Charlotte Nordmann (dir.), édition Amsterdam.


[18] Voir son blog http://www.cfpe2004.org et son journal Inch’Allah L’égalité !


[19] Abdellali Hajjat le rappelle de façon subtile dans l’annexe de son excellent essai Immigration postcoloniale et mémoire, L’Harmattan, 2005. C’est un des apports majeurs de Mémoire et Horizon, les publications et débats de Citoyennes des Deux Rives, que de permettre d’intégrer dans sa complexité la lutte des femmes aux approches binaires qui peuvent conduire à valoriser de façon univoque des sociétés et relations traditionnelles au nom du rejet légitime de la domination coloniale et des comportement « civilisateurs ». L’analyse de Raoudha Gharbi - « Emancipation féminine, sécularisation et pouvoir colonial » du n°4 - novembre 2005 - illustre aussi combien ceux qui prétendaient civiliser les autres ont pu soutenir au contraire les courants les plus rétrogrades et conservateurs dans la répression des courants émancipateurs, surgissant de l’intérieur de ces sociétés - comme les projets réformateurs de Tahar Haddad.


[20] Cf. aussi La révolution sous le voile - Femmes islamiques en Iran de Fariba Adelkhah, Karthala, 1991 ; L’une voilée, l’autre pas - le témoignage de deux musulmans françaises de Dounia Bouzar er Saïda Kada, Albin Michel, 2003


[21] Cf. l’interview évoquée en note 2 sur le site Les mots sont importants


[22] Christelle Taraud, op. cité .


[23] Sur marxisme et religion, lire notamment dans la revue Contre temps n°12, (A quels saints se vouer ? -Espaces publics et religions) notamment Michael Lowy, « L’opium du peuple ? » et « Marxisme et religion chez Antonio Gramsci ». Lire aussi, du même auteur La guerre des dieux, Religion et politique en Amérique latine. Editions du Félin, 1998.


[24] « Introduction à la critique de la philosophie du droit de Hegel », in Marx-Engels, Sur la religion (1844), Ed. Sociales, 1968


[25] Comme on la trouve notamment chez Michel Onfray ou Alain Finkielkraut...


[26] Cf. ci desssus.


[27] http://www.reseau-ipam.org/article.php3?id_article=980, lettre au Manifesto du 28/04/2005, à propos de nos coupables convergences avec Tariq Ramadan... On peut retrouver l’interview de Bernard Cassen avec notre réponse sur le site http://www.communautarisme.net/attaclaicite/


[28] Le tout, bien évidemment, avec l’accord des intéressé-e-s.
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Message  Toussaint Sam 16 Nov - 0:31

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Message  Babel Mar 19 Nov - 9:52

Je viens de tomber sur ce papier court et assez percutant de Thomas Deltombe, dans Le Monde des idées.

De rapides recherches m'apprennent  qu'il est l' auteur de L’islam imaginaire : la construction médiatique de l’islamophobie en France (1975-2005), paru à La Découverte en 2006.

Cet essai propose une analyse de l'islamophobie, en tant que machine idéologique. Il s'attache à établir la généalogie de ce racisme new-look, en prenant pour objet la télévision, vecteur principal de sa diffusion.

Il en distingue 3 étapes majeures, mettant en lumière la responsabilité écrasante de la gauche gouvernementale dans ce qui apparaît désormais comme un instrument de domestication des esprits mis au service des intérêts de la classe dominante :

- le milieu des années 1970 et la fin des années 1980, à la faveur de la crise du pétrole et de la révolution iranienne, au moment où s'opère la sédentarisation des populations immigrées, avec pour point d'orgue l'affaire Rushdie, en 1989, et la première affaire des foulards ;

- les années 1990, avec l'émergence d'une "nouvelle bipolarité (…)  : celle qui opposerait l’islam à l’Occident. L’Iran de Khomeyni (…) disparaît au profit de l’Irak de Saddam Hussein et l’islamisme algérien. La stigmatisation des musulmans de France prend pour cible prioritaire les « jeunes de banlieues ».

Une idée s'impose alors, dans un paysage idéologique dominé par le système audiovisuel : celui de l'existence d'un « fossé » grandissant entre le « monde occidental » et le « monde musulman », lui-même scindé en deux pôles, les  gentils « modérés » et les méchants « islamistes », dont les images de la guerre civile algérienne (1992-97) entretiennent le fantasme horrifique.

- arrive la troisième étape, qui débute avec les attentats du 11 septembre 2001, où  
"l’obsession sécuritaire se mue en obsession identitaire au lendemain du 21 avril 2002. (…) La « République » devient le concept magique censé régler l’ensemble des problèmes sociaux.
Terrorisme, communautarisme, antisémitisme, sexisme : tout semble concourir à mettre en accusation une « communauté musulmane » qu’on dit rongée de l’intérieur par un islamisme dont on peine pourtant à cerner les contours."

L'islam fait peur, et cet ennemi anti-républicain et anti-national est d'autant plus redoutable qu'il demeure indéfini. Qui l'incarne, qui le représente : Tariq Ramadan ? Les Frères musulmans ? Les imams salafistes ? Le voile islamique ? Voire, l’islam lui-même ?

(Notes prises à partir de l'introduction.)

Voilà comment le piège s'est refermé. Ceux qui n'ont pas vu ses mâchoires se refermer sur eux peuvent protester de leur bonne foi : leur obstination à nier son existence les rend désormais complices des crimes présents et à venir.

Une idéologie rance et raciste abritée derrière un masque humaniste.

Le Monde.fr | 01.11.2013

En cet automne 2013, on a pu croire que l'ère du déni était terminée. Après la série d'agressions antimusulmanes de cet été, deux livres venaient rappeler que l'islamophobie n'est pas un fantasme: celui du journaliste Claude Askolovitch, dont le titre, Nos mal-aimés. Ces musulmans que la France ne veut pas (Grasset, 280p., 18 euros), indique que son auteur, jadis moins lucide, a rompu avec le petit milieu qui prospère sur la haine des musulmans; et celui des sociologues Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed, Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le "problème musulman" (LaDécouverte, 300p., 21euros), qui fait le point sur les recherches menées depuis une dizaine d'années, en France et ailleurs, sur ce racisme New Age.

On dut pourtant rapidement déchanter. Car la machine islamophobe, si puissante, si violente, se remit immédiatement en branle. Après avoir reconnu qu'il existait un "racisme antimusulman", la polémiste Caroline Fourest précisa sur France Culture que ce racisme était l'exclusivité de quelques excités et nia toute validité au concept d'"islamophobie", qu'elle incarne pourtant parfaitement.

Les hebdomadaires ressortirent de leurs tiroirs leurs éternels "intégristes" qui, coupables de tout, permettent aux éditorialistes de rameuter les troupes. Il est urgent de "combattre", exhorte Christophe Barbier en préambule du énième dossier que L'Express consacre au "communautarisme" (8 octobre).

L'événement qui peut être considéré comme l'acte de naissance de l'islamophobie en France s'est produit en janvier1983. Confronté à un vaste mouvement social dans une industrie automobile en crise, le gouvernement "socialiste", décidé à ne rien céder aux ouvriers, discrédita les grévistes, dont beaucoup étaient immigrés, en les assimilant aux mollahs iraniens. "Des grèves saintes d'intégristes, de musulmans, de chiites!", s'enflamma le ministre de l'intérieur.

Le stratagème provoqua quelques remous à gauche. Le Nouvel Observateur dénonça cet "anti-islamisme indistinct" qui "conduit à voir en chaque musulman un complice virtuel de Khomeyni". Quant à Libération il y vit le prélude d'un raz-de-marée "raciste". Malgré ces avertissements, l'entourloupe fonctionna. La presse obéissante fit ses choux gras des "intégristes" en col bleu. Satisfaites, la droite et l'extrême droite constatèrent qu'il était plus efficace, pour insulter les "bougnoules" de les appeler "musulmans".

Car telle est la fonction de l'islamophobie: encoder le racisme pour le rendre imperceptible, donc socialement acceptable. C'est cette machine à raffiner le racisme brut, lancée par les socialistes en 1983, qui tourne à plein régime depuis trente ans, à gauche comme à droite. On ne parle jamais de "bougnoules" à la télévision et dans la presse, et assez peu d'Arabes et de Noirs.

Mais on diffuse à flux continu des reportages où se déverse un magma confus de "musulmans", d'"islamistes" et autres "communautaristes". Rien de raciste, bien sûr! C'est simplement que ces gens-là posent "problème", nous dit-on, car ils menacent la "République", la "laïcité", le "féminisme", le "vivre-ensemble".

Ainsi encodé, ce racisme raffiné, produit dans les beaux quartiers, imprimé dans les journaux, mis en scène à la télévision, propagé sur Internet, se dissémine dans toute la société. Laquelle, ainsi habituée à vivre dans un mélange de peur identitaire et d'angoisse sécuritaire, est sommée de traquer les voiles litigieux, de mesurer les poils de barbe et de signaler le moindre "colis suspect". Attentifs ensemble! Alimentée depuis trois décennies par des bataillons d'éditocrates, l'islamophobie est devenue une arme psychologique redoutable. Les premières victimes sont bien sûr "musulmanes", ou supposées telles. Suspectées, disqualifiées, déshumanisées par la propagande néo-raciste, elles sont d'autant plus "légitimement", et parfois légalement, discriminées, exclues, arrêtées ou agressées qu'on en a fait des "objets phobogènes", comme disait le psychiatre Frantz Fanon.

Mais derrière les musulmans, la cible est plus large: l'islamophobie est devenue l'arme secrète d'une guerre sociale diffuse. Par effraction, ce racisme sans race, cette haine respectable, installe dans nos têtes l'idée d'une société assiégée, allergique à la nouveauté, à l'étrangeté, à la pluralité. Derrière son masque "humaniste", parfois même "antiraciste", cette idéologie rance ne rejette pas seulement les musulmans, elle chasse aussi les Roms, fabrique des "clandestins", protège les privilégiés contre les "parasites", quels qu'ils soient.

En 1984, un an après la manœuvre anti-ouvrière du gouvernement socialiste, le Front national remportait ses premiers succès électoraux, lors des scrutins municipaux et européens. En 2014, le parti lepéniste est déjà assuré d'un nouveau triomphe. Mais ceux qui nourrissent la bête depuis trente ans n'y sont pour rien. C'est la faute aux "intégristes"!

Thomas Deltombe (éditeur et journaliste)


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Message  Toussaint Mer 20 Nov - 2:02

SAMEDI 14 DECEMBRE 9h à la bourse du Travail de Paris, 85 rue Charlot 75003 Paris. Métro République

Forum international contre l’islamophobie


Des agressions de plus en plus violentes contre des filles portant le foulard, des attaques contre des mosquées, des contrôles policiers au faciès, des musulman-e-s qui se voient refuser un emploi parce qu’ils/elles portent des noms à « consonance étrangère », les discriminations contre une populati on ciblée comme « dangereuse » se multi plient. Elles s’inscrivent dans un climat idéologique et médiatique qui voit un chroniqueur expliquer benoîtement à la radio qu’il naît plus de « musulmans » que de Français en Seine Saint-Denis ; des experts appeler à l’interdiction du port du foulard à l’université ; une journaliste prétendre que la France compte plusieurs millions d’islamistes ; un ministre de l’intérieur dénoncer un « ennemi intérieur ».

Depuis une trentaine d’années, et singulièrement depuis 2001, cette islamophobie est devenue le canal privilégié d’expression – et même de régénération – du racisme dans les pays occidentaux. En prétendant défendre les femmes et la laïcité, elle n’est pas l’apanage de l’extrême droite et recompose les discours. Elle est devenue un système d’exclusion qui concerne tous les pays européens même si elle s’exprime en France de manière spécifi que. Alors que le Vieux conti nent traverse la crise économique et sociale la plus grave depuis celle de 1929, il est particulièrement dangereux de désigner des boucs émissaires à la vindicte populaire (Rroms, musulmans…).


Ce Forum aura pour but de débattre des contours de ce que certains préfèrent appeler « racisme anti -musulman », de la manière d’intensifier la lutte contre un système raciste en pleine évolution, et cela avec la participation d’associations de terrain, de militants politiques ou associatifs, de chercheurs, français et étrangers.

TABLE RONDE 1

9h00-12h

Où en sont les reflexions politiques et scientifiques sur l’islamophobie?

(État des lieux à l’échelle nationale et internationale)

Ramon Grosfoguel (Berkeley University-États-Unis), ), Richard Seymour (journaliste-Royaume Uni)) , Abdellali Hajjat (sociologue, Paris-X), Ismahane Chouder (PSM-CFPE), Nacira Guénif (sociologue, Paris-XIII), Tariq Ramadan (Oxford University), Henri Goldman (Tayush-Belgique)

Atelier 1

Comment lutter contre l’instrumentalisation du féminisme et de la laïcité ?

Introduction : Ismahane Chouder (PSM-CFPE) et Ndella Paye (MTE), Sonia Dayan-Herzbrun (sociologue, Islam&Laïcité), Jean Baubérot (sociologue, CNRS-EPHE), Anissa Fathi (MTE), Monique Lellouche (MRAP-XIXe –XX arr).

En présence de : Joël Roman (Islam&Laïcité), Anissa Fathi (MTE), Henri Goldman, Michèle Sibony (UJFP), Mayanthi Fernando (maître de conférences

Atelier 2

Réponses locales aux agressions islamophobes ?

Introduction : Saïd Bouamama (FUIQP), Omar Slaouti / Hamid Mansouri/ Mustapha Mansouri/ et Abdelkarim Aichi (Collecti f Argenteuil-Bezons), Mohamed Kamli (collectif de Trappes).

En présence de : Zakia Meziani (Ardlfm), Samy Debah (CCIF), Rachid Zrioui (MTE), Ali Fenjiro (AFD)

Atelier 3

La loi, instrument de domination ou moyen d’action au service des victimes d’islamophobie?


Introduction : Alima Boumediene (Collecti f Argenteuil-Bezons), Mahmoud Bourassi (CMF), Marwan Muhammad (CCIF).

En présence de : Stephen Suff ern et Henri Braun (avocats), Zakia Khattabi (sénatrice, Verts–Belgique), Gus Massiah (Att ac), Fayçal Megherbi (Président Mrap Aubervilliers), René Monzat (spécialiste de l’extrême droite), Hati m Achikhan (AFD)

Atelier 4

Comment répondre à l’islamophobie d’en haut (Médias, Institutions, Responsables Politiques) ?


Introduction : Marwan Mohammed (CNRS), Thomas Deltombe (éditeur), Sébastien Fontenelle (journaliste), Ab- dellali Hajjat (Université Paris-X), Alain Gresh (journaliste), Houria Bouteldja (PIR).

En présence de : Said Branine (Oumma.com), Abdelkrim Branine (Beur FM), Pierre Tartakowsky (Président de la LDH), Gilles Manceron (LDH)



TABLE RONDE 2

15h-17h30

Contre l’islamophobie, que faire ?

Ndella Paye, Said Bouamama, Marwan Muhammad, Houria Bouteldja et Alain Gresh

SAMEDI 14 DECEMBRE

9h à la bourse du Travail de Paris, 85 rue Charlot 75003 Paris. Métro République
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Message  Toussaint Mer 20 Nov - 2:22


Marseille : un restaurant interdit aux femmes voilées, un refus assumé


Rédigé par Maria Magassa-Konaté | Mardi 19 Novembre 2013


Islamophobie - Page 31 60608010


Consommer un café, oui mais sans voile. C’est un cas de discrimination inquiétant que révèle le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), lundi 18 novembre. Deux femmes musulmanes se sont vues refuser l'accès à un restaurant à Marseille, jeudi 7 novembre, au motif qu’elles portent le voile.

Alors qu’elles s’apprêtaient ce jour-là à entrer dans le Memphis Coffee, le serveur fait barrage et leur explique qu’elles ne pourront entrer que si elles enlèvent leur voile. « Le directeur, venu en personne renvoyer ces deux femmes, leur explique qu'il ne fait qu’appliquer strictement et simplement la loi et leur répète que si elles souhaitent accéder à l’intérieur du restaurant, il ne tient qu’à elles d’enlever leur voile », indique le CCIF.

Sur la porte d’entrée du restaurant, une copie de la loi sur le voile intégral est placardée. Pourtant, les deux amies portent un hijab qui couvre seulement leurs cheveux. Elles ont beau expliquer que cette loi ne les concernent pas puisque que leur visages sont visibles mais rien n’y fait. L’accès au restaurant leur est toujours refusé, le directeur campant sur sa décision.

Une « ségrégation » dénoncée

Face à cette exclusion, les deux victimes ont décidé d’interpeller le directeur du restaurant et son serveur. « Vous nous avez rejetées très poliment et sans aucune violence, mais sachez que toutes les manifestations de courtoisie du monde n'arriveraient pas à masquer le manque de politesse essentielle et fondamentale dont vous faites preuve et l’impudence de vos propos », ont-elles écrit.

« Vous dévoyez les termes d’une loi pour légitimer la ségrégation. Vous tentez de faire de votre racisme une idéologie homologuée, c’est sans compter sur notre détermination à faire valoir nos droits », poursuivent-elles, avant d'ajouter : « Sur votre site, vous mentionnez que "la force de Memphis Coffee est de proposer à ses clients tout un univers axé autour de l’Amérique des années 50 avec sa cuisine et son décor"… Force est de constater combien vous avez le souci de la perfection et du détail, jusqu’à offrir également à vos clients un aperçu concret de la ségrégation pratiquée à cette même époque. Vous avez su vous adapter au contexte français en remplaçant la minorité noire américaine de l’époque par une minorité française aujourd’hui malmenée. »

Le restaurant assume sa politique

Contacté par Saphirnews, le Memphis Coffee reconnaît les faits. « On demande systématiquement à nos clients de se découvrir », nous dit-on. Pour lui, cette pratique n’est en rien discriminante car elle est appliquée « à tout le monde ». Toutes les personnes portant un couvre-chef, que ce soit « un voile, une kippa, une casquette ou un chapeau », sont invitées à le retirer.

Après l’ouverture du restaurant voilà un an, la direction a décidé de mettre en place ce règlement à la suite d'un « problème de sécurité » survenu il y a plusieurs mois. « Un homme en casquette a volé des affaires dans les vestiaires, mais nos caméras sont en hauteur alors il n’a pas pu être identifié », justifie Jean-Baptiste, un des managers du restaurant. Depuis, le port de tout couvre-chef est interdit.

Cependant, aucune loi française ne l'interdit pour les usagers d'entreprises de service. L’établissement se fonde d'ailleurs, comme raconté par les musulmanes discriminées, sur l’interdiction du port du voile intégral. Une copie de la circulaire « du 2 mars 2011 relative à la loi du 11 octobre 2010 sur l’interdiction de dissimulation du visage » est ainsi visible à l’entrée du restaurant. Elles n'étaient coiffées que de simples foulards : ce règlement ne les concerne pas.

Les femmes discriminées ont déposé plainte contre le Memphis Coffee, apprend-on par le manager. Mais il reste confiant. « Il y a environ six mois, la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, ndlr) a déposé plainte pour les mêmes raisons mais le procureur nous a donné raison », indique Jean-Baptiste. Et il nous assure en parallèle que d’autres femmes voilées acceptent de retirer leur voile pour pouvoir entrer au Memphis Coffee.

Plainte contre le CCIF

Depuis la révélation de cette discrimination par le CCIF, les « menaces de mort et insultes » à l’encontre de l’établissement fusent - l'association ayant diffusé les coordonnées complètes de l'établissement sur son site - selon le manager, qui juge que l'ampleur prise par l’affaire sont « disproportionnées » alors qu'une discussion « à l’amiable » aurait pu régler le problème. Mais à la question de savoir si le Memphis Coffee envisage changer de politique, il déclare laisser cette décision à sa direction. Le gérant, qui n'était pas présent dans les locaux, n'a pas pu être contacté.

Face au flot d’insultes reçues, le restaurant nous a indiqué son intention de contre-attaquer en déposant plainte, mardi 19 novembre, contre le CCIF. Selon Jean-Baptiste, l’association a « lancé une propagande, et notamment des propos ambigus sur le fait que nous aurions sur notre porte une pancarte "Interdit aux chiens et aux femmes voilées" », qui était une image d'illustration du billet, et « incite à la haine de notre établissement alors que nous n'avons aucune haine contre qui que ce soit ». Le restaurant se défend de tout racisme, en donnant pour exemple les étrangers et musulmans employés au sein de l’établissement et le nombre important de clients d’origine étrangère accueillis...

Cet argument ne pèse pas lourd face à la réalité des discriminations subies par les musulmanes en France. Bien d'autres cas similaires ont été recensés en France. Une jeune femme voilée avait subi le même sort dans un restaurant à Martigues, début 2012.
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Message  sylvestre Mer 20 Nov - 13:58

Islamophobie : bad-buzz pour le Memphis Coffee de Marseille (La Valentine)
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Message  verié2 Mer 20 Nov - 14:25

sylvestre a écrit:Islamophobie : bad-buzz pour le Memphis Coffee de Marseille (La Valentine)
La page Google Plus du café a été envahie de commentaires sur l’affaire, musulmans ou non, tous sont indignés à l’exemple de Pascal, petit fils de déporté Juif
Ca ressemble en effet furieusement aux "Interdit aux Juifs"....

verié2

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