Forum des marxistes révolutionnaires
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Prostitution/Travail du sexe

+35
nestor
irving
iztok
bébair
Rougevert
Copas
stefane
nico37
Byrrh
Lascar Kapak
dug et klin
Eugene Duhring
Louis_Lingg
boutroul
Turritopsis Nutricula
gérard menvussa
BouffonVert72
Coyote
Zappa
verié2
Duzgun
Azadi
sleepy
Vals
Roseau
jacquouille
fée clochette
Ellie
chejuanito
alexi
yannalan
Vérosa_2
Gauvain
Toussaint
sylvestre
39 participants

Page 32 sur 40 Précédent  1 ... 17 ... 31, 32, 33 ... 36 ... 40  Suivant

Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  Toussaint Dim 8 Déc - 13:53


Marie-Victoire Louis
La porno est entrée dans les mœurs

date de rédaction : 17/01/2005



Ce texte ne peut être que difficile, voire impossible à lire. Je le comprends. J’aimerais simplement suggérer aux personnes qui ne pourront/voudront pas en supporter la lecture, qu’elles pensent peut-être un instant que des millions d’autres femmes - moins sensibles qu’elles ? - vivent dans leur chair tous les jours ce qui est écrit ici.


Ce texte a été rédigé à partir de notes prises pendant deux jours et demi - sans accès à aucun site payant, en tapant sur les rubriques : « sexe » et « pornographie » - sur les premiers sites pornographiques qui me sont tombés sous les yeux. Il s’agit donc d’une goutte d’eau - aléatoire - sur les milliers de sites pornos, accessibles, pour pas un sou, à n’importe qui est connecté.


Chaque ligne de ce texte est - de manière édulcorée - soit la retranscription, soit la description de ce que j’ai vu et lu sur ces sites : lorsqu’il s’agissait d’écrits, ils étaient toujours accompagnés de photos, extraites ou non de films ou de vidéos, représentant des femmes concrètes et des hommes concrets.


Il importe aussi de savoir que sur ces sites, les vidéos peuvent être proposées « par tonnes », les photos, « par milliers » ; les « filles », « par centaines » ou : « tous les jours renouvelées »2.


Au terme de ce travail, j’éprouve le besoin de clarifier pourquoi je l’ai écrit et ce que son écriture m’a apporté.


Ce texte trouve son origine et s’explique par plusieurs colères :


* La première fut provoquée par la lecture de l’article du Monde sus-cité, le 4 novembre 2004.


* La seconde le fut par la découverte de la loi du 18 mars 2003 « pour la Sécurité intérieure », qui modifie le droit pénal français et pose qu’il est désormais plus grave de violenter, violer, agresser une personne du fait de son ’orientation sexuelle’ que du fait de son ’sexe’ 3.


* La troisième, dans la suite de la précédente, trouve son expression dans le vote de la loi du 30 décembre 2004 « portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité », qui, dans son titre III, intitulé : « Renforcement de la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe » :

- fait du discours de violence et de haine un sous-produit de « discriminations »

- traite à équivalence « le sexe » et « l’orientation sexuelle »

- ne concerne que la « provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes » et non pas l’expression même de cette violence et de cette haine

- ne fait aucun lien entre la « provocation à la haine ou à la violence » et la mise en oeuvre de cette haine et de cette violence.


* Ces colères ont encore été renforcées par la lecture de deux articles du « dossier Prostitution » constitué par Afrik.com : « Les nouvelles formes de pornographie africaine » 4et « Lolita : Son calvaire commence à Benin City »5 .


Que m’a apporté l’écriture de ce texte ?


Grâce à elle, j’ai mieux compris deux choses :

- Que ce que je décrivais ici s’inscrivait et dans une pensée - car c’en est bien une - du monde et concomitamment le construisait.

- Que l’abandon - revendiqué comme un titre de gloire et une preuve de progressisme, notamment par une fraction importante de la ’gauche’, - de toute référence aux « principes », aux « valeurs », à la « morale »,à l’ « éthique » était aussi un impératif imposé par la défense des intérêts du système proxénète et de la pornographie.


Que les Etats, les proxénètes, les institutions internationales, la presse se taisent sur la gravité de la pornographie, ne la critiquent que concernant ses supposés « excès », ne la dénoncent que si elle concerne les enfants, ne l’analysent qu’en termes de « vice », de « perversion », d’« obscénité », de « déviation », d’« indécence », de « moeurs » et, dorénavant, la légitiment, sans état d’âme, est compréhensible : ils défendent leurs intérêts. Mais je ne comprends toujours pas comment et pourquoi tant d’hommes et des femmes se targuent de défendre, de vanter le bien- fondé de cette abjection.


Quoi qu’il en soit, le monde aujourd’hui, le monde de demain est aussi celui qui est, ici, vanté, vécu, mis en oeuvre : le monde de « la porno ».


Tant qu’il sera légitime, tant qu’il sera légal, aucune lutte contre les propos et les actes violents n’aura de sens. M.-V. L.






Dans la pornographie


Les femmes avalent, les hommes décident
Les femmes ont mal, les hommes attaquent
Les femmes obéissent, les hommes recrutent
Les femmes trinquent, les hommes culbutent
Les femmes subissent, les hommes s’amusent
Les femmes attendent, les hommes choisissent
Les femmes gémissent, les hommes ordonnent
Les femmes étouffent, les hommes transpercent


Les femmes sont des trous, les hommes sont sans pitié
Les femmes ont tout de la salope, les hommes, des méga-bites
« La porno est entrée dans les mœurs »


Dans la pornographie


Les femmes sont soumises, les hommes sont les chefs
Les femmes se font mettre, les hommes se font plaisir
Les femmes sont foutues, les hommes y vont en force
Les femmes sont culbutées, les hommes sont bien servis
Les femmes sont très gentilles, les hommes sont honorés
Les femmes éveillent le mâle, les hommes en redemandent
Les femmes sont disponibles, les hommes doivent les mater
Les femmes sont toujours prêtes, les hommes toujours en rut


Les femmes sont des putains, les hommes, des saligauds
Les femmes ont des têtes de connes, les hommes ont des queues d’ânes
« La porno est entrée dans les mœurs »


Dans la pornographie


Les femmes acceptent tout, les hommes ont toujours plus
Les femmes doivent plaire, les hommes doivent les baiser
Les femmes doivent se coucher, les hommes, les bombarder
Les femmes donnent ce qu’elles ont, les hommes, leur dard à sucer
Les femmes sont prêtes à tout, les hommes, toujours prêts à l’attaque
Les femmes ont un corps de rêve, les hommes sont là pour être servis
Les femmes obéissent au regard, les hommes réalisent leurs fantasmes
Les femmes sont affamées de sexe, les hommes le leur donnent à bouffer


Les femmes sont des bonasses, les hommes, des brutes épaisses
Les femmes ont des vagins d’enfer, les hommes, des engins monstrueux
« La porno est entrée dans les mœurs »


Dans la pornographie


Les femmes sont des expertes, les hommes les auditionnent
Les femmes ignorent leur sort, les hommes décident de leur usage
Les femmes doivent être utiles, les hommes sont là pour les dresser
Les femmes font ce qu’elles ont à faire, les hommes ont à en décider
Les femmes se plient aux exigences, les hommes n’en ont jamais assez
Les femmes sont là pour eux, les hommes commandent tout ce qu’ils veulent
Les femmes doivent se montrer très gentilles, les hommes vont devoir les punir
Les femmes prennent une giclée, les hommes les prennent comme un pack de bière


Les femmes sont très dociles, les hommes, des pervers graves
Les femmes ont des grosses miches, les hommes, des matraques toujours dressées
« La porno est entrée dans les mœurs »


Dans la pornographie


Les femmes sont en manque, les hommes remplissent les trous
Les femmes vident les couilles, les hommes forcent les passages
Les femmes sont des garages à foutre, les hommes leur marchent dessus
Les femmes ont droit à être giflées, les hommes ne doivent rien à personne
Les femmes sont mises à quatre pattes, les hommes savent admirer le spectacle
Les femmes avalent ce qu’on leur donne, les hommes les souillent après usage
Les femmes sont traitées comme des bêtes, les hommes se font livrer des putes
Les femmes sentent le sexe, les hommes sentent tout de suite qu’elles aiment ça


Les femmes sont des fourre-tout, les hommes, des machines à baiser
Les femmes ont des langues de putes, les hommes, des gueules de vicieux
« La porno est entrée dans les mœurs »


Dans la pornographie


Les femmes se taisent, les hommes admirent leur harem
Les femmes ne discutent pas, les hommes hurlent pour être entendus
Les femmes pompent, avalent, en silence ; les hommes éjaculent sur elles
Les femmes n’ont rien à dire, les hommes n’ont qu’une parole : ’la ferme’
Les femmes sont des grandes filles, les hommes n’ont pas de compte à rendre
Les femmes lèchent sans broncher, les hommes aiment leur cracher à la gueule
Les femmes ne veulent pas se laisser faire, les hommes n’en ont vraiment rien à foutre
Les femmes ont des paroles de soumises, les hommes les traitent comme leurs esclaves


Les femmes sont des pouffiasses, les hommes, de vrais malades
Les femmes ont des têtes à claques, les hommes, du jus à revendre
« La porno est entrée dans les mœurs »


Dans la pornographie


Les femmes font tout pour du fric, les hommes n’ont peur de rien
Les femmes font des pipes à la chaîne, les hommes, collection d’anus éclatés
Les femmes sont fouillées à fond, les hommes se les échangent après services
Les femmes doivent sucer des pieux, les hommes leur enfoncent leurs engins
Les femmes sont des accros du sexe, les hommes toujours aptes à les satisfaire
Les femmes doivent être calmées après emploi, les hommes, les inonder de foutre
Les femmes avalent les sexes les plus gros, les hommes doivent leur boucher le nez
Les femmes sont prêtes à être défoncées, les hommes enfournent tout ce qu’ils trouvent


Les femmes sont des sales garces, les hommes, des gros cochons
Les femmes ont des gorges profondes, les hommes ont des marteaux piqueurs
« La porno est entrée dans les mœurs »


Dans la pornographie


Les femmes aiment la défonce, les hommes aiment leur faire mal
Les femmes se délectent de sperme, les hommes, de les voir avilies
Les femmes sont fières d’être déchirées, les hommes, de leur cheptel
Les femmes adorent être enfermées, les hommes, jouer les bourreaux
Les femmes séduisent tous les mecs, les hommes méprisent toutes les femmes
Les femmes aiment la brutalité, les hommes font tout ce qui leur passe par la tête
Les femmes raffolent des grosses bites, les hommes savent comment les contenter
Les femmes sont ravies qu’on leur crache dessus, les hommes satisfaits d’eux-mêmes


Les femmes sont des chiennes en chaleur, les hommes, des singes en rut
Les femmes ont des orifices, les hommes ont des fantasmes
« La porno est entrée dans les mœurs »


Dans la pornographie


Les femmes sont ravagées, les hommes rentrent partout
Les femmes bouffent de la merde, les hommes leur pissent dessus
Les femmes sont attachées, les hommes, libres de leurs mouvements
Les femmes sont torturées à sec, les hommes en terminent avec elles
Les femmes sont sans défense, les hommes n’en font qu’une bouchée
Les femmes découvrent leur douleur, les hommes font leur apprentissage
Les femmes ont des culs trop serrés, les hommes, des bâtons trop gros pour elles
Les femmes se tordent dans tous les sens, les hommes apprennent à serrer les liens


Les femmes sont des lécheuses d’anus, les hommes, des bouffeurs de cons
Les femmes ont des boules dans la gueule, les hommes, des instruments de tortures
« La porno est entrée dans les mœurs »


Dans la pornographie


Les femmes sont brûlées à la cire, les hommes les marquent au fer
Les femmes sont évanouies, les hommes continuent leurs ravages
Les femmes sont crucifiées, les hommes ont des désirs de meurtres
Les femmes hurlent de peur, les hommes se délectent de leur jouissance
Les femmes se tordent de douleur, les hommes savent bien les emballer
Les femmes ont les seins transpercés, les hommes enfoncent les aiguilles
Les femmes crient comme des folles, les hommes disent : ’on voit qu’elles aiment ça’
Les femmes sont des bombes, les hommes leur mettent des grenades dans leur vagin


Les femmes sont des déchets, les hommes, des psychopathes
Les femmes sont du sexe, les hommes sont le sexe
« La porno est entrée dans les mœurs »






Dans la pornographie


Les hommes ne perdent pas de temps en préliminaires, bousculent les femmes, histoire de les décider, les prennent, les agrippent, leur tirent les cheveux, les giflent, les frappent, les violent.


Les hommes baratinent, bâillonnent, n’entendent pas, ne répondent pas aux femmes, n’en ont rien à foutre de ce qu’elles pensent, disent, manifestent ou expriment.


Les hommes passent leur temps à leur mettre, leur enfoncer des sexes, des gods, toujours géants, monstrueux, dans tous les trous, toujours plus loin, toujours plus fort ; ils passent en force, martèlent, culbutent les femmes, rentrent partout où ils le peuvent, leur doigt, leur main dans le vagin, dans l’anus, à un, à deux et plus. Plus c’est violent, meilleur c’est.


Les hommes prennent, testent, inspectent, matent, vérifient, enfoncent, plantent, perforent, dilatent les femmes, seuls ou à plusieurs, ensemble, ou à tour de rôle. Plus ils sont nombreux à pénétrer une femme, plus celle-ci est satisfaite.


Les femmes sont clouées au sol, retenues par des chaînes, ont des harnais dans la bouche, sont coiffées de masques à gaz, ont des poids au bout des seins, des lèvres de leur sexe, sont flagellées, subissent toutes les ignominies.


Les femmes poussent des cris déchirants, crient, hurlent, gémissent de terreur, de douleur ou de plaisir, « Peu importe », là n’est pas le problème :« Elles adorent ça, les salopes », « C’est bon pour elles ».


Dans la pornographie


Les hommes attaquent, attachent, bombardent, défoncent, démolissent, détruisent, dressent, éclatent, endommagent, étouffent, explosent, humilient, noient, transpercent, ravagent, souillent les femmes. Jusqu’à ce qu’elles n’en puissent plus. Jusqu’à ce qu’elles soient finies.


Dans la pornographie


Les femmes sont achevées, détruites, massacrées, torturées, assassinées. Les hommes achèvent, détruisent, massacrent, torturent, assassinent les femmes.


Les hommes font faire par d’autres femmes ce qu’ils ne peuvent, ne veulent, n’osent pas faire eux-mêmes.


Dans la pornographie, l’amour, la bonté, la compassion, la culture, l’empathie, la grandeur, la pitié, la pudeur, le respect, la sensibilité, le sentiment, la tendresse, le scrupule n’existent pas.


Il n’y a ni conscience, ni esprit, ni libération, ni loi, ni morale, ni pensée, ni raison.


La pornographie, c’est la barbarie, la bestialité, la brutalité, la cruauté, la force, la grossièreté, la lâcheté, le mépris, la peur, le sadisme, la torture, la violence, la veulerie.


C’est l’expression, le sentiment, la jouissance, la réalité, la mise en œuvre du pouvoir. À la portée de tous. Ouvert aux femmes. Démocratisé.


Dans la pornographie, tout est permis.


La pornographie, c’est le droit du plus fort, c’est la domination du pénis fait arme, c’est la haine, c’est la guerre, c’est la mort 6.
Mises sur le marché.
« Entrées dans les mœurs ».

Retour en haut de page

Notes de bas de page



1 Cette phrase est le titre d’un article du "Monde" du 4 novembre 2004. Il est inséré dans la page Médias consacrée aux vingt ans de Canal Plus. Présenté sans guillemets ni sous titre, il confère à cette affirmation - reprise d’une citation de Brigitte Lahaie, « ex-star du porno, animatrice sur RMC-Info » reproduite dans le texte lui même - un statut de tranquille évidence.

2 Je me suis exclusivement centrée ici sur les relations entre hommes et femmes. Je n’ai donc traité dans ce texte ni de la pornographie homosexuelle, ni de celle concernant les enfants - sachant que la frontière entre la porno dite adulte et celle qui concerne les enfants est quasi impossible à établir - ni du racisme constitutif de la porno.


3 Cf. Marilyn Baldeck, Catherine Le Magueresse, Marie-Victoire Louis, « Le projet de loi du gouvernement Raffarin ’relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste et homophobe’ est indéfendable » sur les sites de l’AVFT, des Pénelopes, de Sisyphe, de Marie-Victoire Louis.

4 Texte de Arnold Sènou.

5 Propos recueillis par Amely-James Koh Bela, auteure de « La prostitution africaine en Occident ».


6 La première page d’un des sites montre trois photos de jeunes filles, l’une a un revolver dans la bouche, l’autre, un sur la nuque, la troisième en a un sur la tempe, et ce, accompagné de photos de viols et de jeunes filles terrorisées, en pleurs.
Toussaint
Toussaint

Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  verié2 Dim 8 Déc - 13:53

Achille
Des organisations mènent ce combat il faut les soutenir et convaincre, si il n'est pas trop tard, le npa de le rejoindre.
Et si tu commençais par convaincre ton propre parti, le Front de Gauche, de lutter de façon conséquente contre le capitalisme, pour les droits des femmes et en particulier des femmes travailleuses, au lieu de remuer du vent et de s'enfoncer dans les combines électoralistes ?

verié2

Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  Toussaint Dim 8 Déc - 13:56


mardi 17 avril 2012

Le véritable danger du proxénétisme tient à la légitimité qu’il a acquise

par Rebecca Mott, survivante et écrivaine



Je suis une écrivaine britannique, survivante d’abus sexuels dans l’enfance et de la prostitution. Une partie de la maltraitance que m’a infligée mon beau-père durant mon enfance a été la violence psychologique de me faire regarder de la pornographie hyperviolente. Combinées à la violence sexuelle qu’il m’infligeait, ces images me faisaient ressentir que je n’avais d’autre valeur que celle de servir d’objet sexuel à un homme et que le sexe était toujours associé à la violence et à la douleur. À 14 ans, je suis tombée dans la prostitution et elle était extrêmement sadique. Je ne m’en suis pas détournée pas car j’éprouvais trop de haine de moi-même pour y reconnaître de la violence et du viol - j’avais l’impression que c’était tout ce que je méritais. J’ai fait de la prostitution entre l’âge de 14 ans à 27 ans et, la majorité du temps, les hommes qui m’achetaient tenaient à m’infliger des rapports sexuels très sadiques. Je me suis habituée à des viols collectifs, du sexe oral et anal violent, et au fait de devoir jouer des scènes de porno dure - cela devint mon existence. J’ai failli être tuée à plusieurs reprises, et fait beaucoup de tentatives de suicide, mais j’ai survécu. Quand j’ai réussi à quitter le milieu, j’ai effacé durant 10 ans la plupart de mes expériences. Ce n’est qu’après avoir dépassé le souvenir des violences de mon beau-père que j’ai trouvé l’espace mental pour me souvenir. Se souvenir de la prostitution est terrible, et je souffre d’un lourd syndrome de stress post-traumatique (SSPT). J’ai créé mon blog pour explorer mon SSPT à titre de survivante à la prostitution, pour réclamer l’abolition du commerce du sexe et pour faire état des conditions terribles de la prostitution vécue à l’intérieur. J’essaie d’écrire de la prose poétique, mais je crois que mon travail est de nature politique.


Je me rends compte que rédiger ce blogue me fait peur.

Je me rends compte que le processus d’écrire amène mon organisme à se remémorer tous les actes de torture que les prostitueurs y ont inscrits.

Je me rends compte que je suis malade, alors que mon organisme ne présente aucun problème.

J’ai lu que la féministe Andrea Dworkin savait que l’écriture qui rend compte de la vérité est l’expérience la plus douloureuse que peut s’infliger une femme.

Je sais aussi, dans chaque cellule de mon corps, que de ne pas écrire me renverrait à l’expérience morbide d’avoir été prostituée.

Écrire pour rendre compte de la vérité n’est pas seulement mon travail, c’est une mission pour moi.

Je trouve sur Internet des chansons de Dusty Springfield – une musique que je connais par cœur – et je trouve l’énergie de parler du blocage de mes vérités.

Je le fais avec gratitude et émerveillement pour la fidélité et la générosité de toutes celles et ceux qui lisent ce blogue. Vous êtes trop nombreuses et nombreux pour que je puisse vous nommer, mais sachez que je vous porte dans mon cœur alors même que je vis autant de peur, de douleur et de chagrin.

Les attaques du lobby pro-prostitution

J’ai été renversée par le caractère insensible et implacable des attaques venues du lobby pro-prostitution.

Oui, j’en sortirai plus forte et je vais montrer qui sont réellement ces personnes.

Je dirai haut et fort – et d’une voix claire – que les personnes qui attaquent les survivantes du commerce du sexe sont des proxénètes, des prostitueurs et tous ceux et celles qui bénéficient du statu quo de l’industrie du sexe.

Arrêtez de penser qu’il s’agit simplement de « trolls » du Web, de simples individus qui s’ennuient – regardez clairement comment sont attaquées les femmes sorties de l’industrie.

Quand nous osons prendre la parole à plusieurs, si nous donnons même l’apparence d’avoir certains liens entre nous, le lobby du commerce du sexe s’abat sur nous comme une tonne de briques.

Regardez comment leurs arguments et leurs points de vue sont toujours les mêmes, comme si elles n’étaient que quelques personnes à les écrire, ou comme si elles s’en tenaient à un scénario pré-planifié.

Voyez comment leur lobbying est implacable, comme s’il était financé par, oh ! disons le commerce du sexe avec ses masses d’argent comptant, comme si ce commerce avait de quoi payer des gens pour repérer sur Internet tout ce que peuvent dire des femmes sorties de leurs filets, si légers que soient leurs propos.

Regardez comment leur langage est toujours cruel et insensible, comme si leurs propos pouvaient avoir été écrits par des proxénètes ou des prostitueurs.

Puis, dites-moi après un tel examen qu’il ne s’agit pas d’une attaque pré-planifiée, visant à faire taire l’ensemble des femmes ayant échappé au milieu.

Dites-moi que vous ne seriez pas effrayée ou ébranlée si vous étiez dans la peau d’une femme sortie de l’industrie.

Rappelez-vous que pour nous, il ne s’agit pas seulement de mots sur un écran.

Nous avons été frappées dans des chambres, dans la rue… des prostitueurs nous ont attaquées verbalement jusqu’à nous rendre incapables d’entendre leurs paroles plus longtemps.

Nous savons que lorsque les prostitueurs nous infligent de la violence affective, ils sont prêts à aller jusqu’à nous violer et à nous battre, ils peuvent impunément nous laisser à demi-mortes s’ils en ont envie.

Nous ne pouvons pas toujours rire des propos de ces prostitueurs parce que nos corps et nos esprits ont connu leur haine et leur violence.

Qui sont les proxénètes ?

Nous savons qui sont les proxénètes et ce qu’ils font.

Ils et elles peuvent bien emprunter l’étiquette qui leur convient : hommes d’affaires, gestionnaires d’escortes indépendantes, pourvoyeuses de sexe tantrique, chauffeurs, gardes du corps, amis des travailleuses du sexe, tenancières, ou toute autre appellation pour cacher le mot de « proxénète ».

Mais nous reconnaissons les proxénètes à leurs paroles, à leur manque de compassion, à leur désir de contrôler et de toujours avoir le dernier mot, à leur désir de semer la confusion chez nous et chez les personnes qui nous croient.

Nous savons que les proxénètes sont furieux face à toutes les femmes sorties du milieu : ils ne tolèrent pas notre initiative de dévoiler leur haine et leur violence, de montrer leur manipulation des faits et leurs mensonges.

Nous avons toutes les raisons de craindre les proxénètes sous toutes leurs formes – nous allons les combattre, mais un réel soutien nous serait bien utile.

Nous avons besoin que des femmes qui n’ont pas été prostituées, mais qui soutiennent l’abolition, comprennent qui sont les proxénètes et quelle est leur pratique.

Il ne s’agit pas des quelques hommes que l’on peut voir dans les rues avec leurs “filles”, affichant des costumes des années 1970, même si certains d’entre eux peuvent être des proxénètes.

Ce ne sont pas les clichés de bande dessinée repris dans certaines vidéos de musique pop, même si certains d’entre eux peuvent en être.

Non, le véritable danger du proxénétisme tient à sa faculté à se rendre invisible et à la légitimité qu’il a acquise.

Bon nombre d’entre eux sont des hommes d’affaires bien mis, installés derrière des bureaux et qui accumulent avec détachement l’argent issu de la destruction de femmes et de filles prostituées. Ces souteneurs ne se salissent pas les mains, ils veulent être considérés comme des gens d’affaires ordinaires, plus moraux qu’un banquier, par exemple.

Des femmes proxénètes

Les proxénètes peuvent également être des femmes qui vont jouer sur la culpabilité ou la confusion de la gauche et de certaines féministes en disant qu’elles ne sont qu’une escorte, en se présentant comme une “happy hooker”, une simple prostituée ordinaire.

Mais regardez-y de plus près et vous constaterez qu’elles gèrent peut-être un bordel ou contrôlent une entreprise d’escortes – ces femmes font partie de la classe des gestionnaires. Ce sont des proxénètes.

Parce qu’elles parlent la langue du proxénète.

Elles parlent aux femmes échappées de l’industrie comme s’il s’agissait de biens qui doivent être contrôlés.

Elles tentent de semer la confusion dans nos esprits, en disant que nous devons être dérangées ou malades mentales. Elles prétendent que nous avons simplement été malchanceuses et rejettent comme mensonges toutes nos paroles.

Fouillez un peu leur discours et vous découvrirez à quel point elles se contredisent rapidement.

Par exemple, ces personnes disent à quel point travailler pour elles serait sécuritaire, elles disent du bien des prostitueurs et minimisent l’importance du mieux-être des personnes prostituées. Elles diffusent de la camelote ésotérique sur la prostitution, comme activités de déesses et autres âneries pseudo-spirituelles, elles présentent sans la moindre preuve le passé sous un jour romantique et elles reviennent sans cesse au mythe de la “happy hooker”.

Fouillez un peu et vous découvrirez que leur cœur est fait de glace.

Elles et ils rejettent complètement les femmes sorties du milieu, les qualifiant de folles, de vicieuses, de menteuses, et les disant pleines de haine à l’égard des véritables prostituées.

Si vous choisissez de croire ces proxénètes, vous trahissez profondément l’ensemble des personnes prostituées.

C’est dans ces moments-là qu’il me devient si difficile d’écrire. Je me heurte à un bloc, le bloc du désespoir à voir encore une fois la classe prostituée abandonnée, et nous à nouveau forcées de lutter seules pour nos droits humains fondamentaux.

Je sais bien sûr – et j’en suis fière – que quelques femmes et hommes non prostitué-es comprennent la situation et se battent à nos côtés pour une vraie justice et pour l’abolition.

Réagir à la propagande haineuse du lobby de la prostitution

Mais nombreux sont ceux qui semblent comprendre, mais qui font très peu en pratique pour aider les personnes prostituées à résister à la propagande haineuse que diffuse constamment le lobby de la prostitution.

Ce discours de l’industrie s’affiche partout sur Facebook, ainsi que dans les commentaires apposés aux blogues de femmes sorties du milieu ; il est partout où ces femmes osent rendre compte de la vérité.

Contestez-vous ce discours haineux comme vous le feriez pour des commentaires racistes ou anti-gay, ou face à tout autre commentaire célébrant la violence à l’égard des femmes et des filles ? Ou est-ce que vous les laissez simplement passer, parce que vous avez décidé que les personnes prostituées ne sont pas blessées ou brisées par pareille haine, parce que nous sommes trop sous-humaines à vos yeux pour avoir des émotions humaines ordinaires ?

Me trouvez-vous trop sévère ? Eh bien, il se peut que, d’avoir aussi longtemps attendu que la gauche et la majorité du féminisme reconnaissent réellement qu’il s’agit là d’un discours de haine et d’attaques organisées par l’industrie du sexe, m’ait amenée à cesser d’être toujours gentille envers celles et ceux qui ne font rien d’autre que me dire « Oh que ce doit être pénible pour vous… ».

J’en deviens malade de toujours demeurer gentille, alors que mes sœurs et mes compagnes bien-aimées se font lentement réduire en poussière.

Le moins que vous puissiez faire est de remettre en cause le langage des proxénètes et des prostitueurs quand vous le croisez, que ce soit dans l’ordinateur que vous utilisez, dans les médias que vous consommez, dans les divertissements que vous achetez, ou dans la bouche des personnes dont vous pensiez que c’étaient vos proches.

Oui, c’est un processus pénible et il va déclencher beaucoup d’émotions en vous.

Mais vous n’êtes pas la personne à qui un proxénète ou un prostitueur va nier son humanité. Vous n’avez pas été violée, battue et forcée de vivre en présence de la mort comme l’a été une femme qui s’est arrachée à la prostitution.

Je vous en conjure, si vous croyez vraiment à l’abolition, tenez tête au lobby de l’industrie du sexe et à sa propagande haineuse.

Cela contribue à lever mon blocage.

- Version originale : « Why I Am Finding I Have Hit A Block »

Traduction : Martin Dufresne
Toussaint
Toussaint

Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  Toussaint Dim 8 Déc - 13:58

jeudi 17 novembre 2011

Pornographie – La toile blanche

par Rebecca Mott, survivante et écrivaine



La violence que la pornographie inflige à des femmes et des jeunes filles réelles n’a rien de nouveau.

Il serait facile de croire que ce n’est que depuis l’invention de la caméra que des femmes et des jeunes filles réelles sont violentées dans la pornographie. Il serait facile de croire que la violence pornographique extrême n’existe que depuis l’invention du cinéma et d’Internet.

Ce n’est pas vrai : la violence infligée à des femmes et à des filles réelles par la porno est aussi ancienne que le premier dessin ou texte dépeignant la violence sexuelle sadique faite aux femmes et aux jeunes filles.

Ce n’est pas une nouvelle forme de violence ; c’est simplement que la violence de la pornographie a été et demeure principalement infligée à la classe prostituée, c’est-à-dire tenue à l’abri des regards.

Pour la classe prostituée, la porno ne consiste pas en idées ou en fantasmes mais en objets enfoncés de force en elles.

La porno est perçue comme inoffensive longtemps après la mort de toutes les femmes et jeunes filles qu’elle dépeint comme des prostituées.

Leurs voix sont réduites au silence, leurs souvenirs personnels sont éliminés.

Quand nous traitons la pornographie comme de l’art « haut de gamme » ou des artefacts historiques, ces femmes et ces jeunes filles prostituées deviennent des fantômes hurlants.

Regardez l’accumulation incessante de livres et de reportages photo sur les bordels romains. Voyez les scènes de violence sexuelle peintes sur les murs. Cela doit être de l’art, ça ne peut être réel…

Regardez les photos glamour de courtisanes de grande classe dans l’art occidental – on n’y trouve aucune suggestion qu’il s’agit de femmes jetables, désirées seulement le temps qu’elles peuvent être un objet sexuel.

Lisez les romans masculins qui présentent interminablement la vie de prostituée comme une affirmation de la vie et qui inventent le mythe de la « happy hooker ».

L’art cache la violence, l’art cache le désespoir total, l’art ment à propos de la classe prostituée.

Mais beaucoup d’œuvres d’art reconnaissent avec une clarté brutale que la classe des « putains » est ramenée à rien d’autre que des trous destinés aux fantasmes porno des hommes.

L’art grec et romain dépeignait constamment des images de ce qu’on appelle aujourd’hui la porno hardcore ou gonzo.

La double pénétration, la fellation profonde, l’enculage au poing, etc. ne sont pas des pratiques nouvelles ; elles n’ont jamais été nouvelles.

La porno est répétitive et, quand on est celle qui la reçoit, la porno est très lassante à cause de sa répétition.

Il n’existe qu’une quantité limitée de choses que l’on peut faire au corps d’une femme, et la porno a sans doute atteint cette limite il y a des siècles.

La seule chose qui change est ce qui est enfoncé dans le corps et la technologie utilisée pour produire la porno et l’envoyer aux consommateurs.

Mais la violence intrinsèque à la porno a toujours été extrême et a toujours menacé la vie des femmes et des jeunes filles maintenues à l’intérieur de la classe prostituée.

La porno a toujours empli de violence les corps et les esprits de la classe prostituée, parce que c’est la façon de prouver que ce ne sont pas de « vraies » femmes, parce que c’est leur « métier » d’éponger toute cette haine et cette violence.

La porno a toujours été violente à l’égard de la classe prostituée et elle a été banalisée parce que la plupart des cultures et des sociétés disent qu’il est naturel pour les hommes d’avoir des fantasmes porno, qu’il est naturel de prendre ensuite ce fantasme et d’en empoisonner la classe prostituée.

Qu’importe après tout, il s’agit simplement de femmes et de jeunes filles jetables.

Eh bien, si vous croyez ces excuses insensées et destructrices pour les femmes, vous devriez imaginer ce que c’est que d’être cette prostituée, à n’importe quelle époque et dans n’importe quel lieu.

Soyez cette femme, puisque ce que voit le prostitueur n’est pas vous mais une série d’orifices où se soulager des contenus pornographiques qu’il a gravés dans le cerveau.

Dites-moi que vous ne ressentez pas de frayeur, que vous ne ressentez pas de dégoût, et dites-moi que vous ne mourrez pas intérieurement.

Depuis qu’elle existe, la porno enseigne aux hommes qui l’achètent que la classe prostituée ne ressent pas de douleur, pas de véritable terreur, qu’elle aime les « jeux » de vie et de mort, qu’elle adore le sexe sadique, qu’elle adore la violence psychologique, et qu’il n’y a pas de racisme dans ce qu’elle vit.

La porno fait disparaître toute la haine, parce que la classe prostituée n’en a aucun souci, n’est-ce pas ?

Alors, soyez la prostituée qui est très probablement la cible de ce sexe alimenté par la porno.

Vous allez sourire et simuler le bonheur, vous allez flatter son ego, vous allez pousser tous les gémissements porno dont vous arriverez à vous souvenir… tout en cherchant constamment à vous rappeler comment rester en vie.

C’est la norme de la porno actualisée dans le corps de femmes et de jeunes filles véritables, mais rendue invisible parce qu’il s’agit « seulement » de femmes et de filles prostituées.

J’écris cela non seulement pour aujourd’hui, non seulement à cause de ma douleur et de mon chagrin personnels. Je l’écris pour les millions de femmes et de jeunes filles prostituées au fil des siècles, dans la plupart des pays, des femmes et des filles qui ont été réduites au rang de marchandises pornographiques.

J’écris pour dire que toutes ces femmes et ces filles ont vécu à l’intérieur de la torture, ont vécu une vie où l’espoir a été volé.

L’histoire humaine est entachée par le cri silencieux de leur destruction. La pornographie a assassiné leur avenir.

- Version originale : « Blank Canvass ».

Traduction : Martin Dufresne
Toussaint
Toussaint

Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  Toussaint Dim 8 Déc - 14:18

Je n'ai pas trouvé de texte signés de Lénine, ni de Trotsky, qui permettraient de répondre à cette question.
La Révolution Trahie

Les mêmes entrefilets occasionnels des journaux, joints à la chronique judiciaire, apprennent au lecteur que la prostitution, dernière dégradation de la femme au profit de l'homme capable de payer, sévit en U.R.S.S. L'automne dernier, les Izvestia publièrent tout à coup que "près de mille femmes se livrant dans les rues de Moscou au commerce secret de leur chair" venaient d'être arrêtées. Parmi elles: cent soixante-dix-sept ouvrières, quatre-vingt douze employées, cinq étudiantes, etc. Qu'est-ce qui les avait jetées sur le trottoir? L'insuffisance du salaire, le besoin, la nécessité "de se procurer quelque supplément pour s'acheter des chaussures, une robe". Nous avons vainement essayé de connaître, ne fût-ce qu'approximativement, les proportions de ce mal social. La pudique bureaucratie soviétique prescrit le silence à la statistique. Mais ce silence contraint suffit à attester que la "classe" des prostituées soviétiques est nombreuse. Et il ne peut pas être question ici d'une survivance du passé puisque les prostituées se recrutent parmi les jeunes femmes. Personne ne songera à faire particulièrement grief au régime soviétique de cette plaie aussi vieille que la civilisation. Mais il est impardonnable de parler du triomphe du socialisme tant que subsiste la prostitution.
Les journaux affirment, dans la mesure où il leur est permis de toucher à ce sujet délicat, que la prostitution est en décroissance; il est possible que ce soit vrai en comparaison avec les années de famine et de désorganisation (1931-33). Mais le retour aux relations fondées sur l'argent entraîne inévitablement une nouvelle augmentation de la prostitution et de l'enfance abandonnée. Où il y a des privilégiés, il y à aussi des parias!

La prostitution n'est humiliante et pénible que dans les bas-fonds de la société soviétique; aux sommets de cette société, où le pouvoir s'unit au confort, elle revêt la forme élégante de menus services réciproques et même l'aspect de la "famille socialiste". Sosnovski nous a déjà fait connaître l'importance du facteur "auto-harem" dans la dégénérescence des dirigeants.

Le socialisme, s'il mérite son nom, signifie entre les hommes des rapports désintéressés, une amitié sans envie ni intrigue, l'amour sans calcul avilissant.

Les nouveaux groupements sociaux se subordonnent automatiquement le domaine des rapports personnels. Les vices engendrés par le pouvoir et l'argent autour des relations sexuelles fleurissent dans la bureaucratie soviétique comme si elle se donnait pour but à cet égard de rattraper la bourgeoisie d'Occident.

Les "vices"... Very Happy Boufre! Quel moraliste petit-bourgeois... Very Happy 
Toussaint
Toussaint

Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  Toussaint Dim 8 Déc - 14:40

Toujours bien dans mon style de lélanger un peu tout, Very Happy , une dernière citation de Rebecca Mott. Je ne connaissais pas cette auteure, ses textes sont assez récents... et contrairement à beaucoup d'hommes ici, elle sait ce dont elle parle d'expérience. Et elle n'est pas une cliente de la prostitution, ni de la pornographie, ni leur avocate. Comme Andrea Dworkin, elle est une survivante. Quant au traducteur, Martin Dufresne, il déclare publiquement avoir été client de la pornographie et (je crois, cette fois, mais n'en suis pas certain), de la prostitution. C'est un militant pro-féministe (hélas, il n'a pas le culot de se dire féministe, lui, et encore moins de mépriser les féministes dans le même temps...)

Quant à faire de la Fourest le modèle des féministes abolitionnistes, il fallait oser, vérié l'a fait, illustrant bien le thème "calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose", comme pour le Nid... Il me semblait avoir cité des assos précises, des coalitions regroupant parfois presque la totalité des organisations syndicales, des féministes comme MV Louis, Christine Delphy (pas très Fourest, la Christine Very Happy ), des textes cosignés par Maya Surduts, mais voilà qu'on parle sans précision pour s'opposer à elles de "comtesses" et "dames patronnesses", ce qui est particulièrement risible concernant MV Louis, et en prétendant s'appuyer sur Lénine, qui, désolé, n'était pas du tout féministe politiquement, et ses textes avec Kollontaï le démontrent amplement. Lénine, n'en déplaise aux embaumeurs, et Trotsky, étaient aussi des hommes de leur temps. Et l'anachronisme n'est pas ma tasse de thé. Qu'ils aient eu par ailleurs des posititons remarquables, etc... qui en doute? que la Révolution d'Octobre ait fait avancer la condition féminine, qui en doute? Ce sont là des diversions, des hors sujet pour camoufler la défense des clients explicite de nestor, qui parle et pense comme un clientet celle de vérié tout à ses campagnes de ragots et de calomnies anti-féministes et pro-lobby proxénète.

Allez, un petit texte simplificateur pour les vérié et moralisateur poour le client nestor. Simplificateur, mélangeant tout, excessif, violent, déconsidérant pour son auteure et moi, et Dufresne évidemment...
Comment elle dit? Soyez maudits? Ttttt, encore une chrétienne, donc nestor va sauter de joie et nous opposer sa morale d'athée. Bon, je suis Toussaint, après tout, et je m'associe pleinement: soyez maudits en effet. Very Happy 

lundi 20 juin 2011

La porno m’a façonnée

par Rebecca Mott, survivante et écrivaine  

Je vais écrire à partir de mes tripes, de mon état de tumulte, je vais écrire la façon dont le porno est en moi, même alors que je passe ma vie à tenter de chasser tout le poison que la pornographie m’a forcée à assimiler.

Je dis qu’elle m’a imposé des balises : je le dis parce que si mon corps était étendu, chaque centimètre carré de mon être fourmillerait d’une pornographie qui me répugne.

La porno m’a façonnée, la porno m’a dépouillée de mon identité, la porno m’a déchirée, la pornographie est un endroit dont je me suis échappée de peine et de misère. Et aujourd’hui où je suis dans le monde extérieur à la porno, partout, je vois celle-ci célébrée, normalisée, j’entends partout qu’elle est amusante et ne cause de dommage à personne.

Je suis la preuve vivante de ce dommage, moi et des milliers d’autres femmes qui avons eu la chance de nous en sortir, et qui avons la force de parler.

Oui, nous en parlons, mais le vacarme des supporters de la porno enterre nos voix.


Nous parlons fort et d’une voix claire et cohérente, mais l’industrie du sexe et ses partisans font un véritable ouragan de leur propagande voulant que la porno soit amusante, sécuritaire, payante, librement choisie et contrôlée par les femmes, et cet ouragan balaie et disperse nos paroles.

Mais même si l’on nous censure constamment, nous ne nous tairons pas.

Nous ne pouvons pas être en repos, sachant que chaque minute de chaque jour un consommateur quelque part regarde des tortures sexuelles véritables, des blessures et de la douleur véritables, des viols véritables, des raclées véritables et de véritables « jeux » qui laissent des femmes entre la vie et la mort.

Nous ne pouvons pas être en repos quand notre corps hurle qu’il ne s’agit pas d’un fantasme ou d’actrices qui jouent, que ces femmes ne sont pas en plastique, mais qu’il s’agit de regarder une femme être brutalisée sexuellement comme divertissement ou pour se payer un orgasme.

Chaque fois qu’un consommateur a recours à de la porno ordinaire, il ou elle fait partie d’un marché qui tire d’énormes profits de la torture sexuelle. Même si ce matériel vous semble non violent, il fait habituellement partie d’une industrie qui détruit des femmes quotidiennement.

Je n’en peux plus d’entendre des adultes me servir des excuses pour la consommation de porno – aucun-e d’entre vous n’a le courage de dire la vérité : que vous vous en foutez parce que vous en faites des fantasmes et vous imaginez que ces femmes ne sont pas réelles, alors, hop ! presto, il n’y a aucun dommage.

Eh bien, je connais une foule de témoignages, d’essais, de poèmes, de discours et d’autres comptes rendus écrits par des femmes courageuses qui sont sorties du monde de la porno et qui vous apprendraient que ce n’était pas du fantasme pour elles.

Mais leurs voix ont été réduites au silence et rendues presque invisibles.


Ce que je vais écrire au sujet de mon expérience, je ne l’écris qu’à cause de son caractère commun aux survivantes. J’écris à nouveau ce qu’ont dit d’autres femmes sorties du milieu, j’écris dans l’espoir qu’à un moment donné, nos voix seront découvertes et placées à l’avant-plan chaque fois que l’on discutera de la porno.

Et non seulement traitées comme un post-scriptum.

On m’a montré de la porno dure alors que j’étais encore très jeune.

Le fait d’être placée dans un environnement pornographique, alors que j’étais trop jeune pour raisonner ou pour la resituer dans un contexte adulte, m’a fait voir la porno pour ce qu’elle est réellement, et non ce qu’elle prétend être.

J’ai vu que ce n’était pas du jeu, même s’il y avait mise en scène. J’ai vu de réelles douleurs, j’ai vu de la peur réelle, j’ai vu des blessures réelles, mais ce que j’ai vu de pire étaient des regards vraiment éteints.

J’ai vu, mais je n’avais peut-être pas les mots pour le dire, que c’étaient surtout des femmes et des enfants traités comme des déchets, surtout des femmes et des enfants endommagés par des objets, par des bouches, des poings et des pénis enfoncés dans tous les orifices de leur corps ; j’ai surtout vu des femmes et des enfants que l’on faisait poser de façon à simuler la joie, alors que je voyais et savais qu’elles et ils étaient en enfer.

Une enfant voit clairement, mais n’a pas le pouvoir de parler ; elle ne peut que voir cette horreur, et savoir qu’elle en sera la prochaine victime.

J’ai été attristée d’apprendre le nombre de femmes que je connais ou dont j’ai entendu parler qui se sont retrouvées dans l’industrie du sexe après qu’on leur ait montré, dans l’enfance, de la porno dure (que l’on considère maintenant comme de la porno ordinaire).

Je tiens à dire haut et fort que le fait qu’on m’ait montré cette porno horrible a été mon apprentissage de la prostitution – plus que l’abus sexuel venu plus tard de mon beau-père – parce que cela m’a appris que la douleur et la haine étaient tout ce que mon corps méritait.

Quand mon beau-père a abusé de moi, il s’est montré habile, il y est allé « en douceur » – enfin en comparaison de ce que j’avais vu dans le magazine Hustler, de ce qu’il m’avait lu des écrits de Sade et des interminables tortures sexuelles qui ont continué à brûler dans mon esprit.

Parce que mon beau-père m’avait d’abord exposé à de la porno dure, lorsqu’il a fait de moi son esclave sexuelle, j’ai toujours pensé : « Eh bien, ce n’est pas aussi grave que ces images, au moins je ne suis pas morte. »

C’est ce que fait la porno quand elle est actualisée dans la vie, elle détruit toute confiance en soi, toute notion d’espoir, elle amène sa victime à penser qu’aussi longtemps qu’elle respire, les choses ne sont pas si graves.


Comment quiconque peut-il oser décrire la porno comme non dommageable, en refusant d’écouter les innombrables femmes et filles qui ont été brutalisées sexuellement au nom de la porno ? J’arrive maintenant à mon stade de fureur et de désespoir absolus, en pensant à la constante déconnexion pratiquée entre la prostitution et la porno, alors que ces pratiques vont toujours de pair.

Parlez à n’importe quelle femme qui a quitté la prostitution, après y avoir été longtemps. Vous l’entendrez dire, si vous ne lui coupez pas la parole, à quel point ce que les prostitueurs veulent et réclament est tout ce qui est à la mode dans la porno de masse.

Ils veulent du sexe qui endommage délibérément le corps d’une femme, ils veulent du sexe qui leur permet de déverser de la haine dans son corps, ils veulent que le sexe leur donne l’impression de la conquérir.

Ce n’est jamais du sexe, ce n’est que de la porno dans son essence.

Qui pensez-vous que sont les « actrices » dans la majorité de la porno, croyez-vous qu’il s’agit uniquement de femmes entrées au hasard de la rue et qui adorent l’amour « brutal » ? Ce sont plutôt des femmes si piégées dans l’industrie du sexe qu’elles sont désensibilisées à leur corps et ont lâché prise.

Les femmes prostituées sont sans cesse déplacées d’une niche à l’autre de l’industrie du sexe, et beaucoup de prostituées sont les « actrices » que vous choisissez de regarder en mode pornographique.

Cela peut leur être présenté comme plus sécuritaire que de travailler dans la rue, ou il peut s’agir de prostituées filmées au moment où des prostitueurs violents se servent d’elles.

Les pornocrates se serviront toujours d’abord de femmes qui sont déjà dans le commerce du sexe, puisqu’ils n’ont pas à les dompter – voilà la brutale réalité.


De plus, les producteurs de porno se servent souvent de femmes prostituées parce qu’elles sont tellement avariées par la violence et la dégradation continuelle du commerce du sexe qu’elles ne coûtent pas cher : elles n’ont pas la confiance en soi qui leur permettrait de savoir ce qu’elles valent et devraient obtenir comme salaire.

L’industrie de la porno utilise des femmes qui sont déjà prostituées parce qu’étant aussi aliénées de leur corps, elles s’acquitteront de tout acte sexuel brutal, sans avoir cure de leur bien-être sexuel, mental et physique.

En d’autres termes, elles sont la parfaite « vedette » pornographique.

Soyez maudit-es si vous croyez toujours que la porno peut être normalisée.

Est-ce que votre besoin égoïste de vous branler à regarder de la porno, ou d’imaginer un monde virtuel de porno inoffensive, est plus important que la destruction des femmes dans la porno ?

Je vous le dis encore, soyez maudit-es.


Pouvez-vous vivre en étant au courant des graves blessures internes qui représentent la norme pour les femmes qui sont dans la porno, à tel point que même celles d’entre nous qui avons eu la chance d’en sortir vivent avec la douleur comme une ombre ou sommes quotidiennement détruites ?

Souhaiteriez-vous vivre avec nos souvenirs, des souvenirs d’une violence qualifiée de plaisir et de libre choix, des souvenirs de ne pas savoir comment diable on est encore en vie, mais la nécessité de demeurer dans notre enfer ?

Nous n’avions aucune sécurité, aucun droit à la dignité, aucune voix, aucune idée de comment s’échapper – nous n’avions que la survie.

Et vous appelez la porno un divertissement.

C’est pire que de l’égoïsme – c’est affirmer que nous étions et demeurons des sous-hommes.

Voilà pourquoi, oui, nous sommes furieuses quand vous défendez la porno.


Traduction : Martin Dufresne
Toussaint
Toussaint

Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  verié2 Dim 8 Déc - 15:28

Toussaint
Les "vices"... Very Happy Boufre! Quel moraliste petit-bourgeois... (Trotsky)
Comme tu le dis, Trotsky et Lénine étaient des hommes de leur temps. Les trotskystes (du moins une partie) comme les staliniens ont d'ailleurs pendant longtemps caractérisé l'homosexualité comme un "vice de la bourgeoisie".

Il ne s'agit pas d'être en adoration devant chaque ligne signée Lénine ou Trotsky, mais de comprendre que Lénine, quand il dénonçait l'hypocrisie des duchesses, des curés et des philanthropes bourgeois qui prétendaient abolir la prostitution grâce à la morale et à la police, était bien en avance sur ceux qui aujourd'hui applaudissent Belkacem et cie. Et nettement plus subversif ! Il comprenait nettement mieux qu'eux le fonctionnement de la société capitaliste...
__
Sur le porno, je n'aurais peut-être pas du lancer Toussaint qui, effectivement, a une fâcheuse tendance à mélanger beaucoup de choses, de l'intervention impérialiste en Centrafrique au porno. J'ai dit ce que j'en pensais, en gros.

Quelques remarques supplémentaires tout de même. Toussaint, comme un certain nombre de gens, semble classer les publicités sexistes, telle celle de Benetton (dont je ne me souviens pas) dans le porno. Par ailleurs les textes qu'il a mis en ligne semblent considérer que le porno serait un vecteur fondamental du sexisme. Ca ne me semble pas juste. Le porno ne fait que refléter de façon sans doute souvent caricaturale les conceptions sexistes qui dominent dans cette société. Tu trouveras une même vision de la domination masculine dans bien des films hyper soft et curetons des années cinquante. (Je pense par exemple au film Le grand Mc Lintock où John Wayne flanque une fessée à Maureen O'Hara. Tout le monde trouvait ça très bien à l'époque et je me souviens que ça m'avait choqué.)

Ce n'est donc pas le porno qui créée le sexisme, il reflète et exacerbe le sexisme ambiant. Toujours dans les années cinquante, plein de doctes commentateurs et de curetons racontaient que le polar poussait les ados à la violence - et pourtant les polars des années cinquante, c'était vraiment de l'eau de rose à côté des innombrables films gore ou même de serial killers... toujours de femmes que tout ado peut visionner aujourd'hui à la TV.

Alors, si tu veux faire la chasse aux films et aux pubs sexistes, tu vas avoir du boulot et il y a des places à prendre pour les chômeurs dans les commissions de censure. Il me semble encore une fois que, plutôt de compter sur la répression policière, la censure et les beaux discours (sauf sans doute pour l'apologie du viol, du racisme, de la pédophilie etc), il faut compter sur une transformation de la société et sur l'organisation des femmes et des travailleurs.

Ce discours ne te convient pas, je le sais, tu préfères ce que tu crois être le moindre mal, à savoir l'intervention des troupes françaises en centrafrique, comme tu viens de nous le dire (et celles des BAC dans les banlieues ?) Mais l'expérience a montré que le remède est généralement pire que le mal. Nous n'avons pas de solution immédiate et simple à chaque horreur engendrée par le capitalisme, c'est cela qu'il faut te mettre dans la tête. Alors "en attendant le grand soir", comme l'a dit quelqu'un avec mépris, eh bien il faut essayer de s'organiser et lutter. Je ne dis pas que les organisations spécialisées dans la prostitution, même religieuses comme Le Nid, ne font rien, mais leur intervention est dérisoire : elles sont l'équivalent, en ce qui concerne la misère, du Secours Catholique et des Restos du coeur, héritières directes des dames patronnesses, ou de Faim dans le monde et cie face aux catastrophes dans le tiers monde.

Il ne s'agit pas de cracher sur tous ces "braves gens", mais de comprendre à qui nous avons affaire :  nous ne pouvons pas les considérer comme des maîtres à penser, nous appuyer sur leurs conceptions et gober leurs discours, même s'ils sont sur le terrain.


Dernière édition par verié2 le Dim 8 Déc - 15:51, édité 3 fois

verié2

Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  Rougevert Dim 8 Déc - 15:31

La Révolution Trahie

Les mêmes entrefilets occasionnels des journaux, joints à la chronique judiciaire, apprennent au lecteur que la prostitution, dernière dégradation de la femme au profit de l'homme capable de payer, sévit en U.R.S.S. L'automne dernier, les Izvestia publièrent tout à coup que "près de mille femmes se livrant dans les rues de Moscou au commerce secret de leur chair" venaient d'être arrêtées. Parmi elles: cent soixante-dix-sept ouvrières, quatre-vingt douze employées, cinq étudiantes, etc. Qu'est-ce qui les avait jetées sur le trottoir? L'insuffisance du salaire, le besoin, la nécessité "de se procurer quelque supplément pour s'acheter des chaussures, une robe". Nous avons vainement essayé de connaître, ne fût-ce qu'approximativement, les proportions de ce mal social. La pudique bureaucratie soviétique prescrit le silence à la statistique. Mais ce silence contraint suffit à attester que la "classe" des prostituées soviétiques est nombreuse. Et il ne peut pas être question ici d'une survivance du passé puisque les prostituées se recrutent parmi les jeunes femmes. Personne ne songera à faire particulièrement grief au régime soviétique de cette plaie aussi vieille que la civilisation. Mais il est impardonnable de parler du triomphe du socialisme tant que subsiste la prostitution.
Les journaux affirment, dans la mesure où il leur est permis de toucher à ce sujet délicat, que la prostitution est en décroissance; il est possible que ce soit vrai en comparaison avec les années de famine et de désorganisation (1931-33). Mais le retour aux relations fondées sur l'argent entraîne inévitablement une nouvelle augmentation de la prostitution et de l'enfance abandonnée. Où il y a des privilégiés, il y à aussi des parias!

La prostitution n'est humiliante et pénible que dans les bas-fonds de la société soviétique; aux sommets de cette société, où le pouvoir s'unit au confort, elle revêt la forme élégante de menus services réciproques et même l'aspect de la "famille socialiste". Sosnovski nous a déjà fait connaître l'importance du facteur "auto-harem" dans la dégénérescence des dirigeants.

Le socialisme, s'il mérite son nom, signifie entre les hommes des rapports désintéressés, une amitié sans envie ni intrigue, l'amour sans calcul avilissant.

Les nouveaux groupements sociaux se subordonnent automatiquement le domaine des rapports personnels. Les vices engendrés par le pouvoir et l'argent autour des relations sexuelles fleurissent dans la bureaucratie soviétique comme si elle se donnait pour but à cet égard de rattraper la bourgeoisie d'Occident.

Rougevert
Rougevert

Messages : 2069
Date d'inscription : 06/04/2012

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  verié2 Dim 8 Déc - 16:11

Trotsky
Mais le retour aux relations fondées sur l'argent entraîne inévitablement une nouvelle augmentation de la prostitution et de l'enfance abandonnée. Où il y a des privilégiés, il y à aussi des parias!
Nous voyons bien que la problèmatique de Trotsky est exactement ici la même que celle de Lénine. La prohibition et les arrestations ne feront pas reculer la prostitution, c'est contre les causes du mal qu'il faut lutter : les relations fondées sur l'argent. Les contre-révolutionnaires staliniens eux aussi se gargarisaient de grands discours moralisateurs alors qu'ils mettaient en place une société d'exploitation dans laquelle les privilégiés pouvaient s'offrir les "services" des laissés pour compte et où les pauvres étaient jetés dans la prostitution et la délinquance.

verié2

Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  Achille Dim 8 Déc - 16:42

vendredi 14 avril 2006
"Les clients de la prostitution : l’enquête", de Claudine Legardinier et Saïd Bouamama

"C’est, fondamentalement, d’éducation qu’il s’agit et de la possibilité de sortir d’un rapport toujours inégalitaire entre les sexes..."

"Les prostituées sont partout, les clients nulle part."

C’est sur ce paradoxe que s’ouvre : "Les clients de la prostitution, l’enquête" de Claudine Legardinier et Saïd Bouamama, et c’est cette absence, du discours courant comme des représentations collectives et des média, qu’interroge l’enquête, tandis qu’elle donne, pour la première fois en France, la parole aux clients de la prostitution.

95 clients ont accepté de parler : d’eux, de ce qui les pousse à recourir à la prostitution, des justifications qu’ils en donnent...

Cette parole libérée reprend, avec une bonne conscience et une constance effrayantes, tous les clichés véhiculés par la société patriarcale : besoins sexuels masculins jugés irrépressibles et "naturels", femmes commodément classées en "maman" respectable et frigide, et "putain" accessible et libérée.

Cette parole répétitive, où le client se pose souvent en victime - de carences affectives, de manque de confiance en soi, des femmes modernes "trop exigeantes" - fonctionne comme un masque.

Elle tente d’occulter la réalité de la violence prostitutionnelle - violence qui serait toujours le fait du proxénète et jamais du client "normal" ! - et de taire la souffrance de la personne prostituée, en un tour de passe-passe moral où elle devient la coupable de "mauvais services", de "manque de coeur" voire de brutalité !

Mais, ce qu’elle révèle, en creux, c’est l’incapacité du client, obsédé par les schémas de la normalité et de la virilité, à envisager toute relation égalitaire avec la femme.

Séduisante, redoutée, haïe parfois, la femme apparaît comme une "terra incognita" alors même que 70% des clients sont ou ont vécu en couple.

Dans cette perspective, le rapport marchand avec la personne prostituée est le miroir grossissant d’une impuissance masculine contemporaine à sortir d’un rapport dominant-dominé que des décennies de féminisme et d’avancée des droits de la femme en Occident, semblaient avoir fait reculer.

Cette permanence des rapports de domination est particulièrement lisible au fil des témoignages de personnes prostituées, recueillis par Claudine Legardinier, et qui viennent relativiser la parole des clients, aux moments-clés de l’ouvrage.

Mais l’ouvrage ne se borne pas à analyser, avec clarté et vivacité de plume, les discours de "déni" des clients, il évoque aussi les expériences pionnières, menées en Suède et aux États-Unis, afin de responsabiliser le client.

Celles-ci ne se contentent pas, comme les média le prétendent, de pénaliser les clients, mais mettent en place une vraie politique d’éducation, le plus souvent efficace.

Car c’est, fondamentalement, d’éducation qu’il s’agit et de la possibilité de sortir d’un rapport toujours inégalitaire entre les sexes, véritable "terreau" alimentant le recours à la prostitution, pour trouver une troisième voie.

Cette troisième voie "entre le puritanisme victorien qui interdit tout et le libéralisme qui autorise l’exploitation et la violence" est celle "d’une morale sexuelle responsable et respectueuse d’autrui".

C’est cette voie qu’indiquent les auteurs et c’est elle que le Mouvement du Nid trace quotidiennement.

Les clients de la prostitution, l’enquête
Paru aux Presses de la Renaissance, mars 2006.
De Claudine Legardinier et Saïd Bouamama.
19,50 euros
isbn : 2-7509-0205-3
http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2294

Achille

Messages : 2738
Date d'inscription : 24/12/2011

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  verié2 Dim 8 Déc - 17:13

Car c’est, fondamentalement, d’éducation qu’il s’agit et de la possibilité de sortir d’un rapport toujours inégalitaire entre les sexes, véritable "terreau" alimentant le recours à la prostitution, pour trouver une troisième voie.
L'éducation est certes un aspect important. Mais l'éducation ne flotte pas dans le vide, mais dans le cadre d'une société donnée. C'est vrai dans tous les domaines de l'éducation.
Or, dans le cadre d'une société en voie de décomposition, de pertes de repères, en raison - fondamentalement - de la crise économique, l'éducation ne peut pas s'améliorer, même avec des lois, des programmes et des enseignants bien intentionnés. Quand la société se dégrade, tout se dégrade, la morale comme le reste.

La divergence fondamentale est donc entre ceux qui veulent changer cette société par la voie révolutionnaire, et c'est dans la lutte que les mentalités changent aussi, en particulier vis à vis des femmes, qui croient cette transformation possible, et ceux qui n'y croyant pas ou plus cherchent des solutions immédiates ("le moindre mal" comme l'intervention en Centrafrique selon Toussaint.) Rechercher ces solutions immédiates, cela conduit inévitablement à se tourner vers l'Etat et sa police et/ou à créer des associations humanitaires qui ne soulagent qu'une infime partie de la misère mais permettent de donner bonne conscience à la bourgeoisie - je ne parle pas de donner bonne conscience aux militants de ces associations eux-mêmes.

C'est le langage de tous les humanitaires : "Votre grand soir, c'est bien beau, mais en attendant nous sommes efficaces et vous vous contentez de discours." Ce fossé entre humanitaires "réalistes" et "immédiatistes" et les révolutionnaires est au coeur du débat.
Nous disons qu'il faut lutter contre la société et ses inégalités pour lutter vraiment contre la prostitution, les humanitaires se félicitent de mesures qui ne changeront pas grand chose - et peuvent s'avérer négatives... on verra.

Alors, certains répondront que revendiquer des réformes, ce n'est pas incompatible avec la préparation de la révolution (sauf si bien sûr on oublie le but final...). C'est tout à fait vrai pour toutes sortes de lois sociales qui ont été obtenues par la lutte des travailleurs, comme l'interdiction du travail des enfants, une protection minimum contre les licenciements, le droit de grève etc. Mais ces mesures, justement, on été obtenues par la lutte, elles ont été le résultat d'un certain rapport de forces. Ce n'est pas du tout le cas aujourd'hui d'une mesure de prohibition de la prostitution, qui ne repose que sur la volonté du PS de distraire l'opinion et de quelques un(e)s de ses notables de plaire à leur clientèle en faisant du féminisme bon marché.

Les vraies réformes qu'on pourrait exiger et imposer par la lutte sur ce terrain, ce sont au contraire celles que n'a pas prise Belkacem : régularisation des sans-papiers, garanties de ressources, partage du travail entre tous contre le chômage etc. Alors, oui, de telles mesures si elles étaient imposées seraient de nature à faire reculer la prostitution, certainement pas la prostitution dite "de luxe" mais celle qui réduit à l'esclavage des milliers de femmes sans défense, en particulier celles qui sont victimes des réseaux, des passeurs etc

Le reste n'est qu'hypocrisie.

verié2

Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  Achille Dim 8 Déc - 18:50

verié2 a écrit:
La divergence fondamentale est donc entre ceux qui veulent changer cette société par la voie révolutionnaire, et c'est dans la lutte que les mentalités changent aussi, en particulier vis à vis des femmes, qui croient cette transformation possible, et ceux qui n'y croyant pas ou plus cherchent des solutions immédiates ("le moindre mal" comme l'intervention en Centrafrique selon Toussaint.)
Tout ne serait donc qu'une histoire de "volonté" et de "croyance". Entre deux personnes menant la même lutte l'une serait "pure" car elle aurait la volonté de changer la société et l'autre serait "impure" pleine "d'illusions" "réformiste" "hypocrite" sans cette volonté. Il suffirait donc selon Vérié2 de "vouloir" être révolutionnaire pour "être" révolutionnaire, "croire" dans le but pour l'atteindre.
En voilà une bien curieuse conception mais pas si curieuse que cela car finalement cette conception est quasi religieuse en plaçant au centre de la différentiation entre réformistes et révolutionnaires la "croyance" dans la "voie révolutionnaire" que seul les seconds possèderaient. C'est beau comme du maoïsme et c'est surtout le moyen de s'auto-proclamer "révolutionnaire" avec une primauté de la "croyance" sur l'action.

verié2 a écrit:
Rechercher ces solutions immédiates, cela conduit inévitablement à se tourner vers l'Etat et sa police et/ou à créer des associations humanitaires qui ne soulagent qu'une infime partie de la misère mais permettent de donner bonne conscience à la bourgeoisie - je ne parle pas de donner bonne conscience aux militants de ces associations eux-mêmes.
Comme :
-aider  les femmes victimes de la violence conjugale à aller porter plainte.
-aider les femmes violées à déposer plainte.
-aider les personnes prostituées à demander à la justice réparation contre la spoliation du proxénétisme.
-demander à l'état de faire respecter  les lois pour les cliniques qui refusent la pratique de l'IVG.
...Les exemples sont nombreux et sont pour verié2 des actions "infimes" pour donner bonne conscience à la bourgeoisie et aux militants (les femmes battues, les femmes violées et/ou prostituées apprécieront...).
verié2 expliquerait à une femme violentée que ce n'est pas la peine de porter plainte cela ne la soulagera pas en totalité et en prime ça donnerait bonne conscience à la bourgeoisie. Réaction typique du militant du clavier qui n'a manifestement jamais été confronté à ces situations.

verié2 a écrit:
C'est le langage de tous les humanitaires : "Votre grand soir, c'est bien beau, mais en attendant nous sommes efficaces et vous vous contentez de discours." Ce fossé entre humanitaires "réalistes" et "immédiatistes" et les révolutionnaires est au coeur du débat.
Nous disons qu'il faut lutter contre la société et ses inégalités pour lutter vraiment contre la prostitution, les humanitaires se félicitent de mesures qui ne changeront pas grand chose - et peuvent s'avérer négatives... on verra.
Cette opposition est vaine lorsqu'en plus les révolutionnaires sont "auto-proclamés" sur la base d'une "croyance" (voir le point 1 de ce post)

verié2 a écrit:
Alors, certains répondront que revendiquer des réformes, ce n'est pas incompatible avec la préparation de la révolution ...Mais ces mesures, justement, on été obtenues par la lutte, elles ont été le résultat d'un certain rapport de forces.
Ce rapport de force il s'est en effet construit sur la base des luttes des féministes et des associations abolitionnistes depuis des dizaines d'années. Le nier est la conséquence de l'ignorance de ces combats ce qui est ton cas (tu ne connais le NID que depuis quelques jours, tu n'avais même pas lu la loi avant de poster tes diatribes sur son contenu...) et surtout une prise de position en tant que militant prostitueur (1) en salissant les militantes comme Delphy (la parabole sur les duchesse...), calomniant le NID (son "opposition" au préservatif, ses "liens" avec l'église catholique..etc.)

(1) qui n'a évidemment rien d'une insulte mais comme résultat d'un ensemble de prise de positions similaires à celle d'organisations défendant les intérêts du lobby proxénète -cela a déjà été longuement développé dans ce fil-


Dernière édition par Achille le Dim 8 Déc - 19:28, édité 2 fois

Achille

Messages : 2738
Date d'inscription : 24/12/2011

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  sylvestre Dim 8 Déc - 19:10

Des fils à papa mitraillaient des prostituées trans «pour s’amuser»
sylvestre
sylvestre

Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  Roseau Dim 8 Déc - 19:15

Achille a écrit: militant prostitueur
Encore une fois l'insulte et attaque personnelle,
contre tous ceux qui ne se rallient pas à l'aménagement du capitalisme
est à mourir de rire et souligne le pétage de plomb,
faute d'arguments convainquants...
Roseau
Roseau

Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  verié2 Dim 8 Déc - 19:17

Tout ne serait donc qu'une histoire de "volonté" et de "croyance". Entre deux personnes menant la même lutte l'une serait "pure" car elle aurait la volonté de changer la société et l'autre serait "impure" pleine "d'illusions" "réformiste" "hypocrite" sans cette volonté a écrit:

Au delà du ton méprisant, des insultes répétées et des falsifications, dont il est coutumier et qui n'ont strictement aucun intérêt, Achille ne comprend pas le raisonnement qui est celui de Lénine, Trotsky et des révolutionnaires en général (1). C'est parfaitement logique, puisqu'il a rejoint un bloc réformiste, le Front de Gauche, dont l'objectif est la gestion de l'Etat bourgeois.

Sans la volonté de changer radicalement la société et de s'attaquer aux causes de la prostitution - relations fondées sur l'argent, misère, chômage, inégalités -, les mesures de prohibition et même d'éducation d'un gouvernement sont en effet inefficaces et hypocrites. Et ceux qui les saluent avec enthousiasme se font des illusions. La "pureté" et la "croyance" n'ont rien à voir là-dedans.

Le premier axe de principe consiste donc, comme Lénine à propos des comtesses et philanthropes bourgeois et Trotsky à propos des bureaucrates staliniens qui ne valaient pas mieux, à dénoncer clairement cette hypocrisie et le caractère inefficace de mesures de prohibition que la police bourgeoise serait chargée d'appliquer.

Ensuite, oui, on peut dire qu'on ne va pas plaindre les clients qui vont se faire verbaliser et qu'il convient de condamner la consommation/location du corps d'autrui. Mais je dirais pas, comme l'écrit LO dans son dernier hebdo que "C'est la moindre des choses dans une société civilisée" C'est une expression que jamais ni Marx, Lénine ou Trotsky n'auraient employée. D'une part parce qu'ils ne considéraient pas la société capitaliste, même dans les pays riches et développés, comme "civilisée" mais comme relevant de la barbarie capitaliste. D'autre part parce qu'ils ne cherchaient pas de plus petit dénominateur commun d'accord avec la bourgeoisie, même sur des questions dites "de société".
____
1) Par définition, tous les "révolutionnaires" sont "auto-proclamés" tant qu'ils n'ont pas, participé à une révolution, ce qui est le cas d'un fort pourcentage d'entre eux dans le monde. Ce n'est pas une question de morale, de "pureté" ou de prétention mais une orientation politique qui se traduit évidemment dans l'intervention militante.

verié2

Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  Toussaint Lun 9 Déc - 6:03

Une enquête et ses résultats sur ce que pensent les prostituées de vos amis.

dimanche 25 juin 2006

Personnes prostituées : ce qu’elles disent des clients

par Claudine Legardinier et Saïd Bouamama



Les personnes prostituées sont capables de se faire rapidement un opinion des prostitueurs qui les paient pour avoir le droit de les dominer. Dans leur enquête sur les clients de la prostitution, Claudine Legardinier et Saïd Bouamama ont recueilli les propos de femmes et d’hommes prostitué-es sur les clients prostituteurs. Voici ce passage de leur livre  Les clients de la prostitution - l’enquête (Paris, Presses de la Renaissance, 2006.)



Le temps de la désillusion

Certes, un temps, le sentiment de liberté peut exister à l’idée de rejeter les horaires, les obligations "bourgeoises". Un sentiment bien fugitif, il est vrai, avant la désillusion. "Tout ce que je voulais, c’était faire la bringue, explique Suzanne (1). Je me fichais de tout. Les factures, les lois, j’avais l’impression d’en être libérée. Je me droguais, je fumais. Pour me donner la force d’affronter tout ça, je buvais du whisky. En fait, j’étais la bonne poire qui rinçait tous ceux qui m’entouraient." Aujourd’hui, Suzanne analyse ce sentiment comme une liberté qui lui a "bousillé" la vie. De même, certaines personnes que nous avons rencontrées décrivent, au moins dans la griserie du début du temps de prostitution, un sentiment de pouvoir. Leïla, toxicomane, explique : "C’était rassurant pour moi de savoir que les mecs étaient prêts à payer." Mylène, prostituée de luxe en Allemagne, va jusqu’à raconter comment elle a eu le sentiment que c’était "trop cher payé" tant elle était indifférente à elle-même.

Nos interlocutrices - et interlocuteurs - qui, face à la dureté du quotidien, montrent une force et des ressources stupéfiantes, décrivent froidement les hommes qui les paient. À les entendre, il y a "de tout". Pour reprendre et rassembler leurs termes : "Des jeunes et beaux qui ont tout pour plaire, des orduriers qui laissent les filles en larmes, des types avec une odeur de sueur, des gentils, des odieux qui jettent les billets par terre pour vous forcer à les ramasser, des pathétiques dans une grande misère humaine, des hommes qui en veulent pour leur argent, des pervers qui demandent qu’on les piétine ou qu’on les fouette, des types prêts à allonger des fortunes pour faire de vous une esclave, des hommes malheureux qui voudraient un sentiment de la part de la prostituée, d’autres pour qui les femmes n’existent pas. Énormément d’hommes qui aiment les gamines. Des RMistes qui se tapent un délire. Des gars qui pensent qu’ils ont tous les droits parce qu’ils ont payé. Des obsédés, mais pas tant que ça. Des maris qui enlèvent leur alliance et la remettent à la fin. Des malades qui vous disent : "Tu pourrais être ma fille." Des violents qui essaient de vous étrangler avec une ceinture."

Chacun, chacune parle à sa manière, souvent avec beaucoup d’émotion, d’une expérience qui l’a profondément marqué-e. Ainsi Mylène, qui dédare l’avoir froidement "choisi", analyse des années après ce qu’elle estime être les vraies raisons de ce choix : état dépressif, image exécrable d’elle-même, maltraitances diverses (confusion générationnelle et sexuelle dans le cadre familial), dettes d’un compagnon, mais aussi ignorance des réalités. Son image de la prostitution ? Belle de jour, avec Catherine Deneuve : "Si j’avais su ce qui m’attendait, jamais je n’y serais allée." Celle qui aujourd’hui peut, sept heures durant, sans reprendre souffle, dire son traumatisme et prononcer des mots terribles - "pour oublier, il faudrait que j’aie la maladie d’Alzheimer" - était libre. Libre d’abandonner son emploi d’origine pour entrer dans une réalité résignée, sans possibilité de parole. Libre de jouer le jeu : "Je m’en foutais. J’avais un total mépris de moi-même. D’ailleurs, je faisais du parachutisme, moi qui ai le vertige rien qu’en montant sur une échelle."

Hors d’atteinte : le lieu de l’absence

L’indifférence, l’état second, l’obligation de "ne pas penser" sont des leitmotive dans les récits des personnes qui font un retour sur leur expérience : "C’est routinier, on entre en léthargie." Nicole Castioni (2) confiait sa stupéfaction après coup d’avoir accepté de vivre ce quotidien "sans se poser de questions" et avec une aussi "incroyable faculté d’adaptation", tout en avouant : "Combien tu coûtes ? Je n’ai jamais pu m’y faire." "Comment ai-je pu accepter cela ?" est une question lancinante. Monika, prostituée dans un bar à hôtesses, confie : "J’avais pris un rythme. J’étais une automate. Avec l’alcool, j’étais dans le gaz."

Cette anesthésie au fond de soi, cette léthargie souvent décrites sont l’autre versant, réel, de ce que les clients semblent prendre pour le fait d’"aimer ça". Les personnes prostituées seraient, semblent croire un certain nombre d’entre eux, forcément conquises par les manifestations de leur virilité. Ce pathétique désir se heurte à une réalité brutale. Suzanne revient sur le souvenir du premier client, un événement souvent vécu comme un viol pur et simple et qui ouvre la voie à l’indifférence ultérieure : "Après, je suis allée prendre une douche. Une heure ; je suis restée une heure entière à essayer de me décrasser. J’étais en larmes. Ma copine m’avait dit : ’Tu verras, c’est le premier qui coûte’." Inès, renvoyée de l’école à 16 ans et qui ne supporte pas de voir sa mère, divorcée et devant élever seule cinq enfants, "ramer à l’usine", serre les dents au moment de passer à l’acte : "Avec le premier client, je suis descendue de la voiture en courant. Impossible. Les autres filles m’ont dit de boire, que ça m’aiderait. C’était vrai. Pour pouvoir y aller, il fallait que je prenne quatre ou cinq Martinis." Inès passe très vite à la drogue pour tenir. Difficile de vivre les passes à froid. Mylène raconte à quelle condition elle a pu franchir le pas : "Sans Valium, je n’aurais pas pu." Linda, toute jeune prostituée pour un copain proxénète, avoue : "Avec la colle, on plane, on se fait des films. Avec les clients, c’est comme si on dormait." Barbara, abusée par son oncle à 16 ans, puis fugueuse, "louée dans des soirées", raconte comment elle prenait des "anxiolytiques et des somnifères avec une goutte d’alcool" pour "travailler" sous la coupe de son proxénète. Les clients ? "Je ne les voyais même pas." D’une voix monocorde, elle décrit la prostitution comme une vie dépourvue de toute sensation : "Se lever le soir, rentrer le matin, dormir." Même chose pour Inès : "C’est comme si je ne l’avais pas vécu, ou comme si je l’avais vu dans un film."

D’autres sont aux prises avec un malaise évident qu’elles tentent en permanence d’étouffer. "Je n’ai jamais pu m’habituer aux fantasmes des hommes", dit Sophie. Muriel a du mal à évoquer ces moments douloureux : "Je me souviens qu’en voyant approcher l’heure, j’avais mal au ventre, mal à la tête." Alida, "masseuse" en appartement, vit une lutte quotidienne : "Avec les clients, je mets mes cheveux comme un rideau, je ne regarde pas, je me ferme de partout. Je me sens mal, je me sens sale, j’ai l’impression d’être une ’pute’." Il n’y a pas que les actes des clients qui sont ressentis comme une agression, il y a les mots. Alicia "bout" quand elle entend ce que certains se permettent de lui dire au téléphone : "C’est dur, tout ce que les types demandent : urologie, sadisme... Je suis atteinte." Alicia donnerait tout pour faire de vrais massages, pour être libérée de ce poids. "J’ai la haine des mecs." "Sale" est un terme qui revient beaucoup dans les récits. "Je ne touchais pas mon fils tant que je ne m’étais pas lavée", dit Anaïs, prostituée l’après-midi dans les chaînes hôtelières à bon marché.

Le décalage entre le discours tenu par les clients et celui que nous entendons au quotidien des personnes prostituées est saisissant ; l’alcool, festif pour les premiers, rend les secondes "malades à vomir", notamment dans les bars à hôtesses où l’usage de médicaments ad hoc semble répandu. Face aux clients qui goûtent par-dessus tout l’ambiance, l’atmosphère, les personnes prostituées montrent des motivations moins érotiques. Ainsi, Paule, prostituée à domicile, use de l’ambiance tamisée "genre bar" mais "surtout pour ne pas les voir, pour ne pas voir leur regard". De même, là où les clients aiment voir des "professionnelles" libérées et sans tabou, se trouvent des personnes qui ont d’abord le souci de se protéger au maximum, de limiter ou d’éviter autant que possible les contacts qu’elles sont contraintes d’avoir avec eux. "Certains pensent qu’on est des bêtes de sexe. En réalité, les hommes, on ne les touche même pas, dit Paule. L’odeur, la peau, j’occultais tout pour ne voir que l’argent. Je mettais des barrières pour ne pas voir, ne pas sentir, leurs dents, leur transpiration, leur haleine. Je posais à peine le bout de mes doigts sur leurs épaules." Monika exprime la même idée avec des mots touchants : "Pour eux, la femme prostituée, c’est une bombe sexuelle, avec beaucoup d’expérience ; c’est leur fantasme ; ils croient qu’ils peuvent faire ce qu’ils voient dans les films porno. Ils ne se rendent pas compte qu’on est humaines ; des femmes comme les autres, comme celle qu’ils ont à la maison."

Eux parlent de fantasmes, elles de la peur, de l’obligation d’avoir en permanence des "yeux autour de la tête". Le plaisir ? "Je les méprisais à un point incroyable. Le plaisir n’était pas physique, il était dans le fait de leur soutirer le maximum." Brigitte, prostituée sur le trottoir, confie : "La peur, c’est tous les jours. Quand vous montez dans une bagnole, quand vous vous retrouvez attachée pour les fantasmes des mecs." "Il y a des tarés ; deux fois, j’ai dû sauter en marche d’une bagnole." Des enquêtes (3) montrent que la majorité des actes violents subis par les personnes prostituées sont le fait des clients, ce que corroborent nos propres entretiens et ce dont ils se gardent de parler. Nadine, chassée par sa mère à l’âge de 18 ans et prostituée par Minitel, a intégré cette peur au quotidien. Pour préserver une distance, elle a fini par opter pour la "domination soft". cravaches, humiliations, insultes, elle raconte comment le nombre d’appels des clients a aussitôt doublé : "Des hommes bizarres." Elle explique comment elle est partie en courant lorsqu’un homme masqué de noir lui a ouvert la porte, armé d’une batte de base-ball Les clients, elle dit avoir envie de les "rassurer", de les "aider" parce qu’ils ont "des problèmes d’enfance, des problèmes d’amour". Puis elle parle d’étouffement, de bouffées de haine, d’envie de violence. Prise d’une envie folle de tout arrêter, elle se dit "déboussolée", en quête d’amour, d’un père qui lui a toujours manqué, lasse de se mettre "dans des situations graves pour faire plaisir aux autres".

La prostitution est constituée de multiples stratégies destinées à se mettre à distance des clients, l’idéal et le sommet de la hiérarchie prostitutionnelle étant de ne pas être touché-e comme c’est le cas dans les pratiques de sadomasochisme. "Pour supporter, on ferme les yeux. Je mettais mon bras devant mon visage, avec mon parfum dessus. Ça permet de protéger une part de soi, une part qu’ils n’auront pas", se souvient Mylène. S’auto-anesthésier, se couper en deux, s’absenter de soi-même semble être quasiment indissociable de la pratique prostitutionnelle. "On se met hors d’atteinte, on compte les moutons. Si on ne se protège pas de cette façon, on peut devenir folle". "Bizarrement, dans la prostitution, ce n‘était pas moi, dit Leïla. J’ai commencé à avoir vraiment l’impression d’être deux personnes." Naïma, prostituée durant deux ans dans un bar à hôtesses, victime de viols et violences de la part du patron, décrit cet étrange processus : "Quand j’arrivais, je fermais mon esprit ; un peu comme si celle qui était dans le bar n’était pas moi mais une autre personne ; à l’intérieur, je faisais beaucoup de choses que je n’aurais jamais admis de faire en temps normal !" Naïma, qui confie avoir "des problèmes de contact" quand elle ne se sent pas en confiance, détaille cette entreprise de dédoublement renforcée par le port d’autres vêtements, l’attribution d’un autre prénom, "une protection vis-à-vis des clients, une garantie d’anonymat". Vivre coupée en deux conduit à une forme de schizophrénie parfois difficile à surmonter. "J’ai fini par croire plus en Tara, mon nom de prostituée, qu’en Leïla. Tara, je la connais bien. En tant que Leïla, je ne sais pas qui je suis ; et j’ai peur..."

Simulation, dissimulation

Eux pensent qu’elles aiment ça, elles disent surtout leur incompréhension totale face à la démarche des clients. "Mais comment peut-on payer pour ça ?" s’écrie Alicia. "Au début, on cherche à comprendre. Après on laisse tomber, avoue Naïma. C’est dur d’être confrontée à la réalité de l’homme. Pour moi, les clients sont violents, Il y a les violents physiques, les barbares - je paie, tu te tais et tu obéis - mais les autres aussi sont violents, moralement, avec leurs moyens de pression." Elle décrit une clientèle de cadres, chefs d’entreprise, médecins, ouvriers dont elle lit la démarche comme "le plaisir de payer", "la possession de la femme", "le fait d’avoir du pouvoir sur quelqu’un de plus faible". Quand elle revient sur ces deux années, sans complaisance, elle a le sentiment que "les clients préfèrent celles qui sont en pleine détresse" parce que "ça les excite plus". "Ils aiment le challenge."

Certes, elles disent rencontrer aussi des clients dans la solitude, en recherche de relation. Mais c’est bien souvent avec un haussement d’épaules. Client frustré, client timide ? "Je ne crois pas dit Christine. Pour lui, il y a le plaisir de la possession, de la soumission, de la vengeance ; il y a aussi le plaisir d’évacuer ses colères, son impuissance, en soumettant l’autre. "Quant à leur désir de relation, il est, dans le fait même de payer, voué à l’échec. Du côté des personnes prostituées, notamment des femmes, s’expriment surtout la méfiance ou le rejet, le refus de tout dialogue, la volonté farouche d’opposer un mur face aux hommes qui les paient. Surtout ne rien dire de soi, ne rien laisser échapper. Simuler et se dissimuler. Simuler au point de faire croire à certains clients qu’ils donnent du plaisir. Une croyance que beaucoup d’entre elles jugent d’un seul mot : "C’est grave !" Se dissimuler : Paule exprime clairement son besoin de fuir devant la demande de relation de certains clients : "Je paniquais si l’un prenait son temps, s’il avait l’air de vouloir mettre du sentiment. Tous sont restés des clients. Rien de plus. Avoir une relation amoureuse avec un homme qui m’aurait payée auparavant, je n’aurais jamais pu. J’aurais pensé qu’il allait en payer d’autres." Pour elle, la prostitution n’est qu’une tromperie : "Ces hommes, ils mentaient. Et moi aussi je mentais. Toujours le sourire. Jamais je ne leur aurais confié mes problèmes. Tout ça, c’est vraiment un marché de voleurs." "Les clients, dit Monika, on leur dit les choses qu’ils ont envie d’entendre. Des mensonges." Brigitte évoque froidement les hommes qui ont besoin de parler : "On ne peut pas les aider ; le soi-disant discours ’on est des thérapeutes du sexe’, c’est complètement faux. Moi, si je les écoutais, c’est parce que c’était autant de temps où j’échappais au reste." Brigitte, recrutée dans un club échangiste où l’a entraînée son mari, décrit son engloutissement progressif, son étouffement dans la prostitution, mais aussi sa capacité de résistance : "La plupart des clients me tutoyaient. Moi je les ai toujours vouvoyés. Pour marquer la barrière." Elle ajoute, en parlant des clients : "Beaucoup me demandaient pourquoi je faisais ça. En général, je disais que c’était un choix. Ça coupait court. Ils n’ont pas à connaître notre vie."

Proxénètes : du harcèlement à la manipulation

Dans cette savante mise à distance, comment "aimer ça" ? Et que signifie l’avoir choisi ? Si Mylène a basculé, c’est le résultat d’une histoire personnelle alliée à l’urgence de rembourser les dettes d’un mari adepte du jeu. La pression des compagnons, la manipulation des proxénètes, catégorie dont il est de bon ton de penser qu’elle est en voie d’extinction à l’exception de brutes épaisses qui seraient cantonnées à l’Albanie ou à l’Ukraine, constituent une dimension banale du paysage prostitutionnel. Si en France les caïds à l’ancienne sont tombés, demeurent une quantité de "proxénètes de proximité" que les premières concernées, souvent amoureuses, sont dans l’impossibilité d’identifier et de rejeter, au même titre que les victimes de violences conjugales. Des hommes, souvent, mais aussi des femmes, passé-es maîtres dans l’art de jouer sur les cordes sensibles : demande affective, besoin de reconnaissance et de valorisation. La relève semble assurée puisque de très jeunes rabatteurs écument aujourd’hui les boîtes de nuit ou les centres commerciaux pour repérer des proies éventuelles (4). Certains parviennent à exercer une véritable emprise. "Il était dans ma tête, il était dans moi", dit Laldja en parlant de son mari proxénète qui l’a amenée à entrer dans un bar à hôtesses "à l’insu de son plein gré" en usant de deux menaces : envoyer des photos compromettantes à sa famille en Tunisie, la priver de sa fille dont il a la garde. "À 20 ans, j’étais sous influence, comme une adepte de secte", dit de son côté Nicole Castioni.

Les gestes "amoureux", la générosité (temporaire), la banalisation savante de la prostitution, l’introduction dans un milieu présenté comme "glamour" sont, de la part de ces compagnons empressés, des armes efficaces. Quand ce n’est pas la violence physique : Brigitte, écrasée sous 700 000 francs de dettes pour s’être portée caution de son mari pour l’achat d’un bar, finira, de guerre lasse, harcelée et battue, par se prostituer. Violences conjugales et prostitution sont d’ailleurs liées dans de nombreux récits. Comme elle, extérieurement, Anaïs, "masseuse", est pourtant le type même de la jeune femme libre, séduisante et cultivée qui fait rêver les clients. Les coulisses ? Abandonnée par sa mère, ballottée dans dix-sept foyers successifs, manipulée par un mari chômeur et violent qui lui vante les mérites de son "ex", "masseuse" justement : "il m’a mis dans le cerveau l’idée que notre fils allait manquer de tout ; petit à petit, la prostitution, j’ai trouvé ça presque ..." Manipulation, harcèlement : un art consommé de la part d’un proxénète qui sait parfaitement que rien ne sera plus insupportable à sa compagne que l’idée que son fils souffre des mêmes manques qu’elle ; qui exploite le manque de confiance en soi d’Anaïs, sa douleur d’enfant abandonnée. "Il me mettait toujours en position de penser que j’avais besoin de lui. Alors qu’en réalité c’est moi qui payais tout, qui gérais tout. Je finançais même l’entreprise familiale. J’ai ramené des millions à cette ordure. Il a tout gardé. Si je pouvais, je serais la première à lui mettre le fusil sur la tempe. Je le hais. Ce n’est pas la violence physique, le plus dur ; les bleus, ça part. C’est la violence psychologique, le harcèlement."

Que savent les clients des véritables motivations de cette jeune Française qui, des jours durant, rentre chez elle en larmes ? Sa liberté ? Elle existe, oui. Anaïs "prend sur elle". "Après tout, dit-elle, j’ai tout vécu, alors je continue." Que croient les clients face à une jeune femme qui adopte en leur présence une incroyable "tchatche" ? Qu’elle aime ça ? En réalité, elle conjure sa peur : "J’ai l’air tellement sûre de moi que ceux qui ne me reviennent pas, j’arrive à les virer. En fait, ils sont persuadés que j’ai quelqu’un qui me protège."

Une expérience dévastatrice

Le malaise, le mal de vivre qui sont le lot de ces personnes, innombrables, qui ont vécu ou vivent encore la prostitution, sont engloutis, ignorés au profit d’un discours plus vendeur, plus médiatique et surtout plus propice au libéralisme. "Les agressions physiques, ce n’est rien à côté de la douleur intérieure, celle qui vous déchire, qui vous empêche de respirer", dit Leïla. "Ce qu’on fait ici, ça nous mange intérieurement, de la même manière qu’une maladie, ça nous bouffe tout entier, physiquement, moralement, psychiquement, ça ne répond à aucune question, ça nous enfonce dans la détresse", déclarait Alexandre, prostitué de 26 ans, dans un silence de mort, sur un plateau télévisé (5). Monika, placée en foyer à 14 ans et qui, à 20 ans, a subi vingt à trente clients par jour dans un bar à hôtesses, décrit un véritable cauchemar : "Comment on supporte ? On ne le supporte pas ; on le vit, on fait le vide ; on ne peut pas pleurer. Si on a des états d’âme, c’est intenable. On ne ressent plus rien. Les types sont rois ; ils ont payé, ils vous pelotent. On n’a aucun droit de refuser un client. Et il y en a des violents." Mylène, en ouvrant sa salle de bains, montre un alignement de détergents ; des produits que, dix ans après son passage dans la prostitution allemande dite "de luxe" et réglementée, elle persiste à utiliser pour se laver. "Le plus lourd, c’est d’avoir été achetée : tu n’es rien du tout, je paie. On en prend plein la gueule : je me sers de toi comme d’une bassine ; pour me vider."

Les mots employés sont durs. Rémi, qui depuis sa tendre enfance n’a connu que la violence familiale, décrit la cruauté quotidienne du milieu où il se prostitue, la manière dont les hommes qu’il rencontre l’utilisent puis le jettent." Au début, aucun problème. On est comme un morceau de viande dans un rayon. Tant que c’est frais, ça se vend bien." Paul, travesti, est résigné : "Quand on est travelo, c’est les moqueries à longueur de temps." il parle avec brio de la clientèle "friquée", des "bourgeois en voiture, cigare au bec", des "gens qui rigolent", du "mari qui n’a jamais eu d’aventure avec un mec et qui vient pour essayer", de l’homophobie. "Les plus dégueulasses, c’est pas nous", dit Paul qui porte sur lui-même un regard sans concession : "On est des pantins assis sur une voiture." Paul se souvient du temps où il arrivait sur le trottoir muni d’une barre de fer pour se défendre. En quittant le "tapin", il ne pesait plus que 56 kilos.

Pour certaines, comme Monika qui n’ira jamais sur un plateau télévisé pour le dire, ces mois de prostitution ont été l’expérience de l’anéantissement. "Je n’ai plus confiance en moi. J’ai été détruite, j’ai été violée. J’ai perdu mon identité. Quel âge j’ai ? Qui je suis, quel est mon nom ? Je prends des anti-dépresseurs, j’ai l’impression de n’être bonne à rien sauf à aguicher les hommes." Comme Naïma, elle tremble pour "toutes ces petites jeunes qui ne font pas gaffe et que leur copain peut pousser là-dedans". Elle voudrait parler, crier même, raconter son histoire, éviter à d’autres de vivre par ignorance ou inconscience la même chose. Muriel subit le même interdit : "Je garde le silence sur ce que j’ai vécu. Si jamais j’en parle, on va me ficher comme ancienne prostituée. Les gens ne me considéreront plus comme un être humain, je ne serai plus capable de rien. Je ne peux pas dévoiler mon passé, parfois j’en ai la tête qui explose." Toutes ou presque sont confinées dans l’interdiction de parole. Le risque de la honte, du stigmate, le refus d’entendre de la société tout entière...

Silence obligé, difficulté d’en sortir, sans main tendue, sans lien avec l’extérieur. "On vit décalés, on fait une croix sur le monde extérieur. En fait, c’est comme une secte", résume Christine, sous-entendant ainsi la difficulté de s’extraire du milieu pour reprendre pied dans la société. La prostitution constitue en effet une des formes les plus abouties de l’enfermement : enfermement par le stigmate, la perte de confiance en soi, l’isolement croissant, l’endettement, le sentiment que la société normale est terrifiante et hypocrite, la peur d’être démasqué-e par d’anciens clients. Quitter le quotidien, aussi dur soit-il, c’est affronter l’angoisse de l’inconnu, le vide, le jugement d’autrui ; c’est arracher le tissu de sa propre histoire, les quelques liens tissés dans le milieu, les bons moments. La logique est désormais bien connue pour les victimes de violences conjugales. Autant dire que beaucoup y restent, non parce qu’elles aiment ça, mais parce que la société les abandonne à la marginalisation et à la honte en leur refusant toute alternative.

Certains, certaines, heureusement, souvent grâce à un accompagnement patient et durable, parviennent à échapper à ce quotidien sans horizon. Le travail de reconstruction est parfois long et douloureux : retour à l’emploi, aux revenus, au logement quand l’État réclame des arriérés d’impôts astronomiques qui poussent à retourner faire des passes, mais aussi difficultés relationnelles, nécessité de se réconcilier, particulièrement avec les hommes dont l’image ne sort pas grandie de l’expérience prostitutionnelle. "Je n’ai aucune envie d’aller vers les autres. Après ce que j’ai traversé, je me sens sale. Je suis incapable d’envisager une relation avec un ..." dit Gisèle, prostituée pendant quatre ans pour payer son héroïne. Mylène a mis des années à pouvoir revivre normalement : "Après je ne supportais plus le sexe. Une main masculine sur mon épaule me brûlait. Je n’ai plus eu aucune sexualité pendant trois ans. Je ne pouvais plus. J’étais dans une anesthésie totale."

Brigitte, partie de chez elle à 14 ans "pour être libre", prostituée en appartement et rackettée par des proxénètes, parle de l’argent comme d’une drogue équivalente à la coke et de la prostitution comme d’une destruction. Elle est aujourd’hui sans illusion : "J’ai arrêté le tapin, j’ai rencontré un homme, il trompe sa femme, alors... Il n’y a pas de dialogue dans les couples. Côté sexualité, c’est nul, ils n’en parlent pas. Dans ce monde, il n’y a pas de dialogue. La règle, c’est “je trahis". "La méfiance à l’égard des hommes, considérés comme "faux", "fourbes", "menteurs", est répandue. Mylène l’exprime avec rage : "Il faudrait leur dire : si vous saviez ce qu’on pense de vous ! A quel point on vous déteste, on vous méprise de nous acheter, pendant qu’on vous appelle ’chéri’ et qu’on vous flatte..."

Beaucoup d’entre elles, beaucoup d’entre eux expriment une véritable révolte : "L’État a l’air de vouloir qu’il y ait des prostituées, il en faut ! Eh bien moi, je l’ai fait ! Je me suis même droguée pour les supporter, tous ces mecs !" Pour elle, "la différence entre les filles de l’Est et nous, c’est qu’elles ont des macs plus dangereux. Mais c’est destructeur pareil. Ce qu’on vit, c’est la même chose". Mylène le vit plus durement encore "En plus, j’ai été volontaire ! Je n’ai jamais eu de revolver sur la tempe ! Quand c’est comme ça, on n’a même pas l’excuse d’avoir été une victime. On a choisi. Mais choisi ou pas, le traumatisme est le même." Et Christine conclut : "Les proxénètes sont des criminels mercantiles, mais les clients sont des voleurs d’âme, des violeurs d’âme."

Notes

1. Les témoignages cités ici ont été publiés dans Prostitution et Société
2. La Vie, 25 janvier 2001.
3. Julie Bindel et Liz Kelly, A Critical Examination of Responses to Prostitution in Four Countries : Victoria/Australia, Ireland, the Netherlands and Sweden, London Metropolitan University, 2003.
4. Biba, mars 2001.
5. " Ce qui fait débat ", présenté par Michel Field, 21 mars 2001.

Extrait de : Claudine Legardinier et Saïd Bouamama,  Les clients de la prostitution - l’enquête, Paris, Presses de la Renaissance, 2006.
Toussaint
Toussaint

Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  Toussaint Lun 9 Déc - 6:35

Encore sur vos amis les "clients".

vendredi 10 février 2012

Prostitution - Le mythe du "bon client"


par Angel K



Les prostitueurs (« clients ») veulent que l’on masse leur ego, et pas seulement leur bite. S’ils aiment fantasmer sur le pouvoir, la force et l’humiliation, ils veulent voir de la peur et de honte dans vos yeux. S’ils imaginent être généreux envers les femmes, ils veulent vous entendre dire que vous aimez être avec eux et parler avec eux. S’ils imaginent être un amant fantastique, eh bien, il faut leur dire : « Yeah baby, j’adore quand tu me fais ça ... mmm, ça me fait tellement de bien ... tu es formidable ... ooh, tu m’as fait jouir à nouveau ... »

Peut-être pas. J’étais toujours étonnée de constater que les prostitueurs que je voyais étaient assez stupides pour s’imaginer que ce qu’ils me faisaient pouvait donner un orgasme à qui que ce soit. Helloooo ! Il est peut-être temps de vous débrancher du porno et de vous débarrasser de l’idée que baiser n’importe quel orifice de mon corps avec quoi que ce soit me rendra extatique. Et puis avez-vous déjà pensé à vous laver le bas-ventre avant de me le pousser dans le visage ? Une simple suggestion, en passant.

Ils veulent parfois être vus comme de bons gars, malgré toutes les preuves du contraire. Ils veulent se différencier du prostitueur moyen, ils ne veulent pas être classés parmi les mésadaptés sexuels, les misogynes et les tordus. « Je ne suis pas un type comme ça ! Les filles m’aiment parce que je les comprends, parce que je leur parle. Les filles m’aiment parce que je suis un bon amant. »

Quelle risée !

Qu’est-ce que vous imaginez, vous voulez qu’on vous donne une putain de médaille parce que vous avez choisi de ne pas être totalement sadique aujourd’hui ? Vous ne m’avez pas crié après ou battu, et alors ? Il n’y a vraiment pas de quoi vous canoniser.

Peut-être que vous m’avez demandé comment ça va ou pourquoi je suis ici, dans un simulacre d’attention délicate (vous ne voulez pas réellement le savoir), pour vous faire sentir mieux. Cela démontre soit de la stupidité de votre part, soit une ignorance délibérée de l’évidence même que tout ce que je vais dire dans ce contexte sera des mensonges à votre avantage, afin d’apaiser le peu de conscience qui vous reste.

Désobéir et rétorquer exposent une prostituée au meurtre, alors je suis forcée de dire ce que vous voulez entendre. Je vais donc vous dire que je suis ici parce que j’adore le sexe, et que j’aime parler avec vous et j’aime être ici, j’aime votre compagnie, j’aime votre bite, et je vais faire semblant que je ne suis pas ici par besoin d’argent pour la drogue, et à cause de l’enfer mental causé par les violences que j’ai subies autrefois. Et vous allez faire semblant de ne pas remarquer mes cicatrices d’auto-agression et l’odeur de l’alcool, et vous allez repartir en vous imaginant que vous avez peut-être réellement amélioré ma journée ! Wow, vous ne m’avez pas flanqué une raclée, merci pour ça !

Si vous vous inquiétiez vraiment de mon mieux-être, vous ne seriez pas ici, vous ne seriez pas un prostitueur. Ce ne sont pas des miettes de pseudo-gentillesse qui vont cacher cela.

Vous continuez à payer pour l’usage de mon corps, vous exigez toujours une performance, vous continuez à violer mon espace et à financer le système qui me détruit, un mensonge à la fois.

Qu’ils désirent consciemment nous faire souffrir ou qu’ils tentent de faire valoir leur expertise sexuelle, les prostitueurs sont les prostitueurs, les gars qui ont le pognon, les gars qui donnent les ordres, ceux qui ont le pouvoir. Ils sont toujours là pour nous baiser, nous utiliser, nous avilir. Ils exigent toujours qu’on leur réponde de la quelconque manière qui les excite, que ce soit la terreur abjecte quand ils nous blessent ou en douce petite fille jouant le jeu « oh que c’est agréable ! » Ils ne veulent pas que vous soyez vous-même - c’est pourquoi ils paient plutôt que d’être avec une amie. Même la fameuse « Girlfriend Experience » (« expérience copine ») consiste à acquiescer à tous leurs caprices.

Bref, ils nous paient pour être moins qu’humaines, pour ne pas avoir de besoins ou de désirs en propre, pour être utilisées à leur guise, pour réagir comme ils le souhaitent, pour dire ce qu’ils veulent, pour faire de notre corps une toile vierge pour leurs fantasmes, si extrêmes soient-ils, en mettant dans notre bouche leurs propres mots. Si quelqu’un nous parle avant de nous baiser, cela ne réduit en rien la violation.

Évidemment, l’omniprésence du porno a pour effet de légitimer la perspective du prostitueur. Le porno leur apprend que les femmes veulent se faire baiser de toutes les façons possibles, si extrêmes ou apparemment douloureuses qu’elles soient. C’est sûr qu’elle va finir par aimer ça, utilisée, abusée et couverte de sperme, souriant à la caméra.

Nous les haïssons et ils nous utilisent, que ce soit plus ou moins brutalement, avec des paroles ou des gestes plus ou moins hard. Une situation perdant-perdant, un tissu de mensonges destiné à masser leur ego, à les faire éjaculer.

En toute honnêteté, je dois reconnaître que je n’en ai jamais rien tiré. Moins que cela, en fait. Cela m’a simplement laissé une surcharge de cicatrices affectives, beaucoup plus lentes à guérir que les cicatrices physiques. Et un désir ardent de remettre les pendules à l’heure pour les prostitueurs. Ils ont besoin de se regarder honnêtement. Un bon prostitueur, ça n’existe pas.

Version originale : « Good john, bad john »

Traduction : Martin Dufresne
Toussaint
Toussaint

Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  Toussaint Lun 9 Déc - 6:43



mercredi 23 février 2005


Lettre ouverte au sous-comité sur le racolage
Il faut étudier l’expérience de la Suède, non seulement celle des Pays-Bas et de l’Australie

par Richard Poulin, sociologue



Le gouvernement canadien a nommé un sous-comité sur le racolage formé de député-es des partis siégeant au Parlement. Ce sous-comité a pour fonction de réfléchir sur les lois concernant la prostitution, notamment les articles 210 à 213 du code criminel. Ces articles touchent aussi bien la tenue d’une maison de débauche, le proxénétisme, le transport des femmes à des fins de prostitution que le racolage sur la voie publique.

Avec les bouleversements actuels, notamment la croissance rapide et importante des industries du sexe, liée à des facteurs propres à la mondialisation, la nécessité d’adapter les lois aux nouvelles réalités se fait pressante. En outre, la signature par le Canada de nouvelles conventions internationales sur les droits des enfants et sur la criminalité transnationale impose des ajustements aux lois canadiennes. Il faut également souligner un autre facteur : les débats publics entre les tenant-es de la décriminalisation totale de la prostitution et les partisan-es favorables à une décriminalisation des activités des personnes prostituées et à un renforcement des lois contre le proxénétisme et les trafiquants, et même à une pénalisation des clients, ont eu une influence importante sur l’opinion publique.

Des questions qui ne sont pas faciles à résoudre

Le sous-comité sur le racolage fait face à des analyses diamétralement opposées : d’un côté, la prostitution est considérée comme un « travail sexuel » et, les lois du travail devraient constituer l’encadrement législatif principal, de l’autre, cette activité est l’un des piliers de l’oppression des femmes et une violence à leur endroit. Pour les partisan-es de l’abolition des règles et de la répression qui pèsent sur les personnes prostituées, les rapports sociaux de domination et d’exploitation y règnent, avec son lot de violence. Pour les tenant-es de la décriminalisation totale, ce sont les conditions d’exercice de la prostitution (clandestinité, opprobre social), qui sont la source de la violence, et non l’exercice lui-même.

Aucun des intervenants publics - groupes de femmes, organisations de « travailleuses du sexe », chercheurs, etc. - considèrent la légalisation, qui est en fait une imposition de règlements supplémentaires sur les personnes prostituées, un contrôle accru de leur activité et une manière commode d’engranger taxes et impôts à leur détriment, comme la voie à suivre. Certes, en 2001, le Bloc québécois proposait une telle perspective, mais cela ne reflète aucunement les prises de position de la société civile.

Les données concordent toutes : la légalisation de la prostitution entraîne une croissance importante de l’activité prostitutionnelle tant légale qu’illégale et provoque une aggravation de la traite des femmes et des enfants à des fins de prostitution. Il en ressort que les conditions d’exercice de la prostitution se dégradent, la violence augmente, la clandestinité croît. Aux Pays-Bas, par exemple, le nombre de personnes prostituées clandestines constituent 70 % des cas ; la prostitution des mineur-es y a connu également une recrudescence : de 1996 à 2001, elle a triplé (de 5 000 à 15 000 enfants).

Appelé comme témoin expert au sous-comité sur le racolage, dont les travaux à l’évidence sont sérieux et menés dans un esprit ouvert, j’ai été surpris d’apprendre par l’un de ses membres qu’un voyage avait été planifié aux Pays-Bas pour examiner sur place sa législation et ses effets sur la société. Il me semble que les membres du sous-comité devraient également, à tout le moins, faire un voyage d’étude en Suède où une expérience différente et novatrice, qui tranche par rapport aux politiques réglementaristes des Pays-Bas, est en cours depuis la fin des années quatre-vingt-dix.

L’expérience suédoise

En 1998, la loi-cadre suédoise, appelée Kvinnofrid, la « Paix (ou Tranquillité) des femmes », a mis en place un ensemble impressionnant de mesures « pour lutter contre les violences envers les femmes, la prostitution et le harcèlement sexuel dans la vie professionnelle ». Elle introduit l’infraction pénale de « violation flagrante de l’intégrité de la femme » qui vise à condamner les violences fréquentes commises par un homme envers une femme, suédoise ou immigrée.

C’est dans ce contexte de lutte contre les violences qu’est adoptée, le 1er janvier 1999, la modification du code pénal relative à la prostitution qui permet de pénaliser les « acheteurs de services sexuels ». Cette pénalisation des « clients » a été assortie de mesures d’accompagnement : une campagne d’affichage rendant visible les 10-13 % de la population masculine qui ont eu, un jour, recours à une personne prostituée a été lancée dans le pays, des programmes de sensibilisation ont été développés à destination des enfants. L’État est maintenant en partie responsable d’aider les femmes à sortir de situations violentes, y compris de la prostitution, et de fournir aux femmes l’accès à des refuges, à un conseil juridique et social, à l’éducation et à la formation professionnelle.

Le dernier sondage montre que 86 % de la population suédoise appuie cette loi. Des groupes organisés par des femmes, qui ont été dans le milieu de la prostitution, aussi bien que des femmes qui tentent d’échapper à ce milieu appuient également la loi.

À Stockholm, le nombre de personnes prostituées de rue a diminué des deux tiers. De même, la traite de femmes vers la Suède a été largement freinée par la loi. Dans le pays voisin, la Finlande, là où comme en Norvège il existe des « camps de viol », on estime entre 15 000 et 17 000 le nombre de personnes victimes chaque année de la traite à des fins de prostitution.

Pour déconsidérer cette expérience, sans jamais citer de sources, on affirme régulièrement que la prostitution « cachée » a augmenté en Suède. Ce qui est pourtant le cas en Allemagne, aux Pays-Bas et en Australie (ce qui est abondamment documenté). Or, les femmes suédoises issues de mouvements et de groupes qui travaillent avec les femmes en situation de prostitution affirment que la loi a un effet dissuasif sur les jeunes qui ne sont pas encore dans la prostitution mais qui sont en risque prostitutionnel. Les centres de services et la police affirment que la loi fonctionne aussi comme un élément de dissuasion pour les hommes qui font usage de femmes dans les bordels, les clubs pornographiques et les agences d’escortes. Des hommes qui occupent des postes haut placés, y compris dans les armées en poste au Kosovo, ont été inculpés pour avoir enfreint la loi, ce qui a lancé un signal dissuasif en direction de tous les milieux. Et les « clients » sont, aujourd’hui, huit fois moins nombreux qu’auparavant.

La pénalisation du meurtre, du viol, de la violence dite conjugale ou du harcèlement sexuel n’a pas fait disparaître ces différentes formes de violence. La loi suédoise n’a pas non plus fait disparaître la prostitution, mais c’est le seul pays qui a vu la prostitution régresser et la traite freiner.

Une décriminalisation de ces violences signifierait que la société les accepte.

L’expérience suédoise mérite une attention toute particulière du sous-comité sur le racolage, car elle offre une alternative à l’expansion débridée des industries du sexe.

* Richard Poulin, est professeur au département de sociologie, à l’Université d’Ottawa, et l’auteur de La mondialisation des industries du sexe (Ottawa, L’Interligne, 2004 ; Paris, Imago, 2005).
Toussaint
Toussaint

Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  Toussaint Lun 9 Déc - 7:50

Décidément vérié est amusant.
Ce n'est donc pas le porno qui créée le sexisme Very Happy  Bien sûr que si, notamment au Moyen Age et au temps des cavernes, je l'ai toujours dit. Very Happy  Vieille tactique que de faire dire des sottises énormes pour défendre sa position, ici celle des prostitueurs, n'en déplaise à Roseau qui vient à la rescousse. En revanche, oui, le porno dans les sociétés patriarcales reflète le sexisme, c'est à dire la haine de genre, et il la transmet, la banalise, la répand en formant, en éduquant des générations entières à des modèles de comportement, de relations entre les sexes dans le sexe.

Le porno ne fait que refléter de façon sans doute souvent caricaturale les conceptions sexistes qui dominent dans cette société. Tu trouveras une même vision de la domination masculine dans bien des films hyper soft et curetons des années cinquante.
Toussaint ni personne n'a jamais dit que le porno est le seul vecteur du sexisme. En revanche, oui, le porno, et les textes des personnes prostituées comme de MV Louis le démontrent, ainsi que les expériences sur le terrain, formate les représentations de ce que doivent être les relations sexuelles. Je me souviens d'un couple de 4ème dont la fille venait me demander de dire à son copain que les filles avaient des poils au sexe et qu'elles n'aimaient pas forcément faire des fellations ou se faire sodomiser, ce qui a bien étonné le gamin qui tirait ses conceptions du porno. C'était en 2003 ou 2004, il y a près de 10 ans...

Toussaint, comme un certain nombre de gens, semble classer les publicités sexistes, telle celle de Benetton (dont je ne me souviens pas) dans le porno.
Toussaint n'a jamais dit un mot sur ce point.

En revanche, oui, le porno exacerbe, selon tes propres mots, et c'est évidemment tout ce que je dis, et tout ce que les textes disent, et si cela a un sens, le porno doit être combattu... Que de transformations alambiquées et de fantasmes pour au bout du compte reprendre du bout des lèvres l'évidence... Un peu d'honnêteté accélérerait les choses. Very Happy Il suffit de lire les expériences citées dans les textes. Ne serait-ce que par l'es images de la femme et la représentation des rapports entre les sexes, le porno doit être combattu. Mais pas pour toi, il ne fait qu'exacerber le sexisme, il t'est donc tolérable et tu ne combattras pas nestor...

Alors, si tu veux faire la chasse aux films et aux pubs sexistes, tu vas avoir du boulot et il y a des places à prendre pour les chômeurs dans les commissions de censure. Il me semble encore une fois que, plutôt de compter sur la répression policière, la censure et les beaux discours (sauf sans doute pour l'apologie du viol, du racisme, de la pédophilie etc), il faut compter sur une transformation de la société et sur l'organisation des femmes et des travailleurs.
Non, je ne propose pas les commissions de censure, mais bien la lutte. Mais la lutte se fait autour de revendications, de demandes précises que l'on n'adresse pas à Dieu, mais bien à l'état. Si vous demandez l'interdiction du racisme, des pubs racistes et des films racistes, vous allez avoir du boulot et il y a des places à prendre pour les chômeurs dans les commissions de censure, etc... Tu désapprouves donc les plaintes en justice contre les racistes et les nazis et je suppose aussi que tu comptes sur une transformation de la société et sur l'organisation des femmes et des travailleurs. Quels cons, ces gens qui font des procès contre les auteurs de propos et de documents racistes, homophobes, sexistes, etc...
Mais je me trompe atrocement...
Je vois que concernant le racisme, tu fais une exception... Mais pas pour le sexisme contre les femmes et la prostitution, la pornographie. J'observe d'ailleurs que tu n'as pas réagi face à nestor, le militant pro-client et pro-porno... Et ceci pour une raison simple, c'est que tu parles de tout cela et de la prostitution en ne la considérant pas comme une violence faite aux femmes. D'où ta tolérance. Il n'est pas question de se battre par la loi contre ce qui n'est que le sexisme ordinaire.

Et c'est bien là que tu choisis ton camp. Car les abolitionnistes et les survivantes de la prostitution, la très grande majorité des personnes prostituées, même celles qui revendiquent leur "choix", considèrent la prostitution et la pornographie (qui n'est sous sa forme de photos et de films que de la prositution filmée, photographiée) comme une violence physique, psychologique, gravement traumatisante pour celles qui se font violenter contre argent ou sous la contrainte.

Quant à ce que tu appelles des "braves gens" sur un registre méprisant, ils luttent. Et ils résistent, ils soutiennent celles qui essaient de survivre, ils écrivent des textes, ils font des projections de films, ils interpellent les pouvoirs publics, ils se battent sur des revendications et ne se résignent pas à attendre les lendemains qui chantent. En bref, ils luttent et construisent des instruments, des cadres d'organisation, de combat, d'éducation populaire. Ils participent autant que toi au moins à la transformation de la société et l'organisation des femmes et des travailleurs. Que tu ne le voies pas te regarde et en dit long sur la façon dont certains courants et de nombreux militants en sont venus à théoriser leur impuissance d'une part, leur sexisme de l'autre en les déguisant sous une arrogance et des propos eschatologiques.

Sur la RCA, je n'ai pas dit que je suis favorable à l'intervention française. Mais si la préoccupation est de sauver des vies, et on a vu ce qui peut se passer, si le but est de ne pas causer plus de souffrances à des populations déjà écrasées par les conséquences du néo colonialisme, alors interdire l'intervention française serait une erreur car cela reviendrait à favoriser des massacres de grande ampleur. Génocide, non, mais en tout cas de très grosses catastrophes et des dizaines de milliers de morts certainement. Mais pour ce qui est des africains, leurs souffrances ne font pas partie de vos équations. Alors que votre refus de la pénalisation des clients s'appuie d'abord sur l'aggravation supposée (présupposée en fait) de la condition et des souffrances des prostituées aux mains des clients et proxénètes. Je suis opposé à l'intervention en Afrique comme je suis pour la pénalisation des clients. Parce que c'est une affaire de principes, tout simplement. Je suis opposé au colonialisme et à toute violence contre les femmes.

Ici, il y a enfin une autre mauvaise foi, celle selon laquelle on ne doit rien demander à l'état. Les orgas syndicales et politiques passent leur temps à le faire. Et les féministes aussi, qui ont obtenu de grandes victoires, par la lutte et ne les conserveront que par la lutte. La liste est trop longue, vérié, renseigne-toi Very Happy , des conquêtes fémnistes passant par des lois, y compris des lois répressives. Oui, la reconnaissance du viol domestique est un acquis, oui la criminalisation du viol est un acquis, oui les lois contre la violence conjugale sont des acquis, et oui, la pénalisation des clients est un acquis, comme la fin du racolage passif. Mais évidemment pas pour ton camp, celui du lobby proxénète et de tous ceux qui refusent de considérer que les clients exercent une violence contre les femmes.
Toussaint
Toussaint

Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  verié2 Lun 9 Déc - 10:21

Toussaint
Encore sur vos amis les "clients".
Comment veux-tu qu'on puisse discuter avec toi, Toussaint ? C'est dommage, car tu dis des choses intéressantes dans divers domaines, tu apportes des infos sur des sujets comme la Colombie, et je te crois sincère et révolté, contrairement à quelqu'un comme Achille, qui ne vise qu'à polémiquer et démolir. Mais j'imagine que ce n'est plus aujourd'hui que tu vas acquérir le sens des nuances...

verié2

Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  Achille Lun 9 Déc - 11:29

verié2 a écrit:
...Toussaint ... tu dis des choses intéressantes dans divers domaines, tu apportes des infos sur des sujets comme la Colombie, et je te crois sincère et révolté, contrairement à quelqu'un comme Achille, qui ne vise qu'à polémiquer et démolir.
Dernière petite manœuvre après avoir épuisé tous les procédés minables pour s'opposer aux féministes, aux associations d'aides aux personnes prostituées et aux abolitionnistes : tenter de diviser ceux qui les défendent dans ce forum contre les clients prostitueurs et contres les militants prostitueurs.
Il se trouve qu'il y a un accord sur cette question avec Toussaint dont je partage totalement les positions et références qui sont à l'opposé des tiennes. Donc inutile de tenter une manœuvre désespérée. Tu ferais bien mieux de changer de camp et de rejoindre le combat féministe et abolitionniste, il n'est jamais trop tard.

Achille

Messages : 2738
Date d'inscription : 24/12/2011

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  sylvestre Lun 9 Déc - 11:32

Thierry Schaffauser : Quel sort réserve t’on aux travailleurSEs du sexe migrantes ?
sylvestre
sylvestre

Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  verié2 Lun 9 Déc - 11:42

sylvestre a écrit:Thierry Schaffauser : Quel sort réserve t’on aux travailleurSEs du sexe migrantes ?
Intéressant car ça montre notamment les limites des effets de la suppression du délit de racolage - qui risque de rester théorique.

verié2

Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  mykha Lun 9 Déc - 12:14

verié2 a écrit:
Toussaint
Encore sur vos amis les "clients".
Comment veux-tu qu'on puisse discuter avec toi, Toussaint ? C'est dommage, car tu dis des choses intéressantes dans divers domaines, tu apportes des infos sur des sujets comme la Colombie, et je te crois sincère et révolté, contrairement à quelqu'un comme Achille, qui ne vise qu'à polémiquer et démolir. Mais j'imagine que ce n'est plus aujourd'hui que tu vas acquérir le sens des nuances...
Désolé, mais il s'agit d'une attaque totalement non fondée vis à vis d'Achille, qui dans ce sujet a amené de nombreux arguments et références.
Comment peux tu en appeler à la nuance et au respect des interlocuteurs avec de telles méthodes qui visent à discréditer, en 2 mots un intervenant qui ne partage pas ton point de vue.
mykha
mykha

Messages : 1079
Date d'inscription : 19/06/2013

Revenir en haut Aller en bas

Prostitution/Travail du sexe - Page 32 Empty Re: Prostitution/Travail du sexe

Message  verié2 Lun 9 Déc - 12:31

Mykha
il s'agit d'une attaque totalement non fondée vis à vis d'Achille, qui dans ce sujet a amené de nombreux arguments et références
Achille a apporté des arguments et des documents, c'est vrai.
Mais, quand on écrit cela me concernant :
Achille
une prise de position en tant que militant prostitueur
On ne peut pas non plus être pris au sérieux, même en prétendant qu'il ne s'agirait pas d'une insulte. C'est à peu près l'équivalent des calomnies des Staliniens qui dénonçaient les Trotskystes comme des agents de l'impérialisme, en prétendant qu'ils faisaient objectivement le jeu de l'impérialisme etc.

Quand quelqu'un émet des doutes comme je l'ai fait, en présentant les aspects éventuellement négatifs d'une loi, avec toutes sortes de nuances, et qu'on le rejette dans "le camp des proxénètes/prostitueurs" etc, soit c'est parce qu'on manque du moindre sens des nuances et qu'on tient plus ou moins systématiquement des propos outranciers, comme Toussaint (qui caractérise par exemple LO comme organisation raciste, entre autres, et prétend que le NPA fait partie du "lobby proxénète"), sans doute pour des raisons de caractère personnel, soit c'est par malhonnêteté et esprit de contradiction comme c'est à mon avis le cas d'Achille, au vu de l'ensemble de ses interventions sur divers sujets.

Même les gens malhonnêtes apportent parfois aussi des arguments et des informations, par exemple le stalinien Leo Figuères dans son pamphlet "Le trotskisme cet anti-léninisme".


Dernière édition par verié2 le Lun 9 Déc - 13:17, édité 1 fois

verié2

Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010

Revenir en haut Aller en bas

Page 32 sur 40 Précédent  1 ... 17 ... 31, 32, 33 ... 36 ... 40  Suivant

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum