Prostitution/Travail du sexe
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Re: Prostitution/Travail du sexe
Tu oublies une chose, Dûhring.
La pénalisation des employeurs de travailleurs clandestins existe DEJA.
A-t-elle fait cesser le travail "au noir"?
La pénalisation des employeurs de travailleurs clandestins existe DEJA.
A-t-elle fait cesser le travail "au noir"?
Rougevert- Messages : 2069
Date d'inscription : 06/04/2012
Re: Prostitution/Travail du sexe
jeudi 28 novembre 2013
Prostitution : une affaire d’hommes ou la fraternité "des salauds"
par Lluís Rabell
Brandissant le mot d’ordre « Ne touchez pas à nos putes », le désormais fameux « Manifeste des 343 salauds » a suscité pas mal d’émoi, aussi bien en France que dans d’autres pays d’Europe. Le texte, qui atteint la hauteur intellectuelle d’un juron de taverne, ne mériterait guère que l’on s’y attarde si ce n’est que, quoique involontairement, il projette une lumière crue sur le débat social à propos de la prostitution. Un débat qui, bien souvent, est abordé sous un angle trompeur.
Le texte en question a tout au moins le mérite de prouver que la prostitution c’est bien une affaire d’hommes. Ni « le métier le plus ancien du monde », ni le « travail sexuel » que nous a révélé la postmodernité, ni la « stratégie de femme » que certains anthropologues ont cru déceler dans la prostitution. Historiquement, la prostitution a surtout été – et demeure plus que jamais sous l’ordre néolibéral du capitalisme mondialisé – un commerce entre hommes. La prostitution ce n’est pas une activité que réalisent ou « exercent » des femmes ; c’est plutôt ce que les hommes font d’elles lorsque, préalablement déshumanisées, objectivées et transformées en marchandise, ils accèdent à leur corps moyennant argent. Le langage courant nous induit en erreur. Les femmes ne « se prostituent » pas ; elles sont prostituées par des hommes. La prostitution fonctionne sur la base d’un continuum de violences, un enchaînement dans lequel des hommes conditionnent un certain nombre de femmes et les mettent à la disposition d’autres hommes.
Mais, à chaque pas, une légion d’irascibles défenseurs de la prostitution, très souvent financés aussi par les puissantes industries du sexe, contestent cette perception des choses. Invoquant une variété kaléidoscopique de situations, ils nous invitent à parler « des prostitutions ». Dénonçant les « abolitionnistes totalitaires », ils brandissent même « le droit des femmes à disposer de leur propre corps ». Tout est permis pour tenter de diluer le rôle déterminant des hommes, présent en amont et jusqu’aux dernières conséquences, dans le commerce sexuel. Ainsi, on nous demande sans cesse de bien distinguer entre prostitution « forcée » et prostitution « libre ». La première, condamnable, ne serait qu’une sorte d’épiphénomène, une réalité malencontreuse qui se produit dans les marges d’un légitime échange marchand – et dont la police, qui poursuit la traite, saura se charger. Les propos de nos 343 « salauds », qui partagent bien entendu cette distinction, nous ramènent cependant au monde des mortels.
Car, faut-il le rappeler, la « liberté de se prostituer » est exercée, dans une écrasante majorité, par des femmes. Et, curieusement aussi, la plupart du temps elles sont pauvres, procèdent de régions et de pays économiquement déprimés, appartiennent à des minorités ethniques ou à des peuples colonisés. Parmi elles sont fréquents les cas d’abus subis pendant l’enfance, ainsi que l’alcoolisme et l’addiction aux drogues. Dans ces conditions-là, l’évocation de la liberté n’a pas beaucoup de sens. Pire, elle ne fait qu’évacuer l’oppression de genre, social et raciale, omniprésente dans l’univers de la prostitution. Eh bien, c’est dans ce sens que les « salauds » certifient que, dans une société avec prostitution, il n’y a pas d’autre liberté que la leur.
Le terme « pute », misogyne par excellence, dont se gargarisent les « salauds » pour parler des femmes prostituées, représente bien plus qu’une insulte ou une grossièreté : c’est l’attribution d’une identité. Dans la fantaisie machiste, la « pute » est un être lubrique, en quelque sorte sous-humain, aussi désirable sexuellement que méprisable socialement. Mais, si nous admettons l’existence institutionnalisée de la prostitution, la « pute » devient la caractérisation de la femme tout court. Sous cette optique, une seule chose fait la différence entre les femmes prostituées et le reste : on connaît le tarif des prostituées, tandis que le prix des autres femmes n’a pas encore été fixé.
La prostitution constitue une pierre de voûte dans la construction de l’identité masculine sous les paramètres de la domination patriarcale – une découverte et une contribution décisive du féminisme à la pensée critique de l’humanité. Les « salauds » nous révèlent cette fonction de la prostitution dans la reproduction de cette domination-là lorsqu’ils revendiquent « leurs putes » indépendamment du fait qu’ils aillent les « voir » avec plus ou moins de fréquence… ou même pas du tout. Il ne s’agit pas, à proprement parler, de sexe – même si le sexe joue évidemment ici le rôle d’un vecteur -, mais bel et bien de pouvoir, de domination sur toutes les femmes. L’existence d’une « réserve » de femmes, sans cesse renouvelée et mise à la disposition du caprice des hommes, consacre donc la prééminence de ceux-ci sur l’ensemble de la société – bien au-delà des politiques en faveur de l’égalité entre les sexes auxquelles cette société puisse adhérer par ailleurs. Le fait que ce privilège est reconnu à tous les hommes contribue puissamment à forger une barbare solidarité virile, la fraternité des « salauds ».
La prostitution pose le débat sur la société dans laquelle nous vivons et sur les rapports humains auxquels nous aspirons. Lorsque, au terme de la sanglante guerre civile américaine, l’esclavage fut définitivement aboli, l’émancipation des populations noires des États du Sud a été fondée sur l’interdiction, faite à tout citoyen, de posséder, acheter ou vendre un autre être humain. Il est urgent d’aborder la question de la prostitution comme un défi de civilisation. Il en va du sort de millions de femmes et d’enfants, violentées et trafiquées dans le monde, justement parce que les « salauds » de la plupart des pays continuent d’exercer leur privilège ancestral. Il en va de la destinée de la démocratie elle-même, car elle ne saurait vraiment exister sur la base d’une pareille inégalité structurelle entre hommes et femmes. Il en va de la libération des femmes et de la nécessaire construction d’une nouvelle identité des hommes, forgée dans le respect et l’empathie et définitivement éloignée de la violence, toujours latente, qui émane d’un pouvoir de droit divin.
L’abolitionnisme féministe a raison lorsqu’il proclame qu’il n’y a pas des « putes », mais des femmes qui se trouvent en situation de prostitution. Des femmes auxquelles il est impératif de restituer leur dignité et leur condition de citoyennes, loin des stigmates qui leur collent à la peau aussi bien que des tentatives d’enchaîner ces femmes-là à une prostitution que certains nous promettent d’aseptiser. Les féministes socialistes suédoises nous l’ont rappelé maintes fois : un crime reste un crime au-delà du – prétendu – consentement de la victime. Il nous faut éduquer et prévenir. Il nous faut combattre les causes de la prostitution et les environnements qui la favorisent, poursuivre l’exploitation et démasquer les industries du sexe.
Mais, que ce soit par la conviction ou par la force de la loi et ses sanctions, il nous faut aussi en finir avec l’arrogance des « salauds ». La prostitution ne fait pas partie des droits de l’homme. Une société démocratique, par contre, se doit de proclamer et de rendre effectif le droit de tout être humain à ne pas être prostitué.
Toussaint- Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010
Re: Prostitution/Travail du sexe
Les femmes étrangères rêveraient-elles de devenir "putes" ?
par Christine Le Doaré
En matière de prostitution, envahissantes sont les tribunes complaisantes écrites par des intellectuel-les ou des artistes appelé-es en renfort par le bruyant lobby de la prostitution.
Mais je crois qu’on peut décerner la palme de la tribune la plus inquiétante à Lilian Mathieu, sociologue et directeur de recherche au CNRS (« Avec le PS, la préférence nationale commencera-t-elle par le tapin ? »), publiée sur Rue89 ce mardi (1).
Associer PS et FN pour défendre le système « prostitueur » : à ma connaissance, personne n’y avait encore pensé.
D’archaïques privilèges masculins
Quelle objectivité peut bien avoir cet auteur sur cette question, alors qu’il tente de démontrer que la proposition de loi abolitionniste (2), déposée par la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, s’apparente à l’idéologie du Front national ?
La loi bientôt à l’Assemblée
La proposition de loi pénalisant les clients a été enregistrée à l’Assemblée jeudi. Dans dix jours, une commission spéciale composée de 70 élus examinera le texte. Préparé et défendu (3) par la député PS de l’Essonne, Maud Olivier, ce texte établit l’entrée dans le Code pénal d’une nouvelle infraction de recours à la prostitution, passible d’une amende (de 1500 à 3000 euros). Il abroge le délit de racolage et comporte des mesures de traque sur Internet et d’accompagnement social des personnes prostituées.
Avec ce texte, les « réglementaristes » sont aux abois et doivent mobiliser leurs allié-es intellectuel-les, people et médiatiques. Dodo, Antoine, Frédéric, Lilian et les autres nous rappellent, les uns après les autres, que des hommes tiennent à leurs archaïques privilèges et s’accrochent dur comme fer, non au « plus vieux métier du monde » mais bien à la plus vieille et la plus sexiste exploitation : la prostitution.
Quelle superbe arnaque patriarcale tout de même que cet esclavage qui a la peau dure !
Il n’y a pas de droit à baiser
Lilian Mathieu sait pourtant qu’il n’y a pas plus de « droit à baiser » que de droit à l’enfant, même en payant. Il sait aussi que cette proposition est un progrès, qu’elle est respectueuse des personnes et qu’elle permettra d’avancer vers l’égalité, de mieux lutter contre le sexisme et les violences sexuelles.
Il sait également que la société tout entière à intérêt à abolir progressivement l’une des violences les plus préjudiciables que la domination masculine ait jamais imposée aux femmes, aux enfants et à quelques hommes.
Il ne peut ignorer que les réglementaristes font très peu de cas des femmes victimes de la prostitution, utilisées mais stigmatisées et méprisées par des générations d’hommes. En Allemagne ou aux Pays-Bas, leurs homologues ont, en légalisant le « travail du sexe », dépénalisé le proxénétisme et laissé les marchés criminels envahir le pays, au point de ne plus pouvoir rien contrôler.
Il sait enfin que les seules personnes combattant vraiment les violences d’un système « prostitueur » qui engrange d’énormes profits criminels sur le dos des femmes, ce sont bien les abolitionnistes. (Ces derniers et dernières militent pour l’interdiction du seul achat d’acte sexuel, mais aussi pour la dépénalisation du racolage – à ne pas confondre avec le régime prohibitionniste, qui interdit toute prostitution et pénalise clients comme prostitué-es.)
Si heureuses sous la coupe des réseaux !
Lilian Mathieu n’a guère d’arguments à opposer aux mesures proposées, mais son intention est ailleurs : il veut discréditer le projet.
Quoi de plus efficace que de prétendre que les prostitué-es venu-es de l’étranger seraient discriminé-es par cette loi, elles si heureuses d’être sous la coupe des réseaux !
Dans cette période politique plutôt trouble, un peu de surenchère populiste devrait passer inaperçue, et l’idéal, pour frapper les esprits, serait tout de même de parvenir à associer PS avec FN.
Premier artifice : jeter le doute sur le pourcentage de femmes étrangères en situation de prostitution (95% annoncés) pour mieux laisser croire que ce serait le ministère de l’Intérieur, motivé par la chasse aux sans papiers, qui aurait initié ce projet.
Je pense que toute la délégation au droit des femmes de l’Assemblée nationale et les abolitionnistes de tout bord vont apprécier cet argument !
Il devrait arpenter les lieux de prostitution
Si Lilian Mathieu arpentait, comme les associations qui s’intéressent aux personnes prostituées, les lieux de prostitution ou les sites de petites annonces Internet, il aurait constaté qu’elles sont dans leur écrasante majorité, et depuis déjà longtemps, des femmes étrangères.
Et que ces dernières sont exploitées par un proche ou un réseau, induites en erreur et conduites sur les lieux de prostitution pour exercer un moment avant d’être déplacées ailleurs. Que ce pourcentage soit de 85%, 90% ou 95% n’y change pas grand-chose.
Ensuite, il tente de réfuter l’évidence : l’oppression et l’exploitation des femmes ne relèveraient pas, selon lui, de la domination masculine. Vous l’ignoriez peut-être, mais les femmes étrangères prostituées sont venues s’échouer sur nos trottoirs de leur propre chef ! Contrairement aux hommes, qui rêvent de devenir géomètres, maçons, profs ou kinés, les femmes étrangères, elles, rêvent de devenir « putes ».
Les macs, les réseaux, la traite... : tout ça n’existe pas, pur fantasme féministe que ce système prostitueur !
Le patriarcat doit beaucoup à Lilian Mathieu
Pas de doute, Lilian Mathieu est un sociologue auquel le patriarcat doit beaucoup.
Au passage, il feint – c’est pratique – d’ignorer les différences entre les régimes réglementariste, abolitionniste et prohibitionniste. Surtout, il passe sous silence les mérites de l’abolition, qui, en inversant la charge pénale sur les clients, aide les prostitué-es à se défendre contre des clients violents. Les mesures d’éducation et de responsabilisation des clients aident à accéder progressivement à l’égalité et à une autre conception des relations entre femmes et hommes.
Malgré tout, Lilian Mathieu est contraint de reconnaître que le projet propose des mesures sociales aux personnes prostituées. Cette partie de la tribune est cependant embrouillée à dessein.
Selon lui, le fait de sortir des réseaux, de bénéficier d’une régularisation et de pouvoir exercer une autre activité constituerait une sévère injustice : ces pauvres femmes étrangères ne pourraient plus se prostituer, contrairement aux Françaises !
Mais dans quel monde vit donc Lilian Mathieu ?
Imagine-t-il vraiment que les femmes prisonnières de proxénètes ou de réseaux mafieux qui les exploitent choisiront de rester dans cette prison ? Sait-il ce qu’est un camp de dressage ? A-t-il la moindre idée des menaces qui pèsent sur ces femmes, qui s’acquittent le plus souvent d’une dette et dont la famille est menacée de mort au pays ?
Pense-t-il que les femmes françaises s’éclatent dans la prostitution ? Ignore-t-il que la plupart d’entre elles ont vécu des violences sexuelles ? Que des rapports sexuels répétés et sans aucun désir, la peur au ventre, occasionnent d’innombrables douleurs physiques et psychologiques ? Que toutes les femmes pour se prostituer se réfugient dans la dissociation ? (4)
Doute-t-il vraiment que l’écrasante majorité d’entre elles souhaite en sortir et ne plus jamais en entendre parler ? Les femmes doivent être de bien étranges créatures pour Lilian Mathieu !
La sexualité ne peut être soumise aux marchés financiers. L’esclavage sexuel, ni dans la conjugalité, ni dans la prostitution, n’est plus admissible. Enfin, le principe d’indisponibilité du corps humain doit être réaffirmé. Même le libéralisme ne peut tout vendre et tout acheter.
Il n’y a donc pas de « marché du sexe », ni de « travailleurs du sexe », mais un privilège patriarcal qui, à terme, disparaîtra, et des personnes victimes d’une exploitation et de violences sexuelles que cette proposition de loi vise à protéger.
Ces femmes ont été trompées, elles sont captives
Certes des femmes « françaises », dont beaucoup sont pauvres et « racisées », pourront continuer de se prostituer si elles le souhaitent, de moins en moins nombreuses et de moins en moins longtemps, nous l’espérons. Mais ce n’est en rien un privilège, et nous verrons bien combien feront le choix de continuer, alors que des alternatives et des aides leur seront proposées.
Quant aux femmes étrangères, si elles y sont encouragées, il y a fort à parier qu’elles dénonceront leur réseau et choisiront une alternative à la prostitution.
C’est bien mal connaître la réalité de la prostitution que de prétendre le contraire. Ces femmes ne sont pas venues sur nos trottoirs de leur plein gré, elles ont été trompées, elles sont captives (leurs papiers leur sont retirés), elles subissent des violences.
Ce texte démagogique et emprunt de populisme, produit par un sociologue censé encadrer des travaux de recherche, est inquiétant. Un sociologue n’est-il pas au moins supposé questionner les idées reçues sur la sexualité, les rapports sociaux de sexe, la domination masculine ?
Un bel exemple de supercherie intellectuelle
Le projet abolitionniste est un projet d’émancipation qui relève de la défense des droits humains et en particulier des droits des femmes ; défendre de manière aussi consternante un système d’exploitation et de domination qui a fait son temps n’honore pas l’université française.
Enfin, comme une cerise qui aurait eu le temps de pourrir sur un gâteau bien rassis, la chute de ce texte dangereux tombe. Les mesures proposées reviendraient « à appliquer sur le “ marché du sexe ”, la revendication du Front national : la préférence nationale réservant aux seuls nationaux une activité fermée aux étrangers » !
Oui, oui, vous avez bien lu ! Voilà ce qu’écrit un universitaire sollicité par le lobby pro-prostitution. Un bel exemple de supercherie intellectuelle.
Toussaint- Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010
Re: Prostitution/Travail du sexe
http://www.liberation.fr/societe/2012/06/25/abolition-de-la-prostitution-une-position-purement-morale_828992
J'ai du mal à trouver une identité parfaite entre ce que l'article dit de Lilian Mathieu et les propos réels de Lilian Mathieu à Libération.
Ou alors il tient un double discours!
Quant à la tribune publiée sur Rue 89, la voilà:
http://www.rue89.com/2013/10/08/prostitution-ps-reprend-preference-nationale-chere-fn-246404
J'ai du mal à trouver une identité parfaite entre ce que l'article dit de Lilian Mathieu et les propos réels de Lilian Mathieu à Libération.
Ou alors il tient un double discours!
Quant à la tribune publiée sur Rue 89, la voilà:
http://www.rue89.com/2013/10/08/prostitution-ps-reprend-preference-nationale-chere-fn-246404
Rougevert- Messages : 2069
Date d'inscription : 06/04/2012
Re: Prostitution/Travail du sexe
Merci pour cet excellent texte de Lluís Rabell https://forummarxiste.forum-actif.net/t860p735-prostitution-travail-du-sexe#79755
Achille- Messages : 2738
Date d'inscription : 24/12/2011
Re: Prostitution/Travail du sexe
Faussement ingénue ta question ? Depuis quand de manière absolue la pénalisation d'un délit empêche le délit ? La pénalisation du viol empêche t'elle le viol ? La pénalisation des marchands de sommeil empêche t'elle certains de continuer à pratiquer cette saloperie ? Et pourtant, viendrait-il à l'esprit de quiconque de dépénaliser ces délits ? Toi par exemple ? Il est toujours plus facile de questionner sur le retard des trains que sur ceux qui arrivent à l'heure. Combien de viols et de drames liés aux marchands de sommeil a t'on évité depuis que ces faits sont devenus délictueux ? Je suis désolé dete déniaiser pour t'apprendre que dans une société, n'importe quelle société, la répression sera toujours un instrument ultime mais nécessaire, il en va ainsi pour un Etat sur la voie du socialisme de la répression contre la bourgeoisie, de la répression de classe, de la répression contre l'exploitation contre toutes les formes d'exploitation.Rougevert a écrit:Tu oublies une chose, Dûhring.
La pénalisation des employeurs de travailleurs clandestins existe DEJA.
A-t-elle fait cesser le travail "au noir"?
Pour la pénalisation des clients de la prostitution, nous pourrons apprécier dans quelques années son bilan ... d'ici là Rougevert pourra continuer à se perdre en conjecture.
Eugene Duhring- Messages : 1705
Date d'inscription : 22/09/2011
Re: Prostitution/Travail du sexe
Mais il n'y a pas a attendre "quelques années". Il suffit de s'informer "objectivement" sur le bilan de la prostitution en suède : dans un prmier temps, le bilan était "trés favorable" : les prostituées suédoises ont été priées d'exercer leur talent en urss, en norvége ou en finlande... Trés loins des "braves gens". Mais maintenant, on sait que la prostitution est "moins visible". "Plus cachée", sans doute. Et que les réseaux de prostitueurs sont encore plus puissants, car seuls eux sont capable de "sécuriser" vis a vis des "clients"...Pour la pénalisation des clients de la prostitution, nous pourrons apprécier dans quelques années son bilan ... d'ici là Rougevert pourra continuer à se perdre en conjecture
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Re: Prostitution/Travail du sexe
La loi est passé : elle a tout lieu de contenter les républicains, les pères sévéres, les curés (et les imams). Nous verrons bien le bilan de ces fameuses lois vis a vis des principales victimes, les prostituées... Je sais que ce genre de démarche fait rire Toussaint. Mais malheureusement, je n''en connais pas d'autre.
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Re: Prostitution/Travail du sexe
T'as oublié les rabbins et les pasteurs. Et puis il manque encore les fachos .. ah bin non ils ont adopté la même position que Menvussa et cie sur ce forum : contre la pénalisation des clients. Puis-je me permettre de faire un raccourci miroir du tien ? Par exemple vous assimiler au FN et aux autres réactionnaires de l'UMP ?gérard menvussa a écrit:La loi est passé : elle a tout lieu de contenter les républicains, les pères sévéres, les curés (et les imams). Nous verrons bien le bilan de ces fameuses lois vis a vis des principales victimes, les prostituées... Je sais que ce genre de démarche fait rire Toussaint. Mais malheureusement, je n''en connais pas d'autre.
Le détail du vote
Parmi ceux qui ont voté pour le texte, on recensait 238 socialistes, 11 UMP dont l'auteur du texte Guy Geoffroy ou NKM, 4 UDI et 4 écologistes, 6 Front de gauche.
Parmi les opposants au texte se trouvent 5 socialistes, 101 UMP, 9 UDI, 12 écologistes, 7 RRDP, les 2 députés FN et 2 députés non-inscrits.
Parmi les abstentionnistes, on trouve Daniel Vaillant (PS), François Fillon, Valérie Pécresse et Christian Jacob (UMP).
Eugene Duhring- Messages : 1705
Date d'inscription : 22/09/2011
Re: Prostitution/Travail du sexe
Ce seul argument montre une seule chose : tu ne sais rien de ce que tu discutes (et si il n'y avait que la !) : le fn est d'abord contre cette loi parce quelle accorde six mois de résidence aux prostituées qui voudraient "sortir de la carriére". Or c'est un des deux points qui me semblent positif dans cette loi (avec la dépénalisation du délis de raccolage) bien que manifestement insuffisant.ah bin non ils ont adopté la même position que Menvussa et cie sur ce forum : contre la pénalisation des clients. Puis-je me permettre de faire un raccourci miroir du tien ? Par exemple vous assimiler au FN et aux autres réactionnaires de l'UMP ?
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Re: Prostitution/Travail du sexe
Hé oui, ma question est faussement ingénue.
Et je crains que les conséquences ne soient bien plus rapides que tu feins de le croire.
Je te rappelle que tu as écrit ceci, à quoi je te renvoie
C'est de l'hypocrisie bourgeoise.
Nous sommes d'accord: la pénalisation de l'emploi de travailleurs clandestins n'a pas fait cesser le travail clandestin.
Mais jamais la loi n'a prétendu l'abolir: simplement le combattre.
Le principe moral nous plait, mais la pénalisation ne nous aide pas dans le combat pour l'égalité des droits et la légalisation des sans papiers.
Nous ne luttons pas en recherchant les patrons délinquants. Ce n'est jamais mis en avant.
Pour une bonne raison: leurs patrons arrêtés, les employés sont "interpelés" eux aussi par la police et expulsables.
Les inspecteurs du travail sont en nombre ridiculement insuffisants et tout est sous contrôle de la police.
Le cas de la prostitution est particulier: moins elle est publique, plus elle est dangereuse pour ses victimes.
Cetrte réformette d'opérette prétend ABOLIR la prostitution.
Comme tu le dis pénaliser ne fera pas cesser le délit.
Je ne comprends pas la division actuelle.
Elle opposerait des abolitionnistes, soutenant la loi (et aussi le Capital) et des salauds complices des proxénètes et des clients.
Qui peut croire que cette loi, simplement parce qu'elle pénalise les clients, va abolir la prostitution ?
Elle contient des dispositions sur lesquelles on peut certes s'appuyer : le client est désigné comme responsable de la prostitution.
Son argent, sa demande développent l'offre.
Mais tout le monde le sait déjà; même eux.
Le comportement des clients est le plus souvent furtif et honteux.
Le fait que ce soit inscrit dans la loi n'évite pas un paradoxe qui empêche les gens de penser sans tourner en rond (certains adorent, apparemment).
Il devient illégal d'acheter une chose dont l'offre n'est pas interdite (comme le dit A JUSTE TITRE Lilian Mathieu).
On revient à l'hypocrisie bourgeoise.
On SAIT que ça va continuer, que ça va rendre plus dangereuse encore la prostitution, avec des clients et des proxénètes sous pression et bien décidés à continuer et à violer la loi.
Mais ce qui compte, ce n'est pas ça, c'est juste que le mot "abolition" soit prononcé et que ça fasse "avancer" la cause des femmes.
Celle des femmes prostituées, c'est moins sûr.
Dans les partisans de cette loi, on retrouve ceux qui ne veulent pas toucher au système...CAPITALISTE dont le fonctionnement produit la misère, le chômage et la précarité qui alimentent (comme l'argent des clients) la prostitution.
Bande de tartuffes, je vous emm...
A la suite de...Lénine, que Mykha me laisse, curieusement, alors qu'il fait le ménage sur son avatar...
Et je crains que les conséquences ne soient bien plus rapides que tu feins de le croire.
Je te rappelle que tu as écrit ceci, à quoi je te renvoie
Il ne s'agit pas seulement de pénaliser les clients, mais de prétendre ABOLIR la prostitution.Eugene Duhring a écrit:(...)
Sur la pénalisation des employeurs de travailleurs au noir, il ne viendrait à l'esprit de personne (sur ce forum aussi j'espère) de s'y opposer au motif que cela laisse les rapports d'exploitation capitaliste intacte, que cette main d'oeuvre va être marginalisée ou partir vers des cieux plus cléments au regard du code du travail et de son application, au regard aussi qu'il n'y a pas obtention d'un permis de séjour.
Sur ces deux exemples, on peut prendre le même parti que pour le refus de la pénalisation des clients, les arguments sont rigoureusement les mêmes : "nous sommes du côté des exploités, nous pensons que la loi ne règlera pas tous les problèmes, nous estimons que cette loi risque d'empirer les conditions de vie de ces exploités, en conséquence nous sommes opposés à la pénalisation des exploiteurs ... de tous les exploiteurs en généralisant".
Toutefois, sur ce forum s'exprime une opinion légèrement différente notamment chez Sylvestre et quelques autres forumeurs, qui est celle de la prostitution règlementée au même titre que n'importe quelle activité salariée ; la pénalisation des clients ayant donc une relation de frein à cette libre exploitation. Ce qui a pour conséquence de brouiller le débat et d'avoir des discussions disons ... pénibles.
C'est de l'hypocrisie bourgeoise.
Nous sommes d'accord: la pénalisation de l'emploi de travailleurs clandestins n'a pas fait cesser le travail clandestin.
Mais jamais la loi n'a prétendu l'abolir: simplement le combattre.
Le principe moral nous plait, mais la pénalisation ne nous aide pas dans le combat pour l'égalité des droits et la légalisation des sans papiers.
Nous ne luttons pas en recherchant les patrons délinquants. Ce n'est jamais mis en avant.
Pour une bonne raison: leurs patrons arrêtés, les employés sont "interpelés" eux aussi par la police et expulsables.
Les inspecteurs du travail sont en nombre ridiculement insuffisants et tout est sous contrôle de la police.
Le cas de la prostitution est particulier: moins elle est publique, plus elle est dangereuse pour ses victimes.
Cetrte réformette d'opérette prétend ABOLIR la prostitution.
Comme tu le dis pénaliser ne fera pas cesser le délit.
Je ne comprends pas la division actuelle.
Elle opposerait des abolitionnistes, soutenant la loi (et aussi le Capital) et des salauds complices des proxénètes et des clients.
Qui peut croire que cette loi, simplement parce qu'elle pénalise les clients, va abolir la prostitution ?
Elle contient des dispositions sur lesquelles on peut certes s'appuyer : le client est désigné comme responsable de la prostitution.
Son argent, sa demande développent l'offre.
Mais tout le monde le sait déjà; même eux.
Le comportement des clients est le plus souvent furtif et honteux.
Le fait que ce soit inscrit dans la loi n'évite pas un paradoxe qui empêche les gens de penser sans tourner en rond (certains adorent, apparemment).
Il devient illégal d'acheter une chose dont l'offre n'est pas interdite (comme le dit A JUSTE TITRE Lilian Mathieu).
On revient à l'hypocrisie bourgeoise.
On SAIT que ça va continuer, que ça va rendre plus dangereuse encore la prostitution, avec des clients et des proxénètes sous pression et bien décidés à continuer et à violer la loi.
Mais ce qui compte, ce n'est pas ça, c'est juste que le mot "abolition" soit prononcé et que ça fasse "avancer" la cause des femmes.
Celle des femmes prostituées, c'est moins sûr.
Dans les partisans de cette loi, on retrouve ceux qui ne veulent pas toucher au système...CAPITALISTE dont le fonctionnement produit la misère, le chômage et la précarité qui alimentent (comme l'argent des clients) la prostitution.
Bande de tartuffes, je vous emm...
A la suite de...Lénine, que Mykha me laisse, curieusement, alors qu'il fait le ménage sur son avatar...
Rougevert- Messages : 2069
Date d'inscription : 06/04/2012
Re: Prostitution/Travail du sexe
La prostitution, parlons-en ! Arguments et contre-arguments.
Voici en traduction française la première partie d’une brochure que des féministes norvégiennes ont préparée à l’intention des personnes qui désirent comprendre les arguments et contre-arguments du débat sur la prostitution.
jeudi 1er août 2013
La prostitution, sexualisation du pouvoir
Arguments et contre-arguments
par le Front des Norvégiennes Kvinnefronten
Sommaire de la brochure
Présentation
Parlons de la prostitution
Rien n’est possible ?
Différentes sortes de prostitution
Nous et elles
La prostitution comme ‘travail du sexe’
Un libre choix ?
Les besoins des hommes
Le patriarcat
La législation
Stigmatisation des victimes, victimes et putains
La morale, de quoi parle-t-on ?
La sexualité
Postface
D’autres lectures
PRÉSENTATION
Avez-vous déjà eu l’impression de perdre pied dans une discussion sur la prostitution qui ne menait à rien ? L’impression de manquer d’arguments ? C’est une expérience que beaucoup d’entre nous connaissent.
Les discussions sur la prostitution tendent à ramener en surface des émotions fortes. Nous sommes beaucoup à trouver que c’est un sujet lourd, dans la mesure où la prostitution nous rejoint toutes et tous à un niveau personnel : elle concerne notre sexualité, notre perception de nous-mêmes et notre regard sur les autres. C’est pourquoi il est si important de nous soutenir ! En y réfléchissant ensemble, il est plus facile d’argumenter ensuite.
Des arguments qu’on entend souvent
Nous tentons avec cette brochure de regrouper les arguments les plus souvent entendus au sujet de la prostitution, dans l’espoir de vous aider à mener ces discussions. Mais souvenez-vous que vous conservez toujours le droit à votre opinion personnelle – même quand les mots vous manquent !
Aussi, ne croyez pas qu’il vous faut ‘gagner’ dans une discussion. La plupart des gens ne seront pas convaincu-e-s de cette façon. Avant de changer d’avis sur une question ou une autre, il nous faut d’habitude plusieurs échanges étalés dans le temps pour soupeser les arguments des autres.
C’est pourquoi il est important d’avoir souvent ces brefs échanges au quotidien.
Bonne chance, donc, et ne vous découragez pas !
Parlons de la prostitution
Le commerce du sexe n’a rien de nouveau. Il s’inscrit dans une longue histoire des diverses formes de violence et d’exploitation sexuelle, surtout envers les femmes et les enfants.
Mais le commerce du sexe a aussi évolué, comme le commerce en général. Tout dans le monde étant aujourd’hui industrialisé, le commerce du sexe est lui aussi devenu une industrie – une entreprise mondiale qui rapporte des milliards ; elle est en partie légale, mais souvent gérée par des organisations criminelles.
Aujourd’hui le commerce du sexe est l’une des industries des plus énormes et des plus lucratives au monde. Elle comprend la prostitution de rue, les bordels, les ‘salons de massage’, les clubs de strip-tease, la traite de personnes à des fins sexuelles, les lignes téléphoniques érotiques, la pornographie impliquant des enfants ou des adultes, l’achat d’épouses par correspondance et le ‘tourisme sexuel’ – pour ne citer qu’une partie des exemples les plus courants.
Oppression des femmes
Cette oppression est utile à garder à l’esprit quand on voit la façon dont certains propagandistes tentent de donner un vernis ‘glamour’ à la prostitution, la décrivant comme une activité sexuellement ‘libérée’, ou même comme un « droit des femmes à faire ce qu’elles veulent de leur corps » – un message amplement véhiculé dans les magazines, à la télé et sur Internet.
Ces chantres de la prostitution en parlent souvent comme si elle ne concernait qu’une femme et un homme individuels, à ce moment particulier, comme s’il et elle étaient isolés de tout et de tout le monde - bref, comme si la prostitution se produisait dans le vide, qu’elle n’était pas affectée par les normes de genre de la société et les structures de pouvoir constituant ce genre. Ils ne voient pas, ou ne veulent pas voir que la prostitution constitue une sexualisation du pouvoir. Un pouvoir basé sur le genre, un pouvoir basé sur la classe sociale, un pouvoir basé sur l’ethnicité.
Comme toutes choses, la prostitution s’inscrit dans un contexte. Et à son tour, la prostitution affecte la société, et notamment sa vision du genre.
Une tradition sexuelle puritaine
La prostitution tire son origine d’une tradition sexuelle puritaine, dans laquelle seule comptait la sexualité masculine. L’épouse, comme la « putain », étaient censées être à la disposition de l’homme hétérosexuel.
Le pré-requis de la prostitution, c’est la supposition que la personne que l’on prostitue ne veut pas avoir la relation sexuelle en cause. La prostitution est centrée sur la sexualité de l’acheteur. Celui-ci commande et paye ce qu’il veut faire, ou qu’on lui fasse. Il paye la personne prostituée pour qu’elle annihile sa propre sexualité. La raison même pour laquelle celle qui est prostituée obtient de l’argent, c’est que le ‘rapport sexuel’ qui a lieu dans la prostitution est exclusivement défini par l’acheteur.
Délinquants-prostitueurs et apologistes d’une prostitution-glamour
Pour parler des acheteurs de la prostitution nous écrirons occasionnellement « les michetons ». En général, pourtant, nous nous référerons à eux comme étant des « prostitueurs-délinquants ». Nous faisons ce choix pour souligner leur ressemblance avec d’autres délinquants sexuels. Nous ne voulons pas minimiser la gravité de ce qu’ils font.
Quant aux personnes qui banalisent et ‘glamourisent’ la prostitution et ses conséquences, et qui la décrivent comme du ‘travail du sexe’, nous les nommons conformément à leur activité réelle : celle d’apologistes de la prostitution.
Des hommes achètent des femmes
Nous employons aussi les mots « hommes » quand nous parlons des acheteurs, et « femmes » quand nous parlons de celles que l’on prostitue. Nous le faisons puisque, manifestement, la forme la plus courante de prostitution, en Suède comme dans le reste du monde, est l’achat de femmes par des hommes .
Il est difficile de savoir dans quelle mesure ils achètent aussi des enfants, parce qu’une part importante de la prostitution consiste en l’achat par des hommes d’adolescentes – qui ne sont généralement pas considérées comme des enfants, bien qu’elles le soient en fait.
Les hommes qui achètent des hommes sont de loin beaucoup moins nombreux, mais cette forme de prostitution vient en deuxième position. Dans ce cas de figure, il est tout aussi courant que les hommes achètent des enfants ou des adolescents. Enfin, l’achat d’hommes par des femmes est nettement moins courant ; et la forme de prostitution la plus exceptionnelle est l’achat de femmes par d’autres femmes. Mais toutes ces variantes existent.
Et nous sommes contre la prostitution sous toutes ses formes.
La plupart des hommes ne sont pas des délinquants-prostitueurs
Le fait d’appeler les délinquants-prostitueurs des « hommes » ne signifie aucunement, toutefois, que nous croyons que tous les hommes sont, ou souhaiteraient devenir, des délinquants-prostitueurs. Des études menées en Suède évaluent à un homme sur douze la proportion d’hommes à avoir prostitué des femmes. Cela signifie que la plupart des hommes ne sont pas des délinquants-prostitueurs.
Malgré cela, il y a vraiment trop peu d’hommes à s’opposer activement à la prostitution quand il leur arrive d’être entre amis ou collègues masculins.
Poursuivons la discussion
Quant à vous qui, au contraire, voulez avoir cette discussion, mais sentez que vous avez besoin de bonnes bases, vous trouverez, nous l’espérons, quelques bons points à faire valoir parmi les 49 arguments que nous avons assemblés dans ce texte !
LES ARGUMENTS COMMENCENT ICI !
On ne peut donc rien faire ?
Notre époque dit volontiers que rien ne vous est impossible en tant qu’individu-e-s ; mais dès qu’il est question de changements politiques, les gens vous disent soudain que l’on ne peut rien faire.
Comme si les choses étaient tout simplement comme ça. Comme si le « statu quo », la façon dont sont les choses actuellement, était le seul scénario possible – parce que c’est la nature humaine, parce que le marché l’exige, à cause de la mondialisation, ou pour quelque autre raison, selon l’occasion. Le monde est décrit comme prédestiné et impossible à changer.
Mais bien sûr, ce n’est pas vrai. Il y a presque toujours des alternatives. On peut changer le monde aujourd’hui comme on l’a toujours fait. L’histoire ne s’arrête pas aujourd’hui.
C’est pourquoi il convient de garder à l’esprit que ceux qui clament qu’une chose est immuable sont souvent ceux qui ne veulent pas qu’elle change.
Ce qui est important, c’est ce que vous voulez changer. Bien sûr, vous aurez sans doute besoin d’autres personnes qui veulent se battre pour la même chose que vous, si vous voulez réussir à changer quoi que ce soit. Mais c’est possible !
Puisque nous ne cessons d’entendre le contraire, il pourrait être utile de garder constamment à l’esprit que le monde est transformable, et que chacune et chacun de nous peut faire quelque chose en ce sens !
1. La prostitution a toujours existé (Sous-entendu : et donc elle existera toujours)
L’ESCLAVAGE aussi « a toujours existé », est-ce que cela le justifie ? Et si le cancer de la prostate a toujours existé, cela signifie-t-il que nous devions cesser de le traiter ? Le meurtre « a toujours existé », etc...
La question est de savoir si nous trouvons cela acceptable ou non. Et si nous ne trouvons pas cela correct, il est temps de penser à ce que nous pouvons faire pour changer les choses.
PAR LE PASSÉ, il était courant de battre les enfants pour leur inculquer la discipline. Grâce à la loi suédoise contre les violences envers les enfants, entre autres, beaucoup moins de Suédois-es battent leurs enfants de nos jours. Les gens ont changé leur façon de considérer les punitions corporelles. La violence contre les enfants existe toujours, mais plus il y a d’enfants qui échappent à cette souffrance, mieux cela vaut, n’est-ce pas ?
C’est ainsi que nous considérons la prostitution, le viol et la violence infligée aux femmes ; les lois ne peuvent pas faire disparaître l’oppression des femmes, mais elles peuvent avoir parfois une certaine efficacité. Moins il y a de femmes qui doivent souffrir, mieux c’est, n’est-ce pas ?
OU ALORS, ÊTES-VOUS EN TRAIN DE DIRE que les hommes hétérosexuels ont une tendance biologique ou génétique à exploiter sexuellement les femmes plutôt que de rechercher avec elles des échanges sexuels réciproques (ponctuels ou sur le long terme) ? Pour ma part, je n’ai pas une vision aussi pessimiste des hommes.
2. C’est le plus vieux métier du monde.
La prostitution n’est pas le plus vieux métier du monde, puisque la prostitution est une oppression. Si la prostitution était vraiment aussi ancienne que vous le dites, ce serait une des plus anciennes formes de violence sexualisée des hommes contre les femmes. Le plus vieux métier du monde, ce serait plutôt celui de chamane, chasseresse ou fermier. Ou, selon certaines, celui de sage-femme.
CHAQUE JOUR ET À CHAQUE MINUTE, d’innombrables femmes et enfants souffrent dans la prostitution. Le fait de minimiser leur souffrance en disant que « ça a toujours existé » ou que « c’est le plus vieux métier du monde » discrédite et banalise cette souffrance. C’est aussi une manière facile d’évacuer le problème et d’annoncer ‘Je ne ferai rien’ ».
À MES YEUX, il me semble plus probable que ce commentaire sur « le plus vieux métier du monde » est en réalité la plus vieille excuse du monde.
Y a-t-il ou non différentes sortes de prostitution ?
Certain-e-s parlent de la traite des personnes comme s’il s’agissait de quelque chose de complètement distinct de toutes les autres formes de prostitution. Mais les différentes formes de prostitution sont toutes basées sur le même principe : celui de l’achat par le prostitueur-délinquant de l’accès sexuel au corps d’une autre personne – pour l’utiliser de la façon pour laquelle il a payé.
L’acheteur est la base de toute prostitution. La prostitution existe parce que les délinquants-prostitueurs ont borné leur sexualité à une consommation à sens unique. Ils réclament le droit d’utiliser d’autres personnes, dont les besoins et les désirs sexuels sont ‘effacés’ par le paiement du délinquant.
Et toutes les formes de prostitution ont les mêmes effets sur le regard que la société porte sur l’ensemble des femmes.
3. Évidemment, je suis contre la traite – mais la prostitution ordinaire, c’est autre chose.
Comment cela ? Bien sûr, il y a des variations infinies – depuis le fait de recevoir ‘seulement’ quelques délinquants-prostitueurs par mois (dans quelque hôtel de luxe, peut-être), jusqu’à celles qui sont obligées de recevoir 15 michetons chaque nuit dans un bordel géré par un mac trafiquant – avec une foule de degrés entre ces deux situations. Mais le fait que le degré de souffrance ou de coercition varie ne change pas le phénomène lui-même : toute la prostitution demeure basée sur l’achat de l’accès sexuel à une personne et de son utilisation par un prostitueur-délinquant.
Le phénomène même de la prostitution est basé sur le principe que la personne qui satisfait le prostitueur-délinquant ne veut pas de sexe avec lui.
Le prostitueur-délinquant impose sa propre sexualité à quelqu’un d’autre, (mais il achète le fait de rester libre de toute responsabilité).
Voilà ce qu’est la prostitution.
4. Les filles sont piégées par la traite, mais en prostitution ordinaire, ce sont elles qui choisissent.
Non, ce n’est pas aussi simple. Cela se passe sûrement comme ça pour certaines femmes, piégées par les trafiquants qui leur promettent d’agréables emplois dans des bars ou ce type d’activité, mais d’autres savent qu’elles entrent dans la prostitution - même si on les piège souvent en leur mentant sur la cadence à laquelle on va les utiliser et sur les montants qu’elles gagneront. Mais beaucoup de filles sont aussi piégées dans la prostitution ‘ordinaire’.
De sorte que la distinction que vous faites n’existe pas vraiment.
De plus, l’idée du ‘libre choix’ est loin d’être aussi simple non plus.
5. La traite des personnes pour le travail est un problème bien pire ; la traite à des fins sexuelles est moins répandue.
Non, c’est un mythe. Bien entendu, on ne peut connaître les chiffres exacts, mais un rapport rédigé à l’ONU en 2009 indique qu’environ 79% de l’ensemble de la traite des personnes l’est à des fins sexuelles. Ce rapport couvre 155 pays.
Pour les victimes, la traite de personnes à des fins sexuelles peut inclure l’isolement forcé, les menaces, les humiliations, la violence psychologique, la manipulation, les coups, le viol, la torture et des agressions quotidiennes. Cette violence entraîne des dommages psychologiques et physiques, et peut progresser jusqu’au meurtre.
Ce qui rend surtout la prostitution – et particulièrement la traite – difficiles à vivre pour les victimes est la répétition constante de ces violences, par opposition à la souffrance d’une expérience traumatisante unique.
6. La plupart des hommes ne veulent pas réellement acheter du sexe d’une femme qui n’est pas intéressée.
Il y a une différence entre ce qu’ils disent et ce qu’ils font. Croire que les hommes ne veulent pas ‘acheter du sexe’ d’une personne qui est forcée à se prostituer est bien naïf, dit Natasja Tenjeva, une Russe qui a été victime de la traite des personnes en Suède. « Les hommes fermaient simplement les yeux sur ma détresse, dit-elle, parce que c’était plus facile. Parce que, s’ils avaient été forcés de prendre conscience de la souffrance qu’ils causaient par leurs actions, ils auraient aussi dû admettre leur culpabilité. »
Certaines victimes de la traite en ont témoigné : elles ont dit à leurs acheteurs avant la ‘passe’ qu’elles étaient victimes de la traite, mais les délinquants-prostitueurs ont quand même continué.
Dans une étude commandée par le gouvernement suédois, des délinquants-prostitueurs ont prétendu qu’ils n’achèteraient jamais une personne victime de la traite. Beaucoup d’entre eux l’ont quand même fait, parfois parce qu’ils ne voyaient pas la différence, et parfois en toute connaissance de cause. Quand on leur a demandé pourquoi ils l’avaient fait en dépit de ce qu’ils avaient dit, les délinquants-prostitueurs ont donné des réponses comme : « J’étais vraiment trop excité » et « Ça s’est fait tellement vite ».
Mais croyez-vous vraiment qu’un homme qui se ‘limiterait’ à l’accès tarifé à des filles qui (croit-il) ne sont pas victimes de la traite, serait mieux ? La prostitution est en soi le fait pour le délinquant de payer pour un ‘rapport’ sexuel avec quelqu’un qui ne veut pas avoir de rapport sexuel avec lui.
À mon avis, cet homme semble vouloir se dédouaner de sa responsabilité en se comparant aux délinquants-prostitueurs légèrement pires que lui.
NOUS ET EUX
La prostitution est affaire de pouvoir sexualisé ; et en conséquence, nos idées sur la prostitution dépendent du groupe auquel nous nous identifions : celui des michetons ou celui de la personne qui est prostituée.
Pour arriver à être d’accord avec les délinquants-prostitueurs, il faut d’abord prendre ses distances – consciemment ou inconsciemment – de la personne qui est utilisée. Plusieurs apologistes de la prostitution ont employé en Suède l’argument que les femmes de la classe ouvrière ont une « relation plus instrumentale avec leur corps » que les femmes de la classe moyenne – de sorte que la prostitution signifie quelque chose de différent chez ‘ces femmes-là’.
Et beaucoup de gens essaient d’expliquer le fait que les hommes occidentaux se servent des femmes asiatiques dans le tourisme prostitutionnel en affirmant que les Asiatiques – « elles » – sont ‘différentes’ des Suédoises.
De tels commentaires expriment, bien sûr, du mépris de classe et du racisme.
Ce ne sont pas nos traits physiques qui déterminent lesquelles d’entre nous se retrouveront à être prostituées. Ce sont nos circonstances de naissance et de vie.
7. Ces prostituées sont probablement des nymphomanes...
S’il existe réellement des nymphomanes, c’est-à-dire des femmes ayant un tempérament sexuel extrême, ne serait-il pas plus logique de penser qu’elles iraient à la recherche de quelqu’un qui pourrait les satisfaire, elles ?
N’est-il pas assez illogique de penser que celles qui ont un tempérament sexuel très vigoureux souhaiteraient s’engager dans un compromis basé sur l’oubli de leurs propres besoins sexuels pour se concentrer plutôt sur ceux de l’homme qui les paie ?
8. Les Asiatiques sont pauvres et, grâce au tourisme sexuel, elles peuvent au moins gagner un peu d’argent.
Les Asiatiques ne devraient-elles pas avoir le droit à une vie normale sans devoir sucer la bite de riches touristes occidentaux ? Il me semble que ce que vous dites ressemble beaucoup à du vieux colonialisme réactionnaire.
Ce sont les macs et l’industrie du tourisme qui profitent des femmes pauvres en les prostituant, par exemple en Thaïlande. Mais cet argent ne sert ni les femmes ni leurs pays. Au contraire, il crée une dépendance par rapport à l’Occident, par rapport aux délinquants-prostitueurs, et il maintient ces pays dans la pauvreté au lieu de donner aux gens une chance de se développer.
Je suis contre la prostitution non seulement parce qu’elle est une oppression des femmes, mais aussi parce qu’elle est une oppression raciste et impérialiste.
La prostitution comme ‘travail du sexe’
Ceux et celles qui s’opposent à la loi suédoise contre la prostitution disent que le problème vient du fait qu’on ne la considère pas comme une profession, c’est-à-dire le ‘travail du sexe’. Si c’était le cas, les femmes prostituées paieraient censément des impôts et auraient la sécurité sociale et d’autres droits sociaux. La stigmatisation des prostituées disparaîtrait aussi, affirment ces apologistes. Mais ils et elles parlent rarement du fonctionnement des pays où la loi proclame que la sexualité doit être considérée comme du ‘travail du sexe’, par exemple. C’est le cas de l’Allemagne depuis 2001.
Une solution temporaire
Une évaluation de la loi allemande effectuée cinq ans après son adoption a indiqué que seulement 1% des prostituées interrogées avaient un contrat de travail comme ‘travailleuse du sexe’. Deux ou 3% de plus avaient une assurance-maladie en tant que travailleuses indépendantes. La plupart ne voulaient pas de contrat de travail. Quand on leur a demandé pourquoi, la plupart d’entre elles ont répondu qu’elles voyaient la prostitution comme une solution temporaire à une condition financière impossible, et comme une situation dont elles voulaient se sortir.
Beaucoup s’inquiétaient aussi qu’un contrat de travail leur interdise de prendre des décisions personnelles, comme de refuser certains michetons ou certaines de leurs demandes. Ou d’avoir à recevoir plus d’entre eux qu’elles ne le pourraient.
Quand la prostitution est décrite comme du ’travail du sexe’, ce sont les délinquants-prostitueurs – les michetons, les proxénètes et les trafiquants d’êtres humains – qui applaudissent. Car quand la prostitution est décrite comme un échange de ‘biens’ ou de ‘services’, ses structures de pouvoir sont rendues invisibles.
9. Tout travail payé est de l’esclavage.
La différence n’est pas grande entre vendre son corps au travail dans une mine et le vendre dans la prostitution.
En tant qu’homme (car, en général, ce sont les hommes de gauche qui utilisent cet argument !), ne voyez-vous vraiment pas de différence entre travailler dans une mine et masturber votre patron ? Ou entre une femme qui vient nettoyer votre bureau et une autre qui vient vous faire une pipe ? Vous, je ne sais pas, mais moi, si !
Pensez à ce qui se passe vraiment dans la prostitution : il s’agit d’un homme qui impose sa sexualité à une femme, sans considérer la sienne propre ; en d’autres circonstances, cela serait considéré comme du harcèlement, de l’abus sexuel ou du viol. L’idée, bien sûr, c’est que l’argent transformerait cette oppression sexualisée en ‘travail du sexe’. Comment se peut-il, par ailleurs, que les mêmes actions sexualisées que les filles et les femmes combattent, et les mêmes actions que les lois considèrent comme du harcèlement ou de l’abus sexuel, soient soudain considérées comme du ‘travail’ ?
Comment pourrait-on justifier le combat unitaire pour le droit de ne pas souffrir de harcèlement sexuel et de violence au travail, si de tels abus sont vus occasionnellement comme un ‘métier’ ?
Peut-être devriez-vous essayer une nouvelle façon de voir la chose : ils ont nos corps, mais ils ne vont pas se mêler de notre désir !
10. Vendre du sexe n’est pas plus bizarre que de vendre des services comme des massages ou des soins pour les pieds.
Mais si, c’est différent ! À un emploi, on vend sa capacité de travail, mais la prostitution a aussi des conséquences pour notre sexualité. Tout romantisme mis à part, il est aisé de voir que notre sexualité est partie intégrante de notre personnalité. Nos rencontres et nos ruptures, nos expériences sexuelles précédentes, au fur et à mesure que nous les vivons, s’intègrent à notre personnalité. Pour la femme qui est prostituée, la prostitution devient aussi partie intégrante de sa personnalité – même en essayant de la considérer comme quelque chose d’extérieur au cours de ces expériences. C’est pourquoi tant de femmes dans la prostitution parlent plus tard d’une division de leur identité, comme si une rupture s’opérait pendant cette expérience. Beaucoup s’habituent à écarter leurs propres sentiments pendant la prostitution, mais elles remarquent qu’il est difficile par la suite de s’y reconnecter à volonté. La prostitution n’a rien à voir avec un métier.
Et pour les acheteurs de prostitution non plus, il ne s’agit pas d’un achat, dans la mesure où la sexualité de l’homme est aussi affectée. Comme sa vision des femmes en général. Ce n’est sûrement pas une coïncidence si le harcèlement sexuel des filles et des femmes dans le quartier chaud d’Amsterdam est plus fréquent qu’ailleurs.
11. Les prostituées elles-mêmes veulent que l’on considère la prostitution comme du ‘travail du sexe’.
Vraiment ? Ou ne serait-ce pas plutôt le fait de quelques blogueurs/ses ici ou là, encensé-e-s par les médias, prétendant parler pour les autres, en disant toujours ‘nous les prostituées’ ?
Savez-vous que dans les pays où la loi a été transformée et où la prostitution est vue comme du ‘travail du sexe’, la majorité des femmes prostituées n’étaient pas d’accord sur ce point, comme le montre clairement, par exemple, l’évaluation de la loi allemande ? Si l’on prend la prostitution dans son ensemble, combien, à votre avis, parmi toutes les personnes achetées dans la prostitution, souhaitent-elles que l’on considère la prostitution comme un travail ? Et si c’était vous, le feriez-vous ?
12. Les syndicats de ‘travailleurs-ses du sexe’ veulent qu’on les considère comme des travailleurs-ses
Quels syndicats ? Ces organisations, qui se sont qualifiées de ‘syndicats’ pour femmes prostituées, n’ont jusqu’ici pas été de vrais syndicats, c’est-à-dire des organisations « orientées et financées par leurs membres et dont les actions interpellent leurs employeurs ».
Par contre, des groupes de pression pour la légalisation de la prostitution, habituellement composés de proxénètes et d’autres personnes qui souhaitent voir la prostitution bien considérée, se sont eux-mêmes qualifiés de « syndicats des ‘travailleurs du sexe’ » pour amener les gens à considérer la prostitution comme du ‘travail’.
Si vous hésitez au sujet de tels ‘syndicats’, alors essayez de vous demander quel genre de travail syndical ils font, et qui interpellent-ils ?
Par ailleurs, les véritables organisations de soutien aux femmes prostituées ne se désignent généralement pas comme des ‘syndicats’. Et la plupart des femmes prostituées ne veulent pas que la prostitution soit considérée comme un ‘travail du sexe’.
13. Mais si vous n’êtes pas une prostituée, en quoi leur activité pourrait-elle bien vous concerner, VOUS ?
Bien sûr que cela « me concerne » ! Vivre dans une société où les femmes sont à vendre affecte les valeurs de tout le monde. La façon dont la société considère la prostitution a également des répercussions dans notre vie de tous les jours. C’est particulièrement visible dans des pays qui ont des lois comme celles de l’Allemagne.
Si la prostitution est considérée comme du ‘travail’, elle s’intègre à la publicité des journaux ; l’entreprise où vous travaillez reçoit des offres de ‘surprises’ pour ses activités de loisir ; vous avez des coupons-rabais de bordels dans votre boîte aux lettres et des affiches collées sur les arrêts de bus, etc.
Comprendre cela, ce n’est pas avoir une vision ‘coincée’ de la sexualité, ni en faire un scénario cauchemardesque. C’est analyser ce que l’idée de la prostitution comme ‘travail du sexe’ engendre dans la pratique.
Considérez ce que cela signifierait dans notre vie quotidienne, par exemple, pour des professions comme les assistantes à la personne ou les employées de maison. Devraient-elles s’occuper des achats masculins de prostitution, comme c’est le cas en Hollande ?
Si la prostitution est vue comme une profession, les parents devraient-ils laisser leurs filles faire un stage d’été dans cette industrie ? Si la prostitution est vue comme une profession, les agences pour l’emploi devraient-elles refuser les indemnités de chômage à celles qui n’accepteraient pas d’en faire ?
Si vos réponses à ces questions sont ‘non’, c’est que vous ne pensez pas vraiment que la prostitution soit une profession.
14. Mais si une fille veut éviter de se dévaloriser dans un travail sous-payé alors qu’elle peut gagner plus comme ‘escorte’, pourquoi ne pourrait-elle pas choisir ça ?
Eh bien, je vois que vous ne demandez pas ce qui l’empêcherait d’abandonner un emploi de PDG d’une compagnie d’import-export, d’agent immobilier, de dentiste ou une profession similaire pour aller plutôt tailler des pipes à un homme qui le lui commande ? Si la prostitution est si agréable, pourquoi ce ‘travail’ est-il proposé à celles d’entre nous qui ont le moins de choix pour gagner leur vie ? À la fois dans le monde industriel et dans les pays en voie de développement, ce sont surtout les filles et les femmes pauvres - qui souffrent simultanément de l’oppression de classe et du racisme - qui sont utilisées dans la prostitution.
UN VRAI CHOIX LIBRE ?
Les questions de libre arbitre, de participation volontaire et de liberté de choix sont toujours difficiles à démêler. Le fait que nous avons choisi quelque chose ne nous apprend en rien si ce choix était bon ou non. Tout dépend des situations parmi lesquelles on choisit, c’est-à-dire de quelles alternatives nous avons ou nous voyons.
Des études portant sur la prostitution ‘ordinaire’ montrent que pratiquement toutes les femmes qui sont en prostitution la considèrent comme une solution temporaire, généralement pour résoudre une situation financière difficile, mais que c’est aussi souvent l’expression d’une forme d’autodestruction, à la suite d’expériences pénibles. Le choix d’une personne n’exprime pas automatiquement ce qu’elle ‘veut’, même si c’est elle qui le ‘choisit’.
De plus, la grande majorité de l’ensemble des personnes utilisées dans la prostitution sont pauvres, sans abri, ou ont subi d’autres formes d’abus sexuels avant la prostitution.
Les Droits humains – c’est aussi pour les femmes ? Mais même si quelqu’un-e souhaite réellement être prostitué-e, quelles qu’en soient les circonstances, la prostitution va bien au-delà de son choix personnel.
La prostitution est une oppression mondiale. Le fait que les hommes peuvent acheter des femmes est un élément du système patriarcal qui est à la base de notre société. Et notre lutte contre la prostitution concerne les droits humains des femmes.
Et les hommes ?
De même, toute cette question du ‘libre choix’ est toujours posée en ce qui concerne la femme, celle que l’on prostitue.
Mais qu’en est-il du choix des hommes d’utiliser des femmes dans la prostitution ?
15. Une femme devrait pouvoir choisir ce qu’elle fait de son corps et de sa propre sexualité.
Bien sûr, c’est une vieille assertion féministe ! Mais la prostitution n’est pas une question de droits des femmes, c’est tout le contraire ! Dans la prostitution, une femme ‘choisit’ de s’abstenir de son propre plaisir sexuel – pour se prêter plutôt à la sexualité de l’homme.
Le prostitueur-délinquant ne se préoccupe pas en général de savoir ce que veut celle qu’il a payée. (Voir point 6.) Celui qui paie pour du sexe paie pour obtenir un « oui ». Il paie une femme pour qu’elle n’ait du plaisir que si lui le souhaite, lui dictant quand il veut qu’elle jouisse et comment il le veut – et l’a payée et lui a ordonné de le faire.
Et qu’arrive-t-il aux droits humains des femmes dans une société où les femmes peuvent être achetées ?
16. Si vous êtes contre la prostitution, vous essayez d’enlever leur libre choix à des femmes adultes.
Qu’est-ce qu’un libre choix ? La liberté n’est pas quelque chose de simple. Elle dépend de notre lieu de naissance, de nos parents, et surtout, des possibilités réelles dont on dispose. Choisir la prostitution est en général un choix aussi libre que le ‘choix’ d’être pauvre. L’auteure suédoise Louise Eek a écrit que le caractère prétendument volontaire de la prostitution est à géométrie variable. Qu’en pensez-vous ?
Plusieurs études internationales montrent que la majorité de l’ensemble des personnes achetées dans la prostitution ont subi de la maltraitance sexuelle dans l’enfance. Une étude suédoise menée auprès d’adolescent-e-s a établi que parmi celles et ceux qui avaient connu des expériences de ‘sexe avec récompense’, presque 89% avaient subi d’autres sortes d’abus sexuels avant la prostitution.
Des études internationales établissent que l’âge le plus courant pour entrer dans la prostitution est le début de l’adolescence, autour de 14 ans. Ce fait est confirmé par l’Unité Prostitution du Service de police de Stockholm.
Pour moi tout ce débat autour de prétendus choix libres et des ‘joies de la prostitution’ est particulièrement pénible, quand je constate que cette prostitution dite librement choisie est souvent faite de tout sauf de choix libres pour des enfants ou des jeunes ayant subi des abus sexuels dans l’enfance.
Et dans une perspective plus large, le ‘choix’ de la prostitution par des femmes et des filles s’effectue sur fond de pauvreté – aussi bien celle des personnes que des pays.
17. Qu’est-ce qu’ils ont à toujours parler de la ‘happy hooker’, des ‘joies de la prostitution’ ? Les vendeuses ou les infirmières ne sont pas joyeuses tout le temps non plus !
Je crois que vous ne comprenez pas ce que les gens veulent dire quand ils parlent de ‘happy hooker’ (putain joyeuse). Personne ne dit que les prostituées se réjouissent du matin au soir, ou qu’elles sont plus joyeuses que d’autres femmes.
La ‘happy hooker’ est un vieux symbole et, de nos jours, une expression qui résume la façon dont les apologistes de la prostitution (surtout dans les médias) montent en épingle certaines individues triées sur le volet, prêtes à dire que la prostitution est quelque chose d’entièrement positif pour elles – mais sans souffler mot de tous ses aspects négatifs.
18. Mais j’ai entendu parler d’une fille qui est contente d’être prostituée.
Croyez-vous vraiment que toute l’analyse sociétale de la prostitution est réduite à néant dès qu’une seule fille ou femme prétend aimer être prostituée ?
Peu importe qu’une personne en soit plus ou moins satisfaite, la prostitution demeure ce qu’elle est : c’est le fait d’un prostitueur-délinquant qui achète l’accès sexuel à un autre être humain ; qui paie celle (ou celui) qu’il prostitue en effaçant sa propre sexualité ; qui paie pour transformer un non en un oui.
Difficile aussi pour moi d’ignorer que parmi les femmes ayant quitté la prostitution, nombreuses sont celles qui reconnaissent avoir tenu des propos similaires quand elles y étaient, parce que c’était pour elles une façon de composer avec cette vie.
Mais même si une femme aimait réellement la prostitution, elle pourrait peut-être envisager de ne pas s’y livrer, par égard pour la majorité de celles qui en souffrent, par respect pour les droits des femmes, et au nom de la lutte en faveur de l’égalité des sexes.
Enfin, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur la fréquence de cet argument parmi les gars et les hommes qui parlent si souvent de la prostitution comme d’un « droit des femmes au libre choix », mais qui parlent si rarement des propriétaires de bordels, des proxénètes et des prostitueurs. Pourquoi ne parlent-ils jamais du choix des hommes ?
19. La prostitution est un accord entre deux individus – et cela ne regarde aucunement le gouvernement.
D’accord, alors ignorons le fait que vous ‘oubliez’ les propriétaires de bordels et les proxénètes quand vous dites cela... Mais malgré tout, ces personnes ne sont pas des cas uniques, n’est-ce pas ?... En ce moment même, quantités d’autres personnes ‘signent’ de semblables ‘contrats individuels’, dans le monde entier. Et la majorité de ces ‘contrats’ concernent l’achat d’un accès sexuel au corps de femmes.
Ne croyez-vous pas que les ressemblances entre ces millions de ‘contrats individuels’ partout dans le monde peuvent susciter une remise en question ?
Parlons sérieusement, la prostitution n’est pas un accord totalement indépendant entre deux personnes ; je préfèrerais discuter des causes de la prostitution, et de ses conséquences. (...)
Toussaint- Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010
Re: Prostitution/Travail du sexe
dimanche 15 septembre 2013
Comprendre la prostitution dans l’ensemble des structures de pouvoir fondées sur le genre
Arguments et contre-arguments
par le Front des Norvégiennes Kvinnefronten
Voici la deuxième partie d’une brochure que des féministes norvégiennes ont préparée à l’intention des personnes qui désirent comprendre les arguments et contre-arguments du débat sur la prostitution.
LES ‘BESOINS’ DES HOMMES
Les apologistes de la prostitution ont tendance à parler des « choix libres des femmes ». Mais on entend parfois dire aussi que la prostitution doit exister pour le bien d’autres personnes : pour les hommes isolés, les hommes handicapés, les hommes dont l’épouse ne veut pas de rapports sexuels, pour que d’autres femmes ne soient pas violées, et ainsi de suite.
20. Mais pensez à tous ces pauvres solitaires !
Vous pensez aux vieilles dames esseulées ? Comme les femmes âgées vivent plus longtemps que les hommes, ne seraient-ce pas elles qui, à ce compte, auraient besoin de jeunes hommes prostitués ?
Oh, mais ce n’est pas la question, n’est-ce pas ? Après tout, l’essentiel de la prostitution concerne des hommes, qui achètent leur accès à des femmes plus jeunes.
Dans la vraie vie, le délinquant-prostitueur moyen est habituellement un homme marié ou en rapport de couple stable ; beaucoup d’entre eux ont aussi des enfants. Une étude anglo-américaine sur la vie sexuelle des prostitueurs montre que beaucoup d’entre eux ont connu plus de rapports sexuels ‘ordinaires’ que la moyenne. Donc les « pauvres hommes solitaires » ne sont qu’une minorité. (1)
Par ailleurs, le sexe avec d’autres personnes n’est pas un droit humain. Non plus que les relations avec les autres. Et surtout, l’utilisation sexuelle des autres n’est en rien un droit de la personne.
Pourquoi les hommes seuls n’apprennent-ils pas simplement à faire ce que font les femmes seules – se masturber ?
21. Mais pensez à tous les handicapés !
De qui parlons-nous cette fois-ci ? Encore des hommes, n’est-ce pas ? Il est rare que le ‘droit’ des femmes handicapées à utiliser des hommes prostitués soit ce que défend cet argument.
En fait, votre commentaire est plutôt méprisant pour l’ensemble des personnes handicapées. Pourquoi les hommes handicapés voudraient-ils plus que d’autres exploiter les femmes ? Ils veulent, comme tout le monde, un échange sexuel avec quelqu’un qui les désire. Se pourrait-il que vous ayez l’impression que personne ne peut trouver attirante une personne handicapée ? Si c’est le cas, il faudrait revoir l’idée que vous vous faites des gens...
La plupart des délinquants-prostitueurs sont des hommes non handicapés. Il est assez grossier de se servir des handicapés comme alibi pour légitimer des actes qui sont habituellement commis par des hommes valides.
Si vous-même avez un handicap qui vous gêne dans votre sexualité, vous devriez bien sûr avoir le droit d’utiliser des appareils qui facilitent votre jouissance ou vos relations sexuelles avec un·e partenaire. Mais pas plus qu’un autre, vous n’avez le droit d’acheter le corps de quelqu’un d’autre pour votre satisfaction personnelle.
Bien sûr que je pense aux handicapé·e·s ! Je sais notamment qu’il est assez courant que des filles et des femmes handicapées soient utilisées dans la prostitution. Je trouve que vous devriez aussi penser vous aussi à leur bien-être !
22. Eh bien, il vaut mieux que les hommes fréquentent les prostituées que de les voir violer des femmes !
Le viol et la prostitution relevant de la même dynamique, je suis de prime abord d’accord avec vous ! Le viol et la prostitution sont tous deux fondés sur la sexualisation du pouvoir de genre : le pouvoir des hommes et la subordination des femmes sont transformées en quelque chose de ‘sexy’, quelque chose qui sert à susciter une excitation.
C’est justement pourquoi je ne pense pas que les violeurs arrêteraient de violer s’ils utilisaient des femmes prostituées. C’est le contraire qui me semble vrai. Dans le viol comme dans la prostitution, c’est exactement la même vision des femmes : un homme exploite une femme pour satisfaire sa sexualité à lui – sa volonté et son désir à elle lui sont soumis. C’est une attitude d’agresseur, pour qui les hommes ont droit au corps des femmes. Je dirais que le risque, si on en légitime la prostitution, c’est de renforcer l’incidence du viol.
Mais de toutes manières, ce ne serait pas très sympathique ou solidaire envers nos sœurs que de détourner les violeurs vers d’autres femmes – surtout des filles et des femmes qui sont en situation particulièrement vulnérable.
LE PATRIARCAT
Les apologistes de la prostitution tentent habituellement de ramener tout débat à un niveau individuel, pour ne parler que d’une personne ou d’une situation particulière. De cette manière il est plus difficile de percevoir l’oppression – pour comprendre une situation d’oppression, il faut y observer des ‘patterns’, ou lignes de force.
Ce principe est valable pour toutes les formes d’oppression. Ce n’est pas un hasard si les personnes avec des noms aux sonorités étrangères éprouvent plus de difficulté à trouver du travail, même si c’est impossible à prouver à l’étude d’un cas individuel. Pour voir le racisme au quotidien, il faut regarder à la fois les exemples individuels et le tableau d’ensemble – il faut voir si les incidents particuliers reflètent des lignes de force.
Les coïncidences systémiques
Quand nous réagissons à un exemple donné d’oppression des femmes, il est courant d’évacuer le problème en parlant d’une coïncidence. Pour dissiper cet écran de fumée, la féministe norvégienne Kjersti Ericsson a créé l’expression « coïncidences systémiques ». Si nous les rassemblons, toutes ces coïncidences de situations d’oppression forment un modèle social de traitement différencié des garçons et des filles, des hommes et des femmes en fonction de leur sexe – ils et elles reçoivent plus ou moins de pouvoir selon leur sexe.
C’est pourquoi nous ne pouvons comprendre la prostitution sans la relier à toutes les autres formes d’oppression des femmes – la discrimination salariale, les soins de santé inégalitaires, le viol, l’invisibilité imposée à leur histoire, et tous les autres exemples qui, mis bout à bout, forment un modèle social des structures systémiques de pouvoir fondées sur le genre.
23. Mais attention ! Il y a certaines femmes qui se rendent en Gambie pour se payer des hommes !
Oui, la prostitution n’est pas seulement une question d’oppression des femmes, c’est aussi une oppression fondée sur la classe sociale et l’ethnicité. Le fait que les femmes, dans certaines circonstances où elles peuvent être dites en situation de supériorité, peuvent devenir des délinquantes-prostitueuses, confirme l’analyse de la prostitution comme pouvoir sexualisé. La prostitution est de l’oppression et ne devrait jamais être acceptée, sous aucune forme !
J’espère d’ailleurs que vous évoquez ce cas pour prendre position contre toutes les formes de prostitution, et que vous n’allez pas essayer d’utiliser les quelques très rares femmes – en regard des hommes – qui pratiquent le tourisme sexuel pour tenter de prouver que les deux sexes sont « également à blâmer », n’est-ce pas ?
Parce qu’il n’en est rien. Les hommes ne se voient pas emprisonnés dans les bordels des pays pauvres du monde, drogués pour être utilisés sexuellement par une succession de femmes blanches et riches. Si l’on considère l’ensemble du tourisme sexuel mondial, les femmes en représentent une proportion infinitésimale, et cantonnée dans ses formes les moins brutales.
24. En fait, il y a plus d’hommes que de femmes qui ont connu la prostitution, mais ça se voit moins !
C’est ce qu’affirment quelques études menées auprès des jeunes : plus de garçons que de filles auraient « baisé pour de l’argent ». Mais on ne doit pas en tirer votre conclusion. Regardez autour de vous. L’industrie globale de la pornographie et de la prostitution consiste essentiellement en femmes vendues à des hommes. Ce sont des femmes qui sont utilisées dans les bordels du monde entier, et ce sont surtout des filles et des femmes qui sont victimes de la traite à des fins sexuelles.
De plus, que ce soient des femmes ou des hommes qui sont prostitué·e·s, les délinquants-prostitueurs sont presque toujours des hommes. Bien sûr, il importe de mener des recherches supplémentaires sur toutes les formes de prostitution, pour améliorer notre compréhension de son mode de fonctionnement.
25. Mais vous prenez la situation à rebours, ce sont les femmes qui exploitent les besoins sexuels des hommes. La victime, c’est celui qui paie, c’est lui qui est exploité, pas elle.
D’accord, oublions la traite des êtres humains, oublions que la plupart des femmes prostituées ont souffert d’autres abus sexuels lorsqu’elles étaient enfants, que des jeunes filles sont tombées dans le piège de la prostitution, que l’addiction aux drogues les y retient, etc., et oublions aussi ses conséquences pour les femmes : la violence sexualisée, les ITS, le cancer du col de l’utérus, les dédoublements de personnalité, les troubles de stress post-traumatiques, etc. Bref, oublions toutes les formes d’oppression sexualisée dont les filles et les femmes souffrent avant, pendant et après la prostitution, et contentons nous de ne considérer que quelques cas particuliers d’hommes (la plupart des ‘michetons’ ont aussi d’autres partenaires sexuelles) : alors oui, on pourrait penser que quelques hommes esseulés sont exploités. Mais même cela est aussi inexact. Il reste que les délinquants-prostitueurs utilisent une autre personne pour satisfaire leurs besoins sexuels, même sileur vie n’est pas toujours gaie, non ?
Ce n’est pas parce qu’un délinquant-prostitueur se sent esseulé ou en manque de sexe, que la prostitution, de manière générale et à l’échelle mondiale, cesse d’être une oppression sexualisée des femmes par les hommes.
26. Eh bien moi, j’ai entendu parler de femmes tenancières de bordel !
Oui, cela existe, mais regardez le contexte ! Les grandes organisations internationales de traite des personnes obligent souvent les femmes de la prostitution à choisir entre demeurer prostituées ou devenir ‘surveillantes’ d’un bordel local. De la part des trafiquants, c’est une stratégie délibérée, pour protéger les hommes de la prison au cas où leur activité est découverte. Malheureusement, beaucoup de gens interprètent à tort le rôle dévolu à ces femmes. Voici ce que la police suédoise a écrit à leur sujet :
« Le point commun à la plupart d’entre elles est qu’elles ont elles-mêmes été longtemps exploitées à des fins de prostitution. » (...) « Le Ministère de l’Intérieur (et son bureau national des enquêtes pénales) s’inquiète de ce que les étrangères qui sont prostituées en Suède sont parfois dépeintes par des intervenants du monde judiciaire comme agissant de leur plein gré. Une telle appréciation pousse les fonctionnaires à se limiter la plupart du temps aux activités criminelles commises en Suède, et les véritables patrons des réseaux criminels échappent à toute poursuite. Il y a aussi un risque patent que la véritable situation des femmes ne soit pas identifiée. En conséquence, elles ne reçoivent pas le soutien et la protection dont elles ont besoin et à laquelle elles ont droit. Cette vue trop limitée de l’organisation de la traite et de la structure des réseaux entrave souvent la lutte menée par les autorités pour les prévenir et les éliminer en priorité. » (2)
27. La loi suédoise sur la prostitution n’est passée que parce que des féministes extrémistes ont réussi à s’infiltrer dans les milieux politiques. À l’étranger, on rit de la façon dont la Suède a laissé les féministes radicales s’imposer.
Ah, ce serait vraiment super si les féministes avaient autant de pouvoir ! Mais la prostitution est une oppression mondiale et il n’y a pas que les féministes qui s’y opposent ! Ne savez-vous pas que la Suède s’est engagée à combattre la prostitution, aussi bien par l’intermédiaire de l’ONU que par celui de l’Union Européenne ?
L’ONU a adopté dès 1949 un traité visant à contrer la prostitution et le trafic des êtres humains. En 1993, le Conseil de l’Europe a décidé que la lutte contre la prostitution devait entrer dans les attributions de la sécurité européenne. En 1991, le Conseil de l’Europe a adopté une résolution de lutte contre l’exploitation sexuelle, la pornographie, la prostitution, etc.
J’imagine donc que, soit les « féministes extrémistes » (qui qu’elles soient) ont investi l’UE et l’ONU il y a des dizaines d’années, ou alors vous ne savez pas de quoi vous parlez...
28. Ne pourriez-vous pas cesser de parler du patriarcat ? En Suède, l’égalité hommes-femmes est déjà atteinte.
Eh bien, la question est certainement ouverte à interprétation ! Bien sûr, on peut toujours tout interpréter comme s’il n’était pas question de genre ou d’oppression, et diriger tout blâme vers nous, les filles et les femmes. Si, en tant que femme, vous avez un salaire plus bas, c’est parce que vous ne savez pas négocier ; si l’on vous a violée, c’est que vous avez eu un habillement ou un comportement incorrect ou que vous avez trop bu ; si un homme abuse de vous, c’est que vous l’avez sans doute provoqué ; si vous élevez la voix, vous êtes une harpie ; si vous aimez le sexe, vous êtes une salope ; si vous souhaitez rencontrer un homme, c’est que vous êtes désespérée et dans le cas contraire, c’est que vous n’êtes pas normale ; si vous souhaitez des rapports sexuels avec des femmes, c’est que vous n’avez jamais connu de ‘vrai coup’ ; si vous vous maquillez, vous êtes une ‘nunuche’ esclave de stéréotypes de beauté et, dans le cas contraire, vous n’êtes tout simplement pas féminine ; si vous réclamez des droits égaux pour les femmes, vous êtes agressive, et si vous vous taisez, vous êtes une mollasse typique, qui n’a à s’en prendre qu’à elle-même...
Et le fait que tant d’autres filles et femmes disent avoir eu les mêmes expériences que vous, c’est une « pure coïncidence », parce que l’oppression des femmes n’existe pas dans notre pays !
Est-ce bien ce que vous voulez dire ?
LA LÉGISLATION
Pendant 70 ans, entre 1847 et 1918, un système municipal de réglementation de la prostitution a été en place en Suède (comme dans une grande part de l’Europe). Même si on savait que les femmes étaient acculées à la prostitution par la pauvreté, on acceptait cette activité comme un mal nécessaire et, en pratique, comme l’équivalent approximatif d’une « profession » – pour certaines femmes.
La fonction sociale de cette réglementation était de surveiller la prostitution et de réduire la propagation d’ITS comme la syphilis. Les femmes en prostitution devaient se soumettre à des contrôles périodiques. (Les prostitueurs échappaient à tout contrôle, naturellement !) Toute femme qui s’y refusait, ou qui marchait aux heures ou dans les espaces non autorisés, recevait d’abord un avertissement puis était emprisonnée dans des « maisons de travail » pour des durées pouvant atteindre un an.
Les féministes de cette époque tentèrent de faire abolir ce système de réglementation, puisqu’il ne faisait qu’enfoncer davantage celles qui avaient déjà perdu pied, et qu’il signifiait que le gouvernement acceptait la prostitution. À cette époque comme aujourd’hui, les féministes affirmaient que ce sont les acheteurs qui créent la prostitution.
Que nous apprend l’histoire ?
Voici les leçons tirées du système de réglementation et des deux bordels municipaux gérés à Stockholm pendant une courte période au 19ème siècle :
1. Quand la prostitution est considérée comme un « travail », il est plus difficile pour les femmes d’y échapper,
2. les acheteurs/hommes sont la base même de l’existence de la prostitution, et
3. la prostitution augmente quand elle est socialement acceptée.
Il est triste de constater que nous vivons dans une société superficielle et morcelée. Mais si nous tirons les leçons de l’histoire, peut-être éviterons-nous de refaire les mêmes erreurs.
La loi suédoise sur la prostitution
En 1999, la Suède a été le premier pays au monde à « criminaliser les michetons », tout en n’interdisant pas la prostitution. Les seules personnes que l’État incrimine sont les délinquants : les prostitueurs et les proxénètes. Déjà, plusieurs autres pays – dont la Norvège, l’Islande, et partiellement la Finlande et l’Angleterre – ont suivi cet exemple, et repris la loi suédoise de différentes manières.
Dans sa version suédoise, la loi stipule qu’il est interdit d’acheter ou même d’essayer d’acheter des « services sexuels ». Elle interdit aussi le proxénétisme, le fait de tirer profit (ou d’être autrement partie prenante) de la prostitution d’autrui. Il existe aussi en Suède une loi distincte sur la traite, mais en pratique, c’est pour proxénétisme que beaucoup de trafiquants sont condamnés. (3)
Un signal sociétal
La loi veut aussi adresser aux gens un signal clair, à savoir que la société reconnaît la prostitution comme essentiellement patriarcale et donc qu’elle n’accepte pas l’exploitation des personnes que l’on y soumet.
On a comparé la loi suédoise sur la prostitution à celle interdisant les châtiments corporels aux enfants, une mesure qui a transformé les mentalités – puisque autrefois il était courant de battre les enfants pour les discipliner.
Une étude menée en 2008 montre qu’environ 70% de la population suédoise approuve la loi du pays contre la prostitution (avec seulement 18% de voix contre, le reste s’abstenant). Chez les femmes, le taux d’approbation atteint presque 80%.
Législation et oppression
Bien sûr, il ne suffit pas d’une loi pour faire disparaître la prostitution. Celle-ci n’est qu’un volet de l’oppression des femmes et, de notre point de vue, aucune loi ne peut faire disparaitre l’oppression. Mais nous soutenons la loi sur la prostitution, parce qu’elle limite le pouvoir sexualisé des hommes, qu’elle montre ce qu’est vraiment la prostitution, et qu’elle sert de point d’appui à d’autres mesures à prendre pour contrer la prostitution.
Il reste qu’il faut bien plus qu’une loi pour changer réellement les choses ; des moyens importants doivent être mis en œuvre, notamment plus de soutien pour les femmes en prostitution, des mesures qui passent beaucoup trop souvent en dernier.
29. Si la prostitution régulière était légalisée, il serait plus facile de coincer les trafiquants.
Non, c’est le contraire. Dans les pays où la prostitution a été légalisée, l’industrie de la prostitution a pris de l’ampleur, en grande partie dans le secteur illégal. Une des raisons de cette prolifération, c’est que les proxénètes tirent davantage de profit de la prostitution illégale. (4)
Et, bien sûr, il est plus facile de cacher les activités de traite dans les pays où d’autres formes de prostitution sont légales. En contrepartie, il est plus difficile, plus onéreux et plus risqué pour les trafiquants d’opérer dans les pays où toutes les formes d’‘achat de sexe’ sont illégales.
30. La loi suédoise sur la prostitution n’aide pas les prostituées.
Oui et non. Une femme qui dit vouloir rester dans la prostitution ne verra évidemment pas la loi comme positive. Mais la loi peut aider indirectement une autre femme qui, elle, veut s’en sortir, puisque la société valide son sentiment que les prostitueurs la traitent de façon criminelle.
La loi peut aussi aider dans une certaine mesure les femmes exploitées dans le cadre de la traite, en permettant à la police d’enquêter sur les tentatives d’achat de services sexuels. Cette disposition a parfois accéléré la découverte d’opérations de traite. Si les achats de prostitution n’étaient pas illégaux, la police ne serait pas autorisée à faire quoi que ce soit avant d’être absolument certaine que cette traite a lieu.
Mais plus que tout, la loi peut avoir une fonction de prévention. Elle influence l’opinion des gens sur la prostitution, et l’on espère qu’elle puisse dissuader les jeunes filles qui envisagent d’y entrer. La loi a déjà réduit de beaucoup la proportion d’hommes qui prostituent des femmes. (5) On peut espérer que, si les pénalités sont assez sévères, elle amènera au moins quelques hommes de plus à juger que cela ne vaut pas la peine de se faire prendre comme délinquant-prostitueur. Et moins il y aura de prostitueurs, moins il y aura de femmes exploitées en prostitution.
Mais bien sûr il ne suffit pas des lois pour aider réellement les femmes à sortir de la prostitution. Répondre à cet objectif appelle beaucoup de soutien aux femmes – en particulier des logements, puisque se retrouver à la rue est une des principales causes de l’entrée en prostitution.
31. La loi suédoise sur la prostitution a entraîné une augmentation de la violence contre les prostituées.
Des études établissent le contraire. La violence des hommes envers les femmes dans la prostitution semble être tout aussi répandue partout, quoi que dise la loi et quel que soit le lieu où la prostitution s’exerce, dans la rue ou derrière des portes closes. La seule différence (mineure) détectée par la recherche implique que les taux de violence sont légèrement plus élevés là où la prostitution est légale mais pas réglementée (6) – bref, le contraire de ce que vous affirmez.
Quoi qu’il en soit, la prostitution équivaut elle-même à une forme de violence. Toutes les organisations qui militent pour les droits des femmes prostituées – quelle que soit leur opinion sur la prostitution et où qu’elles soient situées dans le monde – conviennent que la prostitution est dangereuse et préjudiciable aux femmes en prostitution. Les organisations qui souhaitent voir perdurer la prostitution se donnent généralement pour objectif une « réduction des méfaits », soit minimiser les préjudices infligés dans la prostitution.
La violence fait partie de la prostitution. Selon des études réalisées aux États-Unis, la majorité des femmes impliquées dans l’industrie ont subi des violences physiques, des violences sexuelles et des menaces dans ce contexte. (7) Plus tôt, des études canadiennes avaient montré que le taux de mortalité des femmes dans la prostitution était 40 fois plus élevé que celui des autres femmes. (
Personnellement, je trouve totalement incompréhensible qu’on puisse se contenter de ne parler que d’une « réduction des méfaits ». Le fait que la violence fasse partie intégrante de la prostitution devrait suffire en soi à rendre la prostitution inacceptable à nos yeux.
32. Quand la loi suédoise est entrée en vigueur, la prostitution est simplement devenue clandestine.
La prostitution de rue était sur le déclin en Suède avant même que la loi de 1999 n’entre en vigueur. Ce déclin tenait surtout à des progrès technologiques : les téléphones mobiles et l’Internet étaient de plus en plus répandus. C’est pourquoi le racolage prostitutionnel dans la plupart des pays industrialisés s’est généralement transposé vers la téléphonie mobile et Internet – et ce sans égard à la législation en vigueur.
Toutefois, on ne peut vraiment pas parler de « clandestinité ». La prostitution existe pour ses acheteurs et l’industrie s’attend à ce qu’ils la trouvent. Elle ne peut donc pas être si clandestine que ça, n’est-ce pas ?
33. Il y a deux personnes impliquées dans la prostitution, alors pourquoi l’homme est-il le seul à être stigmatisé comme criminel ? (Variante : La loi fait de la prostituée une victime)
Cette question est un peu étrange, car il n’y a pas que deux personnes dans le système prostitutionnel – pourquoi exclure de votre tableau le proxénète ou propriétaire de bordel ?
Mais même sans tenir compte de cela, il n’y a pas qu’en prostitution que le droit traite différemment les parties à une transaction. Il y a d’autres circonstances dans lesquelles seulement une des parties commet un acte illégal. Par exemple, un bail ou un contrat de logement est illégal si le propriétaire demande un loyer trop élevé. Même si les deux parties ont signé le contrat, seul le propriétaire commet un délit. C’est parce que la loi distingue celui qui porte préjudice de celui qui le subit. C’est une question de pouvoir.
Et personne ne prétend alors qu’intervenir équivaut à « traiter le/la locataire en victime » ou à « lui enlever son statut de sujet ».
De plus, je n’adhère pas à la vision puritaine de la prostitution comme « activité sexuelle mauvaise », ce qui impliquerait que toutes les personnes impliquées commettent une mauvaise action. Je lutte contre la prostitution parce que c’est de l’exploitation et de l’oppression sexuelle.
Notes
1. Men who buy sex – Who they buy and what they know, Melissa Farley, Julie Bindel et Jacqueline M. Golding, Eaves, London/Angleterre, et Prostitution Research & Education, San Francisco, 2009.
2. RKP report 2007:6b. Situation report 9 : Trafficking in human beings for sexual and other purposes, 1er janvier - 31 décembre 2006, Stockholm.
3. National Police Board. Situation Report 10 : Trafficking in human beings for sexual and other purposes. RPS 2009/2, Stockholm.
4. « Legalizing Prostitution is Not the Answer, The Example of Victoria, Australia », Mary Sullivan et Sheila Jeffreys, Coalition Against Trafficking in Women, CATW, 2001, et « The Legalization of Prostitution : Myth and Reality, A Comparative Study of Four Countries », Nomi Levenkron, Hotline for Migrant Workers, Israël, 2007.
5. Tio år med lagen. Om förhållnings-sätt till och erfarenheter av prostitution i Sverige, Jari Kuosmanen, TemaNord, 2008:604. Dans une étude menée avant l’adoption de la loi, environ un homme sur huit a affirmé avoir « payé pour du sexe ». Dans une autre étude, menée presque exactement dix ans après l’adoption de la loi, environ un homme sur douze a affirmé la même chose. Nous parlons donc de 13,6% des Suédois en 1996 comparés à 9% d’entre eux en 2008. Les échantillons étaient trop restreints pour permettre une comparaison entièrement valide, mais elle indique bel et bien une diminution en nombre des prostitueurs. L’étude menée en 2008 a aussi demandé aux gens leur impression de la loi. Environ 7 sur 10 des répondant·e·s l’approuvaient, mais ce soutien était particulièrement marqué chez les jeunes (soit environ 8 sur 10 des répondant·e·s).
6. Study on National Legislation on Prostitution and the Trafficking in Women and Children. Parlement européen/ Transcrime, 2005.
7. Prostitution, Violence Against Women, and Posttraumatic Stress Disorder, Melissa Farley et Howard Barkan, Prostitution Research&Education, San Francisco, 1998.
8. Pornographie et prostitution au Canada : Rapport du Comité spécial sur la pornographie et la prostitution, Gouvernement fédéral, Ottawa, 1985.
Toussaint- Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010
Re: Prostitution/Travail du sexe
jeudi 3 octobre 2013
Prostitution - La stigmatisation et le mythe entourant le statut de victime
par le Front des Norvégiennes Kvinnefronten
Voici la troisième et dernière partie d’une brochure que des féministes norvégiennes ont préparée à l’intention des personnes qui désirent comprendre les arguments et contre-arguments du débat sur la prostitution.
STIGMATISATION DE LA VICTIME
Le syndrome vierge et putain
La division traditionnelle des filles et des femmes entre les rôles opposés de vierge/putain est une forme efficace d’oppression sexiste. Elle atteint chaque individue, femme ou fille, et elle divise les femmes en tant que groupe.
Cette dichotomie vierge/putain a pour fonction d’assigner des limites à la liberté sexuelle des femmes et aux droits sexuels des femmes et des filles. Nous sommes toutes contraintes à jouer les funambules sur un fil tendu entre ces deux pôles : être sexuellement extrovertie, pour ne pas sembler ‘ennuyeuse’, mais si nous le sommes, risquer d’être stigmatisée comme ‘salope’ ou ‘pute’.
La plupart des filles et des femmes essaient de composer avec ces pressions au meilleur de leurs possibilités. Mais en fait, quoi que fasse une fille, n’importe quel homme peut encore la traiter de ‘pute’ si le cœur lui en dit. Même une fille qui n’a jamais eu de rapport sexuel peut être qualifiée de ‘pute’.
Insultes et pouvoir
Les insultes sont une manière de blâmer des victimes pour un rapport de force qu’on leur inflige. Traiter des filles et des femmes de ‘putes’ est un mode typique de harcèlement sexuel, qu’il ait lieu à la maison, à l’école, au travail ou lors d’une sortie. Les hommes n’ont que ce mot à la bouche pour désigner les femmes qui sont dans la pornographie ou la prostitution. Et pour un agresseur sexuel, cette insulte est souvent une façon de justifier sa supériorité et sa violence sexualisée – tout comme les insultes racistes servent à justifier la violence raciste.
Être victime
Mais dans notre société morcelée (9) qui n’en a que pour les individu·e·s, il est bien sûr plus difficile de repérer de tels schémas.
Pour couronner le tout, il y a aussi le mythe entretenu au sujet du statut de victime : être une victime, de nos jours, est souvent dépeint comme le contraire de la force, comme une incapacité d’‘assurer’. Ceci amène bien des personnes à fermer les yeux sur leur propre oppression – pour éviter d’être perçue comme une victime (impuissante).
Pourtant, le véritable contraire du statut de victime, c’est celui d’agresseur. Parler de victimes, c’est désigner la présence d’une oppression. Cela ne concerne en rien les caractéristiques de la victime ; ces personnes peuvent souffrir à différents degrés, elles peuvent être fortes ou faibles (et le sont souvent simultanément !), ou il peut s’agir de personnes opiniâtres qui font leurs propres choix. Bref, se retrouver en position de victime n’est pas un trait de personnalité.
Fortes et faibles à la fois
Au 19ème siècle, quand la classe ouvrière augmentait en nombre, il était naturel pour les travailleurs-euses de se reconnaître victimes d’une oppression. C’était même le fait d’être une victime qui donnait aux gens la force de lutter contre l’oppression !
À cette époque, il n’y avait donc pas de contradiction entre une condition de victime et une identité de personne forte, en lutte. Les gens voyaient les choses dans l’autre sens : les gens qui batifolent à travers leur vie sans le moindre souci n’ont pas à se battre et à faire preuve de force. Ce sont plutôt nous, les victimes, qui sommes simultanément fortes et faibles, vulnérables et opiniâtres, et toujours en lutte.
Ceux qui bénéficient de ce mythe de la victime sont ceux qui tirent bénéfice d’une oppression permanente.
34. Le seul problème affectant la prostitution, c’est l’image négative qu’on s’en fait.
Si seulement c’était aussi simple ! J’ai entendu quelqu’un comparer la prostitution au fait de mendier sur la rue : la mendicité et la prostitution sont de vieux phénomènes, engendrés par une société inéquitable. Les deux se fondent sur la différence entre les femmes et les hommes, comme entre les pauvres et les riches. Pouvoir et subordination. On peut toujours trouver quelqu’un qui mendie non par nécessité, mais pour « sortir un peu », ou « se faire quelques ronds », mais son exemple ne change pas la nature de base de la mendicité. Mendier rend l’inégalité visible, et c’est pour cette raison que cette activité est humiliante pour le ou la mendiante. C’est la même chose pour la prostitution. La honte est projetée sur la victime, quel que soit le nom qu’on donne à cette dernière.
35. Si l’on mettait fin à la stigmatisation des putes, la prostitution ne serait pas un problème.
Non, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. La stigmatisation infligée à la ‘pute’ est typique de la plupart des formes d’oppression : il s’agit d’en rejeter la responsabilité sur les opprimé·e·s. « On colle la honte aux victimes » : c’est le premier vers d’un poème de Kjersti Ericsson, qui est un appel au soulèvement contre l’oppression. On blâme la victime. Faute de quoi, nous pourrions apercevoir son agresseur et la réalité de ce qu’il lui fait.
La prostitution tire aussi son origine d’une vision puritaine* de la sexualité, qui associe celle-ci à la saleté, la honte, et la culpabilité. La pornographie et la prostitution ont besoin du puritanisme pour créer l’impression d’une transgression de limites. Beaucoup de délinquants-prostitueurs recherchent aussi la pornographie parce qu’ils y voient une sexualité sale et honteuse.
C’est pourquoi les apologistes de la prostitution ont tort d’affirmer que son seul problème tient à sa stigmatisation. Parce que tant que l’oppression durera, la stigmatisation restera.
Et nous ne parlons pas ‘simplement’ de l’oppression qui prend la forme de la prostitution parce que, de la même façon, tant que durera la division des femmes en « vierges ou putains », la stigmatisation demeurera aussi.
36. Si la prostitution était perçue comme un travail, la stigmatisation disparaîtrait.
Rien n’est moins sûr ! En Hollande, en Allemagne, dans certaines parties de l’Australie et dans l’État américain du Nevada, où la prostitution est déjà considérée comme du « travail du sexe », les femmes prostituées sont tout aussi stigmatisées qu’ici.
En contrepartie, ceux qui ne sont pas stigmatisés du tout sont les délinquants – proxénètes, tenanciers de bordels et prostitueurs – que l’on a maintenant transformés en respectables ‘hommes d’affaires’ et leurs ‘clients’.
37. Les féministes font des prostituées des victimes.
Non, c’est faux. Il y a une différence entre opprimer sexuellement quelqu’un et rendre cette oppression visible. Ce que font les féministes, c’est mettre en lumière ce qu’est la prostitution et qui en tire bénéfice ; elles montrent que la prostitution fait partie d’un certain modèle social, qu’elle n’est pas seulement « un contrat entre deux personnes », entre autres excuses.
Si vous pensez que les féministes font des femmes prostituées des « victimes », vous ne connaissez pas grand-chose au féminisme. Réfléchissez-y un peu. Les féministes s’activent contre l’oppression. Nous travaillons dans des refuges pour femmes et pour jeunes filles, nous nous soutenons dans des groupes d’entraide, nous donnons des cours d’auto-défense féministe et nous travaillons à des changements politiques. Ce que nous faisons, c’est nous soutenir les unes les autres pour pouvoir changer nos conditions de vie, pour que les filles et les femmes n’aient pas à demeurer plus longtemps victimes de l’oppression patriarcale !
Par ailleurs, on dirait que vous voyez les femmes prostituées comme des ‘autres’. Qu’est-ce qui vous fait croire que ces femmes ne peuvent pas être des féministes ? Beaucoup des féministes qui luttent contre le système prostitutionnel le font à partir d’un vécu personnel aux prises avec cette industrie.
38. Une telle n’est pas / Je ne suis pas du genre victime !
Bien sûr que vous n’êtes pas du « genre victime », puisqu’il s’agit d’un mythe : personne n’est victime comme trait de personnalité. Mais en prenant une telle position, vous risquez plutôt de nier l’oppression !
C’est pourquoi il est si important de dégonfler ce mythe entourant les victimes. Il existe peu de victimes complètement impuissantes, malgré ce que persiste à nous dire la culture du viol omniprésente dans les médias. En réalité, nous les femmes et les filles faisons tout ce que nous pouvons pour survivre dans une société créée par les hommes et selon leurs intérêts. Même celles d’entre nous qui ont souffert plus longtemps de violences répétées, comme l’inceste ou la violence d’un mari, tentons d’éviter la violence dans la mesure du possible – bref, nous sommes simultanément des victimes et des survivantes.
C’est dire que personne n’est « du genre victime » – il s’agit d’un mythe créé par les oppresseurs pour se défiler face à leur propre responsabilité.
39. Refusez qu’on vous traite de pute !
Ou, variante opposée : Ça me plaît d’être une salope et je fais ce que je veux !
Vous savez, je comprends très bien pourquoi une fille qu’on traite à l’école de ‘pute’ ou de quelque autre mot équivalent peut vouloir faire un enjeu de « refuser d’être traitée de pute ». Mais cela équivaut à se laisser piéger. D’abord, cela suggère que vous vous dissociez des femmes en prostitution et, deuxièmement, que les hommes peuvent continuer à juger la sexualité des femmes, aussi longtemps que l’on maintient cette division elle-même.
Bien sûr, prendre plaisir à une identité de ‘salope’ peut sembler une façon d’émousser les insultes et de se donner le droit de faire ce que l’on veut. Mais la vierge et la putain sont les deux faces d’une même médaille – l’une ne peut exister sans l’autre. Alors, en pratique, le fait de vous qualifier de ‘salope’ ne signifie pas que vous êtes à l’aise dans votre sexualité, mais tout le contraire, c’est-à-dire accepter de vous définir à partir des deux conceptions puritaines et patriarcales de la sexualité qui divisent les femmes.
Personnellement, j’aimerais mieux rejeter toutes les divisons patriarcales entre les femmes : il n’y a ni putes ni vierges, nous sommes toutes des filles et des femmes et nous définissons nos vies sexuelles exactement comme nous le souhaitons !
LA MORALE
De quoi s’agit-il ?
Lorsqu’on tente de remettre en question la pornographie ou la prostitution, on apprend vite à entendre des réflexions comme « Faites-vous de la morale ? »
Ces réactions n’ont pour but que de vous faire paraître démodée et réactionnaire – on veut vous faire taire sans avoir à discuter de ce que vous avancez réellement.
Le personnel et le social
En fait, ce que l’on appelle notre ‘morale’ n’est rien d’autre que les valeurs sur lesquelles nous basons nos pensées et nos actes. Chacun-e de nous possède sa morale personnelle et ses propres valeurs. De plus, il y a aussi la morale de la société, ou morale générale, soit les valeurs que la plupart des gens de notre société partagent (ou dont ils et elles peuvent apparemment convenir). C’est pourquoi la morale générale a tellement varié d’une société, d’une culture et d’une époque à l’autre.
La morale sexuelle
Tout cela est assez évident. Mais pour une raison ou une autre, on dirait que beaucoup de gens oublient ces bases quand des questions morales se posent au sujet de la sexualité. Mais y a-t-il une raison pour laquelle la sexualité serait le seul domaine dénué de valeurs ?
En fait, la morale sexuelle est un mot-valise désignant les valeurs relatives à la sexualité – des valeurs personnelles ou sociétales –, qui peuvent être « libérées », « critiques du sexe », ou tout autre chose.
C’est dire que quiconque émet une opinion sur la façon dont les gens devraient se comporter par rapport à quelque chose « fait de la morale ». Et beaucoup de gens en font, y compris ceux qui accusent les autres d’être des moralistes... L’historienne suédoise Hjördis Levin a écrit ce qui suit dans son livre sur l’histoire de la morale sexuelle sociale : « Personne n’a songé au fait que rejeter toute forme de morale était une autre façon de faire de la morale. »
Un avantage de comprendre ce qu’est la morale est de se rendre compte que ni notre morale personnelle ni celle de notre société n’ont à être fixées une fois pour toutes. Chacun·e de nous peut changer de valeurs. Et notre société peut changer les siennes de la même façon – c’est pourquoi nous avons ce dialogue !
40. Être contre la prostitution n’est qu’une attitude de moraliste – vous faites de la morale.
Oui, bien sûr, j’ai des opinions et des valeurs – et sur des tas de sujets, en fait. Dont particulièrement l’oppression. Pas vous ?
Quel mal y a-t-il soudain à se référer à la morale ? Je m’oppose à toutes sortes de choses pour des raisons morales : la cruauté envers les animaux, la maltraitance des enfants, l’exploitation des gens, etc.
S’il y a une chose qui incarne une morale surannée, n’est-ce pas la prostitution ? Cette vision du sexe est le reflet de vieilles structures sociales, où la femme était « possédée » par son homme. La sexualité tarifée et la sexualité maritale exigeaient de la femme qu’elle s’ajuste et obéisse à son seigneur et maître. Pas question que j’endosse cette façon vieillie et misogyne d’envisager la sexualité !
41. Le gouvernement a-t-il quelque chose à voir avec ce que font deux adultes au lit ?
Bien sûr que oui ! C’est pourquoi nous avons des lois contre la violence conjugale, et c’est pourquoi le viol – y compris le viol marital – est prohibé en Suède.
La violence sexualisée des hommes contre les femmes nous entoure de partout, sous toutes sortes de formes, mais c’est généralement à la maison, et souvent jusque dans la chambre à coucher, que les femmes et les filles souffrent de la violence masculine sexualisée.
42. Les personnes qui s’opposent à la pornographie et à la prostitution font tout à fait le jeu de la droite chrétienne.
Non, c’est le contraire ! Beaucoup d’études (suédoises autant qu’internationales) montrent que les délinquants-prostitueurs consomment plus de pornographie que les autres hommes. Et une étude états-unienne montre que plus un homme est conservateur et féru de religion, plus il est susceptible d’acheter de la pornographie en ligne. Ce sont les Mormons de l’État de l’Utah qui consomment le plus de porno sur le Net. (10)
Cela démontre que c’est plutôt l’industrie du porno et de la prostitution qui est liée de près à la droite chrétienne. Les deux sont fondées sur le puritanisme, le deux poids-deux mesures, et sur l’idée que le sexe est censé se faire aux conditions des hommes.
Nous, les féministes, sommes opposées à cette vision de la sexualité – que ce soit la version de la droite chrétienne ou celle des apologistes de la prostitution.
43. Vous essayez juste de m’imposer votre morale !
J’aimerais évidemment que vous, comme tout le monde, adoptiez la conviction que personne ne doit acheter personne. C’est une question de valeurs humaines fondamentales.
Mais je ne veux rien vous imposer. Ce qui compte pour moi n’est pas l’état de votre opinion, ou celle de qui que ce soit d’autre. Mais je réclame haut et fort le droit de me battre pour une société qui dit non à l’esclavage sous toutes ses formes, et dans laquelle les femmes sont considérées comme des êtres humains – ayant des droits humains.
44. Quiconque s’oppose à la prostitution cherche à limiter la sexualité.
Absolument pas ! Même en fermant les yeux sur tout ce que nous savons de ce qu’est réellement la prostitution (ce qui est évidemment impossible) et en ne considérant que « le sexe » qui y est pratiqué, y a-t-il quoi que ce soit de plus limité que le sexe dans la prostitution ? Pour moi, le sexe tarifé est à la fois inhibé et monotone. Qu’est-ce qui pourrait être plus ennuyeux et plus limité qu’une sexualité entièrement dénuée de liberté ou de spontanéité ; se contenter d’être ce que l’homme a commandé et payé d’avance, rien de plus ?
Je suis contre la prostitution pour beaucoup de raisons, l’une étant que je n’aime pas l’idée d’une sphère commerciale qui s’empare même de la sexualité des gens. J’aime le sexe spontané !
LA SEXUALITÉ
Beaucoup de gens peuvent penser, instinctivement, que la sexualité est quelque chose de purement biologique. Mais en fait seules nos pulsions sont biologiques ; nos actes sexuels, nos désirs, nos attirances et nos penchants prennent forme tout au long de notre vie, en fonction de nos souvenirs d’expériences passées, et de l’influence de notre époque et du monde. C’est pourquoi on dit souvent que la sexualité est une « construction sociale ». Malheureusement beaucoup de gens s’en tiennent là – sans commencer à se demander qui ‘construit’ la sexualité et de quelle façon.
Nous manquons de mots
Les personnes d’idéologie libérale ont souvent du sexe une vision entièrement positive, sans exceptions. Mais cette optique nous prive de mots pour rendre compte d’actes de pouvoir sexualisé, comme la transgression progressive des limites, où une situation qui nous semble agréable à prime abord peut tourner au viol de la part d’un proche. Il n’y a pas non plus de mots pour exprimer une excitation sexuelle négative, facteur qui peut rendre une agression encore plus traumatisante, si l’agresseur a suscité chez vous une réaction sexuelle.
Voilà pourquoi il est important de lutter contre le puritanisme, qui a pris de l’ampleur en Suède avec la prolifération de la pornographie. Il nous faut trouver des mots pour exprimer tous nos sentiments sexuels, positifs et négatifs, puisque mettre nos expériences en mots nous aide aussi à les comprendre.
Explorer notre propre sexualité
La sexualité peut être une force très intense dans la vie de chacune et chacun. Elle peut vous donner de l’énergie, de la puissance, du plaisir et du désir, transporter votre corps et votre âme, vous procurer un bon sommeil et vous aider à réaliser vos projets. Mais elle peut aussi être destructive et vous meurtrir. Ou n’être qu’un intermède fastidieux. Enfin, elle peut aussi être exploitée par d’autres personnes.
Cela rend encore plus nécessaire de réfléchir à notre sexualité : pourquoi est-elle ce qu’elle est ; est-elle ou non ce que je veux qu’elle soit ?...
Le pouvoir et la subordination comme excitants
La norme sexuelle de notre société est l’hétérosexualité. Mais peu importe que nous nous voyions comme hétéro, homo ou bisexuel·le, nous apprenons toutes et tous à trouver excitant le concept de réalités opposées. Toutes les normes sexuelles, tout ce qui est décrit comme féminin ou masculin, est sexualisé, y compris les différents niveaux du pouvoir exercé dans la société. Dans le patriarcat, la position de pouvoir des hommes hétérosexuels est étroitement intégrée à notre conception de base de ce qu’est « le sexe ».
Les garçons naissent dans une société où ils apprennent que le sexe est basé sur leurs pulsions et sur leurs besoins, tandis que nous les filles apprenons à percevoir notre corps comme un objet à façonner pour éveiller la sexualité d’un garçon, c’est à dire au bénéfice de quelqu’un d’autre. On l’entraîne, lui, à être un sujet, elle, à être un objet.
De plus, nous vivons aujourd’hui dans un monde où tout est de plus en plus commercialisé, y compris les relations entre les gens. Même les soins de santé sont maintenant discutés en termes de « biens et services ».
Évidemment, ceci affecte aussi la sexualité, qui devient perçue elle aussi comme une chose qui peut être « consommée », plutôt que comme une rencontre sexuelle entre personnes, à court ou à long terme.
La prostitution
Dans une société marquée par cette tendance patriarcale à consommer l’autre, la prostitution a une place de choix. Plus le corps des femmes est vu comme un objet, plus il est transformé en « marchandise ». Et un corps qui peut être vendu appartient à son acheteur.
C’est pourquoi les féministes se sont de tout temps opposées à la prostitution, à l’objectification, aux normes sexuelles du patriarcat, et se sont battues pour le droit des femmes à vivre notre propre sexualité.
45. Les hommes fréquentent des prostituées parce qu’ils veulent une femme qui aime le sexe.
Voyons donc... Il est complètement illogique de prétendre que les hommes achètent des femmes prostituées pour trouver quelqu’un qui veut réellement d’un rapport sexuel avec eux. Si un homme voulait s’assurer de trouver une femme qui « aime le sexe », il ne paierait jamais : il chercherait une femme qui fait l’amour parce qu’elle en a envie, pas parce qu’elle est payée pour ça.
46. Les opposant·e·s à la prostitution ont toujours l’air de dire que le sexe doit toujours être agréable, comme si c’était « magique ». (…Alors que ce n’est qu’un acte comme n’importe quel autre)
Non, je ne crois pas que le sexe soit en soi quelque chose de « magique » (sauf quand il l’est ! ), mais ce n’est pas non plus un acte anodin. Notre sexualité est étroitement imbriquée à notre personnalité. Par exemple, le fait de se percevoir comme hétéro, homo, bisexuel-le ou autre, joue souvent un rôle dans notre identité.
Notre sexualité, ce qui nous stimule ou nous inhibe, comprend les souvenirs de nos premières expériences sexuelles. Celles-ci s’intègrent au tissu de notre personnalité, qu’elles aient été mémorables ou triviales.
Mais on ne peut nier cette importance de la sexualité comme élément de notre personnalité.
47. Si elle aime le sexe et veut gagner de l’argent de cette façon, où est le problème ?
Les femmes ont une sexualité qui ne se réduit pas à satisfaire les hommes – même si une femme prostituée peut jouer ce jeu face au prostitueur. Un rapport sexuel joyeux et égalitaire est affaire de désir réciproque, peu importe si c’est avec quelqu’un de nouveau ou qui partage notre vie depuis plus de 30 ans. La prostitution, au contraire, ne concerne que le ‘rapport’ que l’homme commande et paie – peu importe qui est la femme louée et ce qu’elle aime ou n’aime pas.
C’est là qu’est le problème. La prostitution est une forme d’agression sexuelle, la plupart du temps commise par des hommes utilisant des femmes. En tant que féministe, je suis opposée à cela !
48. Quelle différence y a-t-il entre la prostitution et un couple qui va au lit après que l’homme ait payé à boire à la femme durant toute la soirée ?
Avec cette question, vous niez aux femmes le droit à une sexualité bien à elles. Vous semblez croire que les femmes n’éprouvent pas de désir par elles-mêmes, qu’elles peuvent seulement se prêter aux désirs des garçons et des hommes, à condition que ceux-ci paient pour, en argent comptant ou en consommations.
La journaliste suédoise Annika N. Lindqvist explique la situation ainsi : « La prostitution, qui en général consiste en l’achat de corps de femmes par des hommes, se fonde sur un vieux moralisme périmé et sur la négation de la propre sexualité des femmes. Une société où la prostitution est largement répandue ne peut nous convenir à nous qui faisons l’amour par plaisir et gratuitement avec une personne de notre choix. »
49. Être anti-prostitution, c’est être anti-sexe.
Non, c’est tout à fait le contraire ! Si vous aimez le sexe, vous devriez être contre la prostitution. Aussi disons-nous avec l’auteure suédoise Louise Eek :
« Ce n’est pas considéré comme original ou branché de s’opposer au système prostitutionnel. Il est censé être plus “cool” de promouvoir l’accès tarifé à son corps. Pour ma part, je suis contre l’exploitation, qu’elle soit consciente ou pas. Je n’aime pas non plus gagner de l’argent sur le dos des autres. Je préfère faire l’amour, baiser à fond de train, avoir des rapports souvent ou rarement, mais le faire parce que nous en avons vraiment envie, et non parce qu’on nous paie pour satisfaire les besoins de quelqu’un d’autre. »
EN SOMME…
Dans cette brochure, nous avons essayé de proposer des réponses aux arguments les plus courants entendus au sujet de la prostitution. Mais pour conclure, nous aimerions prendre le problème à rebours, en exprimant nos propres raisons de contrer la prostitution et d’appuyer la loi suédoise qui interdit l’achat d’actes de prostitution.
1. La prostitution est du pouvoir sexualisé. Un pouvoir basé sur le genre, sur la classe sociale, sur l’ethnicité, etc.
2. Le fondement de la prostitution est la violence sexuelle infligée aux enfants. La majorité des personnes achetées en contexte prostitutionnel ont souffert d’autres formes d’agressions sexuelles avant d’arriver là, ce qu’elles font souvent aux alentours de 14 ans.
3. La prostitution fait du mal aux femmes. Les femmes vivent en prostitution de la violence sexualisée et risquent de contracter des maladies et des traumatismes psychologiques. De plus, ce sont toutes les femmes qui souffrent de la subordination des femmes et du principe qu’on peut les acheter.
4. La prostitution est un mode d’oppression. Des hommes achètent l’accès aux femmes et humilient celles qu’ils utilisent. De même, la dichotomie “vierge/putain” entrave la liberté de l’ensemble des filles et des femmes.
5. La prostitution est de l’impérialisme. Des hommes occidentaux violent des femmes et des enfants du tiers-monde, que ce soit en s’y rendant ou en achetant à domicile des victimes de la traite. Ce n’est pas non plus une coïncidence si tant de femmes utilisées dans la prostitution, par exemple au Canada, en Amérique du Sud, en Nouvelle Zélande et en Afrique, proviennent des populations indigènes de ces pays.
6. La prostitution nous dérobe à nous les femmes le droit à notre propre corps. Les garçons apprennent qu’ils ont droit à du sexe et au corps des femmes, alors que les filles apprennent à façonner leur corps pour en faire quelque chose qui excite les garçons. On attend des hommes qu’ils agissent en sujets, et des femmes qu’elles soient des objets.
7. L’égalité ne peut être réalisée tant que des hommes peuvent acheter des femmes. La sexualisation des structures du pouvoir patriarcal est le contraire même de l’égalité.
8. La prostitution sabote une sexualité basée sur le désir. La prostitution contribue à l’objectification des femmes, et à la marchandisation/réification du sexe.
9. Criminaliser les femmes en prostitution équivaudrait à rendre illégale la condition de victime de violence sexualisée.
10. Ne pas criminaliser les délinquants-prostitueurs revient à accepter l’oppression que nous venons de décrire.
Notes
9. Il s’agit d’une technique éprouvée de suppression (décrite par la féministe norvégienne Berit Ås) : la double contrainte, où l’on est perdante quoi qu’on fasse.
10. « Markets Red Light States : Who Buys Online Adult Entertainment ? », Benjamin Edelman, Journal of Economic Perspectives, No 1/2009.
Prostitution - La stigmatisation et le mythe entourant le statut de victime
par le Front des Norvégiennes Kvinnefronten
Voici la troisième et dernière partie d’une brochure que des féministes norvégiennes ont préparée à l’intention des personnes qui désirent comprendre les arguments et contre-arguments du débat sur la prostitution.
STIGMATISATION DE LA VICTIME
Le syndrome vierge et putain
La division traditionnelle des filles et des femmes entre les rôles opposés de vierge/putain est une forme efficace d’oppression sexiste. Elle atteint chaque individue, femme ou fille, et elle divise les femmes en tant que groupe.
Cette dichotomie vierge/putain a pour fonction d’assigner des limites à la liberté sexuelle des femmes et aux droits sexuels des femmes et des filles. Nous sommes toutes contraintes à jouer les funambules sur un fil tendu entre ces deux pôles : être sexuellement extrovertie, pour ne pas sembler ‘ennuyeuse’, mais si nous le sommes, risquer d’être stigmatisée comme ‘salope’ ou ‘pute’.
La plupart des filles et des femmes essaient de composer avec ces pressions au meilleur de leurs possibilités. Mais en fait, quoi que fasse une fille, n’importe quel homme peut encore la traiter de ‘pute’ si le cœur lui en dit. Même une fille qui n’a jamais eu de rapport sexuel peut être qualifiée de ‘pute’.
Insultes et pouvoir
Les insultes sont une manière de blâmer des victimes pour un rapport de force qu’on leur inflige. Traiter des filles et des femmes de ‘putes’ est un mode typique de harcèlement sexuel, qu’il ait lieu à la maison, à l’école, au travail ou lors d’une sortie. Les hommes n’ont que ce mot à la bouche pour désigner les femmes qui sont dans la pornographie ou la prostitution. Et pour un agresseur sexuel, cette insulte est souvent une façon de justifier sa supériorité et sa violence sexualisée – tout comme les insultes racistes servent à justifier la violence raciste.
Être victime
Mais dans notre société morcelée (9) qui n’en a que pour les individu·e·s, il est bien sûr plus difficile de repérer de tels schémas.
Pour couronner le tout, il y a aussi le mythe entretenu au sujet du statut de victime : être une victime, de nos jours, est souvent dépeint comme le contraire de la force, comme une incapacité d’‘assurer’. Ceci amène bien des personnes à fermer les yeux sur leur propre oppression – pour éviter d’être perçue comme une victime (impuissante).
Pourtant, le véritable contraire du statut de victime, c’est celui d’agresseur. Parler de victimes, c’est désigner la présence d’une oppression. Cela ne concerne en rien les caractéristiques de la victime ; ces personnes peuvent souffrir à différents degrés, elles peuvent être fortes ou faibles (et le sont souvent simultanément !), ou il peut s’agir de personnes opiniâtres qui font leurs propres choix. Bref, se retrouver en position de victime n’est pas un trait de personnalité.
Fortes et faibles à la fois
Au 19ème siècle, quand la classe ouvrière augmentait en nombre, il était naturel pour les travailleurs-euses de se reconnaître victimes d’une oppression. C’était même le fait d’être une victime qui donnait aux gens la force de lutter contre l’oppression !
À cette époque, il n’y avait donc pas de contradiction entre une condition de victime et une identité de personne forte, en lutte. Les gens voyaient les choses dans l’autre sens : les gens qui batifolent à travers leur vie sans le moindre souci n’ont pas à se battre et à faire preuve de force. Ce sont plutôt nous, les victimes, qui sommes simultanément fortes et faibles, vulnérables et opiniâtres, et toujours en lutte.
Ceux qui bénéficient de ce mythe de la victime sont ceux qui tirent bénéfice d’une oppression permanente.
34. Le seul problème affectant la prostitution, c’est l’image négative qu’on s’en fait.
Si seulement c’était aussi simple ! J’ai entendu quelqu’un comparer la prostitution au fait de mendier sur la rue : la mendicité et la prostitution sont de vieux phénomènes, engendrés par une société inéquitable. Les deux se fondent sur la différence entre les femmes et les hommes, comme entre les pauvres et les riches. Pouvoir et subordination. On peut toujours trouver quelqu’un qui mendie non par nécessité, mais pour « sortir un peu », ou « se faire quelques ronds », mais son exemple ne change pas la nature de base de la mendicité. Mendier rend l’inégalité visible, et c’est pour cette raison que cette activité est humiliante pour le ou la mendiante. C’est la même chose pour la prostitution. La honte est projetée sur la victime, quel que soit le nom qu’on donne à cette dernière.
35. Si l’on mettait fin à la stigmatisation des putes, la prostitution ne serait pas un problème.
Non, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. La stigmatisation infligée à la ‘pute’ est typique de la plupart des formes d’oppression : il s’agit d’en rejeter la responsabilité sur les opprimé·e·s. « On colle la honte aux victimes » : c’est le premier vers d’un poème de Kjersti Ericsson, qui est un appel au soulèvement contre l’oppression. On blâme la victime. Faute de quoi, nous pourrions apercevoir son agresseur et la réalité de ce qu’il lui fait.
La prostitution tire aussi son origine d’une vision puritaine* de la sexualité, qui associe celle-ci à la saleté, la honte, et la culpabilité. La pornographie et la prostitution ont besoin du puritanisme pour créer l’impression d’une transgression de limites. Beaucoup de délinquants-prostitueurs recherchent aussi la pornographie parce qu’ils y voient une sexualité sale et honteuse.
C’est pourquoi les apologistes de la prostitution ont tort d’affirmer que son seul problème tient à sa stigmatisation. Parce que tant que l’oppression durera, la stigmatisation restera.
Et nous ne parlons pas ‘simplement’ de l’oppression qui prend la forme de la prostitution parce que, de la même façon, tant que durera la division des femmes en « vierges ou putains », la stigmatisation demeurera aussi.
36. Si la prostitution était perçue comme un travail, la stigmatisation disparaîtrait.
Rien n’est moins sûr ! En Hollande, en Allemagne, dans certaines parties de l’Australie et dans l’État américain du Nevada, où la prostitution est déjà considérée comme du « travail du sexe », les femmes prostituées sont tout aussi stigmatisées qu’ici.
En contrepartie, ceux qui ne sont pas stigmatisés du tout sont les délinquants – proxénètes, tenanciers de bordels et prostitueurs – que l’on a maintenant transformés en respectables ‘hommes d’affaires’ et leurs ‘clients’.
37. Les féministes font des prostituées des victimes.
Non, c’est faux. Il y a une différence entre opprimer sexuellement quelqu’un et rendre cette oppression visible. Ce que font les féministes, c’est mettre en lumière ce qu’est la prostitution et qui en tire bénéfice ; elles montrent que la prostitution fait partie d’un certain modèle social, qu’elle n’est pas seulement « un contrat entre deux personnes », entre autres excuses.
Si vous pensez que les féministes font des femmes prostituées des « victimes », vous ne connaissez pas grand-chose au féminisme. Réfléchissez-y un peu. Les féministes s’activent contre l’oppression. Nous travaillons dans des refuges pour femmes et pour jeunes filles, nous nous soutenons dans des groupes d’entraide, nous donnons des cours d’auto-défense féministe et nous travaillons à des changements politiques. Ce que nous faisons, c’est nous soutenir les unes les autres pour pouvoir changer nos conditions de vie, pour que les filles et les femmes n’aient pas à demeurer plus longtemps victimes de l’oppression patriarcale !
Par ailleurs, on dirait que vous voyez les femmes prostituées comme des ‘autres’. Qu’est-ce qui vous fait croire que ces femmes ne peuvent pas être des féministes ? Beaucoup des féministes qui luttent contre le système prostitutionnel le font à partir d’un vécu personnel aux prises avec cette industrie.
38. Une telle n’est pas / Je ne suis pas du genre victime !
Bien sûr que vous n’êtes pas du « genre victime », puisqu’il s’agit d’un mythe : personne n’est victime comme trait de personnalité. Mais en prenant une telle position, vous risquez plutôt de nier l’oppression !
C’est pourquoi il est si important de dégonfler ce mythe entourant les victimes. Il existe peu de victimes complètement impuissantes, malgré ce que persiste à nous dire la culture du viol omniprésente dans les médias. En réalité, nous les femmes et les filles faisons tout ce que nous pouvons pour survivre dans une société créée par les hommes et selon leurs intérêts. Même celles d’entre nous qui ont souffert plus longtemps de violences répétées, comme l’inceste ou la violence d’un mari, tentons d’éviter la violence dans la mesure du possible – bref, nous sommes simultanément des victimes et des survivantes.
C’est dire que personne n’est « du genre victime » – il s’agit d’un mythe créé par les oppresseurs pour se défiler face à leur propre responsabilité.
39. Refusez qu’on vous traite de pute !
Ou, variante opposée : Ça me plaît d’être une salope et je fais ce que je veux !
Vous savez, je comprends très bien pourquoi une fille qu’on traite à l’école de ‘pute’ ou de quelque autre mot équivalent peut vouloir faire un enjeu de « refuser d’être traitée de pute ». Mais cela équivaut à se laisser piéger. D’abord, cela suggère que vous vous dissociez des femmes en prostitution et, deuxièmement, que les hommes peuvent continuer à juger la sexualité des femmes, aussi longtemps que l’on maintient cette division elle-même.
Bien sûr, prendre plaisir à une identité de ‘salope’ peut sembler une façon d’émousser les insultes et de se donner le droit de faire ce que l’on veut. Mais la vierge et la putain sont les deux faces d’une même médaille – l’une ne peut exister sans l’autre. Alors, en pratique, le fait de vous qualifier de ‘salope’ ne signifie pas que vous êtes à l’aise dans votre sexualité, mais tout le contraire, c’est-à-dire accepter de vous définir à partir des deux conceptions puritaines et patriarcales de la sexualité qui divisent les femmes.
Personnellement, j’aimerais mieux rejeter toutes les divisons patriarcales entre les femmes : il n’y a ni putes ni vierges, nous sommes toutes des filles et des femmes et nous définissons nos vies sexuelles exactement comme nous le souhaitons !
LA MORALE
De quoi s’agit-il ?
Lorsqu’on tente de remettre en question la pornographie ou la prostitution, on apprend vite à entendre des réflexions comme « Faites-vous de la morale ? »
Ces réactions n’ont pour but que de vous faire paraître démodée et réactionnaire – on veut vous faire taire sans avoir à discuter de ce que vous avancez réellement.
Le personnel et le social
En fait, ce que l’on appelle notre ‘morale’ n’est rien d’autre que les valeurs sur lesquelles nous basons nos pensées et nos actes. Chacun-e de nous possède sa morale personnelle et ses propres valeurs. De plus, il y a aussi la morale de la société, ou morale générale, soit les valeurs que la plupart des gens de notre société partagent (ou dont ils et elles peuvent apparemment convenir). C’est pourquoi la morale générale a tellement varié d’une société, d’une culture et d’une époque à l’autre.
La morale sexuelle
Tout cela est assez évident. Mais pour une raison ou une autre, on dirait que beaucoup de gens oublient ces bases quand des questions morales se posent au sujet de la sexualité. Mais y a-t-il une raison pour laquelle la sexualité serait le seul domaine dénué de valeurs ?
En fait, la morale sexuelle est un mot-valise désignant les valeurs relatives à la sexualité – des valeurs personnelles ou sociétales –, qui peuvent être « libérées », « critiques du sexe », ou tout autre chose.
C’est dire que quiconque émet une opinion sur la façon dont les gens devraient se comporter par rapport à quelque chose « fait de la morale ». Et beaucoup de gens en font, y compris ceux qui accusent les autres d’être des moralistes... L’historienne suédoise Hjördis Levin a écrit ce qui suit dans son livre sur l’histoire de la morale sexuelle sociale : « Personne n’a songé au fait que rejeter toute forme de morale était une autre façon de faire de la morale. »
Un avantage de comprendre ce qu’est la morale est de se rendre compte que ni notre morale personnelle ni celle de notre société n’ont à être fixées une fois pour toutes. Chacun·e de nous peut changer de valeurs. Et notre société peut changer les siennes de la même façon – c’est pourquoi nous avons ce dialogue !
40. Être contre la prostitution n’est qu’une attitude de moraliste – vous faites de la morale.
Oui, bien sûr, j’ai des opinions et des valeurs – et sur des tas de sujets, en fait. Dont particulièrement l’oppression. Pas vous ?
Quel mal y a-t-il soudain à se référer à la morale ? Je m’oppose à toutes sortes de choses pour des raisons morales : la cruauté envers les animaux, la maltraitance des enfants, l’exploitation des gens, etc.
S’il y a une chose qui incarne une morale surannée, n’est-ce pas la prostitution ? Cette vision du sexe est le reflet de vieilles structures sociales, où la femme était « possédée » par son homme. La sexualité tarifée et la sexualité maritale exigeaient de la femme qu’elle s’ajuste et obéisse à son seigneur et maître. Pas question que j’endosse cette façon vieillie et misogyne d’envisager la sexualité !
41. Le gouvernement a-t-il quelque chose à voir avec ce que font deux adultes au lit ?
Bien sûr que oui ! C’est pourquoi nous avons des lois contre la violence conjugale, et c’est pourquoi le viol – y compris le viol marital – est prohibé en Suède.
La violence sexualisée des hommes contre les femmes nous entoure de partout, sous toutes sortes de formes, mais c’est généralement à la maison, et souvent jusque dans la chambre à coucher, que les femmes et les filles souffrent de la violence masculine sexualisée.
42. Les personnes qui s’opposent à la pornographie et à la prostitution font tout à fait le jeu de la droite chrétienne.
Non, c’est le contraire ! Beaucoup d’études (suédoises autant qu’internationales) montrent que les délinquants-prostitueurs consomment plus de pornographie que les autres hommes. Et une étude états-unienne montre que plus un homme est conservateur et féru de religion, plus il est susceptible d’acheter de la pornographie en ligne. Ce sont les Mormons de l’État de l’Utah qui consomment le plus de porno sur le Net. (10)
Cela démontre que c’est plutôt l’industrie du porno et de la prostitution qui est liée de près à la droite chrétienne. Les deux sont fondées sur le puritanisme, le deux poids-deux mesures, et sur l’idée que le sexe est censé se faire aux conditions des hommes.
Nous, les féministes, sommes opposées à cette vision de la sexualité – que ce soit la version de la droite chrétienne ou celle des apologistes de la prostitution.
43. Vous essayez juste de m’imposer votre morale !
J’aimerais évidemment que vous, comme tout le monde, adoptiez la conviction que personne ne doit acheter personne. C’est une question de valeurs humaines fondamentales.
Mais je ne veux rien vous imposer. Ce qui compte pour moi n’est pas l’état de votre opinion, ou celle de qui que ce soit d’autre. Mais je réclame haut et fort le droit de me battre pour une société qui dit non à l’esclavage sous toutes ses formes, et dans laquelle les femmes sont considérées comme des êtres humains – ayant des droits humains.
44. Quiconque s’oppose à la prostitution cherche à limiter la sexualité.
Absolument pas ! Même en fermant les yeux sur tout ce que nous savons de ce qu’est réellement la prostitution (ce qui est évidemment impossible) et en ne considérant que « le sexe » qui y est pratiqué, y a-t-il quoi que ce soit de plus limité que le sexe dans la prostitution ? Pour moi, le sexe tarifé est à la fois inhibé et monotone. Qu’est-ce qui pourrait être plus ennuyeux et plus limité qu’une sexualité entièrement dénuée de liberté ou de spontanéité ; se contenter d’être ce que l’homme a commandé et payé d’avance, rien de plus ?
Je suis contre la prostitution pour beaucoup de raisons, l’une étant que je n’aime pas l’idée d’une sphère commerciale qui s’empare même de la sexualité des gens. J’aime le sexe spontané !
LA SEXUALITÉ
Beaucoup de gens peuvent penser, instinctivement, que la sexualité est quelque chose de purement biologique. Mais en fait seules nos pulsions sont biologiques ; nos actes sexuels, nos désirs, nos attirances et nos penchants prennent forme tout au long de notre vie, en fonction de nos souvenirs d’expériences passées, et de l’influence de notre époque et du monde. C’est pourquoi on dit souvent que la sexualité est une « construction sociale ». Malheureusement beaucoup de gens s’en tiennent là – sans commencer à se demander qui ‘construit’ la sexualité et de quelle façon.
Nous manquons de mots
Les personnes d’idéologie libérale ont souvent du sexe une vision entièrement positive, sans exceptions. Mais cette optique nous prive de mots pour rendre compte d’actes de pouvoir sexualisé, comme la transgression progressive des limites, où une situation qui nous semble agréable à prime abord peut tourner au viol de la part d’un proche. Il n’y a pas non plus de mots pour exprimer une excitation sexuelle négative, facteur qui peut rendre une agression encore plus traumatisante, si l’agresseur a suscité chez vous une réaction sexuelle.
Voilà pourquoi il est important de lutter contre le puritanisme, qui a pris de l’ampleur en Suède avec la prolifération de la pornographie. Il nous faut trouver des mots pour exprimer tous nos sentiments sexuels, positifs et négatifs, puisque mettre nos expériences en mots nous aide aussi à les comprendre.
Explorer notre propre sexualité
La sexualité peut être une force très intense dans la vie de chacune et chacun. Elle peut vous donner de l’énergie, de la puissance, du plaisir et du désir, transporter votre corps et votre âme, vous procurer un bon sommeil et vous aider à réaliser vos projets. Mais elle peut aussi être destructive et vous meurtrir. Ou n’être qu’un intermède fastidieux. Enfin, elle peut aussi être exploitée par d’autres personnes.
Cela rend encore plus nécessaire de réfléchir à notre sexualité : pourquoi est-elle ce qu’elle est ; est-elle ou non ce que je veux qu’elle soit ?...
Le pouvoir et la subordination comme excitants
La norme sexuelle de notre société est l’hétérosexualité. Mais peu importe que nous nous voyions comme hétéro, homo ou bisexuel·le, nous apprenons toutes et tous à trouver excitant le concept de réalités opposées. Toutes les normes sexuelles, tout ce qui est décrit comme féminin ou masculin, est sexualisé, y compris les différents niveaux du pouvoir exercé dans la société. Dans le patriarcat, la position de pouvoir des hommes hétérosexuels est étroitement intégrée à notre conception de base de ce qu’est « le sexe ».
Les garçons naissent dans une société où ils apprennent que le sexe est basé sur leurs pulsions et sur leurs besoins, tandis que nous les filles apprenons à percevoir notre corps comme un objet à façonner pour éveiller la sexualité d’un garçon, c’est à dire au bénéfice de quelqu’un d’autre. On l’entraîne, lui, à être un sujet, elle, à être un objet.
De plus, nous vivons aujourd’hui dans un monde où tout est de plus en plus commercialisé, y compris les relations entre les gens. Même les soins de santé sont maintenant discutés en termes de « biens et services ».
Évidemment, ceci affecte aussi la sexualité, qui devient perçue elle aussi comme une chose qui peut être « consommée », plutôt que comme une rencontre sexuelle entre personnes, à court ou à long terme.
La prostitution
Dans une société marquée par cette tendance patriarcale à consommer l’autre, la prostitution a une place de choix. Plus le corps des femmes est vu comme un objet, plus il est transformé en « marchandise ». Et un corps qui peut être vendu appartient à son acheteur.
C’est pourquoi les féministes se sont de tout temps opposées à la prostitution, à l’objectification, aux normes sexuelles du patriarcat, et se sont battues pour le droit des femmes à vivre notre propre sexualité.
45. Les hommes fréquentent des prostituées parce qu’ils veulent une femme qui aime le sexe.
Voyons donc... Il est complètement illogique de prétendre que les hommes achètent des femmes prostituées pour trouver quelqu’un qui veut réellement d’un rapport sexuel avec eux. Si un homme voulait s’assurer de trouver une femme qui « aime le sexe », il ne paierait jamais : il chercherait une femme qui fait l’amour parce qu’elle en a envie, pas parce qu’elle est payée pour ça.
46. Les opposant·e·s à la prostitution ont toujours l’air de dire que le sexe doit toujours être agréable, comme si c’était « magique ». (…Alors que ce n’est qu’un acte comme n’importe quel autre)
Non, je ne crois pas que le sexe soit en soi quelque chose de « magique » (sauf quand il l’est ! ), mais ce n’est pas non plus un acte anodin. Notre sexualité est étroitement imbriquée à notre personnalité. Par exemple, le fait de se percevoir comme hétéro, homo, bisexuel-le ou autre, joue souvent un rôle dans notre identité.
Notre sexualité, ce qui nous stimule ou nous inhibe, comprend les souvenirs de nos premières expériences sexuelles. Celles-ci s’intègrent au tissu de notre personnalité, qu’elles aient été mémorables ou triviales.
Mais on ne peut nier cette importance de la sexualité comme élément de notre personnalité.
47. Si elle aime le sexe et veut gagner de l’argent de cette façon, où est le problème ?
Les femmes ont une sexualité qui ne se réduit pas à satisfaire les hommes – même si une femme prostituée peut jouer ce jeu face au prostitueur. Un rapport sexuel joyeux et égalitaire est affaire de désir réciproque, peu importe si c’est avec quelqu’un de nouveau ou qui partage notre vie depuis plus de 30 ans. La prostitution, au contraire, ne concerne que le ‘rapport’ que l’homme commande et paie – peu importe qui est la femme louée et ce qu’elle aime ou n’aime pas.
C’est là qu’est le problème. La prostitution est une forme d’agression sexuelle, la plupart du temps commise par des hommes utilisant des femmes. En tant que féministe, je suis opposée à cela !
48. Quelle différence y a-t-il entre la prostitution et un couple qui va au lit après que l’homme ait payé à boire à la femme durant toute la soirée ?
Avec cette question, vous niez aux femmes le droit à une sexualité bien à elles. Vous semblez croire que les femmes n’éprouvent pas de désir par elles-mêmes, qu’elles peuvent seulement se prêter aux désirs des garçons et des hommes, à condition que ceux-ci paient pour, en argent comptant ou en consommations.
La journaliste suédoise Annika N. Lindqvist explique la situation ainsi : « La prostitution, qui en général consiste en l’achat de corps de femmes par des hommes, se fonde sur un vieux moralisme périmé et sur la négation de la propre sexualité des femmes. Une société où la prostitution est largement répandue ne peut nous convenir à nous qui faisons l’amour par plaisir et gratuitement avec une personne de notre choix. »
49. Être anti-prostitution, c’est être anti-sexe.
Non, c’est tout à fait le contraire ! Si vous aimez le sexe, vous devriez être contre la prostitution. Aussi disons-nous avec l’auteure suédoise Louise Eek :
« Ce n’est pas considéré comme original ou branché de s’opposer au système prostitutionnel. Il est censé être plus “cool” de promouvoir l’accès tarifé à son corps. Pour ma part, je suis contre l’exploitation, qu’elle soit consciente ou pas. Je n’aime pas non plus gagner de l’argent sur le dos des autres. Je préfère faire l’amour, baiser à fond de train, avoir des rapports souvent ou rarement, mais le faire parce que nous en avons vraiment envie, et non parce qu’on nous paie pour satisfaire les besoins de quelqu’un d’autre. »
EN SOMME…
Dans cette brochure, nous avons essayé de proposer des réponses aux arguments les plus courants entendus au sujet de la prostitution. Mais pour conclure, nous aimerions prendre le problème à rebours, en exprimant nos propres raisons de contrer la prostitution et d’appuyer la loi suédoise qui interdit l’achat d’actes de prostitution.
1. La prostitution est du pouvoir sexualisé. Un pouvoir basé sur le genre, sur la classe sociale, sur l’ethnicité, etc.
2. Le fondement de la prostitution est la violence sexuelle infligée aux enfants. La majorité des personnes achetées en contexte prostitutionnel ont souffert d’autres formes d’agressions sexuelles avant d’arriver là, ce qu’elles font souvent aux alentours de 14 ans.
3. La prostitution fait du mal aux femmes. Les femmes vivent en prostitution de la violence sexualisée et risquent de contracter des maladies et des traumatismes psychologiques. De plus, ce sont toutes les femmes qui souffrent de la subordination des femmes et du principe qu’on peut les acheter.
4. La prostitution est un mode d’oppression. Des hommes achètent l’accès aux femmes et humilient celles qu’ils utilisent. De même, la dichotomie “vierge/putain” entrave la liberté de l’ensemble des filles et des femmes.
5. La prostitution est de l’impérialisme. Des hommes occidentaux violent des femmes et des enfants du tiers-monde, que ce soit en s’y rendant ou en achetant à domicile des victimes de la traite. Ce n’est pas non plus une coïncidence si tant de femmes utilisées dans la prostitution, par exemple au Canada, en Amérique du Sud, en Nouvelle Zélande et en Afrique, proviennent des populations indigènes de ces pays.
6. La prostitution nous dérobe à nous les femmes le droit à notre propre corps. Les garçons apprennent qu’ils ont droit à du sexe et au corps des femmes, alors que les filles apprennent à façonner leur corps pour en faire quelque chose qui excite les garçons. On attend des hommes qu’ils agissent en sujets, et des femmes qu’elles soient des objets.
7. L’égalité ne peut être réalisée tant que des hommes peuvent acheter des femmes. La sexualisation des structures du pouvoir patriarcal est le contraire même de l’égalité.
8. La prostitution sabote une sexualité basée sur le désir. La prostitution contribue à l’objectification des femmes, et à la marchandisation/réification du sexe.
9. Criminaliser les femmes en prostitution équivaudrait à rendre illégale la condition de victime de violence sexualisée.
10. Ne pas criminaliser les délinquants-prostitueurs revient à accepter l’oppression que nous venons de décrire.
Notes
9. Il s’agit d’une technique éprouvée de suppression (décrite par la féministe norvégienne Berit Ås) : la double contrainte, où l’on est perdante quoi qu’on fasse.
10. « Markets Red Light States : Who Buys Online Adult Entertainment ? », Benjamin Edelman, Journal of Economic Perspectives, No 1/2009.
Toussaint- Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010
Re: Prostitution/Travail du sexe
Je fais comme toi mon "ami", j'amalgame des positions sans chercher à savoir ce qui distingue réellement la nature de l'opposition entre FN, ou un UMP d'un militant ouvrier. La règle que tu as édictée en mélangeant ma position à celle de l'église et des réactionnaires de tout poil, c'est de mettre de côté ce que l'on sait ou pense savoir pour se concentrer sur l'amalgame. A ce jeu là, on peut effectivement faire l'économie d'un argumentaire construit comme tu le démontres si bien. J'espère que dans la vraie vie, tu sais te montrer moins con.gérard menvussa a écrit:Ce seul argument montre une seule chose : tu ne sais rien de ce que tu discutes (et si il n'y avait que la !) : le fn est d'abord contre cette loi parce quelle accorde six mois de résidence aux prostituées qui voudraient "sortir de la carriére". Or c'est un des deux points qui me semblent positif dans cette loi (avec la dépénalisation du délis de raccolage) bien que manifestement insuffisant.ah bin non ils ont adopté la même position que Menvussa et cie sur ce forum : contre la pénalisation des clients. Puis-je me permettre de faire un raccourci miroir du tien ? Par exemple vous assimiler au FN et aux autres réactionnaires de l'UMP ?
Eugene Duhring- Messages : 1705
Date d'inscription : 22/09/2011
Re: Prostitution/Travail du sexe
Il n'y a que les imbéciles pour croire à la fable gouvernementale de l'abolition de la prostitution. Néanmoins, je considère peut-être à tord nous verrons dans quelques années que la pénalisation des clients aura deux vertus : faire reculer la prostitution, provoquer le débat sur l'oppression de classe et particulièrement de GENRE par l'usage de la femme au service exclusif du plaisir des hommes. De classe du fait que la prostitution touche très majoritairement des femmes d'"en bas", mais interclassiste aussi du fait que son "usage" traverse toutes les couches sociales.Rougevert a écrit:Hé oui, ma question est faussement ingénue.
Et je crains que les conséquences ne soient bien plus rapides que tu feins de le croire.
Je te rappelle que tu as écrit ceci, à quoi je te renvoieIl ne s'agit pas seulement de pénaliser les clients, mais de prétendre ABOLIR la prostitution.Eugene Duhring a écrit:(...)
Sur la pénalisation des employeurs de travailleurs au noir, il ne viendrait à l'esprit de personne (sur ce forum aussi j'espère) de s'y opposer au motif que cela laisse les rapports d'exploitation capitaliste intacte, que cette main d'oeuvre va être marginalisée ou partir vers des cieux plus cléments au regard du code du travail et de son application, au regard aussi qu'il n'y a pas obtention d'un permis de séjour.
Sur ces deux exemples, on peut prendre le même parti que pour le refus de la pénalisation des clients, les arguments sont rigoureusement les mêmes : "nous sommes du côté des exploités, nous pensons que la loi ne règlera pas tous les problèmes, nous estimons que cette loi risque d'empirer les conditions de vie de ces exploités, en conséquence nous sommes opposés à la pénalisation des exploiteurs ... de tous les exploiteurs en généralisant".
Toutefois, sur ce forum s'exprime une opinion légèrement différente notamment chez Sylvestre et quelques autres forumeurs, qui est celle de la prostitution règlementée au même titre que n'importe quelle activité salariée ; la pénalisation des clients ayant donc une relation de frein à cette libre exploitation. Ce qui a pour conséquence de brouiller le débat et d'avoir des discussions disons ... pénibles.
C'est de l'hypocrisie bourgeoise.
Nous sommes d'accord: la pénalisation de l'emploi de travailleurs clandestins n'a pas fait cesser le travail clandestin.
Mais jamais la loi n'a prétendu l'abolir: simplement le combattre.
Le principe moral nous plait, mais la pénalisation ne nous aide pas dans le combat pour l'égalité des droits et la légalisation des sans papiers.
Nous ne luttons pas en recherchant les patrons délinquants. Ce n'est jamais mis en avant.
Pour une bonne raison: leurs patrons arrêtés, les employés sont "interpelés" eux aussi par la police et expulsables.
Les inspecteurs du travail sont en nombre ridiculement insuffisants et tout est sous contrôle de la police.
Le cas de la prostitution est particulier: moins elle est publique, plus elle est dangereuse pour ses victimes.
Cetrte réformette d'opérette prétend ABOLIR la prostitution.
Concernant le travail clandestin, si je comprends ton argumentaire un peu brouillon, tu es contre la pénalisation des exploiteurs ? Je n'ai pas bien compris.
Eugene Duhring- Messages : 1705
Date d'inscription : 22/09/2011
Re: Prostitution/Travail du sexe
La discussion gagne en effet à être plus posée et débarrassée des outrances, insultes, falsifications et réductions de positions, hélas coutumières. Sinon, si c'est "Entre Boutin et DSK, il faut choisir son camp" comme entre "Khadafi et Sarkozy" ou entre "Bachar el Assad et Fabius", ça n'a vraiment aucun intérêt.
___
Quelques éléments de réflexion.
La comparaison avec la répression de la pédophilie. Ca ne fonctionne pas car, justement, ce n'est pas la répression qui peut faire reculer la pédophilie qui a un caractère pathologique. A l'inverse de la prostitution, socialement admise jusqu'ici voire valorisée, la pédophilie est un des comportements les plus réprouvés moralement qui soit.
La délinquance. Ce n'est pas non plus la multiplication des flics, l'allongement des peines qui va la faire reculer, contrairement à la surenchère sécuritaire, qui a pour but de plaire à une partie de l'électorat et non de régler le problème.
D'une manière générale, les révolutionnaires marxistes ne demandent pas à l'état bourgeois l'aggravation de la répression, l'augmentation du nombre de flics. Nous disons même que nous ne reconnaissons pas à la bourgeois et à son Etat, qui sont les pires prédateurs, le droit moral de condamner les petits délinquants, les artisans du crime. Ca vaut aussi d'une certaine façon pour les crimes moralement réprouvables. Nous ne demandons pas perpète voire la peine de mort pour le loubard qui a agressé une vieille dame pour lui voler sa chaîne en or. Même la répression du viol avait suscité un débat chez les féministes, souvenez vous. Fallait-il demander qu'un misérable violeur en prenne pour 20 ans ?
Pour en revenir à la prostitution, c'est une bonne chose que les clients soient moralement condamnés par la société et qu'il ne soit pas considéré comme "normal" d'"aller aux putes". Je n'irai certes pas manifester contre la pénalisation avec le STRASS ou d'autres associations, mais je ne soutiendrai pas non plus cette mesure hypocrite qui ne fera sans doute pas reculer la prostitution mais donne seulement bonne conscience aux politiciens bourgeois hypocrites qui défendent un système social engendrant la misère, donc la prostitution, la délinquance etc. Ces gens-là voudraient le capitalisme sans ce qui les dérange : la prostitution trop visible, la délinquance quand elle les touche eux, les pauvres qui deviennent violents au lieu de rester à genoux etc.
Ce sont ces principes que nous devons défendre et non cautionner l'hypocrisie bourgeoise et compter sur les flics de l'Etat bourgeois pour mettre fin à la prostitution comme aux autres maux.
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Quelques éléments de réflexion.
La comparaison avec la répression de la pédophilie. Ca ne fonctionne pas car, justement, ce n'est pas la répression qui peut faire reculer la pédophilie qui a un caractère pathologique. A l'inverse de la prostitution, socialement admise jusqu'ici voire valorisée, la pédophilie est un des comportements les plus réprouvés moralement qui soit.
La délinquance. Ce n'est pas non plus la multiplication des flics, l'allongement des peines qui va la faire reculer, contrairement à la surenchère sécuritaire, qui a pour but de plaire à une partie de l'électorat et non de régler le problème.
D'une manière générale, les révolutionnaires marxistes ne demandent pas à l'état bourgeois l'aggravation de la répression, l'augmentation du nombre de flics. Nous disons même que nous ne reconnaissons pas à la bourgeois et à son Etat, qui sont les pires prédateurs, le droit moral de condamner les petits délinquants, les artisans du crime. Ca vaut aussi d'une certaine façon pour les crimes moralement réprouvables. Nous ne demandons pas perpète voire la peine de mort pour le loubard qui a agressé une vieille dame pour lui voler sa chaîne en or. Même la répression du viol avait suscité un débat chez les féministes, souvenez vous. Fallait-il demander qu'un misérable violeur en prenne pour 20 ans ?
Pour en revenir à la prostitution, c'est une bonne chose que les clients soient moralement condamnés par la société et qu'il ne soit pas considéré comme "normal" d'"aller aux putes". Je n'irai certes pas manifester contre la pénalisation avec le STRASS ou d'autres associations, mais je ne soutiendrai pas non plus cette mesure hypocrite qui ne fera sans doute pas reculer la prostitution mais donne seulement bonne conscience aux politiciens bourgeois hypocrites qui défendent un système social engendrant la misère, donc la prostitution, la délinquance etc. Ces gens-là voudraient le capitalisme sans ce qui les dérange : la prostitution trop visible, la délinquance quand elle les touche eux, les pauvres qui deviennent violents au lieu de rester à genoux etc.
Ce sont ces principes que nous devons défendre et non cautionner l'hypocrisie bourgeoise et compter sur les flics de l'Etat bourgeois pour mettre fin à la prostitution comme aux autres maux.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Prostitution/Travail du sexe
Sur les imbéciles, nous sommes d'accord.Eugene Duhring a écrit: Il n'y a que les imbéciles pour croire à la fable gouvernementale de l'abolition de la prostitution. Néanmoins, je considère peut-être à tord nous verrons dans quelques années que la pénalisation des clients aura deux vertus : faire reculer la prostitution, provoquer le débat sur l'oppression de classe et particulièrement de GENRE par l'usage de la femme au service exclusif du plaisir des hommes. De classe du fait que la prostitution touche très majoritairement des femmes d'"en bas", mais interclassiste aussi du fait que son "usage" traverse toutes les couches sociales.
Concernant le travail clandestin, si je comprends ton argumentaire un peu brouillon, tu es contre la pénalisation des exploiteurs ? Je n'ai pas bien compris.
Certains ont signé leur imbécilité, comme Martine Billard et Marie-George Buffet.
Sur l'aggravation de la violence, nous ne tarderons pas à voir qui avait raison.
Non, je ne suis pas contre (ni pour non plus) la pénalisation des exploiteurs: je suis pour la régularisation des sans papiers et l'égalité des droits.
Rougevert- Messages : 2069
Date d'inscription : 06/04/2012
Re: Prostitution/Travail du sexe
Moi aussi je suis pour un monde heureux baignant dans un océan de sentiment fraternel où la faim et la soif dans le monde n'existent plus. Je suis pour le droit de chacun à porter des lunettes roses bien au contraire.Rougevert a écrit:
Non, je ne suis pas contre (ni pour non plus) la pénalisation des exploiteurs: je suis pour la régularisation des sans papiers et l'égalité des droits.
Hé bin avec ça on avance ...
Eugene Duhring- Messages : 1705
Date d'inscription : 22/09/2011
Re: Prostitution/Travail du sexe
Voyons voirverié2 a écrit:La discussion gagne en effet à être plus posée et débarrassée des outrances, insultes, falsifications et réductions de positions...
sans commentaires. (bizarre il n'y a rien sur le NID, sur LO, ...etc... ça va venir.)verié2 a écrit:...la pédophilie qui a un caractère pathologique.
...Pour en revenir à la prostitution, c'est une bonne chose que les clients soient moralement condamnés par la société et qu'il ne soit pas considéré comme "normal" d'"aller aux putes".
...bonne conscience aux politiciens bourgeois hypocrites qui défendent un système social engendrant la misère
...non cautionner l'hypocrisie bourgeoise et compter sur les flics de l'Etat bourgeois pour mettre fin à la prostitution comme aux autres maux.
Dernière édition par Achille le Dim 8 Déc - 0:21, édité 1 fois
Achille- Messages : 2738
Date d'inscription : 24/12/2011
Re: Prostitution/Travail du sexe
Bonjour,
merci a Toussaint d'avoir mis en ligne le texte du "Front des Norvégiennes "(bizarre cette détermination quand on s'affirme contre le déterminisme... ) le point 9 m'a fort éclairé
La derniére phrase est significative d''un retour au dualisme , car sinon comment nos corps seraient a eux et pas notre "désir " ? Et où serait le désir s'il était hors du corps ? , dans "l'esprit",;;;??..., autrefois on disait l'âme ...
Ce dualisme est la source de toutes les superstitions par la sacralisation d'une entité (âme, désir, esprit....) a la fois supérieure et indéfinie
Il permet de relativiser l'exploitation du Travail par le capitalisme (puisque cette exploitation ne concernerait que les corps et non le "désir" ) et les "norvégiennes" ne s'en privent pas ...
Cette dichotomie est fausse , en neuroscience on parle du "désir de récompense " , ce désir est la clé de voute du continuum évolutif de la conscience et il est clairement objectivé par des neurotransmetteurs
Par conséquent cette dichotomie est fausse sur le plan économique , le capitalisme exploite toujours le corps ET le désir , le mineur ne désire pas travailler comme un forçat , l'ouvriere bengali du textile ne désire pas brûler vive dans son usine ...
Enfin , si comme l'affirme le "front des norvégiennes", "chacun a le droit de vivre la sexualité qu'il souhaite" , je remarque que la sacralisation d'un tel "désir" transcendant les réalitées biologiques aboutit toujours au contraire de cette liberté fondamentale , et c'est bien ce a quoi nous allons arriver avec de tels discours .
Non seulement la prostitution perdurera sous des formes encore plus dures , ellle est inhérente au capitalisme, mais la voie est ouverte pour la normalisation du "désir " dont l'application sera aussi obigatoire que la définition est vague
merci a Toussaint d'avoir mis en ligne le texte du "Front des Norvégiennes "(bizarre cette détermination quand on s'affirme contre le déterminisme... ) le point 9 m'a fort éclairé
"En tant qu’homme (car, en général, ce sont les hommes de gauche qui utilisent cet argument !), ne voyez-vous vraiment pas de différence entre travailler dans une mine et masturber votre patron ? Ou entre une femme qui vient nettoyer votre bureau et une autre qui vient vous faire une pipe ? Vous, je ne sais pas, mais moi, si !
.......................
Peut-être devriez-vous essayer une nouvelle façon de voir la chose : ils ont nos corps, mais ils ne vont pas se mêler de notre désir !"
La derniére phrase est significative d''un retour au dualisme , car sinon comment nos corps seraient a eux et pas notre "désir " ? Et où serait le désir s'il était hors du corps ? , dans "l'esprit",;;;??..., autrefois on disait l'âme ...
Ce dualisme est la source de toutes les superstitions par la sacralisation d'une entité (âme, désir, esprit....) a la fois supérieure et indéfinie
Il permet de relativiser l'exploitation du Travail par le capitalisme (puisque cette exploitation ne concernerait que les corps et non le "désir" ) et les "norvégiennes" ne s'en privent pas ...
Cette dichotomie est fausse , en neuroscience on parle du "désir de récompense " , ce désir est la clé de voute du continuum évolutif de la conscience et il est clairement objectivé par des neurotransmetteurs
Par conséquent cette dichotomie est fausse sur le plan économique , le capitalisme exploite toujours le corps ET le désir , le mineur ne désire pas travailler comme un forçat , l'ouvriere bengali du textile ne désire pas brûler vive dans son usine ...
Enfin , si comme l'affirme le "front des norvégiennes", "chacun a le droit de vivre la sexualité qu'il souhaite" , je remarque que la sacralisation d'un tel "désir" transcendant les réalitées biologiques aboutit toujours au contraire de cette liberté fondamentale , et c'est bien ce a quoi nous allons arriver avec de tels discours .
Non seulement la prostitution perdurera sous des formes encore plus dures , ellle est inhérente au capitalisme, mais la voie est ouverte pour la normalisation du "désir " dont l'application sera aussi obigatoire que la définition est vague
nestor- Messages : 260
Date d'inscription : 01/04/2011
Re: Prostitution/Travail du sexe
Un entretien avec Christine Delphy – Politis
[Publié en octobre dernier et effectué par Ingrid Merckx, l'entretien suivant est extrait du n°1272 de la revue Politis. Je le reproduis avec l'aimable autorisation de Christine Delphy et d'Ingrid Merckx - merci à toutes deux.]
Le Lieu-dit, à Paris, était comble le 28 septembre pour la conférence organisée avec Christine Delphy à l’occasion de la réédition de son ouvrage phare. «L’Ennemi principal est un document de référence dans les études féministes. Ses deux tomes retracent l’évolution d’une pensée en mouvement», a souligné la sociologue Sylvie Tissot. Exemple : à propos du mariage pour tous, où Christine Delphy est passée du manque d’intérêt – «Ma génération était plutôt pour la suppression du mariage pour tout le monde» – au soutien. Une fracture s’est dessinée entre cette féministe « marxistematérialiste et radicale » et plusieurs jeunes auditrices à propos de la transsexualité. « Je ne vois pas en quoi soutenir une femme qui veut devenir un homme, et donc passer dans le camp de l’oppresseur, est un combat féministe », a-t-elle déclaré.
Environ trente ans se sont écoulés entre le premier article, éponyme, de l’Ennemi principal et le dernier article. Quelle différence d’impact entre alors et maintenant ?
Christine Delphy: Il n’y en a pas tant que ça. L’article le plus connu, « L’ennemi principal », porte sur les grandes structures du patriarcat et l’exploitation économique des femmes. Cela n’a, malheureusement, pas beaucoup changé. Le non-partage du travail dit domestique est quasi le même. Le travail paraprofessionnel – que les femmes font pour leur mari sans recevoir de rétribution (comptabilité, accueil des clients, travaux en tous genres…) – a un peu diminué, notamment avec le déclin de l’agriculture. Mais de nouveaux métiers indépendants se sont créés. Et, dans ce domaine, on ne sait rien des inégalités.
Quels mouvements avez-vous opérés en trente ans ?
Je n’ai pas changé d’avis. « L’ennemi principal » est une sorte d’article programmatique que je n’ai cessé d’approfondir par chapitres. J’ai montré que les obligations des femmes persistaient dans le divorce, que la consommation présumée égale dans une famille est totalement inégale, que l’héritage n’est pas égalitaire. J’ai également développé la démarche matérialiste en opposition à l’idéalisme et au naturalisme.
Vous avez toujours déploré le manque de reconnaissance par les marxistes de la spécificité de l’oppression féminine. Vos détracteurs sont-ils restés les mêmes ?
Mes détracteurs, de moins en moins nombreux, sont toujours ceux qui pensent que le capitalisme est la cause de tout. Le système patriarcal préexistait au capitalisme. Le système capitaliste n’a pas de raison de faire de différence entre les sexes. S’il en fait, c’est bien qu’il y a collusion entre capitalisme et patriarcat. Le capitalisme actuel appuie le système le plus spécifique de l’oppression patriarcale, soit l’extorsion de travail gratuit aux femmes. Car les femmes travaillent aussi sur le marché du travail et, là, elles sont sous-payées par rapport aux hommes. C’est encore plus évident dans les pays en développement. Maxence Van der Meersch, romancier du début du XXe, disait que les ouvrières étaient payées juste assez pour ne pas avoir de quoi vivre et être obligées de coucher avec le contremaître. Ce qui est quand même la base de la prostitution…
La pénalisation des clients n’a pas été abordée lors de votre conférence. Le sujet divise les féministes…
En effet, le sujet les divise, mais la majorité, dont moi, défend une pénalisation des clients pour lancer un message : ça n’est pas bien d’acheter les services sexuels de quelqu’un. Il faut changer les mentalités par rapport à cet acte. Il ne s’agit pas de mettre une fin brutale à la prostitution, ce qui reviendrait à pénaliser les prostituées, mais de commencer à faire comprendre aux gens que, finalement, la prostitution est un viol payé.
Je comprends les prostituées qui ont peur de perdre leurs clients. Malheureusement, il y aura toujours assez de clients. Dans la proposition « Abolition 2012 », il est question d’abolir le délit de racolage passif, supprimé par Mitterrand, rétabli par Sarkozy. C’est ce délit qui précarise les prostituées et non la pénalisation des clients. C’est vrai, avec la pénalisation, la prostitution changera de forme, mais cela entraînera un changement de regard pour les générations suivantes. Un interdit n’a pas d’effets tout de suite.
La vérité, c’est que les gens qui, en France, défendent ce qu’ils appellent le «travail du sexe» voudraient que le proxénétisme cesse d’être un délit. Les pays qui ont « légalisé la prostitution » ont en fait légalisé le proxénétisme. Le débat semble être sur la prostitution, mais la prostitution n’est pas illégale en France, seul le proxénétisme l’est. Il existe un débat masqué pour que les prostituées travaillent dans des centres ou dans des «cabinets», et éventuellement les unes pour les autres : que le proxénétisme ne soit plus poursuivi.
Votre position sur la transsexualité déclenche des réactions vives. Cela vous surprend-il ?
La question de la transsexualité se pose beaucoup plus maintenant. Mais, dans cette démarche, on perd de vue la lutte féministe : pour la disparition du genre. Quand le mouvement a commencé, en 1970, c’était une réunion d’individus – on était féministe chacune dans son coin et on faisait ce qu’on pouvait –, qui est devenue une lutte collective. Il semblerait qu’on abandonne l’idée de lutte collective pour une transformation sociale. On parle d’actes de « subversion » individuelle ou de « résistance » individuelle. C’est le cas dans le mouvement queer. On a l’impression que tout ce qu’on peut espérer, c’est mettre quelques grains de sable dans le système et non plus le défaire. Il reste bien des luttes collectives : contre la prostitution et les violences sexuelles, pour le respect du droit à l’avortement… Mais l’arrivée du queer me paraît rencontrer une démarche individualiste pour que des personnes changent de catégorie, sans remettre en cause ces catégories.
Je m’intéresse aux subjectivités, et cette démarche doit être soutenue dans le cadre du droit à la dignité de chaque personne ; mais elle ne constitue pas un combat politique dans le sens où elle ne propose pas un changement des structures de la société.
Avez-vous le sentiment de ne pas retrouver aujourd’hui le combat de votre génération ?
Pour moi, envisager en priorité des changements individuels exprime une certaine résignation. C’est ce que dit Judith Butler : on ne va pas changer le système, tout ce qu’on peut faire c’est jouer sur les marges. Je comprends, bien sûr, que des filles veuillent devenir des garçons, et vice versa, mais je décèle une espèce de malentendu sur ce qu’est une structure sociale : peut-on généraliser le transsexualisme ? Est-ce une solution à l’existence de la hiérarchie des genres ?
Où en est la lutte féministe ?
Il y a régulièrement des périodes de stabilisation où l’on vous dit : aujourd’hui, c’est l’égalité. C’est le cas en ce moment où les hommes gagnent toujours 35 % de plus que les femmes tandis qu’ils n’effectuent que 20 % du travail domestique ; mais on laisse entendre aux femmes : « Mieux qu’aujourd’hui, vous n’y arriverez pas, ou alors vous allez perdre l’amour des hommes » – éternel grand levier ! Nous connaissons donc une période de reflux du féminisme. La grande majorité des femmes sont effrayées à l’idée de perdre au change en poussant pour l’égalité. Mais ça va revenir. Je sens chez des jeunes trentenaires une grande exaspération contre le système. La question, c’est : vont-elles être assez connectées entre elles ?
Propos recueillis par Ingrid Merckx
Toussaint- Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010
Re: Prostitution/Travail du sexe
Prostitution and Male Supremacy
by Andrea Dworkin
Copyright © 1993, 1994 by Andrea Dworkin.
All rights reserved.
[Andrea Dworkin delivered this speech at a symposium entitled "Prostitution: From Academia to Activism," sponsored by the Michican Journal of Gender and Law at the University of Michigan Law School, October 31, 1992.]
I'm very honored to be here with my friends and my peers, my sisters in this movement.
I also feel an awful lot of conflict about being here, because it is very hard to think about talking about prostitution in an academic setting. It's really difficult.
The assumptions of academia can barely begin to imagine the reality of life for women in prostitution. Academic life is premised on the notion that there is a tomorrow and a next day and a next day; or that someone can come inside from the cold for time to study; or that there is some kind of discourse of ideas and a year of freedom in which you can have disagreements that will not cost you your life. These are premises that those who are students here or who teach here act on every day. They are antithetical to the lives of women who are in prostitution or who have been in prostitution.
If you have been in prostitution, you do not have tomorrow in your mind, because tomorrow is a very long time away. You cannot assume that you will live from minute to minute. You cannot and you do not. If you do, then you are stupid, and to be stupid in the world of prostitution is to be hurt, is to be dead. No woman who is prostituted can afford to be that stupid, such that she would actually believe that tomorrow will come.
I cannot reconcile these different premises. I can only say that the premises of the prostituted woman are my premises. They are the ones that I act from. They are the ones that my work has been based on all of these years. I cannot accept--because I cannot believe--the premises of the feminism that comes out of the academy: the feminism that says we will hear all these sides year after year, and then, someday, in the future, by some process that we have not yet found, we will decide what is right and what is true. That does not make sense to me. I understand that to many of you it does make sense. I am talking across the biggest cultural divide in my own life. I have been trying to talk across it for twenty years with what I would consider marginal success.
I want to bring us back to basics. Prostitution: what is it? It is the use of a woman's body for sex by a man, he pays money, he does what he wants. The minute you move away from what it really is, you move away from prostitution into the world of ideas. You will feel better; you will have a better time; it is more fun; there is plenty to discuss, but you will be discussing ideas, not prostitution. Prostitution is not an idea. It is the mouth, the vagina, the rectum, penetrated usually by a penis, sometimes hands, sometimes objects, by one man and then another and then another and then another and then another. That's what it is.
I ask you to think about your own bodies--if you can do so outside the world that the pornographers have created in your minds, the flat, dead, floating mouths and vaginas and anuses of women. I ask you to think concretely about your own bodies used that way. How sexy is it? Is it fun? The people who defend prostitution and pornography want you to feel a kinky little thrill every time you think of something being stuck in a woman. I want you to feel the delicate tissues in her body that are being misused. I want you to feel what it feels like when it happens over and over and over and over and over and over and over again: because that is what prostitution is.
Which is why--from the perspective of a woman in prostitution or a woman who has been in prostitution--the distinctions other people make between whether the event took place in the Plaza Hotel or somewhere more inelegant are not the distinctions that matter. These are irreconcilable perceptions, with irreconcilable premises. Of course the circumstances must matter, you say. No, they do not, because we are talking about the use of the mouth, the vagina, and the rectum. The circumstances don't mitigate or modify what prostitution is.
And so, many of us are saying that prostitution is intrinsically abusive. Let me be clear. I am talking to you about prostitution per se, without more violence, without extra violence, without a woman being hit, without a woman being pushed. Prostitution in and of itself is an abuse of a woman's body. Those of us who say this are accused of being simple-minded. But prostitution is very simple. And if you are not simple-minded, you will never understand it. The more complex you manage to be, the further away from the reality you will be--the safer you will be, the happier you will be, the more fun you will have discussing the issue of prostitution. In prostitution, no woman stays whole. It is impossible to use a human body in the way women's bodies are used in prostitution and to have a whole human being at the end of it, or in the middle of it, or close to the beginning of it. It's impossible. And no woman gets whole again later, after. Women who have been abused in prostitution have some choices to make. You have seen very brave women here make some very important choices: to use what they know; to try to communicate to you what they know. But nobody gets whole, because too much is taken away when the invasion is inside you, when the brutality is inside your skin. We try so hard to communicate, all of us to each other, the pain. We plead, we make analogies. The only analogy I can think of concerning prostitution is that it is more like gang rape than it is like anything else.
Oh, you say, gang rape is completely different. An innocent woman is walking down the street and she is taken by surprise. Every woman is that same innocent woman. Every woman is taken by surprise. In a prostitute's life, she is taken by surprise over and over and over and over and over again. The gang rape is punctuated by a money exchange. That's all. That's the only difference. But money has a magical quality, doesn't it? You give a woman money and whatever it is that you did to her she wanted, she deserved. Now, we understand about male labor. We understand that men do things they do not like to do in order to earn a wage. When men do alienating labor in a factory we do not say that the money transforms the experience for them such that they loved it, had a good time, and in fact, aspired to nothing else. We look at the boredom, the dead-endedness; we say, surely the quality of a man's life should be better than that.
The magical function of money is gendered; that is to say, women are not supposed to have money, because when women have money, presumably women can make choices, and one of the choices that women can make is not to be with men. And if women make the choice not to be with men, men will then be deprived of the sex that men feel they have a right to. And if it is required that a whole class of people be treated with cruelty and indignity and humiliation, put into a condition of servitude, so that men can have the sex that they think they have a right to, then that is what will happen. That is the essence and the meaning of male dominance. Male dominance is a political system.
It is always extraordinary, when looking at this money exchange, to understand that in most people's minds the money is worth more than the woman is. The ten dollars, the thirty dollars, the fifty dollars, is worth much more than her whole life. The money is real, more real than she is. With the money he can buy a human life and erase its importance from every aspect of civil and social consciousness and conscience and society, from the protections of law, from any right of citizenship, from any concept of human dignity and human sovereignty. For fifty fucking dollars any man can do that. If you were going to think of a way to punish women for being women, poverty would be enough. Poverty is hard. It hurts. The bitches would be sorry they're women. It's hard to be hungry. It's hard not to have a nice place to live in. You feel real desperate. Poverty is very punishing. But poverty isn't enough, because poverty alone does not provide a pool of women for men to fuck on demand. Poverty is insufficient to create that pool of women, no matter how hungry women get. So, in different cultures, societies are organized differently to get the same result: not only are women poor, but the only thing of value a woman has is her so-called sexuality, which, along with her body, has been turned into a sellable commodity. Her so-called sexuality becomes the only thing that matters; her body becomes the only thing that anyone wants to buy. An assumption then can be made: if she is poor and needs money, she will be selling sex. The assumption may be wrong. The assumption does not create the pool of women who are prostituted. It takes more than that. In our society, for instance, in the population of women who are prostituted now, we have women who are poor, who have come from poor families; they are also victims of child sexual abuse, especially incest; and they have become homeless.
Incest is boot camp. Incest is where you send the girl to learn how to do it. So you don't, obviously, have to send her anywhere, she's already there and she's got nowhere else to go. She's trained. And the training is specific and it is important: not to have any real boundaries to her own body; to know that she's valued only for sex; to learn about men what the offender, the sex offender, is teaching her. But even that is not enough, because then she runs away and she is out on the streets and homeless. For most women, some version of all these kinds of destitution needs to occur.
I have thought a lot in the last couple of years about the meaning of homelessness for women. I think that it is, in a literal sense, a precondition, along with incest and poverty in the United States, to create a population of women who can be prostituted. But it has a wider meaning, too. Think about where any woman really has a home. No child is safe in a society in which one out of three girls is going to be sexually abused before she is eighteen. 1 No wife is safe in a society in which recent figures appear to say that one out of two married women has been or is being beaten. 2 We are the homemakers; we make these homes but we have no right to them. I think that we have been wrong to say that prostitution is a metaphor for what happens to all women. I think that homelessness really is that metaphor. I think that women are dispossessed of a place to live that is safe, that belongs to the woman herself, a place in which she has not just sovereignty over her own body but sovereignty over her actual social life, whether it is life in a family or among friends. In prostitution, a woman remains homeless.
But there is something very specific about the condition of prostitution that I would like to try to talk about with you.
I want to emphasize that in these conversations, these discussions about prostitution, we are all looking for language. We are all trying to find ways to say what we know and also to find out what we don't know. There is a middle-class presumption that one knows everything worth knowing. It is the presumption of most prostituted women that one knows nothing worth knowing. In fact, neither thing is true. What matters here is to try to learn what the prostituted woman knows, because it is of immense value. It is true and it has been hidden. It has been hidden for a political reason: to know it is to come closer to knowing how to undo the system of male dominance that is sitting on top of all of us.
I think that prostitutes experience a specific inferiority. Women in general are considered to be dirty. Most of us experience this as a metaphor, and, yes, when things get very bad, when terrible things happen, when a woman is raped, when a woman is battered, yes, then you recognize that underneath your middle-class life there are assumptions that because you are a woman you are dirty. But a prostitute lives the literal reality of being the dirty woman. There is no metaphor. She is the woman covered in dirt, which is to say that every man who has ever been on top of her has left a piece of himself behind; and she is also the woman who has a purely sexual function under male dominance so that to the extent people believe that sex is dirty, people believe that prostituted women are dirt.
The prostituted woman is, however, not static in this dirtiness. She's contagious. She's contagious because man after man after man comes on her and then he goes away. For instance, in discussions of AIDS, the prostituted woman is seen as the source of the infection. That is a specific example. In general, the prostituted woman is seen as the generative source of everything that is bad and wrong and rotten with sex, with the man, with women. She is seen as someone who is deserving of punishment, not just because of what she "does"--and I put does in quotes, since mostly it is done to her--but because of what she is.
She is, of course, the ultimate anonymous woman. Men love it. While she is on her twenty-fourth false name--dolly, baby, cutie, cherry tart, whatever all the pornographers are cooking up this week as a marketing device--her namelessness says to the man, she's nobody real, I don't have to deal with her, she doesn't have a last name at all, I don't have to remember who she is, she's not somebody specific to me, she's a generic embodiment of woman. She is perceived as, treated as--and I want you to remember this, this is real--vaginal slime. She is dirty; a lot of men have been there. A lot of semen, a lot of vaginal lubricant. This is visceral, this is real, this is what happens. Her anus is often torn from the anal intercourse, it bleeds. Her mouth is a receptacle for semen, that is how she is perceived and treated. All women are considered dirty because of menstrual blood but she bleeds other times, other places. She bleeds because she's been hurt, she bleeds and she's got bruises on her.
When men use women in prostitution, they are expressing a pure hatred for the female body. It is as pure as anything on this earth ever is or ever has been. It is a contempt so deep, so deep, that a whole human life is reduced to a few sexual orifices, and he can do anything he wants. Other women at this conference have told you that. I want you to understand, believe them. It's true. He can do anything he wants. She has nowhere to go. There is no cop to complain to; the cop may well be the guy who is doing it. The lawyer that she goes to will want payment in kind. When she needs medical help, it turns out he's just another john. Do you understand? She is literally nothing. Now, many of us have experiences in which we feel like nothing, or we know that someone considers us to be nothing or less than nothing, worthless, but for a woman in prostitution, this is the experience of life every day, day in and day out.
He, meanwhile, the champion here, the hero, the man, he's busy bonding with other men through the use of her body. One of the reasons he is there is because some man has been there before him and some man will be there after him. This is not theory. When you live it, you see that it is true. Men use women's bodies in prostitution and in gang rape to communicate with each other, to express what they have in common. And what they have in common is that they are not her. So she becomes the vehicle of his masculinity and his homoeroticism, and he uses the words to tell her that. He shares the sexuality of the words, as well as the acts, directed at her, with other men. All of those dirty words are just the words that he uses to tell her what she is. (And from the point of view of any woman who has been prostituted--if she were to express that point of view, which it is likely she will not--the fight that male artists wage for the right to use dirty words is one of the sicker and meaner jokes on the face of this earth, because there is no law, no rule, no etiquette, no courtesy that stops any man from using every single one of those words on any prostituted woman; and the words have the sting that they are supposed to have because in fact they are describing her.) She's expendable. Funny, she has no name. She is a mouth, a vagina, and an anus, who needs her in particular when there are so many others? When she dies, who misses her? Who mourns her? She's missing, does anybody go look for her? I mean, who is she? She is no one. Not metaphorically no one. Literally, no one.
Now, in the history of genocide, for instance, the Nazis referred to the Jews as lice and they said, we are going to exterminate them. 3 In the history of the slaughter of the indigenous people of the Americas, those who made policy said, they're lice, kill them. 4 Catharine MacKinnon talked earlier about gender cleansing: murdering prostitutes. She is right. Prostituted women are women who are there, available for the gynocidal kill. And prostituted women are being killed every single day, and we don't think we're facing anything resembling an emergency. Why should we? They're no one. When a man kills a prostitute, he feels righteous. It is a righteous kill. He has just gotten rid of a piece of dirt, and the society tells him he is right.
There is also a specific kind of dehumanization experienced by women who are prostituted. Yes, all women experience being objects, being treated like objects. But prostituted women are treated like a certain kind of object, which is to say, a target. A target isn't any old object. You might take pretty good care of some objects that you have around the house. But a target you go after. You put the dart in the hole. That's what the prostitute is for. What that should tell you is how much aggression goes into what a man does when he seeks out, finds, and uses a prostituted woman.
Toussaint- Messages : 2238
Date d'inscription : 09/07/2010
Re: Prostitution/Travail du sexe
C'est en effet le principal argument valable en faveur de la pénalisation. Mais cette pénalisation changera-t-elle vraiment les mentalités dans le contexte actuel ? Dans une période de crise et de déliquescence de la société, les facteurs qui poussent au contraire à aggraver le sort des femmes et d'une manière général des catégories des plus faibles des classes populaires sont bien plus forts que les bonnes intentions et les lois. Il en est par exemple du sexisme comme du racisme - malgré la pénalisation (bien théorique) des propos et comportements racistes, on assiste tout de même à une montée du racisme sous ses diverses formes.Christine Delphy
la majorité, dont moi, défend une pénalisation des clients pour lancer un message : ça n’est pas bien d’acheter les services sexuels de quelqu’un. Il faut changer les mentalités par rapport à cet acte. Il ne s’agit pas de mettre une fin brutale à la prostitution, ce qui reviendrait à pénaliser les prostituées, mais de commencer à faire comprendre aux gens que, finalement, la prostitution est un viol payé.
C'est pourquoi la pénalisation, non seulement sans la lutte contre les causes fondamentales de la prostitution mais accompagnée d'offensives anti-sociales dont les femmes sont parmi les principales victimes n'est qu'un gadget hypocrite. Les relations entre l'état de la société, son niveau de développement, les conditions sociales qu'elle offre à la population d'une part, et ses moeurs de l'autre, ne sont sans doute pas mécaniques, mais ils forment un ensemble indissociable.
Ce qui est gênant dans l'attitude des gens qui se revendiquent du marxisme et qui applaudissent de telles mesurettes, c'est qu'ils donnent l'impression de débattre avec les représentants de la classe adverse de la meilleure façon d'améliorer un peu leur système sur un point ou un autre et ainsi de cautionner leurs discours hypocrites et démagogiques, sans commencer par mettre en avant ce qui est fondamental en affirmant haut et fort que ces comtesses, dames de charité et féministes de salon sont dans le camp des ennemis des femmes travailleuses et sont mal placées pour donner des leçons à qui que ce soit sur ce terrain.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Prostitution/Travail du sexe
verié2 a écrit:Christine Delphy
la majorité, dont moi, défend une pénalisation des clients pour lancer un message : ça n’est pas bien d’acheter les services sexuels de quelqu’un. Il faut changer les mentalités par rapport à cet acte. Il ne s’agit pas de mettre une fin brutale à la prostitution, ce qui reviendrait à pénaliser les prostituées, mais de commencer à faire comprendre aux gens que, finalement, la prostitution est un viol payé.
Voyons voirverié2 a écrit:La discussion gagne en effet à être plus posée et débarrassée des outrances, insultes, falsifications et réductions de positions...
verié2 a écrit:... ces comtesses, dames de charité et féministes de salon sont dans le camp des ennemis des femmes travailleuses et sont mal placées pour donner des leçons à qui que ce soit sur ce terrain.
Achille- Messages : 2738
Date d'inscription : 24/12/2011
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