Xavier Mathieu licencié par Woerth !
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Xavier Mathieu licencié par Woerth !
CONTI Xavier Mathieu licencié vendredi 15 octobre 2010 par Woerth : "Il faut pas baisser la tete."
dimanche 17 octobre 2010
"Le gouvernement s’en prend à moi, car je suis devenu un symbole. "
Xavier Mathieu
Le ministère du travail - Woerth - autorise le licenciement de Xavier Mathieu le leader CGT des Conti de Clairoix (Oise) et porte parole de leur lutte. Il fait les frais de ses convictions et de son engagement au motif mensonger qu’il aurait refusé un reclassement en Moselle. C’est le seul délégué syndical de Continental dans ce cas et cela permet à Continental de ne pas lui verser le résultat des accords sur le plan social, obtenu notamment par son combat : 2 ans de salaires et 50 K€ d’indemnité -en plus des conventionnelles.
****************
"Saccage" de la sous-préfecture de Compiègne
(retranscription de la declaration de Xavier Mathieu, leader syndical et porte-parole des anciens salariés de Continental Clairoix a la sortie du tribunal d’appel, la presse écrite ne l’ayant pas relayée !)
"La grosse victoire aujourd’hui, elle est, que quand on se bat on peut gagner. Il faut relever la tete et aller au combat. Et c’est pas terminé ! Sur les retraites, la fonction publique, le privé, il est temps, une bonne fois pour toutes, qu’on y aille tous ensemble.
Qu’on y aille tous ensemble, dans la rue, c’est ce qui leur fait peur. On est 40 millions de travailleurs, on est pas des faibles, on est bien plus puissants que n’importe quelle armée. C’est notre force !
Nous les Contis on a relevé la tete, on est allé au combat.
Maintenant c’est a la France d’en faire autant.
A la France d’en faire autant !
Je vous garantis que les combats a venir seront certainement bien plus durs. Il faut pas se laisser faire.
Il faut pas baisser la tete."
dimanche 17 octobre 2010
"Le gouvernement s’en prend à moi, car je suis devenu un symbole. "
Xavier Mathieu
Le ministère du travail - Woerth - autorise le licenciement de Xavier Mathieu le leader CGT des Conti de Clairoix (Oise) et porte parole de leur lutte. Il fait les frais de ses convictions et de son engagement au motif mensonger qu’il aurait refusé un reclassement en Moselle. C’est le seul délégué syndical de Continental dans ce cas et cela permet à Continental de ne pas lui verser le résultat des accords sur le plan social, obtenu notamment par son combat : 2 ans de salaires et 50 K€ d’indemnité -en plus des conventionnelles.
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"Saccage" de la sous-préfecture de Compiègne
(retranscription de la declaration de Xavier Mathieu, leader syndical et porte-parole des anciens salariés de Continental Clairoix a la sortie du tribunal d’appel, la presse écrite ne l’ayant pas relayée !)
"La grosse victoire aujourd’hui, elle est, que quand on se bat on peut gagner. Il faut relever la tete et aller au combat. Et c’est pas terminé ! Sur les retraites, la fonction publique, le privé, il est temps, une bonne fois pour toutes, qu’on y aille tous ensemble.
Qu’on y aille tous ensemble, dans la rue, c’est ce qui leur fait peur. On est 40 millions de travailleurs, on est pas des faibles, on est bien plus puissants que n’importe quelle armée. C’est notre force !
Nous les Contis on a relevé la tete, on est allé au combat.
Maintenant c’est a la France d’en faire autant.
A la France d’en faire autant !
Je vous garantis que les combats a venir seront certainement bien plus durs. Il faut pas se laisser faire.
Il faut pas baisser la tete."
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Interview Télérama
Témoignage
Ils ont vu “Les Vivants et les Morts” (5/5)
Xavier Mathieu : “Dans ‘Les Vivants et les Morts’, tout sonne vrai, jusque dans les détails”
LE FIL TéLéVISION - Si le côté romanesque de la série de Gérard Mordillat l’a d’abord troublé, Xavier Mathieu, délégué CGT des “Contis” (Continental), a rapidement changé d’avis. Et rend un vibrant hommage au réalisateur pour,finalement…, avoir su montrer un conflit social depuis le cœur des hommes et des femmes qui le vivent dans leur intimité. Mais aussi, bien sûr, pour son extrême réalisme, qui fait écho à sa propre histoire. Une histoire qui rebondit ces jours-ci.
Xavier Mathieu était délégué CGT à l’usine Continental de Clairoix. Quand la direction allemande a décidé la fermeture de l’usine en mars 2009, il a pris en main la révolte des « Contis » et, après des mois d’une lutte collective acharnée, a contraint direction et pouvoirs publics à un accord beaucoup plus favorable aux 1 120 salariés que celui prévu à l’origine. Comme Maurad Rabhi, Laurence Dumont, Jean-Claude Boudet ou les ouvrières de Lejaby, il a accepté de regarder “Les Vivants et les Morts” (derniers episodes mercredi soir sur France 2) et de nous livrer son regard sur une des rares fictions à avoir investi le champ de la réalité sociale.
Entre le moment où nous avons réalisé cette interview et sa diffusion sur le site, Xavier Mathieu s’est à nouveau retrouvé sous les feux de l’actualité en raison d’une décision pour le moins scandaleuse du ministre du Travail, Eric Woerth. Son ministère avait été saisi par plusieurs salariés protégés (représentants du personnel ou représentants syndicaux) de Continental d’une demande d’annulation de la décision par laquelle l’inspectrice du travail autorisait leur licenciement pour motif économique. Dans une lettre datée du 5 octobre, Eric Woerth leur donne raison et annonce refuser leur licenciement au motif que « l’employeur ne démontrait pas avoir recherché le reclassement aux meilleures conditions possibles des intéressés au sein du groupe ». Seul un licenciement est accepté par le ministre : celui de Xavier Mathieu. Motif invoqué : il n’aurait pas donné suite à une proposition de reclassement sur le site de Sarreguemines qui lui a été faite le 9 septembre 2010. « Il ne faut pas y voir une quelconque discrimination à son égard », affirme sans rire le directeur général du Travail, Jean-Denis Combrexelle dans Le Parisien du 13 octobre. Difficile à avaler. Le 22 septembre, soit quinze jours avant que la décision ne soit rendue public, Xavier Mathieu a rencontré le même Jean-Denis Combrexelle, qu’il a informé devant témoins de son intention d’accepter la proposition de reclassement qui lui était faite. Trois jours plus tard, il a envoyé une lettre en ce sens en recommandé avec accusé de réception à la direction de Continental et a reçu hier un courier le convoquant à un entretien pour ce poste.
Dans ces conditions, comment ne pas croire à une forme d’acharnement des pouvoirs publics. En autorisant le licenciement de Xavier Mathieu, l’Etat veut se payer un symbole de la lutte ouvrière en plein conflit sur les retraites. Son avocat va déposer jeudi prochain un référé liberté pour demander au juge « qu’il fasse en urgence injonction au ministre du Travail de réexaminer le recours hiérarchique présenté par Xavier Mathieu en tenant compte du fait qu’il avait accepté les propositions d’aller à Sarreguemines ». Pour le leader des Contis, le combat continue.
Votre première impression après avoir vu le film ?
J'ai été bouleversé. Je pense que ce film va énormément toucher tous ceux qui ont vécu ce genre de situation et faire comprendre aux autres la détresse et le désarroi que peuvent ressentir des salariés brutalement privés de travail. La fermeture d'une boîte est quelque chose de très violent. Vous avez l'impression de tout perdre. C'est un deuil, un trou noir. Le film montre une histoire différente de celle des Contis, mais j'ai été troublé par son réalisme – tout sonne vrai, jusque dans les détails – et son humanisme. Je dis merci à Mordillat de l’avoir réalisé. C’est un grand hommage à la classe ouvrière et ils sont tellement rares à la télévision.
Le côté romanesque du film ne vous a pas gêné ?
Au début si. Je me suis dit : « OK, ils veulent encore faire pleurer dans les chaumières. » J'ai changé d'avis au fil des épisodes pour finir par trouver cet aspect-là vachement important. Un conflit social, c'est en même temps une lutte collective et une lutte individuelle. Il y a la vie dans la lutte et, à côté, la vie dans le couple et la vie avec les proches. On ne peut pas tenir le coup dans un conflit social dur sans être entouré par des gens qui vous aiment et vous aident à porter votre combat. On ne sort jamais indemne d'un conflit. Sans l'amour des siens, on ne s'en sort tout simplement pas. C’est impossible. Sans Dallas, Rudy ne va pas jusqu’au bout. D’une certaine manière, les hommes et les femmes qui entourent ceux qui luttent ont autant, sinon plus de mérite, que ceux qui sont en première ligne. C’est ce que je veux avant tout retenir du film.
Y-a-t-il des choses que le film n'aborde pas ?
La seule chose qui me semble un peu minoré, c'est le carnage de l'alcool. Bien sûr, il y a le personnage de Mickie, la déléguée FO, mais dans la réalité, le nombre de gens qui se mettent à boire pour oublier leur souffrance pendant un conflit est énorme. J’ai pu le constater partout où je suis allé. A Continental, ma hantise pendant le conflit était aussi d’arriver un jour à l’usine et d’apprendre que l’un d'entre nous s’était flingué. Il y avait une telle détresse. C’est pour ça qu’il est important de lutter. La lutte maintient la tête hors de l’eau. Elle redonne des forces. Même le médecin du travail conseillait aux salariés déprimés de ne pas s'isoler, de participer aux assemblées générales, d’aller aux manifestations.
J'espère que les gens vont comprendre que dans le film Lorquin ne se suicide pas à cause d'une histoire d'amour sans lendemain mais d'une accumulation de souffrances. Encore une fois, un conflit social, c'est très dur. Pour moi, ça a même été la chose la plus dure que j'aie jamais vécue. Je donne l’impression d’être une grande gueule, mais, dans le fond, je suis un mec tendre et bileux. Pendant le conflit, j'ai vraiment dérouillé, je ne dormais plus, je tournais souvent au Lexomyl.
Vous qui avez joué un petit rôle dans un film de Cédric Klapish (Ma part du gâteau), comment trouvez-vous les acteurs ?
Ils sont supers. Stévenin et sa compagne sont incroyables. La manière dont ils retranscrivent leurs émotions, c’est énorme. J'ai été bluffé. On a l'impression que tous les acteurs croyaient à leur rôle, qu’ils se sont pris au jeu de leur propre rôle. J'aurais aimé jouer dans ce film.
Vous reconnaissez-vous dans le personnage de Rudi ?
Oui pour ce qui concerne son implication dans le conflit et son côté jusqu'au-boutiste et prêt à mourir pour la cause. Pas du tout dans ce qui est sa vie de couple.
Dans le film, Rudy fait de la prison, vous même avez été jugé et condamné pour le saccage de la sous-préfecture...
Les ouvriers de la KOS n'auraient dû accepter de signer leur accord de sortie de conflit qu'en échange de la libération de Rudy. A Continental, nous avions stipulé au départ qu'aucun accord ne serait signé tant que l'épée de Damoclès d'un jugement pèserait sur la tête des six Contis accusés d’avoir saccagé la sous-préfecture. En définitive, l'accord a tout de même été signé, y compris par moi, sans que nous ayons obtenu de garanties formelles sur ce point. On a fait passer notre cas personnel au second plan, car 1 120 salariés attendaient la signature de cet accord. Si c'était à refaire, je ne sais pas si je le referais, car ça m'a coûté une année de souffrance supplémentaire. Nous aurions du accentuer encore la pression avant la signature, ils auraient fini par céder. Eux aussi avaient envie que l'accord soit signé.
Sur l’histoire de la sous-préfecture, nous avions rencontré le préfet et un mec du ministère de la Justice qui nous avait rassurés en nous promettant que l'Etat ne se porterait pas partie civile. Au bout du compte, il l’a fait. C’était sa vengeance. En me condamnant, on a voulu montrer que même devenu un symbole, je n’étais pas protégé. Ils ont oublié une chose : notre détermination était plus forte que la leur. Dans le film, Stévenin subit le même type de vengeance qui m'a été infligée.
Y-a-t-il d’autres personnages du film qui vous ont touché ?
Format, le patron, a un rôle important. Il illustre bien ce moment du capitalisme financier où le patron disparaît derrière l’actionnaire. Face aux ouvriers, il n'y a plus rien. Format est un homme de paille qui subit comme les autres. Si les conflits sociaux se radicalisent aujourd’hui, c’est en partie parce que les ouvriers se retrouvent face au vide de patrons salariés qui n’ont plus aucun pouvoir mais disposent d’un parachute qui les protège en cas de licenciement. Dans notre conflit, nous avons exigé d'être mis en face des vrais patrons allemands de Continental International. On savait très bien que les dirigeants français ne pouvaient décider de rien.
La plupart du temps, les salariés se retrouvent désormais complètement seuls face à des directions invisibles et un Etat qui ne pense qu’à se défausser. Avant, même quand le était patron dur, on savait au moins qui affronter. Maintenant, on n’a même plus un mur, rien. Personne. C’est catastrophique, la relation humaine n’existe plus. C'est pour ça que les salariés se radicalisent. Je ne sais pas s'il reste beaucoup de patrons comme Format. Aujourd’hui, ils ne font plus de sentiment, on leur apprend à ne pas en avoir. A Continental, les dirigeants français ont défendu jusqu’au bout la stratégie du siège. Il faut avoir des couilles quand on est patron pour critiquer la position des actionnaires. Dans la réalité, Format ne retrouverait sans doute jamais plus de boulot pour s'être opposé aux actionnaires d’une multinationale. Pour moi, comme pour tous les délégués qui sont impliqués dans les conflits, c’est pareil. C'est très dur de retrouver du boulot.
Le film rend-il bien compte de la réalité sociale d'un conflit ?
Je le redis : ce film est avant tout un magnifique hommage à la classe ouvrière et une belle leçon d'économie. A Continental, on nous a beaucoup reproché de ne pas avoir essayé de sauver davantage notre boîte et de n’avoir pensé qu’aux indemnités. C'est faux. Si on a pété la sous-préfecture, c'est justement parce qu'on a été débouté en justice alors que nous demandions l’interdiction de la fermeture de l’usine.
De toute façon, il ne faut pas comparer les luttes, chaque lutte a sa vérité. La seule vérité, c'est qu'il faut toujours lutter, jamais se résigner. Après, à chacun ses armes et sa stratégie. Si on ne lutte pas, on passe sa vie à avoir des remords. Et, il vaut mieux avoir des regrets que des remords.
Le film n'est pas tendre avec la CFDT...
Oui, elle en prend pour son grade. Dans les syndicats, il y a toujours une lavette, un vendu, un mec prêt à vendre son père ou sa mère pour un plat de lentilles. Si tu veux que personne ne te trahisse, il faut prendre ta peau en main. C'est ce que nous avons fait à Continental, en créant un comité de lutte. C’est la base et pas les syndicats qui décidait et votait dans les assemblées générales.
Quelle est la scène qui vous a le plus marqué ?
Celle où Rudi se rue sur les CRS, une barre de fer à la main. Chez les Contis, nous n’avons jamais eu à affronter directement les CRS. Je crois que d’avoir cassé la sous-préfecture nous a fait respecter. A chaque sortie des Contis, il y avait évidemment des cars de CRS partout, mais ils ont toujours évité le contact. En regardant la scène où les CRS affrontent les ouvriers, où ils leur rentrent dans la gueule et tuent deux d’entre eux, j'ai été pris d'une telle haine intérieure que je ne peux m’empêcher de penser que dans la même situation, moi aussi j'aurais été capable de tuer. C’est un sentiment que je n’ai jamais éprouvé jusqu’ici. Sincèrement. Mais, tout ça est d’une telle injustice.
Pensez-vous qu'on puisse en arriver à de telles extrémités dans un conflit social ?
Dans mon conflit, je ne cessais de rendre hommage à la classe ouvrière. Je ne sais pas si c’est de la dignité ou de la résignation, mais jusqu’à présent jamais un mec n'a attrapé un patron pour l'égorger ou lui mettre un coup de fusil. On parle de radicalité quand on pète une sous-préfecture ou qu'on séquestre un dirigeant, mais, quand on voit ce que font subir certains patrons à leurs salariés, c'est cent fois pire. On s’apitoie sur le sort d’un dirigeant qui sort d'une nuit de séquestration avec les cheveux en désordre, mais la gueule que fait ce mec à ce moment là, c’est celle qu’on a à six heures du matin à la sortie de l’usine après avoir tapé huit heures d’affilée comme des sourds sur une machine. Et nous, ça dure trente ans... Et encore le mec, on lui a servi à boire et à manger et on l’a laissé appeler sa famille.
La classe ouvrière est très digne face à ce qui lui arrive. Jusqu'à présent, ça n'a été que du baby-sitting mais ça pourrait bien exploser un jour. La fermeture de Continental à Clairoix était une situation de ce type… Elle était soi-disant dictée par les capacités de surproduction du groupe. Ce qu’il faut savoir, c’est que le prix coûtant d’un pneu en France est de 10 € et de 5 en Roumanie. Le prix de vente moyen d’un pneu sur le marché est lui d’environ 75 €. Ce qui veut dire qu’en France l’entreprise fait sept fois la culbute, et que les dirigeants de Continental ont fermé cette boîte et liquidé des vies pour faire quinze fois la culbute. C’est ça qui est terrible. Ils n’ont pas fermé Continental parce que le site n’était pas rentable, mais parce qu’il était moins rentable que les sites roumains.
Aujourd’hui, une partie de la production de Continental Clairoix a été décentralisée là-bas, une autre à Sarreguemines. A Clairoix, nous avions une production de 6,5 millions à 7 millions de pneus, Sarreguemines en produit désormais un million de plus, Timisoara, deux. et il y existe des usines en Ukraine dont nous ignorons la capacité de production. Nous avons appris dernièrement que Continental avait un déficit de production de cinq millions de pneus. Pas loin d’une année de production à Clairoix…
En réalité, beaucoup de boîtes ont profité de la crise pour fermer. Toutes les fermetures dont j’ai pu parler avec des potes se sont passées de la même manière. Dans les six mois qui ont précédé l’annonce de la fermeture de l’usine, la production s’est écroulée et les machines tombaient en panne. Quand les ouvriers s’en inquiétaient, on leur répondait que ce n’était pas grave alors qu’avant, par exemple à Continental, la moindre baisse de production entraînait une réaction immédiate de la direction et souvent l’obligation de faire des heures supplémentaires. En fait, dans toutes les boîtes dont on avait programmé la fermeture, on a volontairement fait chuter la production et la rentabilité dans les six mois ou l’année précédent l’annonce de la fermeture. Les patrons ont appliqué la même méthode partout.
Propos recueillis par Olivier Milot
Ils ont vu “Les Vivants et les Morts” (5/5)
Xavier Mathieu : “Dans ‘Les Vivants et les Morts’, tout sonne vrai, jusque dans les détails”
LE FIL TéLéVISION - Si le côté romanesque de la série de Gérard Mordillat l’a d’abord troublé, Xavier Mathieu, délégué CGT des “Contis” (Continental), a rapidement changé d’avis. Et rend un vibrant hommage au réalisateur pour,finalement…, avoir su montrer un conflit social depuis le cœur des hommes et des femmes qui le vivent dans leur intimité. Mais aussi, bien sûr, pour son extrême réalisme, qui fait écho à sa propre histoire. Une histoire qui rebondit ces jours-ci.
Xavier Mathieu était délégué CGT à l’usine Continental de Clairoix. Quand la direction allemande a décidé la fermeture de l’usine en mars 2009, il a pris en main la révolte des « Contis » et, après des mois d’une lutte collective acharnée, a contraint direction et pouvoirs publics à un accord beaucoup plus favorable aux 1 120 salariés que celui prévu à l’origine. Comme Maurad Rabhi, Laurence Dumont, Jean-Claude Boudet ou les ouvrières de Lejaby, il a accepté de regarder “Les Vivants et les Morts” (derniers episodes mercredi soir sur France 2) et de nous livrer son regard sur une des rares fictions à avoir investi le champ de la réalité sociale.
Entre le moment où nous avons réalisé cette interview et sa diffusion sur le site, Xavier Mathieu s’est à nouveau retrouvé sous les feux de l’actualité en raison d’une décision pour le moins scandaleuse du ministre du Travail, Eric Woerth. Son ministère avait été saisi par plusieurs salariés protégés (représentants du personnel ou représentants syndicaux) de Continental d’une demande d’annulation de la décision par laquelle l’inspectrice du travail autorisait leur licenciement pour motif économique. Dans une lettre datée du 5 octobre, Eric Woerth leur donne raison et annonce refuser leur licenciement au motif que « l’employeur ne démontrait pas avoir recherché le reclassement aux meilleures conditions possibles des intéressés au sein du groupe ». Seul un licenciement est accepté par le ministre : celui de Xavier Mathieu. Motif invoqué : il n’aurait pas donné suite à une proposition de reclassement sur le site de Sarreguemines qui lui a été faite le 9 septembre 2010. « Il ne faut pas y voir une quelconque discrimination à son égard », affirme sans rire le directeur général du Travail, Jean-Denis Combrexelle dans Le Parisien du 13 octobre. Difficile à avaler. Le 22 septembre, soit quinze jours avant que la décision ne soit rendue public, Xavier Mathieu a rencontré le même Jean-Denis Combrexelle, qu’il a informé devant témoins de son intention d’accepter la proposition de reclassement qui lui était faite. Trois jours plus tard, il a envoyé une lettre en ce sens en recommandé avec accusé de réception à la direction de Continental et a reçu hier un courier le convoquant à un entretien pour ce poste.
Dans ces conditions, comment ne pas croire à une forme d’acharnement des pouvoirs publics. En autorisant le licenciement de Xavier Mathieu, l’Etat veut se payer un symbole de la lutte ouvrière en plein conflit sur les retraites. Son avocat va déposer jeudi prochain un référé liberté pour demander au juge « qu’il fasse en urgence injonction au ministre du Travail de réexaminer le recours hiérarchique présenté par Xavier Mathieu en tenant compte du fait qu’il avait accepté les propositions d’aller à Sarreguemines ». Pour le leader des Contis, le combat continue.
Votre première impression après avoir vu le film ?
J'ai été bouleversé. Je pense que ce film va énormément toucher tous ceux qui ont vécu ce genre de situation et faire comprendre aux autres la détresse et le désarroi que peuvent ressentir des salariés brutalement privés de travail. La fermeture d'une boîte est quelque chose de très violent. Vous avez l'impression de tout perdre. C'est un deuil, un trou noir. Le film montre une histoire différente de celle des Contis, mais j'ai été troublé par son réalisme – tout sonne vrai, jusque dans les détails – et son humanisme. Je dis merci à Mordillat de l’avoir réalisé. C’est un grand hommage à la classe ouvrière et ils sont tellement rares à la télévision.
Le côté romanesque du film ne vous a pas gêné ?
Au début si. Je me suis dit : « OK, ils veulent encore faire pleurer dans les chaumières. » J'ai changé d'avis au fil des épisodes pour finir par trouver cet aspect-là vachement important. Un conflit social, c'est en même temps une lutte collective et une lutte individuelle. Il y a la vie dans la lutte et, à côté, la vie dans le couple et la vie avec les proches. On ne peut pas tenir le coup dans un conflit social dur sans être entouré par des gens qui vous aiment et vous aident à porter votre combat. On ne sort jamais indemne d'un conflit. Sans l'amour des siens, on ne s'en sort tout simplement pas. C’est impossible. Sans Dallas, Rudy ne va pas jusqu’au bout. D’une certaine manière, les hommes et les femmes qui entourent ceux qui luttent ont autant, sinon plus de mérite, que ceux qui sont en première ligne. C’est ce que je veux avant tout retenir du film.
Y-a-t-il des choses que le film n'aborde pas ?
La seule chose qui me semble un peu minoré, c'est le carnage de l'alcool. Bien sûr, il y a le personnage de Mickie, la déléguée FO, mais dans la réalité, le nombre de gens qui se mettent à boire pour oublier leur souffrance pendant un conflit est énorme. J’ai pu le constater partout où je suis allé. A Continental, ma hantise pendant le conflit était aussi d’arriver un jour à l’usine et d’apprendre que l’un d'entre nous s’était flingué. Il y avait une telle détresse. C’est pour ça qu’il est important de lutter. La lutte maintient la tête hors de l’eau. Elle redonne des forces. Même le médecin du travail conseillait aux salariés déprimés de ne pas s'isoler, de participer aux assemblées générales, d’aller aux manifestations.
J'espère que les gens vont comprendre que dans le film Lorquin ne se suicide pas à cause d'une histoire d'amour sans lendemain mais d'une accumulation de souffrances. Encore une fois, un conflit social, c'est très dur. Pour moi, ça a même été la chose la plus dure que j'aie jamais vécue. Je donne l’impression d’être une grande gueule, mais, dans le fond, je suis un mec tendre et bileux. Pendant le conflit, j'ai vraiment dérouillé, je ne dormais plus, je tournais souvent au Lexomyl.
Vous qui avez joué un petit rôle dans un film de Cédric Klapish (Ma part du gâteau), comment trouvez-vous les acteurs ?
Ils sont supers. Stévenin et sa compagne sont incroyables. La manière dont ils retranscrivent leurs émotions, c’est énorme. J'ai été bluffé. On a l'impression que tous les acteurs croyaient à leur rôle, qu’ils se sont pris au jeu de leur propre rôle. J'aurais aimé jouer dans ce film.
Vous reconnaissez-vous dans le personnage de Rudi ?
Oui pour ce qui concerne son implication dans le conflit et son côté jusqu'au-boutiste et prêt à mourir pour la cause. Pas du tout dans ce qui est sa vie de couple.
Dans le film, Rudy fait de la prison, vous même avez été jugé et condamné pour le saccage de la sous-préfecture...
Les ouvriers de la KOS n'auraient dû accepter de signer leur accord de sortie de conflit qu'en échange de la libération de Rudy. A Continental, nous avions stipulé au départ qu'aucun accord ne serait signé tant que l'épée de Damoclès d'un jugement pèserait sur la tête des six Contis accusés d’avoir saccagé la sous-préfecture. En définitive, l'accord a tout de même été signé, y compris par moi, sans que nous ayons obtenu de garanties formelles sur ce point. On a fait passer notre cas personnel au second plan, car 1 120 salariés attendaient la signature de cet accord. Si c'était à refaire, je ne sais pas si je le referais, car ça m'a coûté une année de souffrance supplémentaire. Nous aurions du accentuer encore la pression avant la signature, ils auraient fini par céder. Eux aussi avaient envie que l'accord soit signé.
Sur l’histoire de la sous-préfecture, nous avions rencontré le préfet et un mec du ministère de la Justice qui nous avait rassurés en nous promettant que l'Etat ne se porterait pas partie civile. Au bout du compte, il l’a fait. C’était sa vengeance. En me condamnant, on a voulu montrer que même devenu un symbole, je n’étais pas protégé. Ils ont oublié une chose : notre détermination était plus forte que la leur. Dans le film, Stévenin subit le même type de vengeance qui m'a été infligée.
Y-a-t-il d’autres personnages du film qui vous ont touché ?
Format, le patron, a un rôle important. Il illustre bien ce moment du capitalisme financier où le patron disparaît derrière l’actionnaire. Face aux ouvriers, il n'y a plus rien. Format est un homme de paille qui subit comme les autres. Si les conflits sociaux se radicalisent aujourd’hui, c’est en partie parce que les ouvriers se retrouvent face au vide de patrons salariés qui n’ont plus aucun pouvoir mais disposent d’un parachute qui les protège en cas de licenciement. Dans notre conflit, nous avons exigé d'être mis en face des vrais patrons allemands de Continental International. On savait très bien que les dirigeants français ne pouvaient décider de rien.
La plupart du temps, les salariés se retrouvent désormais complètement seuls face à des directions invisibles et un Etat qui ne pense qu’à se défausser. Avant, même quand le était patron dur, on savait au moins qui affronter. Maintenant, on n’a même plus un mur, rien. Personne. C’est catastrophique, la relation humaine n’existe plus. C'est pour ça que les salariés se radicalisent. Je ne sais pas s'il reste beaucoup de patrons comme Format. Aujourd’hui, ils ne font plus de sentiment, on leur apprend à ne pas en avoir. A Continental, les dirigeants français ont défendu jusqu’au bout la stratégie du siège. Il faut avoir des couilles quand on est patron pour critiquer la position des actionnaires. Dans la réalité, Format ne retrouverait sans doute jamais plus de boulot pour s'être opposé aux actionnaires d’une multinationale. Pour moi, comme pour tous les délégués qui sont impliqués dans les conflits, c’est pareil. C'est très dur de retrouver du boulot.
Le film rend-il bien compte de la réalité sociale d'un conflit ?
Je le redis : ce film est avant tout un magnifique hommage à la classe ouvrière et une belle leçon d'économie. A Continental, on nous a beaucoup reproché de ne pas avoir essayé de sauver davantage notre boîte et de n’avoir pensé qu’aux indemnités. C'est faux. Si on a pété la sous-préfecture, c'est justement parce qu'on a été débouté en justice alors que nous demandions l’interdiction de la fermeture de l’usine.
De toute façon, il ne faut pas comparer les luttes, chaque lutte a sa vérité. La seule vérité, c'est qu'il faut toujours lutter, jamais se résigner. Après, à chacun ses armes et sa stratégie. Si on ne lutte pas, on passe sa vie à avoir des remords. Et, il vaut mieux avoir des regrets que des remords.
Le film n'est pas tendre avec la CFDT...
Oui, elle en prend pour son grade. Dans les syndicats, il y a toujours une lavette, un vendu, un mec prêt à vendre son père ou sa mère pour un plat de lentilles. Si tu veux que personne ne te trahisse, il faut prendre ta peau en main. C'est ce que nous avons fait à Continental, en créant un comité de lutte. C’est la base et pas les syndicats qui décidait et votait dans les assemblées générales.
Quelle est la scène qui vous a le plus marqué ?
Celle où Rudi se rue sur les CRS, une barre de fer à la main. Chez les Contis, nous n’avons jamais eu à affronter directement les CRS. Je crois que d’avoir cassé la sous-préfecture nous a fait respecter. A chaque sortie des Contis, il y avait évidemment des cars de CRS partout, mais ils ont toujours évité le contact. En regardant la scène où les CRS affrontent les ouvriers, où ils leur rentrent dans la gueule et tuent deux d’entre eux, j'ai été pris d'une telle haine intérieure que je ne peux m’empêcher de penser que dans la même situation, moi aussi j'aurais été capable de tuer. C’est un sentiment que je n’ai jamais éprouvé jusqu’ici. Sincèrement. Mais, tout ça est d’une telle injustice.
Pensez-vous qu'on puisse en arriver à de telles extrémités dans un conflit social ?
Dans mon conflit, je ne cessais de rendre hommage à la classe ouvrière. Je ne sais pas si c’est de la dignité ou de la résignation, mais jusqu’à présent jamais un mec n'a attrapé un patron pour l'égorger ou lui mettre un coup de fusil. On parle de radicalité quand on pète une sous-préfecture ou qu'on séquestre un dirigeant, mais, quand on voit ce que font subir certains patrons à leurs salariés, c'est cent fois pire. On s’apitoie sur le sort d’un dirigeant qui sort d'une nuit de séquestration avec les cheveux en désordre, mais la gueule que fait ce mec à ce moment là, c’est celle qu’on a à six heures du matin à la sortie de l’usine après avoir tapé huit heures d’affilée comme des sourds sur une machine. Et nous, ça dure trente ans... Et encore le mec, on lui a servi à boire et à manger et on l’a laissé appeler sa famille.
La classe ouvrière est très digne face à ce qui lui arrive. Jusqu'à présent, ça n'a été que du baby-sitting mais ça pourrait bien exploser un jour. La fermeture de Continental à Clairoix était une situation de ce type… Elle était soi-disant dictée par les capacités de surproduction du groupe. Ce qu’il faut savoir, c’est que le prix coûtant d’un pneu en France est de 10 € et de 5 en Roumanie. Le prix de vente moyen d’un pneu sur le marché est lui d’environ 75 €. Ce qui veut dire qu’en France l’entreprise fait sept fois la culbute, et que les dirigeants de Continental ont fermé cette boîte et liquidé des vies pour faire quinze fois la culbute. C’est ça qui est terrible. Ils n’ont pas fermé Continental parce que le site n’était pas rentable, mais parce qu’il était moins rentable que les sites roumains.
Aujourd’hui, une partie de la production de Continental Clairoix a été décentralisée là-bas, une autre à Sarreguemines. A Clairoix, nous avions une production de 6,5 millions à 7 millions de pneus, Sarreguemines en produit désormais un million de plus, Timisoara, deux. et il y existe des usines en Ukraine dont nous ignorons la capacité de production. Nous avons appris dernièrement que Continental avait un déficit de production de cinq millions de pneus. Pas loin d’une année de production à Clairoix…
En réalité, beaucoup de boîtes ont profité de la crise pour fermer. Toutes les fermetures dont j’ai pu parler avec des potes se sont passées de la même manière. Dans les six mois qui ont précédé l’annonce de la fermeture de l’usine, la production s’est écroulée et les machines tombaient en panne. Quand les ouvriers s’en inquiétaient, on leur répondait que ce n’était pas grave alors qu’avant, par exemple à Continental, la moindre baisse de production entraînait une réaction immédiate de la direction et souvent l’obligation de faire des heures supplémentaires. En fait, dans toutes les boîtes dont on avait programmé la fermeture, on a volontairement fait chuter la production et la rentabilité dans les six mois ou l’année précédent l’annonce de la fermeture. Les patrons ont appliqué la même méthode partout.
Propos recueillis par Olivier Milot
alexi- Messages : 1815
Date d'inscription : 10/07/2010
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