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Mort de Nelson Mandela

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Message  sylvestre Jeu 12 Déc - 12:34

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Message  Roseau Jeu 12 Déc - 12:43

Excellent. A diffuser massivement, contre l'apartheid en Palestine.
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Message  Byrrh Jeu 12 Déc - 12:58

ottokar a écrit:je ne sais pas s'il y a deux lignes qui s'affrontent dans le NPA car ce n'est pas le style de la maison qui est plutôt la pub mac Do : "Venez comme vous êtes"... et restez-le !.
Je ne vois pas trop le rapport entre, d'une part, le fait que le NPA soit une auberge espagnole, et d'autre part, le fait qu'il ne pourrait y avoir deux lignes qui s'y affrontent.

D'ailleurs, les camarades de LO déplorent habituellement le fait que les seuls militants qui se dévouent pour représenter le NPA au débat de Presles sont généralement des représentants de ses courants de gauche, et qu'on ne peut donc y entendre tout à fait le discours majoritaire du NPA.

ottokar a écrit:Le communiqué cité (et que je reproduis ci dessous) est faux-cul, je le maintiens.
Je n'emploierais pas le terme "faux-cul". Ce communiqué est surtout politiquement lamentable, car il n'est pas sans lien avec la stratégie du "S.U." dans plusieurs pays : son soutien à différentes forces politiques jugées progressistes et, logiquement, sa renonciation à construire dans ces pays des organisations de classe indépendantes.

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Message  ottokar Jeu 12 Déc - 13:22

Byrrh a écrit:Je ne vois pas trop le rapport entre, d'une part, le fait que le NPA soit une auberge espagnole, et d'autre part, le fait qu'il ne pourrait y avoir deux lignes qui s'y affrontent.
Ceci est juste une explication de texte pour Byrrh, pas une polémique. Les lignes cohabitent sans s'affronter... et "on fait comme on a dit" : "chacun fait-fait-fait c'qui lui plait-plait-plait". On ne peut maintenir très longtemps une unité de façade, elle éclate ou diverge... comme le NPA lui-même depuis son existence.

ottokar

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Message  Byrrh Jeu 12 Déc - 13:57

ottokar a écrit:On ne peut maintenir très longtemps une unité de façade, elle éclate ou diverge...
Là-dessus, je suis du même avis. Faire semblant d'être d'accord alors qu'il y a des conceptions aussi inconciliables, faire rentrer n'importe qui sans réelle formation marxiste, ce n'est pas un raccourci vers la construction du parti révolutionnaire. C'est en revanche un bon moyen de précipiter l'éclatement de ce qui existe déjà, ce qui n'est pas toujours une mauvaise chose si cela permet des clarifications et l'application pleine et entière d'une politique. Mais avant l'éclatement, il faut déjà voir si un redressement du NPA est possible... ce qui n'est sans doute pas indifférent à LO. Même si l'on bat froid à son organisation cousine, il est tout de même toujours préférable d'avoir avec elle le maximum de choses en commun. Pas par sentimentalisme, mais parce que du même coup, il est plus facile de faire passer ses propres idées dans la société.

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Message  Prado Jeu 12 Déc - 17:03

Byrrh a écrit:
Dommage que François Sabado n'ait pas pu obtenir un poste de conseiller auprès de Mandela, comme naguère Michel Pablo en Algérie...

Ce n'est pas très sérieux de lancer ce genre d'affirmation.
1. La IVe internationale, dont François Sabado est aujourd'hui l'un des dirigeants, et ses militants sud-africains ont développé une certaine orientation en Afrique-du-sud à cette époque. C'est sur cette base qu'il serait intéressant de discuter aujourd'hui. Un bref communiqué de presse écrit à la va vite (qui me parait par ailleurs tout à fait correct si on n'en fait pas une lecture tendancieuse) n'a guère d'intérêt.
2. Michel Pablo a développé sa propre orientation en Algérie, indépendamment même de ses partisans au sein de la IVe internationale.

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Message  Byrrh Jeu 12 Déc - 19:57

Il ne s'agissait évidemment pas d'une affirmation, mais d'ironie. Cela dit, si l'exemple de Pablo conseiller de Ben Bella n'est pas représentatif de la politique du SU, ce dernier a toujours eu une certaine propension à enjoliver toutes sortes de régimes et personnalités du Tiers-Monde et, à distance, à leur prodiguer des "conseils" pour aller plus loin dans tel ou tel "processus". Dans ce domaine, les articles énamourés de François Sabado sur la "révolution bolivarienne" et l'appel de Chavez à une "Vème Internationale" valent leur pesant de cacahuètes.

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Message  Prado Jeu 12 Déc - 20:28

L'une des premières (la première ?) interviews filmées de Mandela. C'était en 1961.


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Message  sylvestre Ven 13 Déc - 11:22

Le Parti Communiste d'Afrique du Sud confirme que Mandela en était membre au moment de son arrestation en 1962.
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Mort de Nelson Mandela  - Page 2 Empty Discours du 26 Juillet 1991 à La Havane

Message  Roseau Sam 14 Déc - 1:48

http://www.afriquesenlutte.org/afrique-australe/afrique-du-sud/article/une-autre-verite-historique
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Message  sylvestre Dim 15 Déc - 17:19

Edwy Plenel : Mandela et la Palestine: une erreur et quelques rappels
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Message  CCR Lun 16 Déc - 11:59

Madiba est mort, mais le régime d’apartheid social et le racisme en Afrique du Sud lui survivent
Suivre le chemin de Mandela ou celui tracé par les mineurs de Marikana?


Comité de Rédaction
Source: http://www.ccr4.org/Suivre-le-chemin-de-Mandela-ou-celui-trace-par-les-mineurs-de-Marikana


Nelson Mandela, premier président de l’Afrique du Sud post-Apartheid, est décédé le 5 décembre à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. Pour des dizaines de millions de travailleur-euse-s et de jeunes, en Afrique et au-delà, il a été l’un des symboles de la lutte contre le régime du racisme institutionnalisé qui a sévi en Afrique du Sud entre 1948 et 1991. Mais qu’en est-il réellement de ce combat alors qu’aujourd’hui les deux tiers de la population, notamment la grande majorité des Noirs, vit sous le seuil de pauvreté et que, un quart de siècle après la fin de l’Apartheid, l’Afrique du Sud est le second pays au monde où les inégalités sociales sont les plus criantes ? Qu’en est-il de cette ère post-Apartheid dont Mandela a été l’artisan, lorsque l’on sait que les habitants des townships et les travailleurs qui continuent à se battre pour leurs droits sont confrontés à une répression quasiment aussi dure que celle en vigueur dans les années 1970 et 1980 ?


Nelson Mandela est décédé à l’âge de 95 ans des suites de complications respiratoires liées à une tuberculose contractée au cours des vingt-sept années passées dans les geôles de l’Apartheid, entre 1963 et 1990. Pour des dizaines de millions de personnes en Afrique du Sud qui ont lutté contre l’Apartheid, pour ceux qui, partout dans le monde, ont manifesté dans les années 1970 et 1980 pour exiger la libération de celui qui était alors le prisonnier politique le plus connu de la planète, pour ceux qui avaient associé Mandela au combat contre ce système raciste, la tristesse est grande.

La lutte contre l’Apartheid et vingt-sept années de prison, à l’origine du symbole

Pour eux, Mandela était le symbole vivant de la lutte contre un régime de racisme institutionnalisé qui faisait des métis et des populations originaires du sous-continent indien des citoyens de seconde zone et des Noirs sud-africains une simple main-d’œuvre forcée à travailler dans une condition de quasi servitude pour les Blancs : dans les mines des grandes multinationales installées depuis un siècle et demi dans ce pays riche en minerais précieux, dans les maisons des Blancs, dans les quartiers qui leur étaient réservés, dans les grandes propriétés des fermiers blancs, qui depuis le début de la colonisation au XVIIème siècle et avec la « Loi sur les terres indigènes » de 1913 avaient exproprié les populations autochtones et volé aux Noirs 90% des terres du pays. Une fois leur journée de travail achevée ou leur contrat fini auprès des Blancs, les Noirs devaient retourner dans un township ou leur village, la ségrégation raciale étant la règle. En Afrique du Sud, de façon constitutionnelle, la segmentation raciale Noirs/Blancs recouvrait les divisions de classe entre prolétariat et propriétaires des moyens de production.

Qu’ils partagent ou non l’ensemble des choix qui ont été ceux de Mandela, notamment l’orientation qui a été la sienne à la suite des Accords CODESA en 1991 et durant les cinq années passées à la tête du pays entre 1994 et 1999, les travailleurs et les jeunes d’Afrique du Sud voient en lui celui qui, pour s’être opposé à l’Apartheid et avoir réclamé l’égalité des droits entre les Noirs, les métis, les populations d’origine indienne et les Blancs, a été arrêté en 1962 et condamné à la prison à vie et aux travaux forcés en 1964. Pour ces années de détention dans des conditions inhumaines, pour avoir refusé de négocier sa propre libération tant que l’interdiction qui pesait sur son parti, le Congrés National Africain (ANC) n’était pas levé, Mandela ou Madiba, comme il se faisait appeler, a su gagner les cœurs et le respect de la grande majorité du prolétariat et de la jeunesse d’Afrique du Sud. Les jeunes et les travailleurs ont d’ailleurs sous leurs yeux le contraste saisissant entre Mandela et ses successeurs au gouvernement, à la tête de l’ANC et de la COSATU, la puissante confédération syndicale sud-africaine : la gestion des dirigeants actuels de l’Afrique du Sud, qui aujourd’hui se déchirent pour revendiquer l’héritage de Madiba, est entachée par le clientélisme, la corruption et la trahison ouverte de la rhétorique de justice sociale et raciale qui avait été celle de l’ANC après l’adoption de la Charte de la Liberté en 1955.

Face à un tel contraste, assimilant le parcours de Mandela et ses années de prison à leur propre lutte contre l’Apartheid et pour une vie meilleure, on ne peut que comprendre et respecter la tristesse qui est celle du prolétariat et de la jeunesse noirs et des militants populaires sud-africains aujourd’hui.

L’hypocrisie des dirigeants impérialistes

En revanche, les condoléances envoyées par les différentes présidences et chancelleries des pays impérialistes n’en sont que plus scandaleuses. En effet, ces hommages sont émis par les héritiers ou ceux-là mêmes qui ont été du côté du capitalisme sud-africain blanc ségrégationniste pendant des décennies, qui l’ont soutenu et ont parfois combattu directement l’ANC et les secteurs les plus radicalisés du camp anti-Apartheid.

Le plus hypocrite de tous est très certainement le Premier-ministre de l’ancienne puissance coloniale britannique, David Cameron. Il s’est fendu d’une lettre de condoléances alors qu’en 1989 il s’était rendu en Afrique du Sud pour demander sur place la levée des sanctions internationales qui pesaient alors contre le régime de l’Apartheid. Quelques années plus tôt, ses amis de la Fédération des Etudiants Conservateurs britanniques avaient fait campagne pour exiger « la pendaison de Nelson Mandela », considéré comme un terroriste par Margaret Thatcher ou encore Ronald Reagan.

Pour ce qui est de l’impérialisme étasunien, la CIA n’a retiré Mandela de sa liste des « terroristes internationaux » qu’en 2008. Barack Obama, depuis la Maison Blanche, en est allé de sa déclaration d’hommage sans rien dire bien entendu de ses prédécesseurs qui n’ont eu de cesse d’appuyer plus ou moins ouvertement ou en sous-main le régime sud-africain, à travers l’arrestation de Mandela en 1962, des dix-neuf membres nationalistes et communistes de la direction de l’ANC l’année suivante, à Rivonia, ou encore en soutenant Pretoria au cours de sa guerre contre l’Angola indépendante après 1975 et en Namibie, au nom de la « lutte contre le communisme ».

François Hollande, pour sa part, en est même arrivé à utiliser le décès de Mandela pour justifier la cinquantième intervention impérialiste française sur le continent africain depuis un demi-siècle, en Centrafrique cette fois-ci. Aucun mot, en revanche, pour les services secrets français qui n’ont jamais hésité à travailler avec leurs homologues sud-africains de l’Apartheid, que ce soit lors de l’assassinat du militant Henri Curiel en 1978 à Paris ou ailleurs, en Afrique, pour mener une sale guerre contre les réseaux de l’ANC ainsi que leurs appuis.

Ces dirigeants, et d’autres essaieront d’être en première ligne des cinquante trois chefs d’Etat qui ont prévu d’être aux obsèques de Mandela ou à l’hommage qui lui sera rendu au Soccer Stadium de Soweto pour tirer la couverture à eux et faire rejaillir sur leur personne un peu du prestige considérable dont a joui Madiba jusqu’à la fin de sa vie. Mais comme le disait Steve Biko, combattant anti-Apartheid assassiné par la police sud-africaine en 1978, « être noir n’est pas une question de pigmentation de la peau, c’est une question d’attitude mentale » ; et « l’attitude mentale » des charognards impérialistes, des bureaucrates de l’ANC ou de la COSATU qui essaient d’utiliser la dépouille de Mandela pour redorer leur blason ou faire oublier leurs erreurs, c’est celle d’être des chiens de garde du capital.

Un combat politique visant à obtenir l’égalité formelle des droits mais avant tout à éviter la révolution en Afrique du Sud

Il y a une autre raison à l’unanimité de l’hommage qui est rendu à Mandela et qui va au-delà du pragmatisme hypocrite de certains. Mandela a en effet rendu un fier service à l’impérialisme ; à ses multinationales qui ont fait et continuent à faire de juteux bénéfices, dans le secteur minier notamment mais pas seulement ; sans oublier bien entendu à la bourgeoisie sud-africaine, le patronat blanc, tout comme à la bourgeoisie noire, métisse et indienne, qui aspirait à participer elle aussi aux affaires, qui en était empêchée par le système ségrégationniste et qui a été intégrée en tant qu’associé subalterne au capital local pour prendre part à l’exploitation du prolétariat qui reste, dans son écrasante majorité, noir.

Le pays était le cadre dans les années 1970-1980 d’un conflit social et racial intense, un processus révolutionnaire qui avait à sa tête la classe ouvrière noire et qui menaçait à tout moment de déboucher sur une guerre civile contre le pouvoir blanc. Ni la répression de l’armée et de la police ni l’état d’urgence décrété entre 1985 et 1990 n’étaient arrivés à mettre un terme à cette situation intenable. Le coût du maintien d’un régime raciste d’un autre âge pour défendre les intérêts des Blancs était beaucoup trop élevé, avant tout à l’intérieur du pays mais également au niveau international, les soutiens de l’Apartheid se faisant de plus en plus discrets. Face à l’impossibilité d’imposer au moyen d’une contre-révolution sanglante la suprématie des Blancs et du capital, ligne dure incarnée par le Président Pieter Botha (1984-1989), la fraction la plus lucide de la bourgeoisie blanche, emmenée par Frederik de Klerk, a préféré opter pour une contre-révolution démocratique que d’aucuns appellent « une transition douce » ou une « transition démocratique » : renoncer à la suprématie blanche et à l’Apartheid pour mieux sauver le système capitaliste et le patronat blanc en réarticulant l’échiquier politique en cédant la place à l’ANC et à sa courroie de transmission dans le mouvement ouvrier, la COSATU. C’est ainsi qu’est née la bien mal nommée « nation arc-en-ciel » qui reste aujourd’hui le deuxième pays le plus inégalitaire au monde.

Cette dynamique s’est faite en deux temps : d’une part, lorsque Mandela et la direction de l’ANC ont renoncé, au cours des négociations avec le gouvernement sud-africain à partir de la fin des années 1980, à l’ensemble du programme social et nationaliste qui avait été la marque de fabrique du parti, puis, dans un second temps, une fois au pouvoir, en étant l’agent direct de l’application des programmes néolibéraux, de privatisations et de maintien en l’état de la grande propriété foncière blanche. Tout ce processus de renoncements et de reniements s’est fait grâce au prestige acquis au cours des années de prison et de lutte clandestine, la COSATU s’attelant à se faire le relais de cette orientation auprès des couches populaires et du mouvement ouvrier.

De la lutte armée à la négociation avec de Klerk

En intégrant l’ANC à la fin des années 1940, Mandela et ses jeunes compagnons, noirs mais aussi blancs, issus ou proches très souvent du Parti Communiste Sud-africain, sont face à une sorte de petit lobby conservateur dont la seule perspective est de quémander, d’abord auprès de sa Majesté Elisabeth II puis auprès des autorités blanches de l’Afrique du Sud indépendante, la reconnaissance des droits des Noirs et des minorités raciales. Mandela et les siens savent que pour faire de l’ANC un puissant instrument capable de mettre à bas le système de l’Apartheid, il leur faut l’appui des masses populaires et un programme aussi radical que l’est celui des Blancs au pouvoir à Pretoria. C’est pour cela qu’ils vont révolutionner le parti, en le dotant d’une Charte de la Liberté, adoptée en 1955 et élaborée à la base, chez les travailleurs, dans les fermes et les townships, et qui exige « le gouvernement du peuple », des changements démocratiques, sociaux et économiques, une réforme agraire, etc. Ils vont également fonder une organisation politico-militaire, la « Sagaie de la Nation » ou « Umkhonto we Sizwe », dont Mandela prend la tête. Mais la répression s’abat durement sur un mouvement qui a considérablement grossi. Mais entre 1962 et 1964, Pretoria réussit à décapiter la quasi-totalité de la direction de l’ANC, affaiblissant considérablement ses capacités opérationnelles et politiques.

Cela ne veut pas dire que c’est la fin de la lutte contre l’Apartheid, bien au contraire. Les années 1970 correspondent tout d’abord à une phase de poussée ouvrière et populaire au niveau international. C’est également l’époque des mouvements de libération en Afrique australe, que ce soit au Mozambique, en Angola ou encore en Rhodésie, l’actuel Zimbabwe. Très souvent en marge de l’ANC, dont l’appareil s’est replié à l’extérieur, le mouvement ouvrier et populaire sud-africain reprend le combat.

Les premières grosses grèves recommencent en 1973, dans tous les secteurs, mais surtout les mines. Certains débrayages sont durement réprimés, peu sont victorieux ; mais c’est au travers de ces actions que le prolétariat sud-africain commence à mettre sur pied une puissante organisation de coordination syndicale. En 1976, c’est la révolte généralisée de Soweto, menée par de très jeunes lycéens qui revendiquent un même droit à l’éducation pour tous les jeunes sud-africains. Jamais plus par la suite le régime de l’Apartheid pourra reprendre totalement la main à l’instar de ce qu’il avait osé après le massacre de Sharpeville en 1960 : assassiner impunément 69 manifestants, emprisonner 18.000 militants et activistes et interdire toute forme d’organisation politique, à commencer par l’ANC. En 1982, c’est la grande grève de 100.000 travailleurs industriels qui commence à marquer le début de la fin du régime de l’Apartheid, également mis à mal par la défaite de son armée face aux troupes angolaises et cubaines en Angola.

C’est le moment où une fraction de la bourgeoisie sud-africaine commence à faire le choix d’une intégration de l’aile la plus modérée et réformiste du mouvement anti-Apartheid pour éviter la révolution ou, au bas mot, une guerre civile ouverte que les Blancs étaient loin d’être certains de gagner. C’est le début, en 1985, des « discussions au sujet d’une possible négociation », à Dakar, sous l’égide des hommes-liges de l’impérialisme français et de l’Internationale « socialiste » en Afrique, Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf, puis avec le transfert de Mandela du bagne de Robben Island à la prison de Pollsmoor, où des contacts officiels sont établis. Cela ne veut pas dire que la séquence 1985-1991, date de la fin de l’Apartheid, soit une retraite ordonnée du régime blanc. Le camp des racistes est traversé par de multiples divisions, notamment entre le camp des négociateurs, incarné par de Klerk, et la ligne dure de Botha qui multiplie les attentats, allant même jusqu’à commanditer l’assassinat en 1993 de Chris Hani, secrétaire général du PC Sud-africain et chef de la branche militaire de l’ANC. Les Blancs essaient aussi de jouer sur le tribalisme, en favorisant le nationalisme zoulou et laissant libre-cours au déchainement des bandes armées de l’Inkhata Freedom Party contre les militants ouvriers et populaires et l’ANC. Une fois acquise la certitude du renoncement de Mandela et des siens à tout ce qui faisait le programme historique de l’ANC, réformiste certes, mais inacceptable pour le patronat blanc, la contre-révolution démocratique s’est mise en marche, l’interdiction qui pesait sur l’ANC a été levée et Mandela libéré en 1990.

L’imposition de l’afro-néolibéralisme sous l’égide de l’ANC

Au cours des différentes Conventions pour une Afrique du Sud Démocratique (CODESA) qui ont encadré cette transition en 1991-1992 et à la suite de l’accession de Madiba à la présidence avec 62% des voix aux présidentielles de 1994, l’ANC et Mandela ont renoncé à leur programme pour « éviter la guerre civile » et « assurer la réconciliation ». Ils ont effectivement sauvé le capitalisme blanc de la révolution.

Ce qui ressemble à première vue à un retournement politique des années 1980 plonge en fait ses racines dans la stratégie politique étapiste qu’a toujours défendue l’ANC, fortement influencée de ce point de vue par le PC Sud-africain. La priorité pour la direction de l’ANC était de lutter d’abord pour une Afrique du Sud libérée de l’Apartheid, liant ce programme à un certain nombre de revendications démocratiques, comme la réforme agraire, et sociales, pour améliorer les conditions de vie de la majorité noire, renvoyant à plus tard la mise en place de mesures anticapitalistes et la perspective d’une véritable révolution. Lorsque des ouvertures ont été faites du côté de l’aile modérée du Parti National, non seulement l’ANC a définitivement enterré la seconde étape de son programme mais a même bradé son premier volet. Renonçant même à une perspective démocratique élémentaire, qui aurait été l’instauration d’une République de la majorité noire et de la « Black rule », au sens d’une république complètement libérée de l’Apartheid, les négociations entre Mandela et de Klerk à la toute fin des années 1980 et début 1990 prévoyait le conditionnement de la transition, l’intégration des politiciens blancs du PN et des tueurs de l’Inkhata, leurs alliés objectifs, au premier gouvernement post-Apartheid. La trahison de la revendication élémentaire d’une République de la majorité noire a été la première de la liste. Les autres ont suivi.

Les nationalisations et la politique interventionniste étatique de création d’emplois prévues dans la Charte de la Liberté ont cédé la place à la mise en œuvre des politiques néolibérales dictées par le FMI et la Banque Mondiale.

Une loi agraire n’a réparé qu’à la marge les injustices liées à la dépossession des Noirs par les fermiers blancs qui ont conservé leurs terres.

Aucune des grandes multinationales qui avaient amassé des fortunes colossales sous le régime de l’Apartheid et joué un rôle actif dans la répression des mouvements de grève n’ont eu de comptes à rendre.

Enfin, l’institution entre 1996 et 1998 d’une bien mal nommée « Commission vérité et réconciliation » sous l’égide de l’Archevêque Desmond Tutu (autre grand nom emblématique célébré par les politiques de tous bords au nom de la « non-violence » et de la « défense des droits humains »), a tout simplement permis l’amnistie des criminels et des génocidaires de l’armée, de la police et des gouvernement sud-africains depuis 1948.

Les successeurs de Mandela à la tête du pays, Thabo Mbeki et Jacob Zuma, n’ont fait qu’approfondir cette orientation mais en l’associant à des pratiques de corruption et de clientélisme généralisées. Les bureaucrates de la COSATU, après avoir servi le gouvernement, se sont partiellement associés au patronat, à l’image de son président, S’dumo Dlamini.

Pendant ce temps, la majorité de la population vit sans assistance médicale. Elle s’entasse dans des townships qui se trouvent dans des conditions pires encore parfois que sous l’Apartheid. Tous les mouvements d’occupation de terres urbaines et rurales sont réprimés par la police « arc-en-ciel ». Les deux-tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté et le chômage qui touche officiellement un quart des Sud-africains en âge de travailler avoisine plutôt les 50%.

Tout le combat pour en finir avec le racisme, ancien et nouveau, la pauvreté et l’oppression, reste plus que jamais d’actualité. Il sera victorieux lorsque les travailleurs sud-africains, les paysans, les pauvres des villes, pourront le mener en toute indépendance de classe, indépendamment de ce qu’ils ont longtemps considéré comme « leur » parti, l’ANC, mais qui n’a jamais été, en dernière instance, que celui de la négociation avec la bourgeoisie blanche. Ce combat, pour être victorieux, sera celui d’une révolution, ouvrière et socialiste, avant tout noire et associant tou-te-s celles et ceux qui veulent en finir réellement avec le capitalisme qui, même lorsqu’il garantit formellement l’égalité des droits, n’est jamais qu’un monstrueux apartheid social et racial.

Les mineurs de Marikana, qui sont le symbole de l’aile marchante du mouvement ouvrier et populaire sud-africain et ont payé un lourd tribut à la répression en août 2012, ont montré qu’il fallait encore lutter, cette fois-ci non plus contre les patrons blancs mais également contre le gouvernement de l’ANC et les bureaucrates de la COSATU [1]. Ils ont également commencé à indiquer qu’il était possible d’avancer sur la voie de l’indépendance de classe. C’est en ce sens que les révolutionnaires internationalistes que nous sommes choisissent, aujourd’hui, pour rendre hommage à la lutte du peuple sud-africain contre l’Apartheid, de suivre le chemin qu’ont tracé les mineurs de la Province du Nord-Ouest, et non celui de Mandela.

Nous ne sommes pas des enfants de Mandela, mais des camarades des mineurs de Marikana !

Autant nous comprenons la tristesse des masses sud-africaines, autant nous refusons de nous reconnaître dans le discours de ceux qui, de bonne foi ou avec une certaine dose d’hypocrisie, voudraient que nous soyons tous des enfants et des héritiers de Mandela.

En tant que militant-e-s communistes révolutionnaires, nous sommes les sœurs et les frères de Steve Biko, des jeunes sud-africains de la révolte de Soweto de 1976, de celles et ceux qui n’ont pas cessé un seul instant, même après la fin « officielle » de l’Apartheid, de lutter contre l’exploitation et l’oppression. Contre le parti de Mandela, empêtré dans des querelles internes entre différentes factions qui défendent toutes les intérêts du patronat, nous sommes du côté des mineurs de Marikana et de leurs familles, du côté des métallos sud-africains dont les délégués devraient retirer, lors de leur prochain Congrès prévu les 13 et 14 décembre, leur appui à l’ANC.

Contre le néolibéralisme afro-capitaliste de Mandela, Mbeki et Zuma, la soif de retour au pouvoir du Parti National ou le repli communautaire et tribal sur lequel jouent certains politicien, ce sont les ouvrier-e-s, les jeunes, les habitant-e-s des townships qui portent la mémoire de la lutte contre l’Apartheid, une lutte qu’a trahie et dévoyée l’ANC, une lutte qui n’a pas cessé et qui triomphera avec la révolution ouvrière, paysanne, populaire et noire en Afrique du Sud. La semaine de deuil national pour Mandela pourra faire passer au second plan, pendant un temps, ce combat. Tôt ou tard il va reprendre avec plus de vigueur encore qu’avant, et c’est de ce côté-là que se trouve l’espoir.

08/12/13.

------------------
[1] Voir N. Kirmizi, "Un an après le massacre de Marikana, la classe ouvrière sud-africaine n’a rien oublié et s’organise !"

CCR

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Message  alexi Lun 16 Déc - 20:57


Echos de L'Etincelle du 16/12/13 :

Derrière les chrysanthèmes, la réalité de l'Afrique du Sud

Les dirigeants du monde entier n'ont pas tari d'éloges sur Mandela. Pour une raison très simple : l'apartheid est tombé, mais l'ordre capitaliste demeure : les Noirs sont toujours les plus pauvres et les plus exploités. Quand ils encensent Mandela, c'est pour mieux faire oublier que ce sont les révoltes dans les ghettos noirs comme Soweto qui ont fait chuter le régime d'apartheid. Ils se félicitent que l'ordre a été rétabli en ne faisant juste qu'une toute petite place à une élite noire privilégiée.

Mais loin du baratin et face à la réalité de la misère, la classe ouvrière sud-africaine n'a jamais cessé de se battre pour défendre ses intérêts.


L’État français complice de l'apartheid...

Hollande a dénoncé hypocritement la sauvagerie du régime d'apartheid. Il est moins bavard dès qu'il s'agit des liens que l’État français a entretenu avec ce régime pendant de longues années.

Jusqu'en 1977, les blindés qui quadrillaient les townships et assassinaient les insurgés étaient vendus par des marchands d'armes français. Les services secrets français et sud-africains officiaient main dans la main. Pendant les émeutes de Shaperville qui ont débouché sur l'incarcération de Mandela et de bien d'autres, les entreprises françaises construisaient une centrale nucléaire sur le sol sud-Africain. L'apartheid sentait bon le profit pour les patrons et les gouvernements de l'époque.



Marikana : après les balles, la misère


Ce village sud-africain est tristement célèbre depuis le massacre l’an dernier de 34 mineurs noirs assassinés par la police de l’actuel président noir Jacob Zuma. La fin de l’apartheid n’a pas mis fin à la répression ni à la misère : les familles ouvrières logent toujours dans des bidonvilles et près de la moitié des habitants sont au chômage. Pour changer leur sort, c’est au capitalisme que les travailleurs devront mettre fin.


Afrique du Sud : chrysanthèmes et la réalité


Les dirigeants du monde entier n'ont pas tari d'éloges sur Mandela. Pour une raison très simple : l'apartheid est tombé, mais l'ordre capitaliste demeure. Encenser Mandela, c'est mieux pour faire oublier que ce sont les révoltes dans les ghettos noirs comme Soweto et les grèves de mineurs qui ont fait chuter le régime d'apartheid.

Ce qu’admirent en Mandela tous ces dirigeants des pays riches qui avaient eu, jusque là, de si bonnes relations commerciales et militaires avec le régime de l’apartheid, c’est qu’il ait été l’homme du compromis qui sauvait les riches et l’exploitation capitaliste.

Si bien que le changement s’est essentiellement limité à faire une petite place à une élite noire privilégiée.

Mais loin du baratin et face à la réalité de la misère, la classe ouvrière sud-africaine n'a jamais cessé de se battre pour défendre ses intérêts. Malgré la répression. Comme les mineurs de Marikana, l’an dernier, contre lesquels l’actuel président noir Jacob Zuma avait envoyé sa police, faisant 34 morts.

alexi

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Message  Byrrh Sam 18 Jan - 4:03

Article publié dans la Lettre d'information N°1 (16 janvier 2014) du courant Anticapitalisme et Révolution du NPA.

Une info peu reprise ailleurs se trouve dans le dernier paragraphe, et mérite qu'on s'y attarde.

Afrique du Sud : une illusion d’égalité

Nelson Mandela est mort le 5 décembre. Face à l’indécent tapage politicien qui a suivi sa disparition, il est nécessaire de rappeler quels espoirs a pu susciter la fin de l’apartheid, et de les confronter à la condition actuelle des masses noires sud-africaines.

L’apartheid comme forme de domination de la bourgeoisie blanche

L’apartheid, un régime plus qu’odieux, a été appliqué en Afrique du Sud pendant plus de quarante ans. L'État divisait la population en catégories : Blancs, Indiens, Métis et Noirs. Les Noirs étaient les plus nombreux mais n'avaient aucun droit. La plupart d’entre eux étaient parqués dans des zones restreintes du pays, les townships, ghettos situés à la périphérie des grandes villes. Ils n’étaient autorisés à se déplacer dans les zones « blanches » que pour y travailler durant la journée. Et dans les régions les plus pauvres et sans industrie, ceux dont la bourgeoisie blanche n’avait pas immédiatement besoin pour faire tourner ses mines, ses usines ou ses chantiers étaient parqués dans des bantoustans, des réserves prétendument autonomes. Les Noirs devaient posséder un passeport pour circuler à l’intérieur du pays, ils étaient privés du droit de grève et du droit de vote. L'inhumanité de ce racisme d'État s'exprimait dans différents aspects de la vie quotidienne, par la ségrégation de tout l’espace public (transports, restaurants, plages, bancs publics, etc.) et par l’interdiction des relations sexuelles et du mariage entre membres des différentes catégories.

L’apartheid était le mode particulier de domination de la bourgeoisie blanche dans un pays riche en minerais précieux, un pays qui était déjà le plus industrialisé du continent et dont le prolétariat – essentiellement noir – était le plus important d’Afrique. Ce régime offrait à une poignée de grandes familles capitalistes et de multinationales une main-d’œuvre totalement flexible et très bon marché : auparavant bridée par la domination britannique, la bourgeoisie sud-africaine a ainsi pu accroître considérablement sa puissance économique et disposer d’entreprises assez compétitives pour se placer sur le marché mondial.

Malgré l’adoption par l’ONU en 1962 d’une résolution bien formelle, les puissances impérialistes s’accommodaient de l’apartheid parce que ce régime donnait à l’Afrique du Sud un rôle de rempart contre les révolutions auxquelles auraient pu conduire les luttes anticoloniales et la montée des luttes ouvrières. Dans le contexte de la guerre froide, la position stratégique du pays présentait un intérêt certain pour l’impérialisme américain, de toute façon peu enclin à dénoncer une ségrégation raciale qui était également pratiquée dans le sud des Etats-Unis.

Mandela : l’hommage des opprimés et celui des puissants


Ceux qui se souviendront de Nelson Mandela pour sa longue lutte courageuse sont nombreux, dans un contexte où le combat contre le racisme et pour l’égalité est loin d’être terminé. Les Noirs et les classes populaires d’Afrique du Sud saluent celui qui a passé 27 années de sa vie en prison sans jamais renoncer à exiger l’égalité des droits. A l’échelle internationale, Mandela est le symbole de la lutte déterminée de tout un peuple contre un système raciste. Car c’est la mobilisation de la jeunesse et des travailleurs noirs qui a eu raison de l’apartheid. À travers Mandela, c’est en fait à eux que les opprimés du monde entier rendent hommage.

Pendant des décennies, les grèves, les manifestations, les campagnes de boycott, les émeutes et les affrontements avec la police ou l’armée se sont succédé sans interruption ou presque. Des actions pacifiques ont commencé à se multiplier dès la mise en place de l’apartheid. En 1960, la manifestation de Sharpeville contre le pass (passeport intérieur) s’est terminée dans le sang : 69 manifestants ont été abattus. Suite à ce massacre, les principales organisations noires, en premier lieu le Congrès national africain de Mandela (ANC) et le Parti communiste d’Afrique du sud (SACP), ont été interdites, ce qui a entraîné une radicalisation de la lutte. En 1973, plus de 150 grèves ont éclaté dans la région de Durban : durement réprimées, elles ont cependant permis d’imposer des augmentations de salaire. Puis, en 1976, c’est la jeunesse scolarisée de Soweto qui a affronté le pouvoir. Entre 1984 et 1986, le gouvernement de l’apartheid a dû faire face à des luttes massives, dont une grève des mineurs ; mis en difficulté, et tout en maintenant une répression féroce, il a alors commencé à chercher une solution négociée.

Mandela est aujourd’hui encensé par les dirigeants de pays qui n’ont en fait rien trouvé à redire à sa captivité durant plus d’un quart de siècle. Tous les puissants se sont montrés à ses obsèques : Barack Obama, David Cameron, François Hollande et bien d’autres, une cinquantaine de chefs d’Etat au total. La présence parmi eux du dirigeant d’un pays qui impose lui-même un apartheid aux Palestiniens aurait sans doute été trop difficile à assumer : le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou s’est donc fait excuser, officiellement en raison de « frais de voyage » trop onéreux.

Pour rendre hommage à celui qu’il désigne comme un « résistant » qui a « servi la paix », Hollande a fait mettre en berne les drapeaux des bâtiments officiels, alors qu’au même moment la surenchère xénophobe battait son plein, et que débutait en Centrafrique une intervention militaire dont l’objectif inavoué est de préserver la mainmise de la France sur cette région et les privilèges de multinationales françaises comme Areva, Bolloré ou Total.

De la gauche à l’extrême droite, les politiciens français ont tressé des lauriers à une personnalité devenue étrangement consensuelle. Ce n’est pas tellement le militant noir emprisonné pour ses idées qu’ils ont salué : c’est le chef d’Etat qui, au nom de la réconciliation post-apartheid, a permis aux classes possédantes blanches d’Afrique du Sud de trouver une issue politique. Celles-ci ont sauvé leurs privilèges en tolérant auprès d’elles une minuscule bourgeoisie noire.

La politique de « réconciliation » : l’apartheid social a remplacé l’apartheid légal

Nelson Mandela a été à la fois l’homme qui a contribué à la lutte contre l’oppression, et celui qui a permis que cette oppression se perpétue sous une autre forme. Selon ses propres paroles, « l’ANC n’a jamais, à aucun moment de son histoire, été partisan d’un changement révolutionnaire de la structure économique du pays ni même condamné, pour autant que je m’en souvienne, la société capitaliste ». Mais Mandela savait que l’ANC ne pouvait prétendre être une force sociale capable à elle seule de mettre fin à l’apartheid, car il restait trop éloigné des pauvres et des classes laborieuses noires : c’est pourquoi il s’est tourné vers le SACP. Or ce dernier, qui appliquait la traditionnelle doctrine stalinienne de la « révolution par étapes », n’avait aucunement l’objectif de permettre à la classe ouvrière de prendre la tête du combat contre l'apartheid. Cette politique a eu pour résultat un renforcement de l’influence de l’ANC, dont la direction sur le mouvement n’était pas contestée.

Pourtant, à la fin des années 1980, ce sont la jeunesse et les travailleurs noirs qui, par leur mobilisation massive, ont permis de mettre à l’ordre du jour l’abolition de la ségrégation raciale. L’apartheid, qui avait joué un rôle historique dans le développement du capitalisme sud-africain, est alors devenu pour celui-ci un danger, car les révoltes et les grèves incessantes constituaient une entrave aux profits et faisaient planer une menace de révolution. Les dirigeants blancs du régime ségrégationniste et les secteurs essentiels de la bourgeoisie ont alors choisi de s’allier à Mandela et à l’ANC, qui avaient suffisamment de crédit auprès des masses noires pour qu’une transition en douceur soit possible : les lois raciales allaient être supprimées, mais sans que ne soient menacés ni la domination des propriétaires blancs sur l’économie, ni les profits des multinationales, ni les intérêts des puissances impérialistes, en particulier dans les mines.

Mandela a été libéré en 1990, et l’année suivante ont débuté les négociations officielles. Mandela et De Klerk, qui incarnait la nouvelle politique de la bourgeoisie blanche, ont reçu conjointement le prix Nobel de la paix en 1993. Le processus a abouti en 1994 : le Parti national, qui avait été l’artisan de l’apartheid, a fini par s’unir à l'ANC. Cette coalition a représenté les intérêts de toute la bourgeoisie sud-africaine, quelle que soit sa couleur.

Mais le combat contre l’apartheid reste inachevé, car un apartheid social a remplacé l’apartheid légal. Une classe privilégiée noire a pu obtenir une part du gâteau en accédant aux affaires et à l’appareil d’État. Mais pour l’immense majorité des Noirs, la misère, l’exploitation et les logements indignes ont continué. Thabo Mbeki, le président qui a succédé à Mandela, a lui-même avoué que « les inégalités sociales ont entériné l’existence de deux nations en un seul pays : l'une blanche et relativement prospère, la deuxième noire et pauvre ». Les Noirs, qui représentent l’écrasante majorité des classes populaires, continuent de subir le règne de la corruption, du chômage, du sida et de la pauvreté.

Du massacre de Marikana à la construction d’un parti des travailleurs

Malgré la disparition de l’apartheid, l’exploitation est toujours aussi féroce : le 16 août 2012, dans les mines de platine Lonmin à Marikana, 34 grévistes ont été tués par des policiers noirs aux ordres de ministres noirs défendant les profits des capitalistes. Ce massacre n’a pas mis un terme à la vague de grèves ouvrières qui s’est étendue aux principales mines et aux secteurs de l’automobile, du bâtiment ou encore du transport aérien. Mais il a profondément marqué la conscience des travailleurs. Si pour la classe ouvrière sud-africaine, le massacre de Marikana est loin d’être la première expérience de répression meurtrière, il a tragiquement révélé aux yeux de nombreux travailleurs ce qu’est la réalité de la politique poursuivie par l’ANC et la direction bureaucratique du Congrès des syndicats d’Afrique du Sud (COSATU). Cet événement constitue un tournant dans l’ère post-apartheid. Le discrédit de l’ANC au pouvoir est plus important que jamais, et il n’est guère étonnant que l’actuel président Jacob Zuma, à la réputation de roi de la corruption, ait été hué lors des obsèques de Mandela.

Le 20 décembre dernier, à l’issue de son congrès extraordinaire, l’Union nationale des métallurgistes d’Afrique du Sud (NUMSA), principal syndicat du pays, a annoncé le retrait de son soutien à l’ANC, ainsi que sa volonté de reconquérir le COSATU et de construire un « mouvement pour le socialisme, car la classe ouvrière a besoin d'un instrument engagé dans sa politique comme dans ses actions en faveur d'une Afrique du Sud socialiste ». Irvin Jim, secrétaire général de la NUMSA, a déclaré que « faire grossir les rangs de l’ANC a comme conséquence de livrer encore plus de victimes de la classe ouvrière, comme des moutons offerts au massacre de la bourgeoisie qui dirige l’ANC ». Cette décision majeure, qui pourrait affaiblir grandement l’ANC et renforcer le camp des travailleurs, indique la voie à suivre. Le Front de la gauche démocratique (Democratic Left Front, DLF), créé en 2011, et le Parti ouvrier et socialiste (Workers And Socialist Party, WASP), fondé fin 2012, ont tous deux salué cette décision. L’unité de tous ceux qui veulent construire un parti anticapitaliste, un parti révolutionnaire pour le socialisme et le communisme, sera un facteur important.

L’espoir est de ce côté-là, car pour en finir avec tous les apartheids, pour parvenir à l’émancipation sociale et à l’égalité réelle, il n’y a pas d’autre chemin que de construire un parti de la classe ouvrière indépendant, capable de jouer un rôle décisif dans le combat contre l’exploitation, le racisme et toutes les oppressions.

Byrrh

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Message  Joe Hill Mer 19 Fév - 14:09

http://www.vp-partisan.org/article1198.html


Article de Partisan N°271 - Nelson Mandela : Un héros pour les oppresseurs, un traître pour les opprimés !

Nous reproduisons ci-dessous des extraits d’un texte publié par la Democratic Students’ Union, une organisation étudiante maoïste indienne.

Depuis la mort de Nelson Mandela, le 6 décembre, les hommages les plus fleuris lui ont été adressés par les classes dirigeantes du monde entier. C’est précisément cette unanimité des impérialistes et de leurs agents qui est le plus révélateur. Le prétendu héritage de Mandela est construit sur une illusion, illusion construite par Mandela lui-même. (...)

Quel est exactement l’héritage de Mandela ? (...) Pendant les années 1980, le régime de l’apartheid a commencé à offrir des prêts généreux à une poignée d’hommes d’affaires noirs, provoquant la montée d’une nouvelle bourgeoisie essentiellement compradore. Les chefs de l’ANC [le parti de Mandela], en même tant qu’ils emménageaient dans de belles résidences entourées de terrains de golf, se sont mis à désirer la paix. A cette époque, les forces impérialistes ont très bien compris que, face à la vague de révolte qui grossissait de plus en plus parmi les masses noires, ils n’avaient le choix qu’entre la Révolution et la « Réconciliation ». En d’autres termes, subir une révolution sociale, ou accepter une "transition pacifique" qui laisserait la minorité possédante blanche et les intérêts occidentaux intacts, mais tout cela retouché par des changements cosmétiques. Au fil de longues négociations clandestines, qui ont finalement conduit à sa libération, Mandela (et l’aile modérée de l’ANC) ont choisi cette dernière voie.
.
Dès 1985, des années avant la libération de Mandela, ce compromis était déjà écrit lorsqu’un groupe d’industriels sud-africains dirigé par Gavin Reilly, président de l’« Anglo-american mining company », le plus puissant des monopoles sud-africains, rencontra en Zambie les dirigeants de l’ANC. Les deux parties avaient alors convenu d’une « transition » de l’apartheid à une « démocratie libérale noire » régie par l’ « ordre » et la « stabilité ». Des rencontres secrètes ont également eu lieu en Angleterre, notamment avec un futur président de l’Afrique du Sud « libérée », Tabo Mbeki. Mandela lui-même avait entamé entre-temps des négociations secrètes avec les autorités depuis sa prison. (...)

Peu de temps après sa libération lors de sa première visite aux USA, il a immédiatement rassuré l’impérialisme occidental : « L’ANC réintroduira le marché en Afrique du Sud ». Accusé alors par certains d’être devenu un émule du modèle néo-libéral, il affirma : " Vous pouvez lui mettre l’étiquette que vous voulez mais, pour ce pays, la privatisation doit être la politique fondamentale. » Salué comme « le plus fiable serviteur de la plus grande économie d’Afrique sub-saharienne en embrassant des politiques monétaires et fiscales orthodoxes » par le journal d’affaires Financial Times, Mandela s’est chargé d’assurer que les profits des mines et de l’agriculture sud-africaine continuent bien d’être versés dans les coffres des investisseurs étrangers et de l’élite blanche. (...)

Alors que le mandat du peuple, formulé par la Charte de la liberté [programme de l’ANC à ses débuts], exigeait la nationalisation des mines, Mandela passa des compromis avec les milieux d’affaires blancs pour laisser intacte leur part du gâteau. Plusieurs des figures de l’Apartheid ont gardé des postes clés, comme le ministre des finances Derek Keyes, qui a conservé son poste sous Mandela. Une autre promesse fondamentale de la Charte, la redistribution totale des terres, a été abandonnée, remplacée par une nouvelle clause de la Constitution qui « protége toute propriété privée ». Le transfert de propriété des ressources naturelles et des terres, qui constitue une base indispensable pour une véritable transformation de la société, a été délibérément occultée sous les slogans de "Vérité et réconciliation » et de « Nation arc-en-ciel ».

Ces slogans n’ont fait que couvrir l’appauvrissement des masses noires. Mandela n’a fait que remplacer l’apartheid raciale par l’apartheid économique. Bien que les disparités entre les Blancs et une minuscule élite noire enrichie se soient rétrécies, elles se sont élargies entre ceux-ci et la majorité noire. Ses conditions de vie sont les mêmes, voire même pires, que sous l’Apartheid. Les Noirs, qui constituent 80 % de la population, ne contrôlent que 5 % des richesses. Seule une infime fraction (3 %) des terres appartenant à des Blancs (87% du total) a été transférée à des Noirs depuis 1994. Post-apartheid, le revenu des 40 % de familles noires les plus pauvres a diminué de 20%. 2 millions d’entre elles ont été expulsées de leurs maisons. La privatisation des services de base a privé d’eau et d’électricité des millions de personnes. En 2010, 30 % des Noirs étaient officiellement au chômage contre seulement 5 % des Blancs. Le niveau de revenu des noirs par habitants en 2008 n’était que de 13% de celui des Blancs, pour 10,9 % en 1993. Le massacre de 34 mineurs de Marikana (mine de platine, propriété de capitaux britanniques), abattus dans le dos par la police, témoigne de la brutalité du régime post-apartheid mis en place par Mandela.

Mandela, par sa trahison historique, a vendu l’énorme potentiel révolutionnaire de la lutte anti-raciste qui a fait rage dans toute l’Afrique contre des années d’oppression raciste brutale et d’exploitation. C’est cette trahison qui a fait de Mandela un « saint » pour les oppresseurs. Ils l’admirent non seulement par ses compromis, mais aussi pour sa capacité à utiliser son prestige et son charisme pour convaincre les opprimés de se plier à la « réconciliation » et à sacrifier leur propre intérêt pour le plus grand bien des classes dirigeantes. Mais il ne peut y avoir « réconciliation » avec le féodalisme, avec le fascisme ou avec l’impérialisme. La seule façon d’avancer vers la libération est le renversement complet d’un ordre injuste par la révolution.

Joe Hill

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