Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
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Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
J'ai changé le titre du fil pour refléter le caractère plus général qu'il a pris. Cela me permet aussi de reproduire cet extrait de lathèse de Jean-Paul Salles "La Ligue Communiste Révolutionnaire (1968-1981)"
On y constate que la position de départ n'était pas plus brillante à la LCR, même si, à travers des crises, l'orientation a été en partie corrigée au fil de la décennie.
On y constate que la position de départ n'était pas plus brillante à la LCR, même si, à travers des crises, l'orientation a été en partie corrigée au fil de la décennie.
Rouge parle de cette question pour la première fois au lendemain de la manifestation du 1er mai 1972, marquée par l'apparition spectaculaire du Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire (FHAR). En organisant un cortège haut en couleurs, défi aux normes et valeurs bourgeoises, les homosexuels revendiquaient leur spécificité un peu comme les noirs américains avaient revendiqué leur négritude. Face à cette démonstration, dans un premier temps, l'hostilité de Rouge est totale. Certes Anna Libera affirme qu'il faut lutter contre la répression sexuelle sous toutes ses formes, mais elle exprime son désaccord avec les homosexuels du Fhar qui se comportent comme de "grandes folles[...] permettant à la presse bourgeoise et stalinienne de déconsidérer la manifestation toute entière aux yeux des travailleurs" et elle menace: "l'extrême gauche ne laissera pas dénaturer ses manifestations, même par le Fhar". La Ligue mettra du temps pour définir sa ligne dans ce domaine. Le mouvement ouvrier n'en est-il pas resté à l'image de l'homosexualité "tare de la bourgeoisie décadente?". Et chez les travailleurs, l'insulte de "pédé" est parmi les plus répandues. Même à l'intérieur de la Ligue, il n'est pas facile de se déclarer homosexuel. Les auteurs d'un texte interne n'hésitent pas à comparer la Ligue à l'armée, à la police, toutes trois "monde d'hommes". Les homosexuels de l'organisation ont donc tendance à se replier sur eux-mêmes, persuadés que ces problèmes ne sont pas politiques mais de l'ordre du privé. Yvan, pourtant membre du CC, attendra 5 ans avant d'annoncer son homosexualité, en 1975, à ses camarades de Dijon. Yvan parle d'un nécessaire travail d'éducation au sein de la LCR, "pour combattre les préjugés et les comportements qui engendrent l'oppression des homosexuels dans nos rangs". Lors du IIe congrès de la LCR (janvier 1977), il est décidé de créer une Commission Nationale Homosexualité (CNH). Elle appelle tous les homosexuel(le)s de l'organisation à une rencontre les 2 et 3 décembre 1977. On attend une cinquantaine de participant(e)s, avec lesquel(le)s il est prévu de faire le point sur la situation personnelle des homosexuel(le)s dans l'organisation et de lancer un travail de masse sur l'homosexualité. On repousse les arguments traditionnellement avancés pour refuser de s'engager sur ce front, tels que "la classe ne comprendrait pas, camarade...". On ne se cantonne plus désormais à la défense démocratique des homosexuels contre la répression. Il est décidé, après que plusieurs lecteurs aient déploré le silence de l'organisation sur ces questions, d'organiser l'intervention des militants chez les homosexuel(le)s.
Pour lancer cette intervention, on ne part de rien. Quelques militants parisiens sont déjà présents dans le Groupe de Libération Homosexuel - Politique et Quotidien (GLH-PQ), né le 14 décembre 1975 de la scission du GLH. Le GLH-PQ ne se contente pas de mener une lutte contre l'homophobie, pour la reconnaissance par la société de la différence homosexuelle. En menant une réflexion sur la sexualité humaine, sur le culte de la virilité, ces militants prétendent aller aux racines de l'oppression dont sont victimes les homosexuel(le)s et les femmes. Engager ainsi le combat permettra, prétendent-ils, une convergence avec le mouvement des femmes, et évitera le corporatisme, le repli sur le ghetto et la récupération par la bourgeoisie. Une fois acceptée l'idée de la nécessité d'un mouvement homosexuel autonome, un peu comme il existe un mouvement des femmes, sa construction n'est pas aisée. Cependant à la veille du IIIe congrès, la CNH est capable de publier des "thèses homosexualités". Le regroupement d'homosexuel(le)s sont considérés comme un phénomène "positif et nécessaire" et le travail des militant(e)s de la Ligue bien défini. La liste des revendications est longue et précise. Une lutte pour les droits démocratiques est proposée, pour l'abrogation des lois et décrets répressifs, ainsi que pour la reconnaissance de la liaison homosexuelle pour les droits qu'elle peut procurer (en matière de logement, de droits sociaux, de mutations professionnelles...). Après plusieurs années de travail, la Ligue semble bien armée pour intervenir dans ce milieu.
Mais le congrès qui aurait pu amplifier, encourager ce travail, est l'occasion d'une crise majeure de ce secteur. En effet, à une courte majorité le congrès refuse de débattre du projet de thèses présenté par la CNH. Cette attitude est très mal acceptée par trois des membres de la CNH, militants anciens et chevronnés de la Ligue, qui démissionnent aussitôt de l'organisation. Jean-Pierre Lorrain (11 ans d'organisation), Alain Sanzio (11 ans lui aussi) et Michel Villon (7 ans d'organisation) accusent la Ligue de vouloir construire "une société socialiste où les homosexuel(le)s n'auraient pas leur place". Les trois autres militants militants de la CNH (Yvan de Dijon, Suzette Triton de Paris, Jacques Fortin de Marseille) sont accablés, ils dénoncent "le comportement irresponsable, méprisant, condescendant" de la Ligue. Toutefois, considérant que seule une révolution socialiste permettra d'extirper les racines de l'oppression dont sont victimes les homosexuel(le)s, ils décident de rester à la Ligue. Ils maintiendront le lien avec ceux qui ont décidé de partir, notamment dans le cadre de la revue Masques, revue des homosexualités, dont le numéro 1 paraît en mai 1979. La Ligue, malgré cette crise, s'investit peu après dans le Comité d'Urgence Anti-Répression Homosexuelle (CUARH) créé en 1979. Un premier résultat est obtenu après la victoire de François Mitterand aux élections présidentielles de mai 1981, avec l'abrogation de l'article 331-3 du Code Pénal qui, interdisant à un(e) jeune de moins de 18 ans d'être homosexuel(le), introduisait une discrimination légale par rapport aux hétérosexuel(le)s, la majorité étant fixée à 15 ans.
sylvestre- Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
En fait, l'article d'Anna Libera, en 1972, a suscité une réaction d'un lecteur, publiée dans l'un des numéros suivants de "Rouge". A ce courrier d'un membre du FHAR, un autre dirigeant de la Ligue a répondu par un texte nettement plus juste politiquement. On peut donc dire que la Ligue a rectifié le tir immédiatement.sylvestre a écrit:On y constate que la position de départ n'était pas plus brillante à la LCR, même si, à travers des crises, l'orientation a été en partie corrigée au fil de la décennie.
Je reproduirai ces textes ce soir.
Byrrh- Messages : 1009
Date d'inscription : 12/09/2012
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Le plus horrible parmi les textes de LO reproduits plus haut, c'est moins la position obscurantiste exprimée par Morand, qui souligne tout de même à diverses reprises la volonté de lutter contre les discriminations, que la réponse à Jean Genêt (que je ne connaissais pas ou avais oubliée). Avec des expressions comme "un journal dont le contenu
est à la hauteur de graffitis de pissotières", ce texte fleure en effet la hargne homophobe.
Et il faut bien dire que cela correspondait à l'état d'esprit d'un certain nombre de camarades...
est à la hauteur de graffitis de pissotières", ce texte fleure en effet la hargne homophobe.
Et il faut bien dire que cela correspondait à l'état d'esprit d'un certain nombre de camarades...
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Eh bien paradoxalement, je préfère la franchise de cette formule méprisante, au laïus pseudo-scientifique du style "un des nombreux comportements aberrants engendrés par la société bourgeoise" (avec sa variante, entendue par moi de la part du N°1 de LO en Lorraine : "maladie mentale causée par le capitalisme, qui disparaîtra sous le socialisme").verié2 a écrit:Avec des expressions comme "un journal dont le contenu est à la hauteur de graffitis de pissotières", ce texte fleure en effet la hargne homophobe.
Pseudo-scientifique, car je ne pense pas que les nombreuses espèces animales qui connaissent l'homosexualité soient influencées d'une quelconque manière par la société bourgeoise...
Le but de ce fil était surtout, au départ, de parler du vécu homosexuel dans les classes laborieuses. Il y a sans doute de quoi faire deux fils. Mais ça ne me dérange pas qu'on mêle tous ces sujets ensemble, Maurice Cherdo et Jean-Louis Bory pouvant voisiner avec la LCR et LO.sylvestre a écrit:J'ai changé le titre du fil pour refléter le caractère plus général qu'il a pris.
Byrrh- Messages : 1009
Date d'inscription : 12/09/2012
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Voici les articles en question :Byrrh a écrit:En fait, l'article d'Anna Libera, en 1972, a suscité une réaction d'un lecteur, publiée dans l'un des numéros suivants de "Rouge". A ce courrier d'un membre du FHAR, un autre dirigeant de la Ligue a répondu par un texte nettement plus juste politiquement. On peut donc dire que la Ligue a rectifié le tir immédiatement.sylvestre a écrit:On y constate que la position de départ n'était pas plus brillante à la LCR, même si, à travers des crises, l'orientation a été en partie corrigée au fil de la décennie.
Je reproduirai ces textes ce soir.
Article de Rouge cité quelques jours plus tard dans Lutte ouvrière. Le (nouveau) titre et le texte introductif en gras sont de LO :Rouge n°156 du 6 mai 1972
A propos du FHAR
Contrairement aux vertueux censeurs du PCF – et de leur ombre portée à l’extrême-gauche : l’AJS-OCI – nous ne nous érigeons pas en sourcilleux champions de la morale sexuelle bourgeoise. Libre aux réformistes de propager les préjugés, les interdits, les stéréotypes que véhiculent les normes sexuelles de notre société bourgeoise. Les révolutionnaires savent que ces normes sont répressives et oppressantes. Ils sont partie prenante de la lutte contre la répression sexuelle sous toutes ses formes, même si la ligne de cette lutte n’est pas toujours simple à définir. Dans la mesure de leurs moyens, ils soutiennent et participent à ces combats.
C’est dire que nous n’avons aucune hostilité de principe contre la lutte que mènent les homosexuels contre l’ostracisme dont les entoure la société bourgeoise.
Nous n’en trouvons que plus lamentable les grotesques exhibitions du FHAR (1), lors des dernières manifestations. Défiler en travesti, ce n’est pas lutter contre la morale bourgeoise et la répression anti-homosexuelle : c’est au contraire participer de l’idéologie bourgeoise en assumant le rôle, l’image, le statut dérisoire qu’elle assigne aux homosexuels. En se comportant comme des « grandes folles », les homosexuels du FHAR révèlent peut-être à quel point ils sont victimes de l’oppression sexuelle bourgeoise. Ils ne contribuent pas à la combattre. Au contraire, ils ridiculisent et déconsidèrent leur cause. La tradition bourgeoise présente le « pédé » sur le mode de la dérision. En restant sur ce terrain, les militants du FHAR demeurent dans la tradition bourgeoise.
Il incombe à l’ensemble des organisations révolutionnaires d’obtenir du FHAR un changement d’attitude politique. D’autant plus que la presse bourgeoise et stalinienne, flattant bassement les préjugés les plus grossiers, exploitent avec délectation la poignée de travestis pour déconsidérer la manifestation toute entière aux yeux des travailleurs. L’extrême-gauche révolutionnaire ne laissera pas dénaturer ses manifestations, même par le FHAR. L’oppression abjecte dont sont victimes les homosexuels excuse beaucoup de choses. Elle n’autorise pas tout. Nous espérons que les militants du FHAR le comprendront.
A.L. [Anna Libera]
(1) Front des Homosexuels Révolutionnaires.
Lutte Ouvrière n°194 du 16 mai 1972
Rubrique « Revue de la presse d'extrême gauche »
La « juste » cause des homosexuels !
Après le défilé du 1er mai à Paris, l’organe de la Ligue Communiste s’adresse aux militants du F.A.H.R., leur demandant d’être plus responsables et plus politiques. C’est oublier que le combat sur le terrain choisi par le F.A.H.R. implique forcément l’exhibitionnisme et l’irresponsabilité vis-à-vis du combat prolétarien. Quant à nous, nous ne pensons pas que la lutte pour l’homosexualité se confonde avec la lutte pour le socialisme.
Contrairement aux vertueux censeurs du PCF – et de leur ombre portée à l’extrême-gauche : l’AJS-OCI – nous ne nous érigeons pas en sourcilleux champions de la morale sexuelle bourgeoise. Libre aux réformistes de propager les préjugés, les interdits, les stéréotypes que véhiculent les normes sexuelles de notre société bourgeoise. Les révolutionnaires savent que ces normes sont répressives et oppressantes. Ils sont partie prenante de la lutte contre la répression sexuelle sous toutes ses formes, même si la ligne de cette lutte n’est pas toujours simple à définir. Dans la mesure de leurs moyens, ils soutiennent et participent à ces combats.
C’est dire que nous n’avons aucune hostilité de principe contre la lutte que mènent les homosexuels contre l’ostracisme dont les entoure la société bourgeoise.
Nous n’en trouvons que plus lamentable les grotesques exhibitions du FHAR (1), lors des dernières manifestations. Défiler en travesti, ce n’est pas lutter contre la morale bourgeoise et la répression anti-homosexuelle : c’est au contraire participer de l’idéologie bourgeoise en assumant le rôle, l’image, le statut dérisoire qu’elle assigne aux homosexuels. En se comportant comme des « grandes folles », les homosexuels du FHAR révèlent peut-être à quel point ils sont victimes de l’oppression sexuelle bourgeoise. Ils ne contribuent pas à la combattre. Au contraire, ils ridiculisent et déconsidèrent leur cause. La tradition bourgeoise présente le « pédé » sur le mode de la dérision. En restant sur ce terrain, les militants du FHAR demeurent dans la tradition bourgeoise.
Il incombe à l’ensemble des organisations révolutionnaires d’obtenir du FHAR un changement d’attitude politique. D’autant plus que la presse bourgeoise et stalinienne, flattant bassement les préjugés les plus grossiers, exploitent avec délectation la poignée de travestis pour déconsidérer la manifestation toute entière aux yeux des travailleurs. L’extrême-gauche révolutionnaire ne laissera pas dénaturer ses manifestations, même par le FHAR. L’oppression abjecte dont sont victimes les homosexuels excuse beaucoup de choses. Elle n’autorise pas tout. Nous espérons que les militants du FHAR le comprendront.
A.L.
(1) Front des Homosexuels Révolutionnaires.
Dernière édition par Byrrh le Sam 5 Jan - 12:23, édité 1 fois
Byrrh- Messages : 1009
Date d'inscription : 12/09/2012
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Quelques semaines plus tard, on pouvait lire dans Rouge un droit de réponse d'un militant du FHAR, suivi d'une mise au point de Michel Lenoir pour la Ligue Communiste. Le courrier d'Alain-Noël Fleig est un exemble du blabla situationniste habituel d'une partie des animateurs du FHAR. Je trouve la réponse de Michel Lenoir très appropriée.
Rouge n°159 du 27 mai 1972
Encore une fois à propos du FHAR
A la suite de l’article de « Rouge » sur la manifestation du FAHR au sein du défilé des organisations révolutionnaires le 1er mai, nous avons reçu plusieurs lettres. Nous publions la suivante d’un militant du FAHR.
Lettre du FHAR
Paris, le 9 mai 1972
Camarades,
C’est sans surprise, mais avec une certaine gêne néanmoins, que nous avons pris connaissance de l’article intitulé « A propos du FHAR ».
Oh, certes, nous sommes parfaitement conscients des problèmes que nous pouvons vous poser, mais ce sont vos problèmes, et nous n’avons pas à nous en excuser ; par contre nous nous étonnons qu’il vous faille quinze lignes de justifications et d’atermoiements, de proclamations de bonne volonté (qu’il n’est nullement question de mettre en cause), avant d’en venir au vif du sujet : à savoir qu’il nous faudrait rentrer dans le rang, sinon gare.
Je trouve pour ma part ce ton paternaliste et ces menaces à peine voilées un peu fort de café pour des révolutionnaires ; je vous en prie, laissez ce langage aux Pompidou et aux bourgeois « libéraux ».
Vous nous accusez d’assumer par notre comportement l’image que la bourgeoisie se ferait de nous. Qu’importe ce que pense la bourgeoisie et puis, ça n’est pas si simple ; les « gouines et les pédés » se proclament tels et défilant sur le pavé, dans la rue, ça n’est pas précisément le rôle que nous assigne la bourgeoisie. Qu’importe si, comme vous le dites, nous ridiculisons notre cause. D’abord ça n’est pas seulement « notre » cause et puis notre cause ça n’est pas, surtout pas, la reconnaissance apitoyée du « problème homosexuel ». Vous souhaiteriez qu’on émeuve par notre dignité, n’est-ce pas ? Qu’on fasse la preuve de notre sérieux, la preuve que nous sommes de vrais hommes ?
Non. Et ne vous en faites pas, nous ne sommes pas près d’être récupérés. Justement ces provocations volontaires auxquelles nous nous livrons et notre attitude anarchique, délirante ou folklorique, comme il vous plaira (vue l’étymologie du mot, ce serait plutôt flatteur d’ailleurs), suffisent à couper les ponts que certains voudraient tout de même jeter : après tout, les homosexuels ce sont aussi des consommateurs et des électeurs.
(…) Après tout, à chacun sa méthode et c’est parce que nous sommes plus sujets que d’autres à la récupération, d’où qu’elle vienne, que volontairement nous devons rendre la dérision plus dérisoire encore, la honte plus honteuse jusqu’à ce qu’elle éclate.
De toute façon, camarades, nous entendons être les seuls juges de notre comportement et de la validité de nos actions. On en a marre qu’on nous dise comment nous devons aimer, comment nous devons baiser, comment nous devrions défiler et comment on devrait concevoir la Révolution. On n’a pas de leçon à recevoir et je crois même qu’étant doublement exploités, doublement prolétaires, on pourrait nous écouter un peu et sans condescendance.
Vous allez même jusqu’à nous trouver des excuses ; merci mon père, avec un pater et deux ave, ça ira-t-y ? Nous n’avons pas besoin de commisération ni de justification. Contrairement à beaucoup parmi les dirigeants révolutionnaires, ça n’est pas dans les livres que nous avons découvert l’exploitation, l’oppression et la forme de misère sociale dont est victime le prolétariat ouvrier et sexuel : cette oppression, c’est dans notre chair que nous la ressentons quotidiennement, en tant qu’homosexuel, en tant que travailleur et en tant que femme pour la moitié d’entre nous.
Si vous nous aviez bien regardés le 1er mai, ou même à l’enterrement de Pierre Overney, vous auriez vu que ce n’était pas un spectacle que nous donnions, ça tenait plutôt de l’« exorcisme » ; le « spectacle » c’était vous.
(…) Vous prétendez qu’il incombe à l’ensemble des organisations révolutionnaires d’obtenir de nous un changement d’attitude. Par quel moyen, camarades ? Par la force ?
Vous écrivez aussi : « L’extrême-gauche révolutionnaire ne laissera pas dénaturer ses manifestations ». Elles vous appartiennent donc ? Faut-il à votre tour vous rappeler que la rue est à tout le monde ? Vous n’avez pas le monopole de la Révolution, d’où tenez-vous qu’il y ait une seule vraie bonne façon de penser, une seule vraie bonne façon d’agir, par quelle vérité révélée ?
Bon, on va pas se fâcher, mais quand on lit des énormités pareilles on se demande si c’est « Rouge » qu’on a sous les yeux, ou l’« Aurore ». J’ai vu il y a peu un truc du genre : « La République ne laissera pas dénaturer ses institutions par une poignée de prétendus révolutionnaires ». En l’occurrence c’était vous, entre autres, qui étiez visés.
Au fond vous êtes bien sympas, vous vous « déclarez partie prenante dans la lutte contre la répression sexuelle » ; mais la bourgeoisie libérale aussi et presque pour les mêmes raisons. Vous ne semblez pas avoir compris que cette sexualité justement était à la base même du phénomène de l’exploitation socio-économique que vous dénoncez et contre quoi vous entendez lutter. Il n’est pas besoin d’être freudien pour constater cette évidence que les rapports de domination quels qu’ils soient sont d’origine sexuelle et que la lutte sur le terrain économique, toute nécessaire qu’elle soit, n’est qu’une lutte au niveau des effets et qu’il serait peut-être bon simultanément, si l’on ne veut pas voir se reproduire comme à chaque fois l’échec du vrai projet révolutionnaire, de s’attaquer aussi à la cause, en démolissant systématiquement tous les tabous, toutes les inhibitions sexuelles. La lutte des classes, c’est aussi la lutte du sexe – trop longtemps canalisée au profit de l’« ordre » et du travail – qui entend se libérer.
C’est une des tâches que le FHAR s’est données et pour cela tous les moyens sont bons, tout ce qui peut contribuer à briser les schémas mentaux traditionnels de cette culture judéo-chrétienne, est positif ; votre réaction même, dans la mesure où elle amorce un dialogue, est positive. La révolution ne peut être que globale et « culturelle » (au sens civilisation du mot culturel), et je crois que la seule chance du vrai révolutionnaire, c’est la remise en question continuelle.
Par ailleurs et pour terminer, je vous signale que nous n’avons pas jugé bon de répondre aux bassesses de l’« Humanité Rouge » ou de « Lutte Ouvrière », parce qu’en fait les vrais travestis, les folles maquillées en rouge, ce sont eux.
Salutations révolutionnaires.
Alain-Noël Fleig
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Révolution sociale et révolution sexuelle
En l’absence d’une réflexion approfondie préalable sur ces questions, les marxistes-révolutionnaires se refusent à caractériser a priori l’homosexualité comme un vice, une déviation, un simple produit de la décadence bourgeoise. Dans une société où toutes les normes et les valeurs sont perverties et renversées par l’oppression capitaliste, ils se refusent à apprécier l’homosexualité comme pathologique par rapport à un « normal » dont on ne sait pas précisément s’il est l’amour hétérosexuel selon Paul VI, le Dr Müldworf ou Wilhelm Reich.
Les homosexuels constituent dans la société capitaliste, une minorité globalement décriée et méprisée du fait de l’idéologie dominante, soumise à des discriminations matérielles et juridiques (1).
Entre autres choses, ce discrédit jeté sur l’homosexualité renvoie bien évidemment à la règle d’or du moralisme bourgeois selon laquelle toute activité sexuelle non orientée vers la procréation (c’est-à-dire vers la production d’exploités potentiels) est suspecte et condamnable. La répression contre les homosexuels en société capitaliste est donc partie intégrante de la répression de toute sexualité libre. Elle est le pendant de la glorification permanente de la Famille bourgeoise dans le cadre de la sainte trilogie Travail, Famille, Patrie.
Surenchérissant sur les préventions bourgeoises les plus rétrogrades vis-à-vis des homosexuels, les opportunistes dans le mouvement ouvrier et notamment les staliniens flattent les préjugés spontanés de la classe ouvrière sur cette question, tout comme sur les questions de la famille, de la drogue, etc… Une telle attitude est foncièrement réactionnaire. Les marxistes-révolutionnaires ne peuvent éduquer les masses et les conduire à la révolution qu’en allant à contre-courant des préjugés inculqués par l’idéologie dominante. Aussi, de même que nous n’hésitons pas à proclamer que le socialisme créera les conditions de la Famille bourgeoise [sic : il faut plutôt lire "créera les conditions de la disparition de la Famille bourgeoise"], de même nous n’hésitons pas à dénoncer comme bourgeoises les préventions actuellement répandues contre les homosexuels.
La volonté actuellement proclamée, dans des pays capitalistes, d’un certain nombre d’homosexuels de refuser de dissimuler plus longtemps comme une tare leur « différence » est un indice supplémentaire de l’effondrement du système des valeurs bourgeoises et de la radicalisation croissante de couches toujours plus vastes. A New-York en 71 s’est déroulée une manifestation de quelque 30 000 homosexuels réclamant la suppression de toute discrimination sociale et juridique à leur égard. Aux USA, les contours du « Gay Liberation Movement » se dessinent comme ceux d’un mouvement de masse permanent. En France, le même phénomène s’est traduit par l’apparition sur la scène de l’extrême-gauche du FHAR. Le problème est que le FHAR, dans son ensemble, ne se considère pas, a priori, comme un mouvement politique mais comme le simple regroupement d’une minorité sexuelle opprimée. Pour lui, l’oppression sexuelle détermine l’oppression économique. Rien d’étonnant donc à ce que, dans la tête et dans la pratique d’un certain nombre de ses militants, les critères de classe de leur révolte se dissolvent intégralement ; rien d’étonnant à ce qu’ils ne saisissent pas clairement que, pour que leur « différence » cesse d’être une malédiction, c’est tout l’ordre social économique et politique bourgeois qui doit être supprimé ; rien d’étonnant donc à ce que certains d’entre eux se soucient aussi peu d’opérer leur jonction avec le mouvement ouvrier et révolutionnaire organisé, seul instrument efficace pour la suppression de l’ordre bourgeois qui les opprime ; à ce que, dans leurs apparitions publiques, comme celles du 1er mai, ils ne tiennent aucun compte de la façon dont l’opinion publique en général et la classe ouvrière en particulier les percevront. Une telle désinvolture nuit à l’action militante des homosexuels conscients et des révolutionnaires en général. Il appartient aux militants conscients du FHAR de se démarquer d’une aile petite-bourgeoise incapable de s’élever à ce niveau élémentaire de conscience révolutionnaire. C’est sur ces points simplement que voulait attirer l’attention l’article – trop bref – paru dans l’avant-dernier numéro de Rouge.
Michel Lenoir.
(1) A titre d’exemple, rappelons que le livre « Rapport sur la normalité » rédigé par des militants du FHAR et publié aux éditions « Champ libre », a été interdit à la vente aux mineurs par Marcellin.
Byrrh- Messages : 1009
Date d'inscription : 12/09/2012
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Merci, Byrrh, beau travail.
Plus que le rappel des petites médiocrités qui jalonnent aussi l'histoire de la gauche radicale (la reconnaissance de l'altérité n'est jamais une chose acquise, mais toujours le résultat d'un combat), c'est l'évocation poignante de Maurice Cherdo, ce militant ouvrier de la cause homosexuelle dont j'ignorais tout, qui m'a le plus touché.
Mon souvenir de ces années-là reste lié de manière indissociable à la figure de Guy Hocquenghem, dont les éditions Agone ont republié la Lettre Ouverte, il y a quelques années.
Plus que le rappel des petites médiocrités qui jalonnent aussi l'histoire de la gauche radicale (la reconnaissance de l'altérité n'est jamais une chose acquise, mais toujours le résultat d'un combat), c'est l'évocation poignante de Maurice Cherdo, ce militant ouvrier de la cause homosexuelle dont j'ignorais tout, qui m'a le plus touché.
Mon souvenir de ces années-là reste lié de manière indissociable à la figure de Guy Hocquenghem, dont les éditions Agone ont republié la Lettre Ouverte, il y a quelques années.
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Je ne suis pas mécontent d'avoir un jour découvert son histoire, qui était tombée complètement dans l'oubli.Babel a écrit:Merci, Byrrh, beau travail.
Plus que le rappel des petites médiocrités qui jalonnent aussi l'histoire de la gauche radicale (la reconnaissance de l'altérité n'est jamais une chose acquise, mais toujours le résultat d'un combat), c'est l'évocation poignante de Maurice Cherdo, ce militant ouvrier de la cause homosexuelle dont j'ignorais tout, qui m'a le plus touché.
Hélas, à part cette "Lettre ouverte" à ceux qui ont renié les engagements de leur jeunesse, je ne crois pas qu'il y ait grand-chose de valable à lire sous la plume de Guy Hocquenghem, notamment sur la question homosexuelle. Et j'utilise là un euphémisme, tant ses écrits sur cette question me semblent délirants voire nuisibles.Mon souvenir de ces années-là reste lié de manière indissociable à la figure de Guy Hocquenghem, dont les éditions Agone ont republié la Lettre Ouverte, il y a quelques années.
Je préfère conseiller la lecture de gens comme Jean-Louis Bory ou Pierre Hahn, si l'on veut rester dans la période des années 70.
Byrrh- Messages : 1009
Date d'inscription : 12/09/2012
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Je dois avouer que je ne l'ai pas lu...
Par contre je dois témoigner, pour avoir milité à Paris dans la même orga,
que Guy fut un militant révolutionnaire (JCR) de grande valeur, avant et pendant 68.
Par contre je dois témoigner, pour avoir milité à Paris dans la même orga,
que Guy fut un militant révolutionnaire (JCR) de grande valeur, avant et pendant 68.
Roseau- Messages : 17750
Date d'inscription : 14/07/2010
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Quelques autres articles de cette époque :
Rouge n°202 du 27 avril 1973
Traitement de choc
« Le malade (un homosexuel) est invité à examiner une série de diapositives représentant des hommes nus et à les classer par ordre d’intérêt… Parallèlement, le malade est invité à classer de la même façon des diapositives représentant des femmes… On définit alors sur le malade les coordonnées physiques d’un choc électrique très désagréable (fourni par une batterie de voiture de 12 volts). On prévient le malade que les diapositives vont lui être projetées mais qu’une décharge électrique accompagnera au bout d’un certain temps les photos masculines. Il pourra alors s’il le désire, arrêter à la fois la projection et le choc douloureux en appuyant sur le bouton placé à la portée de sa main… il ne recevra jamais le choc électrique tant que l’écran restera sans image ou qu’une photo féminine sera projetée… Si la douleur n’est pas suffisante pour lui faire appuyer sur l’interrupteur, l’intensité du courant est augmentée progressivement… Chaque traitement comporte environ 25 essais et dure à peu près 20 minutes. Les malades hospitalisés reçoivent deux séances par jour… »
S’agit-il d’un scénario pour un film d’anticipation du genre « Orange mécanique » ? Non, mais d’un extrait d’un ouvrage du docteur Rognant, plus précisément de son rapport sur les « Thérapeutiques de déconditionnement dans les névroses » (Tome II, pages 1571-1572), présenté au congrès de psychiatrie et de neurologie de langue française de 1970 et publié chez Masson. La bibliographie très fournie avec des statistiques portant parfois sur plus de cent cas montre que loin d’être la découverte d’un sadique en mal de notoriété, ces méthodes sont largement répandues aux USA et commencent à être introduites en France.
Notre inquiétude s’accroît encore, lorsqu’en feuilletant le tome I à la page 9, nous découvrons que l’auteur psychiatre dans la marine à Brest, représentait officiellement pour ce congrès M. Michel Debré. On sait qu’un officier, pour parler en public doit demander une permission et soumettre son chef-d’œuvre à ses supérieurs. Rognant n’est donc pas un franc-tireur ; sous couvert de science, certains rêvent d’un ordre fasciste s’étendant au-delà de l’armée.
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Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Rouge (quotidien) n°15 du 11 mai 1974
Rubrique « Courrier des lecteurs »
Ouvriers et homosexuels
Camarades,
Nous sommes un groupe d’ouvriers, employés et fonctionnaires qui sommes séduits par la campagne du candidat communiste Alain Krivine.
Nous avons cependant décidé de vous poser une question avant de faire autour de nous de la propagande en faveur du candidat du FCR.
En effet, si nous sommes ouvriers, employés, fonctionnaires, nous avons tout de même une particularité qui fait de nous des gens prudents quant à nos engagements politiques.
Nous sommes homosexuels et serions fortement intéressés quant à connaître la position officielle du FCR sur l’homosexualité.
Nous avons bien sûr lu le programme de l’ex-Ligue Communiste et il nous paraît que le sujet de l’homosexualité y est traité un peu succinctement.
Dans la Quotidien Rouge, nous avons apprécié la publication de la lettre de l’Antinorm, ainsi que votre réponse.
Mais tout ceci est nettement insuffisant.
Nous n’avons aucunement l’intention de présenter l’homosexualité comme le problème le plus important de l’heure, mais, pour la plupart de notre groupe, vous comprendrez que le sujet nous tienne à cœur.
En effet, pour les 3/4 d’entre nous, qui étions militants du PCF (et sommes toujours cégétistes) et exclus pour « homosexualité », rejetés par le « parti de la classe ouvrière » et rejetés par eux de la classe ouvrière elle-même, nous avons pu nous rendre compte que ne pas demander de position officielle nous amène à risquer les pires déconvenues. Et, si nous pouvons appeler déconvenues l’exclusion du PCF, la perte de nos emplois (à la suite de campagnes de dénigrement), certaines de nos relations dans les pays de l’Est (URSS et Allemagne de l’Est) ne connaissent pas de déconvenues mais des peines d’emprisonnement fort longues.
Aussi voudrions-nous savoir si les communistes révolutionnaires que vous êtes êtes prêts à vous prononcer sur l’homosexualité ?
Nous n’ignorons pas qu’il est très difficile en période électorale de prendre publiquement position sur des problèmes aussi peu populaires que l’homosexualité. Mais nous pensons que l’éducation de la classe ouvrière dans la perspective de la révolution socialiste ne souffre aucune compromission, quitte à aller à contre-courant dans certains cas. Il ne suffit pas d’ignorer les problèmes pour que ceux-ci disparaissent.
Nous pensons donc qu’une position nette et publique du FCR serait l’amorce d’une vaste discussion dans la classe ouvrière sur tout ce qui touche à la sexualité.
Sans faire preuve d’égoïsme, nous vous avouerons que nous sommes peu rassurés par la perspective d’une victoire de la gauche.
Nous connaissons la position ultra-répressive du PCF en matière sexuelle (et particulièrement en matière d’homosexualité).
Quant au « candidat commun », la répression homosexuelle ne fut jamais aussi féroce que du temps de son règne au ministère de l’Intérieur (voir les statistiques des procès et condamnations de l’époque).
Il serait donc fort important pour les prolétaires homosexuels (les autres ont le fric et ça arrange pour eux beaucoup de choses) de savoir si le socialisme tel que vous le concevez leur apportera :
libération économique et répression sexuelle (ou plutôt homosexuelle)
ou :
libération totale, tant sexuelle qu’économique.
Paris 9ème
____________________
REPONSE DE ROUGE
Camarades,
1) Nous avons toujours condamné la répression contre les homosexuels. Tant dans nos textes programmatiques que dans la pratique (à propos des persécutions dont ils ont été victimes à Cuba ou à propos des incidents survenus à la fête de Lutte Ouvrière l’an passé). Sur ce point, il n’y a aucun flou, c’est un engagement précis.
2) Au-delà de cette position démocratique, nous n’avons pas de position arrêtée sur le débat de fond qui oppose ceux (comme Reich) qui analysent l’homosexualité comme une forme pathologique de la sexualité liée à l’oppression capitaliste, et ceux qui pensent au contraire que la sexualité, libérée des contraintes de la reproduction, s’épanouira sous les formes les plus variées (hétérosexuelle, homosexuelle, ou de groupe). Nous nous en tenons donc à lutter contre les institutions et la législation qui fixent une « normalité » sexuelle liée à des conditions historiques déjà dépassées.
3) En revanche, nous ne partageons nullement l’analyse faite, par Hocquenghem notamment, selon laquelle la vision homosexuelle consciente du monde serait, par nature, révolutionnaire. Qu’entend-il par consciente ? Tout est là.
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Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Des extraits d'un article de Lutte de classe (1972), la revue de LO :
Lutte de classe n°1 du 1er juin 1972
Le mouvement “gauchiste” quatre ans après mai 1968
La manifestation organisée à l’occasion du 1er mai 1972 par l’ensemble des groupes « gauchistes », hormis l’A.J.S., résumait, de façon sommaire mais saisissante, les problèmes du courant révolutionnaire en France.
Fait difficile à concevoir avant 1968 mais qui, aujourd’hui, fait partie des données de la vie politique française, en une occasion qui n’était pas en elle-même particulièrement mobilisatrice, le courant gauchiste est capable d’organiser une manifestation comparable par l’ampleur à celle du P.C.F. et de la C.G.T.
Cependant cette manifestation était composée essentiellement d’étudiants et charriait dans ses rangs toute une faune d’éléments déclassés, folkloriques, totalement étrangers au socialisme et à la classe ouvrière et pas seulement socialement.
(...)
LES COURANTS MAOÏSTES
(...)
Là encore, la diversité des groupes maoïstes laisse place à de multiples variantes, et tous n’utilisent pas les mêmes moyens ou le même vocabulaire. Mais, dès lors que l’on n’a pas le souci profond et constant de gagner la confiance et d’élever la conscience de classe des travailleurs, tout devient possible et parfaitement justifiable, du moment que cela semble « efficace ».
Du moment que c’est le « peuple » qui est révolutionnaire, et cela de façon indifférenciée, autant s’appuyer sur toutes les catégories ou franges de ce « peuple » qui, momentanément, semblent plus radicales. Sur les étudiants, sur le lumpenproletariat, sur les éléments déclassés, peu importe. Tous ceux qui sont opprimés ou réprimés à quelque titre que ce soit, sont opposés à ceux qui les oppriment ; on attribue donc à leur opposition une signification révolutionnaire socialiste. Homosexuels et drogués se retrouvent finalement affublés des mêmes vertus révolutionnaires que les travailleurs, plus même, puisque les premiers se révoltent et que les seconds seraient encore apathiques.
La démagogie, la flatterie à l’égard des déclassés, le parti pris de dire et faire toujours ce qui plaît, est une constante, sinon de tous les courants maoïstes, du moins du courant majoritaire des spontanéistes. Avec une telle « politique », il est possible de se trouver des troupes dans le milieu de déclassés qui gravitent autour des gauchistes, mais pas de construire un parti, en tout cas, pas un parti révolutionnaire socialiste.
(...)
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Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Lutte ouvrière n°195 du 23 mai 1972
Rubrique « Courrier des lecteurs »
1er mai : la faune gauchiste et les révolutionnaires
Chers camarades,
Ayant assisté comme sympathisant au défilé du matin du 1er mai, je viens par cette lettre vous apporter quelques critiques que je crois nécessaire de faire (elle s’adresse aussi à la Ligue) mais peut-être verrez-vous là une déformation due à mon origine P.C.F. En effet, votre service d’ordre qui m’avait agréablement surpris aux obsèques de Pierre Overney ne ressortait pas assez ce 1er mai, et si nous pouvons tolérer dans nos manifestations les anarchistes qui ne sont pas des marxistes et les communistes libertaires qui se disent l’être, il est inadmissible que nous puissions être confondus avec les homosexuels et les lesbiennes « révolutionnaires » que nous aurions dû refouler résolument hors du cortège, nous ne ferons pas un parti révolutionnaire puissant avec des désaxés qui n’ont aucun lien avec les ouvriers.
D’autre part, les camarades qui représentaient le Joint Français semblaient beaucoup plus participer à une fête folklorique qu’à un 1er mai de lutte révolutionnaire surtout place Gambetta où ils exhibèrent comme emblème révolutionnaire le drapeau de la vieille Bretagne réactionnaire, je le connais bien, je suis Breton et l’ai vu dans les manifs des nazis bretons pendant la guerre alors que les camarades staliniens ou trotskystes tombaient sous les balles de leurs amis, les hitlériens.
A part cela, je ne peux que vous souhaiter de réussir bientôt, d’abord dans l’unité des groupes trotskystes ensuite dans l’organisation d’un solide parti révolutionnaire.
Amicales salutations.
A.B., Versailles.
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Chers camarades,
Je vous écris au sujet de notre manifestation du 1er mai, qui m’a profondément déçue. Après Overney, après Pennaroya et Girosteel, pendant la grève du Joint Français, je m’attendais à un défilé combatif, un défilé « pour un 1er mai de lutte de classe ». Je n’ai vu qu’une navrante kermesse où les hommes-orchestres de la Ligue côtoyaient joyeusement les travestis du F.H.A.R., le tout couronné par une chanteuse aux idées douteuses, et une musique qui n’a rien à voir avec les traditions du mouvement révolutionnaire. Et vous, camarades de Lutte Ouvrière, vous vous êtes compromis dans une démonstration où les très rares travailleurs présents n’ont sans doute pu que se sentir mal à l’aise. Et le fait même que votre propre cortège se soit lui aussi senti mal à l’aise dans cette manifestation montre en fait que vous avez accepté un compromis en votre défaveur. Pourquoi avoir manifesté avec des groupes qui ont montré leur nature gauchiste d’une façon aussi éclatante ? Pourquoi avoir accepté de transformer la journée internationale des travailleurs en kermesse générale ? Au nom de l’unité ? Doit-on tout sacrifier à l’unité ? Pourquoi être unitaire avec des groupes qui ne se sont pas, consciemment ou non, placés sur le terrain de lutte des travailleurs et qui ont préféré se laisser aller à leurs instincts gauchistes ? Devait-on être unitaire avec des gens qui ont préféré la pop-music à l’Internationale, et l’agitation sexuelle à l’agitation ouvrière ? Vous avez accepté l’unité sur les bases du gauchisme. C’est payer très cher le droit de relever le défi lancé par le P.C.F.
Encore un point qui, s’il est moins important pratiquement, n’en est pas moins significatif du recul effectué par vous face à la poussée gauchiste. Je veux parler de l’un des slogans figurant dans le communiqué commun lu à la tribune à la fin de la manifestation : « Vive le Front Révolutionnaire Indochinois ». Vous avez accepté un slogan purement gauchiste qui va, il me semble, totalement à l’encontre de votre analyse sur la situation actuelle en Indochine. Dommage.
Tout cela peut-être pour ne pas se couper de ces organisations qui, demain peut-être, reviendront sur leur attitude présente, pour adopter une position plus correcte avec nous.
Mais c’est tout de même chèrement payé.
Fraternelles salutations révolutionnaires.
C.R., Paris.
---------------------------
(Réponse de LO)
Nous sommes bien d’accord avec la plupart des critiques qu’adressent nos correspondants au cortège gauchiste du 1er mai à Paris. Nous les avons d’ailleurs faites nous-mêmes publiquement dans ce journal, à l’occasion du 1er mai et auparavant à l’occasion d’autres manifestations gauchistes qui avaient donné lieu à de semblables mascarades.
Le seul problème qui se pose est donc celui de notre participation lorsqu’il existe un risque de les voir se reproduire.
Nous faisons partie du mouvement gauchiste que nous le voulions ou non. Que nous soyons présents ou non, nous serons considérés comme responsables de la tenue de ces manifestations par tout le monde y compris par les travailleurs qui ne viennent pas à ces manifestations mais qui côtoient chaque jour nos militants dans les entreprises où ils travaillent. L’attitude la plus raisonnable est donc non pas d’abandonner le terrain mais de l’occuper pour essayer d’imposer aux cortèges gauchistes, du moins dans une partie de ceux-ci, une tenue dont nous n’ayons pas à avoir honte.
Et bien entendu imposer ne peut pas signifier pour nous exclure à coup de poing ces gens avec qui nous pensons ne rien avoir à faire mais développer une politique telle qu’ils n’aient nulle envie de venir se mêler à nos rangs.
Ceci dit, ces aspects négatifs, même s’ils frappent particulièrement les militants comme c’est normal, restent tout de même mineurs par rapport à l’aspect positif qui est une apparition conséquente du mouvement révolutionnaire dans la rue. L’arbre, même pourri, ne doit pas nous cacher la forêt.
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Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Lutte ouvrière n°228 du 9 janvier 1973
Contre l’hypocrisie morale de la bourgeoisie
Révolution sexuelle ou révolution sociale ?
L’AFFAIRE Carpentier – ce médecin frappé d’une interdiction d’exercer pour avoir rédigé et diffusé un tract intitulé « Apprenons à faire l’amour » – puis celle de Nicole Mercier à Belfort – elle avait commenté un tract du même genre à la demande de ses élèves – ont permis à tout ce que la France compte de réactionnaires et de constipés du bas-ventre de hurler en chœur au scandale.
Cette droite, qui empêche toute libéralisation du statut de l’avortement, qui freine des quatre fers quand elle entend parler d’éducation sexuelle et qui lutte de toutes ses forces contre toute amélioration réelle de la situation de la femme, cette droite a enfin trouvé motifs à partir en guerre pour la défense des « cœurs restés purs et innocents » que « nul n’a le droit de violer », comme écrivait récemment le quotidien l’Est Républicain à propos du « cas » Mercier.
Ces preux chevaliers de la pudibonderie ne craignent décidément pas le ridicule. Eux qui embouchent les trompettes guerrières à propos d’un malheureux tract nous avaient habitués à plus de silence face aux saletés en tous genres dont la société capitaliste gave les « cœurs purs ». Il n’y a qu’à feuilleter un magazine, à prendre une place de cinéma ou se promener dans la rue pour être « violé », agressé par une sexualité tapageuse et commerciale qui s’étale partout.
Les révolutionnaires ne peuvent, bien sûr, qu’être solidaires de tous ceux que révolte cette société où le sexe est tabou côté cour et objet commercialisable côté jardin, et auxquels la réaction bourgeoise voudrait imposer le silence.
Cependant, combattre ceux dont la morale feint d’ignorer le sexe doit-il se faire au nom d’une prétendue « lutte sexuelle » qui ne veut plus connaître que la sexualité, qui prône la recherche du plaisir physique comme fil conducteur de la vie et du comportement de chacun ?
« Jouir sans entraves, vivre sans temps mort, baiser sans carotte », comme le proclame le « sexe-tract » belfortain, est-ce vraiment le but de ceux qui veulent mettre à bas la société capitaliste ? Est-ce vraiment l’idéal de vie auquel doivent aspirer ceux qui veulent construire une société meilleure ?
Que certains groupes gauchistes ou gauchisants, à la suite de l’affaire de Belfort, aient tenu à diffuser ce tract à la porte de lycées, à Paris comme en province, est évidemment logique de la part de ceux qui confondant liberté et défoulement, dressent un piédestal à l’homosexualité, à la drogue ou au sado-masochisme, qualifiés pour la circonstance de « subversifs » et même de « révolutionnaires ».
Car c’est une bien pauvre définition de la liberté qu’il nous faut conquérir, que celle qui voudrait la réduire à la possibilité pour chacun de satisfaire ses instincts ou ses désirs. Car c’est à un bien triste avenir auquel aspirent ceux qui ne critiquent la misère de la société de classe que pour prêcher une sorte de retour à la nature et à la sauvagerie primitive (la manière dont ils imaginent ce retour étant d’ailleurs fortement déterminée par la société actuelle !).
Dans leur lutte contre le vieil ordre bourgeois et pour l’établissement d’une société sans classes, les révolutionnaires ne combattent pas pour la seule partie de l’humanité située au-dessous de la ceinture. Les révolutionnaires luttent pour la victoire du prolétariat qui, seule, permettra d’émanciper l’humanité tout entière des contraintes – sexuelles et autres – et lui permettra de se réaliser pleinement en tant qu’hommes et femmes, en tant qu’êtres humains.
Car, pour nous, socialistes révolutionnaires, l’être humain est un tout qui, certes, englobe la sexualité mais qui ne s’y limite pas et qui la dépasse, comme il dépasse de nombreuses autres fonctions physiologiques, végétatives : boire, manger, dormir… Et c’est justement en cela que l’homme n’est plus un animal dont toute la vie s’épuise dans la recherche de la satisfaction de ses seuls instincts. Parce que l’homme possède un cerveau qui lui confère une place à part dans le règne animal, parce que l’humanité a derrière elle des millénaires de vie sociale, la sexualité de cet animal qui s’appelle l’homme ne met plus seulement en jeu des réactions physiques, mais se trouve indissolublement liée à toute la vie affective, intellectuelle et sociale de chaque individu, de l’espèce humaine tout entière même.
Que les petits et grands bourgeois, dans une société qui pourrit sur pied, se donnent pour but – faute d’en imaginer un autre – la consommation tous azimuts de leur propre corps, la recherche de « sensations nouvelles », n’est certes pas pour nous étonner. Toute société sur le déclin porte les stigmates de sa déchéance dans le corps même de ceux qui composent les classes dirigeantes ; les empires romain et asiatiques agonisant en ont témoigné bien avant la société bourgeoise.
En s’élevant sur les ruines du communisme primitif, il y a quelques milliers d’années, la société divisée en classes enfermait les individus – et les femmes plus particulièrement – dans le cadre de la famille fondée sur le mariage et la répression sexuelle. Les relations d’argent qui pourrissaient les rapports entre les individus n’épargnaient pas les partenaires sexuels et faisaient de la vente de son corps, de la prostitution, une chose normale. Et de même que du mariage naissait la prostitution, de même l’individu dont la société brimait la sexualité eut pour jumeau un individu réduit quasiment à sa seule sexualité.
En attaquant la misère des relations individuelles – sexuelles entre autres – existant dans notre société, mais en le faisant au nom d’une prétendue « révolution sexuelle » qui se suffirait à elle-même, nombre de « gauchistes » et de petits-bourgeois ne se rendent pas compte qu’ils s’emparent d’un bâton au bout duquel se trouve précisément ce contre quoi ils veulent lutter. C’est ce que montre (involontairement) Dernier tango à Paris où un certain Marlon Brando se livre à des ébats amoureux peut-être variés, mais désespérément tristes, aux cris de « à bas la famille, à bas l’armée ». En glissant du terrain de la lutte sociale sur celui d’une « lutte sexuelle » prétendument subversive, finalement, toute une frange de l’extrême-gauche ne fait que promouvoir une subversion vieille comme la société de classes, celle de la classe dominante.
Pierre LAFFITTE.
Byrrh- Messages : 1009
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Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Lutte ouvrière n°459 (juin 1977)
USA
Discrimination contre les homosexuels : le temps de l’intolérance
L’Amérique se vante de laisser à ses citoyens les plus larges libertés de vivre et d’agir selon leur conscience.
Et le fait est qu’aux Etats-Unis, bien plus que dans la plupart des pays dits démocratiques, on peut voir fleurir des communautés religieuses ou philosophiques, vivant quelque peu en marge du reste de la société et bénéficiant cependant de droits très étendus.
C’est pourtant en Floride, dans la ville de Miami, que vient de se dérouler une grotesque manifestation d’intolérance. Par voie de référendum, la population s’est prononcée très largement contre les mesures prises par les autorités locales visant à interdire toute discrimination à l’égard des homosexuels dans l’emploi et le logement.
Qu’on soit adepte de la secte Moon ou Témoin de Jéhovah, qu’on pratique l’exorcisme pour chasser le diable ou qu’on se réclame ouvertement du KKK, voilà qui est parfaitement accepté au nom de la liberté individuelle.
Par contre le simple droit à l’existence, le droit de se loger et de travailler est refusé à des gens qui ne croient peut-être pas à Satan ou au Bon Dieu, ou à quelque autre guignol, mais qui ont le tort de ne pas se conformer aux attitudes morales dominantes.
La pratique du référendum, qui semble pourtant le moyen le plus démocratique de voter une loi, se révèle ici comme la pire des censures. C’est que la démocratie n’est pas seulement une affaire de règles juridiques. Et la société bourgeoise, aux Etats-Unis comme partout ailleurs, est une société aux moeurs barbares, qui suscite tout à fait légalement et propage les pires superstitions qui pratique le racisme, pousse les individus vers le sadisme ou la pornographie la plus vile sans y trouver à redire. Mais par contre, c’est la même société qui sécrète cette barbarie qui prétend au nom de la morale imposer des mesures vexatoires aux homosexuels.
Les homosexuels sont nombreux aux Etats-Unis (d’après une statistique récente, on en compterait 20 millions, soit 10% de la population). Mais sont-ils plus anormaux qu’un certain nombre de gens, qui, confortablement installés dans leur hétérosexualité, ont voté la discrimination.
Cette société n’est pas capable de créer les conditions d’une harmonie dans les rapports entre hommes et femmes. Et le comble est qu’une société qui suscite elle-même l’homosexualité soit incapable de reconnaître aux homosexuels les droits les plus élémentaires.
Hélène DURY.
Une opinion exprimée quasiment dans les mêmes termes presque trente ans plus tard par des anciens de LO :
« Aujourd’hui, nous défendons ouvertement tous les droits démocratiques, dont ceux des homosexuel(le)s. Nous comprenons aussi que l’homosexualité n’est pas d’origine naturelle mais sociale. D’une certaine façon, telle qu’elle s’exprime dans la société d’oppression, elle n’est pas sans lien avec la perversion des rapports entre hommes et femmes, conséquence de l’oppression, rapports auxquels d’ailleurs elle ne peut échapper et que, souvent, elle reproduit, parfois même de façon caricaturale. » (Débat militant N°61 du 18 mars 2005, article de Sophie Candela : « A l’occasion du 8 Mars : retour sur l’analyse marxiste de l’oppression et de l’émancipation des femmes, partie intégrante de l’émancipation de tous les opprimés »).
Byrrh- Messages : 1009
Date d'inscription : 12/09/2012
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Un autre article, datant cette fois-ci des années soixante, et reprenant un élément du discours homophobe traditionnel des staliniens :
Lutte de classe n°58 du 29 janvier 1963
La nuit la plus longue
(...)
Mais les onze années écoulées depuis la fin de la guerre avaient permis à l’extrême-droite allemande de s’unifier et de s’organiser solidement. Le parti nazi s’était considérablement développé depuis le jour de 1920 où Hitler en était devenu le 7ème membre. Officiers subalternes et sous-officiers, démobilisés et incapables de retrouver une place dans la vie civile, étaient venus grossir ses rangs peu à peu, souvent après être passés par l’école de la conspiration militaire quand ce n’était pas par celle de l’assassinat politique. Ils y avaient retrouvé, pêle-mêle, étudiants et petits-bourgeois nationalistes et authentiques membres du « milieu » à la recherche d’une caution politique.
Cette armée hétéroclite avait des cadres qui la représentaient dignement : Goering, ancien capitaine morphinomane ; Roehm, ancien capitaine aussi, mais homosexuel ; Streicher qu’on ne voyait jamais sans un fouet à la main ; Himmler, éleveur de pigeons, devenu tortionnaire ; Hess, qui sombra dans la folie.
Un tel parti ne pouvait mieux choisir en prenant comme héros le souteneur Horst Wessel.
(...)
Byrrh- Messages : 1009
Date d'inscription : 12/09/2012
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Même si je ne connaissais pas tous ces textes (ou les avais oubliés...), je connaissais évidemment les positions générales de LO, mais ce passage d'un courrier de lecteur sur la musique vaut le jus, le pire étant que, par sa réponse, LO semble tout approuver...
Lutte ouvrière (courrier)
les travestis du F.H.A.R., le tout couronné par une chanteuse aux idées douteuses, et une musique qui n’a rien à voir avec les traditions du mouvement révolutionnaire
Qu'entends-tu par "anciens de LO" ? Je ne connais ni Débat militant ni Sophie Candela...Byrrh Une opinion exprimée quasiment dans les mêmes termes presque trente ans plus tard par des anciens de LO :
« Aujourd’hui, nous défendons ouvertement tous les droits démocratiques, dont ceux des homosexuel(le)s. Nous comprenons aussi que l’homosexualité n’est pas d’origine naturelle mais sociale. D’une certaine façon, telle qu’elle s’exprime dans la société d’oppression, elle n’est pas sans lien avec la perversion des rapports entre hommes et femmes, conséquence de l’oppression, rapports auxquels d’ailleurs elle ne peut échapper et que, souvent, elle reproduit, parfois même de façon caricaturale. » (Débat militant N°61 du 18 mars 2005, article de Sophie Candela : « A l’occasion du 8 Mars : retour sur l’analyse marxiste de l’oppression et de l’émancipation des femmes, partie intégrante de l’émancipation de tous les opprimés »).
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Il s'agit du courant d'Yvan Lemaître, ancien dirigeant de LO à Bordeaux, exclu en 1997 avec les autres militants des sections de Rouen et Bordeaux. Il a été le cofondateur du groupe "Voix des travailleurs", qui a été intégré à la LCR en 2000.verié2 a écrit:Qu'entends-tu par "anciens de LO" ? Je ne connais ni Débat militant ni Sophie Candela...
Son courant au sein du NPA publie désormais le bulletin "Débat révolutionnaire".
Byrrh- Messages : 1009
Date d'inscription : 12/09/2012
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Byrrh a écrit:Il s'agit du courant d'Yvan Lemaître, ancien dirigeant de LO à Bordeaux, exclu en 1997 avec les autres militants des sections de Rouen et Bordeaux. Il a été le cofondateur du groupe "Voix des travailleurs", qui a été intégré à la LCR en 2000.verié2 a écrit:Qu'entends-tu par "anciens de LO" ? Je ne connais ni Débat militant ni Sophie Candela...
Son courant au sein du NPA publie désormais le bulletin "Débat révolutionnaire".
Je ne crois pas qu'Yvan Lemaître participe encore à Débat révolutionnaire. Il a rejoint la "majo" depuis quelques années avec d'autres membres de l'ex PF2.
sylvestre- Messages : 4489
Date d'inscription : 22/06/2010
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
OK. Je pensais que tout le courant "Débat révolutionnaire" avait rejoint l'actuelle majorité du NPA.sylvestre a écrit:Byrrh a écrit:Il s'agit du courant d'Yvan Lemaître, ancien dirigeant de LO à Bordeaux, exclu en 1997 avec les autres militants des sections de Rouen et Bordeaux. Il a été le cofondateur du groupe "Voix des travailleurs", qui a été intégré à la LCR en 2000.verié2 a écrit:Qu'entends-tu par "anciens de LO" ? Je ne connais ni Débat militant ni Sophie Candela...
Son courant au sein du NPA publie désormais le bulletin "Débat révolutionnaire".
Je ne crois pas qu'Yvan Lemaître participe encore à Débat révolutionnaire. Il a rejoint la "majo" depuis quelques années avec d'autres membres de l'ex PF2.
Byrrh- Messages : 1009
Date d'inscription : 12/09/2012
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Je viens de lire l'article de Pierre Laffitte. C'est assez intéressant de constater de quelle façon le dénigrement de l'homosexualité et d'une certaine façon de la sexualité humaine en général est lié à une certaine vision de la décadence du capitalisme, d'un système "en putréfaction" etc.
Lutte ouvrière Article de Pierre Laffitte
Que les petits et grands bourgeois, dans une société qui pourrit sur pied, se donnent pour but – faute d’en imaginer un autre – la consommation tous azimuts de leur propre corps, la recherche de « sensations nouvelles », n’est certes pas pour nous étonner. Toute société sur le déclin porte les stigmates de sa déchéance dans le corps même de ceux qui composent les classes dirigeantes ; les empires romain et asiatiques agonisant en ont témoigné bien avant la société bourgeoise.
On y trouve même une référence à "la décadence de l'Empire romain" !(1) Selon certaines théories assez réactionnaires et peu matérialistes, les "moeurs" des Romains et des Grecs seraient à l'origine de la "décadence" de ces civilisations. Laffitte reprend en somme implicitement cette théorie : le capitalisme en putréfaction est proche de sa fin et cette putréfaction engendre diverses perversions et comportements sexuels contre-nature qui vont probablement contribuer à sa chute, et nos petits bourgeois gauchistes se vautrent dans cette putréfaction en faisant l'apologie de ces comportements, en leur prêtant des vertus révolutionnaires.
Si on se réfère à la Grèce antique, cette décadence des moeurs serait à comparer avec la "pureté" des moeurs de cités grecques dites viriles, comme peut-être les Spartiates, dont les vertus militaires sont bien connues. Sauf que l'homosexualité était plus ou moins institutionnalisée dans l'armée de Sparte, si mes souvenirs sont bons...
Cette vision est, non seulement imprégnée d'une idéologie idéaliste profondèment réactionnaire, mais elle procède aussi d'une conception tout à fait fausse du capitalisme, qui aurait connut une période d'ascension, un apogée, puis une période de décadence menant inexorablement à sa chute. Ce qui fait bon marché du développement sans précédent du capitalisme après la seconde guerre mondiale. D'autant que c'est sur la base de ce développement qu'une amélioration non seulement matérielle mais des libertés des meours a pu se développer - du moins dans les grands pays impérialistes.
Le refus d'admettre que le droit de jouir de son corps comme on l'entend fait partie des libertés démocratiques et n'est pas seulement un vice des bourgeois grands et petits relève aussi d'un singulier aveuglement pour une bonne part hérité à la fois du stalinisme et des conceptions judéo-chrétiennes - qui font bon ménage sur ce plan. En revanche, la lutte pour cette liberté démocratique n'a pas davantage par elle-même un caractère révolutionnaire que n'importe quelle autre combat démocratique...
___
1) Il existe d'innombrables théories sur les causes de l'effondrement de l'Empire romain, dont certaines tentatives d'explication marxiste ou du moins matérialistes. Celles sur la "décadence des moeurs" font partie des plus obscurantistes. Aujourd'hui, on ne les entend plus que dans la bouche d'historiens ultra-réactionnaires et d'intégristes religieux, notamment sur Radio Courtoisie...
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Bon, on peut peut-être se calmer sur LO, non ? Le 1er Mai et le FHAR, il faut se remettre dans le contexte. Une extrême gauche qui peine à se faire reconnaître comme composante du mouvement ouvrier face à un stalinisme encore hégémonique et des syndicats hostiles, et des défilés qui se réclament de la révolution dans des tenues qui font passer l'actuelle Gay Pride pour un défilé de majorettes ou de boy scouts, le tout dans une société largement encore coincée ! Il faut voir tout ce qu'on a entendu au moment de la candidature d'Arlette en 74 parce que c'était une femme !
Quand aux citations sorties de leur contexte, elles reflètent une époque et ne seraient pas employées aujourd'hui. Mais je remarque que ces articles "horribles" de LO disent que
et encore
Je n'au aucune chance de convaincre ceux qui mènent le débat ici et ont déjà condamné LO, mais un lecteur honnête comme on dit, reconnaîtra que mettre LO avec ceux qui ont emprisonné, réprimé, torturé ou même moqué les homosexuels est pour le moins abusif
Quand aux citations sorties de leur contexte, elles reflètent une époque et ne seraient pas employées aujourd'hui. Mais je remarque que ces articles "horribles" de LO disent que
nous luttons contre les préjugés qui, dans la société bourgeoise, tendent à faire considérer par un groupe d’hommes tel autre groupe comme inférieur, qui tendent à le mépriser, que ce soit pour des raisons de sexe, de couleur de peau, de religion, de nationalité, de langue… ou d’homosexualité.
et encore
nous ne nous érigeons pas en sourcilleux champions de la morale sexuelle bourgeoise. Les révolutionnaires savent que ces normes sont répressives et oppressantes. Ils sont partie prenante de la lutte contre la répression sexuelle sous toutes ses formes
Je n'au aucune chance de convaincre ceux qui mènent le débat ici et ont déjà condamné LO, mais un lecteur honnête comme on dit, reconnaîtra que mettre LO avec ceux qui ont emprisonné, réprimé, torturé ou même moqué les homosexuels est pour le moins abusif
ottokar- Messages : 196
Date d'inscription : 09/07/2010
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Le problème, c'est que l'auteur de l'article dit ensuite le contraire en défendant implicitement une sorte de morale prolétarienne qui s'opposerait aux dérives engendrées par la décadence du capitalisme, comme hier par la décadence des empires romains et asiatiques (?).Ottokar
" nous ne nous érigeons pas en sourcilleux champions de la morale sexuelle bourgeoise.
"
Personne ici n'a mis LO dans le même sac que ceux qui répriment et torturent les homosexuels ! En revanche, LO les a de fait dénigrés et moqués en les présentant comme des victimes d'une pathologie engendrée par le capitalisme. Si on ajoute l'humour douteux de certains articles cités plus hauts ("graffitis de pissotières"par exemple, référence évidente à des lieux de drague des homosexuels d'alors), nul doute que LO les a moqués assez cruellement.Je n'ai aucune chance de convaincre ceux qui mènent le débat ici et ont déjà condamné LO, mais un lecteur honnête comme on dit, reconnaîtra que mettre LO avec ceux qui ont emprisonné, réprimé, torturé ou même moqué les homosexuels est pour le moins abusif
Ottokar, je crois sincèrement qu'une organisation et ses militants doivent être capables de regarder leur passé en face et non de l'occulter. Tu n'as en effet aucune chance de nous convaincre, non pas que LO a condamné la répression de l'homosexualité, ce qui est vrai, mais que LO n'a pas partagé des préjugés et des théories homophobes à prétentions scientifiques.
Je ne me souviens plus très bien des cortèges du FHAR, mais j'ai eu l'occasion de les voir sur des videos. C'est tout le contraire : ces cortèges sont vraiment très sages à côté de ceux de la Gay Pride. L'opportunité de tordre le baton dans l'autre sens et de provoquer le chaland et le cégétiste se discute bien entendu, c'est une réaction excessive de gens opprimés qui se libèrent.Le 1er Mai et le FHAR, il faut se remettre dans le contexte. Une extrême gauche qui peine à se faire reconnaître comme composante du mouvement ouvrier face à un stalinisme encore hégémonique et des syndicats hostiles, et des défilés qui se réclament de la révolution dans des tenues qui font passer l'actuelle Gay Pride pour un défilé de majorettes ou de boy scouts, le tout dans une société largement encore coincée !
Mais ça ne peut pas justifier les commentaires cités...
Dernière édition par verié2 le Mar 8 Jan - 23:48, édité 1 fois
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Il est assez ironique qu'un militant de LO utilise la pirouette habituelle des vieux staliniens repentis.ottokar a écrit:Quand aux citations sorties de leur contexte, elles reflètent une époque et ne seraient pas employées aujourd'hui.
"Refléter une époque" : c'est donc ça, le principe d'une politique révolutionnaire ? Dans ce cas, s'il s'agissait de "refléter une époque", vous auriez dû y aller carrément, et consacrer vos éditos à vomir sur les "crouillats"...
Pitoyable.
Petite manipulation rhétorique, au passage. Car personne n'a mis LO "avec ceux qui ont emprisonné, réprimé, torturé". Rappeler les torts réels de LO suffit bien assez.ottokar a écrit:un lecteur honnête comme on dit, reconnaîtra que mettre LO avec ceux qui ont emprisonné, réprimé, torturé ou même moqué les homosexuels est pour le moins abusif
Dernière édition par Byrrh le Mar 8 Jan - 22:37, édité 2 fois
Byrrh- Messages : 1009
Date d'inscription : 12/09/2012
Re: Extrême-gauche et LGBT dans les années 70
Moi je me souviens d'un cortège du FHAR, je sais pas si c'était en 72, je pense 73, mais disons qu'à l'époque défiler à poil le 1er Mai ça ne se faisait pas vraiment et ça a surpris pour le moins et ça tranchait sur le cortège syndical et politique. Ils avaient un choix de provoc, on peut le comprendre, mais ça entraîne aussi des réactions négatives.
C'est difficile de voir ça avec des yeux d'aujourd'hui et les préjugés des militants de LO étaient largement partagés à la LCR, j'en avais discuté avec des (très ) anciens.Le genre "faut tolérer,mais on comprend pas bien".
Quand on dit que "ça reflète une époque" ce n'est pas une approbation, les choses ont changé, c'est positif, même s'il y a encore du boulot.Taper sur LO seulement n'est pas très juste, l'OCI était pas mal dans le genre non plus, je sais)pas combien, de fois je me suis fait treiter de "pédale pabliste, qui se fait enculer sans vaseline par les stals" ou autre saloperies de ce genre...
C'est difficile de voir ça avec des yeux d'aujourd'hui et les préjugés des militants de LO étaient largement partagés à la LCR, j'en avais discuté avec des (très ) anciens.Le genre "faut tolérer,mais on comprend pas bien".
Quand on dit que "ça reflète une époque" ce n'est pas une approbation, les choses ont changé, c'est positif, même s'il y a encore du boulot.Taper sur LO seulement n'est pas très juste, l'OCI était pas mal dans le genre non plus, je sais)pas combien, de fois je me suis fait treiter de "pédale pabliste, qui se fait enculer sans vaseline par les stals" ou autre saloperies de ce genre...
yannalan- Messages : 2073
Date d'inscription : 25/06/2010
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