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LO et la nature de l'Etat russe actuel

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Message  Roseau Mar 13 Déc - 14:32

ulm a écrit:
la machine est lancée rien ne semble pouvoir l' arreter.

Des attaques personnelles et des pleurnicheries.
Mais toujours aucune réponse à mes questions, ni à celles de Vérié.
C'est bien la preuve que la Direction de LO vit sur un dogme,
la Russie toujours pas un Etat capitaliste,
que là aussi, plus personne ne partage...
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Message  Eugene Duhring Mar 13 Déc - 23:57

verié2 a écrit:
On peut donc dire que l'Etat change complètement de nature entre 24-28, quand les derniers révolutionnaires en sont expurgés et que le parti "bolchevik" adopte une théorie bourgeoise : la construction du socialisme dans un seul pays. Mais la contre-révolution violente se poursuit dans les années qui suivent avec l'extermination des vieux bolcheviks, la répression de masse, la mise au pas complète de la classe ouvrière dont les conditions de vie se détériorent de façon considérable. Il me semble que Cliff explique très bien tout cela et que sa vision globale des événements est plus juste que celle de Trotsky, qui croyait à une situation d'équilibre très instable entre les classes, alors que le prolétariat était complètement vaincu. (Des dizaines d'années après, avec les expériences de la Chine et d'autres pays où la propriété privée a été abolie sans révolution ouvrière, il est évidemment plus facile de comprendre ces phénomènes que Trotsky vivait "en direct".)

Cet aspect est primordial à comprendre. L'Etat n'a pas non plus été détruit en 1990-91, il n'a pas changé de nature simplement parce que les drapeaux du communisme, usurpés par Staline, ont été abandonnés.
Aujourd'hui, cette question piège de la date se retourne contre LO - qui ne l'utilise plus -, car comment LO pourra-t-elle dater la "transformation" complète de l'Etat russe en Etat bourgeois dans les années à venir ?

Car affirmer que la Russie serait toujours un "Etat ouvrier dégénéré", selon la caractérisation toujours valable de Trotsky selon LO, ça ne signifie pas seulement que certaines spécificités de la Russie d'aujourd'hui s'expliqueraient par la révolution de 1917 (et la contre-révolution stalinienne...), ce qui est évident. Cela signifierait qu'il faudrait toujours défendre la Russie, que celle-ci jouerait toujours un rôle relativement "positif" ou "progressiste", qu'il y aurait toujours un équilibre instable entre prolétariat et bourgeoisie dans ce pays etc, ce qui est manifestement faux.

Une affirmation très contradictoire. Soit le prolétariat est vaincu, dès lors rien n'empêche l'Etat soviétique de se transformer complètement en appareil d'Etat bourgeois et la repression est inutile soit ... la nature de l'appareil d'Etat oscille entre les classes, ne franchit pas le rubicond capitaliste et la représsion reste le seul levier pour etouffer ces contradictions nées des rapports d'Octobre rouge et du socialisme dans un seul pays. Il faut choisir camarade Vérié ! L'atonie de la classe ouvrière russe en apparence n'explique en rien ces rapports de classes, d'autant que cette atonie masquait une réelle lutte contre la bureaucratie stalinienne mais adaptée aux conditions imposées par l'Etat policier comme le "sabotage" quotidien. ça c'est pour les rapports de classes.
Ensuite, il reste à démontrer que le mode de production soviétique permettait l'émergence d'une classe bourgeoisie en soi et pour soi en partant de l'accumulation capitaliste pour parfaire le tableau. Sur ce point, aucune analyse à ce jour ne parvient à contredire sérieusement les analyses de Trotsky.

Eugene Duhring

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Message  Vals Mer 14 Déc - 7:30

Roseau a écrit:
ulm a écrit:
la machine est lancée rien ne semble pouvoir l' arreter.

Des attaques personnelles et des pleurnicheries.
...

Il semble que certains veuillent ici discuter sérieusement...Roseau, ce serait mieux que tu ailles passer quelque temps avec ta collection de timbres ou tes articles de pêche et , sans trop te stigmatiser, que tu laisses s'exprimer des points de vue un peu plus sérieux que tes vieilles radoteries fumeuses....
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Message  verié2 Mer 14 Déc - 10:19


Duhring
Soit le prolétariat est vaincu, dès lors rien n'empêche l'Etat soviétique de se transformer complètement en appareil d'Etat bourgeois et la repression est inutile soit ... la nature de l'appareil d'Etat oscille entre les classes, ne franchit pas le rubicond capitaliste et la représsion reste le seul levier pour etouffer ces contradictions nées des rapports d'Octobre rouge et du socialisme dans un seul pays.

La forme particulière prise par l'Etat en URSS, et encore en Russie aujourd'hui, n'est pas liée à une quelconque crainte du prolétariat, ni seulement aux origines révolutionnaires de l'URSS. Elle est liée à la nécessité pour un Etat semi colonial, où la bourgeoisie nationale est faible, incapable de résister à l'impérialisme, de concentrer tous les moyens de production entre ses mains, tout ou presque le surproduit social, pour procéder à l'accumulation primitive du capital (baptisée "construction du socialisme dans un seul pays") et se doter d'une puissance militaire. L'autre alternative aurait été de laisser la place à une bourgeoisie compradore.

La répression, sans doute la plus féroce de l'histoire, a visé à terroriser la classe ouvrière et la paysannerie pour leur faire accepter des conditions de travail épouvantables afin de procéder à cette accumulation primitive. Le stalinisme a conjugué la puissance répressive d'un Etat centralisé "moderne" et les méthodes d'exploitation du 19ème siècle.

L'idéologie stalinienne convient si bien à ces objectifs qu'elle a été reprise, sous des formes plus ou moins variées dans nombre d'autres Etats.

Au cours de cette phase historique, la bureaucratie étatique a servi de substitut à la bourgeoisie dans de nombreux pays. La crainte du prolétariat n'y est vraiment pour rien ! Le prolétariat était brisé en URSS à la veille de la guerre et, en Chine, il n'a jamais été si peu que ce soit menaçant - il l'est bien davantage aujourd'hui ! 'On peut noter d'ailleurs que la défaite du prolétariat était totale à la veille de la guerre, non seulement en URSS, mais en Allemagne, France, Espagne et divers pays de l'Est où les tentatives révolutionnaires avaient été écrasées. C'est d'ailleurs sans doute ce qui explique l'absence de vague révolutionnaire comparable à celle de 1917-19 à la fin de la guerre de 1939-45. Le caractère contre-révolutionnaire du stalinisme est d'ailleurs un des éléments de cette défaite d'ampleur historique.

D'une façon générale, affirmer que la répression s'expliquerait pas une "oscillation entre les classes" n'est pas juste : le régime nazi était particulièrement répressif et pourtant il n'oscillait pas entre les classes et ne redoutait plus le prolétariat vaincu...
il reste à démontrer que le mode de production soviétique permettait l'émergence d'une classe bourgeoisie en soi et pour soi
La bureaucratie soviétique constituait en tout cas une couche sociale tout à fait consciente de ses intérêts spécifiques en dépit de l'idéologie qu'elle professait ! On peut dire que la théorie du "socialisme dans un seul pays" est l'idéologie de classe de la bureaucratie. Le prolétariat n'a jamais représenté aucune menace pour elle de la fin de la guerre à nos jours. Qu'une partie de cette bureaucratie ait aspiré à devenir une bourgeoisie privée plus autonome, plus assurée de conserver et transmettre ses privilèges est probable, mais les raisons pour lesquelles les forces de répression l'en ont empêchée ne sont pas à mettre sur le compte de la crainte du prolétariat. En maintenant une étatisation et une centralisation du capital, l'Etat central défendait les intérêts historiques du capitalisme en URSS contre les intérêts immédiats d'une partie de la bourgeoisie. Ce qui n'est pas un phénomène original, même s'il a été poussé à un degré inconnu jusqu'alors, du moins avant l'apparition d'autres Etats du même type. De même Poutine, en mettant au pas la bourgeoisie eltsinienne aux aspirations compradores a servi les intérêts généraux du capitalisme en Russie. Et pas par crainte du prolétariat !

Cette analyse, qui prend en compte l'évolution du monde et du capitalisme, la période historique de défaite et d'intégration du mouvement ouvrier, de développement du capitalisme à un rythme très élevé après la seconde guerre mondiale, me semble plus juste que l'analyse trotskyste. Si elle décrit parfaitement les mécanismes de la bureaucratisation et contre-révolution, l'analyse trotskyste, d'une part s'arrête à la veille de la seconde guerre mondiale, d'autre part échoue dans la plupart de ses pronostics. Sa grande erreur a été son appréciation de la propriété étatique, que Trotsky croyait hors de portée d'un Etat bourgeois...

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Message  verié2 Mer 14 Déc - 13:38


Irving (texte repris sur un autre fil)
Si j'ai bien compris l'analyse marxiste de l'Etat en URSS peut se décomposer en 2 lignes distinctes :
- la position état ouvrier
- la position capitaliste d'état

J'aimerais pointer la manière dont ces 2 approches analysent la transformation de la nature de l'Etat en URSS :
- pour la position état ouvrier, il a bien fallu la force pour changer la nature de l'état. En revanche, ce qui me paraît intéressant d'observer, c'est qu'un état ouvrier peut devenir un état ouvrier dégénéré sans qu'un rapport de force frontal entre travailleurs et capitalistes soit engagé. L'état change de nature car une certaine classe s'approprie les moyens de production et d'échange. L'étatisation des moyens de production, qui peut se faire par la réforme, pourrait donc en théorie changer la nature de l'état si je comprends bien.
- pour la position capitaliste d'état, la révolution prolétarienne de 17 est une victoire... volée. Autrement dit, il y a eu un état ouvrier pendant une courte période (qui s'arrête généralement en 21, voire 24) puis la restauration du capitalisme. La restauration du capitalisme se fait par la prise de contrôle par la bureaucratie des organes de contrôle de la production et de la répartition. Il n'y là-aussi pas un usage direct de la force pour que la nature de l'état change mais la prise de contrôle des institutions qui concentre le pouvoir.

Evidemment des rapports de pouvoir traduisent toujours des rapports de force, mais il semble que l'usage de la force n'ait pas été nécessaire, ni pour les uns, ni pour les autres, pour que la nature de l'état se modifie.
Il y a diverses variantes des positions "capitalistes d'Etat", de même qu'il y a des interprétations sensiblement différentes de l'analyse "Etat ouvrier... dégénéré" (tu as oublié "dégénéré").

Le passage de l'Etat ouvrier à l'Etat capitaliste d'Etat a bien évidemment été le résultat d'un changement des rapports de forces. La force de la classe ouvrière résidait dans ses organisations : conseils d'usines, soviets et dans les positions révolutionnaires internationalistes de la direction bolchevik. L'effondrement des organisations ouvrières en raison de la guerre civile, de la pénurie, de la misère, de l'isolement de l'URSS a terriblement affaibli la classe ouvrière et renforcé la bureaucratie qui s'est, de fait, constituée en classe pour soi (ou caste, couche etc, peu importe l'appellation). Le changement de rapports de forces a pesé dans le parti bolchevik et renforcé ses éléments réactionnaires, contre-révolutionnaires staliniens.

Quand au capitalisme, il n'a pas été "restauré", vu qu'il n'a jamais été dépassé, les tâches immédiates de la révolution russe étant essentiellement celles de la révolution bourgeoise - la révolution russe a été une révolution bourgeoise dirigée par le prolétariat. Mais, si on limite le capitalisme à la propriété privée des moyens de production, comme le fait la majorité des trotskistes, le capitalisme n'a donc été "restauré" qu'après 1991...

Quand à "l'usage direct de la force", effectivement il a pas été utilisé comme l'a fait Thiers contre la Commune de Paris, tout simplement parce qu'il n'y avait plus de forces prolétarienne organisées en face de la bureaucratie, ou très faibles. La violence de la contre révolution qui s'est poursuivie n'en est pas moins évidente : extermination des vieux bolcheviks, goulag, travail forcé, carnet de travail, terreur... Cette répression contre-révolutionnaire stalinienne a fait beaucoup plus de victimes que celle de la Commune de Paris par Thiers !

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Message  irving Mer 14 Déc - 13:52

verié2 a écrit:
Il y a diverses variantes des positions "capitalistes d'Etat", de même qu'il y a des interprétations sensiblement différentes de l'analyse "Etat ouvrier... dégénéré" (tu as oublié "dégénéré").
Oui, au temps pour moi, il était clair dans ma tête.

Quand au capitalisme, il n'a pas été "restauré", vu qu'il n'a jamais été dépassé, les tâches immédiates de la révolution russe étant essentiellement celles de la révolution bourgeoise - la révolution russe a été une révolution bourgeoise dirigée par le prolétariat. Mais, si on limite le capitalisme à la propriété privée des moyens de production, comme le fait la majorité des trotskistes, le capitalisme n'a donc été "restauré" qu'après 1991...
Je suis très surpris de lire cela. Je ne savais pas que la révolution russe était considérée comme une révolution bourgeoise dirigée par le prolétariat. D'ailleurs, je ne comprends pas bien ce que cela veut dire concrètement.
Je trouve la position des trotskites "majoritaires" plutôt cohérente. Si l'on définit le capitalisme comme un rapport social d'exploitation, c'est-à-dire une définition marxiste dans un sens il me semble pas du tout restrictif, alors oui, le capitalisme a été aboli en URSS pour la simple raison qu'il n'y avait plus exploitation du sur-travail, que l'étatisation des moyens de production ne permettait plus l'appropriation privée de la plus-value.
En revanche, dire qu'il n'y avait plus d'exploitation ne revient pas à abolir les rapports de domination entre classes et l'aliénation. Je pense qu'il s'agit pour des communistes de la leçon principale de l'expérience soviétique : il ne suffit pas d'abolir le rapport d'exploitation pour permettre une production et une répartition de celle-ci qui permette l'émancipation des individus.

Quand à "l'usage direct de la force", effectivement il a pas été utilisé comme l'a fait Thiers contre la Commune de Paris, tout simplement parce qu'il n'y avait plus de forces prolétarienne organisées en face de la bureaucratie, ou très faibles. La violence de la contre révolution qui s'est poursuivie n'en est pas moins évidente : extermination des vieux bolcheviks, goulag, travail forcé, carnet de travail, terreur... Cette répression contre-révolutionnaire stalinienne a fait beaucoup plus de victimes que celle de la Commune de Paris par Thiers !

Il y a donc eu une révolution bourgeoise et une contre-révolution bureaucrate d'après-toi en URSS d'après toi ? Je trouve cela quelque peu contradictoire.

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Message  verié2 Mer 14 Déc - 14:04


Irving
Il y a donc eu une révolution bourgeoise et une contre-révolution bureaucrate d'après-toi en URSS d'après toi ? Je trouve cela quelque peu contradictoire.
Exprimé de cette façon, évidemment...
La Russie tsariste était un Etat féodal, qui en était au stade de la révolution bourgeoise.
C'est pourquoi d'ailleurs, une partie des sociaux démocrates, les Mencheviks, considéraient qu'il fallait d'abord développer le capitalisme en Russie avant d'envisager de passer au socialisme. Au contraire, Trotsky considérait que le prolétariat devait prendre la tête de cette révolution, la dépasser et utiliser le pouvoir comme tremplin pour favoriser la révolution dans les pays capitalistes développés. (Je résume évidemment...) Cette thèse, dite de la "Révolution permanente" a été, en gros, reprise par Lénine. Les Bolcheviks s'accordaient à considérer que, si elle ne s'étendait pas à l'Europe, la révolution russe était perdue. Mais ils envisageaient une autre forme de défaite : l'écrasement militaire, comme pour la Commune de Paris.

La révolution russe n'a pas été défaite militairement : la contre-révolution est venue de l'intérieur et le prolétariat a perdu le pouvoir. Une fois que le prolétariat a perdu le pouvoir, la révolution russe s'est résumée à une révolution bourgeoise d'un type nouveau, dans la mesure où la bureaucratie d'Etat a joué le rôle de substitut de la bourgeoisie, préfigurant ce qui allait se passer plus tard en Chine.

Trotsky, s'il a parfaitement compris - et combattu, bien qu'avec des hésitations -le processus contre-révolutionnaire stalinien, a considéré que, si le prolétariat avait perdu le pouvoir politique, il conservait en quelque sorte le pouvoir économique, dans la mesure où la bureaucratie n'était pas revenue sur l'étatisation de l'économie. (étatisation d'ailleurs réalisée par Staline et non par Lénine.) A mon sens, Trotsky s'est trompé dans la mesure où, contrairement à la bourgeoisie, le prolétariat n'a aucun pouvoir économique sans pouvoir politique.

Trotsky considérait la bureaucratie stalinienne, non comme une classe, mais comme une couche parasitaire en équilibre entre le prolétariat et la bourgeoisie "comme une bille au sommet d'une pyramide" et qui allait donc tomber d'un instant à l'autre, notamment à l'occasion de la guerre mondiale qu'il prévoyait. En fait, cette bureaucratie a tenu plus de 60 ans et perdure encore d'une certaine façon aujourd'hui... De plus, la bureaucratie n'est pas seulement une couche parasitaire qui détournerait une partie du fruit du travail de la classe ouvrière et de la paysannerie.
C'est une couche qui exploite le prolétariat : elle dispose à son grè de l'utilisation de la plus value, pour l'investir en aciéries, chars d'assaut, produits de luxe, et non en produits de consommation populaire.

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Message  Eugene Duhring Mer 14 Déc - 22:00

verié2 a écrit:
Au cours de cette phase historique, la bureaucratie étatique a servi de substitut à la bourgeoisie dans de nombreux pays. La crainte du prolétariat n'y est vraiment pour rien ! Le prolétariat était brisé en URSS à la veille de la guerre et, en Chine, il n'a jamais été si peu que ce soit menaçant - il l'est bien davantage aujourd'hui ! 'On peut noter d'ailleurs que la défaite du prolétariat était totale à la veille de la guerre, non seulement en URSS, mais en Allemagne, France, Espagne et divers pays de l'Est où les tentatives révolutionnaires avaient été écrasées. C'est d'ailleurs sans doute ce qui explique l'absence de vague révolutionnaire comparable à celle de 1917-19 à la fin de la guerre de 1939-45. Le caractère contre-révolutionnaire du stalinisme est d'ailleurs un des éléments de cette défaite d'ampleur historique.

D'une façon générale, affirmer que la répression s'expliquerait pas une "oscillation entre les classes" n'est pas juste : le régime nazi était particulièrement répressif et pourtant il n'oscillait pas entre les classes et ne redoutait plus le prolétariat vaincu...
il reste à démontrer que le mode de production soviétique permettait l'émergence d'une classe bourgeoisie en soi et pour soi
La bureaucratie soviétique constituait en tout cas une couche sociale tout à fait consciente de ses intérêts spécifiques en dépit de l'idéologie qu'elle professait ! On peut dire que la théorie du "socialisme dans un seul pays" est l'idéologie de classe de la bureaucratie. Le prolétariat n'a jamais représenté aucune menace pour elle de la fin de la guerre à nos jours. Qu'une partie de cette bureaucratie ait aspiré à devenir une bourgeoisie privée plus autonome, plus assurée de conserver et transmettre ses privilèges est probable, mais les raisons pour lesquelles les forces de répression l'en ont empêchée ne sont pas à mettre sur le compte de la crainte du prolétariat. En maintenant une étatisation et une centralisation du capital, l'Etat central défendait les intérêts historiques du capitalisme en URSS contre les intérêts immédiats d'une partie de la bourgeoisie. Ce qui n'est pas un phénomène original, même s'il a été poussé à un degré inconnu jusqu'alors, du moins avant l'apparition d'autres Etats du même type. De même Poutine, en mettant au pas la bourgeoisie eltsinienne aux aspirations compradores a servi les intérêts généraux du capitalisme en Russie. Et pas par crainte du prolétariat !

Cette analyse, qui prend en compte l'évolution du monde et du capitalisme, la période historique de défaite et d'intégration du mouvement ouvrier, de développement du capitalisme à un rythme très élevé après la seconde guerre mondiale, me semble plus juste que l'analyse trotskyste. Si elle décrit parfaitement les mécanismes de la bureaucratisation et contre-révolution, l'analyse trotskyste, d'une part s'arrête à la veille de la seconde guerre mondiale, d'autre part échoue dans la plupart de ses pronostics. Sa grande erreur a été son appréciation de la propriété étatique, que Trotsky croyait hors de portée d'un Etat bourgeois...
Excuse-moi mais je trouve un peu curieux de faire de l'économie marxiste en éludant sa composante principale : la lutte des classes c'est à dire l'antagonisme entre les deux principales classes de la société capitaliste. Ton analyse se teinte nettement l'économisme. Le prolétariat ? Soumis ou discipliné, il s'efface de l'échiquier politique laissant la classe bourgeoise - emergeante en URSS, clopiner avec la petite bourgeoisie dépositaire de l'Etat - ou avec une chose indéfinie comme en URSS et à qui Trotsky prête pour nom : caste bureaucratique. La lutte des classes disparait sans pourtant taire les contradictions qui en découlent. Vraiment curieuse conception de l'économie marxiste.
Ainsi en est-il du passage que j'ai souligné.
Le fascisme c'est la petite-bourgeoisie affamé haineuse qui déboule sur l'arêne politique et prend un temps la direction de l'Etat. Cet Etat est par nature très instable, il oscille en permanence entre les deux classes bien que mandataire par défaut des intérêts de la bourgeoisie. Il ne tient que par la répression d'un prolétariat en apparence soumis mais en apparence seulement. La lutte des classe ne s'efface pas pour autant et prend la plupart du temps des formes qui s'oppose à la bourgeoisie et la petite bourgeoisie, rendant plus instable encore la petite bourgeoisie au pouvoir. Le nazisme n'échappa pas à cette loi du genre.

Eugene Duhring

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Message  verié2 Jeu 15 Déc - 10:26

Bref bilan
Posons la question d'une autre façon. Sur le phénomène lui-même, les faits tels qu'ils sont décrits par Trotsky dans La révolution trahie, je pense que nous sommes tous à peu près d'accord. C'est sur la conceptualisation de ces faits et du régime qui en a résulté que nous divergeons. Il s'agit de choix théoriques et non d'une vérité transcendantale, absolue, qui s'imposerait à tous. Un concept est un outil pour comprendre la réalité et pour agir sur elle.

Voyons donc ce qu'ont donné, d'un côté la théorie trotskiste de L'Etat ouvrier dégénéré et les théories "capitalistes d'Etat".

Il a été souvent reproché aux "Capitalistes d'Etat", comme le font encore certains sympathisants de LO sur ce fil, d'avoir abandonné la perspective de la révolution, voire capitulé devant l'impérialisme américain par hostilité à l'URSS. Cela fut vrai pour quelques militants comme Burnham, mais ce ne l'est pas du tout pour tous ceux qui ont refusé la théorie trotskiste, par exemple, comme je l'ai déjà écrit, tout le courant bordiguiste et le courant de Cliff (SWP britannnique).

En revanche, on peut noter que la théorie trotskiste n'a pas empêché par exemple le courant lambertiste de tomber dans l'anti communisme et de nouer des liens douteux avec FO à l'époque de la guerre froide. Toutefois, d'une façon générale, la théorie trotskiste a eu l'effet inverse : la très grande majorité du courant trotskyste a pratiqué une politique de suivisme vis à vis du stalinisme, au point de pratiquer l'entrée dans les partis staliniens et de considérer les Etat des pays de l'Est, puis la Chine, comme des Etats ouvriers, bien que la classe ouvrière n'ait joué aucun role dans leur genèse. La caractérisation d'"ouvrier" même "dégénéré" pour l'Etat de l'URSS a donc conduit la grande majorité des trotskistes à lui accorder des vertus "progressistes", voire pour certains d'entre eux (Deutsher) à croire que l'URSS allait se démocratiser toute seule au fur et à mesure de son développement économique.

Sur ce plan, Lutte Ouvrière a été une exception mondiale, mais au prix de contradictions insolubles : comment considérer à la fois, comme Trotsky, que l'étatisation complète de l'économie n'est à la portée que d'un Etat ouvrier (il l'a écrit noir sur blanc) et affirmer que la Chine est un Etat bourgeois ?). Et encore, LO n'échappe pas complètement à une sorte d'embellissement douteux du stalinisme. Ainsi, on a pu entendre récemment Nathalie Arthaud déclarer que "le développement de l'URSS avait été globalement positif" (sic), alors que ce développement économique, moins rapide à l'échelle historique que ceux, entre autres, de la Corée, du Japon et même du Brésil ! s'est fait au prix de souffrances terrifiantes pour la population, de la main d'oeuvre esclave du goulag, de la répression sans doute la plus sanglante de l'histoire, et, on le réalise aujourd'hui, de la destruction de l'environnement à une échelle encore plus grande que dans les Etats capitalistes plus développés...

La théorie trotskiste n'a donc pas été d'une grande aide aux organisations qui s'en revendiquent pour maintenir le cap, et il est malvenu de prétendre que son refus mène plus ou moins automatiquement au renoncement à la lutte révolutionnaire et au rejet du marxisme. Cela-dit, il est vrai que certains théoriciens "capitalistes d'Etat", comme Castoriadis, qui voyaient dans la bureaucratie une "nouvelle classe dominante" qui allait dominer le monde, se sont égarés. Mais ils ne sont pas plus représentatifs de l'ensemble des marxistes "capitalistes d'Etat" que les Posadistes ou la LTF ne le sont du mouvement trotskiste "orthodoxe" !

Si nous examinons maintenant l'intérêt de la théorie trotskiste et de la théorie "capitaliste d'Etat" (dans sa version qui considère que la bureaucratie est un substitut à la bourgeoisie nationale dans les pays semi coloniaux), nous constatons que cette dernière permet de comprendre les phénomènes survenus dans de nombreux pays après la seconde guerre mondiale : Chine, Vietnam, Cuba etc, sans devoir renier le marxisme en caractérisant ces Etats comme "ouvriers", même "déformés" ou "mal formés". Car c'est bien renier le marxisme que de considérer que d'autres classes que la classe ouvrier peuvent instaurer des Etats ouvriers !

On peut ajouter que la théorie trotskiste de l'Etat ouvrier dégénéré place aujourd'hui les trotskistes dans des positions intenables :

-LO considère que la Russie de Poutine est toujours un Etat ouvrier et est incapable de nous dire ce qu'il faudrait pour que cet Etat devienne bourgeois et sera de toute évidence dans l'incapacité de dater son changement de nature.

-Les autres trotskistes considèrent que l'Etat a changé de nature en Russie en 1991... sans être détruit.

La théorie du capitalisme d'Etat - ou plus exactement de l'Etat bourgeois sans bourgeoisie, la bureaucratie servant de substitut historique -, si elle n'est pas sans faille sur certains points, reste plus efficace pour comprendre l'apparition de ces monstrueux Etats totalitaires, où l'exploitation de l'homme par l'homme n'a rien à envier à celle du 19ème siècle, mais se prétendant "socialistes" ou "communistes".


Dernière édition par verié2 le Ven 16 Déc - 13:15, édité 1 fois

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Message  Roseau Jeu 15 Déc - 14:53

l'exploitation de l'homme par l'homme n'a rien à envier à celle du 19ème siècle, mais se prétendant "socialistes" ou "communistes".

C'est tellement évident que la culture populaire a toujours protesté contre cette exploitation.
Parmi les nombreuses blagues sur le socialisme que j'ai pu entendre en URSS,
puis ex-URSS, voici celle qui l'exprime le mieux:
- Qu'est-ce que le capitalisme ?
- L'exploitation de l'homme par l'homme.
- Et le socialisme ?
- L'inverse.






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Message  Vals Lun 19 Déc - 17:31

:: Russie 1917-1927 : la révolution prolétarienne isolée



La Russie de 1917, cet immense pays dans lequel, pour la première fois dans l’histoire, la classe ouvrière réussit à s’emparer du pouvoir, était à bien des égards un des plus retardataires d’Europe. Son régime politique, l’absolutisme tsariste, reposait sur des structures sociales médiévales, avec sa noblesse, ses grands propriétaires terriens, écrasant une immense population de paysans pauvres vivant dans des conditions misérables. Le pouvoir autocratique du tsar écrasait, sous le poids d’une bureaucratie d’État omniprésente, non seulement le peuple russe, mais aussi les peuples ukrainien, balte, géorgien, azéri, peuples d’Asie centrale ou de la Sibérie, soumis à une véritable oppression coloniale. Il dominait, aussi, des peuples qui ne font pas partie de l’Union Soviétique, ceux de la Finlande et d’une grande partie de la Pologne.
En octobre 1917, alors que toute l’Europe baignait, depuis trois ans, dans le sang de la Première Guerre mondiale, la classe ouvrière russe put s’emparer du pouvoir, bien qu’elle fût très minoritaire dans ce pays où le développement de l’industrie était récent et limité à quelques îlots, à quelques grandes villes isolées dans un océan paysan arriéré. La classe ouvrière était cependant très concentrée, placée aux portes du pouvoir dans de grands centres politiques comme Petrograd et Moscou, pourvue d’une forte conscience de classe et d’un instinct révolutionnaire dirigé aussi bien contre le vieux régime tsariste que contre la bourgeoisie russe. La bourgeoisie, elle, était d’autant moins révolutionnaire, d’autant plus encline à se ranger du côté du tsarisme qu’elle craignait le prolétariat et le danger qu’il représentait pour elle.
Avec le régime issu de la Révolution d’octobre, pour la première fois dans l’histoire, les exploités en lutte exercèrent directement le pouvoir à travers les soviets auxquels ils élurent librement leurs représentants. Ce n’était certes pas cette démocratie parlementaire bourgeoise qu’on nous présente aujourd’hui comme le degré le plus élevé du développement de l’humanité - ces fameux 51 % des voix qui, en général, servent de prétexte aux privilégiés et à ceux qui tiennent leur puissance de leur richesse pour imposer leurs intérêts aux exploités. La démocratie soviétique était d’une autre nature : c’était une force populaire agissante, c’était la démocratie des seules masses en lutte, s’opposant physiquement aux anciennes classes exploiteuses. C’était aussi un pari sur l’avenir, sur une dynamique de la révolution qui, de la Russie, devait gagner le reste du monde.



La lutte pour l’extension de la révolution.

Dépasser le système capitaliste, construire une société socialiste, n’était pas possible en partant des bases économiques d’un seul pays et à plus forte raison d’un pays arriéré, fut—il immense. Ce n’était possible qu’à partir des forces productives développées par le système capitaliste à l’échelle mondiale, à partir du marché mondial. Les bolcheviks en étaient convaincus. Or, les forces productives mondiales étaient concentrées dans les pays les plus avancés d’Europe occidentale ou d’Amérique du Nord, là où se trouvaient l’industrie la plus développée et les classes ouvrières les plus nombreuses et les plus cultivées et qualifiées. Le socialisme en Allemagne à la veille de 1914 représentait une force considérable.
De cela, les dirigeants de la révolution bolchevique, et avec eux une large fraction de la classe ouvrière russe, étaient très conscients. Pour eux, la Révolution russe n’était que le prélude à d’autres révolutions en Europe centrale, en Allemagne, en Grande—Bretagne, en France.
Mais si la révolution mondiale avait gagné son premier combat en Russie, elle ne gagna pas les suivants : en Europe centrale et en Allemagne, en France, en Grande—Bretagne ou en Italie, l’avant—garde révolutionnaire était loin d’être aussi trempée, aussi préparée que la situation l’aurait exigé. En revanche les partis réformistes étaient suffisamment forts pour faire barrage à la révolution, voire pour exercer les répressions les plus sauvages des tentatives qui eurent lieu.
La Révolution russe resta donc isolée et, en Russie même, le pouvoir qui en était issu fut isolé, lui aussi, de plus en plus.
Le pouvoir des soviets avait été l’expression démocratique des masses en lutte. C’est dans le cours même de sa lutte que la classe ouvrière russe avait appris à juger de la valeur et des programmes des différents partis qui parlaient en son nom. C’est par son expérience qu’elle s’était convaincue que le seul parti défendant jusqu’au bout ses intérêts était le Parti bolchevique. C’est elle qui avait tranché entre les différentes politiques en présence et porté à sa tête le Parti bolchevique.



La révolution isolée.


Mais deux années de guerre civile effroyable suivirent, un an à peine après la révolution, dès que, la paix revenue entre les impérialistes en guerre, ceux—ci purent se dresser contre la Révolution russe et soutenir cette guerre civile. La classe ouvrière russe en sortit épuisée politiquement et même physiquement. L’énergie des masses, leur participation aux soviets, leur contrôle et leur soutien démocratique au pouvoir, les soviets eux—mêmes, tout cela se réduisit comme peau de chagrin. Ce rapport démocratique entre les masses en lutte et le pouvoir soviétique, qui avait permis la Révolution d’octobre 1917, ne fut bientôt plus qu’un souvenir. Et, en 1920 ou 1921 par exemple, si des élections libres avaient été organisées, non seulement dans toutes les classes de la société y compris la petite bourgeoisie des villes et des campagnes, mais même au sein de la seule classe ouvrière, une majorité aurait sans doute rejeté le Parti bolchevique ; une majorité écrasante dans le premier cas, relative dans le second.
Mais il ne pouvait être alors question pour les bolcheviks d’abandonner le pouvoir. Cela aurait été abandonner le terrain à la bourgeoisie sans avoir mené le combat jusqu’au bout. Cela aurait été livrer le prolétariat russe, et tous ceux qui s’étaient battus avec lui, à une terrible répression. Cela aurait été signer, devant le prolétariat russe et mondial, un terrible constat de défaite. Les bolcheviks comptaient sur la prochaine vague révolutionnaire en Europe et dans le monde et se servaient du pouvoir qu’ils avaient conquis pour la préparer activement. En attendant, il fallait tenir, et se passer d’élections libres, même limitées aux soviets.
Car dans l’immédiat, au début des années 1920, leur pouvoir restait comme suspendu en l’air, dans un pays où montaient irrésistiblement les forces hostiles. Conscient de cette situation, Lénine se prononça explicitement pour une concession aux forces bourgeoises, la Nouvelle Politique Economique, la NEP. Il pensait que dans, l’immédiat, il fallait cela pour que la petite bourgeoisie des villes et des campagnes et le capital étranger relancent l’économie anéantie par la guerre et la guerre civile et que c’était le prix à payer pour conserver le pouvoir.

Les bolcheviks furent submergés quand même par ce flot réactionnaire, mais ce ne fut pas de la façon prévue.


Tenir à tout prix.


Avec le reflux de la révolution, l’épuisement de la classe ouvrière, le recul de sa conscience, la démocratie soviétique n’existait plus. La seule garantie du maintien de l’orientation révolutionnaire se trouvait dans la direction politique, c’est—à—dire dans le Parti bolchevique. C’est dans le maintien de cette avant—garde, de ce parti et d’abord de sa direction, que résidait le seul espoir que, dès que la situation et le rapport de forces se révéleraient plus favorables, l’offensive révolutionnaire pourrait reprendre. Mais cet espoir ne se réalisa pas, et cela fut visible dès que le Parti bolchevique eut à subir une crise de direction, ouverte par la mort de Lénine.
Cette crise de succession dura en fait plusieurs années, comme d’ailleurs toutes celles qu’a connues l’URSS par la suite. Après la mort de Lénine en janvier 1924, il fallut plusieurs années de luttes de fractions pour que Staline puisse s’installer à la tête du pays.


Il en est qui rediscutent aujourd’hui s’il n’y avait pas, de la part du Parti bolchevique, « des lacunes de la théorie » , « de la confusion de la classe, du parti et de l’État, et les rapports qui en résultent entre parti et les mouvements sociaux » .
Comme si le combat du Parti bolchevique pour conquérir puis garder le pouvoir, entre 1917 et 1924, avait été un combat théorique ; comme s’il avait été mené en fonction de considérations littéraires sur ce que devait être ou pas la démocratie sous le régime prolétarien - et non une lutte acharnée au jour le jour, pas à pas.
Il est donc dérisoire et stupide de discuter de théorie à ce propos si on se veut communiste et militant. Car ce que l’on discute, qu’on le veuille ou non, se pose dans les termes suivants : les bolcheviks devaient-ils renoncer au pouvoir en 1921 et accepter les conséquences de ce retrait pour eux-mêmes et pour la classe ouvrière soviétique ?



Avec le recul du temps, certains peuvent dire que le stalinisme a représenté pire que ce que ce renoncement aurait pu être. Mais seuls des petits bourgeois incurables peuvent se poser, directement ou sous couvert de discussions théoriques, cette question. Pas des militants révolutionnaires ! Car les choix qu’ont faits les dirigeants bolcheviques, ils les ont faits dans les conditions de l’époque, en ignorant ce que nous savons. Mais ils avaient le souvenir des effroyables massacres qui avaient suivi la défaite de la Commune de Paris et le recul qu’elle entraîna. Et surtout, ils se battaient en misant sur la révolution mondiale à venir, et pas en devisant dans un salon sur les inconvénients de sa défaite.
La lutte pour la direction du parti se confondait, de fait, à ce moment—là, avec la lutte pour la direction de l’appareil d’État et finalement de l’URSS elle—même. Justement parce qu’il se savait entouré de forces hostiles, le Parti bolchevique avait fini par accaparer l’essentiel des fonctions de direction de l’État.
Les autres partis avaient été interdits, non pas par conviction théorique, sûrement pas, mais par les nécessités d’une lutte impitoyable. Puis, pour ne pas permettre aux forces sociales hostiles au prolétariat de se cristalliser à la faveur des luttes de fractions au sein du Parti bolchevique lui—même, les fractions elles—mêmes furent interdites. D’un commun accord, les dirigeants du parti avaient même accepté de ne pas faire arbitrer leurs désaccords à l’extérieur du parti, de peur de faire le jeu de forces sociales ennemies de la révolution, et que le pouvoir soviétique soit balayé. Mais du coup, c’est à l’intérieur même du parti, et même de sa direction, que se réfractèrent les conflits d’intérêts sociaux qui couvaient dans le pays.


La montée de la bureaucratie.

Après Lénine, trois dirigeants : Staline, secrétaire du parti et comme tel contrôlant l’appareil de celui—ci, Kamenev et Zinoviev, respectivement dirigeants du parti à Moscou et à Léningrad, d’accord pour écarter Trotsky, constituèrent une « troïka » qui prenait en fait les décisions clandestinement, en dehors des organismes réguliers, et les faisait enregistrer ensuite.
Dans cette lutte au sommet, Staline s’appuyait sur l’appareil du parti.
En quelques années de pouvoir, l’État soviétique s’était rempli de carriéristes, de bureaucrates à la mentalité conservatrice, attachés à leur poste et aux quelques privilèges qu’il leur procurait, d’autant plus qu’à la première génération de bureaucrates, issus encore du mouvement ouvrier révolutionnaire, succéda bien vite une autre, attirée par l’odeur de la soupe, ex—mencheviks ou ex—socialistes révolutionnaires, souvent ennemis ouverts de la révolution en 1917.
Pour ces gens—là, la poursuite ou la reprise éventuelle de la révolution, ou son exportation, était perçue comme une menace pour la petite sécurité matérielle qu’ils avaient réussi à conquérir dans la dure société soviétique de l’après—guerre civile.
Le pire est que ce type d’hommes ne peuplait pas seulement les différents échelons de l’appareil d’État. Le Parti bolchevique étant le seul parti au pouvoir, ils étaient tout prêts à se dire bolcheviques, communistes, pour pouvoir en être membres et progresser plus rapidement dans leur carrière. Au point de devenir rapidement plus nombreux, au sein de cet ex—parti révolutionnaire, que les révolutionnaires véritables.
Staline visait avant tout le pouvoir. Cherchant à s’attacher des fidélités aux différents niveaux de l’appareil, il les trouva tout naturellement auprès de ce type de bureaucrates, pas plus scrupuleux que lui et avec lesquels il se comprenait facilement. Ces gens—là étaient disposés à le soutenir pourvu que Staline leur renvoie, comme on dit, l’ascenseur et pense à eux lorsqu’il était question de distribuer les postes et les menus ou gros avantages allant avec. Mais c’est justement par cette façon d’agir, par cette absence totale de scrupules et même de principe politique, qu’un homme comme Staline devenait l’expression de forces qui le dépassaient. Il devenait l’expression politique de la fraction la plus conservatrice de l’appareil du parti et en fait, au—delà, l’expression de toute une couche sociale qui était en plein développement dans le pays : la bureaucratie qui dirigeait l’État et l’économie, elle—même souvent liée à la petite bourgeoisie des villes et des campagnes en pleine renaissance depuis la NEP.
En effet, au—delà du parti lui—même, la fraction stalinienne trouva un appui dans la société. En 1925, on vit un dirigeant révolutionnaire comme Boukharine, allié de Staline, trouver habile de lancer aux koulaks, aux paysans riches, le slogan« Enrichissez—vous » ! Et les staliniens commencèrent à faire circuler le bruit que Trotsky, lui, avait toujours négligé la paysannerie.

Le combat politique de Trotsky donna naissance alors, au sein du Parti bolchevique, à une Opposition de gauche. Kamenev et Zinoviev qui, malgré leurs faiblesses, étaient tout de même d’abord des révolutionnaires, s’y rallièrent lorsqu’ils eurent eux—mêmes pris conscience du danger que représentait Staline, et pour la révolution, et pour eux—mêmes.
L’Opposition dénonça la bureaucratisation de l’État soviétique et la complaisance des staliniens à l’égard de toutes les forces sociales ennemies de la révolution.
En 1927, l’Opposition de gauche fut vaincue. Staline affermit son pouvoir jusqu’à en faire une dictature sanglante, éliminant même ceux qui avaient été ses alliés les plus proches. Trotsky fut assigné à résidence, puis expulsé d’URSS, et les opposants de gauche furent exterminés. La victoire de Staline signa la fin du Parti bolchevique en tant que parti révolutionnaire prolétarien. Il devint le parti de la nouvelle couche dirigeante, la bureaucratie, avec laquelle il s’identifiait.
Ce fut là qu’une période s’acheva.



[source CLT 1991]
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Message  gérard menvussa Lun 19 Déc - 20:04

n revanche, on peut noter que la théorie trotskiste n'a pas empêché par exemple le courant lambertiste de tomber dans l'anti communisme et de nouer des liens douteux avec FO à l'époque de la guerre froide. Toutefois, d'une façon générale, la théorie trotskiste a eu l'effet inverse : la très grande majorité du courant trotskyste a pratiqué une politique de suivisme vis à vis du stalinisme, au point de pratiquer l'entrée dans les partis staliniens et de considérer les Etat des pays de l'Est, puis la Chine, comme des Etats ouvriers, bien que la classe ouvrière n'ait joué aucun role dans leur genèse. La caractérisation d'"ouvrier" même "dégénéré" pour l'Etat de l'URSS a donc conduit la grande majorité des trotskistes à lui accorder des vertus "progressistes", voire pour certains d'entre eux (Deutsher) à croire que l'URSS allait se démocratiser toute seule au fur et à mesure de son développement économique.
On peut dire aussi que la théorie trotskyste n'a pas empéché certains (qui étaient loin d'être totalement marginaux au plan international) de croire aux ovnis. Ce qui prouve que la théorie trotskyste n'est pas une garantie absolue contre la folie. Ni la connerie, on en a des témoignages édifiants sur ce forum... (ainsi d'ailleurs que la preuve que ce n'est pas du tout une spécificité du "trotskysme") Maintenant, prendre la catégorie "capitalisme d'état" apporte aussi peu de différenciations (entre l'urss de l'aprés guère qui n'est plus un état ouvrier, fusse t il bureaucratiquement dégénéré, la chine, les pays du glacis, cuba, la yougoslavie, etc) La "position" la plus solide, "idéologiquement parlant", c'est celle de LO (qui considére différemment l'urss et la chine par exemple) Et de toute façon, ta position me semble inconsistante quand elle considére de la même façon les pays du glacis, ou le changement de régime s'est fait uniquement via la pression militaire de l'armée rouge et la chine, ou il y a eu une véritable révolution, qui a mis en branle d'immenses forces sociales, etc ! Et la position "pabliste" qui essayeit (difficilement) de distinguer dans toutes ces positions inédites (que j'avait de toute façon pas prévu le vieux, qui s'était totalement planté dans ses pronostics) mérite aussi attention

Mais de toute façon, et on le voit bien dans les échanges, la question de la russe "état ouvrier bureaucratiquement dégénéré" n'est pas pour lo une question "théorique" redebable d'une analyse "scientifique" (ie en partant des faits, et autant objective que possible) c'est d'abord et avant tout une question identitaire. Tu le sais aussi bien que moi pour en avoir discuté des milliards de fois, le "trotskysme" de LO est particuliérement pauvre idéologiquement en terme d'élaboration théorique. Cela ne sert que de "drapeau"
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Message  Babel Lun 19 Déc - 22:11

Je suis de l'avis de Vérié sur cette question. Et il m'est avis qu'au lieu de se focaliser sur la seule analyse de LO, on devrait plutôt considérer celle du courant trotskyste en général, à propos de ces fameux "états ouvriers bureaucratiquement dégénérés", pour déplorer un certain appauvrissement théorique dans ce domaine. Même s'il est vrai que toute analyse à chaud d'un phénomène historique inédit, comme ce fut le cas avec la formation après 45 des démocraties populaires, est toujours malaisée, il y a un moment où on doit se rendre à l'évidence. Et reconnaître qu'une position, valable à un moment donné, n'est simplement plus du tout tenable.

C'est pourquoi il me semble que les "héritiers de l'opposition de gauche" auraient dû réévaluer les pronostics du Vieux dès la fin de la guerre. Cela aurait peut-être empêché certains d'entre eux de se fourvoyer par la suite dans une série de soutiens, pas si critiques que ça, avec des régimes qui se sont avérés, une fois en place, foncièrement réactionnaires.

Et, sans en faire un argument imparable, je trouve la position défendue par Natalia Sedova, au moment de sa rupture en 51 avec le CE de la IV, d'une réelle pertinence. Précisément dans la mesure où elle parvient à saisir et à formuler clairement les enjeux soulevés par cette question. Il est regrettable qu'à l'époque on (= le CEI) n'ait pas voulu davantage l'entendre.

Mais, après tout, à quoi bon chercher à rejouer le film à l'envers, maintenant que tout est dans la boîte ?

Bien plus intéressantes et autrement plus vitales sont les questions liées à la nature actuelle du régime poutinien. Se les poser revient alors à se demander quelle est, parmi les positions partagées par tel ou tel courant, celle qui permet le mieux d'armer une opposition communiste à la caste/classe "nomenklaturo-capitaliste" (appelez-la comme vous voulez) qui règne actuellement à Moscou, depuis environ deux décennies.

Parce que le reste, franchement, hein ?, formulé dans les termes où le débat est habituellement posé, ça repose juste sur une appréciation de l'état d'avancée du processus. C'est-à-dire à se poser l'épineuse question du seuil qualificatif : aurait-il ou non été franchi, et depuis quand ? Chose qui, en soi, relève le plus souvent de la plus hasardeuse des spéculations.

A moins que ce genre de préoccupation serve avant tout à satisfaire les lubies d'aucuns, qui voient dans telle ou telle position théorique la preuve incontestable, qui d'un processus avancé de sclérose en plaque, qui d'une décomposition petite-bourgeoise parvenue à un point de non retour... Chose qui, au fond, peut également se défendre : les plaisirs sont rares, on prend ceux qu'on peut.



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Message  Roseau Lun 19 Déc - 23:56

Babel a écrit:
Bien plus intéressantes et autrement plus vitales sont les questions liées à la nature actuelle du régime poutinien. Se les poser revient alors à se demander quelle est, parmi les positions partagées par tel ou tel courant, celle qui permet le mieux d'armer une opposition communiste à la caste/classe "nomenklaturo-capitaliste" (appelez-la comme vous voulez) qui règne actuellement à Moscou, depuis environ deux décennies.
Tout a fait d'accord. C'est la priorité urgente qui doit rassembler le mouvement ouvrier: appuyer les luttes intenses en cours et à venir contre la dictature et l'exploitation en Russie, et autres pays de l'ex-URSS.
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Message  verié2 Mar 20 Déc - 12:18


Babel
Bien plus intéressantes et autrement plus vitales sont les questions liées à la nature actuelle du régime poutinien.

Je ne crois pas qu'on puisse opposer cette préoccupation à celle qui concerne l'évolution et la chute de l'URSS. La révolution russe reste aujourd'hui la plus grande leçon d'histoire du mouvement ouvrier. Les problèmes qui se sont posés à l'époque se poseront sans doute dans l'avenir, bien que de façons sans doute différentes, même s'ils ne sont pas vraiment à l'ordre du jour immédiat.

Lutte Ouvrière
Il est donc dérisoire et stupide de discuter de théorie à ce propos si on se veut communiste et militant. Car ce que l’on discute, qu’on le veuille ou non, se pose dans les termes suivants : les bolcheviks devaient-ils renoncer au pouvoir en 1921 et accepter les conséquences de ce retrait pour eux-mêmes et pour la classe ouvrière soviétique ?
Que les bolcheviks n'aient pas eu d'autre choix que de tenir à tout prix, dans l'espoir d'une extension au moins européenne de la révolution, est une chose. Qu'il ne faille pas aujourd'hui essayer d'analyser cette situation en est une autre !

Il ne s'agit pas de réécrire l'histoire et de dire ce qu'il aurait fallu faire à la place de Lénine et Trotsky... avec les connaissances dont nous disposons aujourd'hui. Ca n'a pas de sens. C'est un peu comme si on proposait une autre tactique à Hannibal quand il a perdu les trois quarts (ou plus ?) de ses éléphants dans le passage des Alpes.

En revanche, il est permis de constater que les bolcheviks et Trotsky n'ont pas clairement compris ce qui leur tombait dessus, en raison des formes inattendues de la contre-révolution stalinienne. Cette incompréhension, qui a conduit Trotsky et ceux qui se revendiquaient de lui plus tard à qualifier l'URSS d'Etat ouvrier dégénéré, a tout de même gravement handicapé les positions politiques du courant trotskyste et facilité l'escroquerie planétaire des staliniens...

verié2

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Message  Eugene Duhring Mar 20 Déc - 14:00

verié2 a écrit:
En revanche, il est permis de constater que les bolcheviks et Trotsky n'ont pas clairement compris ce qui leur tombait dessus, en raison des formes inattendues de la contre-révolution stalinienne. Cette incompréhension, qui a conduit Trotsky et ceux qui se revendiquaient de lui plus tard à qualifier l'URSS d'Etat ouvrier dégénéré, a tout de même gravement handicapé les positions politiques du courant trotskyste et facilité l'escroquerie planétaire des staliniens...
Trotsky par compris clairement ce qui leur tombait dessus ??? Il connaissait parfaitement la société russe et la société capitaliste qui cernait l'URSS. Il connaissait parfaitement et personnellement la plupart des hauts bureaucrates soviétiques. La contre-révolution stalinienne, il a commencé à la combattre dès le début en prédisant les formes qu'elle allait prendre sans naturellement prévoir l'extermination des vieux bolchéviks encore fidèle à la révolution d'octobre. Malgré tout, cette extermination eut lieu de son vivant, il y en eut peu après. Compte-tenu de tous ces éléments, je vois mal comment il eut pu mal comprendre.
La caractérisation d'Etat ouvrier dégénéré fait par Trotsky à propos de l'URSS heurte le sens petit-bourgeois du fait de son extrème-violence. Eut-il été un peu moins violent, aucun "trotskyste" ou "communiste" n'aurait rien eu à rajouter à l'appréciation fait par Trotsky.

Eugene Duhring

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Message  verié2 Mar 20 Déc - 15:47


Eugene Duhring
Compte-tenu de tous ces éléments, je vois mal comment il eut pu mal comprendre.
D'une part Trotsky a reconnu lui-même qu'il s'était trompé et que Thermidor (la contre-révolution) était derrière lui, et non devant lui. Donc, sur le coup, il n'a pas compris les événements qu'il vivait, même s'il connaissait, comme tu le rappelles, parfaitement la société russe... D'autre part, Trotsky, dans sa lutte contre la montée du stalinisme a pas mal hésité, notamment en tentant diverses alliances : Broué le montre très bien dans divers ouvrages. Trotsky a défini pendant assez longtemps le clan stalinien comme un centrisme oscillant entre la droite et la gauche, avant de réaliser que la violence de la bureaucratie contre la paysannerie n'était pas un coup de barre "gauchiste" mais relevait d'une lutte pour s'accaparer le surproduit social. Enfin, Trotsky a nourri beaucoup d'illusions sur l'influence de ses partisans en URSS, alors que ceux-ci étaient totalement laminés...
La caractérisation d'Etat ouvrier dégénéré fait par Trotsky à propos de l'URSS heurte le sens petit-bourgeois du fait de son extrème-violence.
Argument polémique classique qui n'a guère d'intérêt, d'autant qu'il vise davantage à déconsidérer les contradicteurs marxistes qu'à répondre à leurs arguments.

verié2

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Message  Vals Mar 20 Déc - 16:49

Eugene Duhring a écrit:
verié2 a écrit:
En revanche, il est permis de constater que les bolcheviks et Trotsky n'ont pas clairement compris ce qui leur tombait dessus, en raison des formes inattendues de la contre-révolution stalinienne. Cette incompréhension, qui a conduit Trotsky et ceux qui se revendiquaient de lui plus tard à qualifier l'URSS d'Etat ouvrier dégénéré, a tout de même gravement handicapé les positions politiques du courant trotskyste et facilité l'escroquerie planétaire des staliniens...
Trotsky par compris clairement ce qui leur tombait dessus ??? Il connaissait parfaitement la société russe et la société capitaliste qui cernait l'URSS. Il connaissait parfaitement et personnellement la plupart des hauts bureaucrates soviétiques. La contre-révolution stalinienne, il a commencé à la combattre dès le début en prédisant les formes qu'elle allait prendre sans naturellement prévoir l'extermination des vieux bolchéviks encore fidèle à la révolution d'octobre. Malgré tout, cette extermination eut lieu de son vivant, il y en eut peu après. Compte-tenu de tous ces éléments, je vois mal comment il eut pu mal comprendre.
La caractérisation d'Etat ouvrier dégénéré fait par Trotsky à propos de l'URSS heurte le sens petit-bourgeois du fait de son extrème-violence. Eut-il été un peu moins violent, aucun "trotskyste" ou "communiste" n'aurait rien eu à rajouter à l'appréciation fait par Trotsky.

Complètement d'accord....et les trotskistes ont du (et doivent) supporter les attaques de diverses tendances petites bourgeoises qui n'ont jamais supporté l'idée de défense inconditionnelle de l'état ouvrier ....cet état ouvrier étant investi par la pègre bureaucratique qui a régné par la terreur et le crime, les moralistes avaient besoin de justifier, d'une manière ou d'une autre, leur refus de cette défense : de tels salauds contre-révolutionnaires ne pouvaient pas être le produit de la décomposition progressive d'un état ouvrier.....
Les diverses theories "capitalistes d'état", leninistes et anti-leninistes confondues , étaient bien commode pour ne pas heurter la sensibilité "humaniste" des milieux à convaincre...
Renvoyer l'URSS et l'impérialisme dos à dos en a emmené plus d'un dans le camp impérialiste, sous des formes démocratiques bourgeoises, réformistes radicales, ou crypto libertaires .......avec abandon progressif de l'idée d'un parti bolchevique, du centralisme démocratique, de la dictature du prolétariat ....et le plus souvent une "relativisation" du rôle historique du prolétariat lui même au profit d'autres couches sociales : paysannerie, petite bourgeoisie nationaliste, "avant-garde" guerilleriste etc.....Guevarisme, maoîsme, tiers-mondisme, ecologisme ....

Aujourd'hui encore, c'est plus facile de se référer au romantisme guevariste, aux anars et libertaires, aux tiers-mondistes humanistes qu'au dirigeant bolcheviques d'octobre qui ont assumé la réalité d'une révolution ouvrière, d'une guerre civile effroyable ....et ont perdu la partie contre la réaction stalinienne....
Moralisme petit-bourgeois quand tu nous tiens....
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Message  verié2 Mar 20 Déc - 17:03


Vals
Moralisme petit-bourgeois quand tu nous tiens....
Encore une fois, Vals, tu reprends toute la litanie des accusations contre ceux qui n'acceptèrent pas l'analyse de Trotsky. Je me suis efforcé de répondre méthodiquement à ces attaques tout à fait injustes.
-Les analyses capitalistes d'Etat, dans leurs diverses variantes, ne relèvent pas du moralisme et la plupart (Clif, Bordiga) revendiquent la violence de classe exercée par les bolcheviks.
-Les capitalistes d'Etat qui ont capitulé devant l'impérialisme et renoncé au marxisme ne sont qu'une toute petite minorité. Et certainement pas plus nombreux, toutes proportions gardées, que les trotskystes.
Tu devrais cesser de te raccrocher à des "arguments" qui ne visent qu'à déconsidérer les contradicteurs.

Vals
Aujourd'hui encore, c'est plus facile de se référer au romantisme guevariste, aux anars et libertaires, aux tiers-mondistes humanistes qu'au dirigeant bolcheviques d'octobre
Ca ne me semble pas évident du tout : les jeunes militants d'extrême-gauche qui se revendiquent de la révolution russe sont nettement plus nombreux que les jeunes anars (je parle des militants, pas des individualistes qui se proclament anars) ou les jeunes d'Attac... Je ne sais pas si tu t'es adressé à des jeunes récemment, mais Guévara ne les fait pas plus rêver que Lénine. Pour eux, c'est la guerre de 14 ! Very Happy

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Message  Eugene Duhring Mar 20 Déc - 22:31

verié2 a écrit:

Eugene Duhring
Compte-tenu de tous ces éléments, je vois mal comment il eut pu mal comprendre.
D'une part Trotsky a reconnu lui-même qu'il s'était trompé et que Thermidor (la contre-révolution) était derrière lui, et non devant lui. Donc, sur le coup, il n'a pas compris les événements qu'il vivait, même s'il connaissait, comme tu le rappelles, parfaitement la société russe... D'autre part, Trotsky, dans sa lutte contre la montée du stalinisme a pas mal hésité, notamment en tentant diverses alliances : Broué le montre très bien dans divers ouvrages. Trotsky a défini pendant assez longtemps le clan stalinien comme un centrisme oscillant entre la droite et la gauche, avant de réaliser que la violence de la bureaucratie contre la paysannerie n'était pas un coup de barre "gauchiste" mais relevait d'une lutte pour s'accaparer le surproduit social. Enfin, Trotsky a nourri beaucoup d'illusions sur l'influence de ses partisans en URSS, alors que ceux-ci étaient totalement laminés...
La caractérisation d'Etat ouvrier dégénéré fait par Trotsky à propos de l'URSS heurte le sens petit-bourgeois du fait de son extrème-violence.
Argument polémique classique qui n'a guère d'intérêt, d'autant qu'il vise davantage à déconsidérer les contradicteurs marxistes qu'à répondre à leurs arguments.
Ce n'est pas un argument polémique mais la réalité de nombre de militants ayant quitté la IV lors de sa construction devant l'ampleur des crimes de Staline et de sa clique et cela dès sa proclamation, je parle de la période post 1933. Pour ces militants, la morale prenait le pas sur l'analyse de classes, sur l'analyse marxiste de la société soviétique. Ils ne pouvaient concevoir une quelconque défense d'un tel Etat policier fût-il ouvrier bureaucratique ou ouvrier dégénéré. En conséquence, cet Etat ne devait pas être bureaucratique ou ouvrier dégénéré. L'analyse de ce Etat policier, stalinien devait donc se conformer à la morale. C'était prendre l'analyse par le mauvais bout ... celui de la morale ; morale petite-bourgeoise qui continue à tapisser le fond de la pensée de beaucoup de militants de nos jours. Un seul exemple : la Lybie !
Ce n'était donc pas une attaque personnelle mais une généralité !

Eugene Duhring

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Message  verié2 Mer 21 Déc - 9:14


Duhring
Un seul exemple : la Lybie !
Qu'est-ce que la Libye vient faire dans cette discussion ?

verié2

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Message  Eugene Duhring Mer 21 Déc - 10:50

verié2 a écrit:

Duhring
Un seul exemple : la Lybie !
Qu'est-ce que la Libye vient faire dans cette discussion ?
Au nom d'une certaine morale humanitaire, des militants communistes en viennent finalement à approuver l'intervention impérialiste en Lybie souvent de manière tacite d'ailleurs. Pour l'URSS stalinienne, la même morale imposait de décrire ce régime non pas comme un Etat ouvrier dégénéré arc-bouté sur les acquis de la révolution d'Octobre mais comme un capitalisme d'Etat qu'il aurait été vain de défendre contre toute agression impérialiste.
La même morale conduit aux mêmes errements. Le lien est là ... La morale dicte la raison et non l'inverse !

Eugene Duhring

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Message  verié2 Mer 21 Déc - 11:30


Duhring
Pour l'URSS stalinienne, la même morale imposait de décrire ce régime non pas comme un Etat ouvrier dégénéré arc-bouté sur les acquis de la révolution d'Octobre mais comme un capitalisme d'Etat qu'il aurait été vain de défendre contre toute agression impérialiste.
Qu'il y ait eu des militants qui aient rejeté l'URSS en raison de la barbarie du stalinisme, c'est probable. Mais le goulag, la main d'oeuvre esclave, les massacres et la surexploitation des travailleurs (car il s'agit bien d'exploitation et non de "détournements bureaucratiques"), ce ne sont tout de même pas des arguments négligeables, non ? Par exemple, aujourd'hui, LO a beaucoup de mal à faire passer parmi les militants trotskistes russes l'idée que l'Etat de Poutine serait encore ouvrier, ça marche mieux en France où les gens ne subissent pas directement l'oppression et l'exploitation... Ce n'est pas seulement une question de "moralisme".

Mais surtout, cette barbarie stalinienne n'est pas du tout à l'origine des analyses de militants "historiques" comme Cliff et Bordiga ! La meilleure preuve en est que c'est assez tardivement que Cliff a rompu avec l'analyse trotskiste de l'Etat ouvrier dégénéré, alors que cette barbarie était connue depuis longtemps.

Donc, c'est parfaitement faux de prétendre que, dans leur ensemble, les courants "capitalistes d'Etat, auraient été animés par des motivations moralistes auxquelles ils se seraient efforcés de donner des justification théoriques. Inversement, on peut remarquer que c'est, pour une part, par une sorte de bizarre conception de la "fidélité" à caractère moral que LO tient absolument à affirmer que la Russie serait toujours un Etat ouvrier dégénéré aujourd'hui...

verié2

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Message  Vals Mer 21 Déc - 12:21

Donc, c'est parfaitement faux de prétendre que, dans leur ensemble, les courants "capitalistes d'Etat, auraient été animés par des motivations moralistes auxquelles ils se seraient efforcés de donner des justification théoriques. Inversement, on peut remarquer que c'est, pour une part, par une sorte de bizarre conception de la "fidélité" à caractère moral que LO tient absolument à affirmer que la Russie serait toujours un Etat ouvrier dégénéré aujourd'hui....

Je ne sais pas ce qui te permet de dire que "LO tient absolument à affirmer"...quoi que ce soit de catégorique et définitif en la matière....
L'URSS puis la Russie se décomposent depuis plusieurs décennies dans une dynamique extrêmement complexe et contradictoire...
Et l'on ne peut pas comparer cette évolution, à partir seulement de photographies économiques ou sociales, à celles de pays qui n'ont pas connu quoi que ce soit qui ressemble à une prise de pouvoir par le prolétariat, qui a construit son propre état en détruisant intégralement le précédent à l'issue d'une guerre civile "à mort"....
Cette constitution d'un état soviétique reste une totale "originalité" qui confère aux étapes suivantes de dégérescence, la même "originalité".
Et vouloir simplifier abusivement les processus en cours est peut-être commode pour se démarquer plus facilement de l'horreur stalinienne mais ne peut pas aider à comprendre sérieusement la situation actuelle...
Alors peut-être sera-t-il nécessaire dans quelque temps de constater ceci ou cela qui fera penser que le cercueil a été définitivement fermé dans telle ou telle période...
On verra bien....mais chercher à tout prix à formuler des caractérisations simplistes aujourd'hui (ou avant-hier) n'a pas d'intérêt...

Et puis tu as déjà pu noter que souvent, ceux qui convergent aujourd'hui avec toi sur la Russie, ont, à partir de lunettes déformantes, caractérisé un tas d'état "d'ouvrier" (Démocraties populaires, Chine, Yougo, Nicaragua , Cuba etc...etc....) alors qu'aucun d'entre eux n'avait connu de prise de pouvoir par le prolétariat...On sait ce qu'il est advenu de ce type d"analyse" ...
Alors, un peu de prudence et de modestie, ça n'est jamais inutile quand il s'agit d'expliquer des phénomènes sociaux complexes, contradictoires, et INEDITS et non reproduits nulle part ailleurs......

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Message  verié2 Mer 21 Déc - 12:56


Vals
Je ne sais pas ce qui te permet de dire que "LO tient absolument à affirmer"...quoi que ce soit de catégorique et définitif en la matière....
Je n'ai pas l'impression de déformer la position de LO, qui, comme le montrent plusieurs textes mis en ligne plus haut, considère qu'il n'y a pas de raison de revenir sur l'analyse qui caractérise l'URSS/Russie comme un "Etat ouvrier dégénéré". Comme LO est quasiment seule à défendre cette position, à l'échelle mondiale, ça ne me semble pas non plus faux de dire "tient absolument" - mais on entre dans le domaine des détails sémantiques...
Cette constitution d'un état soviétique reste une totale "originalité" qui confère aux étapes suivantes de dégérescence, la même "originalité"
L'Etat instauré en 1917 était en effet "totalement original", puisqu'il s'agissait de la première révolution prolétarienne victorieuse de l'histoire qui durait plus de deux mois! En revanche, l'Etat qui est né de la contre-révolution stalinienne, s'il a pu être considéré à juste titre comme "totalement original" lui aussi avant la guerre de 1939-45, le fut beaucoup moins quand apparut un Etat comme la Chine. Les traits communs entre la Russie et la Chine restent d'ailleurs nombreux aujourd'hui.
L'un est le produit d'une révolution bourgeoise dirigée par le prolétariat, après que le prolétariat ait perdu le pouvoir au profit d'une bureaucratie exploiteuse ; l'autre est le produit d'une révolution bourgeoise, dirigée par une bureaucratie, dans laquelle le prolétariat n'a joué aucun rôle - il avait été vaincu auparavant après les grandes luttes des années vingt/trente.

Vals
vouloir simplifier abusivement les processus en cours est peut-être commode pour se démarquer plus facilement de l'horreur stalinienne mais ne peut pas aider à comprendre sérieusement la situation actuelle...
Aujourd'hui, l'horreur stalinienne n'est plus en cause. Donc, considérer l'Etat de Poutine comme bourgeois ne permet de se démarquer que... de l'horreur poutinienne, tout de même plus soft que celle qui prévalait sous Staline ou même sous Brejnev, même si les libertés démocratiques sont très "encadrées".

Mais, encore une fois, il me semble qu'on pourrait essayer de discuter de ce sujet sans faire intervenir la morale. Tu peux évidemment contester mon argumentation, mais reconnais au moins que la morale n'y figure pas !

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