Abraham Serfaty, la mort d'un brave !
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Abraham Serfaty, la mort d'un brave !
Je suis trés ému par la disparition d'abraham Serfati, un grand bonhomme.
Comppte rendu dans "rue 89" trés correct...
Mort d'Abraham Serfaty, opposant historique d'Hassan II
Par Pierre Haski | Rue89 | 18/11/2010 | 19H43
Abraham Serfaty est mort : le Maroc a perdu un pan de son histoire. Ancien militant marxiste-léniniste et opposant farouche au roi Hassan II, Marocain et juif antisioniste, Abraham Serfaty, dix-sept ans de prison, un temps dans la clandestinité et quelques années d'exil au compteur, est décédé jeudi à Marrakech, à l'âge de 84 ans.Cet homme était un roc, qui en imposait à ses interlocuteurs, physiquement et mentalement. Une montagne de détermination et de conviction, que ni la prison, ni la torture, ni le temps n'ont réussi à ébranler. Il était l'un des survivants des « années de plomb marocaines », témoin engagé d'une époque noire dont les séquelles se font encore sentir au royaume chérifien.Ingénieur de formation, ce natif de Casablanca est devenu militant communiste à l'âge de 18 ans, au Maroc comme au sein du PCF lors de ses années d'étude en France. Il a combattu activement en faveur de l'indépendance du Maroc, ce qui lui a valu la répression des autorités coloniales françaises.Les années Ilal al-Amam (« En avant »)
Au moment de l'indépendance du Maroc, il s'engage dans la création des nouvelles institutions du royaume, alors dirigé par Mohamed V. Mais dans les années 70, après quelques années de règne de son successeur Hassan II, il rompt avec les communistes jugés « révisionnistes et trop accommodants, et s'engage à l'extrême gauche avec la fondation du groupe marxiste-léniniste Ilal-al-Amam (“En avant”).Il se heurte de front au pouvoir implacable d'Hassan II, est arrêté et torturé une première fois en 1972, avant de plonger dans la clandestinité pour échapper à la chasse aux “gauchistes”. Il est de nouveau arrêté en 1974, pour ne sortir libre de prison que dix-sept années plus tard. Hassan II ne lui pardonna jamais son soutien aux indépendantistes du Front Polisario du Sahara occidental, annexé en 1975 par le Maroc.Dans la revue marocaine Tel Quel, Mustapha Brahma, qui lui a succédé à la tête d'Ilal al-Amam avant de le retrouver en prison, témoigne :
Il lui faudra attendre l'arrivée de Mohamed VI au pouvoir, la décrispation du pouvoir chérifien, pour qu'il soit réinstallé dans sa nationalité et autorisé à revenir au Maroc.Ce retour montrera toutefois un homme déconnecté des réalités marocaines et d'une époque qui ne correspondait plus à sa vision. Un autre de ses anciens co-détenus, Abdelhamid Amine, raconte leurs retrouvailles dans Tel Quel :
Un juif pour la Palestine
Abraham Serfaty a beaucoup écrit, et l'un des sujets les plus sensibles est celui de la Palestine. Lui le juif marocain, issu d'une communauté qui a massivement émigré en Israël, a pris radicalement partie pour la cause palestinienne (il en parle dans la vidéo ci-dessus). L'un de ses camarades s'exclame dans Tel Quel :
Comppte rendu dans "rue 89" trés correct...
Mort d'Abraham Serfaty, opposant historique d'Hassan II
Par Pierre Haski | Rue89 | 18/11/2010 | 19H43
Abraham Serfaty est mort : le Maroc a perdu un pan de son histoire. Ancien militant marxiste-léniniste et opposant farouche au roi Hassan II, Marocain et juif antisioniste, Abraham Serfaty, dix-sept ans de prison, un temps dans la clandestinité et quelques années d'exil au compteur, est décédé jeudi à Marrakech, à l'âge de 84 ans.Cet homme était un roc, qui en imposait à ses interlocuteurs, physiquement et mentalement. Une montagne de détermination et de conviction, que ni la prison, ni la torture, ni le temps n'ont réussi à ébranler. Il était l'un des survivants des « années de plomb marocaines », témoin engagé d'une époque noire dont les séquelles se font encore sentir au royaume chérifien.Ingénieur de formation, ce natif de Casablanca est devenu militant communiste à l'âge de 18 ans, au Maroc comme au sein du PCF lors de ses années d'étude en France. Il a combattu activement en faveur de l'indépendance du Maroc, ce qui lui a valu la répression des autorités coloniales françaises.Les années Ilal al-Amam (« En avant »)
Au moment de l'indépendance du Maroc, il s'engage dans la création des nouvelles institutions du royaume, alors dirigé par Mohamed V. Mais dans les années 70, après quelques années de règne de son successeur Hassan II, il rompt avec les communistes jugés « révisionnistes et trop accommodants, et s'engage à l'extrême gauche avec la fondation du groupe marxiste-léniniste Ilal-al-Amam (“En avant”).Il se heurte de front au pouvoir implacable d'Hassan II, est arrêté et torturé une première fois en 1972, avant de plonger dans la clandestinité pour échapper à la chasse aux “gauchistes”. Il est de nouveau arrêté en 1974, pour ne sortir libre de prison que dix-sept années plus tard. Hassan II ne lui pardonna jamais son soutien aux indépendantistes du Front Polisario du Sahara occidental, annexé en 1975 par le Maroc.Dans la revue marocaine Tel Quel, Mustapha Brahma, qui lui a succédé à la tête d'Ilal al-Amam avant de le retrouver en prison, témoigne :
“Je l'ai rencontré pour la première fois en 1985, après mon arrestation. Il était heureux de voir des jeunes assurer la continuité de son combat. C'était un colosse impressionnant par son physique, il avait de surcroît une aura pour nous, car il a préféré lutter pour la justice sociale, alors qu'il avait une grande carrière toute tracée dans l'administration.”Il ajoute :
“En prison, Abraham Serfaty développait des conceptions nouvelles, comme lutter sur le plan légal pour arracher des libertés publiques. Il avait entre autres l'idée d'un journal pour faire passer le maximum d'idées possibles, sans mettre en équation la monarchie, afin d'éviter la censure. Précurseur, il avait été le premier à discuter avec les détenus de la Chabiba Islamiya, qui le respectaient. Il ne voulait pas leur laisser l'apanage de la religion, contrer l'islam intégriste en insistant sur l'islam populaire et le soufisme. Il voulait que nous, marxistes, puissions commencer à défendre cet islam.”A sa libération, il fut déchu de sa nationalité marocaine, et expulsé vers la France où il retrouva la femme qu'il avait épousée alors qu'il était en prison, Christine Daure-Serfaty, une ancienne coopérante au Maroc, militante inlassable de la cause des prisonniers politiques marocains.Mohamed VI permet le retour
Il lui faudra attendre l'arrivée de Mohamed VI au pouvoir, la décrispation du pouvoir chérifien, pour qu'il soit réinstallé dans sa nationalité et autorisé à revenir au Maroc.Ce retour montrera toutefois un homme déconnecté des réalités marocaines et d'une époque qui ne correspondait plus à sa vision. Un autre de ses anciens co-détenus, Abdelhamid Amine, raconte leurs retrouvailles dans Tel Quel :
“Il a pris la parole, évoquant Mohammed VI et la nouvelle ère qui s'ouvrait, selon lui. Il nous a affirmé croire que la monarchie et les forces du progrès pouvaient collaborer pour bâtir une démocratie au Maroc. Il avait une analyse trop optimiste du nouveau règne, comptant beaucoup sur Mohammed VI. Il rêvait un peu à une expérience similaire à celle du roi Juan Carlos dans l'Espagne de l'après-Franco. Beaucoup de gens, dont moi-même, sont restés interloqués devant ce discours. […] Le jour de son retour d'exil a vraiment marqué une rupture entre les militants de l'extrême gauche et lui.”Il se raconte ici, dans une interview à la télévision marocaine après son retour, dans une chaise roulante. (Voir la vidéo)
Un juif pour la Palestine
Abraham Serfaty a beaucoup écrit, et l'un des sujets les plus sensibles est celui de la Palestine. Lui le juif marocain, issu d'une communauté qui a massivement émigré en Israël, a pris radicalement partie pour la cause palestinienne (il en parle dans la vidéo ci-dessus). L'un de ses camarades s'exclame dans Tel Quel :
“Un juif antisioniste, c'était quelque chose pour nous.”Serfaty publie même un livre, “Ecrits de prison sur la Palestine”, dans lequel il écrit :
“ Le sionisme est avant tout une idéologie raciste. Elle est l'envers juif de l'hitlérisme.”Sa disparition accompagne l'extinction d'une génération, qui est passée de la lutte anticoloniale au combat en faveur d'un “autre” Maroc, et qui s'est fracassée sur la répression implacable de Hassan II. Le Maroc a fait, depuis, du chemin, même si la ligne n'est pas toujours rectiligne.
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
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Localisation : La terre
Re: Abraham Serfaty, la mort d'un brave !
Un type bien.......
Vals- Messages : 2770
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Abraham Serfaty, la mort d'un brave !
Communiqué du NPA. Abraham Serfaty, la mort d'un militant.
jeudi 18 novembre 2010 Un ami vient de mourir à Marrakech. Le NPA tient à rendre hommage au militant marocain, marxiste juif et antisioniste que fut Abraham Serfaty. 17 ans de prison dans les geôles d'Hassan II à Kénitra, 8 ans de banissement pour avoir défendu la cause du peuple sahraoui, Abraham Serfaty fut un militant internationaliste courageux et exemplaire.Fondateur du groupe marxiste Ila Al Amam (« En avant »), il avait entretenu des rapports fraternels avec les organisations révolutionnaires durant son exil en France avant de retourner au Maroc en 2OOO.Le 18 novembre 2010.
jeudi 18 novembre 2010 Un ami vient de mourir à Marrakech. Le NPA tient à rendre hommage au militant marocain, marxiste juif et antisioniste que fut Abraham Serfaty. 17 ans de prison dans les geôles d'Hassan II à Kénitra, 8 ans de banissement pour avoir défendu la cause du peuple sahraoui, Abraham Serfaty fut un militant internationaliste courageux et exemplaire.Fondateur du groupe marxiste Ila Al Amam (« En avant »), il avait entretenu des rapports fraternels avec les organisations révolutionnaires durant son exil en France avant de retourner au Maroc en 2OOO.Le 18 novembre 2010.
gérard menvussa- Messages : 6658
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Age : 67
Localisation : La terre
Re: Abraham Serfaty, la mort d'un brave !
Lutte Ouvrière n°2208 du 26 novembre 2010
Maroc : la mort d'Abraham Serfaty
Abraham Serfaty est décédé le 18 novembre à Marrakech, à l'âge de 84 ans, dont de nombreuses années passées en prison pour sa lutte contre le colonialisme français d'abord, contre le régime de dictature du roi Hassan II ensuite. Avec lui, c'est un courageux militant anticolonialiste et anti-impérialiste qui disparaît.
Né dans la communauté juive de Casablanca en 1926, Serfaty partit à Paris en 1945 pour des études d'ingénieur, alors qu'il était devenu communiste, adhérent au PC jusqu'à sa rupture quinze ans plus tard. À son retour au Maroc, alors protectorat français, ses convictions anticolonialistes lui valurent une première fois la prison. En décembre 1952, après les émeutes de Casablanca où la troupe fit des centaines de morts, le résident général français au Maroc déporta des militants nationalistes dans le Sud marocain, tandis qu'Abraham Serfaty et sa sour Évelyne étaient expédiés en résidence surveillée en France.
En 1956 alors qu'une explosion généralisée couvait dans l'ensemble du Maghreb, l'impérialisme français finit par reconnaître l'indépendance du Maroc et celle de la Tunisie, lâchant du lest pour mieux poursuivre la guerre contre les indépendantistes algériens. Au Maroc, Abraham Serfaty devint directeur de l'Office chérifien des phosphates, mais il en fut aussitôt renvoyé pour s'être montré solidaire d'une grève des ouvriers. Torturé lors d'une arrestation en 1972, il poursuivit la lutte avec l'organisation se réclamant du « marxisme-léninisme » qu'il avait contribué à fonder, Ila Al Amame (En Avant), devenue aujourd'hui Annahj Addimokrati (La voie démocratique). Évelyne Serfaty mourut en 1974 des suites de ses tortures pour ne pas avoir révélé où se cachait son frère. Trois ans plus tard, celui-ci était arrêté avec 139 autres personnes, condamné à la détention perpétuelle et menotté pendant quinze mois d'affilée. La dictature, en particulier, ne pouvait lui pardonner de s'être prononcé pour l'autodétermination du peuple sahraoui, alors qu'avec le soutien de différentes puissances, dont la France, le Maroc venait d'annexer le territoire du Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole peu peuplée mais riche en gisements de phosphates.
Alors que des ministres français, de droite ou socialistes, ainsi que des journalistes et écrivains complaisants comme Maurice Druon étaient les hôtes choyés par le roi du Maroc, les prisonniers politiques remplissaient le bagne de Tazmamart et la prison de Kenitra où Serfaty fut enfermé durant dix-sept ans. « Peu m'importe qu'il y ait quinze millions d'opposants au Maroc pourvu qu'il n'y ait pas d'opposition », avait déclaré en privé le roi. Comme l'écrivit plus tard Serfaty : « On ne peut pas oublier que les années du règne d'Hassan II furent jalonnées de massacres. Celui du 23 mars 1965 contre la jeunesse révoltée de Casablanca. Celui de juin 1981 contre toute la population des quartiers pauvres de Casablanca, également révoltée. Celui de janvier 1984 contre le peuple de Marrakech et tout le peuple du Rif (.) qu'il qualifia alors de « oubash » (voyous). »
Expulsé en France à sa sortie de prison en 1999, Serfaty put revenir au Maroc quand Mohamed VI succéda à Hassan II. Avec le nouveau roi, le régime n'a pas changé pour l'essentiel, on l'a encore vu récemment avec la répression des manifestations des Sahraouis, ou celle des travailleurs de l'Office chérifien des phosphates et de bien d'autres. Le gouvernement français, lui, est toujours en excellents termes avec « son ami le roi », même si ce n'est plus le même. Pour les fêtes de fin d'année 2009, le couple présidentiel français était l'hôte du roi du Maroc et, à la fin octobre dernier, il a pu faire une nouvelle escapade dans la résidence de Mohammed VI, que celui-ci avait mise à la disposition du couple pendant qu'il était parti à la chasse.
Jean SANDAY
Vals- Messages : 2770
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Abraham Serfaty, la mort d'un brave !
Abraham Serfaty : les obsèques d’un militant
Collectif-
21 novembre 2010
Serfaty est toujours làLe 19 novembre 2010 restera certainement un jour inoubliable pour les centaines (sinon les milliers) de militant-es progressistes et de personnes qui ont assisté à l’enterrement du grand communiste marocain Abraham Serfaty. Les drapeaux palestiniens en général et les drapeaux du FPLP de George Habach (ami d’Abraham) étaient là, les photos d’Abraham étaient là, les militant-es et responsables des organisations progressistes étaient là : ANNAHJ ADDIMOCRATI, PADS, PSU, CNI, CDT, UMT, AMDH….Les slogans étaient là : relatifs à ILAL AMAM, ANNAHJ, LES MARTYR-ES, l’ENGAGEMENT, LA CONTINUITE DE LA LUTTE, LE MARXISME LENINISME….Deux allocutions ont clôturé l’enterrement du grand combattant Abraham Serfaty :Serfaty le 19 nov 2010 029
L’allocution officielle de l’événement prononcée par le camarade Abdellah Elharif, le secrétaire national d’ANNAHJ ADDIMOCRATI.L’allocution d’Abdellatif Laâbi, l’un des fondateurs de l’organisation marxiste léniniste ILAL AMAM, et ami d’Abraham.Certaines « personnalités » officielles étaient là et sont passées inaperçues : Azoulay, Elyazghi, Herzenni, Elyazami, Elhiba…
Les retrouvailles entre camarades, militant-es, anciens détenus (toutes tendances confondues) étaient très, très émouvantes.Plus de 60 ans de combat contre le colonialisme, contre le despotisme, contre le capitalisme, contre le sionisme, 60 ans de combat pour une indépendance réelle, une démocratie Serfaty-le-19-nov-2010-030.jpgeffective, un Maroc des travailleurs, un Etat palestinien laïc et démocratique…des mois de torture ,des années de prison, des années sans « nationalité »…C’est Abraham Serfaty, le pionnier du marxisme léninisme marocain, l’ami des travailleurs, c’est l’intellectuel organique. Les progressistes marocain-es étaient là pour rendre hommage à cet homme exemplaire.Nous ne pouvons en aucun cas oublier les hommes et les femmes qui ont tout sacrifié pour les causes du peuple marocain tels : Mehdi Benbarka, Cheikh Al Arabe, DahKoune, Zeroual , Saîda Mnebhi, Tahani, Jbiha, Mohammed Bougrine….Nous ne sommes ni ingrat-es, ni rénégat-es.Ali Fkir (19 novembre 2010)
Abraham Serfaty, témoignage d’un fondateur d’Ilhal AmamC’est avec une grande tristesse que j’ai appris ce matin le décès du camarade Abraham SERFATY. Mes vives condoléances tout d’abord à sa femme Christine ,à son fils Maurice, à tous ses amiEs et camarades et à tous ceux et celles qui ont sympatisé avec les causes défendues par ce grand militant qui a lontemps incarné les grandes valeurs marxistes et révolutionnaires au Maroc.Des divergences stratégiques sont apparues entre nous,notamment à partir de1999 ; mais je crois—n’en déplaise à tous les maniaques de la récupération makhzénienne qui s’agitent pour brouiller et ternir sa mémoire—que l’histoire retiendra de SERFATY d’abord et surtout : Son engagement patriotique en tant que jeune communiste marocain dans le combat contre le colonialisme et la répression -arrestation,torture et exil forcé- qui en a découlé pour lui. Sa lutte acharnée pour défendre la cause de la classe ouvrière et des masses populaires marocaines contre le régime antidémocratique de Hassan 2,pour une démocratie populaire et pour le socialisme ; ce qui lui a valu l’enlèvement,la torture, un procès inique, 17 années de prison ferme et 8 années d’exil forcé en France. Son internationalisme conséquent, son anti-impérialisme intransigeant et son soutien constant au droit des peuples à l’autodétermination. Son antisionisme fougueux et d’une grande valeur pour le peuple palestinien puisqu’il a en tant que juif antisioniste contribué à montrer que le conflit israelo-palestinien n’a rien à voir avec les guerres de religion (Islam contre Judaisme) mais qu’il s’agit d’un combat entre le colonialisme sioniste soutenu par l’impérialisme et le mouvement de libération nationale palestinien soutenu parl’ensemble des forces de progrès de par le monde.Pour tout cela Hommage à toi ABRAHAM
Tu es et restera inoubliable pour les progressistes marocains
Nous serons demain ensemble à ton enterrement pour te le dire.
AmineDécès d’Abraham SerfatyAdresse Postale : 79, rue des Suisses 92000 Nanterre
asdhom@asdhom.org www.asdhom.org
C’est avec une grande émotion et une grande tristesse que nous avons appris le décès d’Abraham Serfaty, survenu le 18 novembre au matin à Marrakech.Cette figure qui a symbolisé l’aspiration et le combat de générations de démocrates et de progressistes vient de nous quitter à jamais.Un grand homme qui a mis toute son énergie pour bâtir des perspectives d’émancipation du peuple marocain.Il a payé très cher son engagement : clandestinité, arrestation, torture, emprisonnement, bannissement…On ne sort pas indemne de ces épreuves affligeantes.L’ASDHOM présente ses sincères condoléances à son fils Maurice, à son épouse Christine et à tous ses amis et camarades.L’ASDHOM qui organise ce vendredi 19 novembre une soirée en hommage aux acteurs de la solidarité internationale, se saisira de cette occasion pour associer tous les participants, amis du peuple marocain, à rendre hommage à cette grande figure de la résistance à l’oppression.Un livre d’or sera mis à disposition pour accueillir témoignages et messages des présents.Paris, le 18 novembre 2010Le Bureau Exécutif de l’ASDHOM
Témoignages.
Abraham Serfaty, par ses compagnonsCommuniste à l’âge de 18 ans, emprisonné sous le Protectorat en 1950 à cause de ses positions nationalistes, technocrate de haut vol dans le Maroc indépendant, cofondateur de l’organisation d’extrême gauche Ila Al Amam en 1970, Abraham Serfaty a un CV très chargé, qui pose son homme. Un militant dans l’âme, irréductible, malgré ses 22 mois dans la clandestinité, ses 17 ans de prison et ses 8 années de bannissement hors du Maroc. Il vit aujourd’hui dans sa villa de Marrakech d’où il ne sort plus. Vieil homme malade de 82 ans, affaibli par les séquelles de la torture et de l’âge. Ayant vécu à son contact, quatre témoins reviennent sur des étapes clés d’un symbole des années de plomb.
Monsieur Maton, prof de maths sans histoires
“Dans la clandestinité, Abraham Serfaty se dissimulait sous l’identité de Monsieur Maton, professeur de mathématiques de son état. Il portait un collier de barbe et avait sacrifié sa moustache à laquelle il tenait beaucoup. Être dans la clandestinité signifie se couper de tous ses liens affectifs, vivre une schizophrénie à l’intérieur de soi-même. Lui comme moi avons dû éliminer toutes nos petites habitudes, même le café du matin. Il nous a fallu devenir transparents, souffrir volontairement d’un déficit de mémoire, s’exercer à oublier notre propre nom. Abraham Serfaty, qui avait plusieurs pseudonymes, était vigilant 24 heures sur 24. Il ne se retournait jamais dans la rue s’il entendait quelqu’un crier Dédé, son surnom d’avant la clandestinité. Il savait de surcroît si quelqu’un le regardait dans son dos sans avoir besoin de se retourner. Il avait développé ce sixième sens à l’époque où il travaillait à l’OCP et descendait dans la mine à Khouribga. Chaque petit bruit nocturne nous tenait en veille, car nous pouvions être arrêtés à tout moment, voir débarquer les policiers défonçant la porte de notre logement. Aussi, nous changions d’appartement à chaque arrestation d’un militant. Nous vivions avec un petit pécule de 170 dirhams par mois grâce à l’aide, entre autres, de la communauté française au Maroc qui baignait dans les idées de l’après-mai 68. Les repas étaient frugaux, constitués essentiellement de sardines. Pour améliorer le quotidien, nous avons voulu un jour manger de la viande. Abraham s’est chargé d’aller chez un boucher près du cinéma l’ARC, à Casablanca, car, avec son physique d’Européen, c’était le seul parmi nous à pouvoir en acheter sans se faire remarquer. Il a de surcroît demandé 2 kilos de viande hachée pour chat afin de ne pas attirer l’attention. Etonné par la quantité, le boucher lui a demandé la taille de son chat. Abraham lui a répondu que c’était une chatte enceinte pour ne pas éveiller les soupçons. Une nuit, nous nous sommes fait arrêter à un barrage de police à Aïn Sebaâ, notre vieille Volkswagen pleine de tracts. Un des policiers a braqué sa torche sur la pile amoncelée à l’arrière de la voiture. Abraham Serfaty ne s’est pas démonté, il a déclaré l’air dépité au policier qu’il était professeur et avait tout ce tas de copies à corriger. On l’a échappé belle, vu la teneur des tracts qui parlaient de “Hassan, Dlimi, houkoumat jou3, etc.”. Il y avait aussi des grandes joies dans la clandestinité, comme passer à travers les mailles du filet, l’impression de remporter une victoire contre le régime”.Mohamed Serifi, ex-d’Ila Al Amam et compagnon de clandestinité d’Abraham Serfaty (mars 1972 - novembre 1974).***
L’icône des jeunes révolutionnaires
“Nous parlions déjà beaucoup de lui dans les réunions de la cellule du syndicat lycéen, auquel j’appartenais au début des années 70. Un juif antisioniste, c’était quelque chose pour nous. J’ai d’ailleurs fait mes études à l’Ecole Mohammadia des ingénieurs, car Abraham Serfaty y a été directeur des études à une époque. Il avait implanté au sein de l’école une structure d’Ila Al Amam. Après le grand procès de 1977, à l’issue duquel il a été condamné avec d’autres membres de notre organisation, j’ai été chargé avec d’autres de reconstruire le mouvement sur de nouvelles bases. En 1983, nous avons tenu une réunion interne où nous avons décidé de confier la direction du mouvement aux militants encore libres. Même s’il était en prison, Abraham Serfaty a été maintenu dans la direction, car nous voulions garder un repère. Je l’ai rencontré pour la première fois en 1985, après mon arrestation. Il était heureux de voir des jeunes assurer la continuité de son combat. C’était un colosse impressionnant par son physique, il avait de surcroît une aura pour nous, car il a préféré lutter pour la justice sociale, alors qu’il avait une grande carrière toute tracée dans l’administration. Nous avions entre 20 et 30 ans de moins que lui. À nos yeux, c’était une mémoire et une référence qui connaissait l’histoire du Parti communiste marocain et celle du gouvernement Abdallah Ibrahim (1958-1960), auquel il a participé au sein du cabinet du ministre de l’Economie, Abderrahim Bouabid. Il avait une grande bibliothèque dans sa cellule, qu’il alimentait en se faisant envoyer tous les nouveaux ouvrages importants analysant l’expérience marxiste. Il s’intéressait notamment à la perestroïka de Gorbatchev. Les réunions politiques avec lui s’apparentaient à un laboratoire d’idées, où il était ouvert et charmant, se mettant rarement en colère. En prison, Abraham Serfaty développait des conceptions nouvelles, comme lutter sur le plan légal pour arracher des libertés publiques. Il avait entre autres l’idée d’un journal pour faire passer le maximum d’idées possibles, sans mettre en équation la monarchie, afin d’éviter la censure. Précurseur, il avait été le premier à discuter avec les détenus de la Chabiba Islamiya, qui le respectaient. Il ne voulait pas leur laisser l’apanage de la religion, contrer l’islam intégriste en insistant sur l’islam populaire et le soufisme. Il voulait que nous, marxistes, puissions commencer à défendre cet islam”.
Mustapha Brahma, ancien d’Ila Al Amam, ancien codétenu d’Abraham Serfaty. Actuel secrétaire général adjoint d’Annahj Addimocrati, parti politique héritier d’Ila Al Amam.
***L’exil
“La mer était devenue une obsession pour Abraham Serfaty. Il avait grandi à Tanger en face de la Méditerranée et vécu à Casablanca au bord de l’Océan Atlantique. L’élément marin lui manquait beaucoup, car il n’avait plus vu la mer depuis le jour où il a été incarcéré, 17 ans plus tôt. Aussi, j’ai organisé un jour avec des amis un voyage sur les côtes de Vendée, en France, afin qu’il assouvisse son désir. Abraham Serfaty était comme un enfant quand il a vu l’Océan. Le Maroc lui manquait aussi beaucoup, c’était un pays pour lequel il avait combattu sous le Protectorat. Nostalgique, il en parlait très souvent et recherchait la compagnie de ses compatriotes lors de son exil. Il répondait à toutes les demandes des Marocains qui l’invitaient à intervenir lors de réunions politiques et associatives en France et jusqu’en Belgique. Il préférait ces rencontres en petit comité plutôt que les colloques et les invitations médiatiques. C’était quelqu’un de très discret et généreux, qui préférait plutôt parler des souffrances des autres que des tortures qu’on lui avait infligées. Je me souviens notamment du jour où, invité à la télévision française, il n’a jamais une seule fois parlé de son séjour en prison, préférant s’attarder sur les enterrés vivants de Tazmamart. Il en avait les larmes aux yeux”.
Samir Bensaïd, compagnon d’exil d’Abraham Serfaty de 1991 à 1999.
***Le retour à la mère patrie
“Le jour de son retour d’exil, le 30 septembre 1999, nous sommes allés nombreux l’accueillir à l’aéroport de Rabat-Salé. Il y avait notamment tous les membres du comité qui avait milité au Maroc pour que l’Etat mette fin à son bannissement. Ne le voyant pas sortir de l’aéroport, je me suis introduit dans les lieux pour arriver jusqu’à la voiture officielle où il était installé avec sa femme Christine. Je lui ai demandé de rejoindre le comité d’accueil des militants. Il m’a regardé gêné. J’ai alors compris qu’il avait subi des pressions pour ne pas nous suivre. J’ai protesté auprès de Hassan Aourid, porte-parole du Palais à l’époque, insistant sur le fait que c’était nous qui avions bataillé pour le retour de Serfaty, et non pas les officiels présents. Par la suite, nous avons rejoint Abraham à l’hôtel Hilton où on l’avait logé. Toute la nomenklatura politique, du Makhzen aux forces de gauche, faisait la queue pour le rencontrer dans sa chambre d’hôtel. Comme beaucoup de militants voulaient le voir, Abraham Serfaty est finalement descendu dans le hall de l’hôtel où l’attendaient 300 à 400 personnes. Il a pris la parole, évoquant Mohammed VI et la nouvelle ère qui s’ouvrait, selon lui. Il nous a affirmé croire que la monarchie et les forces du progrès pouvaient collaborer pour bâtir une démocratie au Maroc. Il avait une analyse trop optimiste du nouveau règne, comptant beaucoup sur Mohammed VI. Il rêvait un peu à une expérience similaire à celle du roi Juan Carlos dans l’Espagne de l’après-Franco. Beaucoup de gens, dont moi-même, sont restés interloqués devant ce discours. Je lisais même une sorte de désespoir sur certains visages. Je me rappelle notamment la mine de Abdelaziz Menebhi, ancien président de l’UNEM. A l’écoute des propos d’Abraham Serfaty, il s’est écrié : “Allah iâaouna ou iâaounek”, avant de quitter les lieux. Une fois les propos d’Abraham achevés, je me suis levé et j’ai pris la parole pour lui rendre hommage. C’était un discours totalement improvisé où j’ai insisté sur le nationaliste qui militait pour l’indépendance au sein du Parti communiste marocain, le haut cadre à l’OCP qui a sacrifié sa carrière pour se solidariser avec les mineurs de Khourbiga. J’ai évoqué aussi le militant qui a été l’un des organisateurs du mouvement révolutionnaire marocain, et n’a jamais parlé sous la torture. Je pense avoir traduit le sentiment général de l’assistance, prise entre la joie et la déception. Abraham Serfaty n’a rien dit, mais il avait compris le message. Le jour de son retour d’exil a vraiment marqué une rupture entre les militants de l’extrême gauche et lui”.Abdelhamid Amine, ancien d’Ila Al Amam, codétenu d’Abraham Serfaty (septembre 79-Août 1984).Actuel vice-président de l’AMDH.Source http://www.telquel-online.com/335/m...
Collectif-
21 novembre 2010
Serfaty est toujours làLe 19 novembre 2010 restera certainement un jour inoubliable pour les centaines (sinon les milliers) de militant-es progressistes et de personnes qui ont assisté à l’enterrement du grand communiste marocain Abraham Serfaty. Les drapeaux palestiniens en général et les drapeaux du FPLP de George Habach (ami d’Abraham) étaient là, les photos d’Abraham étaient là, les militant-es et responsables des organisations progressistes étaient là : ANNAHJ ADDIMOCRATI, PADS, PSU, CNI, CDT, UMT, AMDH….Les slogans étaient là : relatifs à ILAL AMAM, ANNAHJ, LES MARTYR-ES, l’ENGAGEMENT, LA CONTINUITE DE LA LUTTE, LE MARXISME LENINISME….Deux allocutions ont clôturé l’enterrement du grand combattant Abraham Serfaty :Serfaty le 19 nov 2010 029
L’allocution officielle de l’événement prononcée par le camarade Abdellah Elharif, le secrétaire national d’ANNAHJ ADDIMOCRATI.L’allocution d’Abdellatif Laâbi, l’un des fondateurs de l’organisation marxiste léniniste ILAL AMAM, et ami d’Abraham.Certaines « personnalités » officielles étaient là et sont passées inaperçues : Azoulay, Elyazghi, Herzenni, Elyazami, Elhiba…
Les retrouvailles entre camarades, militant-es, anciens détenus (toutes tendances confondues) étaient très, très émouvantes.Plus de 60 ans de combat contre le colonialisme, contre le despotisme, contre le capitalisme, contre le sionisme, 60 ans de combat pour une indépendance réelle, une démocratie Serfaty-le-19-nov-2010-030.jpgeffective, un Maroc des travailleurs, un Etat palestinien laïc et démocratique…des mois de torture ,des années de prison, des années sans « nationalité »…C’est Abraham Serfaty, le pionnier du marxisme léninisme marocain, l’ami des travailleurs, c’est l’intellectuel organique. Les progressistes marocain-es étaient là pour rendre hommage à cet homme exemplaire.Nous ne pouvons en aucun cas oublier les hommes et les femmes qui ont tout sacrifié pour les causes du peuple marocain tels : Mehdi Benbarka, Cheikh Al Arabe, DahKoune, Zeroual , Saîda Mnebhi, Tahani, Jbiha, Mohammed Bougrine….Nous ne sommes ni ingrat-es, ni rénégat-es.Ali Fkir (19 novembre 2010)
Abraham Serfaty, témoignage d’un fondateur d’Ilhal AmamC’est avec une grande tristesse que j’ai appris ce matin le décès du camarade Abraham SERFATY. Mes vives condoléances tout d’abord à sa femme Christine ,à son fils Maurice, à tous ses amiEs et camarades et à tous ceux et celles qui ont sympatisé avec les causes défendues par ce grand militant qui a lontemps incarné les grandes valeurs marxistes et révolutionnaires au Maroc.Des divergences stratégiques sont apparues entre nous,notamment à partir de1999 ; mais je crois—n’en déplaise à tous les maniaques de la récupération makhzénienne qui s’agitent pour brouiller et ternir sa mémoire—que l’histoire retiendra de SERFATY d’abord et surtout : Son engagement patriotique en tant que jeune communiste marocain dans le combat contre le colonialisme et la répression -arrestation,torture et exil forcé- qui en a découlé pour lui. Sa lutte acharnée pour défendre la cause de la classe ouvrière et des masses populaires marocaines contre le régime antidémocratique de Hassan 2,pour une démocratie populaire et pour le socialisme ; ce qui lui a valu l’enlèvement,la torture, un procès inique, 17 années de prison ferme et 8 années d’exil forcé en France. Son internationalisme conséquent, son anti-impérialisme intransigeant et son soutien constant au droit des peuples à l’autodétermination. Son antisionisme fougueux et d’une grande valeur pour le peuple palestinien puisqu’il a en tant que juif antisioniste contribué à montrer que le conflit israelo-palestinien n’a rien à voir avec les guerres de religion (Islam contre Judaisme) mais qu’il s’agit d’un combat entre le colonialisme sioniste soutenu par l’impérialisme et le mouvement de libération nationale palestinien soutenu parl’ensemble des forces de progrès de par le monde.Pour tout cela Hommage à toi ABRAHAM
Tu es et restera inoubliable pour les progressistes marocains
Nous serons demain ensemble à ton enterrement pour te le dire.
AmineDécès d’Abraham SerfatyAdresse Postale : 79, rue des Suisses 92000 Nanterre
asdhom@asdhom.org www.asdhom.org
C’est avec une grande émotion et une grande tristesse que nous avons appris le décès d’Abraham Serfaty, survenu le 18 novembre au matin à Marrakech.Cette figure qui a symbolisé l’aspiration et le combat de générations de démocrates et de progressistes vient de nous quitter à jamais.Un grand homme qui a mis toute son énergie pour bâtir des perspectives d’émancipation du peuple marocain.Il a payé très cher son engagement : clandestinité, arrestation, torture, emprisonnement, bannissement…On ne sort pas indemne de ces épreuves affligeantes.L’ASDHOM présente ses sincères condoléances à son fils Maurice, à son épouse Christine et à tous ses amis et camarades.L’ASDHOM qui organise ce vendredi 19 novembre une soirée en hommage aux acteurs de la solidarité internationale, se saisira de cette occasion pour associer tous les participants, amis du peuple marocain, à rendre hommage à cette grande figure de la résistance à l’oppression.Un livre d’or sera mis à disposition pour accueillir témoignages et messages des présents.Paris, le 18 novembre 2010Le Bureau Exécutif de l’ASDHOM
Témoignages.
Abraham Serfaty, par ses compagnonsCommuniste à l’âge de 18 ans, emprisonné sous le Protectorat en 1950 à cause de ses positions nationalistes, technocrate de haut vol dans le Maroc indépendant, cofondateur de l’organisation d’extrême gauche Ila Al Amam en 1970, Abraham Serfaty a un CV très chargé, qui pose son homme. Un militant dans l’âme, irréductible, malgré ses 22 mois dans la clandestinité, ses 17 ans de prison et ses 8 années de bannissement hors du Maroc. Il vit aujourd’hui dans sa villa de Marrakech d’où il ne sort plus. Vieil homme malade de 82 ans, affaibli par les séquelles de la torture et de l’âge. Ayant vécu à son contact, quatre témoins reviennent sur des étapes clés d’un symbole des années de plomb.
Monsieur Maton, prof de maths sans histoires
“Dans la clandestinité, Abraham Serfaty se dissimulait sous l’identité de Monsieur Maton, professeur de mathématiques de son état. Il portait un collier de barbe et avait sacrifié sa moustache à laquelle il tenait beaucoup. Être dans la clandestinité signifie se couper de tous ses liens affectifs, vivre une schizophrénie à l’intérieur de soi-même. Lui comme moi avons dû éliminer toutes nos petites habitudes, même le café du matin. Il nous a fallu devenir transparents, souffrir volontairement d’un déficit de mémoire, s’exercer à oublier notre propre nom. Abraham Serfaty, qui avait plusieurs pseudonymes, était vigilant 24 heures sur 24. Il ne se retournait jamais dans la rue s’il entendait quelqu’un crier Dédé, son surnom d’avant la clandestinité. Il savait de surcroît si quelqu’un le regardait dans son dos sans avoir besoin de se retourner. Il avait développé ce sixième sens à l’époque où il travaillait à l’OCP et descendait dans la mine à Khouribga. Chaque petit bruit nocturne nous tenait en veille, car nous pouvions être arrêtés à tout moment, voir débarquer les policiers défonçant la porte de notre logement. Aussi, nous changions d’appartement à chaque arrestation d’un militant. Nous vivions avec un petit pécule de 170 dirhams par mois grâce à l’aide, entre autres, de la communauté française au Maroc qui baignait dans les idées de l’après-mai 68. Les repas étaient frugaux, constitués essentiellement de sardines. Pour améliorer le quotidien, nous avons voulu un jour manger de la viande. Abraham s’est chargé d’aller chez un boucher près du cinéma l’ARC, à Casablanca, car, avec son physique d’Européen, c’était le seul parmi nous à pouvoir en acheter sans se faire remarquer. Il a de surcroît demandé 2 kilos de viande hachée pour chat afin de ne pas attirer l’attention. Etonné par la quantité, le boucher lui a demandé la taille de son chat. Abraham lui a répondu que c’était une chatte enceinte pour ne pas éveiller les soupçons. Une nuit, nous nous sommes fait arrêter à un barrage de police à Aïn Sebaâ, notre vieille Volkswagen pleine de tracts. Un des policiers a braqué sa torche sur la pile amoncelée à l’arrière de la voiture. Abraham Serfaty ne s’est pas démonté, il a déclaré l’air dépité au policier qu’il était professeur et avait tout ce tas de copies à corriger. On l’a échappé belle, vu la teneur des tracts qui parlaient de “Hassan, Dlimi, houkoumat jou3, etc.”. Il y avait aussi des grandes joies dans la clandestinité, comme passer à travers les mailles du filet, l’impression de remporter une victoire contre le régime”.Mohamed Serifi, ex-d’Ila Al Amam et compagnon de clandestinité d’Abraham Serfaty (mars 1972 - novembre 1974).***
L’icône des jeunes révolutionnaires
“Nous parlions déjà beaucoup de lui dans les réunions de la cellule du syndicat lycéen, auquel j’appartenais au début des années 70. Un juif antisioniste, c’était quelque chose pour nous. J’ai d’ailleurs fait mes études à l’Ecole Mohammadia des ingénieurs, car Abraham Serfaty y a été directeur des études à une époque. Il avait implanté au sein de l’école une structure d’Ila Al Amam. Après le grand procès de 1977, à l’issue duquel il a été condamné avec d’autres membres de notre organisation, j’ai été chargé avec d’autres de reconstruire le mouvement sur de nouvelles bases. En 1983, nous avons tenu une réunion interne où nous avons décidé de confier la direction du mouvement aux militants encore libres. Même s’il était en prison, Abraham Serfaty a été maintenu dans la direction, car nous voulions garder un repère. Je l’ai rencontré pour la première fois en 1985, après mon arrestation. Il était heureux de voir des jeunes assurer la continuité de son combat. C’était un colosse impressionnant par son physique, il avait de surcroît une aura pour nous, car il a préféré lutter pour la justice sociale, alors qu’il avait une grande carrière toute tracée dans l’administration. Nous avions entre 20 et 30 ans de moins que lui. À nos yeux, c’était une mémoire et une référence qui connaissait l’histoire du Parti communiste marocain et celle du gouvernement Abdallah Ibrahim (1958-1960), auquel il a participé au sein du cabinet du ministre de l’Economie, Abderrahim Bouabid. Il avait une grande bibliothèque dans sa cellule, qu’il alimentait en se faisant envoyer tous les nouveaux ouvrages importants analysant l’expérience marxiste. Il s’intéressait notamment à la perestroïka de Gorbatchev. Les réunions politiques avec lui s’apparentaient à un laboratoire d’idées, où il était ouvert et charmant, se mettant rarement en colère. En prison, Abraham Serfaty développait des conceptions nouvelles, comme lutter sur le plan légal pour arracher des libertés publiques. Il avait entre autres l’idée d’un journal pour faire passer le maximum d’idées possibles, sans mettre en équation la monarchie, afin d’éviter la censure. Précurseur, il avait été le premier à discuter avec les détenus de la Chabiba Islamiya, qui le respectaient. Il ne voulait pas leur laisser l’apanage de la religion, contrer l’islam intégriste en insistant sur l’islam populaire et le soufisme. Il voulait que nous, marxistes, puissions commencer à défendre cet islam”.
Mustapha Brahma, ancien d’Ila Al Amam, ancien codétenu d’Abraham Serfaty. Actuel secrétaire général adjoint d’Annahj Addimocrati, parti politique héritier d’Ila Al Amam.
***L’exil
“La mer était devenue une obsession pour Abraham Serfaty. Il avait grandi à Tanger en face de la Méditerranée et vécu à Casablanca au bord de l’Océan Atlantique. L’élément marin lui manquait beaucoup, car il n’avait plus vu la mer depuis le jour où il a été incarcéré, 17 ans plus tôt. Aussi, j’ai organisé un jour avec des amis un voyage sur les côtes de Vendée, en France, afin qu’il assouvisse son désir. Abraham Serfaty était comme un enfant quand il a vu l’Océan. Le Maroc lui manquait aussi beaucoup, c’était un pays pour lequel il avait combattu sous le Protectorat. Nostalgique, il en parlait très souvent et recherchait la compagnie de ses compatriotes lors de son exil. Il répondait à toutes les demandes des Marocains qui l’invitaient à intervenir lors de réunions politiques et associatives en France et jusqu’en Belgique. Il préférait ces rencontres en petit comité plutôt que les colloques et les invitations médiatiques. C’était quelqu’un de très discret et généreux, qui préférait plutôt parler des souffrances des autres que des tortures qu’on lui avait infligées. Je me souviens notamment du jour où, invité à la télévision française, il n’a jamais une seule fois parlé de son séjour en prison, préférant s’attarder sur les enterrés vivants de Tazmamart. Il en avait les larmes aux yeux”.
Samir Bensaïd, compagnon d’exil d’Abraham Serfaty de 1991 à 1999.
***Le retour à la mère patrie
“Le jour de son retour d’exil, le 30 septembre 1999, nous sommes allés nombreux l’accueillir à l’aéroport de Rabat-Salé. Il y avait notamment tous les membres du comité qui avait milité au Maroc pour que l’Etat mette fin à son bannissement. Ne le voyant pas sortir de l’aéroport, je me suis introduit dans les lieux pour arriver jusqu’à la voiture officielle où il était installé avec sa femme Christine. Je lui ai demandé de rejoindre le comité d’accueil des militants. Il m’a regardé gêné. J’ai alors compris qu’il avait subi des pressions pour ne pas nous suivre. J’ai protesté auprès de Hassan Aourid, porte-parole du Palais à l’époque, insistant sur le fait que c’était nous qui avions bataillé pour le retour de Serfaty, et non pas les officiels présents. Par la suite, nous avons rejoint Abraham à l’hôtel Hilton où on l’avait logé. Toute la nomenklatura politique, du Makhzen aux forces de gauche, faisait la queue pour le rencontrer dans sa chambre d’hôtel. Comme beaucoup de militants voulaient le voir, Abraham Serfaty est finalement descendu dans le hall de l’hôtel où l’attendaient 300 à 400 personnes. Il a pris la parole, évoquant Mohammed VI et la nouvelle ère qui s’ouvrait, selon lui. Il nous a affirmé croire que la monarchie et les forces du progrès pouvaient collaborer pour bâtir une démocratie au Maroc. Il avait une analyse trop optimiste du nouveau règne, comptant beaucoup sur Mohammed VI. Il rêvait un peu à une expérience similaire à celle du roi Juan Carlos dans l’Espagne de l’après-Franco. Beaucoup de gens, dont moi-même, sont restés interloqués devant ce discours. Je lisais même une sorte de désespoir sur certains visages. Je me rappelle notamment la mine de Abdelaziz Menebhi, ancien président de l’UNEM. A l’écoute des propos d’Abraham Serfaty, il s’est écrié : “Allah iâaouna ou iâaounek”, avant de quitter les lieux. Une fois les propos d’Abraham achevés, je me suis levé et j’ai pris la parole pour lui rendre hommage. C’était un discours totalement improvisé où j’ai insisté sur le nationaliste qui militait pour l’indépendance au sein du Parti communiste marocain, le haut cadre à l’OCP qui a sacrifié sa carrière pour se solidariser avec les mineurs de Khourbiga. J’ai évoqué aussi le militant qui a été l’un des organisateurs du mouvement révolutionnaire marocain, et n’a jamais parlé sous la torture. Je pense avoir traduit le sentiment général de l’assistance, prise entre la joie et la déception. Abraham Serfaty n’a rien dit, mais il avait compris le message. Le jour de son retour d’exil a vraiment marqué une rupture entre les militants de l’extrême gauche et lui”.Abdelhamid Amine, ancien d’Ila Al Amam, codétenu d’Abraham Serfaty (septembre 79-Août 1984).Actuel vice-président de l’AMDH.Source http://www.telquel-online.com/335/m...
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Re: Abraham Serfaty, la mort d'un brave !
Ce fut un militant admirable. Mais dommage tout de même qu'il se soit rallié à Mohammed VI à la fin de sa vie.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
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