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Vénus noire

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Message  Aura Jeu 4 Nov - 18:31

http://www.afrik.com/article21132.html
Saartjie Baartman : la "Vénus noire" exhibée
L’histoire de la "Vénus hottentote" est sur les écrans français
jeudi 28 octobre 2010 / par Claire Diao / 1 réaction



À l’heure où le gouvernementfrançais durcit son discours et sa politique sur l’immigration et parlede Français « d’origine étrangère », Vénus noire,le quatrième long-métrage du réalisateur Abdellatif Kechiche lance unpavé dans la mare en revisitant l’histoire de la "Venus hottentote",jeune femme sud-africaine exhibée en Europe au début du XIXe siècle,exposée au Musée de l’Homme en France jusqu’en 1976 et inhumée enAfrique du Sud le 9 août 2002. Retour avec l’actrice cubaine YahimaTorrès et le comédien belge Olivier Gourmet sur leur éprouvante expérience cinématographique.

Arrivée en Angleterre accompagnée de son maîtreHendrick Caezar (André Jacobs) en 1810, Saartjie Baartman (YahimaTorrès) rêve d’une carrière d’artiste. Mais c’est avec son physique quele cupide Hendrick Caezar, puis le montreur d’ours Réaux (OlivierGourmet) la feront tristement connaître. Atteinte d’hypertrophie desfesses et pourvue d’organes sexuels protubérants, la jeune femmekhoïsan devient l’attraction majeure des bas-fonds de Londres et dessalons mondains parisiens, tour à tour encensée et crainte par unpublic en mal d’exotisme. Ce corps, Saartjie Baartman le soumet à sesimprésarios et au public, elle le refuse aux scientifiques, notammentGeorges Cuvier qui aimerait illustrer sa théorie sur la hiérarchie desraces, le trahit en subissant les attouchements de libertins excitéspuis le perd dans la prostitution et la mort, avant de le voir revenirà la vie sous les traits d’un moulage amoureusement peint par Léon deWailly. Témoignage fort des traitements que les Européens ont faitsubir aux peuples colonisés jusqu’aux zoos humains du début du XXesiècle, Vénus Noire est porté par un rythmeprogressif et transcendant qui n’est pas sans rappeler le finalhaletant porté par l’actrice Hafsia Herzi dans La Graine et le Mulet.En nous présentant avant tout un personnage dépassé par sa condition defemme, noire et colonisée, Abdellatif Kechiche décrit dans un crescendofascinant l’ignominie dont la Sud-Africaine sera victime.


Afrik.com : Parlez-nous de votre première rencontre avec Abdellatif Kechiche...


Yahima Torrès : Je marchais dans les rues de Paris, il y a6 ans et Abdel m’a vu. C’est son assistant qui est venu me parler. Ilétait en train de faire le casting de La Graine et le mulet.On s’est vu plusieurs fois mais il était pris par son autre film.Quatre ans après, Abdel a fait un grand casting, d’abord aux États-Unispuis en Afrique du Sud et en France mais il était un peu inquiet car ilne trouvait pas la personne qu’il voulait. Lorsqu’il m’a retrouvé, on adémarré les préparations [Yahima a dû se couper les cheveux, prendre 16kilos et apprendre le chant, les danses tribales et l’Afrikaans] et ila repris le casting pour les autres rôles.


Olivier Gourmet : Je l’ai rencontrédans un café de Belleville parce qu’il me l’a proposé. C’était unerencontre un peu particulière parce qu’Abdel n’est pas une personne quiparle beaucoup. Il est un peu mystérieux, très « taiseux », il aimebeaucoup regarder. Moi aussi, je suis un peu comme ça, donc personnen’osait vraiment démarrer la discussion. Ça a duré trois quartsd’heure. En allant un peu plus loin dans l’intimité de chacun - ce quefaisait son père, ce que faisait mon père) -, il a fini par me dire :« Je veux faire un film sur la Vénus Hottentote ».




Afrik.com : Quelle a été votre première impression à la lecture du scénario ?


Yahima Torrès : L’histoire est très forte. En le lisant,j’avais pleinement intégré le fait que j’allais interpréter le rôle.Mais Abdel a été très clair dès le début : c’était un rôle difficile,lourd, physique. Quand on lit le scénario et le parcours de cettefemme, on est touché.


Olivier Gourmet : J’ai tout desuite reconnu la griffe, l’âme plutôt, d’Abdellatif Kechiche parcequ’il y avait déjà dans le scénario ce qui fait l’essence de soncinéma. C’est-à-dire la répétition qui devient érosion, le lecteur duscénario et le futur spectateur sont ainsi obligés d’être dansl’introspection de ce qu’ils sont en train de voir ou de ce que l’onest en train de leur montrer. C’est un film sur le regard. Et puis il yavait le danger - parce que c’est un film dangereux – sur, justement,ce que l’on montre aujourd’hui. On a des exemples tous les jours avecla téléréalité qui dérape dans tous les sens. Le cinéma et la fictionne doivent pas être le lieu où tout est permis. Il fallait respecterl’intimité de chacun, particulièrement celle de Yahima qui allait êtremise à contribution dans son intimité physique et morale. Nous devionsdonc être vigilant à ne jamais aller au-delà de ce qu’elle acceptait defaire pour ne pas lui faire subir de viol car il y a des films oùl’actrice a été manipulée et s’est sentie violée des années après.C’était le cas de Maria Schneider dans Le Dernier Tango à Paris[de Bernardo Bertolucci, 1972]. Dès la lecture du scénario, on sentaitqu’il y avait des scènes qui allaient être violentes pour elle et aussiviolentes pour nous parce que ce n’est pas facile de malmenerquelqu’un. Ça devient beaucoup plus évident à partir du moment où il ya de la complicité, une connivence et où on a vraiment conscience quetout cela n’est que du cinéma.

Afrik.com : Sur le tournage qui aduré quatre mois durant l’été 2009 en Belgique et en France, commentvous êtes vous nourri mutuellement de la fraîcheur de l’une et del’expérience de l’autre ?


Yahima Torrès : A Cuba, je faisais du théâtre à l’école.On montait un spectacle par an. Mais je faisais surtout de la danse. Lecinéma, c’est totalement nouveau pour moi. Pendant le tournage, même siles scènes étaient difficiles à faire, je sentais toujours le respectd’Olivier, d’André (Jacobs), de François (Marthouret) dans la scèneavec les scientifiques où j’étais toute nue ou encore d’Elina(Löwensohn) dans la scène du bordel. Il y avait tellement de complicitéque je n’ai jamais senti de regards déplaisants sur moi.


Olivier Gourmet : On se nourritforcément au moment du tournage de sa fraîcheur, de sa générosité doncil faut l’écouter, se mettre au diapason et la suivre. Et comme elle ledit, on se nourrissait les uns les autres de notre respect mutuel, denotre bonne humeur et de notre plaisir enfantin de faire des chosesparfois… (il rit) des choses en se disant « Bon, allons-y » tout enpensant « Mais, est-ce qu’on ne se laisse tout de même pas emmener unpeu trop loin par Abdel ? ». La scène du bordel par exemple, où jen’étais pas et où l’on voit les filles qui s’épilent et tout ça (Yahimaet lui éclatent de rire), je sais qu’après elles m’en parlaient endisant « On était tellement à l’aise qu’on s’est permis des chosesqu’on n’aurait pas fait d’emblée ».


Afrik.com : Dans la scène du salonlibertin, éprouvante à la fois pour les acteurs et pour le spectateur,comment vous êtes-vous aidé ?


Olivier Gourmet : Je dois avouer que c’était à moid’emmener les choses et à elle de les subir… (il rit, gêné) Ces scènesn’étaient pas écrites, on savait que Yahima démarrait attachée et qu’ondevait terminer sur le canapé où l’on dévoilait son sexe. Cetteimprovisation totale avec les figurants qui sont là, on l’a tournée àtrois caméras, à chaque fois 50 minutes (durée des cassettes descaméras HD, ndlr), pendant cinq nuits. C’était compliqué parce quec’est difficile d’interpeller chaque figurant avec un godemichet quin’était pas prévu. Il fallait oser et y aller. Et en même temps, ilfallait que Yahima réponde présente. Car c’est un tournant pour elledans le film : Sarah [Saartjie fut baptisée Sarah en 1811] va refuserd’aller au-delà de ses limites et Réaux va l’abandonner.Les figurantseux-mêmes étaient réticents parce que ce n’est pas évident, même sic’était un faux sexe, d’aller tout près, de toucher… C’est quand mêmel’endroit de l’intimité et Abdel me poussait à crier, à exhorter lesfigurants, à oser, à oublier leur gêne. A un moment donné je n’étaismême plus Réaux, j’étais Olivier Gourmet en train de dire aux figurants« Allez ! Allez ! Qu’on en finisse avec cette scène ! J’en peuxplus ! » (ils éclatent de rire).

Yahima Torrès : Après ça, quandelle est dans le bordel, c’est la fin de sa carrière d’artiste. Mêmedans ce spectacle [du salon libertin], elle est encore artiste maislorsqu’elle va au bout d’elle-même, elle comprend que c’est fini et selaisse mourir.



Afrik.com : Quelle a été votreréaction quand vous avez vu le film pour la première fois à la Mostrade Venise 2010 où il était en compétition ?


Yahima Torrès : Olivier est habitué à se voir à l’écranmais moi… Je savais ce qu’on avait tourné mais à l’écran c’est… (ellerit) C’est autre chose ! Et c’est difficile parce que la première foisque tu le vois, tu te rappelles tout le temps le tournage. Je ne mesuis jamais vu à l’écran dans un personnage totalement différent demoi. Il faut garder de la distance. J’ai vu le film cinq fois et àchaque fois je prends davantage de distance en me regardant en tant queSarah.


Olivier Gourmet : On ne découvre pasle film comme un spectateur vierge puisqu’on a vécu le tournage. Onremarque que telle scène a disparu, que telle autre est restée. Il yavait des scènes que j’aimais beaucoup dans le scénario qui n’y sontplus, un personnage sud-africain qui avait plus d’importance quej’aimais bien. On est tout le temps parasité par des petites choses :des souvenirs, des réflexions personnelles sur notre jeu. C’estperturbant mais on ressent, à l’intérieur de la salle, l’intensité dela concentration et de l’effet que le film semble faire sur lespectateur. A Venise, il y a eu un standing ovation pendant dixminutes, c’était émouvant.


Afrik.com : L’histoire de SaartjieBaartman nous renvoie à la relation que les populations colonisatricesont entretenue avec les peuples colonisés. Selon vous, quel regardporte aujourd’hui les Occidentaux sur les Noirs ?


Yahima Torrès : Il y a encore ce regard de différence.On n’a pas vraiment acquis d’égalité du regard. Je ne parle pas desBlancs par rapport aux Noirs, c’est bien au-delà. La société devient deplus en plus mélangée, donc il ne faut pas juger quelqu’un ou se sentirsupérieur par rapport à sa couleur.


Olivier Gourmet : Une grossemajorité a un regard de culpabilité par rapport à tout ce qui s’estpassé. Les inégalités s’amenuisent mais cela dépend encore des pays.Aux États-Unis, plus les Noirs prennent du pouvoir, plus les hommes depouvoir Blancs se sentent lésés et incitent la population à une espècede racisme, pour préserver leur propre culture plutôt que de lamétisser. C’est toujours le même problème : être supérieur, pluspuissant. On a encore beaucoup de choses à apprendre les uns parrapport aux autres. C’est normal qu’on ait peur des autres, de ce quiest inconnu, ce n’est pas une tare. Mais après, il faut vaincre etcontrer cette peur. Dans mon enfance, mon père me disait « il fautépouser une fille dont, de ta propre maison, tu vois fumer lacheminée ». Ce qui veut dire qu’un mariage se passe mieux si on épousequelqu’un de sa propre culture parce qu’on a des affinités, dessensibilités communes. Mais on devrait faire fi de ça, se mélanger, semétisser davantage et le jour où l’on sera tout à fait métissé, cesquestions ne se poseront plus. Nous sommes une jeune génération parrapport à cela. C’est long, beaucoup de gens ont souffert – plusieurssiècles d’esclavage et de colonisation - mais peut-être qu’il faudra seconnaître et s’apprivoiser pendant plusieurs centaines d’années avantque cela n’arrive. C’est un processus naturel violent, dur et péniblequ’il faut essayer d’accélérer au maximum.


Venus Noire d’Abdellatif Kechiche
Avec Yahima Torrès, André Jacobs et Olivier Gourmet
Durée : 2h39 mn
Sortie française le 27 octobre 2010
Aura
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Message  Aura Jeu 4 Nov - 18:33

j'ai trouvé que c'était un très bon film (juste un peu long !) (et un peu hard...). C'est une excellente chose que ça passe dans le circuit de la grande distribution
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Message  Gauvain Jeu 4 Nov - 20:34

Aura a écrit:j'ai trouvé que c'était un très bon film (juste un peu long !) (et un peu hard...). C'est une excellente chose que ça passe dans le circuit de la grande distribution

Je ne l'ai pas vu et je ne sais pas si je le verrai, mais c'est sûrement intéressant. En tout cas, c'est sûrement un film qui donne à réfléchir, parce qu'au fond, c'est un film sur le voyeurisme ; or il s'agit bien d'aller voir un film sur le voyeurisme (donc d'être à notre tour des voyeurs au second degré, et de ce retrouver vis-à-vis de cette dame hottentote dans une position peu ou prou similaire à celle des clients du zoo où elle était exposée). Ca doit mettre un peu mal à l'aise, non ? (mais c'est pas parce que ça met mal à l'aise que c'est pas bien !)
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Message  Aura Jeu 4 Nov - 22:06

Ca met mal à l'aise, euh pas forcément parce qu'on la regarde. C'est tout simplement écoeurant, surtout au fur et à mesure du film.

La science est très bien dénoncée aussi dans son rôle idéologique, comme fondatrice du racisme ici en l'occurence. Dans les deux scènes dans le laboratoire de Cuvier (celle du milieu du film et celle de la fin), j'ai beaucoup pensé aux médecins nazis qui pratiquaient des "expériences" sur des corps qu'ils considéraient, eux aussi, comme sous-humains, si l'on peut dire. Ou comme ceux de "race inférieure" plutôt. A ceci près que les nazis pratiquaient ça sur des gens vivants.
Ca fait froid dans le dos que ce même Cuvier soit porté aux nues ailleurs dans la société et dans l'histoire des sciences.
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Message  verié2 Ven 5 Nov - 10:02

C'est incontestablement un très bon film, très fort. Abdellatif Kechiche a beaucoup de talent.
Les meilleures scènes sont à mon avis celles où apparait Cuvier, qui mesure le crâne de cette malheureuse femme, de la même façon que les médecins nazis et pétainistes - qui n'avaient rien inventé - mesuraient les crânes des gens pour déterminer s'ils étaient juifs. Ce film nous rappelle donc que l'Allemagne nazie n'a pas eu le monopole du racisme à prétentions scientifiques : ce fut tout un courant de pensée de la science au 19ème siècle, dont Cuvier ne fut qu'un des porte-parole.

Toutefois, certaines scènes - exhibitions, orgies etc - sont vraiment très longues et répétititives. Le but du réalisateur est peut-être de mettre le spectateur - voyeur malgré lui - mal à l'aise, et il y parvient, mais il me semble que le film aurait gagné à un peu plus d'ellipses. J'ai lu sur des blogs que des femmes noires se sont senties elles-mêmes agressées en voyant ce film et qu'il les a choquées, humiliées. Un des aspects les plus gênants est que la victime ne se révolte pas, ou très peu, pour céder aussitôt à ses bourreaux. Elle est quasiment passive. Ce qui est peut-être conforme à la vérité historique, mais ne suscite pas l'empathie...

verié2

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