Jean-Luc Einaudi est mort
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Jean-Luc Einaudi est mort
Le Monde.fr | 23.03.2014 à 13h53 • Mis à jour le 23.03.2014 à 21h12 | Par Catherine Simon
L'historien et écrivain Jean-Luc Einaudi à Paris, le 6 février 2005.
L'auteur de La bataille de Paris, 17 octobre 1961 (Seuil, 1991), Jean-Luc Einaudi, dont les écrits ont mis en lumière, de façon magistrale, le rôle de l'État français dans la répression des luttes pour l'indépendance algérienne, s'est éteint, samedi 22 mars, à Paris, emporté par un cancer fulgurant. Né le 14 septembre 1951, Jean-Luc Einaudi a travaillé toute sa vie comme éducateur, auprès des jeunes – auxquels il consacra un livre, Les mineurs délinquants (Fayard, 1995). Il venait, il y a deux ans, de prendre sa retraite.
Mais ce sont ses nombreux ouvrages sur l'Algérie, fruits de recherches « méticuleuses et opiniâtres », selon les termes de l'historien Gilles Manceron, qui l'ont fait connaître du grand public. « Je ne revendique pas le titre d'historien. J'écris sur ce qui me paraît important », confiait-il, le 9 février, dans un entretien – le dernier – accordé à Berbère Télévision. Bien qu'âgé de onze ans au moment de l'indépendance de l'Algérie, en 1962, ce fils unique, issu d'une famille modeste, devenu militant maoïste dans l'après-1968, s'était intéressé très vite aux combats anticolonialistes – du Vietnam à l'Algérie.
Rédacteur « bénévole » à l'Humanité Rouge, journal fondé par Jacques Jurquet, son aîné et ami, le jeune militant du Parti communiste marxiste-léniniste de France (PCMLF) fit alors, dans les années 1970 et 1980, la rencontre de plusieurs grandes figures du mouvement anticolonialiste, parmi lesquels Claude Bourdet, Georges Mattéi et Pierre Vidal-Naquet – lequel rédigea la préface du premier livre de Jean-Luc Einaudi, Pour l'exemple. L'affaire Fernand Yveton (L'Harmattan, 1986).
Il fit également la connaissance, dès cette époque, de responsables algériens du FLN – lesquels lui ouvriront bien des portes, plus tard. L'étude des différents aspects de la répression française, exercée contre les Algériens, en particulier, en octobre 1961, à Paris, à l'occasion de la désormais fameuse manifestation organisée à l'appel du Front de libération nationale (FLN), allait transformer Jean-Luc Einaudi en enquêteur hors pair – et en pionnier, souvent solitaire, du travail de mémoire.
Son livre La bataille de Paris levait le voile sur l'une des pages les plus sombres de l'histoire franco-algérienne, sur laquelle l'université ne s'était, jusque là, guère penchée. Le 17 octobre, et dans les semaines qui suivirent, « plus de cent cinquante personnes sont mortes ou disparues », révélait Jean-Luc Einaudi, pointant du doigt la responsabilité des forces de l'ordre – alors dirigées par le préfet de police Maurice Papon.
Cet ouvrage allait provoquer un véritable choc dans la société française – et connaître un succès retentissant. Une nouvelle édition augmentée, Octobre 1961. Un massacre à Paris (Fayard-Pluriel), a été publiée en 2011. Jean-Luc Einaudi allait néanmoins longtemps payer son courage et sa détermination. En 1999, Maurice Papon, alors poursuivi pour crimes contre l'humanité, portait plainte contre Jean-Luc Einaudi, dont les déclarations devant la cour d'assises de Bordeaux l'avaient ulcéré. L'ancien préfet de police fut finalement débouté. Mais cette bataille laissa des traces – avec, notamment, la « mise au placard », durant de longues années, de deux conservateurs des archives de Paris, « victimes de sanctions dissimulées », s'indigna Jean-Luc Einaudi.
BRISEUR DE TABOU ET HÉROS MORAL
Passionné d'histoire, l'éducateur de la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse, au sein du ministère de la justice) s'intéressa aussi aux « petites gens », à ces « militants sans défaillance, qui lui ressemblaient », relève l'historien René Galissot. Du père Georges Arnold, curé du Prado, à Baya Allaouiche, en passant par Lisette Vincent, Maurice et Odette Laban, la liste est longue de tous ceux – et celles, surtout – auxquels Jean-Luc Einaudi prêta sa voix, leur rendant hommage à travers des biographies.
Briseur de tabous, ne craignant point de s'attaquer à plus puissant que lui, que ce soit en France ou en Algérie – qu'il sillonna longuement, en 1987 – cet auteur atypique fut un « héros moral », souligne l'historien algérien Mohammed Harbi. Derrière son apparence de rugbyman bourru, Jean-Luc Einaudi cachait une immense sensibilité. On la retrouve, intacte, comme sa colère face à l'injuste, dans son dernier ouvrage, Le dossier Younsi. 1962 : procès secret d'un chef FLN en France (Tirésias, 2013), un livre dérangeant et rare, à l'image de l'auteur.
Les funérailles de Jean-Luc Einaudi auront lieu cette semaine, au cimetière parisien du Père Lachaise.
L'historien et écrivain Jean-Luc Einaudi à Paris, le 6 février 2005.
L'auteur de La bataille de Paris, 17 octobre 1961 (Seuil, 1991), Jean-Luc Einaudi, dont les écrits ont mis en lumière, de façon magistrale, le rôle de l'État français dans la répression des luttes pour l'indépendance algérienne, s'est éteint, samedi 22 mars, à Paris, emporté par un cancer fulgurant. Né le 14 septembre 1951, Jean-Luc Einaudi a travaillé toute sa vie comme éducateur, auprès des jeunes – auxquels il consacra un livre, Les mineurs délinquants (Fayard, 1995). Il venait, il y a deux ans, de prendre sa retraite.
Mais ce sont ses nombreux ouvrages sur l'Algérie, fruits de recherches « méticuleuses et opiniâtres », selon les termes de l'historien Gilles Manceron, qui l'ont fait connaître du grand public. « Je ne revendique pas le titre d'historien. J'écris sur ce qui me paraît important », confiait-il, le 9 février, dans un entretien – le dernier – accordé à Berbère Télévision. Bien qu'âgé de onze ans au moment de l'indépendance de l'Algérie, en 1962, ce fils unique, issu d'une famille modeste, devenu militant maoïste dans l'après-1968, s'était intéressé très vite aux combats anticolonialistes – du Vietnam à l'Algérie.
Rédacteur « bénévole » à l'Humanité Rouge, journal fondé par Jacques Jurquet, son aîné et ami, le jeune militant du Parti communiste marxiste-léniniste de France (PCMLF) fit alors, dans les années 1970 et 1980, la rencontre de plusieurs grandes figures du mouvement anticolonialiste, parmi lesquels Claude Bourdet, Georges Mattéi et Pierre Vidal-Naquet – lequel rédigea la préface du premier livre de Jean-Luc Einaudi, Pour l'exemple. L'affaire Fernand Yveton (L'Harmattan, 1986).
Il fit également la connaissance, dès cette époque, de responsables algériens du FLN – lesquels lui ouvriront bien des portes, plus tard. L'étude des différents aspects de la répression française, exercée contre les Algériens, en particulier, en octobre 1961, à Paris, à l'occasion de la désormais fameuse manifestation organisée à l'appel du Front de libération nationale (FLN), allait transformer Jean-Luc Einaudi en enquêteur hors pair – et en pionnier, souvent solitaire, du travail de mémoire.
Son livre La bataille de Paris levait le voile sur l'une des pages les plus sombres de l'histoire franco-algérienne, sur laquelle l'université ne s'était, jusque là, guère penchée. Le 17 octobre, et dans les semaines qui suivirent, « plus de cent cinquante personnes sont mortes ou disparues », révélait Jean-Luc Einaudi, pointant du doigt la responsabilité des forces de l'ordre – alors dirigées par le préfet de police Maurice Papon.
Cet ouvrage allait provoquer un véritable choc dans la société française – et connaître un succès retentissant. Une nouvelle édition augmentée, Octobre 1961. Un massacre à Paris (Fayard-Pluriel), a été publiée en 2011. Jean-Luc Einaudi allait néanmoins longtemps payer son courage et sa détermination. En 1999, Maurice Papon, alors poursuivi pour crimes contre l'humanité, portait plainte contre Jean-Luc Einaudi, dont les déclarations devant la cour d'assises de Bordeaux l'avaient ulcéré. L'ancien préfet de police fut finalement débouté. Mais cette bataille laissa des traces – avec, notamment, la « mise au placard », durant de longues années, de deux conservateurs des archives de Paris, « victimes de sanctions dissimulées », s'indigna Jean-Luc Einaudi.
BRISEUR DE TABOU ET HÉROS MORAL
Passionné d'histoire, l'éducateur de la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse, au sein du ministère de la justice) s'intéressa aussi aux « petites gens », à ces « militants sans défaillance, qui lui ressemblaient », relève l'historien René Galissot. Du père Georges Arnold, curé du Prado, à Baya Allaouiche, en passant par Lisette Vincent, Maurice et Odette Laban, la liste est longue de tous ceux – et celles, surtout – auxquels Jean-Luc Einaudi prêta sa voix, leur rendant hommage à travers des biographies.
Briseur de tabous, ne craignant point de s'attaquer à plus puissant que lui, que ce soit en France ou en Algérie – qu'il sillonna longuement, en 1987 – cet auteur atypique fut un « héros moral », souligne l'historien algérien Mohammed Harbi. Derrière son apparence de rugbyman bourru, Jean-Luc Einaudi cachait une immense sensibilité. On la retrouve, intacte, comme sa colère face à l'injuste, dans son dernier ouvrage, Le dossier Younsi. 1962 : procès secret d'un chef FLN en France (Tirésias, 2013), un livre dérangeant et rare, à l'image de l'auteur.
Les funérailles de Jean-Luc Einaudi auront lieu cette semaine, au cimetière parisien du Père Lachaise.
Dernière édition par gérard menvussa le Lun 24 Mar - 11:22, édité 1 fois
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Re: Jean-Luc Einaudi est mort
C'est très triste. Il n'avait que 63 ans. C'était un type vraiment bien que je connaissais. Il m'avait encore récemment parlé de son dernier bouquin. Un historien militant acharné comme il y en a peu.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Jean-Luc Einaudi est mort
Iveton s'écrit Iveton merde, Catherine Simon!
Un manque de sérieux fondé sur du mépris pour le petit ouvrier communiste pied-noir algérien!
Un manque de sérieux fondé sur du mépris pour le petit ouvrier communiste pied-noir algérien!
artza- Messages : 114
Date d'inscription : 29/04/2013
Re: Jean-Luc Einaudi est mort
Cette erreur d'orthographe est assez courante (pour information, si on fait une recherche sur google, il y a un rapport de 1/4 entre les deux orthographes) Je ne pense pas qu'elle montre "forcément" un "mépris" de la journaliste pour un militant anticolonialiste communiste (alors même que l'article lui même m'a paru trés correct)....
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Re: Jean-Luc Einaudi est mort
Communiqué du npa :
Disparition de Jean-Luc Einaudi
Ironie de l’Histoire, qu’il aimait tant, c’est un 22 mars, journée de mobilisation internationale contre le racisme et le fascisme, et pleine de symbole pour toute une génération de militantEs issusEs de Mai 68, que Jean Luc Einaudi, notre ami, notre camarade, vient de tirer sa révérence. Son décès est une perte immense, elle affecte les internationalistes, les anticolonialistes et les antifascistes que nous sommes. Militant du Parti Communiste Marxiste Léniniste de France (PCMLF) et rédacteur à l’Humanité Rouge, au début des années 70, il n’abandonnera jamais le combat politique après la dissolution de son organisation. Fidèle compagnon de route du réseau Ras l’front, il était toujours disponible pour parler à un meeting, participer à une manifestation, rédiger une brochure...ou distribuer un tract. Educateur à la Protection Judiciaire de la Jeunesse, militant pédagogique actif contre les politiques sécuritaires, il était profondément engagé auprès des jeunes en difficulté à qui il consacra un livre : « Les mineurs délinquants ». Mais c’est le rôle essentiel de passeur de mémoire, de chercheur opiniâtre de la vérité historique qu’il a joué, pour lequel tout le mouvement révolutionnaire lui doit une reconnaissance absolue. Avec modestie, il ne revendiquait pas le titre d’historien qu’il était pourtant devenu pour « servir la cause ». Profondément indigné par l’amnésie générale qui frappait la société française sur ses crimes commis pendant sa guerre coloniale contre le peuple algérien, il n’hésitait pas à se lancer, avec une poignée d’amis, malgré l’hostilité du pouvoir, et des partis institutionnels, dans un travail de recherches difficiles, qui aboutiront à la publication de « la bataille de Paris », enquête minutieuse sur le crime d’Etat commis le 17 octobre 1961 à Paris contre la communauté algérienne. Le livre fit scandale et le préfet Maurice Papon tenta de le faire interdire. Dans une autre de ses œuvres : « pour l’exemple Fernand Iveton » Il relate la vie de ce militant du Parti Communiste Algérien, condamné à mort pour des faits de résistance aux côtés du FLN, et qui sera guillotiné le 11 février 1957, après le refus de recours en grâce déposé par ses avocats par le ministre de la justice de l’époque...François Mitterrand.
Le NPA présente ses condoléances militantes à sa famille, à ses amiEs et camarades.
Salut Jean Luc...Nous continuerons ton combat !
Montreuil, le 24 mars 2014
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
Age : 67
Localisation : La terre
Re: Jean-Luc Einaudi est mort
Christine, sa femme, Elsa, sa fille
ont l'immense chagrin de vous faire part de la disparation de
Jean-Luc EINAUDI
survenue le 22 mars 2014, au lever du jour, dans sa 62ème année à la Maison médicale Jeanne Garnier,Paris 15ème
Ses funérailles se dérouleront le 28 mars 2014 à 14h30 au crématorium du Père Lachaise dans la salle "La coupole".
Les fleurs offertes seront déposées au "mur des fédérés" après l'hommage.
verié2- Messages : 8494
Date d'inscription : 11/07/2010
Re: Jean-Luc Einaudi est mort
Mort de Jean-Luc Einaudi : militant contre l'oubli du 17 octobre 1961
Jean-Luc Einaudi, l'auteur de La Bataille de Paris, 17 octobre 1961 est mort samedi 22 mars. Militant dans sa jeunesse d'un parti maoïste, le PCMLF, éducateur, il choisit d'écrire pour dénoncer le colonialisme et la responsabilité de l'État français dans les massacres coloniaux en Indochine et en Algérie. Son premier livre fut ainsi consacré à l'affaire Fernand Iveton (Pour l'exemple. L'affaire Fernand Iveton) qui dénonçait l'exécution de ce militant communiste en 1957, en même temps que deux militants algériens, sur décision du ministre de la Justice de l'époque, un certain François Mitterrand. Mais c'est surtout à la dénonciation des massacres du 17 octobre 1961 à Paris qu'il se consacra, des massacres longtemps occultés par les gouvernements successifs.
Ce jour-là, alors que l'armée française menait depuis sept ans sa sale guerre coloniale contre l'indépendance de l'Algérie, en plein Paris une manifestation pacifique de dizaines de milliers d'Algériens fut violemment réprimée. Des centaines de manifestants furent massacrés par des policiers, sur ordre du préfet de police de l'époque, Maurice Papon.
Si la violence de cette répression fut longtemps niée par les gouvernements de l'État français, de gauche comme de droite, l'ouvrage de Jean-Luc Einaudi, paru en 1991, contribua à mettre ces crimes coloniaux sur la place publique.
Si le préfet de police Maurice Papon fut jugé et condamné pour complicité de crime contre l'humanité dans l'envoi de Juifs à la mort pendant l'Occupation, il ne le fut jamais pour ses actes d'octobre 1961. Pour avoir témoigné contre Papon, en 1997, devant la cour d'assises de Bordeaux, sur la répression sanglante de 1961, Jean-Luc Einaudi fut attaqué en diffamation par celui-ci. Il eut tout de même finalement gain de cause.
Jean-Luc Einaudi était plus qu'un historien, un militant contre l'oubli et le mensonge qui continuent d'entourer les crimes coloniaux commis par l'impérialisme français.
Aline RETESSE
Une nouvelle édition augmentée de La Bataille de Paris, 17 octobre 1961 intitulée Octobre 1961, un massacre à Paris a été publiée en 2011.
LO 28 MARS
mykha- Messages : 1079
Date d'inscription : 19/06/2013
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