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Jean-Paul Sartre

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Message  Roseau Sam 20 Juil - 2:18

Entretien inédit avec Jean-Paul Sartre 1/2 : L’amitié est un outil politique

C'était en juin 1978 : pour aider le journal du Parti des travailleurs, fondé par Lula,
quatre jeunes Brésiliens invitent Sartre à réfléchir sur les partis révolutionnaires,
la fraternité en politique, la force du féminisme.
Cet entretien, jamais publié en français,
permet encore aujourd'hui d'appréhender les révoltes en Turquie, en Égypte, au Brésil...
Il est accompagné de l'enregistrement audio de l'époque, où l'on entend le philosophe construire sa pensée.

http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/150713/entretien-inedit-avec-jean-paul-sartre-12-l-amitie-est-un-outil-politique
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Message  Roseau Lun 22 Juil - 12:26

http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/150713/entretien-inedit-avec-jean-paul-sartre-22-le-feminisme-meilleur-cas-de-fraternite
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Message  sylvestre Ven 31 Jan - 18:02

Pierre Frank, 1952 Jean-Paul Sartre, le léninisme et le stalinisme
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Message  verié2 Ven 31 Jan - 19:10

sylvestre a écrit:Pierre Frank, 1952 Jean-Paul Sartre, le léninisme et le stalinisme
Que Sartre ait pu avoir une "importance" dans les milieux intellectuels en 1952, au point que Frank ait pris la peine de polémiquer avec lui, soit. Mais quel intérêt peuvent avoir ses discours aujourd'hui ? A moins de le considérer comme un théoricien du mouvement ouvrier Suspect, son interview aurait plutôt sa place dans la rubrique littéraire....

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Message  Estirio Dogante Ven 31 Jan - 21:22


....A moins de le considérer comme un théoricien du mouvement ouvrier Suspect, son interview aurait plutôt sa place dans la rubrique littéraire....

Certains sont bien capables de le considérer un "penseur ouvrier"! Ce penseur idéaliste subjectif réactionnaire qui faisait parti comme tant d'autres, et sur tous les domaines de la superstructure, de la contre-offensive idéologique de la réaction et de l'impérialisme. Leur point commun? Le subjectivisme le plus débridé, la réaction du XVII siècle présenté comme "modernité", tout cela médiatisé comme il se doit, jusqu'à maintenant.
L'épigone, l'étoile et le nord, le reflet de la crise de la pensée capitaliste.

Le même qui, une fois démoli par G. Lukacs ("Marxisme ou Existentialisme?"), est passé on ne sait où (dans le confort bien bourgeois de riche écrivain adulé) et qui a nourri les Glucksman, les July, les BHL et tant d'autres "intellectuels" encore pires que lui. Alors le borgne peut passer pour roi et peut encore être ressuscité dans ce temps de réaction sur toute la ligne.

La philosophie du XX eme siècle est restée à Lénine (voir ses cahiers philosophiques, indispensables aujourd'hui, et le jamais suffisamment loué "Matérialisme et Empiriocriticisme" (n'en parlons pas d'étudié...) et à Lukacs (son Ontologie, sa Esthétique) . Le reste se trouve à des siècles de retard.






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Message  sylvestre Sam 1 Fév - 17:51

verié2 a écrit:
sylvestre a écrit:Pierre Frank, 1952 Jean-Paul Sartre, le léninisme et le stalinisme
Que Sartre ait pu avoir une "importance" dans les milieux intellectuels en 1952, au point que Frank ait pris la peine de polémiquer avec lui, soit. Mais quel intérêt peuvent avoir ses discours aujourd'hui ? A moins de le considérer comme un théoricien du mouvement ouvrier Suspect, son interview aurait plutôt sa place dans la rubrique littéraire....

Perso je pense que Sartre
- vaut toujours le coup d'être lu
- est toujours lu par un certain nombre de militants

Par exemple "réflexions sur la question juive" est un excellent bouquin qu'il est vraiment intéressant de lire ou relire pour comprendre les mécanismes du racisme - Pierre Tevanian en a très bien parlé. D'autre part le livre de Ian Birchall "Sartre et l'extrême-gauche française" a eu un relatif succès et ce n'est pas un hasard : parce que la pensée de Sartre permet d'explorer et de remettre en question une série de sujets importants pour tout militant se réclamant du marxisme, sur le rôle de l'individu, les articulations entre les oppressions, le rôle de la culture, etc. et parce que "Sartre" est devenu pour l'idéologie dominante le nom d'un démon qu'elle cherche à exorciser - rares sont les penseurs médiatiques qui ne parlent pas avec délectation des "erreurs de Sartre" (par quoi il faut entendre ses prises de position révolutionaires).
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Message  Roseau Sam 1 Fév - 18:33

Bon rappel. Mais en plus, alors que les staliniens s'opposaient ou minaudaient,
Sartre était de notre côté et souvent son influence nous a beaucoup aidé !
Exemples: pour soutenir les droits de femmes,
la guerre de libération des vietnamines et des palestiniens
ou la lutte au sein de l'armée française.
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Message  Byrrh Dim 2 Fév - 1:37

On peut au moins lire de Sartre Réflexions sur la question juive, que l'on trouve d'ailleurs toujours à la librairie de la Fête de LO.

On peut également trouver sympathique le fait qu'il ait aidé certaines publications d'extrême gauche à ne pas être interdites, dans les années 70... même si ce n'étaient souvent pas les meilleures publications.

Pour le reste, eh bien... scratch 

Je pense qu'il a participé, dans les années 60-70, à cette inflation générale de textes réputés subversifs, qui étaient alors à la mode mais dont on peut légitimement se demander aujourd'hui à quoi ils pouvaient servir — à part à alimenter, comme l'ont fait également Bourdieu et Foucault, un gauchisme universitaire qui ne sert à rien, et certainement pas à donner des perspectives aux travailleurs.

Byrrh

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Message  mykha Dim 2 Fév - 2:04

Pour le reste, eh bien... scratch

Je pense qu'il a participé, dans les années 60-70, à cette inflation générale de textes réputés subversifs, qui étaient alors à la mode mais dont on peut légitimement se demander aujourd'hui à quoi ils pouvaient servir — à part à alimenter, comme l'ont fait également Bourdieu et Foucault, un gauchisme universitaire qui ne sert à rien, et certainement pas à donner des perspectives aux travailleurs.

Parfaitement d'accord avec ce point de vue et on pourrait évidemment la liste de ces intellectuels qui "réinventent" régulièrement des moyens nouveaux d'être dans la posture gauchiste sans se mettre au service de l'organisation nécessaire des exploités et même d'en contester le bien fondé.
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Message  verié2 Dim 2 Fév - 19:40

Pour en revenir à Sartre, je dois avouer que je ne connais que ses romans, ses pièces de théâtre et... ses "engagements" politiques. Il est possible qu'il ait dit des choses intéressantes sur le féminisme et l'homosexualité, mais il me semble tout de même que ce sont les luttes des femmes et des homosexuels des années soixante-dix qui ont fait progresser leur cause. Sans nier le rôle des intellectuels, je ne suis pas vraiment convaincu qu'il ait joué un rôle considérable sur ce terrain où il était bien loin d'être seul.

Mais, en revanche, sur le plan politique, Sartre s'est caractérisé par son oscillation entre la position de compagnon de route du stalinisme et l'anti-communisme, avec une certaine incapacité à distinguer le stalinisme du communisme. Sa tentative de constituer le RDR en 1947 pour constituer un parti se situant entre le PCF et la SFIO préfigure un peu le PSU et a échoué rapidement en l'absence de bases politiques claires. Ensuite il est revenu plus ou moins au bercail stalinien. On peut dire qu'il a eu le mérite dans les années soixante-dix de donner son nom pour le journal maoïste La cause du peuple, mais il n'avait pas choisi ce qu'il y avait de mieux à l'extrême-gauche...

Quelle qu'aient pu être sa part de sincérité et sa part de pose (difficile à dire, c'était tout de même un mondain qui participait à des fêtes de l'équivalent de la jet-set de l'époque), il n'avait rien d'un intellectuel révolutionnaire et on peut même dire qu'il s'est toujours trompé dans un sens ou dans l'autre.

Je ne l'ai pas lu depuis un bail, mais je ne vois pas trop quel intérêt il présente aujourd'hui. Ce n'est sans doute pas un hasard s'il fait partie des gens encensés par l'intelligentsia officielle, qui s'encense elle-même du même coup...

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Message  Copas Dim 2 Fév - 21:37

verié2 a écrit:Pour en revenir à Sartre, je dois avouer que je ne connais que ses romans, ses pièces de théâtre et... ses "engagements" politiques. Il est possible qu'il ait dit des choses intéressantes sur le féminisme et l'homosexualité, mais il me semble tout de même que ce sont les luttes des femmes et des homosexuels des années soixante-dix qui ont fait progresser leur cause. Sans nier le rôle des intellectuels, je ne suis pas vraiment convaincu qu'il ait joué un rôle considérable sur ce terrain où il était bien loin d'être seul.

Mais, en revanche, sur le plan politique, Sartre s'est caractérisé par son oscillation entre la position de compagnon de route du stalinisme et l'anti-communisme, avec une certaine incapacité à distinguer le stalinisme du communisme. Sa tentative de constituer le RDR en 1947 pour constituer un parti se situant entre le PCF et la SFIO préfigure un peu le PSU et a échoué rapidement en l'absence de bases politiques claires. Ensuite il est revenu plus ou moins au bercail stalinien. On peut dire qu'il a eu le mérite dans les années soixante-dix de donner son nom pour le journal maoïste La cause du peuple, mais il n'avait pas choisi ce qu'il y avait de mieux à l'extrême-gauche...

Quelle qu'aient pu être sa part de sincérité et sa part de pose (difficile à dire, c'était tout de même un mondain qui participait à des fêtes de l'équivalent de la jet-set de l'époque), il n'avait rien d'un intellectuel révolutionnaire et on peut même dire qu'il s'est toujours trompé dans un sens ou dans l'autre.

Je ne l'ai pas lu depuis un bail, mais je ne vois pas trop quel intérêt il présente aujourd'hui. Ce n'est sans doute pas un hasard s'il fait partie des gens encensés par l'intelligentsia officielle, qui s'encense elle-même du même coup...

Que les choses soient claires : je n'ai jamais vraiment encaisser Sartre
Toutefois il fut de beaucoup de combats pour les libertés démocratiques .
Il m'est arrivé de tombé sur des traces de polémique entre Sartre et des marxiste-révolutionnaires, par exemple une lettre de Mandel à Sartre dans les années 50, ou de vois certaines polémiques, etc, la question de son anti-communisme ne m'a pas vraiment alerté.

Il faut le resituer en contexte sur plusieurs phases complexes de la période, la sortie de la guerre, la fin  des années 50 qui conjugue les soubresauts violents de la sortie du colonialisme, la ré-accumulation de forces qui exploseront en 68,  puis la phase 68/post 68.

Et surtout une période où les intellectuels comme petite couche sociale petite-bourgeoise au rôle ambivalent, des fois ventriloque des aspirations populaires, voir des fois porte-parole de ces aspirations, avaient un poids et un rôle spécifique dans les rapports de classe.

C'est fini.

La massification de la culture est passée par là.
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Message  mykha Dim 2 Fév - 22:07

Et surtout une période où les intellectuels comme petite couche sociale petite-bourgeoise au rôle ambivalent, des fois ventriloque des aspirations populaires, voir des fois porte-parole de ces aspirations, avaient un poids et un rôle spécifique dans les rapports de classe.

Pas d'accord.
Si tout ce petit monde, cette "intelligentzia" avaient un poids, c'est sur la petite-bourgeoisie et sur partie des militants qui cherchaient du nouveau, et qui surtout voulaient apparaitre démarqués d'un mouvement ouvrier et d'une classe ouvrière ne correspondant pas à leurs "idéaux" ou représentations; à tous ceux qui, rejetant légitimement le stalinisme du PC et de la Cgt, rejetaient,avec, tout ce qui faisait la force et la cohésion de classe du monde du travail.
Il suffit de voir ce que sont devenus les émules ou apôtres de tout ce petit monde qui prétendait, dans les années 70 penser et intellectualiser à gauche du PC mais surtout en dehors de la classe ouvrière et des fondamentaux du marxisme. Dérives maoïstes délirantes, extases quasi-mystiques devant Debord et Cie, errements anarchisants, recherches de marginalités, romantisme révolutionnaire etc....
Puis, disparition totale, même pas contre un vent adverse, mais simplement quand le vent a cessé de souffler.
Il y a en tous cas beaucoup de leçons à tirer pour l'avenir, de ces séductions de surface qui ont embarqué (et pourraient encore embarquer) des militants ou aspirants militants communistes qui ne considèrent pas que le premier boulot des révolutionnaires est de trouver le chemin de la classe ouvrière réelle.
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Message  Copas Dim 2 Fév - 22:56

mykha a écrit:
Et surtout une période où les intellectuels comme petite couche sociale petite-bourgeoise au rôle ambivalent, des fois ventriloque des aspirations populaires, voir des fois porte-parole de ces aspirations, avaient un poids et un rôle spécifique dans les rapports de classe.

Pas d'accord.
Si tout ce petit monde, cette "intelligentzia" avaient un poids, c'est sur la petite-bourgeoisie et sur partie des militants qui cherchaient du nouveau, et qui surtout voulaient apparaitre démarqués d'un mouvement ouvrier et d'une classe ouvrière ne correspondant pas à leurs "idéaux" ou représentations; à tous ceux qui, rejetant légitimement le stalinisme du PC et de la Cgt, rejetaient,avec, tout ce qui faisait la force et la cohésion de classe du monde du travail.
Il suffit de voir ce que sont devenus les émules ou apôtres de tout ce petit monde qui prétendait, dans les années 70 penser et intellectualiser à gauche du PC mais surtout en dehors de la classe ouvrière et des fondamentaux du marxisme. Dérives maoïstes délirantes, extases quasi-mystiques devant Debord et Cie, errements anarchisants, recherches de marginalités, romantisme révolutionnaire etc....
Puis, disparition totale, même pas contre un vent adverse, mais simplement quand le vent a cessé de souffler.
Il y a en tous cas beaucoup de leçons à tirer pour l'avenir, de ces séductions de surface qui ont embarqué (et pourraient encore embarquer) des militants ou aspirants militants communistes qui ne considèrent pas que le premier boulot des révolutionnaires est de trouver le chemin de la classe ouvrière réelle.

Tu mélanges tout et ne comprend pas le sens d'une phrase, dommage...
Tu ne comprends pas ce que fut la place d'un V Hugo dans l'imaginaire populaire et d'autres intellectuels dans l'histoire, tu méconnais la place de la couche petite-bourgeoise des intellectuels dans l'histoire et par conséquent ne comprend ni son rôle ni évidemment ne comprends la fin de ce rôle spécifique dans l'histoire moderne.

Perte de temps...

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Message  mykha Dim 2 Fév - 23:37

Tu mélanges tout et ne comprend pas le sens d'une phrase, dommage...
Tu ne comprends pas ce que fut la place d'un V Hugo dans l'imaginaire populaire et d'autres intellectuels dans l'histoire, tu méconnais la place de la couche petite-bourgeoise des intellectuels dans l'histoire et par conséquent ne comprend ni son rôle ni évidemment ne comprends la fin de ce rôle spécifique dans l'histoire moderne.

Je ne vois guère ce que vient faire Hugo pour illustrer ton propos dans le contexte historique que tu évoquais :

Il faut le resituer en contexte sur plusieurs phases complexes de la période, la sortie de la guerre, la fin des années 50 qui conjugue les soubresauts violents de la sortie du colonialisme, la ré-accumulation de forces qui exploseront en 68, puis la phase 68/post 68.

Et surtout une période où les intellectuels comme petite couche sociale petite-bourgeoise au rôle ambivalent, des fois ventriloque des aspirations populaires, voir des fois porte-parole de ces aspirations, avaient un poids et un rôle spécifique dans les rapports de classe.

Tu devrais trouver des exemples plus parlants pour démontrer que certains intellectuels "avaient un poids et un rôle spécifique dans les rapports de classe".....dans les années 1950, 60, 70....en dehors de celui que je leur ai reconnu.
Quand à Hugo, puisque tu le cites,même de façon complètement anachronique, ses rapports avec l'action révolutionnaire concrète, la Commune de Paris, illustrent bien que ces gens là ne sont jamais les amis du prolétariat quand il sort de son rôle de classe souffrante pour devenir la classe qui s'attaque concrètement au pouvoir de la bourgeoisie : du mépris, de la haine et la justification de la répression bourgeoise.....
et si Hugo et ses pareils avaient eux-aussi "du poids", c'est sur certaines fractions de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie républicaines qui considéraient, au mieux, les prolétaires comme une masse de manoeuvre au service de leur progressisme capitaliste.
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Message  mykha Lun 3 Fév - 1:40

Quelques lignes de Paul Lafargue à propos de l'enterrement de Victor Hugo:

Le premier juin 1885 Paris célébrait les plus magnifiques funérailles du siècle : il enterrait Victor Hugo il poeta sovrano.

Pendant dix jours, la presse tout entière prépara l'opinion publique de France et d'Europe. Paris, un instant ému, par la promenade du drapeau rouge et les charges policières du Père Lachaise, qui revivifiaient les souvenirs de la Semaine sanglante, se remit à ne s'occuper que de celui qui fut "le plus illustre représentant de la conscience humaine". Les journaux n'avaient pas assez de leurs trois pages — la quatrième étant prise par les annonces, —pour exalter "le génie en qui vivait l'idée humaine". La langue que Victor Hugo avait cependant enrichie de si nombreuses expressions laudatives, semblait pauvre aux journalistes, du moment qu'elle était appelée à traduire leur admiration pour "le plus gigantesque penseur de l'univers", on recourut à l'image. Une feuille du soir, à court de vocables, représenta sur sa première page, le soleil plongeant dans l'océan. La mort de Hugo était la mort d'un astre. "L'art était fini !".

La population, brassée par l'enthousiasme journalistique, jeta trois cent mille hommes, femmes et enfants, derrière le char du pauvre qui emportait le poète au Panthéon, et un million sur les places, les rues et les trottoirs par où il passait.

Un vélum noir voilait de deuil l'Arc de Triomphe de la gloire impériale ; la lumière des becs de gaz et des lampadaires filtrait, lugubre, à travers le crêpe ; des couronnes d'immortelles et de peluches, des portraits de Hugo sur son lit de mort, des médailles de bronze, portant gravé : Deuil national..., enfin tous les symboles de la douleur désespérée avaient été réquisitionnés, et pourtant la multitude immense n'avait ni regrets pour le mort, ni souvenirs pour l'écrivain : Hugo lui était indifférent. Elle paraissait ignorer que l'on menait, sous ses yeux, au Panthéon "le plus grand poète qui eût jamais existé".

La foule houleuse et de belle humeur témoignait bruyamment sa satisfaction du temps et du spectacle ; elle s'enquérait du nom des célébrités et des délégations de villes et de pays qui défilaient pour son plaisir ; elle admirait les monumentales couronnes de fleurs portées sur des chars ; elle applaudissait les fifres des sociétés de tir, déchirant les oreilles de leurs airs discordants ; elle saluait de rires ironiques Déroulède et son sérieux en redingote verte ; et pour mettre le comble à sa joie, il ne manquait que le blason des Benni-bouffe-toujours du cortège, — le lapin sauté et leur arme, — la colossale seringue de carton.

Acteurs et spectateurs jubilaient. Il est vrai que les habitants des grands boulevards, désappointés de ce que l'on ne promenait pas le cadavre devant leurs portes, supputaient avec aigreur les sommes rondelettes qu'ils n'auraient pas manqué d'empocher ; le cœur ulcéré, ils se racontaient que des fenêtres et des balcons avaient été loués des centaines et des milliers de francs ; qu'en trois heures d'horloge on gagnait deux fois et plus le loyer de six mois. Mais le chagrin des grincheux disparaissait dans la réjouissance générale. Les brasseries à femmes du boulevard Saint-Michel débordaient sur le trottoir en échafaudage ; on achetait au poids de l'or le droit d'y cuire au soleil, en s'arrosant de bière frelatée. Les petites gens, installées aux bons endroits, dès la pointe du jour, qui avec une chaise, qui avec une table, un banc, une échelle, les cédaient aux curieux pour le prix de deux journées de rigolade et de vie de rentier. Les hôteliers, les cabaretiers, les fricoteurs de la race goulue souriaient d'allégresse en palpant dans leurs poches les pièces de cent sous que la fête rapportait : l'un d'eux disait d'un air très convaincu : "il faudrait qu'il meure toutes les semaines un Victor Hugo pour faire aller le commerce !" Le commerce marchait en effet ! Commerce de fleurs et d'emblèmes mortuaires ; commerce de journaux, de gravures, de lyres en zinc bronzé, doré, argenté, de médailles en galvano, d'effigies montées en épingle; commerce de crêpe noir et de brassards, d'écharpes, de rubans tricolores et multicolores ; commerce de bière, de vin, de charcuterie ; les gens affamés mangeaient et buvaient debout dans la rue, devant les comptoirs, n'importe quoi et à n'importe quel prix ; commerce d'amour, — les provinciaux et les étrangers, venus des quatre coins de l'horizon, honoraient le mort en festoyant avec les horizontales.

Les funérailles du premier juin ont été dignes du mort qu'on panthéonisait et dignes de la classe qui escortait le cadavre.

Les organisations socialistes révolutionnaires de France et de l'Etranger, qui sont la partie consciente du prolétariat, ne s'étaient pas fait représenter aux obsèques de Victor Hugo. Les anarchistes faisaient exception et pour se distinguer une fois de plus des socialistes révolutionnaires, ils essayèrent de mêler leur drapeau noir aux drapeaux multicolores du cortège; Elisée Reclus, leur homme remarquable, pria son ami Nadar d'inscrire son nom sur le registre mortuaire. Cependant le gouvernement en frappant d'interdit le déploiement du drapeau rouge ; M. Vacquerie en déclarant que dans l'exil, Hugo avait toujours marché derrière le drapeau rouge toutes les fois qu'on portait en terre une des victimes du coup d'Etat, et la presse radicale en réclamant le droit à la rue pour l'étendard de la Commune et en rappelant qu'en 1871 le proscrit de l'Empire avait ouvert sa maison de Bruxelles aux vaincus de Paris, tous semblaient à l'envie convier les révolutionnaires à s'assembler autour du cercueil de Victor Hugo, comme centre de ralliement des partis républicains. Mais les révolutionnaires socialistes refusèrent de prendre part à la promenade carnavalesque du premier juin.

La Cité de Londres, invitée, n'envoya pas de délégation aux funérailles du poète : des membres de son conseil prétendirent qu'ils n'avaient rien compris à la lecture de ses ouvrages ; c'était en effet bien mal comprendre Victor Hugo que de motiver son refus par de telles raisons. Sans nul doute, les honorables Michelin, Ruel et Lyon Allemand de Londres s'imaginèrent que l'écrivain, qui venait de trépasser, était un de ces prolétaires de la plume, qui louent à la semaine et à l'année leurs cervelles aux Hachette de l'éditorat et aux Villemessant de la presse. Mais si on leur avait appris que le mort avait son compte chez Rothschild, qu'il était le plus fort actionnaire de la Banque belge, qu'en homme prévoyant, il avait placé ses fonds hors de France, où l'on fait des révolutions et où l'on parle de brûler le Grand livre, et qu'il ne se départit de sa prudence et n'acheta de l'emprunt de cinq milliards pour la libération de sa patrie, que parce que le placement était à six pour cent ; si on leur avait fait entendre que le poète avait amassé cinq millions en vendant des phrases et des mots, qu'il avait été un habile commerçant de lettres, un maître dans l'art de débattre et de dresser un contrat à son avantage, qu'il s'était enrichi en ruinant ses éditeurs, ce qui ne s'était jamais vu ; si on avait ainsi énuméré les titres du mort, certes les honorables représentants de la Cité de Londres, ce cœur commercial des deux mondes, n'auraient pas marchandé leur adhésion à l'importante cérémonie ; ils auraient, au contraire, tenu à honorer le millionnaire qui sut allier la poésie au doit et avoir.

La bourgeoisie de France, mieux renseignée, voyait dans Victor Hugo une des plus parfaites et des plus brillantes personnifications de ses instincts, de ses passions et de ses pensées.

La presse bourgeoise, grisée par les louanges hyperboliques qu'elle jetait à pleines colonnes sur le mort, négligea de mettre en relief le côté représentatif de Victor Hugo, qui sera peut-être son titre le plus réel aux yeux de la postérité.
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Message  Copas Lun 3 Fév - 8:41

mykha a écrit:
Il faut le resituer en contexte sur plusieurs phases complexes de la période, la sortie de la guerre, la fin  des années 50 qui conjugue les soubresauts violents de la sortie du colonialisme, la ré-accumulation de forces qui exploseront en 68,  puis la phase 68/post 68.

Et surtout une période où les intellectuels comme petite couche sociale petite-bourgeoise au rôle ambivalent, des fois ventriloque des aspirations populaires, voir des fois porte-parole de ces aspirations, avaient un poids et un rôle spécifique dans les rapports de classe.

Tu devrais trouver des exemples plus parlants pour démontrer que certains intellectuels "avaient un poids et un rôle spécifique dans les rapports de classe".....dans les années 1950, 60, 70....en dehors de celui que je leur ai reconnu.
Quand à Hugo, puisque tu le cites,même de façon complètement anachronique, ses rapports avec l'action révolutionnaire concrète, la Commune de Paris, illustrent bien que ces gens là ne sont jamais les amis du prolétariat quand il sort de son rôle de classe souffrante pour devenir la classe qui s'attaque concrètement au pouvoir de la bourgeoisie : du mépris, de la haine et la justification de la répression bourgeoise.....
et si Hugo et ses pareils avaient eux-aussi "du poids", c'est sur certaines fractions de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie républicaines qui considéraient, au mieux, les prolétaires comme une masse de manoeuvre au service de leur progressisme capitaliste.

Il y a toujours un gros problème de comprenette , c'est grave cela....

Ce que j'ai expliqué c'est qu'il a existé une couche sociale d'intellectuels qui a eu un rôle particulier dans une partie de l'histoire, pas que c'était là des grands révolutionnaires, ni une couche de révolutionnaires, il faut vraiment être un peu out pour  tirer la conclusion que dire que cette couche sociale avait un prestige particulier dans les classes populaires, c'est faire croire qu'on dit autre chose que ce qui est dit...


Non je ne cite pas Hugo à contre sens, il fait partie de cette couche sociale spécifique, comme un grand nombre d'autres intellectuels dont le nombre a grandit au XXeme siècle. Mais Marx, Engels, en firent partie. Sartre  fut un de intellectuels (à un siècle de différence avec Marx, je précise, sinon ...).
Cette couche sociale n'a plus le prestige qu'elle avait avant, ni un rôle particulier dans les rapports entre les classes suite à la massification de l'accès à la culture, l'éducation, la formation, etc. Elle est passée par le hachoir de la prolétarisation pendant que les prolétaires avaient accès largement aux contenus. Place aux prolétaires intellectuels... aux chercheurs du CNRS contractuels à plus de 40 ans...

Il n'y a que des BHL qui ne le savent pas et croient qu'ils ont encore un prestige quelconque et un rôle spécifique vaste. Alors qu'ils ne sont plus que des invités de temps en temps des petites lucarnes..

La petite couche des intellectuels prestigieuse n'existe plus, son prestige, notamment pour sa version française qui était souvent prise à témoin dans les chocs du XXeme siècle dans les guerres coloniales, impérialistes, les guerres de classe, est un astre mort.

Il y a quelque temps j'ai vu un article sur les révolutions arables (1an et demi, 2 ans ?) d'un auteur méditerranéen s'offusquant qu'on n'entendait plus les intellectuels français : "où sont les intellectuels français ?", montrant en cela qu'un astre, même éteint, clignote encore... de loin.

Comprendre Sartre c'est déjà le resituer dans cette couche sociale là et sa place spécifique datée maintenant dans les rapports entre les classes. Sinon on ne comprend rien rétrospectivement de ce qui a fabriqué des Sartres, on ne comprend rien des sinuosités des membres de cette petite couche sociale, ce qui la travaille, ni les possibilités dues aux libertés obtenues par cette couche sociale pour effectuer des percées (ou des régressions) sur une vaste gamme d'interrogations sur les oppressions , etc.

Dans un contexte de faible scolarisation, d’impossibilité d'accès large à la culture et aux débats intellectuels, la situation de cette couche sociale lui donnait une place particulière. Comprendre Sartre c'est, à nouveau, le resituer dans cette époque là.
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Message  mykha Lun 3 Fév - 13:27

Non je ne cite pas Hugo à contre sens, il fait partie de cette couche sociale spécifique, comme un grand nombre d'autres intellectuels dont le nombre a grandit au XXeme siècle. Mais Marx, Engels, en firent partie. Sartre fut un de intellectuels (à un siècle de différence avec Marx, je précise, sinon ...)

Non, Marx et Engels, comme Luxemburg, ou Trotsky n'ont rien avoir là-dedans.
Ce sont avant tout des militants, des lutteurs, pas des phraseurs, des commentateurs ou de "fins observateurs" de la lutte classe.
Qu'ils soient par ailleurs intellectuellement brillants ne fait pas d'eux des intellectuels bourgeois que les exploiteurs peuvent vénérer ou récupérer comme les Hugo, les Sartre, les Bourdieu ou Onfray.....
Là comme ailleurs, comparaison est loin d'être toujours raison.
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Message  gérard menvussa Lun 3 Fév - 15:03

Pour en revenir aux "intellectuels bourgeois" (et pas seulement Sartre) : on peut dire qu'un certain nombre ont compté pour le combat féministe (comme le féminisme) comme par exemple Simone de Beauvoir, ou le droit à une sexualité "choisie" (et pas décidée par monsieur le curé ou le Parti) comme Michel Foucault, etc.
Après, ce n'étaient pas des ouvriers, et ils ne s'intéressaient pas au "mouvement ouvrier" en général. Mais ça ne veux pas dire que le mouvement ouvrier ne doit pas s'occuper d'eux.... Ne serait ce que pour les critiquer !
Déjà parce que les déviation "ouvriéristes" ont fait un tord immense au mouvement ouvrier, en particulier en France ! Tous ceux qui sont cités par Mikha (Marx et Engels, Lénine, Trotsky et Rosa Luxembourg) ne sont heureusement pas tombé dans ce genre de déviations petites bourgeoises.... Parce que si on prend un tant soi peu au sérieux les slogans de lutte ouvrière (selon lesquels "la classe ouvrière doit se constituer en tant que classe dirigeante") alors elle doit se poser l'ensemble des questions que se pose la société ! Ou alors, elle reste rivée a son statut subalterne....
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Message  mykha Lun 3 Fév - 18:16

on peut dire qu'un certain nombre ont compté pour le combat féministe (comme le féminisme) comme par exemple Simone de Beauvoir, ou le droit à une sexualité "choisie" (et pas décidée par monsieur le curé ou le Parti) comme Michel Foucault, etc.

Oui, et même une députée bourgeoise comme Simone Veil ou un grand bourgeois ministre comme Badinter ont été utiles dans certains domaines (IVG, peine de mort).

La discussion n'était pas là : Copas nous parlait d'intellectuels qui "avaient un poids dans les rapports de classe"...tels Sartre, Bourdieu ou Hugo....
Que des intellectuels, scientifiques, romanciers ou pédagogues puissent avoir un rôle utile, c'est évident...mais leur "poids" dans les rapports de classes, zero.(sur les petits-bourgeois gauchisants, sans doute, mais ça n'a rien à voir.

Mais à chacun sa discipline. Les exégètes d'un marxisme affadi et esthétisé pour plaire aux "non-marxistes-mais de gauche quand même, pourvu que ça pue pas trop le prolo",
on s'en fout. Les intellectuels dont la classe ouvrière a besoin pour aller vers le pouvoir, ce sont des intellectuels militants, agissant concrètement pour la construction du parti révolutionnaire. En deux mots, des militants ouvriers, qui sans états d'âme, ont rejoint le combat pour l'émancipation du prolétariat, en devenant des instruments conscients de la révolution sociale.
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Message  mykha Lun 3 Fév - 18:43

http://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1910/09/lt19100900.htm

Depuis plusieurs décennies déjà, le collectivisme remplit le monde des échos de sa lutte. Durant cette période, des millions d'ou­vriers se sont rassemblés dans des organisations politiques, syndica­les, coopératives, éducatives et autres. Une classe entière a émergé des profondeurs de la vie et s'est frayé un chemin dans le saint des saints de la politique, jusque là considérée comme le domaine exclu­sif des classes possédantes. Quotidiennement, la presse socialiste – théorique, politique, syndicale – réévalue les valeurs bourgeoises, grandes et petites, du point de vue d'un monde nouveau. Il n'y a pas un domaine de la vie culturelle et sociale (mariage, famille, éduca­tion, école, église, armée, patriotisme, hygiène sociale, prostitution) sur lequel le socialisme n'ait opposé son point de vue à celui de la société bourgeoise. Le mouvement socialiste s'exprime dans toutes les langues de l'humanité civilisée. Dans ses rangs travaillent et com­battent des gens qui ont des tournures d'esprit diverses, des tempéra­ments variés, et qui diffèrent par leur passé, leur milieu social ou leurs habitudes de vie.
Et si, malgré tout cela, l'intelligentsia «ne comprend pas» le socialisme, si tout cela ne suffit pas pour lui per­mettre, la forcer à saisir la signification culturelle et historique de ce mouvement mondial, alors ne faut-il pas en conclure que cette incompréhension funeste doit avoir des causes très profondes et que toute tentative d'en venir à bout par des moyens littéraires et théori­ques se trouve, par sa nature même, condamnée d'avance ?



Cette idée ressort avec encore plus d'éclat à la lumière de l'his­toire. Le plus fort afflux d'intellectuels dans le mouvement socialiste et cela vaut pour tous les pays d'Europe – se produisit dans la pre­mière période de l'existence du parti, quand il était encore au stade de l'enfance. Cette première vague amena à l'Internationale ses théori­ciens et ses dirigeants politiques les plus éminents. Plus la social-démocratie a grandi en Europe, plus nombreuses ont été les masses ouvrières à se regrouper à ses côtés, plus l'apport de nou­veaux éléments issus de l'intelligentsia a faibli, non seulement en valeur relative, mais dans l'absolu. Le Leipziger Volkszeitung [1]a longtemps recherché, par des petites annonces, un rédacteur ayant une formation universitaire ; en vain. Ici, et comme s'imposant d'elle-même, une conclusion en totale opposition à Adler vient natu­rellement à l'esprit : plus le socialisme a manifesté précisément son contenu et plus il a été facile pour tout un chacun d'en comprendre la mission historique, plus l'intelligentsia a marqué sa résolution à s'en tenir écartée. Si cela ne prouve pas que le socialisme l'effraie en lui­-même, il est clair en tout cas que certaines transformations sociales profondes ont dû se produire dans les pays capitalistes d'Europe, qui rendaient difficile la fraternisation entre universitaires et ouvriers tout autant qu'elles facilitaient l'adhésion des ouvriers au socialisme.

De quelle sorte sont donc ces transformations ?

Les individus, les groupes, les couches les plus cultivés du prolé­tariat ont rejoint et rejoignent la social-démocratie ; la croissance et la concentration de l'industrie comme des moyens de transport ne font qu'accélérer ce processus. S'agissant de l'intelligentsia, nous avons affaire à un processus d'un tout autre ordre. Le puissant développe­ment capitaliste des deux dernières décennies a impitoyablement, et pour son propre usage, écrémé cette classe. Les forces intellectuelles les plus douées, les plus capables d'énergie créatrice et de hauteur de vue, ont été irrévocablement absorbées par l'industrie capitaliste, par les trusts, les compagnies ferroviaires, les banques qui offrent des salaires fantastiques aux cadres qu'ils chargent d'un travail d'organi­sation. Même le service de l'Etat doit, en ce domaine, se contenter d'individus de second ordre, et dans les chancelleries gouvernemen­tales pas moins qu'à la direction des journaux de toute tendance, on déplore manquer de «gens». Quant aux représentants de l'intelligentsia semi-prolétarienne – toujours plus nombreux, incapables d'échapper à leur éternelle dépendance, à l'insécurité matérielle, et voués à des tâches parcellaires, de second plan et peu attrayantes dans le grand mécanisme de la culture –, les intérêts proprement culturels invoqués par Adler ne peuvent exercer un pouvoir tel qu'il oriente leurs sympathies politiques vers le socialisme.


A cela s'ajoute encore cette circonstance que tel intellectuel européen, pour qui rejoindre le camp du collectivisme n'est psycho­logiquement pas hors de question, n'a presque aucune chance de gagner une position personnelle influente dans les rangs du parti du prolétariat. Et cette question a, ici, une importance décisive. Un ouvrier vient au socialisme comme faisant partie d'un tout, avec sa classe, une classe qu'il ne peut espérer quitter. Et il en retire même la satisfaction de se sentir lié moralement à cette masse, un sentiment qui le rend plus confiant et plus fort. L'intellectuel, lui, vient au socialisme individuellement et en tant que personne, en rompant le cordon ombilical qui le relie à sa classe, et il cherche inévitablement à y exercer une influence en tant qu'individu. Mais c'est justement là qu'il rencontre des obstacles, des obstacles qui ont grandi au fil du temps. Au début du développement de la social-démocratie, tout intellectuel qui la rejoignait, quand bien même il ne s'élevait pas au-dessus du lot, se taillait une situation en vue dans le mouvement ouvrier. Aujourd'hui, dans les pays d'Europe occidentale, chaque nouveau venu trouve, déjà tout fait et en place, l'édifice colossal de la démocratie ouvrière. Des milliers de dirigeants ouvriers, que leur classe n'a cessé de promouvoir, constituent un appareil soudé, à la tête duquel se trouvent des vétérans honorés, à l'autorité reconnue, des personnages appartenant déjà à l'histoire. Dans ces conditions, seule une personne aux talents exceptionnels pourrait espérer con­quérir une position dirigeante, mais un tel homme, au lieu de sauter par dessus le gouffre le séparant d'un camp qui lui est étranger, se dirigera tout naturellement, selon la ligne de moindre résistance, vers le royaume de l'industrie ou le service de l'Etat. Ainsi, en plus de tout le reste, l'appareil organisationnel de la social-démocratie se dresse maintenant, tel un massif montagneux de partage des eaux, entre l'in­telligentsia et le socialisme. Cela lui attire le mécontentement d'intel­lectuels teintés de socialisme, car il réclame d'eux sens de la discipline et retenue – ce qu'ils considèrent comme la marque tantôt de son «opportunisme», tantôt, à l'inverse, de son excès de «radica­lisme» – et les relègue au rôle de spectateurs bougons dont les sympathies oscillent entre anarchisme et national-libéralisme. Simplicissimus [2]est leur bannière idéologique la plus haute. Ce phéno­mène, avec des variantes et à des degrés divers, se répète dans tous les pays d'Europe. En outre, ce public est trop blasé, trop cynique pour­rait-on dire, pour que son âme puisse se laisser subjuguer par l'ex­posé, même le plus enflammé, de l'essence culturelle du socialisme. Seuls de rares «idéologues» – dans le sens positif comme dans celui négatif du terme – sont à même de venir aux convictions socialistes sous l'impulsion d'une réflexion purement théorique en partant des exigences du droit, tel Anton Manger [3], ou des besoins de la technique, tel Atlanticus [4]. Mais, même eux, d'après ce que nous savons, ne vont généralement pas jusqu'à rejoindre le mouvement social-démocrate organisé, et la lutte de classe du prolétariat dans ses rapports internes avec le socialisme leur reste un livre fermé de sept sceaux.
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Message  Copas Lun 3 Fév - 21:49

mykha a écrit:
Non je ne cite pas Hugo à contre sens, il fait partie de cette couche sociale spécifique, comme un grand nombre d'autres intellectuels dont le nombre a grandit au XXeme siècle. Mais Marx, Engels, en firent partie. Sartre  fut un de intellectuels (à un siècle de différence avec Marx, je précise, sinon ...)

Non, Marx et Engels, comme Luxemburg, ou Trotsky n'ont rien avoir là-dedans.
Ce sont avant tout des militants, des lutteurs, pas des phraseurs, des commentateurs ou de "fins observateurs" de la lutte classe.
Qu'ils soient par ailleurs intellectuellement brillants ne fait pas d'eux des intellectuels bourgeois que les exploiteurs peuvent vénérer ou récupérer comme les Hugo, les Sartre, les Bourdieu ou Onfray.....
Là comme ailleurs, comparaison est loin d'être toujours raison.  

Marx et Engels, comme Luxemburg, ou Trotsky, et de nombreux autres, étaient des intellectuels petits-bourgeois. C'est une constatation et pas une appréciation politique.
Comme d'hab, la bouillie phaseuse où on mélange tout et on ressort incapable d'apprécier les classes en présence de comprendre ce qui se passe et ce qui ne se passe plus...
Misère...

Comprendre cela, comprendre la genèse d'une petite couche sociale petite bourgeoise, comment elle est déchirée entre les grandes classes et comment elle a eu ses moments de gloire.
Que des intellectuels, scientifiques, romanciers ou pédagogues puissent avoir un rôle utile, c'est évident...mais leur "poids" dans les rapports de classes, zero.(sur les petits-bourgeois gauchisants, sans doute, mais ça n'a rien à voir

Ignorance abyssinale ....
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Message  Byrrh Lun 3 Fév - 22:16

La plupart des plus prolifiques théoriciens du mouvement ouvrier étaient des intellectuels d'origine petite-bourgeoise, voire bourgeoise. Comment aurait-il pu en être autrement, puisqu'on ne trouvait des intellectuels que dans ces classes ? Mais ce qui les a distingués des autres intellectuels de leur époque, c'est qu'ils se sont mis corps et âme au service de la classe ouvrière et de son organisation, quitte à connaître l'exil, à abandonner tout le confort matériel auquel les destinait leur origine sociale, ou à faire le sacrifice de leur vie.

C'est un sacré critère qui permet de ne pas les confondre avec divers penseurs humanistes qui ne se sont pas mouillés dans le mouvement ouvrier, aussi sympathiques puissent éventuellement être leurs écrits ou leurs prises de position.

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Message  Copas Lun 3 Fév - 22:27

Byrrh a écrit:La plupart des plus prolifiques théoriciens du mouvement ouvrier étaient des intellectuels d'origine petite-bourgeoise, voire bourgeoise. Comment aurait-il pu en être autrement, puisqu'on ne trouvait des intellectuels que dans ces classes ? Mais ce qui les a distingués des autres intellectuels de leur époque, c'est qu'ils se sont mis corps et âme au service de la classe ouvrière et de son organisation, quitte à connaître l'exil, à abandonner tout le confort matériel auquel les destinait leur origine sociale, ou à faire le sacrifice de leur vie.

Exactement mais c'est bien plus compliqué que cela sur cette petite classe à la place tout à fait spécifique dans la lutte des classes pendant une période.
Sans analyser et comprendre ce que furent les intellectuels pendant une période qui a duré dans les 150 ans à peu près, on ne comprends pas grand chose au nombre important d'itinéraires spécifiques et remarquables qu'on ne retrouve pas dans d'autres classes petites bourgeoises ou la bourgeoisie.
La prolétarisation galopante de cette couche sociale et la massification de la culture, la connaissance dans le prolétariat a éteint l'essentiel de la particularité de cette petite classe.

Byrrh a écrit:C'est un sacré critère qui permet de ne pas les confondre avec divers penseurs humanistes qui ne se sont pas mouillés dans le mouvement ouvrier, aussi sympathiques puissent éventuellement être leurs écrits ou leurs prises de position.

Tu as tout le spectre des itinéraires dans cette petite classe.

Et pour en revenir à Sartre, ne pas le replacer dans cette histoire enlève une grande compréhension des choses.



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Message  sylvestre Lun 3 Fév - 22:35

Byrrh a écrit:La plupart des plus prolifiques théoriciens du mouvement ouvrier étaient des intellectuels d'origine petite-bourgeoise, voire bourgeoise. Comment aurait-il pu en être autrement, puisqu'on ne trouvait des intellectuels que dans ces classes ? Mais ce qui les a distingués des autres intellectuels de leur époque, c'est qu'ils se sont mis corps et âme au service de la classe ouvrière et de son organisation, quitte à connaître l'exil, à abandonner tout le confort matériel auquel les destinait leur origine sociale, ou à faire le sacrifice de leur vie.

C'est un sacré critère qui permet de ne pas les confondre avec divers penseurs humanistes qui ne se sont pas mouillés dans le mouvement ouvrier, aussi sympathiques puissent éventuellement être leurs écrits ou leurs prises de position.

Oui, mais à ce sujet il faut aussi analyser ce que Perry Anderson a décrit dans son bouquin sur "le marxisme occidental", à savoir que pour une bonne part les intellectuels marxistes qui sont venus après le développement du stalinisme ont eu des rapports ténus, distants, en tous cas complexes avec les organisations politiques existantes (Althusser, Sartre, Henri Lefebvre, Ernst Bloch, Lukács, Walter Benjamin, Karl Korsch, CLR James...), et ceci est bien évidemment lié au fait que les grandes organisations se revendiquant du marxisme étaient liées au dogmatisme stalinien, ou bien très minoritaires et avec un faible impact sur les luttes de classe. Ceci a joué un rôle aussi dans l'affaiblissement du lien théorie-pratique dans les organisations révolutionnaires, même si des gens comme Chris Harman ou Ernest Mandel ont pu montrer des exemples (forcément discutables) de théoriciens marxistes liés intimement avec des projets d'organisation.
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Message  mykha Lun 3 Fév - 23:20

Marx et Engels, comme Luxemburg, ou Trotsky, et de nombreux autres, étaient des intellectuels petits-bourgeois. C'est une constatation et pas une appréciation politique.

Comme d'hab, la bouillie phaseuse où on mélange tout et on ressort incapable d'apprécier les classes en présence de comprendre ce qui se passe et ce qui ne se passe plus...
Misère...

Pour la première phrase, ça s'appelle, quand on est gentil, enfoncer une porte ouverte....
Pour la seconde, mieux vaut laisser au lecteur le soin de la lire, la relire, d'en tirer la substantifique moëlle....et de relire, plus haut, les propos de son auteur pour mieux appréhender une pensée assez ........étonnante..;et même originale pour qui s'intéresse, même un petit peu aux rapports de classes.....
Vocabulaire qualificatif gentil, n'est-il pas, par rapport à quelqu'un qui ose tout, et surtout ça :

Comme d'hab, la bouillie phaseuse où on mélange tout et on ressort incapable d'apprécier les classes en présence de comprendre ce qui se passe et ce qui ne se passe plus...
Misère...


ouais, ça pourrait être pire, il pourrait pleuvoir.....

(on croirait presque du Roseau dans le texte mais pas sûr que ce soit flatteur).
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