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Le général Giap, héros de l'indépendance vietnamie

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Le général Giap, héros de l'indépendance vietnamie - Page 3 Empty Re: Le général Giap, héros de l'indépendance vietnamie

Message  Babel Sam 12 Oct - 0:01

Sa disparition me fait penser à celle des derniers grands dinosaures : l'époque ne produira plus de spécimens de cette espèce ; ce constat n'a en soi rien de désolant.

Fils de mandarin, brillant général de la lutte pour l'indépendance nationale, il s'illustra en enfonçant la tête de l'état-major français dans la cuvette de Ðiện Biên Phủ.

Expert en liquidation des opposants, il tenait, selon Wiki, Salan en haute estime -manifestation atavique d'un réflexe de caste.

"Héros" et "génie militaire" ? Peut-être qu'il le fut, je ne me sens pas qualifié pour le dire. Et je crois que le temps est aux anonymes.

Paix à ses os.

Babel

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Le général Giap, héros de l'indépendance vietnamie - Page 3 Empty Re: Le général Giap, héros de l'indépendance vietnamie

Message  artza Sam 12 Oct - 9:45

Prado a écrit:
artza a écrit:
Un autre a évité l'assassinat mais ses camarades du dépôt de tramway de Ngo Vap dont un jeune apprenti de 14 ans le furent...en France il suivit Munis, ouvrier,  il s'est petit à petit retiré des affaires.
C'était un honnête homme qui a écrit deux, trois livres intéressants sur le viet-nam et son expérience.
Parles-tu de Ngo Van, qui fit un exposé à la fête de LO au milieu des années 90 (il avait alors plus de 80 ans) ? Si c'est de lui qu'il s'agit, je trouve ton appréciation assez injuste. Il est resté jusqu'à la fin de sa vie un révolutionnaire et je crois que le qualificatif de "honnête homme" l'aurait fait bien rire.
Il est mort il y a 8 ans. Son amie Hélène Fleury (éditions L'Insomniaque) évoque sa mémoire dans un texte intéressant :
Ngo Van, passeur de l’histoire vivante

Voici l'article publié par INPRECOR après sa mort.

En mémoire de Ngo Van Xuyet (1912-2005)

Jean-Paul Petit
Ngo van s’est éteint à l’aube de l’an 2005, le 2 janvier. Il est né en 1912 en Cochinchine. Sa vie est l’aventure d’un enfant des rizières, dédié par les Génies du village et par la volonté de ses parents plus probablement, aux choses de l’esprit, aux lettres. Dernier d’une fratrie, ses parents crurent sans doute à la devise d’une république égale, libre et fraternelle et l’enfant alla à l’école où il s’empara de la langue vietnamienne et de la langue française.

Cependant les devises, aussi solennelles soient-elles, ne valent que pour ceux qui y croient. Bien vite, malgré la réussite, les obstacles devinrent insurmontables. La colonisation a ses règles, non écrites, implacables.

Alors Van se rendit à la ville, Saigon à l’époque, et gagna son riz dans diverses entreprises où sa maîtrise du français était fort utile. Sa volonté d’apprendre et de comprendre ne prirent pas fin avec l’école et la question sociale, aux contrastes saisissants pour des yeux qui veulent voir, s’imposa. Sa lecture des œuvres d’intellectuels vietnamiens, tels Phan von Truong, Nguyen an Ninh, Phan chau Trinh, Phan boi Chau, Ta thu Thau et de bien d’autres ainsi que des auteurs des Lumières et des œuvres de la pensée socialiste occidentale, en particulier marxiste, lui donna des outils. Il faut dire que ces lectures n’étaient pas sans risques et que pour y accéder il y fallait du courage et de l’énergie, car la police et la censure ne fermaient pas les yeux et ne s’embarrassaient pas des " Libertés et Droits de l’Homme ", réservés aux maîtres et ne concernant pas les coolies.

Van organisa des " amicales " clandestines, car il n’était pas question de droits syndicaux, et se livra à un travail de formation et d’information des travailleurs avec lesquels il partageait ses jours.

Cette activité l’amena à s’engager plus particulièrement dans un courant politique lié à l’Opposition de gauche trotskyste dont la figure emblématique était Ta thu Thau.

Van a combattu pour la dignité de " l’Annamite " et pour la fin de toutes les dominations, sociale ou coloniale, sans pour autant être aveuglé par le soleil moscovite. Il publia en effet en 1937 en langue vietnamienne, une brochure sur les procès de Moscou de 1936, qui précédèrent ceux de 1938.

De cet engagement il paya le prix, la torture dans les prisons de Saigon, comme il le raconte sobrement dans son livre " Au pays de la cloche fêlée " (en hommage à Nguyen an Ninh).

La fin de la seconde Guerre Mondiale, la déroute de l’occupation japonaise et la décomposition du pouvoir colonial français resté fidèle à Pétain, vit le soulèvement de l’Indochine, du Vietnam, de Saigon auquel Van participa. Pour lui et son organisation l’objectif était la libération de l’oppression sociale et coloniale ; d’autres forces politiques avaient une pratique plus gradualiste et pour s’imposer elles ne se limitaient pas aux arguments de la raison.

Après le retour des forces coloniales, Van et ses camarades se retrouvaient dans la situation de devoir lutter sur deux fronts, pourchassés d’un côté par l’armée française, de l’autre par les partisans de l’Oncle Ho. Celui-ci dans une lettre avait écrit qu’il fallait " éliminer (politiquement bien sûr !) les trotskystes ", qui étaient en France des " hitléro-trotskystes ", et la-bas des " Mikado-trotskystes " sans doute. Dans cette lutte de nombreux camarades de Van disparurent.

C’est en 1948 que Van arriva en France définitivement, mais avec la ferme intention de sauver la mémoire de ses camarades engloutis. Cet engagement sera tenu cinquante ans plus tard avec la publication de ses livres " Viêt-nam 1920-1945. Révolution et contre-révolution sous la domination coloniale " et " Au pays de la cloche fêlée ". Ce dernier se termine par des biographies succinctes d’un certain nombre de ses camarades disparus et ainsi sauvés du néant. Ce travail lui demanda dix ans de recherches dans les archives du ministère des colonies, auxquelles il pu accéder grâce à un ami historien universitaire (Il ne connut l’identité véritable de certains camarades qu’après ce travail).

Entre temps il faut vivre. Sans la rechercher, mais sans la repousser non plus, c’est l’usine qui attend Van. Après des cours au CNAM, il acquiert des compétences dans le domaine électrique. Simultanément la réflexion et l’action militante se poursuivent dans le cadre de la IVème Internationale où il rencontrera Sophie Moen, sa compagne qui sera un soutien et une lectrice critique de son travail de mémorialiste et d’historien. Cependant un retour critique s’imposait à Van sur cet engagement qui se manifesta plus particulièrement après un voyage en Yougoslavie titiste post-rupture Belgrade Moscou, dans le cadre d’une brigade de solidarité. La théorie trotskiste de " l’Etat ouvrier bureaucratiquement dégénéré " ne lui semblait plus satisfaisante avec ses conséquences pratiques de défense des " Etats ouvriers " qui revenaient, à son avis, à une défense des pouvoirs sur les ouvriers. Cette démarche lui fera rencontrer Maximilien Rubel et " Socialisme ou Barbarie ", il participa par des contributions pertinentes et souvent humoristiques à diverses revues du mouvement ouvrier libre de tout maître à penser comme Information et Correspondance Ouvrière (I.C.O) entre autres.

Cependant Van n’était pas concerné uniquement par le social ou le politique. De son histoire personnelle, un événement l’amena à s’engager dans des études de sinologie à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes tout en travaillant à l’usine. De ces études et de la recherche qui s’ensuivit, il écrivit une thèse sur " La divination, magie et politique dans la Chine ancienne " qui fut publiée aux P.U.F. A l’usine ses amis le voyaient parfois à son poste de travail tracer des idéogrammes chinois, cherchant à en découvrir la signification.

Dans cette activité Van était toujours cet homme de plusieurs mondes, l’ancien et le l’actuel, de l’Orient comme de l’Occident. Il était également sensible à toutes les formes de la beauté, ému aussi bien par une fresque Minoénne que par une mésange dans son jardin à la campagne ou par un poème de son enfance. Tout cela il le gravait dans de multiples carnets qu’il portait toujours sur lui, remplis de croquis, d’esquisses, de notes et réflexions ainsi que sur les toiles qu’il a peintes.

Van, tu as franchi " le col des nuages " mais comme tu le disais dans un éclat de rire " Je suis immortel ". En effet tu l’es, par tes enfants et petits-enfants, par tes livres dont tu n’as pas pu voir la sortie du dernier, " Le joueur de flûte et l’oncle HO ", à paraître ce mois-ci, avec l’aide d’Hélène. Le temps t’a manqué pour donner une suite finalisée " Au pays de la cloche fêlée ". Les Génies tutélaires du village peuvent contempler l’œuvre accomplie, malgré les obstacles, avec la participation de quelques " Insomniaques ".
Il s'agissait de Ngo Van en effet. Je ne vois pas où je suis injuste.
Oui, N-V avait des convictions bien différentes de celles de sa jeunesse certes sans en renier les combats, bien au contraire.
Dans les années 60 N-V participait à ICO (Information et correspondance ouvrière) qui contenait bien des choses intéressantes. C'est là que j'ai lu un article sur la grève menée par les trotskystes du groupe Octobre au dépôt de tramway de Saïgon. Mais ICO n'était pas un groupe spécialement militant "l'activisme" y était brocardé.
Par exemple le militantisme de VO vers les entreprises était vu par certains d'entre eux comme la preuve d'un dangereux léninisme, pour d'autres une activité folklorique. Quelques uns donnaient quelques infos sans croire que ce fut très utile.

Que mon propos puisse le faire rire, j'en suis content car pour le peu que je l'ai vu il n'avait pas le sourire facile.

Je l'ai entendu trois fois dont une dans l'arrière-boutique de la librairie de la fédé anar à Paris, où il présentait son premier livre sur le Viet-Nam en 1945.

Je lui ai posé une question: "selon lui en 45 à Saïgon les trotskystes étaient-ils trop faibles pour pouvoir au bout du compte jouer un rôle , firent-ils selon lui des erreurs (je savais que N-V était dans un groupe opposé et critique de celui de Tha-tu-Tau) et comment voyait-il les choses aujourd'hui" quelque chose comme ça.
Il m'a fraîchement rétorqué " ça fait plus de 50 ans que je ne me pose plus ce genre de questions, ça ne m'intéresse pas". Ensuite il a devisé sur La Boétie et son traité sur "La servitude volontaire".

Par contre l'article d'Inprecor m'a fait sourire. Rien de tel que de mourir pour se faire des amis!

artza

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Message  Copas Sam 12 Oct - 9:55

Babel a écrit:Sa disparition me fait penser à celle des derniers grands dinosaures : l'époque ne produira plus de spécimens de cette espèce ; ce constat n'a en soi rien de désolant.

Fils de mandarin, brillant général de la lutte pour l'indépendance nationale, il s'illustra en enfonçant la tête de l'état-major français dans la cuvette de Ðiện Biên Phủ.

Expert en liquidation des opposants, il tenait, selon Wiki, Salan en haute estime -manifestation atavique d'un réflexe de caste.

"Héros" et "génie militaire" ? Peut-être qu'il le fut, je ne me sens pas qualifié pour le dire. Et je crois que le temps est aux anonymes.

Paix à ses os.
Pour la plupart de tes propos je suis d'accord. Sur la liquidation d'opposants, je ne sais pas si il fut un expert, je persiste à penser que ce ne fut pas sa tâche principale et son obnubilation première.

Mais effectivement nous avons changé d'époque, je pense aussi que le temps est aux anonymes et aux masses qui se lancent à l'assaut des bastilles.
Le retour, à l'occasion de la mort de Giap, sur cette période terrible et l'immense chemin parcouru depuis par la société vietnamienne fait pénétrer dans un monde nouveau.
Dans les contradictions qui agitent la société vietnamienne actuelle il sera utile de voir si il reste quelque chose de ces 150 ans de luttes pour la libération du Vietnam.
Copas
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Message  Babel Dim 20 Oct - 0:46

Copas a écrit: Sur la liquidation d'opposants, je ne sais pas si il fut un expert, je persiste à penser que ce ne fut pas sa tâche principale et son obnubilation première.
Ho-Chi Minh et Giap étaient les principaux dirigeants d'un parti nationaliste stalinien qui, après des années de négociations, de tractations et d'alliances avec l'administration coloniale et l'armée d'occupation françaises lors de la guerre contre le Japon et après celle-ci, s'est lancé contre son gré dans la lutte de libération nationale.

Non sans prendre le soin de liquider :
- à sa gauche, les trotskystes regroupés autour du POR de Ta Thu Thâu (dont l'influence politique était loin d'être négligeable) (1),
- à sa droite, les membres du Parti nationaliste vietnamien, avec lequel il avait fait cause commune.

Et tout ça, dans la plus pure tradition stalinienne, à coups de dénonciations calomnieuses, de disparitions inexpliquées, d'exécutions sommaires et d'assassinats à grande échelle...

C'est ce que relate à sa manière cette sombre canaille de Léo Figuères dans le bouquin qu'il consacre à son séjour dans le Nord du pays :
Sitôt arrivé à destination, après une longue journée de voyage, me voici introduit dans un vaste bureau tapissé de cartes. Le Général sobrement habillé d’un uniforme kaki, aux épaulettes noires sur lesquelles brillent des étoiles d’or, se tient derrière une table revêtue de serge verte.

Un visage extraordinairement jeune, malgré les 40 ans passés, de petite taille mais visiblement très robuste, des yeux mobiles et brillants, une bouche constamment souriante, tel est Vo Nguyen Giap, ministre de la Défense, Commandant en chef des forces armées du Viet-Nam et l’un des dirigeants les plus populaires du pays.  (...)

Devenu ministre de l’Intérieur du premier gouvernement national formé en septembre 1945, il a le mérite de mettre hors d’état de nuire les ennemis intérieurs de la République et d’abord les agents vietnamiens du Kuo-mintang (2).
(...)

Les Hauts-Commissaires en Indochine, d’abord d’Argenlieu, Bollaert ensuite, ont, au moins en apparence, essayé de voir en Giap « l’homme dur » opposé au Président Ho dont il a toujours été l’un des meilleurs disciples et compagnons de lutte. La propagande colonialiste s’est efforcée de faire de Giap un croquemitaine, un « bouffeur de français » qu’on est parfois allé jusqu’à présenter comme d’origine allemande en déformant son prénom de Vo à Von. Le Général est le premier à rire de ces sornettes.

« Je ne suis pas plus antifrançais que n’importe lequel de mes compatriotes. Je n’aime pas les colonialistes, rien n’est plus exact, mais j’aime la vraie France, celle du peuple ».
Et il me raconte comment, en mars 1945, après le désarmement des troupes françaises par les Nippons, il collabora durant une période avec une unité française qui avait réussi à quitter la ville de Cao-Bang avant l’arrivée des Japonais.

« Nous avions créé avec les officiers français un Comité de liaison franco-vietnamien pour la lutte contre les Japonais. Tout allait très bien lorsque ces officiers exprimèrent le désir de passer en Chine, nos conditions de vie leur paraissant sans doute trop rudes.
Après avoir essayé de les convaincre de l’utilité de notre combat commun, je les fis accompagner jusqu’à la frontière chinoise. C’est ainsi que s’acheva le seul cas de collaboration des forces françaises et vietnamiennes dans la guerre contre les impérialistes japonais ».

Le généralissime évoque ensuite des souvenirs sur ses relations avec d’Argenlieu, les généraux Leclerc et Morlière, le commissaire Sainteny et d’autres personnages français. Il en parle sans âpreté, mais avec une connaissance extrême des défauts et des qualités de ces hommes qui, s’ils avaient fait preuve d’honnêteté et de bonne volonté, auraient pu en 1946 jeter les bases d’une collaboration durable entre la France et le Viet-Nam.

« La plupart d’entre eux ne croyaient ni à la possibilité d’une telle collaboration, ni à la solidité de notre gouvernement et à son influence sur les masses.
Même lorsqu’ils nous faisaient des sourires, nous restions pour eux des rebelles, et l’espoir de nous mettre hors de cause en un tournemain était dans leur tête.
De notre côté, nous avions besoin de la paix et, quoique nos concessions fussent parfois pénibles au peuple, nous avons recherché jusqu’au dernier jour les possibilités de nous entendre avec les Français.

La guerre nous a été imposée à la suite d’une longue série de violations des accords du 6 mars 1946, du modus vivendi de septembre 1946, et à la suite de multiples provocations sanglantes.
Puisqu’il n’y avait rien d’autre à faire pour sauver les conquêtes d’août 1945, nous avons fait la guerre et nous la poursuivrons désormais jusqu’à la victoire complète.

Je reviens du Viet-Nam libre, Léo Figueres (1951)

Après, on peut toujours disserter sur son héroïsme et s'extasier devant ses victoires militaires. Mais surtout ne pas oublier ça.

(1) Les trotskystes en Indochine de 1930 à 1946
(2) C'est-à-dire, le Việt Nam Quốc Dân Đảng ou Việt Quốc – Parti nationaliste vietnamien

Babel

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