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La lutte armée révolutionnaire en Belgique

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Message  Invité Dim 18 Aoû - 23:11

http://www.lejim.info/spip/spip.php?article267
La lutte armée révolutionnaire en Belgique : une histoire occultée

vendredi 22 juillet 2011, par Thomas C. (Date de rédaction antérieure : 8 novembre 2010).

Lorsqu’une version de l’histoire propagée par les circuits officiels ne trouve aucune critique sur les tribunes de l’opposition, peu de temps suffit à la transformer en évidence… Ainsi la vision d’un caractère bonasse de la politique belge, où rien de grave n’arrive ni ne mérite d’arriver. Une vision qui arrange à la fois les tenanciers du système et les candidats à une vague alternance. Une vision qui permet d’occulter les mille-et-une aventures sanglantes de la bourgeoisie belge et de gommer une mémoire historique qui ne profiterait qu’à ses ennemis.


Note :
Le JIM est bien conscient qu’en omettant de citer ses sources, l’auteur ne satisfait pas à nos habituelles exigences de rigueur, ce qui explique que nous vous présentions ce texte comme une opinion. L’auteur explique d’ailleurs brièvement la difficulté de compiler une bibliographie pour des événements volontairement occultés par les classes dominantes.

Néanmoins, dans le cadre d’un numéro consacré à l’illégalité et dans un contexte de fort révisionnisme historique [1], il nous paraissait important de revenir sur l’histoire des « actions dures » en Belgique.

Nous espérons ainsi susciter la réflexion du lecteur sur l’Histoire « officielle » telle que matraquée à l’école et dans les médias dominants, et même peut-être l’inciter à poursuivre par lui-même des recherches dans ce domaine qui pourraient un jour, qui sait, être publiées ici-même. A cette fin, nous proposons quelques éléments bibliographiques qui offriront un point de départ utile au lecteur intéressé.



La lutte armée en Belgique n’est communément reconnue que dans deux épisodes : la Révolution de 1830 et la Résistance de 1940-45. Et cette reconnaissance s’accompagne chaque fois d’une mystification. La Révolution de 1830 est réduite à une sorte de kermesse brassant mousquets, faro et jambe de bois, et la Résistance à une geste héroïque dressant le peuple contre l’envahisseur. La transformation du prolétaire insurgé de 1830 en personnage folklorique n’est pas moins efficace que la transformation du résistant communiste de ‘40 en simple patriote démocrate. Le folklore de 1830 occulte la leçon d’une insurrection prolétarienne qui, faute d’une direction prolétarienne, a tiré les marrons du feu pour la bourgeoisie nationale. La chanson de geste de la Résistance occulte les leçons d’une guerre qui fut autant une guerre de classe à l’échelle du continent qu’une guerre entre puissances. En Belgique, en 40-45, on s’entretuait surtout entre Belges, les premières cibles des Résistants étaient les partisans de l’Ordre Nouveau qui furent abattus par centaines – littéralement par centaines.

Ceci pour les deux épisodes « reconnus »… Que dire alors des autres ?

Lorsqu’ils sont mentionnés, ils sont soit enfermés dans un « complot », soit dilués dans telle ou telle explosion de colère de masses ouvrières. Pourtant, de la Légion belge de 1848 aux Cellules communistes combattantes des années ’80, en passant par le Parti Socialiste Révolutionnaire blanquiste de 1887-88, les pratiques de luttes armées révolutionnaires, planifiées, unissant théorie et pratique, traversent l’histoire de Belgique.

Lorsque la révolution de Février 1848, éclata à Paris, elle trouva aussitôt un écho enthousiaste en Belgique. Le gouvernement fit charger les rassemblements populaires par les gendarmes à cheval, tandis que la police arrêtait et expulsait en masse (à commencer par Karl Marx). En mars ’48, des ouvriers belges résidant à Paris formèrent la Légion belge, pour renverser la monarchie et établir une république belge démocratique. Plus de mille hommes passèrent la frontière, rencontrèrent l’armée belge au lieu-dit de Risquons-tout (près de Mouscron). Les révolutionnaires furent défaits : sept d’entre eux furent tués, soixante faits prisonniers. Trente-deux furent jugés et dix-sept condamnés à mort et exécutés.

Le 18 mars 1886, les anarchistes organisent un rassemblement pour l’anniversaire de la Commune de Paris. Des milliers de manifestants se rassemblent place Saint-Lambert, marchent sur les quartiers riches et les dévastent. Quelques jours plus tard, la grève commence dans la région de liège. Elle s’étend au Hainaut où des groupes d’ouvriers s’auto-organisent pour incendier des verreries et des propriétés de capitalistes, comme le château d’un patron verrier. Les grévistes affrontent la police et l’armée avec des armes de fortune. La police, la gendarmerie, la garde civique et l’armée tirent, tuant 24 grévistes. Le Parti Ouvrier Belge naissant, effrayé par cette explosion de colère ouvrière, et soucieux de présenter (déjà…) une image « responsable » se désolidarise des grévistes et valide la thèse bourgeoise du « complot anarchiste ».

Certains opposants à cette politique quittent le POB et fondent le Parti Socialiste Républicain, dirigé par Alfred Defuisseaux, le célèbre auteur du Catéchisme du Peuple (pdf) en faveur du socialisme qui aura un succès immense et qui vaudra des poursuites à l’auteur. En 1887, une grève révolutionnaire politique (revendiquant le suffrage universel) est lancée par les ouvriers et les mineurs du Hainaut, à la tête desquels se trouve le PSR. Les grévistes ont recours à la lutte armée : on dynamite des maisons de jaunes et l’Hôtel de Commerce de La Louvière où logent les officiers des troupes qui répriment la grève. Mais la police parvient à infiltrer le PSR et de nombreuses arrestations portent un coup fatal au parti et débouchent sur le célèbre procès dit du « Grand Complot ». Avec le PSR et pour la première fois, une lutte de masse intégrant une dimension armée et obéissant à une stratégie révolutionnaire a été impulsée en Belgique.

A l’époque du PSR se développe une autre pratique révolutionnaire armée, bien distincte, celle de la « propagande par le fait » anarchiste. La Belgique connait deux vagues d’attentats. En mai 1892, plusieurs bombes explosent à Liège, visant des églises et des magistrats, mais les auteurs de ces actions furent rapidement arrêtés. En 1894, une seconde vague d’attentats frappe les mêmes cibles. La « propagande par le fait » deviendra ensuite marginale en Belgique. Certains anarchistes belges en poursuivront la pratique, comme cet Amédée Pauwels tué par la bombe qu’il essayait d’introduire dans l’église de la Madeleine, à Paris.

En 1893 a lieu la première de ces « grèves belges », qui attirèrent l’attention de tout le mouvement ouvrier international. Il s’agissait de grèves de masse, de grèves nationales, générales, avec un but non pas économique mais politique : le suffrage universel. Toutes les « grèves belges » se caractérisent par la contradiction entre la tendance hégémonique dans le POB voulant les rendre pacifiques et concentrées, et la tendance radicale/révolutionnaire qui les voulaient violentes et prolongées. L’histoire officielle a fini par populariser l’image d’un POB opposé aux débordements violents de sa base. Mais derrière ces « débordements », il n’y avait pas seulement tel ou tel groupe d’ouvriers rendu furieux le temps d’une émeute, il y avait aussi les militants de courants révolutionnaires (essentiellement les courants anarchistes et syndicaliste-révolutionnaire) qui pratiquaient une lutte armée (en privilégiant les sabotages). La grève de 1893 mobilisera 200.000 grévistes et débordera vite le POB. Le Borinage était en insurrection. A Gand, on parlait ouvertement d’aller dans les casernes faire appel aux soldats et mettre la main sur les armes et les munitions. A Anvers, des « socialistes dissidents » submergent la direction officielle de la grève et des incendies éclatent au port. La répression est féroce. L’armée se livre à de véritables massacres à Borgerhout, à Wetteren, à Mons et à Anvers. Epouvanté, le POB met un terme à la grève.

En 1902, la pression de la base force le POB à décréter une nouvelle grève générale qui le déborde aussitôt : dynamitages en série (la maison d’un député catholique à Binche, le bureau de poste à La Louvière, la Banque Nationale à Bruxelles, etc.), mise à sac de locaux officiels, tirs à balle contre la police, etc. Et partout des manifestations rassemblant jusqu’à 300.000 personnes pour une seule journée. La gendarmerie et l’armée tirent dans le tas, tuant de nombreux manifestants. Une nouvelle fois le POB stoppe la grève avant terme. Ce n’est qu’en 1913 que la direction du POB parviendra à mettre en pratique son idéal de grève générale politique pacifique.

En 1921 est fondé le Parti Communiste de Belgique. De 1921 à 1936, il travaille dans la légalité mais se dote d’un petit appareil clandestin (chargé de la sécurité, des communications sensibles, etc.) et d’une milice en uniforme qui organise et forme militairement les membres du parti. Le PCB soutient les luttes ouvrières et les radicalise comme autant d’étapes préparatoires menant à l’insurrection. Suite à son engagement massif dans la grève des mineurs borains de ‘32, qui prit un caractère insurrectionnel, le PCB fera l’objet d’un procès pour complot contre la sécurité de l’État.

A partir de 1936, la politique de l’Internationale Communiste est celle du « front antifasciste » (qui suppose de défendre les acquis de la démocratie bourgeoise) et si, à cause de la croissance du PCB, le nombre de cadres militaires clandestins augmente, la part relative de ce travail se réduit. L’appareil militaire du PCB va cependant envoyer de nombreux cadres en Espagne, pour participer à la guerre civile antifasciste, et d’autres cadres participeront à la lutte secrète contre les agents de la Gestapo et les intérêts fascistes (une cellule de dockers communistes anversois place des bombes incendiaires dans les cargos allemands, italiens et japonais ravitaillant Franco). Dès le début de l’occupation, le PCB entra en Résistance sous forme de sabotage de la production de guerre et des moyens de communication servant l’occupant. Un premier noyau de 20 partisans armés est organisé par le PCB au printemps ‘41. Cette activité alla en se développant après l’invasion de l’URSS et le PCB parvint à rassembler tous les résistants progressistes dans ce qui deviendra le Front de l’Indépendance.

L’organisation armée du PCB passa sous la tutelle du FI mais restait essentiellement composée de communistes puisés dans la « réserve militaire du Parti », qui organisait par cellule de trois tous les membres du PCB en état de combattre. Début 1943, il y a déjà 10.000 partisans armés, dont 6.000 combattants, 4.000 membres des services et 500 maquisards. 1.200 combattants de l’organisation des Partisans Armés seront tués par les nazis et les collaborateurs.

Plusieurs anciens partisans retrouveront le chemin des caches d’armes et d’explosifs à l’occasion de la question royale. Pour s’opposer au retour de Léopold III sur le trône, il n’y eut pas seulement une grève générale, des meetings et des manifestations de masses, il y eut aussi une vague d’attentats (dont la crête sera la semaine du 26 juillet au 1er aout avec 136 attentats dont 59 à l’explosif). Après que les gendarmes ont tué quatre ouvriers à Grâce-Berleur, une marche sur Bruxelles se décide, à laquelle doivent participer les forces de la Résistance antinazie, ce qui amènera Léopold à abdiquer. Cette dimension armée de l’Affaire royale est généralement occultée, comme celle de la grande grève de 1960-1961 contre le programme d’austérité du gouvernement (la « loi unique »). Là aussi, à la grève générale, aux meetings et aux rassemblements s’ajoute l’action des groupes armés. On a recensé 1.350 actions de sabotage, généralement des dynamitages de pylônes et de voies ferrées.

Le mouvement gauchiste issu de mai 68 n’a pas engendré en Belgique, à la différence de plusieurs autres pays, une organisation pratiquant la lutte armée. Ce n’est qu’en 1984 qu’apparait une organisation armée révolutionnaire sur des bases politiques voisines de celles des Brigades Rouges italiennes : les Cellules communistes combattantes. Les CCC réalisent trois « campagnes de propagande armée » totalisant 25 attentats à l’explosif contre des partis politiques, des installations militaires, des banques, des organisations patronales, etc. Les CCC se revendiquaient du marxisme-léninisme le plus strict et prônaient une clandestinisation de l’activité révolutionnaire (et non des révolutionnaires qui devaient, tant que possible, mener une vie en apparence « normale »). Une série d’opérations policières dans l’hiver 85-86 démantela les CCC. Quelques autres actions armées eurent lieu à ce moment, généralement issues du courant anarchiste.

La fin des années 90 et le début des années 2000 voient justement une spectaculaire renaissance de la « propagande par le fait » anarchiste : des dizaines d’actions incendiaires ont lieu sur deux thématiques, la « libération animale » (incendie de McDonald, de boucherie industrielle, etc.) avec des actions notamment signées de l’ALF, et la thématique anti-carcérale, avec des actions contre les sociétés faisant du profit avec les Centres fermés pour étrangers en situation irrégulière.

J’aurais voulu conclure ce survol par la bibliographie que m’avait demandée l’équipe du JIM. Mais cette bibliographie aurait eu la longueur même de l’article puisque chaque chiffre, chaque incident provient d’un ouvrage différent. Il n’existe ainsi aucun ouvrage historique décent consacré au PSR, à l’anarchisme en Belgique, ou aux CCC. Qu’il faille ainsi aller en débusquer les traces dans d’innombrables sources est un autre symptôme de l’omerta politique et idéologique frappant la lutte armée révolutionnaire en Belgique.

Thomas C.

Afin d’orienter le lecteur et de l’encourager à mener ses propres recherches sur le sujet, le JIM propose une sélection bibliographique de base à même de fournir des indications sur les actions politiques illégales, dans le cadre de grands mouvements de protestation ou isolées

Ouvrages et revues généraux

PUISSANT, Jean, « La question sociale dans l’historiographie en Belgique », in ALLARD, J.-J. et al., La question sociale en Belgique et au Canada. XIX-XX siècles, Bruxelles, Editions de l’Université Libre de Bruxelles, 1988, pp. 81-92.

GOTOVITCH, José, « Histoire du Parti communiste de Belgique », in Courrier hebdomadaire du C.R.I.S.P., Bruxelles, C.R.I.S.P., 1997, n° 1582.

MOULAERT, Jan, Le mouvement anarchiste en Belgique (1870-1914), éd. Quorum, 1996

La revue à parution annuelle « L’Année sociale », pour la période de 1960 à aujourd’hui.

La revue Dissidences, en particulier le numéro 7 (octobre 2009).

Sur la révolution belge

BOLOGNE, Maurice, L’insurrection prolétarienne de 1830 en Belgique, Aden, 2005

Sur la révolte de 1848 en Belgique

GRANIER-PAGES, Louis-Antoine, Histoire de la Révolution de 1848, 2e éd., t. 4, vol. II, Paris, Pagnerre, 1866, chap. 6, XVI-XXV, p. 263-273

Et également cette notice wikipedia sur la Légion belge

Sur la Question royale (1950)

THEUNISSEN, Paul, 1950, Le dénouement de la Question royale. Cinq mois qui ébranlèrent la Belgique, Bruxelles, éd. Complexe, 1986, trad. de Paul Theunissen et Paul Tannewald

Sur la grève générale de 1960-1961

Nous invitons le lecteur à se rendre au colloque du 4 décembre 2010 sur le sujet.

FEAUX, Valmy, Cinq semaines de luttes sociale. La grève de l’hiver 1960-1961, Bruxelles, Editions de l’Institut de Sociologie de l’Université libre de Bruxelles (Cahiers du centre national de sociologie), 1963.

NEUVILLE, Jean, YERNA, Jacques, Le choc de l’hiver 60-61. Les grèves contre la loi unique, Bruxelles, Politique et Histoire, 1990.

SPITAELS, Guy (éd.), Les conflits sociaux en Europe. grèves sauvages, contestation, rajeunissement des structures, Bruges / Verviers, Collège d’Europe / Marabout service, 1971. En particulier l’intervention de George Debunne, intitulée : « La Belgique, la crise des relations industrielles. La rupture. Les mouvements spontanés et sauvages ».

Sur le syndicalisme wallon et le mouvement renardiste

MOREAU, Robert, Combat syndical et conscience wallonne. Du syndicalisme clandestin au Mouvement Populaire Wallon, 1943-1963, Liège / Bruxelles / Mont-Sur-Marchienne, Fondation A. Renard / Vie Ouvrière / Institut Jules Destrée, 1984.

Sur les Cellules communistes combattantes

Un site d’archives consacré aux CCC.

Le JIM

[1] Volonté d’amalgamer nazisme et communisme, de s’approprier le combat des Résistants, de réhabiliter le colonialisme, etc.

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