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Capital fictif et capital reel

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Eugene Duhring
Estirio Dogante
Gaston Lefranc
gérard menvussa
verié2
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Capital fictif et capital reel Empty Capital fictif et capital reel

Message  verié2 Jeu 16 Mai - 10:13

Suite à la discussion engagée sur le fil consacré aux forces productives, je propos d'ouvrir une discussion sur "Capital fictif et capital réel".

Je ne prétends nullement être un spécialiste de la question. Mais, d'après ce que j'ai cru avoir compris :
-Le capital réel est composé de moyens matériels : usines, machines, matières premières, batiments etc.
-Le capital fictif, c'est leur valeur boursière. Qui peut varier du jour au lendemain. Ainsi, quand PSA a déclaré avoir perdu 5 milliards en 2012, c'était sur la valeur boursière de ses moyens de production.
-Une partie de ce capital fictif finit par être déconnecté de tout élément matériel en raison de la spéculation, des produits dérivés etc. C'est ce qui aboutit à l'existence virtuelle de gigantesques capitaux représentant, selon certaines estimations, 10 fois le PIB mondial.

Voici un texte que j'ai trouvé sur le sujet :

Marx et le capital fictif
Robert GIL

Imaginons de nombreux capitalistes qui construisent des lotissements, des logements par milliers. Ils investissent des capitaux importants, dans l’espoir d’en retirer un bénéfice. S’ils ne trouvent pas en face d’eux autant d’acheteurs solvables, ils ne vendent pas leurs maisons et vont droit à la faillite. Le capital qui aurait pu, une fois les ventes réalisées, être réinvesti dans de nouveaux chantiers de construction, est au contraire immobilisé sous la forme de maisons invendables, et les ouvriers du bâtiment sont licenciés.

L’une des implications de ce cycle de circulation du capital, c’est que celui-ci existe alternativement sous deux formes, l’argent ou la marchandise. Cela signifie qu’il existe toujours une accumulation de marchandises et une accumulation d’argent, qui passent périodiquement d’une forme à l’autre.

Au fur et à mesure que le chantier avance, le capitaliste paye ses ouvriers, les matières premières, …etc. Il dépense son capital, mais ne le fait pas d’un seul coup. Il reste donc, jusqu’au dernier payement, une partie de ce capital qui n’est pas encore employée.

Déposée dans une banque, cet argent peut fonctionner comme capital pour d’autres capitalistes, sous la forme du crédit. Peu importe à notre fabricant de maisons, que l’argent qu’il retire lorsqu’il en a besoin ne soit pas celui qu’il a déposé, puisque la somme est la même. Or, ce crédit offre de nombreuses applications intéressantes pour le système capitaliste.

Une banque pourrait prêter de l’argent à des acheteurs potentiels, pour leur permettre d’acheter ces maisons qui viennent d’être construites. Pour nos capitalistes, la question est résolue : si les acheteurs ne peuvent plus rembourser leurs traites, c’est devenu l’affaire de la banque et plus la leur.

Puisque les acheteurs remboursent régulièrement et qu’ils rembourseront, à terme, plus d’argent qu’ils n’en ont emprunté, la reconnaissance de dette devient un papier qui rapporte de l’argent à celui qui la détient. Mais elle contient aussi le risque de ne pas être remboursée, si l’emprunteur se révélait insolvable. Alors, pour la banque, il existe une solution : revendre ce papier, qui contient à la fois un argent potentiel et un risque potentiel, en le jetant sur le marché.

Pour l’acheteur, ce papier ne représente plus une maison, un ensemble de maisons, des marchandises, mais seulement de l’argent déconnecté de la marchandise. On peut l’acheter, le vendre, spéculer dessus. On est alors dans la fiction de l’argent qui engendrerait de l’argent. C’est l’une des composantes que Marx appelle le capital fictif, dans la mesure où il ne représente pas de l’argent réel, mais seulement la possibilité, l’espoir de gagner de l’argent.

La dette publique n’est pas une question nouvelle, même si elle est sous le feu de l’actualité. Elle constitue un élément structurel de la politique économique des États. Aujourd’hui, presque tous émettent des bons du trésor, tout en remboursant des dettes antérieures. Tant que les rentrées, fiscales pour l’essentiel, permettent d’entretenir ce cycle, cela ne pose pas de problème aux prêteurs, qui voient dans les bons d’État des valeurs fiables.

C’est l’un des effets de la croissance du capital fictif, pour lequel l’argent semble se valoriser directement en argent : tout titre, qu’il soit action ou bon d’État, est évalué en fonction du risque qu’il contient par rapport au profit potentiel qu’il engendre.

Une partie croissante du budget de l’État est donc constitué de ce capital fictif, ce qui le rend vulnérable aux crises financières qui s’y déroulent. Or, de la même manière que l’on peut assurer une maison ou une voiture, il est aujourd’hui possible d’assurer un risque financier sur le marché : c’est le rôle des CDS (crédit default swap). Ces titres font eux-mêmes l’objet d’un marché, qui est la logique même du capital fictif puisqu’ils contiennent un profit potentiel, de l’argent se valorisant en argent.

Dés lors, il devient possible de spéculer sur les risques de banqueroute d’un État : c’est ce qui s’est passé avec la crise grecque, portugaise, Espagnole, Italienne et maintenant Française. De ce point de vue, l’État est exactement dans la situation d’une entreprise qui restructure pour restaurer ses profits : réduction massive des salaires des fonctionnaires, blocage des recrutements et non-remplacement des départs en retraite, et amélioration de la « productivité » par des mesures fiscales.

Autrement dit, l’État est, dans le capitalisme actuel, un moyen de valorisation du capital comme un autre, la manière dont il s’y prend pour fournir cette valeur ajoutée n’ayant d’importance que lorsqu’il risque de ne plus y parvenir.

Par A.K d’après Karl MARX pour Conscience Citoyenne Responsable

http://2ccr.unblog.fr/2012/03/23/marx-et-le-capital-fictif/
Qu'en pense Gaston Lefranc ?

verié2

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Message  gérard menvussa Jeu 16 Mai - 12:43

J'ai trouvé ça également sur "perspective internationaliste" qui m'a l'air (à priori, je n'en sais pas plus) d'une revue théorique d'ultra gauche, lié au groupe allemand "Krizis" et a Robert Kurz d'ailleurs assez intéressante...

CAPITAL FICTIF et crise du capitalisme

Avec l´article suivant nous continuons notre investigation de la crise structurelle de l´economie capitaliste. Le texte analyse le lien entre le capital fictif et la croissance du travail improductif et de la consommation improductive d´une part, et la devalorisation technologique du capital d´autre part. Il examine comment l´exacerbation des contradictions fondamentales du capital pousse à la creation du capital fictif, et comment cette tendance établit les conditions d´un effondrement de l´économie mondiale.

Ce texte a été écrit comme contribution à un débat entre Loren Goldner et la revue Aufheben. Les textes de ce débat peuvent être trouvés au site web de Goldner à: http:// www.home.earthlink.net/~lrGoldner/ .Depuis que cette article fut écrit, Aufheben a publié une autre contribution au debat, qu´on peut trouver à: http:// www.geocities.com/Aufhebené/auf



Le capital fictif et la crise du capitalisme

La discussion entre Loren Goldner et Aufheben porte, pour l'essentiel, sur le rôle du capital fictive dans la crise du capitalisme, mais ils sont déjà en désaccord sur ce qu'est réellement le capital fictif.

Qu'est-ce que le capital fictif?

Alors que pour Goldner, le capital fictif trouve son origine dans la dévalorisation et la création de pseudo-valeur dans la production, pour Aufheben, «le capital fictif (et la valeur fictive) ne surgit que lorsqu'on considère le système financier et le crédit. Si l'on fait abstraction de la finance et du crédit, on ne peut pas parler du capital fictif».

Pour expliquer le concept de capital fictif, Aufheben donne l'exemple d'une somme d'argent empruntée pour financer la production et payée en retour avec intérêt (une portion de la plus-value résultante de cette production). Cette somme d'argent, écrit Aufheben, est fictive, parce qu'elle «existe de façon séparée du capital réel qui est dans les mains de notre entreprise capitaliste.» Pour Aufheben, le caractère fictif de ce capital est indépendant de la question de savoir si la production qu'il finance conduit ou non à la formation de plus-value. Il est déterminé par le fait que ce n'est pas ce capital financier directement, mais les machines, la force de travail, etc. (C et V) qui servent à produire et à réaliser la plus-value(malgré le fait que le prêteur possède de facto ce C et V, ou une portion de ceux-ci). Puisque tout le capital dans sa forme argent «existe séparément du capital réel» qu'il peut représenter, il semblerait que pour Aufheben, le capital fictif n'est qu'un autre mot pour capital financier. Dans un certain sens c'est correct, bien entendu, puisque la valeur de tout capital financier, son pouvoir de représenter les marchandises réelles, dépend finalement d'une fiction, de la «croyance dans la monnaie comme l'essence immanente des marchandises» (Marx). Mais l'argent est aussi «seulement une forme différente de la marchandise», du capital. Si le «capital fictif» est utilisé comme un synonyme de l'argent, le terme devient inutile pour exprimer la différence entre le capital qui correspond à une valeur réelle, et le capital qui n'y correspond pas. En effet, selon Aufheben, le capital fictif peut correspondre à du capital réel, mais aussi, il peut ne pas y correspondre.

Le concept de capital fictif est antérieur au marxisme et il a , au cours du temps, été défini de plusieurs façons, mais n'a pas été développé systématiquement sur le plan théorique. Marx n'a jamais donné de définition précise du capital fictif et n'a jamais développé, à ma connaissance, une analyse spécifique intégrant le concept de façon explicite dans le cadre de sa théorie de la plus-value. Bien entendu, tout concept n'est qu'un outil analytique. Une fois cet outil défini, ce qui compte est la façon dont on l'utilise. Le problème est que le concept de capital fictif de Aufheben est tellement large qu'il ne peut pas être utilisé pour beaucoup plus que pour de souligner les particularités du capital dans sa forme financière. Mais nous n'avons pas besoin de la catégorie de «capital fictif» pour cela. Le terme « capital financier fictif» n'exprimerait qu'une tautologie, incapable de distinguer entre l'argent qui exprime une valeur illusoire et l'argent qui mobilise le travail productif et qui ainsi se réalise; qui est, en d'autres termes, du capital réel.

A la différence de Aufheben, l'utilisation par Goldner du concept de capital fictif reconnaît la différence entre le capital qui réalise la valeur réelle et le capital qui ne le fait pas. Il voit (si je le comprends correctement) la source de la valeur fictive dans la capitalisation des avoirs qui sont attendus, mais pas matérialisés, dans la création d' actifs financiers sur la base de l'hypothèse d'une valorisation qui ne se produit pas. La racine du problème se trouve, alors, dans le processus de production lui-même. Pourquoi la valorisation du capital est tellement plus réduite que prévue que des bulles gigantesques de capital fictif apparaissent, généralement juste avant le déclenchement d'une crise ouverte ? Selon la réponse de Goldner, la croissance du capital fictif dans la sphère financière correspond à une croissance du capital fictif dans la sphère de production. Il identifie deux sources à ceci: la dépréciation morale du capital fixe qui résulte de l'innovation technologique, ou la techno - dépréciation comme Goldner préfère l'appeler, et la croissance de la production destinée à la consommation improductive. Les deux aspects sont des éléments importants de la crise du capital, mais il y a des problèmes dans la façon dont Goldner les analyse.

Le travail improductif

Commençons par le dernier aspect. Selon Goldner, le capital qui est utilisé pour la production de marchandises consommées de façon improductive, qui ne deviennent pas du C et V du prochain cycle, ne créée pas de valeur, et est donc fictif du point de vue du capitalisme comme un tout. Aucune valeur n'y est créée, le travail qui y est investi est improductif. Et pourtant ce capital revendique sa part de la plus-value totale, sans en créer. La capitalisation basée sur ce type de production augmente de façon automatique le capital fictif dans le secteur financier.

Le cœur du problème se trouve dans la conception de Goldner du travail improductif, qui est différente de celle de Marx et se trouve, à mon avis, en contradiction avec sa théorie de la valeur. Ce terme aussi est antérieur au marxisme, et il a reçu beaucoup de définitions. Marx le définit de façon stricte dans le contexte de l'analyse de la valeur dans le capitalisme. Etant donné que la valeur d'une marchandise est la valeur du C et V transférée et la plus-value, la valeur créée est plus grande que la valeur investie. Cette croissance est due au travail productif, au travail qui valorise le capital, qui est consommé de façon productive par celui-ci. Cette définition exclut tout le travail extra capitaliste (non pas parce que sa production n'a pas de valeur lorsqu'elle est échangée, mais parce que ce n'est pas du capital) et tout travail qui ne créé pas de marchandises, de façon directe ou indirecte. Cette dernière constitue évidemment un drain de l'accumulation capitaliste alors que la première procure une injection bienvenue dans cette accumulation, ça peut donc semer de la confusion en les mettant dans le même sac.

Personnellement, je pense qu'essayer de calibrer précisément quel travail est productif et lequel ne l'est pas, est devenu largement non - pertinent par l'évolution même du capitalisme anticipée par Marx : «Avec le développement de la soumission réelle du travail au capital, ou le mode de production spécifiquement capitaliste, le levier réel du processus global de travail est de moins en moins le travailleur individuel. Au contraire, la force de travail combinée socialement et les forces de travail différentes en compétition qui forment ensemble la machine de production totale, participent de façons très différentes dans le processus immédiat de production de marchandises, ou, plus exactement dans ce contexte, à la création du produit. Certains travaillent mieux avec leurs mains, d'autres avec leurs têtes, l'un comme directeur, ingénieur, technicien, etc., l'autre comme contremaître, le troisième comme travailleur manuel, ou même besogneux. Un nombre croissant de types de travail sont inclus dans le concept immédiat de travail productif, et ceux qui font ce travail sont classés comme travailleurs productifs, travailleurs directement exploités par le capital et subordonnés à son processus de production et d'expansion. Si nous considérons le travailleur collectif, i.e. si nous prenons tous les membres comprenant l'atelier de travail, alors nous voyons que leur activité combinée résulte matériellement dans un produit collectif qui est en même temps une quantité de marchandises. Et ici il est relativement non - pertinent de savoir si le travail d'un ouvrier particulier, qui est essentiellement un membre de ce travailleur collectif, est à une distance plus ou moins grande du travail manuel réel». (1) Beaucoup de types de travaux que, au moment où Marx écrivit ceci, seraient encore inclus dans sa définition du travail improductif sont à présent, avec l'avancée de la domination réelle du capital, clairement intégrés dans le travailleur collectif, y inclus dans la santé, l'éducation, le transport et la distribution, beaucoup de travaux d'indépendants, le jardinage, le nettoyage, et même beaucoup de jobs dans le secteur public, etc. Il y a bien entendu encore beaucoup de travail improductif, du travail qui n'est pas lié directement ou indirectement à la valorisation de capital, mais qui tombe dans la catégorie des «faux frais» nécessaires à la loi capitaliste (le travail des soldats, des policiers, des percepteurs d'impôts, etc.).

Mais le concept de Goldner du travail improductif est beaucoup plus large. Pour lui, tout travail qui créé des marchandises qui sont consommées de façon improductive, est improductif. Le critère n'est pas la façon dont la marchandise est produite, mais la façon dont elle est consommée. En cela, il va à l'encontre de Marx, qui écrivait: «une grande partie du produit annuel qui est consommé comme revenu et donc qui ne rentre pas dans la production, consiste en des produits les plus minables (valeurs d'usage) destinés à satisfaire des appétits et caprices les plus appauvris. En ce qui concerne la question du travail productif, cependant, la nature de ces objets est immatérielle (bien que, de façon évidente, le développement de la richesse serait inévitablement affecté si une partie disproportionnée devait être reproduite de cette façon au lieu d'être à nouveau transformée en moyens de production et de subsistance, devait être absorbée une fois consommée de façon plus productive, en bref, dans le processus de reproduction soit des marchandises soit de la force de travail. Cette sorte de travail productif produit des valeurs d'usage et s'objectifie elle-même dans des produits qui sont destinés à la consommation improductive.» (2)

Goldner est conscient que sa vision diffère de celle de Marx, mais il s'en explique en soulignant le changement de perspective adoptée par Marx, du point de vue du capitaliste individuel dans le volume 1 du Capital, vers le point de vue de la production capitaliste dans son ensemble dans le troisième volume. Ce n'est que dans ce dernier que la nature improductive du travail qui va dans la production de marchandises destinées à la consommation improductive devient claire, selon Goldner. En effet, pour le capitaliste individuel, une telle production rapporte du profit, elle valorise le capital et lui permet de s'accumuler, alors que pour le capital comme un tout, la consommation improductive détruit du capital, le fait disparaître. Goldner conclut de ceci que ce capital n'a jamais existé, qu'il était fictif tout le temps, à cause de sa destination. Bien que je sois d'accord avec Goldner que le changement du point de vue de Marx du capitaliste individuel au capital comme un tout est reel et une cause de beaucoup de confusion, je ne pense pas qu'il ait raison dans ce cas. De plus, la différence est moins contrastée que ce qu'en fait apparaître Goldner; il y a des parties dans les volumes 1 & 2 où Marx analyse explicitement le capitalisme dans sa totalité et d'autres dans le volume 3 où il regarde les choses du point de vue du capitaliste individuel (3). Considérons la façon dont le passage cité précédemment continue: «la théorie économique ordinaire trouve impossible d'énoncer un seul mot sensible sur la barrière à la production de biens de luxe même du point de vue du capitalisme lui-même. Le problème est très simple, toutefois, si les éléments du processus de reproduction sont examinés de façon systématique. Si le processus de reproduction est freine, ou (…) s'il est retenu par une diversion disproportionnée de travail productif dans des articles non reproductifs, il s'ensuit que les moyens de subsistance ou de production ne vont pas être reproduits en quantités suffisantes. Dans ce cas, il est possible de condamner la manufacture des produits de luxe du point de vue de la production capitaliste. Pour le reste, cependant, les biens de luxe sont absolument nécessaires pour un mode de production qui créé la richesse pour le non -producteur et qui doit dès lors fournir cette richesse sous des formes qui permettent son acquisition». (4)

Dans ce passage des «Résultats du processus de production immédiate», le «chapitre inédit» du Capital, vol. 1, Marx regarde clairement la question du point de vue de la production capitaliste comme un tout. Il répond anticipativement à ceux qui voient dans la croissance de la consommation improductive une solution aux contradictions du marché capitaliste, et a Goldner pour qui toute consommation improductive est un fardeau sur l'accumulation et mine le capitalisme.

Goldner a bien entendu le droit d'utiliser une définition du travail improductif différente de celle de Marx. Mais il va aussi à l'encontre de la logique de la théorie marxiste de la valeur.

Que se passe-t-il dans la production de marchandises destinées à la consommation improductive? Des quantités de C et V sont-elles transférées dans ces marchandises? Non, selon Goldner: en vertu de leur destination finale, les parties de C et V employées dans cette production cessent d'exister en tant que valeur, deviennent du capital fictif et aucune plus-value n'est extraite. Si nous suivons cette logique de la destination, tous les C et V qui vont dans la production de C et V du secteur qui produit pour la consommation improductive, devraient également être fictifs. Et de même pour le capital qui va dans la production de ces C et V, etc. De plus, le même travail qui produit des choses comme la nourriture, les voitures, les vêtements, ou les ordinateurs devrait être productif ou improductif selon l'acheteur de ces marchandises. Et sur quoi serait basé l'échange entre le secteur dont les marchandises sont consommées de façon productive et le secteur dont les marchandises sont consommées de façon improductive ? Toute la valeur serait d'un seul côté, et rien de l'autre. Sur quelle base les prix de ces dernières seraient-ils formés, si elles n'ont pas de valeur ?

Voilà quelques uns des problèmes créés par la définition que donne Goldner du travail improductif. Il me semble plus «productif» de s'en tenir au concept de Marx du travail productif. Le total du capital avancé C+V est valorisé par le travail productif et devient C+V+S. Une partie de la plus-value (Sa) est réinvestie, le reste (Sb) est consommée de façon improductive. Le «comment» n'a pas réellement d'importance, mais il est important qu'elle soit consommée, que la plus-value (qu'elle ne contient pas selon Goldner) soit réalisée. La proportion est importante, comme l'a souligné Marx. Si Sa devait englober toute la plus-value (ce qui n'est imaginable que théoriquement), il y aurait soit une surproduction massive ou bien la productivité devrait être extrêmement faible.

Et si Sb devenait trop important, s'il y avait un «détournement disproportionné du travail productif en articles non reproductibles», il y aurait moins de travail productif, et donc moins de valorisation, dans le prochain cycle de production. Au plus forte devient la productivité, au meilleur marché devient la production de marchandises (ou dans le raisonnement de Goldner: au plus le travail devient productif, au plus grande est la quantité possible de travail improductif). A première vue, une chute dans la valeur des moyens de production, C+V, semble attrayante : davantage de produit total peut aller dans Sb, vers les plaisirs de la classe dominante, avec plein de miettes pour le plebs. Mais le but du capitalisme n'est pas création de valeurs d'usage au moindre coût possible. Son but est l'accumulation de la valeur d'échange, la valorisation du capital. Le fait que moins de valeur aille dans les moyens de production ne signifie pas automatiquement que davantage aille dans le surproduit. Au moins de valeur va dans le capital productif, au moins le capital se valorise. Et, comme la valeur est rarement stable, le capital qui ne se valorise pas, tend à se dévaloriser.

Plus importante est la consommation improductive, plus lourde est la charge sur l'extraction de la plus-value. Pour que la proportionnalité nécessaire soit respectée, la plus-value que le secteur qui produit des marchandises reproductives consacre à la consommation improductive, doit être égale en valeur aux nouveaux moyens de production C+V du secteur qui produit des marchandises non reproductives dans le cycle suivant. Si nous appelons le premier secteur x et le second y, alors xSb= yC + yV + ySa. Cela fait un poids important sur xSb. Le taux d'exploitation en y fait-il une différence? Ou bien cela n'a-t-il pas d'importance, parce que la production n'y procure pas de plus-value, comme le pense Goldner? Cela a de l'importance parce que la valeur des valeurs d'usage que achète a x y seraient plus cher si aucune plus-value n'était extraite dans leur production. Le capital comme un tout possède cette plus-value et il lui permet de consacrer moins de S à xSb.

La question suivante est que devient cette proportionnalité ? Goldner a raison de penser que le poids croissant de la production pour la consommation non productive étrangle la capacité du capitalisme à se valoriser. Pourquoi la magie du marché libre n'établit-elle pas la proportionnalité qui correspondrait aux besoins du capitalisme? Avant que nous n'abordions cela, tournons-nous vers la seconde source de capital fictif de Goldner à l'intérieur de la sphère de production: la «techno - dépréciation».

La dévalorisation technologique et le capital fictif

Lorsque l'innovation technologique rend la technologie existante obsolète, lorsque la compétition force les capitalistes à abandonner une partie de leur capital fixe avant que sa valeur entière n'ait été transformée en marchandises, il y a un problème de façon évidente. Goldner a raison de l'identifier comme une source de la formation de capital fictif. La capitalisation prend place sur base de l'hypothèse que la capital avancé (C+V) va croître dans la production a C+V+S (autrement, il n'y aurait pas de raison d'investir). Mais seule une partie de la valeur de C est transférée, donc la valeur réelle des marchandises produites va être plus réduite que l'hypothétique C+V+S sur base de laquelle des actifs financiers ont été créées. Donc une partie du capital financier ne correspond pas à une valeur réelle et est donc fictive, à moins que la plus value S n'ait augmenté au-delà des attentes, suffisamment pour compenser la valeur perdue à cause de l'impossibilité de transférer toute la valeur de C dans les marchandises.

Cela semble évident, mais Aufheben ne semble pas d'accord, bien qu'il soit difficile d'en être certain parce qu'ils n'adressent pas directement la question de la perte de la valeur qui ne peut pas être transférée dans les marchandises, même si cela est crucial pour l'argument de Goldner. Aufheben argumente plutôt que l'innovation technologique, et en particulier dans l'exemple donné par Goldner pour illustrer son point, conduit à un «gain dans la profitabilité du capital qui est d'abord capturé par les capitalistes innovants et qui est puis généralise au capital comme un tout a travers une légère augmentation dans le taux de profit général». Aufheben souligne que dans cet exemple, dans lequel Goldner imagine un secteur avec 10 firmes, dont l'une emploie une nouvelle technologie qui réduit la valeur de son capital fixe de 15%, il assume de façon erronée que cette innovation dévaluerait immédiatement le capital fixe de tout le secteur de 15%, et assume également que la valeur du marché n'a pas changé. Ce n'est pas tenable: si la valeur du capital fixe de tout un secteur chute, la valeur de marché de ce qu'il produit chute également. Goldner laisse la valeur de marché inchangée parce qu'il veut défendre que les profits de ce secteur augmentent, calculés sur base de la valeur originale du capital fixe plutôt que sur base de la nouvelle valeur, plus faible, et donc fictive, basée sur une valeur illusoire. Il va trop loin (ce ne sont pas les profits des capitaux qui sont en arrière de l'innovation technologique qui sont du capital fictif, et Goldner ne doit pas faire cet argument pour établir la connection entre la dévalorisation technologique et le capital fictif) et il se mord la queue. Dans sa critique, Aufheben explique qu'il n'y a rien de fictif dans les origines de ces profits : c'est de la plus-value. Et il rappelle que la valeur de marché d'une marchandise est «déterminée par le travail moyen socialement nécessaire requis pour sa production». La firme avec innovation technologique produit en deçà de la valeur du marché (ses marchandises contiennent moins de temps de travail que celles produites dans des conditions moyennes), mais elle vend à la valeur du marché, et fait donc un surprofit. Les entreprises les plus arriérées produisent des marchandises dont la valeur est au-dessus de celle du marché, mais elles doivent également vendre à la valeur du marché, et leur profit est donc plus faible que le profit moyen. Un transfert de plus-value se passe dans le secteur, mais il n'y a pas de formation de profit auquel il ne correspond pas de la plus-value. Je suis d'accord avec cela, sauf qu'il est un petit peu fallacieux d'écrire, comme le fait Aufheben (et comme je l'ai fait), que la valeur de marché d'une marchandise est déterminée par la moyenne des valeurs individuelles de cette marchandise. C'est une formule raccourci qui explique le mécanisme, et que Marx utilisait lui-même. Mais elle n'est vraie que, comme Marx l'a expliqué plus loin, lorsque la masse de marchandises dans ce secteur est produite en dessous des conditions moyennes et qu'il n'y a ni sur- ni sous-production. Dans le secteur à 10 firmes de Goldner, seule une firme adopte la nouvelle technologie la première année, et donc la masse des marchandises sont toujours produites dans les conditions inchangées, moins favorables. La valeur de marché n'est pas une moyenne, mais est égale à la valeur contenue dans les marchandises produites par les 9 autres firmes arriérées. Cela resterait ainsi pendant quelques années, même si plusieurs autres firmes adoptaient la nouvelle technologie, si Marx a raison lorsqu'il écrit : «supposons (…) que la masse totale de marchandises en question amenée sur le marché reste la même, alors que la valeur des marchandises produites dans des conditions moins favorables n'arrive pas à contre - balancer la valeur des marchandises produites dans des conditions plus favorables, de sorte que la partie de la masse produite dans des conditions moins favorables forme une quantité relativement lourde par rapport à la masse moyenne et comparée à l'autre extrême. Dans ce cas, la masse produite dans des conditions moins favorables régule la valeur du marché, ou la valeur sociale». (5)

La valeur du marché, ou valeur sociale, est un concept social. C'est une interprétation par la société, qui surgit de transactions économiques innombrables, de ce qu'est la «temps social moyen» requis pour la production d'une marchandise. La flexibilité de la valeur du marché (et pas seulement le prix) de la force de travail (au-delà de la dévaluation résultant de la productivité croissante) illustre sa qualité subjective, produit de l'homme. Dans la citation ci-dessus, Marx fait l'hypothèse d'un marché stable. Non parce que les conditions de marché n'ont pas d'influence sur les valeurs de marché, que du contraire. Comme il l'explique par ailleurs, la surcapacité pousse la valeur du marché vers la valeur de la marchandise produite dans les conditions les plus favorables parce que les capitaux les plus avancés du point de vue technique se créent une place sur le marché en diminuant les prix de leurs marchandises à leur valeur. Mais si le marché est stable, et s'il y a toujours une «quantité relativement élevée» d'offre qui est produite dans les conditions les plus arriérées (ce qui est relativement vague mais ceci n'est pas une situation de laboratoire qui permet des mesures précises), alors les autres producteurs ne sont pas incités à vendre en dessous de la valeur de ce qui est produit par les techniques arriérées, et de renoncer à leurs surprofits. Pourquoi alors ne vendent-ils pas toujours à la valeur qui résulte des conditions les moins favorables et ne cherchent-ils pas leurs surprofits maximaux? C'est ce qui se produit, écrit Marx, dans les conditions de sous-production. Mais le mouvement du capital tend à éliminer la sous-production, de façon plus rapide à mesure que sa mobilité s'accroît. Si un secteur sous-produit, du capital l'envahit pour récolter les surprofits, et rapidement la sous capacité devient une surcapacité et diminue la valeur de marché jusqu'à la valeur de la production la plus avancée.

De ceci, il s'ensuit que la somme de la valeur de marché de toutes les marchandises d'un secteur peut être plus grande que la somme des valeurs individuelles de toutes ces marchandises. C'est le cas dans les stades précoces du schéma de Goldner. Une firme innove et obtient, par conséquent, un surprofit. Les autres ne le font pas, mais comme la valeur de marché ne change pas, leur profit ne diminue pas non plus. Donc, le surprofit ne peut plus être expliqué par un transfert de valeur à l'intérieur du secteur, puisque aucune firme n'a du céder du profit. «Donc, que se passe-t-il ici?», demande Aufheben, «d'où viennent ces surprofits?» Soit il s'agit de capital fictif, ou ils doivent provenir de plus-value de l'exterieur du secteur. L'analyse de la valeur fait apparaître que c'est la deuxième. Les acheteurs de ce secteur payent la somme de la valeur de marché, mais ils reçoivent moins, la somme des valeurs individuelles. Il y a un échange de valeur inégal: ils échangent davantage de valeur pour moins. J'avais pensé que Aufheben répondrait à la question d'une façon similaire, mais leur réponse quitte le cadre de l'analyse de valeur. L'innovation technologique réduit les coûts de production, explique Aufheben, «moins de travail mort est requis pour produire la même masse de marchandises», et la profitabilité du capital comme un tout augmente en conséquence, ce qui permet le surprofit. Point à la ligne. Je l'ai souligné précédemment, le but du capitalisme n'est pas de créer des marchandises avec aussi peu de travail mort que possible. Son but est d'accumuler de la valeur. C'est vrai qu'une diminution de la valeur du capital fixe signifie que relativement moins de valeur doit être investie dans celui-ci, mais cela implique-t-il que le profit par capital investi (S/C+V) augmente automatiquement, comme l'assume Aufheben? Cela paraît être le cas pour le capitaliste individuel qui diminue ses coûts avec la nouvelle technologie, et va en-dessous de la valeur du marché et obtient un surprofit. Mais ce qui compte pour le capital dans son ensemble n'est pas le coût du travail mort en soi, mais la quantité et la productivité du travail vivant qu'il met en mouvement. Si la valeur du capital constant diminue, la valeur de marché diminue également. Il y a un décalage temporel entre le changement technologique et l'adaptation de la valeur du marché à ce changement et entre-temps la firme ou le secteur qui a produit en dessous de la valeur du marché obtient un surprofit. Mais ce surprofit est le plus-value transférée de quelque part, et donc la réduction du travail mort n'augmente pas automatiquement la plus-value du capital total. Au contraire, Aufheben assume que lorsque la valeur de C diminue, la valeur de V et S restent constantes mais historiquement, l'innovation technologique va de pair avec une augmentation dans la composition organique du capital (COC), ou le rapport entre le travail mort et le travail vivant dans la production. Ceci restreint (relativement) la base pour le travail productif et cause par là-même la baisse (tendancielle) du taux de profit.

Donc le surprofit n'est pas du capital fictif mais de la réelle plus-value, même si elle vient de l'extérieur du secteur. Ce secteur ne peut pas garder ce surprofit pour très longtemps. Les marchandises ne sont pas (ou rarement) vendues à leurs valeurs de marché parce qu'elles sont continuellement transformées en prix de production, qui équivaut à la valeur du capital investi plus un taux de profit moyen. Cette transformation se passe parce que le secteur dans lequel des surprofits sont faits reçoit un afflux de capital qui continue jusqu'à ce que le taux de profit soit équivalent au taux de profit général de cette économie. Ce processus établit aussi une proportionnalité entre les différents secteurs mais pas nécessairement la proportionnalité dont le capitalisme a besoin pour une accumulation harmonieuse. Je reviendrai sur ce point.

Pour conclure cette partie du débat: je ne pense pas que Aufheben adresse réellement la question de Goldner. Pour la situer dans un contexte plus large: une diminution générale du taux de profit provoque une intense compétition, une pression intense à produire en dessous de la valeur du marché. Il n'y a pas d'autre choix, que la fuite en avant dans la surproduction et l'obsolescence prématurée du capital fixe. Une certaine valeur a été capitalisée, mais la valeur réelle est un petit peu inférieure. Donc inévitablement une partie de ce capital est à présent fictive.

Quelques remarques précises sont nécessaires

Des amortissements accélérés

Lorsqu'on attend une obsolescence prématurée, lorsque les capitalistes savent qu'une machine va être déclassée dans 5 ans même si elle fera toujours ce pour quoi elle est faite pendant encore 10 années, la valeur de cette machine va être transférée dans sa production en 5 ans, plutôt que sur l'empan de vie 'naturel' de la machine. Donc à la fois la valeur individuelle et la valeur de marché vont rester plus importantes qu'elle ne le seraient autrement. Ceci agit comme un obstacle à l'expansion du marché mais en termes de valorisation, la valeur entière du capital fixe est réalisée dans ce cycle accéléré. Mais pour le capital total le coût de C inclut la valeur complète du capital fixe dévalorisé plus le nouveau qui l'a remplacé. Ceci augmente l'effet négatif sur le taux de profit causé par l'augmentation de la COC: la même rendement de plus-value requiert une quantité de valeur plus importante de capital constant. Dans un sens, l'amortissement accéléré du capital fixe n'est qu'un tour comptable pour passer le coût de la dépréciation morale aux acheteurs. Elle est rendue possible par le seuil de formation de capital élevé dans plusieurs secteurs. Ceci rend très difficile, souvent impossible pour des nouveaux capitaux d'envahir un secteur et de forcer sa valeur du marché à la baisse. Ce seuil élevé protège les capitaux déjà implantés et créé une sorte de conspiration de cartel implicite, et de plus en plus explicite, qu'on appelle aujourd'hui des «alliances stratégiques internationales», dont le but premier est de partager le poids de la dévalorisation technologique et de répandre le coût du développement technologique (6). Mais la amortissement accéléré du capital fixe fait une différence en ce qui concerne la création de capital fictif, puisque la valeur assumée de cette production n’excède pas la valeur réelle. Ce n'est que lorsque la «techno - dépréciation» n'est pas anticipée qu'elle crée du capital fictif.

Le changement technologique et le taux d'exploitation

Deuxièmement, l'innovation technologique va d'habitude de pair avec une augmentation de la productivité (et donc une plus grande disponibilité de valeurs d'usage) et une augmentation du taux d'exploitation. Ces dernières compensent, à un degré plus ou moins grand, la dévalorisation technologique. Les deux ne sont pas la même chose. Si la productivité augmente dans une branche de l'industrie, il ne s'ensuit pas que davantage de plus-value est extraite dans ce secteur, que le taux d'exploitation augmente (même si cette branche va probablement prendre un surprofit sur le marché). Mais une augmentation générale de la productivité raccourcit le temps de travail social moyen nécessaire pour la création des moyens de subsistance des travailleurs, et donc diminue la valeur de la force de travail, de sorte qu'une plus grande partie de la journée de travail est non payée, la plus-value. L'innovation technologique stimule le taux d'exploitation d'autres façons également. Elle restructure le processus du travail toujours avec le but de le rendre plus intensif; elle donne une plus grande mobilité au capital et un plus grand accès à la force de travail de valeur basse ou dont les salaires peuvent être amenés en dessous de leur valeur, etc. Il semble clair que le capitalisme reçoive un stimulant de tous ces facteurs dans l'ère de la «mondialisation». L'augmentation de la productivité qu'elle procure peut être surévaluée, et masquer, d'une part, du capital fictif, et d'autre part des formes d'augmentation de l'exploitation comme une augmentation du travail non payé. Dans tous les cas, la croissance de la productivité elle-même peut être surévaluée comme une sorte de Saint Graal sauvant le capitalisme. Comme je l'ai dit, la croissance de la productivité ne signifie pas automatiquement une augmentation du taux de plus-value, et c'est ce qui compte pour la valorisation du capital.

La limite de l'augmentation du taux de plus-value est qu'elle ne peut jamais être plus que la partie d'un tout, le travail productif employé. «Sa barrière reste toujours la relation entre la partie fractionnelle de la journée qui exprime le travail nécessaire, et la journée de travail tout entière. Elle ne peut que se mouvoir entre ces bornes. Plus petite est déjà la partie nécessaire au travail nécessaire, plus grand est le surtravail, de moins une augmentation dans le pouvoir productif peut diminuer de façon perceptible le travail nécessaire, puisque le dénominateur a augmenté énormément. L'auto - réalisation du capital devient plus difficile à mesure qu'il a déjà été réalisé.» (7)

Il n'y a pas de limite similaire pour le développement technologique et l'augmentation dans la COC qui va de pair. Cela se développe, forcé par la compétition, par la nécessité de descendre en dessous de la valeur du marché, par l'impulsion de la technologie à se connecter avec d'autres technologies, à refaire constamment le monde des marchandises à son image. Par conséquent, la tendance irrésistible du capital à réduire la valeur de la production de marchandises, réduit la plus-value également.

Le miroir magique du marché

Une remarque finale sur ceci: le coût réel de la dépréciation morale du capital comme un tout est masqué par les profits des secteurs qui innovent, parce que les secteurs avec un taux d'innovation technologique plus élevé que la moyenne tendent à obtenir un surprofit, càd une plus-value du reste de l'économie.

La motivation pour l'innovation technologique est soit la production d'une marchandise en dessous de sa valeur de marché, ou l'amélioration de la qualité (ou de la qualité perçue) d'une marchandise au-dessus de celle des autres (de sorte que pour cette nouvelle marchandise, le capital en question a une position monopolistique). La récompense, dans les deux cas, est le surprofit. Et même si cette récompense n'est que temporaire, puisque les valeurs de marché sont constamment transformées en prix de production et que ce processus éradique progressivement le surprofit, égalise le taux de profit avec le taux de profit général, elle est réelle, à la fois pour l'entreprise et pour tout le secteur qui adopte la nouvelle technologie. La différence de temps entre la valeur d'une marchandise qui résulte de la nouvelle technologie et l'adaptation de la valeur du marché à ce déclin peut être considérable, tout particulièrement si la compétition est limitée par un seuil élevé de formation du capital et un contrôle de style cartel par les firmes principales de ce secteur. Et même si cet avantage est temporaire, la même entreprise ou le même secteur qui l'a obtenu peut à nouveau obtenir un nouvel avantage technologique au moment où la valeur du marché a diminué d'elle-même ou au moment où sa position monopolistique a été rompue. En d'autres termes, «la productivité spéciale du travail dans n'importe quelle sphère permet à cette sphère particulière de faire un sur - profit par rapport au capital total» (Cool. Le mouvement du capital établit une proportionnalité (instable) entre cette sphère et les autres. Mais ces proportions sont évidemment différentes de ce qu'elles seraient sans l'incitant à réaliser cet extra - profit. Même si sa production dépasse déjà le marché, cette sphère attire toujours du capital parce que, jusqu'à un certain point, le profit excédentaire amortit le coût de la surproduction/dépréciation morale. Quand il ne le fait plus, il n'y a plus d'incitant moral pour le capital à se diriger dans cette sphère. A ce point, il y a une sorte d'équilibre, mais un équilibre avec une surcapacité structurelle, congénitale, dans les sphères qui ont un taux d'innovation technologique plus élevé que la moyenne. Cela signifie qu'une valeur qui pourrait être par ailleurs utilisée de façon productive dans les sphères avec une composition organique du capital (COC) inférieure, est stérilisée.

Donc la proportionnalité qui est introduite par les forces du marché n'est pas celle qui est requise pour une accumulation souple du capital et tend à l'éroder davantage à mesure qu'augmente le fossé entre la production avec un haut taux de croissance technologique et la production avec un bas taux. Dans le volume 2 du Capital, Marx a prouvé logiquement la capacité d'auto expansion du capitalisme. Mais il a également montré que cette expansion doit être proportionnelle, et que la valorisation du capital est minée là où elle ne l'est pas. Marx s'est focalisé sur la proportionnalité requise entre les biens de production et les biens de consommation mais d'une certaine façon c'était juste un exemple pour démontrer que le cycle de la valeur doit être maintenu en entier (au moins, pour parler de façon générale. Pour le dire plus précisément: la quantité de valeur qui disparaît du cycle doit être inférieure que la valeur qui y est créée). Beaucoup d'autres exemples peuvent être donnés pour illustrer cette nécessité de conserver la valeur afin de la faire croître. Il y a, par exemple, une proportionnalité précise requise, dans les valeurs d'usage et la valeur d'échange, dans ce que le secteur de production de chaussures donne et prend du reste de l'économie. Une valeur suffisante doit y être investie, sinon les chaussures vont être rares et chères. Si le secteur de la chaussure reçoit suffisamment de capital, son marché augmente, sa valeur de marché diminue ce qui aide à diminuer la valeur de la force de travail. Le marché établit une proportionnalité, non parce que les forces du marché cherchent à accomplir ceci, mais parce qu'elles sont en recherche du profit le plus élevé. Si l'innovation technologique permet à un capitaliste producteur de chaussures de produire en dessous de la valeur du marché et d'obtenir un surprofit, il va le faire à condition que le marché de la chaussure puisse encore s'étendre parce que «mettre au point une nouvelle technologie coûte beaucoup d'argent. Pour justifier cette dépense, il faut construire une grande capacité. Puis on a besoin de volume pour justifier cette capacité» (9). Mais l'élasticité du marché de la chaussure n'est pas si grande, surtout pas dans le contexte d'une surproduction mondiale: l'augmentation de la COO C restreint la demande relative pour la consommation productive de chaussures, la pression constante du capital à diminuer le prix de la force de travail en dessous de sa valeur la réduit encore davantage, et la demande de consommation improductive de chaussures n'est pas flexible à ce point-là non plus : la plupart des gens, Imelda Marcos mise à part, ne peuvent utiliser autant de paires de chaussures. Leur demande ne va pas nécessairement augmenter parce que les chaussures deviennent meilleur marché. Comparées à des marchandises destinées essentiellement à la consommation productive comme des chaussures, beaucoup de marchandises destinées à la consommation improductive ont une élasticité de marché beaucoup plus grande. De la même façon qu'augmente l'écart entre la production low Tech et high Tech, l'écart entre ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas augmente également. Alors que les capitalistes essayent de pousser les salaires et donc le marché pour la consommation productive à la baisse, ils ne soumettent pas leur propre consommation improductive à la même pression, comme l'illustre les statistiques bien connues sur le fossé toujours croissant entre les revenus des travailleurs et des CEO. De façon similaire, la pression budgétaire conduit à des coupes sauvages dans les dépenses de l'Etat qui font partie du salaire social du travailleur collectif et qui sont donc destinées à la consommation productive, alors que la consommation improductive de l'Etat, comme les dépenses militaires, continue à s'étendre. L'expansion continue du marché de la consommation improductive rend ses producteurs réceptifs à un taux d'innovation technologique élevé (ce n'est pas une coïncidence si les changements technologiques prennent souvent naissance dans le domaine militaire), ce qui signifie un transfert plus ou moins continu de plus-value du reste de l'économie vers ces secteurs. Et ceci signifie que la proportionnalité que le marché force à établir entre la production pour la consommation productive et la production pour la consommation improductive implique une sous accumulation dans le premier secteur et une tendance croissante à la suraccumulation dans le second.

Donc ceci répond à notre question antérieure: pourquoi la magie du marché libre n'établit-elle pas la proportionnalité entre Sa et Sb, que Marx considérait si essentielle pour l'accumulation du capital? Goldner peut être dans l'erreur dans son analyse du travail improductif, mais il a absolument raison lorsqu'il insiste sur le fait qu'un poids croissant de la production pour la consommation improductive étrangle la capacité du capitalisme à se valoriser.

Le capital fictif, source et symptôme de la crise

Enfin, il y a une autre proportionnalité à considérer: celle entre la marchandise «argent» et toutes les autres marchandises. En tant que marchandise générale, l'argent médiatise l'échange des autres marchandises en leur remplaçant, en échangeant constamment place avec eux, rendant ainsi leur circulation possible. L'argent est donc une construction humaine, un concept social, une idée qui prend forme dans du métal précieux, du papier, ou de nos jours dans des chiffres sur un écran d'ordinateur. La valeur de sa substance matérielle (sa valeur d'usage et d'échange) est non pertinente, mais sa quantité est très importante: comme il représente la valeur totale en circulation, l'argent dévalue (inflation) lorsque sa quantité augmente plus que la valeur qui circule effectivement. Mais l'argent n'est pas seulement un marchandise générale qui représente toutes les autres, mais aussi une marchandise particulière pour laquelle existe une demande séparée de la demande de toutes les autres marchandises, et qui peut dépasser celle-ci. Ce n'est pas seulement un moyen de faire circuler les autres marchandises, mais aussi le représentant universel matériel de la richesse, la marchandise dans laquelle la valeur peut être stockée, parce que «toutes les marchandises sont de l'argent périssable (mais) l'argent est la marchandise non périssable» (10). C'est la seule qui «satisfasse tous les besoins, dans la mesure où elle peut être échangée contre l'objet désiré par chaque besoin, indépendamment de toute particularité. La marchandise possède cette propriété seulement par la médiation de l'argent. L'argent la possède directement en relation avec toutes les marchandises, et donc en relation avec le monde entier de la richesse, avec la richesse en tant que telle» (11). En tant que marchandise générale, l'argent reste inclus dans le processus de circulation, alors que les autres marchandises en sont retirées. En tant que marchandise particulière, l'argent sort du processus de circulation, y retourne, et acquiert un semblant d'autonomie par rapport à celui-ci. En fonction du point de départ, le cycle de la valeur peut être vu soit comme Marchandise-Argent-Marchandise ou comme Argent-Marchandise-Argent. En tant que marchandise générale, l'argent est l'intermédiaire qui rend le cycle Marchandise-Argent-Marchandise, et donc la reproduction, possible. Mais en tant que marchandise particulière, il représente le but du cycle Argent-Marchandise-Argent, non un moyen mais un but en lui-même. Toutes les autres marchandises doivent être échangées rapidement, doivent être transformées en argent, ou perdre leur valeur. Seul l'argent (j'utilise ici ce terme dans un sens large, incluant tous les avoirs financiers et les autres marchandises utilisées pour stocker la valeur qui ne peuvent pas être changées en liquide relativement rapidement, comme des immobiliers, l'art, etc.) ne doit pas être transformé. Le cycle Marchandise-Argent doit toujours se poursuivre, à tout prix, même si la surproduction entraîne le prix en dessous de sa valeur. Mais le cycle Argent-Marchandise ne doit pas. L'argent n'a pas de raison d'accomplir le cycle Argent-Marchandise, à moins que le pas suivant, Marchandise-Argent n'augmente sa valeur. C'est là que réside l'avantage compétitif de l'argent sur toutes les autres marchandises.

Cette fonction de l'argent comme marchandise particulière, comme valeur d'échange abstraite stockée pour elle-même, fait partie d l'essence du capitalisme et est cruciale pour son fonctionnement, qui requiert que la quantité totale d'argent représente une valeur plus élevée que la valeur du produit social qu'il fait circuler. L'accumulation requiert l'épargne: la valeur d'échange doit pouvoir quitter la circulation et y retourner. L'argent doit pouvoir se retirer de la production lorsque la suraccumulation menace et rester un moyen de payement lorsqu'il ne fonctionne plus comme moyen de circulation. Chaque économie a besoin d'un capital monétaire qui fonctionne comme capital productif latent qui migre dans la sphère de production lorsque l'accumulation le requiert. Le problème est à nouveau une problème de proportionnalité et sa distorsion par l'avantage compétitif.

Dans le contexte d'une surproduction mondiale, l'avantage compétitif de l'argent en tant que marchandise particulière est accentué parce que l'élasticité du marché pour les avoirs financiers est beaucoup plus grande que l'élasticité du marché pour toutes les autres marchandises. Plus l'expansion du dernier secteur est en difficultés, plus la demande pour le premier augmente, et plus elle augmente, plus les avoirs financiers augmentent en prix. Plus leurs prix augmentent, et plus augmente la valeur d'échange qu'ils représentent, et donc plus cela a de sens de stocker l'argent dans ces valeurs, plutôt que de le réinvestir dans la production. Ceci diminue à nouveau la demande pour le capital constant et variable, pousse leurs prix à la baisse et érode davantage la création de valeur nouvelle. Donc la demande pour l'argent peut excéder la demande pour toutes les autres marchandises, et créer par là un manque de demande pour ces dernières, parce que l'incitant à convertir les marchandises en valeur d'échange abstraite peut être plus forte que l'incitant à reconvertir la valeur d'échange en valeurs d'usage.

Plus l'incitant à transformer la valeur d'échange en valeurs d'usage diminue par rapport à l'incitant à transformer les marchandises en valeur d'échange, plus les prix des valeurs financières augmentent par rapport à ceux des marchandises, et plus rationnel il devient de vendre sans acheter et de stocker le profit dans la capital argent. Donc le marché financier et la production de marchandises vont dans des sens opposés. Ce qui doit être uni, l'offre et la demande, la vente et l'achat, devient de plus en plus séparé. C'est cette dynamique qui conduit le capitalisme de la crise à l'effondrement. Les deux rôles de l'argent, comme marchandise générale qui fait circuler la production sociale et comme marchandise particulière qui stocke la valeur abstraite, sont unifiées par l'acceptation de l'argent comme moyen de payement. Mais cette unité est menacée lorsque de plus en plus de moyens de payement sont accumulés alors que la valeur réelle que l'argent fait circuler diminue. Ce dernier pousse à la baisse la valeur représentée par la quantité totale d'argent, alors que dans le trésor, sa valeur est (apparemment) poussée à la hausse par la demande d'argent comme marchandise particulière. Donc l'argent capitalisé représente de plus en plus une valeur qui n'existe pas, et qui n'est pas créée dans l'économie réelle. Plus le fossé augmente, plus catastrophique sera l'effondrement du capital fictif. La capacité de l'argent à stocker la valeur s'effondre, et ceci transforme une crise partielle, contenue, en une crise mondiale, parce que si l'argent ne peut pas stocker de la valeur, il ne peut pas fonctionner comme un moyen de payement, et s'il ne peut faire cela, il ne peut pas faire circuler les marchandises, de sorte que le processus de réalisation de la valeur est mis en déroute, la chaîne des obligations de payement se rompt en des millions d'endroits, et la production est paralysée.

Donc l'effondrement de la bulle de capital fictif doit être arrêtée afin d'éviter l'effondrement de l'économie. La cause de la croissance du capital fictif est la difficulté de la phase Argent-Marchandise dans le cycle de la valeur. Mais toutes les tentatives pour stimuler le cycle Argent-Marchandise impliquent la création de davantage de capital fictif. Dans la mesure où la tendance de l'argent à devenir marchandise diminue, ce qui signifie que l'argent se retire du processus de circulation, on est obligé d'augmenter l'offre d'argent afin de prévenir le manque d'argent dans la circulation. Là se trouve déjà une source de création de capital fictif. Mais ce n'est pas suffisant pour s'assurer du fait que le cycle Argent-Marchandise prenne place. L'Etat dirige le capital vers la sphère productive, subsidie l'industrie ou ses consommateurs. Mais ceci peut à nouveau conduire à des problèmes de surproduction et des problèmes pour accomplir le cycle Marchandise-Argent, qui découragent à leur tour le cycle Argent-Marchandise.

L'histoire du capitalisme depuis le retour de la crise mondiale après le boom de l'après-guerre a été marquée par les différentes stratégies de la classe capitaliste par rapport au capital fictif. Dans les années '70, les tentatives d l'Etat de stimuler le cycle Argent-Marchandise ont provoqué l'inflation de la dette publique. Mais autrement plus dangereux était l'augmentation de l'inflation qui résultait du fonctionnement accéléré de la planche à billets. L'inflation est une forme de dévalorisation du capital fictif, mais à un certain niveau –«l'hyperinflation»- elle attaque aussi le concept social d'argent en tant que moyen de payement et incite l'argent à se réfugier de façon désespérée dans l'or et dans d'autres havres illusoires de sécurité. Dans les années '80, la croissance de la quantité d'argent a été contenue. Mais la dette étatique a explosé. A travers les pays de l'OCDE, la dette gouvernementale a augmenté à un taux annuel de 9% depuis 1980 jusqu'à 1992, plus de trois fois plus rapidement que leur PNB combiné. Le danger de l'hyperinflation s'est écarté, mais la croissance du capital fictif a pris une autre forme. En tant que moyen de stimuler le cycle Argent-Marchandise, il a perdu graduellement son efficacité, parce qu'une partie toujours croissante des dépenses d'Etat ne sert désormais plus à stimuler le cycle Argent-Marchandise, mais à payer les intérêts des emprunts précédents. Dans les années '90, la croissance de la dette gouvernementale a été freinée, mais à présent, à cause de facteurs diverses liés à la restructuration du capital, la nouvelle technologie, et la 'mondialisation', le marché des actions et la dette deviennent des champs fertiles pour la croissance du capital fictif. En 1992, les avoirs financiers des pays de l'OCDE étaient déjà le double de la valeur du produit économique de ces pays, en 2000 ils sont évalués à trois fois le PNB total de l'OCDE.

Evidemment, ceci ne peut continuer. Il y a eu dévalorisation du capital fictif, par l'inflation, par l'explosion des différentes bulles et le déclin du marché des actions en générale dans les dernières années, mais pas suffisamment pour empêcher la croissance de sa taille générale par rapport à la valorisation réelle du capital. Les capitaux plus développés, et tout particulièrement les Etats-Unis avec leur rôle de banquier central du monde, ont été aidés énormément par la «mondialisation», non seulement parce que celle-ci facilite l'accès au travail bon marché et en raison des difficultés des capitaux plus faibles à accomplir le cycle Marchandises-Argent les force à vendre en dessous de leur valeur, à un taux de profit faible, transférant de la plus-value vers ses clients, mais aussi parce que la mobilité croissante du capital rend plus facile le transfert d'argent vers des pôles plus forts, de la périphérie vers le centre. Là-bas il stimule la production en général mais plus particulièrement la production pour la consommation improductive, accentuant l'illusion de prospérité sur les ponts supérieurs du Titanic. Pour les pays plus faibles, cela signifie une difficulté croissante de leur capital financier à stocker de la valeur, ce qui conduit à une déflation des actions et à une pression latente à la dévaluation de leurs monnaies. Les obstacles à accomplir les cycles Argent-Marchandise et Marchandise-Argent vont de pair. Nous avons vu que le cycle Marchandise-Argent doit se poursuivre, à tout prix, parce que les marchandises perdent leur valeur si ce n'est pas le cas. Dans un contexte général de surcapacité, la pression est la plus forte sur les compétiteurs plus faibles et sur ceux qui sont les plus dépendants de leur marché externe. La chute des prix rend impossible de réaliser la valeur de la Marchandise et donc décourage encore davantage l'Argent à devenir Marchandise. Le processus s'auto alimente, donc la croissance de capital fictif correspond à une croissance de pression déflationniste.



Comment, dans cette décennie, la fiction du capital fictif peut-elle être maintenue ? Les immobiliers ont fonctionné jusqu'à un certain point comme un terrain alternatif pour absorber le capital fictif, mais pour combien de temps ? Les déficits budgétaires augmentent à nouveau, mais étant donné l'aggravation du contexte mondial il est peu probable que l'économie puisse soutenir un retour des taux de croissance de la dette gouvernementale des années '80, tout comme elle ne peut pas revenir à un niveau d'inflation des années '70. Les leviers politiques de l'état pour prévenir un processus de dévalorisation générale deviennent épuisées. L'Etat ne peut pas augmenter de façon substantielle les taxes, il ne peut pas diminuer de façon substantielle les taux d'intérêt. Et après avoir nourri de manière forcée l'économie pendant des décennies avec du capital fictif, il est de moins en moins capable de contenir la panique qui suivrait l'annonce d'une dévalorisation majeure au centre de l'économie mondiale. Le marché international de l'argent est tellement transparent qu’il fait apparaître comme dérisoire les réserves financières des Etats et a donc plus de contrôle sur les monnaies que les Etats eux-mêmes. En 1983, cinq banques centrales majeures (USA, Allemagne, Japon, Grande Bretagne, Suisse) avaient 139 milliards de dollars en réserve tandis que l'échange moyenn par jour des marchés d'argent comptait 39 milliards de dollars. En 1986, les deux avaient à peu près la même taille. En 1993, les marchés contrôlaient trois fois plus que les banques centrales. Et cætera. Malgré la structure politique nationale du capitalisme, le capital argent n'a pas de fidélité, si ce n'est vis-à-vis de lui-même. Lorsque la merde frappe le ventilateur, chaque détenteur de capital ne va penser qu'à lui-même, va vendre a tout prix des actions, fermer les entreprises, licencier les ouvriers, brader les prix pour se débarrasser des marchandises. Et l'effondrement va s'autoalimenter, entraînant toute l'économie mondiale dans sa dépression la plus profonde.

Pour empêcher cette issue, les Etats capitalistes ne peuvent s'attaquer aux racines du problème. Ils ne peuvent que chercher à protéger leur propre valeur, leur propre capital fictif, aux dépends d'autrui. Donc il est à craindre qu'ils recourent toujours davantage à des moyens militaires pour chercher leur «valorisation» dans le sens où Marx parlait de la valorisation du capital commercial – en volant la plus-value créée ailleurs; ce qui sert en même temps à démontrer son pouvoir et maintenir la loyauté dans la solidité de son butin, à stimuler le cycle Argent-Marchandise à travers la production militaire et à contenir la tension sociale et le conflit de classe alimenté par la dévalorisation.



Conclusion provisoire

Il y a beaucoup d'autres choses à dire sur le rôle du capital fictif dans la crise du capitalisme, mais je dois arrêter à présent. Ma préoccupation principale est de placer cette analyse dans une théorie intégrée, dynamique, de la crise. C'est une crise de profit, une crise de diminution du rendement de l'investissement, c'est une crise de consommation improductive, de croissance disproportionnée, c'est une crise de gaspillage massif de la valeur par la «techno - dépréciation», c'est une crise de surproduction, de demande trop limitée de consommation productive. Lequel de ces facteurs est le plus décisif n'est pas important parce qu'ils sont tous liés, même s'ils se manifestent à des moments différents du cycle de l'accumulation de la valeur. Ils ont tous la même origine: le fait que le capital «d'un côté, appelle à la vie toutes les forces de la science et de la nature, afin de rendre la création de richesse (relativement) indépendante du temps de travail employé à cette création. De l'autre, il veut utiliser le temps de travail comme un étalon pour les forces sociales géantes qui sont créées de cette façon, et les confiner aux limites requises pour maintenir la valeur déjà créée comme valeur.» (12) C'est la loi de la valeur elle-même qui n'est désormais plus compatible avec l'évolution de la société humaine. Il reste à voir combien de désastres, combien de souffrances seront nécessaires avant que cela devienne suffisamment clair pour s'en débarrasser.

Sander, 12/31/03

1. Marx, Results of the Immediate Process of Production, Appendix to Capital, Vol.1, Penguin Edition, p. 1039-1040.

2. Ibid. p. 1045

3. Par exemple dans Vol.3 Marx dit que les travailleurs commerciaux sont productifs, pas parce que leur travail augmente la valeur des marchandises mais parce que leur patron obtient par leur travail une partie de la plus-value créé dans la production. Dans ce sens, ce travail valorise le capital du patron. Ici, Marx manifestement regarde les choses du point de vue du capital individuel, en ce cas, le commerçant. Puisque les travailleurs commerciaux ne créent pas de plus-value (selon Marx) mais seulement font possible un transfert de plus-value, cette analyse semble questionnable. En suivant cette raisonnement, on pourrait dire que faire la guerre c’est aussi du travail productif. Je pense qu´il est plus correct de voir les travailleurs commerciaux (et en général tout le travail de transport et distribution des marchandises) comme partie intégral du ‘travailleur collectif’. Le taux d’exploitation dans ce secteur certainement affecte le taux général de profit, ce qui montre que le capital obtient de la plus-value dans ce secteur.
4. Ibid. p.1045-1046

5. Marx, Capital Vol.3, (New World Paperbacks) p.183

6 Voir Chapitre 9 “Cooperative Capitalism”, dans : William Greider, “One world, ready or not: the manic logic of global capitalism”, New York 1197,p.171. “Beaucoup de secteurs, surtout ceux qui sont a la tête de l’innovation technologique, sont confrontés par une croissance rapide de coûts de capital –de l’argent pour des nouveaux investissements nécessaire pour rester dans le jeu, sans même parler de gagner. Dans ces circonstances, les entreprises globaux ont décidés, l’une après l’autre, de coopérer avec l’ennemi et font des armistices limités avec leurs rivaux principaux.”

7. Marx, Grundrisse (Penguin Edition) p.340

8 Capital, Vol.3 p198

9. Siemens CEO Walter Kunerth, quoted in Greider op.cit. p.177

10. Grundrisse, p.212

11. Ibid., p 218

12. Ibid. p.706.
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Message  Gaston Lefranc Jeu 16 Mai - 13:11

Quand il y a un prêt d'argent (sous quelque forme que ce soit : émission d'action, émission d'obligation, prêt bancaire, etc.), la contrepartie "financière" de l'argent prêté, le "titre", est le capital fictif, qui ensuite se valorise de façon déconnectée du capital réel (si l'argent a été prêté à un capitaliste actif), même si bien sur il y a des forces de rappel puisque ces titres donnent un droit de ponction sur la valeur créée future.

Quand tu évoques les 5 milliards de "perte" de PSA, il s'agit du résultat net, qui est la somme du résultat d'exploitation (les bénéfices ou pertes liés à l'activité de l'entreprise : en gros les ventes moins les coûts de production), du résultat financier (qui est la différence entre les recettes et les dépenses financières), et du résultat exceptionnel, auquel on soustrait l'impôt sur les sociétés.

Le gros des 5 milliards de perte est constitué de dépréciations d'actifs non financiers (machines, bâtiments, etc.). Autrement dit, PSA constitue des provisions, comptés comme des charges [des charges exceptionnelles qui font baisser le résultat exceptionnel, et donc le résultat net], qui tiennent compte de la dévalorisation d'un certain nombre d'actifs. Par exemple, on peut imaginer en effet que les actifs de l'usine PSA d'Aulnay sont dévalorisés... Ils seront en effet revendus à bas coût (si PSA parvient à les vendre) au moment de la fermeture d'Aulnay.

Pour rebondir sur ce que tu disais, ces provisions tiennent compte d'une dévalorisation réelle des actifs non financiers... Il ne s'agit donc pas d'une dévalorisation d'un capital fictif.

Contrairement à ce qui a pu être dit, notamment par ceux qui nient les difficultés de PSA, on ne peut pas dire que c'est une pure "manipulation". Bien sur, la comptabilité d'entreprise n'est pas une science exacte, et les comptables peuvent provisionner plus ou moins, etc. Mais il n'en demeure pas moins qu'il est tout à fait logique de tenir compte de la dévalorisation des actifs dans le compte de résultat.


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Message  gérard menvussa Jeu 16 Mai - 13:33

Sauf que j'ai déja vu ça (il y a quelques années, quand il y avait encore "l'autorisation administrative de licenciements") : une entreprise qui provisionne une somme importante pour recourir à des licenciements (qui entraine de façon certaine des sommes dépensées plus ou moins considérable, par exemple selon l'ancienneté des liciencié(e)s), ce qui entraine un bilan en déficit du fait même desdites provisions.

Maintenant ne faudrait il pas distinguer "capital virtuel" et "capîtal fictif" Par exemple, quand un capitaliste veut procéder à une nouvelle production, en emprunte pour ce faire, il y a production de "capital virtuel" (qui n'est pas encore réalisé) Cela me semble différent d'un capital fictif (qui ne le serait jamais)
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Message  Gaston Lefranc Jeu 16 Mai - 13:50

Ici, il ne s'agit pas de cela ; il s'agit de provisions pour dépréciations d'actifs.

Je ne comprends pas la notion de "capital virtuel" que tu veux introduire : quand un capitaliste emprunte pour produire, le capital-argent n'est pas virtuel : il est réel et entre dans le cycle du capital, en achetant des moyens de production et des forces de travail pour produire.



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Message  Estirio Dogante Jeu 16 Mai - 16:49

Je félicite G.Lefranc qui parle clair, connait son truc et contribue de manière à faire bien comprendre les choses économiques.

Mais, c'est quoi alors le "capital virtuel" ou cela n'existe pas?

Et le "capital fictif" peut être multiplié si facilement et quel sont les conséquences sur l'économie capitaliste tout d'abord et sur les travailleurs? Bien que cela va ensemble je m'en doute...

Tout ces trucs; les swaps, les CDI et l'ingénierie financière ( la spéculation...ou ce n'est pas pareil?) peuvent être à l'origine de la crise ou ce ne sont des déclencheurs?

Et comment?

Peut tu me répondre gaston?


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Message  Eugene Duhring Jeu 16 Mai - 19:03

Gaston Lefranc a écrit:Quand il y a un prêt d'argent (sous quelque forme que ce soit : émission d'action, émission d'obligation, prêt bancaire, etc.), la contrepartie "financière" de l'argent prêté, le "titre", est le capital fictif, qui ensuite se valorise de façon déconnectée du capital réel (si l'argent a été prêté à un capitaliste actif), même si bien sur il y a des forces de rappel puisque ces titres donnent un droit de ponction sur la valeur créée future.

Quand tu évoques les 5 milliards de "perte" de PSA, il s'agit du résultat net, qui est la somme du résultat d'exploitation (les bénéfices ou pertes liés à l'activité de l'entreprise : en gros les ventes moins les coûts de production), du résultat financier (qui est la différence entre les recettes et les dépenses financières), et du résultat exceptionnel, auquel on soustrait l'impôt sur les sociétés.

Le gros des 5 milliards de perte est constitué de dépréciations d'actifs non financiers (machines, bâtiments, etc.). Autrement dit, PSA constitue des provisions, comptés comme des charges [des charges exceptionnelles qui font baisser le résultat exceptionnel, et donc le résultat net], qui tiennent compte de la dévalorisation d'un certain nombre d'actifs. Par exemple, on peut imaginer en effet que les actifs de l'usine PSA d'Aulnay sont dévalorisés... Ils seront en effet revendus à bas coût (si PSA parvient à les vendre) au moment de la fermeture d'Aulnay.

Pour rebondir sur ce que tu disais, ces provisions tiennent compte d'une dévalorisation réelle des actifs non financiers... Il ne s'agit donc pas d'une dévalorisation d'un capital fictif.

Contrairement à ce qui a pu être dit, notamment par ceux qui nient les difficultés de PSA, on ne peut pas dire que c'est une pure "manipulation". Bien sur, la comptabilité d'entreprise n'est pas une science exacte, et les comptables peuvent provisionner plus ou moins, etc. Mais il n'en demeure pas moins qu'il est tout à fait logique de tenir compte de la dévalorisation des actifs dans le compte de résultat.

Pour PSA, il me semble que les syndicalistes ne mettaient pas l'accent sur l'aspect fictif des charges grévant le compte de résultat mais sur l'artifice qui consiste à dire en quelque sorte : " L'arrêt d'Aulnay en particulier nous coutera tant en dépréciation d'actifs donc il faudra licencier pour absorber cette perte et pour augmenter le résultat ". Enfin, c'est plus ou moins de cette manière que j'ai compris leurs interventions ...
Pour le capital fictif c'est effectivement un droit sur la vente/achat de la production à venir. Le capitalisme aura beau inventer mille artifice pour rendre la spéculation autonome du procès de production, à un moment ou un autre c'est bien sur la base de la sphère productive que les gains ou les pertes se feront.

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Message  gérard menvussa Jeu 16 Mai - 19:27

Pour Estirio Dogante, c'est moi qui établi une distinction entre "capital fictif" et "capital virtuel", entre capital qui ne sera Jamais ramené à un processus de production et de vente, et à un capital qui à un instant ou à un autre "devra se réaliser". Mais peut être cela complique t il les choses sans intérets au niveau de la compréhension. Pourtant cela me semble abusif de penser que n'importe quel pret dans un contexte productif est du capital "fictif".
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Message  Gaston Lefranc Ven 17 Mai - 13:40

Un prêt est à la fois du capital fictif et du capital réel : l'argent prêté va servir au capitaliste actif à acheter des marchandises (moyens de production ou forces de travail) ; il est donc injecté dans le cycle du capital A-M...P...M'-A' ; la contrepartie de cet argent prêté, c'est un titre financier, un capital fictif, détenu par le capitaliste financier (celui qui a prêté cet argent) et qui lui donne un droit de ponction sur la production future. Si ce titre est ensuite négocié sur un marché financier, alors sa valeur peut varier. Par exemple, un crédit que fait une banque peut être "titrisé" : il est transformé en titre qui peut ensuite se vendre sur le marché à une autre banque. Si une banque a fait un crédit "pourri", elle peut avoir envie de s'en débarrasser et de transférer le risque de non remboursement sur une autre banque. Mais si le caractère "pourri" du crédit est identifié comme tel par les intervenants sur le marché, alors la valeur du titre représentant le crédit baissera.

Aujourd'hui, il existe tout un tas de titres financiers, très complexes (CDS, etc.), dérivés de ces titres "simples". Le capital fictif se multiplie quand le crédit ne finance plus l'économie réelle, mais est utilisé pour les transactions sur les marchés financiers, ce qui fait monter la valeur du capital fictif, et donc la ponction sur l'économie réelle (ponction qui s'opère grâce aux "plus-value", au sens bourgeois du terme, réalisées lors de la revente des titres financiers). Jusqu'à l'éclatement des bulles de capital fictif.

Les bulles financières sont en effet des déclencheurs de crise ; mais la cause sous-jacente, celle qui est à l'origine des bulles, c'est l'insuffisante rentabilité du capital dans l'économie réelle, qui fait que les crédits ne financent plus les investissements dans l'économie réelle, mais la spéculation.

Sinon, le "capital virtuel", cela n'existe pas chez Marx.

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Message  gérard menvussa Ven 17 Mai - 14:25

Sinon, le "capital virtuel", cela n'existe pas chez Marx.
Bien entendu. Mais pour autant, est ce que cela a (ou pas) une utilité pour distinguer le "capital fictif" vraiment fictif du capital "fictif mais qui in fine va se retrouver dans l'économie réelle. D'autant plus que le "capital fictif vraiment fictif" n'existait pas chez marx à la hauteur de ce qu'il existe maintenant. C'est comme les "ondes longues" qui permet de distinguer crises réguliéres du capitalisme et crises structurelles.
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Message  sylvestre Ven 17 Mai - 15:18

gérard menvussa a écrit:
Sinon, le "capital virtuel", cela n'existe pas chez Marx.
Bien entendu. Mais pour autant, est ce que cela a (ou pas) une utilité pour distinguer le "capital fictif" vraiment fictif du capital "fictif mais qui in fine va se retrouver dans l'économie réelle.

Ca c'est le capital tout court, sous sa forme monétaire (c'est à dire la représentation monétaire du capital, "fictive" dans la simple mesure où c'est une représentation).

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Message  gérard menvussa Ven 17 Mai - 16:22

Non, relire un peu les diverses appréciations dudit "capital fictif".
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Message  sylvestre Ven 17 Mai - 16:36

gérard menvussa a écrit:Non, relire un peu les diverses appréciations dudit "capital fictif".

Tu as dû mal me comprendre. Le capital, chez Marx, connait une rotation qui lui fait changer de forme : marchandise --> argent --> production ---> nouvelle marchandise --> nouvelle production --> nouvel argent, etc.

La forme "argent" du capital n'est pas dans ce cas dite "capital fictif". Cependant dans la mesure où il s'agit d'argent c'est à dire de représentation abstraite de valeur, le commun des mortels peut lui trouver un caractère "fictif".
C'est donc là du "capital "fictif mais qui in fine va se retrouver dans l'économie réelle.", selon ta définition.

Autre chose est le véritable "capital fictif" au sens de Marx, qui n'existe que par des phénomènes spéculatifs et disparait avec l'éclatement de la bulle (et qui donc ne va jamais se retrouver dans l'économie réelle).

Peut-être ta confusion naît-elle du fait que, bien entendu, un individu peut faire fortune dans la spéculation puis employer cette fortune pour acheter des moyens de production, etc. Mais il en serait de même pour un gagnant du loto : il n'a fait que capter une partie du capital existant avant la spéculation : un autre a perdu ce qu'il a gagné, dans un jeu à somme nulle.
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Message  matsanderson Sam 18 Mai - 14:36

Tendance communiste internationaliste:

"la vraie folie aujourd'hui est celle de tout le système capitaliste global qui se débat de manière angoissée dans ses propres contradictions insolubles. Les soit-disant marchés ne représentent qu'une douzaine ou presque de banques internationales et de centres financiers. Ils “administrent” de manière spéculative quelque chose comme 700 000 milliards de dollars par an, soit 12 fois le PIB mondial. Il s'agit d'une masse de capitaux fictifs qui parcourt chaque jour les quatre coins de la planète à la recherche d'un avantage économique immédiat dans le but de générer plus de capital à réinvestir dans d'autres activités spéculatives. L'argent en soi ne peut pas produire plus d'argent (sauf fictif il faut le noter) s'il n'est pas investi de manière productive dans le rapport capital-travail salarié. La spéculation, quelle que soit la forme qu'elle prend, ne produit pas de plus-value mais elle représente seulement un transfert de valeur qui a déjà été produite.

Ce phénomène n'est pas nouveau pour le capitalisme mais il a crû de manière exponentielle dans les dernières décennies, simplement parce que la production réelle est confrontée à une crise du profit rendant difficile que le mécanisme d'accumulation puisse opérer. Ce qui a été défini universellement comme une crise financière est en réalité une crise économique dont les origines reposent dans la difficulté croissante du capitalisme à survivre avec un taux de profit plus bas que jamais qui est de moins en moins rémunérateur pour l'investissement. La crise des profits a poussé une masse encore plus importante de capitaux à se retirer de la production pour aller à la recherche d'un faux espoir de valorisation au travers de la spéculation, déplaçant le problème du secteur productif vers le secteur spéculatif. Celui-ci en retour - après avoir causé une série d'explosions des bulles financières - est revenu au monde de la production réelle aggravant la situation très précaire qui avait initié le mécanisme spéculatif pervers dans un premier temps. Voilà le contexte dans lequel la crise des dettes souveraines est née et s'est développée; et qui engloutit, à différents niveaux d'intensité, tous les principaux Etats capitalistes".



Lénine: « Le capital fictif s’enfla dans la mesure même dans laquelle le capital productif était détruit, Le troisième congrès put constater que le capitalisme, après avoir accompli sa mission de développer les forces productrices, est tombé dans la contradiction la plus irréductible avec les besoins non seulement de l’évolution historique actuelle, mais aussi avec les conditions d’existence humaine les plus élémentaires…..La fabrication de moyens de production se transforma en fabrication de moyens de destruction, le capitalisme qui se survit ainsi à lui-même, est entré dans la phase où l’action destructrice de ses forces déchaînées ruine et paralyse les conquêtes économiques créatrices déjà réalisées par le prolétariat »: (Thèse sur la situation mondiale et la tâche de l’Internationale Communiste).


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Message  Copas Sam 18 Mai - 21:00

Je pense quand même qu'il faudrait un peu resserrer les boulons et ne pas mélanger un capital qu'on peut trouver fictif mais qui permet d'acheter et de vendre, d'un potentiel de gains sur des paris spéculatifs non débouclés.

D'un côté c'est de l'argent, qui peut se dévaluer brutalement si il "redescend sur terre" en masse, de l'autre ce sont des gains potentiels à certaines conditions.

Si quelqu'un va sur le forex et qu'il intervient avec un levier de 100 ou 200 dans des spéculations sur les devises alors qu'il n'en a pas la couverture financière peut-on dire que par exemple si il a 50 000 € et qu'il "joue" 5 000 000 d'euros (levier 100), qu'il y aurait là réellement 5 000 000 d'euros réels ? Que le spéculateur essaye de sortir ces 5 million d'euros et on verra.

Les produits financiers exotiques taillés sur mesure, doivent-ils être comptabilisés seulement sur la base d'un gain potentiel maximal lié à des conditions particulières aléatoires ?

Il faut trier ce qui relève d'une spéculation en argent réellement disponible (même dévalué) de ce qui ressort de gains potentiels.
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Message  sylvestre Sam 18 Mai - 22:50

Copas a écrit:Je pense quand même qu'il faudrait un peu resserrer les boulons et ne pas mélanger un capital qu'on peut trouver fictif mais qui permet d'acheter et de vendre, d'un potentiel de gains sur des paris spéculatifs non débouclés.

D'un côté c'est de l'argent, qui peut se dévaluer brutalement si il "redescend sur terre" en masse, de l'autre ce sont des gains potentiels à certaines conditions.

Si quelqu'un va sur le forex et qu'il intervient avec un levier de 100 ou 200 dans des spéculations sur les devises alors qu'il n'en a pas la couverture financière peut-on dire que par exemple si il a 50 000 € et qu'il "joue" 5 000 000 d'euros (levier 100), qu'il y aurait là réellement 5 000 000 d'euros réels ? Que le spéculateur essaye de sortir ces 5 million d'euros et on verra.

Les produits financiers exotiques taillés sur mesure, doivent-ils être comptabilisés seulement sur la base d'un gain potentiel maximal lié à des conditions particulières aléatoires ?

Il faut trier ce qui relève d'une spéculation en argent réellement disponible (même dévalué) de ce qui ressort de gains potentiels.

Nous sommes d'accord.
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Message  gérard menvussa Sam 18 Mai - 23:24

Il y a "l'effet de levier" (qui fait qu'on peut jouer des sommes considérables avec juste un peu de numéraire) Mais il y a aussi la question des marchés "a terme". Si par exemple, j'achéte 500 tonnes de la récolte de blé de 2014 et que je la revend a Copas, qui s'empresse de la vendre à roseau, qui la refourgue a dug et klin, qui s'en débarasse sur Achille, qui repasse le bébé à Vals, on est bien d'accord que ce blé (qui n'est même pas en herbe) est bien du capital "fictif"...
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Message  sylvestre Dim 19 Mai - 9:15

gérard menvussa a écrit:Il y a "l'effet de levier" (qui fait qu'on peut jouer des sommes considérables avec juste un peu de numéraire) Mais il y a aussi la question des marchés "a terme". Si par exemple, j'achéte 500 tonnes de la récolte de blé de 2014 et que je la revend a Copas, qui s'empresse de la vendre à roseau, qui la refourgue a dug et klin, qui s'en débarasse sur Achille, qui repasse le bébé à Vals, on est bien d'accord que ce blé (qui n'est même pas en herbe) est bien du capital "fictif"...

Mmm, là c'est autre chose il me semble. Ce qu'on appelle le capital fictif, c'est vraiment la partie qui est de l'ordre de la spéculation. Si vous vous revendez la récolte de 2014 à un prix vraisemblable (proche de celui de 2013), il n'y a pas de raison de parler de capital fictif, c'est plutôt du capital immobilisé sous sa forme financière, jusqu'à ce que sa transformation en marchandise soit effective.
En revanche si avec Copas, Roseau, Dug et Klin, Achille et Vals vous vous montez la tête sur l'idée que le blé va valoir cent fois plus cher en 2014 que le blé de maintenant, que ce faisant, vous vous battez pour achetez ce blé maintenant, que ce faisant vous faites effectivement monter le prix de la récolte de 2014, vous attribuez une valeur à ce blé qui devient du capital fictif, et qui vaudra une cruelle désillusion à Vals, qui aura payé le prix maximum puis devra refourguer son blé en 2014, selon toute vraisemblance, au prix approximatif du blé de 2013.
Perso j'en reviens toujours à la bulle de la tulipe.
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Message  Copas Dim 19 Mai - 9:41

sylvestre a écrit:
gérard menvussa a écrit:Il y a "l'effet de levier" (qui fait qu'on peut jouer des sommes considérables avec juste un peu de numéraire) Mais il y a aussi la question des marchés "a terme". Si par exemple, j'achéte 500 tonnes de la récolte de blé de 2014 et que je la revend a Copas, qui s'empresse de la vendre à roseau, qui la refourgue a dug et klin, qui s'en débarasse sur Achille, qui repasse le bébé à Vals, on est bien d'accord que ce blé (qui n'est même pas en herbe) est bien du capital "fictif"...

Mmm, là c'est autre chose il me semble. Ce qu'on appelle le capital fictif, c'est vraiment la partie qui est de l'ordre de la spéculation. Si vous vous revendez la récolte de 2014 à un prix vraisemblable (proche de celui de 2013), il n'y a pas de raison de parler de capital fictif, c'est plutôt du capital immobilisé sous sa forme financière, jusqu'à ce que sa transformation en marchandise soit effective.
En revanche si avec Copas, Roseau, Dug et Klin, Achille et Vals vous vous montez la tête sur l'idée que le blé va valoir cent fois plus cher en 2014 que le blé de maintenant, que ce faisant, vous vous battez pour achetez ce blé maintenant, que ce faisant vous faites effectivement monter le prix de la récolte de 2014, vous attribuez une valeur à ce blé qui devient du capital fictif, et qui vaudra une cruelle désillusion à Vals, qui aura payé le prix maximum puis devra refourguer son blé en 2014, selon toute vraisemblance, au prix approximatif du blé de 2013.
Perso j'en reviens toujours à la bulle de la tulipe.

Sans compter ceux qui vont comptabiliser l’addition de toutes ces transactions, et ces centaines d'allers-retours, pour établir ainsi un capital spéculatif , ce qui est absurde.

Par contre, effectivement ce n'est pas la comptabilisation de l'espérance d'un gain (ou d'un risque de perte) qui nous permet de définir un capital existant.
Je pense quand même qu'il faut diviser cela en 3 :

1) Capital réellement disponible immédiatement
2) Capital lié à une spéculation (même énorme) : dans notre exemple, celui en avant-dernier qui a vendu à Valls est réellement parti avec la galette, tandis que notre ami Valls se faisait tarter avec son blé bouffé aux mites. Il ne faut donc pas négliger cet aspect, l'avant dernier est sorti avec de la monnaie qui permet d'acheter yachts de luxe, immobilier, voitures de luxe, soins spéciaux, etc (pas seulement des moyens de production).
3) Espérances de gain ou craintes de pertes liées à des conditions extrèmes.
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Message  sylvestre Dim 19 Mai - 10:05

Copas a écrit:
Je pense quand même qu'il faut diviser cela en 3 :

1) Capital réellement disponible immédiatement
2) Capital lié à une spéculation (même énorme) : dans notre exemple, celui en avant-dernier qui a vendu à Valls est réellement parti avec la galette, tandis que notre ami Valls se faisait tarter avec son blé bouffé aux mites. Il ne faut donc pas négliger cet aspect, l'avant dernier est sorti avec de la monnaie qui permet d'acheter yachts de luxe, immobilier, voitures de luxe, soins spéciaux, etc (pas seulement des moyens de production).

Oui, mais gardons à l'esprit que cet argent, c'est Vals qui le lui a donné. D'où Vals tirait-il cet argent ? A priori et pour ne pas compliquer inutilement les choses, de ses profits précédents, autrement dit le résultat net de la bulle et de son éclatement, c'est simplement le déplacement du capital d'un propriétaire à l'autre.
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Message  matsanderson Dim 19 Mai - 11:10

Quels que soient le chiffre, la façon de comptabiliser, le type de capitaux et la façon de les décrire (spéculatifs, fictifs, parasitaires...), l'essentiel, je le répète, est qu'il s'agit d'une masse de capitaux qui parcourt chaque jour les quatre coins de la planète à la recherche d'un avantage économique immédiat dans le but de générer plus de capital à rediriger vers d'autres activités spéculatives. L'argent en soi ne peut pas produire plus d'argent (sauf du "fictif" il faut le noter) s'il n'est pas investi de manière productive dans le rapport capital-travail salarié. La spéculation, quelle que soit la forme qu'elle prend, ne produit pas de plus-value mais elle représente seulement un transfert de valeur qui a déjà été produite.
Ce phénomène n'est pas nouveau pour le capitalisme mais il a crû de manière exponentielle dans les dernières décennies, simplement parce que la production réelle est confrontée à une crise du profit rendant difficile que le mécanisme d'accumulation puisse opérer. Ce qui a été défini universellement comme une crise financière est en réalité une crise économique dont les origines reposent dans la difficulté croissante du capitalisme à survivre avec un taux de profit plus bas que jamais qui est de moins en moins rémunérateur pour l'investissement. La crise des profits a poussé une masse encore plus importante de capitaux à se retirer de la production pour aller à la recherche d'un faux espoir de valorisation au travers de la spéculation, déplaçant le problème du secteur productif vers le secteur spéculatif.

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Message  Roseau Dim 19 Mai - 14:08

sylvestre a écrit:
Copas a écrit:Je pense quand même qu'il faudrait un peu resserrer les boulons et ne pas mélanger un capital qu'on peut trouver fictif mais qui permet d'acheter et de vendre, d'un potentiel de gains sur des paris spéculatifs non débouclés.

D'un côté c'est de l'argent, qui peut se dévaluer brutalement si il "redescend sur terre" en masse, de l'autre ce sont des gains potentiels à certaines conditions.

Si quelqu'un va sur le forex et qu'il intervient avec un levier de 100 ou 200 dans des spéculations sur les devises alors qu'il n'en a pas la couverture financière peut-on dire que par exemple si il a 50 000 € et qu'il "joue" 5 000 000 d'euros (levier 100), qu'il y aurait là réellement 5 000 000 d'euros réels ? Que le spéculateur essaye de sortir ces 5 million d'euros et on verra.

Les produits financiers exotiques taillés sur mesure, doivent-ils être comptabilisés seulement sur la base d'un gain potentiel maximal lié à des conditions particulières aléatoires ?

Il faut trier ce qui relève d'une spéculation en argent réellement disponible (même dévalué) de ce qui ressort de gains potentiels.

Nous sommes d'accord.
Tout a fait, c'est ce que j'avais rappelé avec les documents de la BRI,
sur le fil récré sur les forces productives...

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Message  Roseau Dim 19 Mai - 14:59

Beaucoup de données ici sur
La logique financière croissantes des sociétés transnationales
par Claude Serfati
http://alencontre.org/economie/la-croissance-des-logiques-financieres-des-societes-transnationales.html
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Message  Copas Dim 19 Mai - 18:00

matsanderson a écrit: Quels que soient le chiffre, la façon de comptabiliser, le type de capitaux et la façon de les décrire (spéculatifs, fictifs, parasitaires...), l'essentiel, je le répète, est qu'il s'agit d'une masse de capitaux qui parcourt chaque jour les quatre coins de la planète à la recherche d'un avantage économique immédiat dans le but de générer plus de capital à rediriger vers d'autres activités spéculatives. .../...

Ben non, et oui il est important de décompter.

Si ce sont des espérances de profit, ce n'est pas une masse de capitaux.
C'est pour cela qu'il faut distinguer ce qui relève de faux comptes, que ce soient dans le contrôle des comptes, ou que ce soient dans des titres sans valeur reflétant des rêves de profit, de ce qui relève d'argent réel même si la sortie brusque de celui-ci des coffres, titres, bouts de papiers, retombant sur terre aurait un effet inflationniste très violent. La FED, chaque jour, balance 3 à 4 milliards de dollars sur le marché. Je ne sais pas pour la BCE, ils sont plus discrets.

Je pense qu'il est important de démêler tout cela .
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Message  matsanderson Dim 19 Mai - 19:39

Mais ça ne change rien sur le fond, à savoir la loi fondamentale du Marxisme, la baisse tendancielle du taux de profit qui contraint les capitalistes à chercher de nouvelles sources de rentabilité, hors de l'économie réelle, développant donc de façon exponentielle le parasitisme financier "destructeur du capital productif " comme l'explique Lénine.

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