20 août 2012 le monde
EMPATHIE – « Un véritable viol provoque rarement une grossesse », affirme un candidat républicain au Sénat
"Un véritable viol provoque rarement une grossesse." Le candidat républicain au Sénat pour le Missouri, Todd Akin, a déclenché un véritable tollé outre-Atlantique en se livrant à une analyse médicale pour le moins discutable des conséquences d'un viol sur le corps des femmes.
Interrogé sur l'opportunité de légaliser l'avortement en cas d'agression sexuelle, Todd Akin, qui a été élu six fois au Congrès américain, a déclaré que, selon ce que lui en avaient dit des médecins, il était "très rare" qu'une femme tombe enceinte après un viol. "Si c'est un véritable viol, le corps féminin a des moyens d'empêcher la fécondation", a-t-il affirmé, sans s'étendre sur ce que signifiait à ses yeux un "véritable" viol. Le hashtag "legitimate rape" a aussitôt rassemblé les réactions indignées de nombreux Américains sur Twitter. "Supposons qu'éventuellement ces défenses ne fonctionnent pas. Vous savez, je pense qu'il doit y avoir des sanctions, mais ces sanctions doivent s'appliquer au violeur et non à l'enfant", a-t-il poursuivi.
Face à la polémique suscitée par sa prise de position, M. Akin a affirmé dimanche soir dans une déclaration officielle qu'il s'était "mal exprimé" pendant cet entretien sur la chaîne KTVI, sans pour autant préciser où se situait la méprise et donc sans revenir véritablement sur ses propos. Le politicien, qui s'enorgueillit d'être le membre du Congrès le plus conservateur du Missouri, insiste même sur le fait qu'il croit profondément à la protection de la vie sous toutes ses formes et que le fait de causer du mal à une autre victime innocente n'est pas une réaction appropriée, rapporte CNN.
Les statistiques en la matière sont extrêmement difficile à établir, les cas de viol étant rarement déclarés à la police, souligne CNN. Le Rape, Abuse & Incest National Network estime que 5 % des viols entraînent une grossesse. Une proportion également établie par la Medical University of South Carolina dans une étude menée en 1996, qui précisait que 32 101 grossesses étaient dues chaque année à des viols aux Etats-Unis.
L'an dernier, dans le cadre de la campagne "No Taxpayer Funding for Abortion Act", il défendait, entre autres, une notion bien étrange : le "viol forcé". L'objectif, déjà, était de limiter les avortements en cas de viol. Ce nouveau concept avait finalement été abandonné en raison des réactions ulcérées d'une partie de l'opinion.
Selon un sondage Gallup réalisé en mai 2012, 20 % des Américains pensent que l'avortement devrait être illégal en toute circonstance. La majorité (52 %) pense qu'il faut encadrer le droit à l'avortement, un chiffre stable depuis les années 1970, tendis que 25 % sont en faveur d'une légalisation absolue de l'avortement, quelles que soient les circonstances.
L'idée qu'un viol ne peut pas engendrer de grossesse ne date pas d'hier, rappelle le Guardian. L'argument légal selon lequel une grossesse serait la preuve qu'une relation sexuelle est consentie serait apparue en Grande-Bretagne au 13e siècle. Un des premiers textes légaux britanniques, Fleta, stipule ainsi que "sans son consentement, une femme ne peut pas concevoir".
Cet argument légal a été l'objet de longues controverses au fil des siècles, souligne le Guardian. En 1814, Samuel Farr, dans ses "Elements of Medical Jurisprudence" développe la même idée, allant même jusqu'à avancer que l'orgasme féminin, ou du moins le plaisir, est nécessaire à la procréation : "Sans une excitation sexuelle, ou un certain plaisir durant l'acte, aucune conception ne peut vraisemblablement avoir lieu. Si un 'viol absolu' devait avoir lieu, il est donc peu probable que la femme tombe enceinte", écrit-il.
M. Akin, un ancien législateur de l'État du Missouri, qui a été élu à la Chambre des représentants pour la première fois en 2000, bénéficie toujours d'un important soutien de la part des chrétiens évangéliques et a remporté la primaire républicaine de son État pour le Sénat avec une forte majorité et l'appui de plus cent pasteurs.