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Trotsky et trotskisme

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Message  Vals Jeu 19 Aoû - 18:09

Lutte Ouvrière n°2194 du 20 août 2010
Sommaire du n°2194

En août 1940 : Staline faisait assassiner Trotsky mais les idées de Trotsky sont toujours vivantes !


Le 20 août 1940, à Mexico, un homme de main de Staline assassinait Léon Trotsky. Il avait 61 ans lorsque sa vie et son combat, entièrement dévoués au communisme et à la révolution prolétarienne, étaient brutalement interrompus.

Aux côtés de Lénine, Trotsky avait été l'un des dirigeants les plus populaires de la révolution russe de 1917. En mars 1918, il mit sur pied l'Armée rouge qui permit au jeune État ouvrier russe de repousser les armées des puissances impérialistes et de la contre-révolution qui cherchaient à l'étrangler.

Tous les dirigeants bolcheviks étaient convaincus que l'avenir du jeune État ouvrier était lié au développement de la révolution internationale, en particulier dans les bastions impérialistes, les pays développés comme l'Allemagne, la France et l'Angleterre. C'est pourquoi ils proclamèrent dès mars 1919 la Troisième Internationale, qui se voulait le parti mondial de la révolution, dont Trotsky rédigea le manifeste de fondation.

Lorsque le reflux de la vague révolutionnaire s'opéra, au début des années vingt, l'URSS se retrouva isolée, épuisée, exsangue. Dans ce contexte, la classe ouvrière et les paysans pauvres ne réussirent pas à garder leur contrôle sur l'État né de la révolution, sur le parti et ses dirigeants. Une couche de bureaucrates se développa, qui aspirait à la pause, à profiter des quelques avantages matériels que sa position lui donnait. Ces gens-là abandonnaient la perspective et le combat pour la révolution mondiale au profit d'un repli sur une base nationale, résumé par la formule stalinienne clamant que la « construction du socialisme » était possible « dans un seul pays ». À la tête de cette bureaucratie, Staline fut son expression politique.

Dès la mort de Lénine en janvier 1924, Staline et ceux qui le soutenaient se lancèrent dans une virulente campagne de calomnies contre les compagnons de Lénine qui restaient fidèles à l'internationalisme et contre Trotsky. Ces derniers furent écartés, avant d'être déportés, éliminés, fusillés. Trotsky était exclu du parti en octobre 1927 et déporté en Asie centrale, avant d'être déchu de sa nationalité soviétique et expulsé d'URSS en janvier 1929. Les prétendues démocraties occidentales furent nombreuses à lui refuser asile et, sur cette planète qui était devenue « sans visa » pour le dirigeant révolutionnaire, le Mexique finit par l'accueillir. C'est là, à des milliers de kilomètres de Moscou, que l'assassin commandité par Staline l'atteignit mortellement, après des années de traque.

Jusqu'à sa mort et partout où il passa, quelles que soient les conditions dans lesquelles il se trouvait, Trotsky poursuivit son combat. Il ne se contenta pas d'être parmi les premiers à dénoncer le stalinisme et ses crimes, alors que nombre de prétendus démocrates applaudissaient le régime. Il en expliqua les racines, analysa la dégénérescence de la première révolution ouvrière victorieuse, dégénérescence dont il montra que les causes n'étaient dues ni aux méthodes du Parti Bolchevik, ni à la classe ouvrière russe, mais à l'isolement et à l'épuisement du pays après les années de la Première Guerre mondiale, de la révolution et de la guerre civile. Et c'est cette analyse qui était porteuse d'avenir, parce qu'elle critiquait avec lucidité ce qui était en train de se passer en URSS tout en défendant les acquis de la révolution d'octobre, en se réclamant du marxisme révolutionnaire et sans tourner le dos au mouvement ouvrier et à la perspective communiste. Mais au contraire, en se servant du marxisme, Trotsky armait les militants qui critiquaient l'évolution stalinienne de l'URSS d'un outil déterminant pour comprendre ce qui se passait, sans renier leur idéal.

En août 1940, Staline avait enfin réussi à abattre celui qui incarnait l'expérience de la révolution et des débuts du mouvement communiste mondial à travers les premières années de la Troisième Internationale, l'Internationale Communiste. Depuis, le stalinisme en tant que tel a exposé aux yeux de tous son visage abject et antiouvrier, jetant un grave discrédit sur les idées communistes. Si ces idées n'ont pas disparu, si année après année des militants les ont transmises à d'autres, c'est grâce au combat mené par Trotsky et sa petite cohorte de partisans.

En assassinant Trotsky, Staline ne réglait pas - contrairement à ce qui a beaucoup été dit - une rivalité personnelle, mais s'efforçait de tuer l'idée même du communisme révolutionnaire et de l'internationalisme. En cet été 2010, alors que le capitalisme en crise démontre sa complète faillite, il est important de rappeler que les idées de la révolution, les idées du communisme que nous a léguées Trotsky existent toujours. Ce sont les nôtres ! L'avenir de l'humanité ne peut appartenir à ce système barbare qu'est le capitalisme, fait d'injustice, de famine, de misère et d'obscurantisme. Il appartient au communisme.
Lucienne PLAIN
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Message  Vals Ven 3 Sep - 2:24

le 3 septembre 1938 : proclamation de la IVe Internationale

Ci-dessous le dernier chapitre du « Programme de Transition », rédigé par Trotsky début 1938, et qui fût le « Manifeste » de la nouvelle Internationale.

Sous le drapeau de la IVe Internationale

Des sceptiques demandent : mais le moment est-il venu de créer une nouvelle Internationale ? Il est impossible, disent-ils de créer une Internationale « artificiellement »; seuls, de grands événements peuvent la faire surgir, etc. Toutes ces objections démontrent seulement que des sceptiques ne sont pas bons à créer une nouvelle Internationale. En général, ils ne sont bons à rien.

La IVe Internationale est déjà surgie de grands événements : les plus grandes défaites du prolétariat dans l'Histoire. La cause de ces défaites, c'est la dégénérescence et la trahison de la vieille direction. La lutte des classes ne tolère pas d'interruption. La Troisième Internationale, après la Deuxième, est morte pour la révolution. Vive la IVe Internationale !

Mais les sceptiques ne se taisent pas : « Est-ce déjà le moment de la proclamer maintenant ? » La IVe Internationale, répondons-nous, n'a pas besoin d'être « proclamée ». ELLE EXISTE ET ELLE LUTTE. Elle est faible ? Oui, ses rangs sont encore peu nombreux, car elle est encore jeune. Ce sont, jusqu'à maintenant, surtout des cadres. Mais ces cadres sont le seul gage de l'avenir. En dehors de ces cadres, il n'existe pas, sur cette planète, un seul courant révolutionnaire qui mérite réellement ce nom. Si notre Internationale est encore faible en nombre, elle est forte par la doctrine, le programme, la tradition, la trempe incomparable de ses cadres. Que celui qui ne voit pas cela aujourd'hui reste à l'écart. Demain, ce sera plus visible.

La IVe Internationale jouit dès maintenant de la haine méritée des staliniens, des sociaux-démocrates, des libéraux bourgeois et des fascistes. Elle n'a ni ne peut avoir place dans aucun des Fronts populaires. Elle s'oppose irréductiblement à tous les groupements politiques liés à la bourgeoisie. Sa tâche, c'est de renverser la domination du capital. Son but, c'est le socialisme. Sa méthode, c'est la révolution prolétarienne.

Sans démocratie intérieure, il n'y a pas d'éducation révolutionnaire. Sans discipline, il n'y a pas d'action révolutionnaire. Le régime intérieur de la IVe Internationale est fondé sur les principes du centralisme démocratique : liberté complète dans la discussion, unité complète dans l'action.

La crise actuelle de la civilisation humaine est la crise de la direction du prolétariat. Les ouvriers avancés réunis au sein de la IV° Internationale montrent à leur classe la voie pour sortir de la crise. Ils lui proposent un programme fondé sur l'expérience internationale de la lutte émancipatrice du prolétariat et de tous les opprimés du monde. Ils lui proposent un drapeau que ne souille aucune tache.

Ouvriers et ouvrières de tous les pays, rangez-vous sous le drapeau de la Quatrième Internationale !
C'est le drapeau de votre victoire prochaine !




Extrait du l'exposé du Cercle Léon Trotsky n° 27 du 30 septembre 1988 :

50 ans après la fondation de la IVe Internationale.

Quelles perspectives pour les militants révolutionnaires internationalistes ?


C'est à nous, trotskystes, tels que nous sommes, autant que nous sommes aujourd'hui,
que revient la tâche de faire retraverser aux vieilles expériences révolutionnaires,
c'est-à-dire au savoir-faire prolétarien et internationaliste, le no-man's land entre les
générations militantes, pour permettre enfin au mouvement ouvrier mondial de redémarrer
sur des bases politiques supérieures à celles des années 30.


Une gageure ? Oui, sans doute. Comme toutes les entreprises humaines qui valent la
peine qu'on se batte pour elles. Mais une gageure en effet. Car cet héritage politique
que nous a légué Trotsky avant son assassinat et dans lequel les différents groupes
trotskystes ont puisé plus ou moins partiellement, n'est pas simplement une doctrine ou
un programme de formules toutes faites à adapter au goût du jour.

Le bolchévisme, disait Trotsky pour son propre compte, «n'est pas une doctrine, mais
un système d'éducation révolutionnaire pour l'accomplissement de la révolution proléta-
rienne». Nous pouvons en dire tout autant du trotskysme.


Et toute la question est là : nous, les trotskystes, aurons-nous la volonté, l'âpreté, l'au-dace
intellectuelle et politique et l'acharnement humain pour retrouver, pour réinventer
dans l'action militante et l'action révolutionnaire, ce système d'éducation révolutionnaire
dont parlait Trotsky, afin de le communiquer à toute la génération combattante qui surgit
aujourd'hui dans les rangs des opprimés ?

Un défi à relever

Voilà le défi que nous, révolutionnaires internationalistes actuels, avons à relever :
enflammer pour nos idées internationalistes toute cette génération combattante, qui
malgré l'épreuve de l'histoire et des révolutions nationales fourvoyées, a acquis artificiel-lement
une nouvelle tradition selon laquelle le nationalisme serait progressif.

Du temps des IIe et IIIe Internationales, l'internationalisme, comme la conscience de
classe, c'étaient les organisations ouvrières qui le véhiculaient. Aujourd'hui, ce sont les
conditions techniques et économiques de l'impérialisme qui rendent la nécessité du
combat internationaliste plus évidente que jamais. Mais plus que jamais aussi, il est
rejeté par les appareils militaires ou bureaucratiques qui encadrent les masses ou se
précipitent à leur tête.

En fait, le problème n'est pas tout-à-fait nouveau. Lénine aussi, en son temps, bien
avant 1917, avant 1905, dut combattre la politique de ces «libéraux armés de bombes»,
comme il disait, de ces militants étrangers au prolétariat même si pour se mettre au goût
de l'époque ils s'intitulaient socialistes-révolutionnaires, et qui voulaient faire le bonheur
du peuple malgré lui.

Aujourd'hui, là précisément où la révolution est à l'ordre du jour dans bien des pays du
monde, nous avons à combattre la politique des mêmes libéraux bourgeois, non seule-ment
armés de bombes, mais disposant désormais de petits appareils militaires et
bureaucratiques, et surtout, surtout, y compris quand ils ne disposent pas encore de tels
appareils, d'un savoir-faire dans l'art d'encadrer les masses et l'art d'en prendre la direc-tion
sans craindre qu'elles les débordent.

Notre tâche, c'est d'acquérir le savoir-faire inverse. «L'émancipation des travailleurs
sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes». C'est cette conviction profonde qui doit gui-der
nos interventions politiques et militantes. Partout où nous sommes. En quelques cir-constances
que ce soit, y compris au cours des luttes les plus modestes, ici même.

L'une de nos tâches, c'est de permettre aux masses dès lors qu'elles se mettent en
mouvement, et elles se mettent en mouvement dans bien des pays, et elles se mettront
en mouvement ici aussi, d'apprendre à déborder leurs appareils réformistes ou nationalistes,
ou tout simplement les hommes qui se sont empressés de se mettre à leur tête.

Car ces gens-là, immanquablement, inévitablement, leur disent à un moment ou à un
autre au nom d'un prétendu intérêt supérieur, celui de la nation, de l'économie de la
nation, de la religion de la nation, qu'elles doivent rentrer dans le rang, dans le rang de
l'ordre bourgeois.


***

La tâche paraît grande, en regard des faibles forces des trotskystes et parmi eux, de
ceux qui ont conscience de cette tâche. Mais sa réalisation est peut-être plus proche
que jamais. Car les circonstances objectives ne nous sont pas défavorables, bien au
contraire. Elles sont au moins aussi favorables qu'elles l'étaient pour Lénine en 1902.
Et puis, il y a des circonstances où le problème n'est pas d'être nombreux, mais d'être
là, seulement lié à sa classe, et de savoir ce qu'on veut.

[...]

Oui, c'est possible, si nous avons suffisamment confiance en nos propres idées, pour
être convaincus comme Marx nous l'a appris, que les idées deviennent des forces
quand elles s'emparent des masses. Mais pour qu'une telle réaction en chaîne se pro-duise
encore faut-il que ceux qui détiennent ces idées n'y renoncent à aucun prix.

***

Première chose, donc, tenir à nos propres idées, plus qu'à tout :

— Seul le prolétariat peut être l'artisan de la révolution socialiste communiste.

— La classe ouvrière, la classe des prolétaires, celle de ceux qui n'ont rien à perdre,
qui n'ont ni patrie, ni propriété à défendre, est la seule classe révolutionnaire jusqu'au
bout.

—Le prolétariat devra certes s'allier à d'autres classes sociales pour remporter la victoire,
mais il ne devra pas être à leur remorque, même quand il participera à des com-bats
communs.


— La révolution socialiste peut éclater dans un seul pays. Mais aucun pays ne peut
vivre par lui-même. Car le rôle historique de la bourgeoisie, son seul rôle progressif en
fait, c'est, on le voit encore aujourd'hui, d'avoir créé une économie qui fait éclater les
frontières.

Et le socialisme qui veut survivre à l'intérieur de certaines frontières, que ce soit celles
de l'URSS immense, du continent chinois, ou de la minuscule Cuba, ne peut être qu'un
socialisme de la misère et au bout du compte une utopie réactionnaire.

—Cela fait près d'un siècle que le capitalisme arrivé à son stade impérialiste se survit
en passant d'une crise à l'autre, d'une guerre mondiale à l'autre, sans résoudre aucune
de ses contradictions.

Cela fait depuis le début du siècle que la crise du capitalisme est plus ou moins permanente
et le monde plus ou moins vivable. Car s'il vaut sans doute mieux vivre aujourd'hui
à Berlin qu'à Mexico, entre 1944 et 1945, quand l'aviation alliée bombardait les
villes allemandes, il valait sans doute mieux vivre à Mexico qu'à Berlin. Aucun endroit du
monde n'est épargné. Même pas ces Iles Malouines, au bout du monde, on l'a vu il n'y a
pas si longtemps.

Il n'y a pas d'évasion possible.

—Toutes les revendications prolétariennes restent à l'ordre du jour. Seul le prolétariat
mondial sera en mesure de faire sauter les chaînes des frontières nationales.

— Seule une économie planifiée à l'échelle mondiale sur la base de la technologie la
plus avancée, permettra à l'Humanité de franchir un nouveau pas dans la maîtrise de
son histoire et de son évolution. Cela signifiera une production non pas pour le profit,
mais une production pour les besoins dans la limite de ces besoins, en trouvant un équi-libre
entre les besoins matériels et l'exploitation des ressources naturelles de la planète,
tout en permettant enfin l'essor illimité des besoins intellectuels et artistiques de l'en-semble
de l'Humanité.

La société impérialiste, elle, n'est capable que de créer une abondance à caractère
pathologique à un bout, la misère et le dénuement concentrationnaire à l'autre. On ne
peut pas imaginer que l'Humanité puisse continuer à vivre ainsi : avec la famine au Sou-dan
et la jachère en Europe ; avec une saison de sécheresse aux Etats-Unis qui a fait la
fortune de quelques exportateurs de blé en Argentine, alors même qu'en Argentine la
misère s'installe brutalement avec la nouvelle dévaluation de la monnaie qui suit plu-sieurs
années d'inflation galopante.

Toutes ces inégalités, ces injustices : les restaurants du coeur et la charité pour la
recherche médicale, mais les impôts pour fournir des armes lourdes aux dictateurs qui
envoient leurs peuples s'entretuer, sans parler de ces frontières nationales qui dans certains
endroits font revenir les peuples au Moyen Age, tout cela ne durera pas. Cela ne
peut pas durer.

***

Et c'est là où le rôle des individus, de quelques dizaines de milliers d'individus à
l'échelle de la planète, peut être déterminant. Car justement, un parti révolutionnaire ne
peut pas être un parti de masse. Il ne peut l'être seulement qu'au travers de la révolution.
Et en dehors de telles crises révolutionnaires, le rôle des individus, des militants, du
volontarisme, est un rôle important, déterminant.

Les classes dominantes l'ont su elles
qui ont toujours tenté de se protéger de ces minorités révolutionnaires dans les périodes
critiques.

Un parti révolutionnaires, une Internationale, c'est cela, une organisation de quelques
dizaines de milliers d'individus : pas n'importe qui, des gens qui se sont donné un but
véritable dans la vie, en un mot, une organisation qui est capable, quand elle devient
une organisation de masse, de vaincre là où d'autres ont dégénéré.

Voilà notre ambition.

Vive l'Internationale du prolétariat
Vive la IVe Internationale !
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Message  topaze Lun 6 Sep - 16:32

Je ne pense pas, comme veut le démontrer Vals, qu’il y a une continuité entre Trotski et le trotskisme. D’ailleurs, la compagne de Trotski a la fin des années 40, début des années cinquante, il me semble, a montré qu’il n’y avait pas continuité et c’est d’ailleurs pour ça qu’elle a rompu avec la 4éme internationale. C’est ce que fit aussi Munis qui par la suite formera le FOR (ferment ouvrier révolutionnaire)

Topaze. Lecteur de Révolution Internationale. http://fr.internationalism.org/

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Message  Vals Mar 7 Sep - 21:54

Que des lmilitants déçus par la situation d'après-guerre et par le renforcement de la bureaucratie stalinienne aient essayé de "théoriser" leur déception n'a rien d'étonnant ...
D'ailleurs, les différents courant dont celui de Munis, qui révisaient les thèses de Trotsky ne se sont jamais vraiment développés, comme plus globalement les "capitalistes d'état" qui le plus souvent, après avoir révisé le trotskisme, ont révisé le marxisme quand il ne l'ont pas tout simplement quitté comme leurs prédecesseurs de l'avant guerre aux USA en particulier.....

Certains ont abandonné le trotskisme pour s'enfermer dans le commentarisme d'ultra-gauche...
D'autres en ont dérivé vers la droite et de renoncements en renoncement ont rejeté trotskisme et bolchevisme .
C'est ainsi mais ça n'empêche pas d'autres courants, communistes révolutionnaires de considérer leurs références trotskistes et l'expérience ou les analyses de Trotsky comme fondamentales.
C'est le cas de Lutte ouvrière qui est fière de transmettre cet héritage indipensable aux générartions actuelles et à venir de révolutionnaires communistes .
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Message  topaze Mar 7 Sep - 23:39

Comme tu le dis Vals, le stalinisme est sorti vainqueur de la 2éme guerre mondiale et par là, la bureaucratie c’est renforcé. Comme Trotski avait prévu de le faire , ces conditions historiques appelaient de la part de ceux qui se prétendaient ses fidèles continuateurs , une révision de sa position
C’est ce que n’a pas fait la 4éme internationale et ni Lutte ouvrière. Par contre c’est ce qu’a fait la compagne de Trotski, et pas par déception, mais en restant fidèle à l’esprit de son compagnon, elle revenait et insistait sur la nature contre révolutionnaire de l’URSS . Voici quelques citations qu’on peut trouver dans le livre ‘les enfants du prophéte , cahiers spartacus ‘

Obsédés par des formules vieilles et dépassées, vous continuez à considérez l'Etat stalinien comme un Etat ouvrier. Je ne puis et ne veux vous suivre sur ce point. (?) Il devrait être clair pour chacun que la révolution a été complètement détruite par le stalinisme. Cependant vous continuez à dire, sous ce régime inouï, la Russie est encore un Etat ouvrier."

Tirant les conséquences de cette claire prise de position, elle poursuivait :

Ce qui est plus insupportable que tout, c'est la position sur la guerre à laquelle vous vous êtes engagés. La troisième guerre mondiale qui menace l'humanité place le mouvement révolutionnaire devant les problèmes les plus difficiles, les situations les plus complexes, les décisions les plus graves. (...) Mais face aux événements des récentes années, vous continuez de préconiser la défense de l'Etat stalinien et d'engager tout le mouvement dans celle-ci. Vous soutenez même maintenant les armées du stalinisme dans la guerre à laquelle se trouve soumis le peuple coréen crucifié."

Puis elle concluait :

: "Je ne puis et ne veux vous suivre sur ce point." (...)"Je trouve que je dois vous dire que je ne vois pas d'autre voie que de dire ouvertement que nos désaccords ne me permettent plus de rester plus longtemps dans vos rangs."

Topaze. Lecteur de Révolution Internationale. http://fr.internationalism.org/







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Message  Vals Mer 8 Sep - 21:43

Quelque soit le respect et l'estime qu'on peut avoir pour Natalia, l'argumentaire est un peu court et léger.
Il ne se démarque pas de celui auquel Trotsky a du répondre mille fois de son vivant, au cours des années précédentes .
La bureaucratie stalinienne jouait déjà pleinement son rôle contre révolutionnaire, massacrait l'opposition de gauche, avait trahi les communistes chinois, assassiné la révolution espagnole, démoli les possibilités révolutionnaires en 36,emmené les communistes allamands dans le mur quand elle ne les vendait pas à la gestapo...... pour ne citer qu'une petite partie des crimes commis par l'état ouvrier stalinisé....

Et Trotsky, même en dénonçant clairement la bureaucratie et la dégénérescence qui gangrenait l'URSS et le Komintern continuait de considérer qu'il fallait défendre l'état dégénéré contre l'impérialisme ....

Que certains trotskistes aient dérivé à l'opposé des capitalistes d'état (de façon tout autant erronée) en soutenant n'importe quoi (démocraties populaires, nationalistes repeints en rouge, tiers-mondistes stalinisés....) ne change rien à l'affaire et ne déjuge pas les positions trotskistes qu'ils ont déformées et caricaturées.

L'état soviétique n'a pas connu de modifications qualitatives entre 38, 40 ou 45.....ceux qui ont cru en voir n'avaient rien compris avant à ce que Trotsky entendait par défense inconditionnelle de l'état ouvrier dégénéré : la disparition de Trotsky et la persistance de la dictature stalinienne, leur propres manque de perspectives, les ont amenés à rompre les amarres avec les positions bolcheviques-leninistes en perdant leur boussole et en remplaçant l'analyse matérialiste par un sentimentalisme hors du temps et hors des positions de classe réelles.

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Message  gérard menvussa Mer 8 Sep - 22:13

La dedans, c'est que le processus de dégénérescence est par nature un processus évolutif. Et Trotsky soutenait inconditionnellement, non pas l'état ouvrier dégénéré, mais l'état ouvrier malgré sa dégénérescence. Or que reste t il aujourd'hui de l'état ouvrier ? rien du tout (ou alors, faut qu'on me le montre, et avec des "faits objectifs", et non des positions sentimentales.

De plus, le trotskysme c'est avant tout (Trotky dixit) la proclamation et la défense de la quatriéme internationale ! Et on est dans la situation tout a fait paradoxale que la seule organisation qui n'a jamais rien compris a ces enjeu, l'uci, plus connu par le nom de son journal, "lutte ouvriére", n'a jamais rien compris a l'internationalisme et est restée pesemment nationale...
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Message  Vals Mer 8 Sep - 22:34

Je répondais à l'ultra-gauche ........et c'est l'opportunisme zigzagant et sans principe qui vient mêler son grain de sel.....!

Que les héritiers de la Quatrième Inter en aient fait une petite remorque s'accrochant à tous les chars nationalistes et tiers-mondistes, voire à des leaders populistes ou stals, c'est effectivement un triste naufrage......

Alors je préfère, comme tu l'affirmes doctement, n'avoir rien compris à ton "trotskisme" et à ton "internationalisme" de pacotille que que de passer mon temps à sauter dans tous les fourgons qui passent parce que c'est moins fatigant que d'essayer de militer à contre-courant sans lâcher les principes pour un plat de lentilles........aussi vide que tes arguments.
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Message  gérard menvussa Mer 8 Sep - 22:49

Tu ne répond pas a mes arguments ? Faut croire qu'ils te génent... Tu préfère l'insulte et le mépris au fait de répondre, c'est plus facile...

Le probléme de ce qui reste "d'ouvrier" dans l'état soi disant ouvrier ? Silence méprisant...

L'internationalisme constitutif du marxisme révolutionnaire ? Silence méprisant...

La théorie de la révolution permanente ? Silence méprisant...

Tu sais, ça va se voir que tu n'as rien a dire.
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Message  Vals Mer 8 Sep - 23:14

Gérard Menvussa a écrit:Tu ne répond pas a mes arguments ? Faut croire qu'ils te génent...

Tu sais, ça va se voir que tu n'as rien a dire.

Oui, tu as complètement raison.
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Message  topaze Mer 8 Sep - 23:22

Si Natalia intervient de cette façon, l’amenant à rompre avec la 4éme internationale, c’est parce qu’elle s’appuie sur les derniers écrits et analyse de Trotski. Celui admettait à la lumière des événements survenus au début de la guerre impérialiste qu’il lui fallait réviser et, sans doute, modifier son jugement notamment concernant l’URSS. C’est ainsi qu’il affirmait dans un de ses derniers écrits datés du 25 septembre 39 est intitulé ‘l’URSS dans la guerre’

"Nous ne changeons pas d'orientation. Mais supposons que Hitler tourne ses armes à l'Est et envahisse des territoires occupés par l'Armée rouge. (..) Tandis que, les armes à la main, ils porteront des coups à Hitler, les bolcheviks-léninistes mèneront en même temps une propagande révolutionnaire contre Staline, afin de préparer son renversement à l'étape suivante..." (Oeuvres, tome n°22)

Il défendait certes son analyse de la nature de l’URSS mais il liait le sort de celle-ci à l’épreuve que la deuxième. Dans ce même article il disait que, si le stalinisme sortait vainqueur et renforcé de la guerre (perpective qu’il n’envisageait pas), il faudrait alors revoir le jugement qu’il portait sur l’URSS et même sur la situation politique générale :

"Si l'on considère cependant que la guerre actuelle va provoquer, non la révolution, mais le déclin du prolétariat, il n'existe alors plus qu'une issue à l'alternative : la décomposition ultérieure du capital monopoliste, sa fusion ultérieure avec l'Etat et la substitution à la démocratie, là où elle s'est encore maintenue, d'un régime totalitaire. L'incapacité du prolétariat à prendre en mains la direction de la société pourrait effectivement, dans ces conditions, mener au développement d'une nouvelle classe exploiteuse issue de la bureaucratie bonapartiste et fasciste. Ce serait, selon toute vraisemblance, un régime de décadence qui signifierait le crépuscule de la civilisation.
On aboutirait à un résultat analogue dans le cas où le prolétariat des pays capitalistes avancés, ayant pris le pouvoir se révélerait incapable de leerait incapable de le conserver et l'abandonnerait comme en URSS, à une bureaucratie privilégiée. Nous serions alors obligés de reconnaître que la rechute bureaucratique n'était pas due à l'arriération du pays et à l'environnement capitaliste, mais à l'incapacité organique du prolétariat à devenir une classe dirigeante. Il faudrait alors établir rétrospectivement que, dans ses traits fondamentaux, l'URSS actuelle était le précurseur d'un nouveau régime d'exploitation à une échelle internationale.
Nous nous sommes bien écartés de la controverse terminologique sur la dénomination de l'Etat soviétique. Mais que nos critiques ne protestent pas : ce n'est qu'en se plaçant sur la perspective historique nécessaire que l'on peut formuler un jugement correct sur une question comme le remplacement d'un régime social par un autre. L'alternative historique poussée jusqu'à son terme se présente ainsi : ou bien le régime stalinien n'est qu'une rechute exécrable dans le processus de la transformation de la société bourgeoise en société socialiste, ou bien le régime stalinien est la première étape d'une société d'exploitation nouvelle. Si le second pronostic se révélait juste, alors, bien entendu, la bureaucratie deviendrait une nouvelle classe exploiteuse. Aussi lourde que puisse être cette seconde perspective, si le prolétariat mondial se montrait effectivement incapable de remplir la mission que lui a confiée le cours du développement, il ne resterait plus qu'à reconnaître que le programme socialiste, construit sur les contradictions internes de la société capitaliste s'est finalement avéré une utopie. Il va de soi qu'on aurait besoin d'un nouveau "programme minimum" pour défendre les intérêts des esclaves de la société bureaucratique totalitaire."

Vals dans ta deuxième intervention tu fais part de certains groupes trotskistes qui auraient de révision en révision trahi le marxisme, ou que d’autres serait tombés dans le commentarisme ultra gauche. Pour ma part je ne me reconnaît pas dans ces groupes, mais je me situe sur les positions de la Gauche Communiste qui tout en critiquant les erreurs de Trotski a su reconnaître que celui-ci n’avait pas trahi l’internationalisme prolétarien

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Message  gérard menvussa Mer 8 Sep - 23:30


Oui, tu as complètement raison.

Effectivement, cela se vérifie parfaitement ! Bref, tu es trotskyste, mais sans expliquer ce qu'il y a d'ouvrier dans l'état dirigé par poutine, sans expliquer ce qu'il en est de l'internationalisme, sans expliquer ce qu'il en est de la "révolution permanente", sans expliquer ce qu'il en est du "front unique ouvrier", and so on...

Ca va s'voir, j'te dis !
Pour répondre a Topaze : certes, ces écrits (de trotsky) ont une certaine importance. Mais moi (nous ?) attachons autant d'importance à la méthode qu'aux écrits proprement parler. Par exemple, la révolution chinoise, était elle une véritable révolution ou pas ? Pour LO, c'était une révolution bourgeoise, et a mon avis ils ont tord... Mais personne (ni eux ni moi) ne peuvent se prévaloir de l'autorité de "trotsky"...
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Message  Gauvain Jeu 9 Sep - 0:01

Moi, comme ça, sans avoir du tout creusé la question, y a un truc qui me titille dans l'idée que l'URSS en 1940 ou 45 serait un Etat ouvrier dégénéré.

A la fin des années 40, il s'est établi en Europe dans l'Est un certain nombre de dictatures de type stalinien, des Etats pseudo-socialistes bureaucratiques, et cela sans révolution ouvrière. Or il me semble que les caractéristiques économiques de ces pays de l'Est (planification bureaucratique et propriété étatisée des moyens de production notamment) étaient plus ou moins les mêmes qu'en URSS. Donc :

-comment est-il possible que deux Etats ayant un système économique à peu près identique soient, l'un, un Etat ouvrier dégénéré, et l'autre non ?

ou alors :

-comment est-il possible qu'une dictature bureaucratique où les ouvriers n'ont jamais fait de révolution ni pris le pouvoir puisse être considéré comme un Etat ouvrier, même dégénéré ?

Et ça, c'est des arguments auxquels LT ne pouvait pas répondre, puisque quand il est mort, il n'y avait sur terre qu'un seul Etat se réclamant du socialisme marxiste.

Je suppose que ces objections ont déjà été formulées plein de fois, mais j'aimerais bien savoir ce qu'y répondent les tenants d'un Etat ouvrier dégénéré en URSS.
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Message  nomido Jeu 9 Sep - 10:26

Il me semble que LO répond à ça que la notion "d'État ouvrier dégénéré" ne se définit pas directement selon une liste de critères économiques à remplir, mais en fonction de la perspective historique. En gros la révolution d'Octobre ouvre une parenthèse, et tant que la réaction n'a pas vaincu par la restauration du capitalisme elle est toujours ouverte. Comme il n'y pas eu de parenthèse ouverte dans les "démocraties populaires" (pas de révolution prolétarienne), la caractérisation ne colle pas... ce sont des pays dominés particuliers, tout comme les pays dominés par le capitalisme sont différents des métropoles imérialistes.
Je trouve pas ça idiot dans le fond, mais quand tellement de temps a passé depuis la première parenthèse j'ai du mal à comprendre comment on peut encore parler de réaction "par rapport à la révolution d'Octobre". Surtout qu'il me semble que dès la stalinisation, les États impérialistes se sont beaucoup rassuré sur l'URSS comme "camp de la révolution", et ont été capable de faire avec lui de la diplomatie tout à fait "respectable".
Mais je n'ai pas envie de déformer ce point de vue que je ne comprends pas bien. Et d'autre part moi je n'arrive pas à m'en faire un de satisfaisant.
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Message  Gauvain Jeu 9 Sep - 12:13

domino a écrit:Il me semble que LO répond à ça que la notion "d'État ouvrier dégénéré" ne se définit pas directement selon une liste de critères économiques à remplir, mais en fonction de la perspective historique. En gros la révolution d'Octobre ouvre une parenthèse, et tant que la réaction n'a pas vaincu par la restauration du capitalisme elle est toujours ouverte. Comme il n'y pas eu de parenthèse ouverte dans les "démocraties populaires" (pas de révolution prolétarienne), la caractérisation ne colle pas... ce sont des pays dominés particuliers, tout comme les pays dominés par le capitalisme sont différents des métropoles imérialistes.

Si c'est une question de "parenthèse ouverte", cela sous-entend (et c'est bien ce que sous-entendait LT il me semble) qu'en URSS la réaction pouvait être battue et la révolution sauvée, non ? Or si ça c'était possible en URSS en 1950, je ne vois pas ce qui aurait fait que ça ne l'ait pas été en Tchécoslovaquie ou en RDA. Puisque la structure économique de ces pays était fondamentalement la même.

En y réfléchissant hier après mon message, j'ai pensé à un argument possible, mais qui n'est pas celui que tu donnes. Si l'on considère la satellisation des démocraties populaires comme une forme particulière d'annexion, avec non seulement une subordination politique mais une forte intégration économique, on peut admettre que les démocraties populaires soient des Etats ouvriers sans révolution ouvrière, de la même façon que quand l'URSS envahit la Finlande, l'économie finlandaise devient celle d'un Etat ouvrier dégénéré sans qu'il y ait eu de révolution ouvrière victorieuse sur ce territoire.
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Message  Barnabé Jeu 9 Sep - 14:56

Gauvain a écrit:Moi, comme ça, sans avoir du tout creusé la question, y a un truc qui me titille dans l'idée que l'URSS en 1940 ou 45 serait un Etat ouvrier dégénéré.

A la fin des années 40, il s'est établi en Europe dans l'Est un certain nombre de dictatures de type stalinien, des Etats pseudo-socialistes bureaucratiques, et cela sans révolution ouvrière. Or il me semble que les caractéristiques économiques de ces pays de l'Est (planification bureaucratique et propriété étatisée des moyens de production notamment) étaient plus ou moins les mêmes qu'en URSS. Donc :

-comment est-il possible que deux Etats ayant un système économique à peu près identique soient, l'un, un Etat ouvrier dégénéré, et l'autre non ?

ou alors :

-comment est-il possible qu'une dictature bureaucratique où les ouvriers n'ont jamais fait de révolution ni pris le pouvoir puisse être considéré comme un Etat ouvrier, même dégénéré ?

Et ça, c'est des arguments auxquels LT ne pouvait pas répondre, puisque quand il est mort, il n'y avait sur terre qu'un seul Etat se réclamant du socialisme marxiste.

Je suppose que ces objections ont déjà été formulées plein de fois, mais j'aimerais bien savoir ce qu'y répondent les tenants d'un Etat ouvrier dégénéré en URSS.

Il y a notamment eu là dessus de très bons articles de la LdC il y a quelques temps (1967) : Le mouvement trotskyste et le problème des Démocraties Populaires et L’étatisation et la planification sont-ils des critères de classe d’un État ?
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Message  verié2 Jeu 9 Sep - 15:54

Nous voilà repartis dans une vieille discussion. Pour ma part, je ne pense pas du tout que les deux textes publiés par LO en 1967 soient particulièrement rigoureux. Je m'en explique.
-Ils font justice des errements et revirements de la IV officielle. Cela, c'est le plus facile. Comment admettre en effet, d'un point de vue marxiste, que des Etats ouvriers se soient constitués sans intervention de la classe ouvrière ?
-En revanche, ces textes ne sont pas très rigoureux dans la mesure où ils nient que l'Etatisation complète était un critère de classe aux yeux de Trotsky, car il pensait que cette étatisation était hors de portée d'un Etat bourgeois. Le fait que des Etats bourgeois puissent réaliser cette étatisation aurait du remettre en cause ce critère.
-LO, d'une façon générale, s'applique à démontrer que les interêts de la bourgeoisie auraient été mieux préservés dans les démocraties populaires, en Chine, à Cuba etc. Dans d'autres textes, LO donne même quelques exemples de maintien de la propriété privée dans ces Etats. Démarche tout à fait ridicule si on considère que les Etats où l'étatisation a été la plus complète sont probablement la RDA et Cuba. Pas l'URSS où subsistaient des coopératives, des lopins privés etc. De toute manière le % de nationalisations n'est pas un critère de classe de l'Etat.
-LO n'a jamais été capable de montrer la différence entre un Etat à économie étatisée où la classe ouvrière a perdu le pouvoir (URSS) et un Etat à économie étatisée où elle ne l'a jamais eu (Etats de l'Est, Chine, Cuba etc).

Reste l'argument de la continuité : l'Etat mis en place par la révolution d'octobre n'aurait pas été détruit par la contre-révolution stalinienne. C'est ce même argument qui conduit LO a considérer que la Russie de Poutine est toujours un Etat ouvrier aujourd'hui, sans pouvoir nous dire ce qu'il faudrait pour que cet Etat change de nature... Dans ce sens, la Fraction L'Etincelle, qui se revendique des positions de LO jusqu'en 1991, est incohérente, puisque, de toute évidence, l'appareil d'Etat n'a pas été détruit en URSS-Russie en 1991. La seule chose qui a changé, ce sont les privatisations... qui ne sont pourtant pas un critère de classe. Bien sûr, reconnaître aujourd'hui que la Russie de Poutine est un Etat bourgeois, c'est tout simplement reconnaître l'évidence et le bon sens. LO est cohérente sur ce point... jusqu'à l'absurdité.

En réalité, Staline n'a pas eu à détruire l'Etat ouvrier, puisque les organes de classe surgis lors de la révolution d'octobre se sont effondrés d'eux-mêmes sous la pression de la misère, de la démoralisation, de la guerre civile, de la bureaucratie naissante etc. Reste l'appareil de professionnels (bureaucrates, flics, Kgbistes, militaires etc) qui n'avait pas en lui-même de caractère de classe et pouvait servir tous les maîtres : Lénine/Trotsky, Staline, Khroutchev, Gorbatchev, Eltsine, Poutine. Seul le programme politique de la direction bolchevique lui donnait encore un caractère de classe au début des années vingt, mais une fois la vieille garde écartée et exterminée, cet appareil est devenu un appareil purement bourgeois, au service de la bureaucratie, puis de la bourgeoisie et des oligarques.



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Message  Gauvain Ven 10 Sep - 0:19

Barnabé a écrit:
Gauvain a écrit:Moi, comme ça, sans avoir du tout creusé la question, y a un truc qui me titille dans l'idée que l'URSS en 1940 ou 45 serait un Etat ouvrier dégénéré.

A la fin des années 40, il s'est établi en Europe dans l'Est un certain nombre de dictatures de type stalinien, des Etats pseudo-socialistes bureaucratiques, et cela sans révolution ouvrière. Or il me semble que les caractéristiques économiques de ces pays de l'Est (planification bureaucratique et propriété étatisée des moyens de production notamment) étaient plus ou moins les mêmes qu'en URSS. Donc :

-comment est-il possible que deux Etats ayant un système économique à peu près identique soient, l'un, un Etat ouvrier dégénéré, et l'autre non ?

ou alors :

-comment est-il possible qu'une dictature bureaucratique où les ouvriers n'ont jamais fait de révolution ni pris le pouvoir puisse être considéré comme un Etat ouvrier, même dégénéré ?

Et ça, c'est des arguments auxquels LT ne pouvait pas répondre, puisque quand il est mort, il n'y avait sur terre qu'un seul Etat se réclamant du socialisme marxiste.

Je suppose que ces objections ont déjà été formulées plein de fois, mais j'aimerais bien savoir ce qu'y répondent les tenants d'un Etat ouvrier dégénéré en URSS.

Il y a notamment eu là dessus de très bons articles de la LdC il y a quelques temps (1967) : Le mouvement trotskyste et le problème des Démocraties Populaires et L’étatisation et la planification sont-ils des critères de classe d’un État ?

Merci pour ces textes. Certains passages soulèvent quelques questions.
Dans le premier texte :

Dix huit ans après avoir été formulée cette prédiction ne s’est pas réalisée et, à l’inverse, on assiste à un relâchement de plus en plus sensible des liens entre l’URSS et les Démocraties Populaires et à la réintégration progressive de ces derniers dans le marché impérialiste mondial.
A quoi fait référence le texte quand il parle de la réintégration des DP dans le marché mondial ? Cela signifie-t-il que les DP, ou certaines d'entre elles, commerçaient de plus en plus avec les démocraties bourgeoises, plus que ne le faisait l'URSS ?

Loin d’être formelle l’intégration au territoire de l’URSS aurait signifié, non seulement une intégration économique, mais aussi et surtout, une intégration politique et sociale qui aurait nécessité la destruction des appareils d’états nationaux des Démocraties Populaires.
Ici, il s'agit de dire que la satellisation des DP n'équivaut pas à une annexion. Une annexion aurait réellement fait de ces Etats des Etats ouvriers, mais leur simple satellisation ne change rien à leur nature bourgeoise. Le critère étant, donc, la permanence ou non des appareils d'Etats nationaux. Pourtant, il me semble qu'une annexion peut très bien se faire en laissant en place l'appareil d'Etat du pays annexé, surtout si la classe dirigeante du pays annexé en question est "consentante" et qu'elle a la confiance de la classe dirigeante du pays "annexeur". Les fonctionnaires restent les mêmes, la police et l'armée peuvent rester en place en grande partie, etc.


Quant au second texte... eh bien en le lisant, j'ai eu l'impression d'assister à un tour de passe-passe.

En bref, planification et étatisation des moyens de production furent des mesures politiques destinées à traduire sur le plain des rapports sociaux la prise du pouvoir par les travailleurs.
Au début, peut-être, mais en 1940 ? Peut-on dire qu'en 1940 la planification et l'étatisation des moyens de production sont "des mesures politiques destinées à traduire sur le plain des rapports sociaux la prise du pouvoir par les travailleurs", alors que ça fait longtemps que les travailleurs ont perdu le pouvoir et que la classe bureaucratique au pouvoir gouverne désormais en fonction de SES intérêts ?

Tout l'argumentaire du texte repose sur l'idée que la planification et l'étatisation en URSS sont d'une nature différente de la planification et de l'étatisation des pays du glacis : en effet, en URSS, la planification et l'étatisation ont été historiquement des armes économiques des travailleurs au pouvoir.
Déjà, cette affirmation ne va pas de soi, puisque le texte affirme lui-même que c'est la bureaucratie stalinienne de la fin des années 20 qui a achevé l'étatisation de l'économie et lancé le premier plan quinquennal. Comment se fait-il que les armes des travailleurs leur aient été fournies par la bureaucratie ?
Et d'autre part : dans la mesure où d'autres bureaucraties ont été capables d'en faire autant dans les années 40/50, qu'est-ce qui permet de dire que la bureaucratie russe a étatisé et planifié l'économie à cause de l'"impulsion" d'octobre ? Puisqu'un même régime de propriété peut correspondre à des Etats de nature différente, je ne vois pas ce qui empêche de penser qu'au bout d'un moment, même en conservant une économie étatisée et planifiée, l'URSS a changé, progressivement ou pas, de nature.

A lire le texte, on a l'impression que le spectre d'octobre est condamné à planer éternellement sur l'URSS, et que quoi qu'il advienne, toute la structure économique de l'URSS pourra toujours être analysée en référence à l'"impulsion" originaire d'octobre. Ce qui est pour le moins contre-intuitif : on aurait plutôt tendance à penser qu'au bout de 5, 10, 20, 40 ans, l'impulsion originaire tend à s'amortir, et que les choix économiques de la bureaucratie soviétique (la poursuite des plans quinquennaux, par exemple) sont de plus en plus déterminés par des causes beaucoup plus "actuelles"...

A propos de la planification et de la propriété étatique, la conclusion dit :
Si leur signification absolue reste « socialiste », leur utilisation relative est inséparable du processus dans lequel elles s’inscrivent.
La première partie de la phrase m'interpelle... Je trouve ça nébuleux, et pour tout dire idéaliste, de vouloir dégager une "signification absolue" de certaines caractéristiques économiques, indépendemment de leur "utilisation relative". Au nom de la prise en compte dialectique des "processus" plutôt que des "catégories figées", on se retrouve non pas à expliquer le présent par le passé, mais carrément à transposer le passé dans le présent.
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Message  sylvestre Ven 10 Sep - 11:39

Gauvain a écrit:

Dix huit ans après avoir été formulée cette prédiction ne s’est pas réalisée et, à l’inverse, on assiste à un relâchement de plus en plus sensible des liens entre l’URSS et les Démocraties Populaires et à la réintégration progressive de ces derniers dans le marché impérialiste mondial.
A quoi fait référence le texte quand il parle de la réintégration des DP dans le marché mondial ? Cela signifie-t-il que les DP, ou certaines d'entre elles, commerçaient de plus en plus avec les démocraties bourgeoises, plus que ne le faisait l'URSS ?

Il y a eu une évolution dans ce sens, mais le comecon (marché commun URSS/DP) restait le marché numéro un pour chaque DP. Dans les années 70 les pays d'Europe de l'Est, notamment la Pologne sont devenus très dépendants d'emprunts passés sur le marché mondial.
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Message  Gauvain Ven 10 Sep - 12:01

sylvestre a écrit:
Gauvain a écrit:

Dix huit ans après avoir été formulée cette prédiction ne s’est pas réalisée et, à l’inverse, on assiste à un relâchement de plus en plus sensible des liens entre l’URSS et les Démocraties Populaires et à la réintégration progressive de ces derniers dans le marché impérialiste mondial.
A quoi fait référence le texte quand il parle de la réintégration des DP dans le marché mondial ? Cela signifie-t-il que les DP, ou certaines d'entre elles, commerçaient de plus en plus avec les démocraties bourgeoises, plus que ne le faisait l'URSS ?

Il y a eu une évolution dans ce sens, mais le comecon (marché commun URSS/DP) restait le marché numéro un pour chaque DP. Dans les années 70 les pays d'Europe de l'Est, notamment la Pologne sont devenus très dépendants d'emprunts passés sur le marché mondial.

D'accord. Je trouve l'argument d'autant plus étrange qu'aujourd'hui LO continue de considérer la Russie comme un Etat ouvrier très dégénéré, alors que la Russie est complètement intégrée au marché mondial.
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Message  Vals Lun 13 Sep - 1:14

[quote]13 septembre 1937 : en Espagne, Erwin Wolf est enlevé puis assassiné par les staliniens


Ci-dessous le texte d'un interview donné par Trotsky au journal norvégien « Aftenposten », le 19 octobre 1937

M. Trotsky a donné récemment à la presse l'information selon laquelle son ancien secrétaire, Erwin Wolf, avait été pris par un réseau de Staline en Espagne et traîtreusement assassiné. On se souviendra que Wolf avait été son collaborateur pendant son séjour en Norvège jusqu'à son internement.

Pour étoffer les informations qui ont été publiées sur les événements et liés à la disparition de Wolf, notre correspondant s'est adressé à M. Trotsky qui vit toujours dans la maison du peintre Diego Rivera à Coyoacan.

M. Trotsky, quoique occupé à son activité littéraire, me reçoit dans sa salle de travail — la même dans laquelle, il y a cinq mois, la commission préliminaire d'enquête tenait ses séances sur les accusations lancées contre Trotsky dans les procès de Moscou.

Ma première question porte sur la question de savoir si l'information selon laquelle M. Wolf a été assassiné a été définitivement confirmée.

— Permettez-moi de commencer par une remarque préliminaire. Votre journal, l'Aftenposten a été et est très hostile à mes idées, comme à moi personnellement. Pour ma part, je n'éprouve pas la moindre sympathie pour votre journal. Vous n'êtes venu chez moi que pour pouvoir informer vos lecteurs. Je suis également intéressé à donner quelques informations au peuple norvégien, même par l'intermédiaire du journal norvégien le plus conservateur. Mais, dans cette situation, nos relations doivent reposer, comme disent les Américains, sur un « gentleman's agreement ». Vous devez veiller à ce que votre journal publie littéralement mes déclarations ou ne les publie pas du tout.

Maintenant sur la question de mon ami Erwin Wolf. Aucune preuve décisive n'a encore été fournie. Mais tout ce qu'on sait de l’affaire tend à indiquer qu'il est mort en Espagne entre les mains des agents du G.P.U. On a essayé d'obtenir des informations des autorités espagnoles, mais personne ne sait ou ne veut rien savoir. On s'adresse à un bureau, il vous renvoie à un autre ou bien on vous répond aimablement qu'on ne connaît personne de ce nom. Dans de nombreux cas, il est peut-être exact que le fonctionnaire interrogé ne sait rien : il y a tellement d'autorités fictives aujourd'hui en Espagne... Des dizaines de personnes disparaissent ainsi en Espagne. On ne peut obtenir aucune information sur leur sort. Cet assassinat a été organisé par les agents de Staline, le G.P.U.

Il y a dans le ton de la voix de M. Trotsky une haine irréconciliable quand il parle du G.P.U. comme quand, au cours des audiences de la commission, il a exposé les méthodes de cette institution.

Le G.P.U. est le véritable gouvernement de la soi-disant Espagne républicaine. L'armée, ainsi que la police du gouvernement de Valence, sont entièrement entre ses mains.

Je lui demande si l'influence du G.P.U. s'exerce à travers une sorte de subdivision espagnole, coopérant avec Moscou.

Non, répond Trotsky avec force, c'est le véritable G.P.U. russe, sous les ordres directs de Staline. C'est le représentant de Moscou, Antonov-Ovseenko (1), l'ancien consul à Barcelone — je connais cet homme ! — qui a donné l'ordre de tuer André Nin, Erwin Wolf et bien d'autres. Le G.P.U. est actif partout, sans excepter les pays gouvernés par de soi-disant « socialistes ». Il a été par exemple derrière mon expulsion de Norvège. Erwin Wolf, lui aussi, a été expulsé de Norvège sur l'ordre du G.P.U. Le gouvernement « socialiste » de Norvège est d'un bois aussi mauvais que celui de l'Espagne. Il n'est pas moins conservateur et même réactionnaire que bien d'autres gouvernements qui ne prétendent pas être socialistes, mais il est moins courageux. MM. Nygårdsvold (2), Trygve Lie et autres voulaient montrer au moins une fois leur poigne et renforcer ainsi leur autorité.

En réalité, ils n'ont démontré que leur faiblesse organique. Ils tremblent devant tous les cris de la réaction comme devant tous les ordres du G.P.U. « Nous avons commis une stupidité en vous donnant l'autorisation d'entrer en Norvège », m'a dit le ministre de la « justice » (?) au cours de notre dernière entrevue. « M. Trygve Lie, vous essayez maintenant de corriger votre stupidité par un crime », ai-je répondu.

Oui, c'était un crime. Moi, mon fils, nombre de nos amis, nous étions accusés des crimes les plus horribles qu'on puisse imaginer. J'avais entre les mains toutes les preuves de la fausseté de ces accusations. Et à ce moment, le gouvernement socialiste sous la direction du vertueux et immaculé Martin Tranmael (3) nous a internés, ma femme et moi, afin de me priver de la possibilité de défendre la vie de mon fils et de ses amis, et mon honneur politique. Le prétexte n'était pas seulement faux, mais idiot. Comment appelle-t-on un tel acte ? Une tentative d'assassinat moral. Les efforts de M. Tranmael pour dissimuler ce fait dans Arbeiderbladet ne pouvaient que le ridiculiser !

Ma question si la pression exercée pour faire céder le gouvernement norvégien était de nature économique ou politique, amène la réponse suivante :

La pression économique a été utilisée. Le gouvernement était l'objet de grosses pressions de la part des armateurs et des intérêts des pêcheries et quand le ministre russe Iakoubovitch (4) a tapé sur la table, le gouvernement a cédé. La capitulation de Nygårdsvold devant Iakoubovitch n'était pas seulement une trahison des principes démocratiques, mais aussi des intérêts élémentaires de la Norvège en tant qu'Etat indépendant. En utilisant la même arme (le monopole du commerce extérieur), Moscou, après son premier succès, peut faire chanter Oslo en toute occasion.

L'expulsion (de Norvège) d'Erwin Wolf et de mon autre secrétaire, Jean van Heijenoort, était un acte tout à fait illégal. Ils n'avaient rien fait de contraire aux lois du pays : leur unique crime était d'être mes secrétaires.

Trygve Lie m'a dit : « Si vous signez une déclaration disant que vous vous soumettez volontairement à la censure de votre correspondance, vos secrétaires ne seront pas expulsés. J'ai refusé. J'ai déclaré que cette exigence était scandaleuse. Le gouvernement soi-disant « socialiste » et particulièrement M. Tranmael connaissaient parfaitement toutes mes activités littéraires et politiques, et personne n'a élevé contre elles la moindre objection... Immédiatement après l'ordre sévère du G.P.U. en août 1936, j'ai dit à M. Lie que je n'étais pas venu en Norvège pour y obéir aux ordres du G.P.U. : si j'avais été disposé à le faire, je n'aurais pas eu besoin d'aller de Moscou à Oslo. Mon attitude en Norvège a été d'une totale loyauté à l'accord. Je n'ai jamais, même au cours de conversations privées, donné mon opinion sur la politique norvégienne. Je ne pouvais soumettre mon activité littéraire au contrôle de quelque officier de police réactionnaire et ignorant. Pour me punir, le gouvernement « socialiste » nous a internés, ma femme et moi, sans (avoir) contre elle aucune accusation, et, non content de cela, il a expulsé mes collaborateurs, Erwin Wolf et Jean van Heijenoort de la façon la plus brutale. Mes collaborateurs n'étaient pas des exilés. Leurs papiers étaient en règle. Ils n'avaient commis aucun crime. Ils ont été punis parce que j'ai refusé de m'incliner devant les exigences arbitraires de Trygve Lie.

Mais ce n'est pas tout. Après mon internement, l'Arbeiderbladet a commencé une campagne de calomnies contre moi et mes collaborateurs. Tranmael a trouvé pour cela des collaborateurs adéquats. Le demi-fonctionnaire du G.P.U. en Norvège est Jakob Friis (5) — pas pour l'assassinat ni le vol d'archives, M. Friis est trop couard pour de tels exploits. Mais il a suffisamment de courage pour attaquer et calomnier un adversaire qui est enfermé, sous clé. Quand je vivais librement en Norvège, ce paladin, je veux dire M. Friis, ne m'a jamais critiqué, mais, après mon internement, il a rempli la presse socialiste de toutes les calomnies et de tous les mensonges fabriqués à Moscou par le G.P.U. Cette campagne a été hautement préjudiciable non seulement à moi et à tous mes collaborateurs et amis, particulièrement à Erwin Wolf.

Qu'a fait M. Wolf après son départ de Norvège ?

Quand il est arrivé à Copenhague, il a été de nouveau arrêté, une fois de plus sur l'ordre du G.P.U., cette fois au gouvernement danois. La raison invoquée était que, puisqu'il avait été expulsé de Norvège, c'est qu'il avait fait quelque chose de mal. Expulsé du Danemark, il est allé en Angleterre où il est resté quelques mois. Pendant les procès de Moscou, il a mené une campagne contre le type de justice de Staline dans les journaux britanniques, surtout le Manchester Guardian. Connaissant les conditions de ma vie en Norvège, il a été capable d'établir la fausseté des affirmations sur mes prétendus contacts avec des personnalités russes, comme Piatakov qui avait « avoué » qu'il était allé en avion en Norvège pour conspirer avec moi. C'est pour cette raison que Wolf était particulièrement haï du G.P.U.

Puis il est allé en Espagne comme correspondant du News Chronicle (6). Là, il a été arrêté une première fois avec pratiquement tous les correspondants étrangers et il a passé plusieurs jours en prison. Cette arrestation était un acte officiel des autorités. Plus tard, le 31 juillet, le jour précédant son départ d'Espagne, il a été de nouveau arrêté, cette fois en dehors de toute forme légale. Il a été traîtreusement enlevé par les agents du G.P.U.

Wolf était un Tchécoslovaque, d'une famille de gros commerçants. C'était un homme d'une intégrité absolue, et généreux. Sa collaboration avec moi était totalement désintéressée. Il est venu m'aider dans mon travail de sa propre initiative. Il a toujours aidé les exilés allemands persécutés par les nazis. Il avait de grands dons pour les langues étrangères et a appris en très peu de temps le norvégien, et il avait la plus chaude sympathie pour le peuple norvégien.

Tous les efforts pour venir à son secours ont été partout reçus avec la réponse qu'on ignorait tout de lui.
Il était marié à une fille de M. Knudsen, éditeur d'un journal et membre du parlement norvégien qui était l'hôte de Trotsky en Norvège. Elle était avec lui en Espagne mais elle a réussi à se sauver en France quand il était arrêté. C'était elle qui, par sa conduite courageuse, avait empêché les six jeunes fascistes de prendre ce qu'ils cherchaient, quand ils tentaient de pénétrer chez moi.

M. Trotsky étend ses bras pour montrer comment elle a bloqué le passage de la porte et il y a de l'admiration dans sa voix quand il dit :

Une courageuse fille norvégienne ! Elle leur a fait peur !

Je demande de quelle source lui sont venues les informations selon lesquelles M. Wolf aurait été assassiné après son arrestation.

Par un Américain, Harry Milton. Il était volontaire dans l'armée loyaliste espagnole. Il a été blessé et, après sa guérison, arrêté. C'est arrivé à beaucoup de volontaires et la raison a toujours été leur opposition au G.P.U. A la suite de l'intervention du consul américain, il a été libéré et a quitté l'Espagne. Le représentant américain était en position d'exiger sa libération. Milton m'a alors écrit que, connaissant les circonstances et le travail du G.P.U., il considérait comme pratiquement certain que Wolf avait été tué.
Comme je l'ai dit, conclut M. Trotsky, je n'ai pas encore de preuve décisive, mais le fait même que l'information sur sa mort donnée dans la presse n'ait pas été démentie en Espagne est en lui-même une confirmation. Ce n'est que pour provoquer un éventuel démenti que j'ai fait publier cette information.

M. Trotsky retourne à son travail. Sa table est placée au centre de la grande pièce. Un réflecteur jette sur la scène une lumière dramatique. Au fond, dans l'obscurité, on discerne livres et documents. Les fenêtres sont barricadées. On dirait un quartier-général de campagne.

Notes
1. Vladimir A. Antonov-Ovseenko (1883-1938), jeune officier, s'était mutiné à la tête de ses troupes lors de la révolution de 1905. Pendant l'insurrection d'Octobre 1917, il avait commandé les gardes rouges. Membre de l'Opposition de gauche, il avait été l'un des premiers à capituler en 1928. Il était devenu consul général à Barcelone.
2. Johann Nygårdsvold (1879-1952), premier ministre norvégien, était membre de la direction du DNA.
3. Martin Tranmael (1879-1967) au passé militant de syndicaliste avait conduit son parti, le DNA, à Moscou où il avait rejoint l'I.C. jusqu'en 1923. Il collaborait à Arbeiderbladet mais gardait un rôle important dans le parti.
4. Le diplomate I. S. Iakoubovitch, ministre d'U.R.S.S. en Norvège, allait disparaître rapidement après avoir été rappelé.
5. Jakob Friis (1883-1956) avait quitté le P.C. pour le DNA. Trotsky estimait qu'il continuait à travailler pour Staline.
6. Il s’agissait, en réalité, du Spanish News

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Message  topaze Ven 17 Sep - 23:22

Il me semble que dans différentes interventions (et je suis d’accord) qu’il y a une dénonciation de LO sur le fait que cette organisation parle encore aujourd’hui d’Etat ouvrier dégénéré. Je suis aussi d’accord avec les interventions qui mettent en avant qu’on ne peut pas parler de socialisme dans les DP. Ceci dit, (mais je peut me tromper) il me semble que tout en dénocant l’Etat ouvrier dégénéré, les DP, il y a l’idée de la possibilité d’un Etat ouvrier. Si c’est ça, à mon avis c’est faux. Faux car selon le marxisme l’Etat est l’expression de la société divisée en classe. il ne peut y avoir d’Etat ‘neutre’, ni ‘prolétarien’ . Il est conservateur. Même l’Etat qui surgira après la révolution ne peut être que conservateur. A mon avis il ne faut pas oublier que la dictature du prolétariat, (dont personne ne parle) a l’échelle mondiale a pour but de diriger la transformation révolutionnaire en vue de construire une société sans classe sociales, sans Etat .

Topaze. Lecteur de Révolution Internationale. http://fr.internationalism.org/


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Message  gérard menvussa Sam 18 Sep - 0:23

La question de la nature des "pays de l'est" ou de la chine (et aussi à un autre propos, de Cuba) est toujours quelque chose qui a fait probléme aux différents courants trotskystes ! Le courant dont je proviens (la 4 "canal historique") a déja parlé pour les pays de l'est de ''pays ouvriers mal formés", a leur constitution. Mais le propos a évolué, et vers la fin, Mandel en particulier ne parlait que de "société de transition, ni tout a fait bourgeoisie, ni tout a fait ouvriére non plus (reste la problématique question de la transition ENTRE QUOI ET QUOI, a laquel personne n'a donné de réponse

voir par exemple un débat (postume) entre catherine Samary et Mandel sur ces questions : http://www.ernestmandel.org/fr/surlavie/txt/samandel.pdf

Voir aussi un certain nombre de contraintes dont parlait Mandel, et qu'il nous faut bien voir pour avoir une conscience claire du probléme

le prolétariat au pouvoir

Ce qui précède conduit à répondre à quelques questions qui se posent au sujet de l'État et du socialisme.

La classe ouvrière a-t-elle besoin d'un État ?

Quand on dit que l'État subsiste, y compris dans la société de transition entre le capitalisme et le socialisme, la question se pose de savoir si la classe ouvrière, quand elle prend le pouvoir, a encore besoin d'un État. Ne pourrait-elle pas, du jour au lendemain, dès qu'elle prend le pouvoir, abolir cet État ? La réponse à cette question a déjà été donnée. Bien sûr, sur le papier, la classe ouvrière peut supprimer l'État. Seulement voilà: il s'agit alors d'un acte purement formel, juridique, dans la mesure où la prise du pouvoir par la classe ouvrière ne s'effectue pas -cela ne s'est jamais réalisé dans le passé et il est peu vraisemblable que le cas se présente jamais dans une société qui est déjà tellement riche, qui jouit déjà d'une telle abondance de biens et de services matériels, que les conflits sociaux en tant que tels, c'est-à-dire tournant autour de la répartition de ces produits, aient disparu. Et que la nécessité d'avoir des arbitres, des surveillants, des policiers pour contrôler tout ce chaos ait disparu en même temps que la pénurie relative de biens.

Dans la mesure où la classe ouvrière prend le pouvoir dans un pays qui connaît encore une semi-pénurie de biens, où subsiste une certaine misère, elle prend le pouvoir à un moment où la société ne peut pas encore fonctionner sans État. Une masse de conflits sociaux subsiste.

On peut toujours avoir recours à une attitude hypocrite, comme le font certains anarchistes: abolissons l'État et appelons les gens qui exercent les fonctions d'État d'un autre nom. Mais c'est là une opération purement verbale, une "abolition" de l'État sur le papier

Tant que les conflits sociaux subsistent, il faut des gens qui, dans la réalité, règlent ces conflits. Or, des gens qui règlent des conflits, c'est cela, l'État. Il est impossible que l'humanité collective puisse les régler dans un état d'inégalité réelle et d'incapacité réelle de satisfaire les besoins de chacun.

L'égalité dans la misère.

A cela, il y a une objection qu'on pourrait soulever, quoique un peu absurde, et que plus personne n'avance aujourd'hui. On peut concevoir une société où l'abolition de l'État serait liée à la réduction des besoins humains; on pourrait établir dans une telle société une égalité parfaite, qui ne serait que l'égalité dans la misère. Ainsi, en supposant que la classe ouvrière prenne le pouvoir demain en Belgique, on pourrait donner du pain sec à tout le monde... et même un peu plus.

Mais il est impossible de nier artificiellement des besoins humains produits par le développement de la production, et qui sont apparus du fait que notre société a atteint un certain stade de développement. Quand, pour toute une série de biens et de services, la production ne suffit pas à couvrir les besoins de tout le monde, l'interdiction de ces productions sera toujours inopérante. On ne fait alors que créer des conditions idéales pour un marché noir et pour la production noire de ces produits, quand le but visé est simplement d'interdire toute une gamme de produits.

Ainsi, toutes les sectes communistes qui, au cours du moyen âge et des temps modernes, ont voulu organiser immédiatement la société communiste parfaite, basée sur l'égalité parfaite de ses membres, ont interdit la production de luxe, de confort -y compris d'ailleurs l'imprimerie. Toutes ces expériences ont échoué parce que l'homme est ainsi fait qu'à partir du moment où il a pris conscience de certains besoins, on ne peut pas les réprimer artificiellement.

Savonarole, prêchant le repentir et l'abstinence, pouvait fulminer pour qu'on brûlât tous les tableaux, produits de luxe; il n'aurait pu empêcher que l'un ou l'autre incorrigible, épris de beauté, peigne en cachette. Le problème de la répartition de ces produits "noirs", beaucoup plus rares qu'antérieurement, se reposerait toujours, inévitablement.

La gageure du prolétariat

A ce qui a été exposé au début de ce chapitre, il faut ajouter une autre raison, bien qu'elle soit moins importante. Quand le prolétariat se hisse au pouvoir, il le fait dans des conditions bien particulières, différentes de la prise du pouvoir par n'importe quelle autre classe sociale avant lui.

Dans le cours de l'histoire, toutes les autres classes sociales, quand elles s'emparèrent du pouvoir de l'État, détenaient déjà dans leurs mains le pouvoir effectif, économique, intellectuel et moral dans la société. Il n'y a pas un seul exemple, avant celui du prolétariat, d'une classe sociale qui ait pris le pouvoir, alors qu'elle était encore opprimée des points de vue économique, intellectuel et moral.

En d'autres termes, c'est presque une gageure, que d'envisager que le prolétariat puisse prendre le pouvoir, parce que, collectivement, en tant que classe, dans le système capitaliste, ce prolétariat est dégradé. Car on ne saurait développer pleinement ses capacités intellectuelles et morales quand on travaille huit, neuf et dix heures dans un atelier, une usine, un bureau. Et telle est la condition prolétarienne.

Dès lors, le pouvoir de la classe ouvrière, quand elle arrive au pouvoir, est très vulnérable. Sur tous ces plans, il faut défendre le pouvoir de la classe ouvrière contre une minorité qui continuera, pendant toute une période historique transitoire, à jouir d'avantages énormes sur le plan intellectuel et sur celui des biens, du moins des réserves de biens de consommation, par rapport à la classe ouvrière.

Une révolution socialiste normale exproprie la grande bourgeoisie en tant que détentrice des moyens de production; mais elle ne dépossède pas les bourgeois détenteurs de réserves de biens ou de diplômes, encore moins en tant que propriétaires de cerveaux et de connaissances qui, pendant toute la période précédant la prise du pouvoir par la classe ouvrière, détenaient un privilège quasi exclusif dans ce domaine.

Ainsi, dans la société où le prolétariat détient depuis peu le pouvoir (le pouvoir politique, celui des hommes armés) , une série de leviers du pouvoir réel sont et restent aux mains de la bourgeoisie. Plus exactement, aux mains d'une partie de la bourgeoisie, qu'on peut appeler l'intelligentsia ou la bourgeoisie intellectuelle et technique (technocratique) .

Pouvoir ouvrier et techniciens bourgeois

Lénine a fait à ce sujet des expériences amères. En fait, on constate que, quel que soit le sens dans lequel on tourne le problème, quelles que soient les lois, les décrets, les institutions que l'on édicte à ce sujet, si on a besoin de professeurs, de hauts fonctionnaires, d'ingénieurs, de hauts techniciens, à tous les niveaux des rouages sociaux, il est très difficile de placer à ces endroits des prolétaires du jour au lendemain, et même cinq ou dix ans après la conquête du pouvoir.

Lénine, pendant les premières années de pouvoir soviétique, s'armant d'une formule théoriquement juste, bien qu'un peu incomplète, disait: les ingénieurs travaillent aujourd'hui pour la bourgeoisie, demain, ils travailleront pour le prolétariat; pour cela, on les payera et, s'il le faut, on les contraindra. L'essentiel, c'est qu'ils soient contrôlés par les travailleurs. Mais quelques années plus tard, à la veille de sa mort, Lénine, faisant le bilan de l'expérience, s'est posé la question: qui contrôle qui ? Les spécialistes sont-ils contrôlés par les communistes, ou est-ce l'inverse qui se passe?

Quand on étudie ce phénomène, quotidiennement et concrètement, dans des pays sous-développés, quand on voit ce que cela signifie en pratique dans un pays comme l'Algérie - le monopole, le privilège de connaissances universitaires, et même de connaissances tout court, pour une infime minorité de la société, tandis qu'une masse de gens qui ont combattu d'une façon héroïque pour conquérir d'abord l'indépendance, puis le pouvoir, mais qui au moment d'exercer celui-ci se trouvent confrontés avec le problème des connaissances qu'ils ne possèdent pas, qu'ils doivent seulement commencer à acquérir et qu'en attendant ils doivent abandonner complètement le pouvoir à ceux qui possèdent le savoir - on se rend bien compte qu'il s'agit de choses qu'on peut facilement résoudre par quelques formules passe-partout sur le papier, mais que le problème est tout différent quand il faut le résoudre sur le terrain, dans la vie réelle.

L'expérience la plus héroïque, la plus radicale, la plus révolutionnaire jamais entreprise en ce domaine dans l'histoire de l'humanité, est celle de la révolution cubaine. Celle-ci, tirant les leçons de tous les avatars du passé, a entrepris de résoudre largement ce problème en un minimum de temps, en menant une campagne extraordinaire d'alphabétisation et d'éducation (3) , de transformer des dizaines de milliers d'ouvriers et de paysans analphabètes en autant d'instituteurs, de professeurs et d'universitaires, et cela en un minimum de temps. Au bout de cinq à six ans d'efforts, les résultats obtenus sont considérables.

Et pourtant, il suffit d'un seul ingénieur ou d'un seul agronome dans un district où habitent des dizaines de milliers de travailleurs pour que, malgré cet admirable souffle révolutionnaire qui anime le peuple cubain, ce spécialiste soit pratiquement le maître dans ce district, s'il dispose d'un monopole de connaissances sans lesquelles la vie technique ne peut durer. Là encore, la fausse solution serait de revenir à une simplicité telle que l'on pourrait se passer de techniciens. C'est là une utopie réactionnaire.

L'État, gardien du pouvoir ouvrier

Toutes ces difficultés impliquent la nécessité pour le prolétariat, nouvelle classe dominante, d'exercer un pouvoir d'État contre tous ceux qui peuvent lui arracher le pouvoir, soit par lambeaux, soit d'un seul coup, dans cette société nouvelle et transitoire dans laquelle il possède le pouvoir politique, et les principaux leviers du pouvoir économique, mais où il reste freiné par toute une série de faiblesses et d'ennemis qui viennent d'être évoqués. De là découle l'obligation pour la classe ouvrière de maintenir un État après sa conquête du pouvoir, et l'impossibilité de supprimer celui-ci du jour au lendemain. Mais cet État ouvrier doit être d'une nature bien particulière.

Nature et caractéristiques de l'État prolétarien.

La classe ouvrière, par sa situation particulière dans la société, telle qu'elle vient d'être décrite, est obligée de maintenir un État. Mais pour maintenir son pouvoir, elle doit maintenir un État qui soit radicalement différent de celui qui, par le passé, a maintenu le pouvoir de la bourgeoisie, d'une classe féodale ou esclavagiste. L'État prolétarien à la fois est un État et n'est plus un État; il devient de moins en moins un État, il est un État qui commence à dépérir au moment même où il commence à naître, comme le disaient justement Karl Marx et Lénine. Marx, développant la théorie de l'État prolétarien, État qui dépérit, lui a donné plusieurs caractéristiques, dont l'illustration se trouvait dans la Commune de Paris de 1871. Il y a trois caractéristiques essentielles:

- Pas de séparation nette entre les pouvoirs de l"exécutif et du législatif: il faut des organismes qui à la fois légifèrent et appliquent les lois. En somme, il faut en revenir à l'État tel qu'il est issu du communisme du clan et de la tribu, tel qu'on le retrouve encore dans l'ancienne assemblée populaire athénienne.

Ceci est important. C'est le meilleur moyen de réduire le plus fortement possible le clivage entre le pouvoir réel, de plus en plus concentré entre les mains d'organismes permanents, et le pouvoir de plus en plus fictif qui est celui laissé aux assemblées délibérantes. Ce clivage est le propre du parlementarisme bourgeois. Il est insuffisant de remplacer une assemblée délibérante par une autre si on ne change rien d'essentiel à ce clivage. Les assemblées délibérantes doivent disposer d'un pouvoir exécutif réel.

- Éligibilité maximum dans la fonction publique: il n'y a pas que les membres des assemblées délibérantes qui doivent être élus. Les juges, les hauts fonctionnaires, les commissaires de milice, les dirigeants dans l'enseignement, les directeurs dans les travaux publics dans les circonscriptions territoriales, doivent être élus eux aussi. Cela peut choquer dans nos pays de tradition napoléonienne ultra-réactionnaire. Mais certaines démocraties spécifiquement bourgeoises, les États-Unis, la Suisse, le Canada ou l'Australie par exemple, ont conservé ce caractère électif pour un certain nombre de fonctions publiques. C'est ainsi qu'aux États-Unis, le shérif est élu par ses concitoyens.

Dans l'État prolétarien, cette éligibilité générale doit être accompagnée d'une révocabilité générale. Il faut donc qu'un contrôle permanent et très large du peuple sur ceux qui exercent des fonctions d'État soit possible; et que la séparation entre ceux qui exercent le pouvoir d'État et ceux au nom desquels il est exercé soit la plus petite possible. C'est pourquoi il faut assurer un renouvellement constant des élus, pour empêcher que des gens n'occupent des fonctions d'État en permanence. Les fonctions d'État doivent, sur une échelle toujours plus vaste, être exercées à tour de rôle par la masse de la population prise collectivement.

- Pas de rétribution abusive: aucun fonctionnaire, aucun membre des organismes représentatifs et législatifs, aucun individu qui exerce un pouvoir d'État, ne doit toucher un salaire supérieur à celui d'un ouvrier qualifié. C'est là le seul moyen valable pour empêcher la chasse à l'exercice des fonctions d'État comme moyen d'arriver et de vivre aux crochets de la société, pour supprimer les arrivistes et les parasites qu'ont connus toutes les sociétés passées.

Ces trois règles prises ensemble précisent bien la pensée de Marx et de Lénine concernant l'État. Celui-ci ne ressemble plus à aucun de ses prédécesseurs, parce qu'il est le premier État qui commence à dépérir au moment même de son apparition, parce qu'il est un État dont l'appareil est composé de gens qui ne disposent plus d'aucun privilège par rapport à la masse de la société, parce qu'il est un État dont les fonctions sont de plus en plus exercées par l'ensemble des membres de la société, et qui se substituent progressivement les uns aux autres, parce qu'il est un État qui ne se confond plus avec un groupe de gens détachés de la masse et exerçant des fonctions séparées de la masse, mais qui se dissout au contraire dans la masse du peuple, de la population laborieuse, parc qu'il est un État qui dépérit au fur et à mesure que dépérissent les classes sociales, les conflits sociaux, l'économie monétaire, la production marchande, les marchandises, l'argent, etc.

Ce dépérissement de l'État doit être conçu comme l'auto-gestion et l'auto-gouvernement des producteurs et des citoyens qui s'étendent de plus en plus jusqu'à ce que, dans des conditions d'abondance matérielle et de haut niveau de culture de toute la société, celle-ci se structure en communautés de producteurs-consommateurs se gouvernant elles-mêmes.

Et l'Union Soviétique?

Quand on considère l'histoire de l'U. R. S. S. au cours de ces trente dernières années, la conclusion que l'on peut tirer concernant l'État est simple: un État où existe une armée permanente; où l'on trouve des maréchaux, des directeurs de trusts, et même des auteurs de théâtre ou des ballerines qui gagnent cinquante fois plus qu'un ouvrier manoeuvre ou qu'une femme de ménage; où s'est établie une sélectivité énorme pour certaines fonctions publiques, qui rend pratiquement impossible l'accès à ces fonctions à l'immense majorité de la population; où le pouvoir réel est exercé par de petits comités de gens dont le renouvellement s'accomplit par des voies mystérieuses et dont le pouvoir reste inamovible et permanent pendant de longues périodes historiques; un tel État, manifestement, n'est pas en train de dépérir.

Pourquoi ?

L'explication en est simple. L'État, en Union Soviétique, n'a pas dépéri parce que les conflits sociaux n'ont pas dépéri. Les conflits sociaux n'y ont pas dépéri parce que le degré de développement des forces productives n'en a pas permis le dépérissement, et cela parce que la situation de semi-pénurie qui caractérise les pays capitalistes même les plus avancés, continue à caractériser la situation de l'État soviétique. Et tant que perdurent ces conditions de semi-pénurie, il faut des contrôleurs, des surveillants, des gendarmes.

Ceux-ci, bien sûr, dans un État prolétarien, devraient être au service d'une meilleure cause, du moins dans la mesure où ils défendent l'économie socialiste. Mais il faut aussi reconnaître qu'ils sont séparés du corps de la société, qu'ils sont, dans une large mesure, des parasites. Leur disparition est directement liée au niveau de développement des forces productives, qui seules peuvent permettre le dépérissement des conflits sociaux et la suppression des fonctions liées à ces conflits.

Et dans la mesure où ces surveillants, ces contrôleurs, monopolisent de plus en plus l'exercice du pouvoir politique. ils peuvent évidemment s'assurer des privilèges matériels croissants, les morceaux de choix dans cette pénurie relative qui domine la distribution: ils se constituent ainsi en une bureaucratie privilégiée soustraite en fait au contrôle des travailleurs et portée à défendre par priorité ses propres privilèges.

L'argument du cordon sanitaire.

A cela, on a voulu objecter, en invoquant la menace que faisait peser l'entourage extérieur, capitaliste, et on argumente: aussi longtemps qu'existe un danger extérieur, il faut un État, a dit Staline, ne serait-ce que pour défendre le pays contre son entourage hostile.

Cet argument est basé sur un quiproquo. La seule chose que puisse démontrer l'existence d'un entourage capitaliste menaçant, c'est la nécessité d'un armement et d'une institution militaires ; mais cela ne justifie pas l'existence d'institutions militaires séparées du corps de la société.

L'existence de telles institutions militaires séparées du corps de la société indique qu'à l'intérieur de cette société subsiste un important état de tension sociale, qui empêche les gouvernants de se permettre le luxe de mettre des armes entre les mains de tout le monde, qui fait que les dirigeants n'osent pas faire confiance au peuple pour qu'il règle à sa façon les questions militaires d'auto-défense, ce qu'il pourrait accomplir si la collectivité avait vraiment ce degré de supériorité extraordinaire qu'aurait une société réellement socialiste par rapport à la société capitaliste.

En réalité, le problème de l'entourage extérieur n'est qu'un aspect secondaire d'un phénomène beaucoup plus général: le niveau de développement des forces productives, la maturité économique du pays, sont loin du niveau qui devrait être celui d'une société socialiste. L'Union Soviétique est restée une société transitoire, dont le niveau de développement des forces productives est comparable à celui d'une société capitaliste. Elle doit donc se battre avec des armes comparables.

Ne connaissant pas la suppression des conflits sociaux, l'U. R. S. S. doit maintenir tous les organes de contrôle et de surveillance de la population, et, de ce fait, maintient et même renforce l'État au lieu de le laisser dépérir. Cela a provoqué, dans cette société de transition et pour de nombreuses causes spécifiques, des déformations et des dégénérescences bureaucratiques qui ont causé un tort énorme à la cause du Socialisme, surtout dans la mesure où l'on a commis l'erreur d'y coller l'étiquette « socialiste », par peur de dire la vérité: nous sommes encore trop pauvres et trop arriérés pour pouvoir créer une véritable société socialiste. Et, dans la mesure où l'on a voulu, pour des raisons de propagande, donner à tout prix l'étiquette « socialiste », il faut par après expliquer qu'il existe des purges socialistes, des camps de concentration socialistes, le chômage socialiste, etc., etc.

Garanties contre la bureaucratie.

Quelles garanties peuvent être introduites pour éviter dans l'avenir l'hypertrophie de la bureaucratie, telle qu'elle est apparue en U. R. S. S. à l'époque stalinienne ?

Respecter scrupuleusement les trois règles mentionnées plus haut concernant le début de dépérissement de l'État ouvrier (et notamment celle qui limite la rémunération de tous les dirigeants économiques et politiques) .

Respecter scrupuleusement le caractère démocratique de la gestion de l'économie: comités d'auto-gestion des travailleurs élus dans les entreprises; congrès des producteurs ( « Sénat économique ») élu par ces comités, etc. Ceux qui contrôlent le surproduit social, contrôlent toute la société.

Respecter scrupuleusement le principe que, si l'État ouvrier doit forcément restreindre l'exercice des libertés politiques pour tous les ennemis de classe qui s'opposent à l'avènement du socia- lisme (restriction qui doit être proportionnelle à la violence de leur résistance) , il doit en même temps étendre l'exercice de ces mêmes libertés pour tous les travailleurs: liberté pour tous les partis qui respectent la légalité socialiste, liberté de presse pour tous les journaux qui font de même, liberté de réunion, d'association, de manifestation sans restriction pour les travailleurs.
Respecter le caractère démocratique, contradictoire et public de toutes les assemblées délibératives.

Respecter le principe d'un droit écrit.

Théorie et pratique

La théorie marxiste concernant le dépérissement de l'État est au point depuis maintenant plus d'un demi-siècle. En Belgique, il ne nous manque qu'un petit détail qu'il nous reste à accomplir: sa réalisation pratique.

Sans oublier la contribution fort longue d'Antoine Artous, dont je donne le lien ici :

L'analyse de Trotsky et la nature de l'urss
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Message  Vals Ven 3 Déc - 1:09

POUR METTRE FIN A L'EMIETTEMENT DU MOUVEMENT TROTSKYSTE INTERNATIONAL

Cette adresse signée par Combat Ouvrier (Antilles), Spark (U.S.A.), l'Union Africaine des Travailleurs Communistes Internationalistes et Lutte Ouvrière, invitait toutes les organisations trotskystes reliées ou non à l'un des organismes internationaux existants, à une rencontre se donnant pour but la mise en place d'un cadre de discussion et de travail en commun ouvert à tout le mouvement trotskyste.


Près de quarante ans après la fondation de la IVe Internationale, le mouvement trotskyste est le seul à l'échelle internationale qui, sur le plan de ses références programmatiques fondamentales, se réclame de la nécessité d'une organisation et d'une politique prolétariennes indépendantes, et se donne pour but l'instauration de la dictature révolutionnaire du prolétariat.
D'autres courants qui se réclament plus ou moins explicitement de la révolution prolétarienne —en particulier les différentes variantes des groupes dits “capitalistes d'Etat”— ne se sont jamais structurés à l'échelle internationale et en ont même abandonné l'idée dans les faits. Ils ne sont jamais parvenus à élaborer une ligne politique propre, se définissant pour la plupart par rapport au courant trotskyste, dont la majorité est d'ailleurs issue.Quant aux groupes dits “maoïstes”, s'ils existent dans la quasi totalité des pays, et s'ils ont même une audience notable dans un certain nombre de pays sous-développés, ils représentent —lorsqu'ils représentent quelque chose- des courants populistes visant ouvertement à mettre la classe ouvrière à la remorque d'intérêts bourgeois. Lorsqu'elles parviennent à se développer, l'abandon explicite du terrain de classe en fait des organisations qui représentent d'autres intérêts que ceux du prolétariat.
Le fait d'avoir maintenu, au moins sur le plan des références programmatiques, la continuité politique du mouvement révolutionnaire, successivement incarnée par l'Association Internationale des Travailleurs de Marx et d'Engels, par la Deuxième
Internationale jusqu'à la Première Guerre Mondiale, par l'Internationale Communiste des années 1919-1923, puis par l'Opposition de Gauche et par la IVe Internationale fondée par Léon Trotsky ; le fait d'être le seul mouvement à l'avoir maintenue dans une période difficile, contre le réformisme classique, contre le stalinisme, contre différentes variantes du “tiers-mondisme” se parant de phrases marxistes, est certainement l'actif de loin le plus important du mouvement trotskyste international.
C'est grâce au maintien de cette filiation politique que, après des décennies d'absence d'une influence véritable du courant révolutionnaire sur le mouvement ouvrier, de nouvelles générations de révolutionnaires prolétariens peuvent être formées et éduquées.
Mais force est de constater que le mouvement trotskyste n'est pas parvenu à se donner une direction internationale vivante, compétente et efficace, et qui soit reconnue comme telle par l'ensemble des forces du mouvement trotskyste.
L'émergence d'une Internationale, d'un parti mondial de la révolution, reconnu comme direction par des fractions importantes du prolétariat lui-même, dépasse certes, pour une large part, le problème de la seule volonté ou de la compétence des organisations révolutionnaires prolétariennes. Elle ne dépend pas de la seule capacité de ces organisations à se mesurer sur le plan idéologique et pratique aux tâches de l'heure.
Par contre, la responsabilité des organisations du mouvement trotskyste est déterminante dans le fait qu'il n'existe pas même une direction internationale correspondant au niveau des possibilités et du degré de développement du mouvement. L'incapacité de maintenir l'unité organisationnelle du mouvement et l'incapacité de sélectionner une direction internationale reconnue par tous les groupes trotskystes, sont évidemment les deux aspects d'un même problème.
L'émiettement du mouvement trotskyste se manifeste par une pléthore de directions internationales concurrentes et d'audience variable ; par l'existence d'un grand nombre d'organisations trotskystes qui n'appartiennent à aucun des organismes internationaux existants; par les liens souvent formels voire fictifs à l'intérieur même de chacun de ces organismes internationaux.
Aucune organisation trotskyste responsable et soucieuse de ce que le mouvement trotskyste joue le rôle qui devrait être le sien, ne peut s'accommoder de cette division, de cette dispersion qui n'est pas motivée par une justification programmatique.
Une partie des désaccords qui existent au sein du mouvement trotskyste porte certes sur des questions d'une importance capitale. Mais c'est justement au sein d'un mouvement trotskyste capable de surmonter ses sectarismes et ses ostracismes, permettant la confrontation des idées à une large échelle, que ces analyses divergentes pourraient être valablement discutées.
C'est précisément sur l'état actuel du mouvement trotskyste, sur l'analyse des causes de son émiettement, sur un bilan critique de son évolution depuis la mort de Trotsky, qu'une telle confrontation apparaît de toute évidence d'une nécessité vitale et urgente.
Aucune proclamation, adresse ou appel unilatéral ne pourra résoudre un problème qui concerne l'ensemble du mouvement trotskyste.
Il est indispensable qu'un cadre international où une telle confrontation puisse avoir lieu, soit mis en place. Et proposer cela n'est nullement incompatible avec le fait de militer en direction d'une Internationale fonctionnant selon les règles du centralisme démocratique. Car c'est au contraire en agissant pour mettre fin à l’émiettement du mouvement trotskyste que l'on peut agir pour construire une organisation internationale centralisée et démocratique.
Cette organisation sera-t-elle créée à partir d'une des organisations internationales existantes à l'heure actuelle ? Sera-t-elle le fruit d'une restructuration plus vaste et sur d'autres bases ? La confrontation portera en particulier sur ce point sur lequel de grandes divergences séparent des organisations qui appartiennent à des organismes internationaux entre eux et d'avec celles qui n'y appartiennent pas.
Mais le point de départ de cette discussion doit être le fait incontestable qu'une organisation internationale ayant une autorité politique sur l'ensemble du mouvement trotskyste n'existe pas. Il faut y parvenir à partir de ce qui existe. Il faut construire l'organisation internationale centralisée démocratique à partir de la dispersion actuelle.
Le centralisme démocratique dans l'organisation internationale à construire ne sera pas suspendu en l'air. Il ne pourrait pas être seulement une affaire de statuts. Il exige un accord programmatique fondamental. Mais il exige aussi une confiance politique entre les groupes qui la composent et une confiance de ces groupes et de leurs militants dans la direction.
Cette confiance entre groupes, dans les directions respectives des autres, n'existe pas à l'heure actuelle. A moins qu'un des groupes soit capable de diriger des luttes significatives du prolétariat de son pays et de démontrer dans les faits qu'il mérite la confiance politique des autres, le sectarisme qui marque les relations entre organisations trotskystes à l'heure actuelle ne permettra jamais de surmonter les méfiances mutuelles.
Cette méfiance ne pourra être surmontée que par une confrontation loyale des points de vue et par une pratique commune qui, commencées dans les domaines possibles aujourd'hui, devront pouvoir s'élargir par la suite jusqu'à englober l'ensemble des activités de ces groupes.
Déplorant l'état actuel de dispersion du mouvement trotskyste et le sectarisme qui empêche d'engager des démarches pour y mettre fin, les organisations signataires ont pris l'initiative de s'adresser à l'ensemble du mouvement trotskyste, pour la mise en place d'un cadre international où puisse être discuté des voies et des moyens de créer un lieu de rencontre international au sein duquel puissent cohabiter toutes les tendances différentes du mouvement trotskyste.
Le cadre proposé par les signataires n'est pas destiné à être un organisme international supplémentaire, concurrent de ceux qui existent.
Il n'est pas non plus destiné à être un simple lieu de discussion, bien qu'il devra pouvoir pleinement jouer aussi ce rôle, en permettant de dégager les points d'accords et les points de désaccords entre groupes trotskystes participants et contribuer ainsi à la clarification indispensable au mouvement trotskyste.
Les signataires sont conscients que, pour dégager un programme politique pour la lutte révolutionnaire mondiale de notre époque, la confrontation loyale des points de vue est seulement une condition nécessaire. Au-delà, il est indispensable de pouvoir vérifier les positions de chacun à l'épreuve des luttes politiques. L'existence d'un programme adopté par l'ensemble du mouvement est liée à celle d'une direction internationale reconnue par le mouvement.
Les organisations signataires considèrent que, parallèlement à la discussion des problèmes importants du mouvement trotskyste, le cadre proposé devra examiner l'aide politique et organisationnelle que les différents groupes peuvent mutuellement s'apporter.
Il appartiendra aux groupes participants d'établir le degré de collaboration qu'ils souhaitent établir en fonction de leurs besoins et de leur capacité politique et organisationnelle.
Si, par-delà les divergences actuelles, les organisations participantes ont la volonté sérieuse d'œuvrer dans le sens d'une collaboration de plus en plus étroite ; si elles ont la préoccupation des problèmes politiques et organisationnels des autres groupes participants ; si elles font tout pour que, au-delà des rapports entre directions, des rapports de plus en plus étroits s'établissent par des échanges de militants, par la circulation de matériaux de discussion, etc…, alors pourront s'établir des relations de confiance sur laquelle il sera ultérieurement possible de fonder une discipline commune croissante ; alors seront sélectionnés et formés des dirigeants acceptés par tous.

Paris, février 1976

Lutte Ouvrière (France), Spark (U.S.A.), Combat Ouvrier (Antilles), U.A.T.C.I. (Afrique)

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Message  verié2 Ven 3 Déc - 10:53

Vals

D'ailleurs, les différents courant dont celui de Munis, qui révisaient les thèses de Trotsky ne se sont jamais vraiment développés, comme plus globalement les "capitalistes d'état" qui le plus souvent, après avoir révisé le trotskisme, ont révisé le marxisme quand il ne l'ont pas tout simplement quitté comme leurs prédecesseurs de l'avant guerre aux USA en particulier.....

Cette façon de répéter en boucle cette vieille calomnie est très pénible.
Certains groupes se revendiquant d'analyses dites "capitalistes d'Etat" (avec diverses variantes), c'est à dire refusant de considérer comme "ouvrier", même dégénéré, l'Etat stalinien à partir des années trente, ont connu un développement qui n'a rien à envier à celui des groupes trotskystes, par exemple Lotta communista (1) en Italie et le SWP britannique sous l'égide de Tony Cliff. Ces groupes ont connu des hauts et des bas mais ils n'ont pas eu à rougir de leur implantation ouvrière face à LO, alors que l'immense majorité des groupes trotskystes, en dehors de la France et à l'exception de la Bolivie et de l'Argentine sont restés groupusculaires. En Bolivie, seul pays où un parti trotskystes aurait pu jouer un rôle dans un mouvement révolutionnaire, en 1952, la politique du POR n'a pas été brillante...

Si les trotskystes, selon la formule célèbre, ont maintenu le drapeau, ils n'ont de fait quasiment joué aucun rôle significatif dans la lutte de classe depuis la fin des années trente. Ce n'est certes pas de leur faute. Mais reprocher aux capitalistes d'Etat de ne pas avoir non plus joué de rôle est absurde et malhonnête. C'est le mouvement révolutionnaire marxiste dans son ensemble qui a été réduit à peau de chagrin dans une période de contre-révolution, puis de prospérité du capitalisme...


___
1) J'ignore où en est Lotta Communista aujourd'hui, mais LO n'a jamais eu une implantation ouvrière comparable à celle de ce parti qui, dans les années 70, comptait des dizaines de militants ouvriers dans plusieurs usines d'automobiles, notamment à Milan et Turin.

verié2

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