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Système prostitueur vs abolitionnisme

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Message  Achille Mar 17 Déc - 17:50

Le titre du sujet Prostitution/Travail du sexe prend clairement position en faveur du strass pour considérer les personnes prostituées "librement" "volontairement" en tant que "travailleurs.
Ce sujet aura un autre parti pris celui exprimé par plusieurs camarades soutenant les féministes et les abolitionnistes dans le combat contre le système prostitutionnel, la traite/réseau/proxénétisme, les clients prostitueurs, l'industrie du porno, la répression étatique, le STRASS... et pour l'aide concrète apportée au personnes prostituées par les associations.
Je vais reprendre donc un certain nombre de publication "hors sujet" dans le fil Prostitution/Travail du Sexe où ils trouveront un meilleur voisinage.

Commençons par un témoignage d'une survivante de la prostitution :
Byrrh a écrit:

Achille

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Message  Achille Mar 17 Déc - 17:50

Prostitution : une barbarie à l'image de la société

Le 27 novembre prochain, les députés devraient débattre d'une proposition de loi visant à combattre la prostitution en pénalisant les clients. Cette proposition de loi a le soutien d'une grande partie des associations d'aide aux prostituées et d'organisations féministes.
Considérer le recours à la prostitution comme un délit serait un minimum car il est insupportable d'entendre encore, au XXIe siècle, parler de la prostitution comme d'un mal nécessaire, voire d'une liberté. Mais une loi sera évidemment insuffisante pour résoudre ce problème.

Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement tente de lutter contre la prostitution et il n'est pas certain que cette loi ait plus d'efficacité que les précédentes. Ce qui permet à la prostitution de prospérer est la misère généralisée qui sévit dans le monde. Elle rend possibles l'existence de réseaux de traite d'êtres humains et l'esclavage sexuel qui s'ensuit. Fruit de la misère et des violences, la prostitution est l'un des symptômes d'une société malade qui rabaisse les femmes au rang d'objets et fait des relations sexuelles une source de profit.
90 % des personnes se prostituant dans la rue, presque exclusivement des femmes, sont étrangères et la plupart sont sous l'emprise de réseaux de traite et de proxénétisme qui usent de violences systématiques pour les contraindre. Ces dizaines de milliers de jeunes femmes ont commencé par être vendues ou kidnappées, puis abusées ou torturées pour être contraintes d'accepter leur sort. Après ce que les réseaux de traite appellent un « parcours de dressage », elles sont mises sur le trottoir, en situation irrégulière et enchaînées à l'espoir de se libérer en remboursant ce que leurs tortionnaires présentent comme leur dette. Ces réseaux, qui se sont renforcés d'abord dans les pays de l'Est dans les années 1990, orchestrent maintenant dans de nombreux pays la traite d'êtres humains.
Ainsi de nombreuses prostituées sont non seulement exposées aux maladies sexuellement transmissibles, aux violences quotidiennes, mais aussi à une grande pauvreté qui aggrave leur état de santé. La tuberculose, les maladies pulmonaires et dermatologiques, les problèmes dentaires, les addictions et les traumatismes psychologiques sont leur lot quotidien. Il faut y ajouter la vulnérabilité liée au manque de connaissance de la langue et des droits élémentaires. Enfin, la précarité liée à l'absence de titre de séjour est une arme dans les mains des proxénètes. Cette arme, l'État français pourrait facilement la leur ôter en régularisant ces jeunes femmes. Le premier obstacle auquel se heurte la lutte contre la prostitution est aussi le manque de moyens mis en œuvre par l'État. Les solutions d'hébergement sont insuffisantes pour celles qui veulent échapper à leur esclavage et les moyens financiers alloués aux organismes chargés d'apporter leur aide ne cessent de diminuer d'année en année.

Comme chaque fois que ce sujet est abordé, certains ne peuvent s'empêcher de pérorer sur la prétendue « liberté de se prostituer ».
Cette fois, un magazine de droite, Causeur, mérite la palme de la bêtise réactionnaire et machiste. Il publie un Manifeste des 343 salauds s'élevant contre cette loi, en référence au manifeste de 1971 dans lequel 343 femmes proclamaient qu'elles avaient avorté. Mais elles le faisaient alors pour défendre leur droit à disposer de leur corps, pas pour défendre celui de disposer du corps des autres. Ces 343 salauds, parmi lesquels on trouve Éric Zemmour, affirment que la loi voudrait leur « couper les couilles et délégitimer une certaine masculinité ». On voit bien à quel niveau ces gens-là placent la dignité humaine.
Il y a un siècle, Auguste Bebel, militant socialiste et ardent défenseur de la cause des femmes, expliquait déjà que « le monde masculin a toujours considéré le recours à la prostitution comme un privilège naturel lui revenant de droit ». Les 343 salauds en sont toujours à vouloir s'affirmer par la possibilité de dominer des femmes, fût-ce en payant. Dans une société bourgeoise où tout se vend et tout s'achète, cela n'est malheureusement même pas étonnant.

Ce n'est qu'une raison de plus pour en finir avec cette société qui, sur ce point comme sur bien d'autres, n'est pas sortie de la barbarie.

Marion AJAR
LUTTE OUVRIERE 8 NOV 2013

Achille

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Message  Achille Mar 17 Déc - 17:51

Demain a lieu la manifestation nationale contre les violences faites aux femmes, à l’occasion de la journée du 25 novembre qui est dédiée à combattre ce fléau.

Comme chaque année, elle portera sur son tableau noir la liste incommensurables des femmes envoyées à la casse par milles et un féminicides dans monde, sans oublier celles qui ne sont dans le tombeau que jusqu’à la cheville, le genou ou les oreilles. À l’inverse d’autres génocides, les féminicides ne sont pas des crimes de masse conjoncturels. Ils ont lieu partout, dans tous les pays, en temps de guerre comme en temps de paix, via un pourcentage donné de femmes tuées par leurs conjoints, leurs époux, ou leurs proches dans le cas des crimes d’honneur.

Parmi les bastions de la domination masculine, il y a, non pas le plus vieux métier du monde, mais la plus vieille arnaque patriarcale. Il s’agit du droit des hommes à accéder aux corps des femmes par la voie marchande, la prostitution, plutôt le système prostitueur. Cette année, à l’occasion du vote très prochain de la loi qui veut renforcer les mesures abolitionnistes, la manifestation portera surtout sur cette question. Défileront en tête de manifestation le cortège d’abolition2012 et celui du collectif des jeunes pour l’abolition ! RDV à 14h sur la place du 18 juin, métro Montparnasse.

En France, la prostitution est la dernière violence sexuelle que la loi ne condamne pas. Pire, ce sont les victimes qui sont condamnées au titre du racolage, tandis que les clients ne sont en rien inquiétés ou responsabilisés. {Lire la note des efFRONTé-e-s}

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La France a pourtant maintes fois réaffirmé sa position abolitionniste du système prostitueur. Grande cause nationale 2010; plan interministériel contre les violences faites aux femmes; résolution à l’assemblée nationale… tous ont reconnu la violence inhérente à l’achat d’un acte sexuel. Une convention des Nations Unies et une récente résolution du Parlement Européen ont également considéré la prostitution comme une violation des droits humains. Place aux actes !

Ne nous racontons pas d’histoire. La prostitution, c’est d’abord un business extrêmement lucratif, tenu par des mafias qui privilégient le trafic des corps des femmes à celui de la drogue ou des armes. La raison est aussi simple qu’effroyable : Un corps de femme, contrairement à la drogue et aux armes, se consomme et se vend plusieurs fois. Ces maffias s’attaquent évidemment aux plus vulnérables, les plus pauvres, les immigrées et les plus jeunes.

98% des prostituées sont des femmes et des fillettes (selon l’OIT). L’âge d’entrée moyen dans la prostitution est de 14 ans. Une prostituée procurerait en moyenne 107 000 euros par an à son proxénète (selon INTERPOL). En France, chaque prostituée rapporte entre 300 et 800 euros par jour à son proxénète (selon l’OCRTEH, Office Central pour la Répression de la Traite des Êtres Humains).

Je me réjouis que 73 % de nos concitoyen-ne-s sont pour la responsabilisation des clients. Pour les autres, sachez que le projet abolitionniste, n’est ni puritain, ni irréaliste, ni liberticide, ni défavorable aux victimes.

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Il n’est pas puritain, car il est justement pour la libération sexuelle. Ce qui est libre ne s’achète pas. Acheter, ce n’est pas obtenir le consentement de la femme avec laquelle on aura un rapport sexuel, c’est l’imposer ! Dans la sexualité, le désir doit être réciproque pour que le plaisir soit partagé. Acheter l’accès au corps d’une femme, c’est passer par les lois du marché et du plus fort, violentes et malhonnêtes, pour contourner son désir. Au contraire, la libération sexuelle consiste à extirper les femmes des archaïsmes de la société patriarcale, comme le viol, le viol conjugal, le mariage forcé, le droit de cuissage. Elle consiste aussi à les libérer de la loi du marché.

L’abolitionnisme n’est pas un projet irréaliste. Dans les pays abolitionnistes comme la Suède, nous constatons un recul net de la traite et de la prostitution. Les trafiquants ne s’intéressent plus au marché suédois, du moment qu’on s’est attaqué à la demande. Les proxénètes ne cherchent pas le crime pour le crime, ils cherchent le crime pour l’argent ! Quand on pénalise les clients, on s’attaque aux bénéfices des trafiqueurs, et on les affaiblit. L’argument qui remet en cause une efficacité parfaite ne tient d’ailleurs pas la route : même si les lois progressistes interdisent aujourd’hui le viol, le meurtre, la pédophilie et toutes sortes de crimes dans certains pays, ceux-ci n’ont pas totalement disparu, mais ont indéniablement été diminués.

L’abolitionnisme n’est pas liberticide. Dans un état de droit, tout n’est pas permis. La laïcité, par exemple, restreint les champs d’expression des religions, pour mieux favoriser la liberté religieuse, ou celle d’être athée. Le temps de travail légal par semaine ou par jour, la relative interdiction du travail le dimanche et du travail de nuit, nous protège de l’exploitation. La liberté d’expression existe malgré l’interdiction des propos racistes, négationnistes ou homophobes. De même, dans un état de droit, on peut décider que tout n’est pas à vendre, qu’il n’est pas normal de créer, comme en Allemagne, des publicités avec des soldes sur les prostituées, des menus avec des prostituées, où les proxénètes sont considérés comme des entrepreneurs. Bref on peut décider quelle société nous voulons, qu’est-ce qui peut être soumis à la loi du marché, ou pas.

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Enfin, pénaliser les clients, c’est renforcer le parti des personnes prostituées qui connaissent l’angoisse de suivre le client, cet inconnu, dans une voiture ou dans une chambre. Quand ce client les violente, les menace, veut imposer une pratique qui leur répugne, refuse de porter un préservatif, le rapport de force devient favorable à la personne prostituée. Du moment que c’est lui qui est coupable au regard de la loi, que c’est lui qui est menacé si elle décroche le téléphone pour appeler la police, c’est lui qui se plie à ses conditions, à elle.

Une proposition de loi abolitionniste sera examinée le 27 novembre. Elle est historique, mais doit être améliorée. L’achat d’un acte sexuel doit être un délit, digne d’une amende d’au moins 3750 euros, et non un acte anodin digne d’une simple contravention. Le titre de séjour vie privée et familiale doit être délivré aux victimes sans papiers. La délivrance des titres de séjour aux victimes étrangères arrivés à expiration doit être de plein droit. Nous devons abroger le délit de racolage qui est contraire aux conventions internationales, car on ne doit jamais criminaliser les victimes.

Enfin, les politiques d’austérité sont incompatibles avec une véritable politique visant l’abolition du système prostitueur. Il faudra débloquer des fonds importants pour créer des alternatives et un parcours de sortie de la prostitution. Il faut augmenter les moyens humains et financiers de l’OCRTEH pour démanteler les réseaux. La féminisation de la précarité et des migrations est une porte d’entrée gigantesque dans le système prostitueur. Il faut cesser toute politique criminalisant les migrants, lutter contre le sous-emploi qui est le premier facteur de pauvreté des femmes, donner des moyens aux associations spécialisées, des logements etc.

Bref, on ne combat pas la plus vieille exploitation des corps des femmes avec des bouts de ficelle.


Je vous donne rendez-vous, demain samedi 23 novembre à 14h30 au Métro Montparnasse à Paris, place du 18 juin, pour manifester ensemble contre les violences faites aux femmes, et contre l’une des plus terribles, la marchandisation des corps et de l’intimité.

Achille

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Message  Achille Mar 17 Déc - 17:52

http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/11/12/ce-sont-les-acheteurs-de-sexe-qu-il-faut-penalise_3512622_3232.html
Un collectif de médecins, dont le généticien Axel Kahn, prend position en faveur de la proposition de loi pénalisant les clients et dépénalisant la prostitution.



La prostitution, c'est un nombre incalculable et quotidien de pénétrations vaginales, anales, buccales non désirées. La question de la santé des personnes prostituées ne peut être posée si l'on refuse d'ouvrir les yeux sur cette réalité. L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), dans son rapport sur la santé des personnes prostituées, alerte sur les divers et nombreux problèmes liés à l'exercice de la prostitution : maladies sexuellement transmissibles, addictions et pathologies liées à la précarité, problèmes gynécologiques, lésions secondaires consécutives à des violences…

On retiendra notamment le témoignage d'un gynécologue hospitalier, ayant examiné de nombreuses femmes victimes de réseaux criminels : « Les lésions constatées chez ces femmes sont des cicatrices (…) consécutives au fait d'avoir été attachées, traînées, griffées, ainsi que des arrachages de cheveux et des brûlures de cigarette. Au niveau vulvo-vaginal, l'examen retrouve des vulves très déformées, et parfois des vagins cicatriciels durs et très douloureux, notamment dans la partie haute du vagin où il existe parfois des cicatrices rétractiles en diminuant nettement la longueur. »

TAUX DE MORTALITÉ SIX FOIS PLUS ÉLEVÉ

La violence est inhérente à l'activité prostitutionnelle. Pour ne citer qu'une de ces violences, auxquelles les personnes prostituées doivent faire face, en Europe, entre 16 % et 76 % des femmes prostituées déclarent avoir été victimes de viol dans les douze derniers mois. Le taux de mortalité des personnes en situation de prostitution est six fois plus élevé que celui du reste de la population.
Certains tentent de réduire la question de la santé au seul problème que constituent les maladies sexuellement transmissibles. Cette démarche est inefficace et dangereuse. De fait, elle occulte complètement les violences, les viols, les agressions, les traumatismes auxquels les personnes prostituées doivent faire face et qui constituent des risques pour leur vie même.


Il faut rappeler que la santé constitue – selon la définition de l'Organisation mondiale de la santé – un bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité.

La prévention des risques infectieux est un pilier essentiel de la prise en charge des personnes prostituées. Mais cela ne peut pas être la réponse unique à un phénomène complexe, qui appelle une politique globale. En ce qui concerne l'impact des différentes législations sur la prévalence du VIH, de nombreuses études ont montré que la criminalisation des personnes prostituées est un risque d'acquisition de l'infection. Le fait que la proposition de loi n° 1437 renforçant la lutte contre le système prostitutionnel mette un terme au délit de racolage est donc une avancée importante.

En revanche, la pénalisation des clients n'est pas reconnue comme un facteur de risque d'infection VIH : aucune étude épidémiologique ne montre qu'interdire l'achat d'acte sexuel comporte des risques sanitaires. Il est nécessaire de rappeler ici les résultats de certaines études publiées ces dernières années.

LES FACTEURS DE RISQUE

Une récente méta-analyse publiée en mars dans le British Medical Journal synthétise de manière exhaustive toutes les études publiées entre 2000 et 2011 sur les facteurs de risque d'infection par le VIH chez les femmes prostituées en Europe. Les facteurs de risque d'infection par le VIH identifiés dans cette étude sont l'injection de drogue par voie veineuse, les rapports sexuels non protégés, un nombre élevé de clients, la pratique de prostitution de rue, une méconnaissance de la langue parlée dans le pays.

Il faut souligner que les pays ayant adopté des positions réglementaristes, visant à encadrer la prostitution, comme les Pays-Bas et l'Espagne, n'ont pas des taux de séroprévalence du VIH chez les personnes prostituées particulièrement bas, bien au contraire.

Le fait d'organiser la prostitution, d'autoriser l'achat d'acte sexuel, de légaliser le proxénétisme, les eros centers et autres maisons closes, n'a pas d'impact positif sur la situation sanitaire des personnes prostituées. Elles sont au contraire dans la majorité des cas enfermées dans ces lieux, tenues à l'écart des structures de prévention et de soins, avec pour seules relations les proxénètes et les clients.

Le rapport de l'IGAS (2012) ainsi que celui du Conseil national du sida (2010) pointent de graves difficultés d'accès aux soins pour les personnes prostituées, du fait d'une méfiance particulière vis-à-vis des administrations et de la peur d'être jugées du fait de leur activité prostitutionnelle.


Afin d'améliorer cette situation, la proposition de loi n° 1437 s'attache à éliminer toute politique répressive à l'encontre des personnes prostituées en abrogeant le délit de racolage, à améliorer leur accès aux droits et donc l'accès aux soins, à soutenir les associations dans leur action de diffusion auprès des personnes prostituées, et à adopter une politique prenant en compte l'ensemble des enjeux sanitaires de cette activité tant en matière de soins que de prévention des pratiques prostitutionnelles.

FAIRE CHANGER LE REGARD DE LA SOCIÉTÉ

L'interdiction de l'achat d'acte sexuel et la dépénalisation des personnes prostituées contribueront à faire changer le regard de la société : les personnes prostituées ne seront plus stigmatisées, elles ne seront plus considérées comme des délinquantes. C'est l'acheteur de sexe qui sera sanctionné. Les personnes prostituées pourront donc plus facilement refuser un rapport sexuel non protégé ou dénoncer la violence d'un client.

La santé des personnes prostituées et leur protection contre les violences, contre les agressions, contre les maladies sexuellement transmissibles passent par un accompagnement global des personnes et par la réduction de la prostitution et des violences qui l'accompagnent.


Ce sera notre rôle de soignants de veiller à l'application effective de tous les volets de la proposition de loi, et notamment celui de l'accompagnement des personnes prostituées, leur garantissant l'accès aux soins.

L'étude du « British Medical Journal »
est consultable
en utilisant le lien http://bmjopen.bmj.com/

Achille

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Message  Achille Mar 17 Déc - 17:53

http://www.mouvementdunid.org/L-abolition-si-vous-ne-deviez

- Abolition n’est pas prohibition

Assimiler l’abolitionnisme au prohibitionnisme est une imposture, colportée par ceux qui cherchent à le discréditer. Un faux-semblant repris à l’unisson dans la plupart des médias, et qui finit par semer la confusion...

Or, là où les prohibitionnistes se contentent de dissimuler la prostitution en réprimant les personnes prostituées qu’ils méprisent et tiennent pour des coupables, à l’inverse, les abolitionnistes se battent pour abroger toute forme de répression à leur encontre.

Et si les abolitionnistes réclament en effet la pénalisation des agresseurs, au nombre desquels ils comptent désormais les « clients », ce volet répressif est inséparable, dans leur démarche, de mesures destinées à limiter son impact sur les personnes prostituées elles-mêmes : indemnisation des victimes du proxénétisme, fonds débloqués pour l’insertion sociale, etc.


- Pour et avec les personnes prostituées

Les abolitionnistes ne sont pas « contre » les personnes prostituées – qu’ils ne jugent ni ne condamnent –, ils sont contre le système qui les exploite, comme le dit la sociologue Marie- Victoire Louis. Mieux, ils sont les seuls à se soucier de leur vécu et des logiques qui les ont enfermées dans la prostitution ; les seuls à exiger pour elles – et en se fondant sur leurs témoignages et leur demande – la mise en place d’un arsenal social pour leur permettre d’envisager des alternatives.

Ce sont les partisans d’un statut qui font le choix de leur enfermement dans la prostitution, où ils pourront les oublier en toute bonne conscience. Et ce sont les mêmes qui écartent du débat la question des proxénètes et des clients prostitueurs, faisant comme si les intérêts des personnes prostituées et ceux des prostitueurs étaient convergents, alors qu’ils sont opposés (comme le prouve entre autres le chantage au préservatif).

L’abolition du système prostitueur est inséparable de la défense des personnes prostituées.

- Morale d’hier ? Non, politique de demain !

L’abolitionnisme, c’est d’abord une volonté de transformation sociale, politique et culturelle, en faveur de l’émancipation humaine et l’égalité des droits entre les femmes et les hommes. Le système prostitueur y est combattu en tant que système d’exploitation et de domination.

Le fait que cette domination prenne une forme sexuelle permet aux partisans du statu quo de défendre la prostitution au titre de la « liberté sexuelle », et d’accuser les abolitionnistes de vouloir réprimer la sexualité. Une calomnie qui arrange bien les « clients », qui répondent présents, dans les sphères politiques ou médiatiques, pour la répéter à l’envi...

Or, les abolitionnistes travaillent non à interférer sur la sexualité des individus, mais à faire reculer l’exploitation et la violence, au même titre que celles et ceux qui s’engagent dans les combats altermondialistes, contre le racisme ou le sexisme. Leur volonté d’émancipation ne peut s’accommoder de la seule loi qui régisse le milieu prostitutionnel : celle du renard libre dans le poulailler libre.

Trois grands principes

NUL NE PEUT tirer profit de la prostitution d’autrui, ni organiser ou faciliter la marchandisation du corps humain et de la sexualité ;
NUL NE PEUT accéder au corps d’autrui et à sa sexualité ou obtenir un acte sexuel contre une rémunération ;
NUL NE DOIT être réduit à vendre l’accès à son corps et à sa sexualité pour vivre. Vivre libéréE de la prostitution est un droit fondamental.

Achille

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Message  Achille Mar 17 Déc - 17:54

http://www.humanite.fr/social-eco/laurence-noelle-553508

Laurence Noëlle « À chaque client,
 je me sentais souillée »



À dix-sept ans, 
elle met le pied 
sur le trottoir et devient une ombre parmi les ombres. L’auteure de Renaître de ses hontes (1) raconte ses années d’épreuves dramatiques 
et de combat 
pour fuir le système prostitutionnel.

Laurence Noëlle nous ouvre les portes de son salon, en Bretagne. Elle replie les jambes, bien calée dans son divan. Et raconte, devance souvent les questions, déballe tout. Elle est restée vingt-huit ans dans le silence. Puis, en avril 2013, elle est sortie de l’ombre en publiant un livre, Renaître de ses hontes. À quarante-six ans, elle met sur page toutes ces années de violences, d’abus sexuels et de prostitution, l’expérience « la plus destructrice » de sa vie. Pénalisation des clients, abolition de la prostitution ou encore « libre choix » des personnes qui louent leur corps, Laurence Noëlle se prononce sur les débats actuels Et témoigne, à visage découvert, de l’enfer de la prostitution. Une façon pour elle de donner l’exemple à celles qui restent encore terrées dans leur souffrance. Aujourd’hui, cette formatrice professionnelle estime être la preuve vivante que l’on peut s’en sortir et bâtir une vie épanouie.

Il y a quelques années, vous aviez témoigné sur la prostitution à visage couvert. Pourquoi vous dévoilez-vous aujourd’hui ?

Laurence Noëlle. Oser me montrer fait partie de mon cheminement vers la guérison. Ce n’est pas parce que l’on comprend ce qui nous arrive que l’on en sort. Il me fallait procéder étape par étape. Avant l’écriture de ce livre, jamais je ne me serais dévoilée en public. J’avais trop honte. Mais depuis sa publication, j’avoue que je suis très perturbée. J’ai des sinusites à répétition, des nausées. Je ne peux tricher avec mon corps qui s’exprime. Comme si je subissais un nettoyage encore plus profond. C’est douloureux pour moi de sortir de l’ombre. Il faut bien que quelques-unes commencent. Je le fais pour que d’autres se l’autorisent. Pour dire qu’il est possible de s’en sortir, possible de construire sa vie autrement, possible de guérir des violences que nous avons subies.

Beaucoup de personnes fantasment sur la call-girl. Vous, vous avez des mots durs pour décrire la prostitution que vous avez vécue…

Laurence Noëlle. Je travaillais rue Saint-Denis, à Paris. J’étais jeune et jolie. De la chair fraîche. Je faisais une trentaine de passes par jour, je me souviens que les anciennes étaient très jalouses, car elles ne montaient quasiment plus. J’étais un automate qui montait et descendait. À l’instant où j’ai posé le pied sur le trottoir, je suis devenue une ombre parmi les ombres. J’ai perdu ma dignité d’être humain. Une partie de moi a cessé d’être vivante. J’étais devenue un objet, un déchet, dans la lignée de ce qu’avait été le début de ma vie. Je n’étais que honte et humiliation. Ça fait mieux de se dire call-girl que prostituée. Il n’empêche que ce n’est qu’une stratégie d’évitement par rapport à la honte. Les call-girls se détestent autant mais estiment avoir de la valeur à travers des clients qui possèdent eux-mêmes de la valeur. Mais le fait même que le client paie est déjà une violence. Quand on achète quelque chose, on est en droit d’être exigeant.

Vous écrivez dans votre livre 
que la prostitution a été l’expérience la plus destructrice de votre vie. Comment faisiez-vous pour tenir ?

Laurence Noëlle
. Je le supportais en me droguant et en me saoulant. On est toutes des anesthésiées, d’une manière ou d’une autre. Il y a la prostituée, l’objet. Et il y a l’être humain. On se dissocie. J’avais énormément de dégoût à mon égard. À chaque client, je me précipitais sous la douche tellement je me sentais souillée. Humiliée. Il me fallait alors un autre verre ou un autre rail de cocaïne. Mon corps entier, et en particulier mon vagin, me faisait terriblement souffrir. La prostitution ce n’est pas Pretty Woman. Quand j’étais sur le trottoir, j’ai attendu Richard Gere, il n’est jamais venu me sauver…

Que pensez-vous des personnes 
qui affirment se prostituer par choix ?

Laurence Noëlle. Moi aussi je l’affirmais quand j’étais dedans. Pour se faire accepter de la société, mieux vaut parler de son libre choix que d’évoquer sa souffrance. On dit toutes que c’est notre choix quand on est en prostitution. Cela me fait penser aux personnes qui boivent. Elles affirment qu’elles savent gérer. Celles qui s’en sortent avouent en avoir souffert. Quand on est dedans, on ne voit rien, on est dans le déni.
Étant petites, ne rêvaient-elles pas d’être docteur ou boulangère ? Que fait-on de nos talents et de nos richesses ? Je ne pense pas que tailler une pipe en soit un. La prostitution consiste à louer son corps à n’importe quel homme. Et ils ne sont pas tous des Brad Pitt. Demandez à une femme qui s’aime, s’estime, d’aller se prostituer. Même dans la misère, elle ne le fera pas.

Comment êtes-vous tombée 
dans la prostitution ?

Laurence Noëlle. La prostitution est un choix désespéré. Je suis tombée dans un réseau de proxénètes. J’étais une proie idéale : une jeune fille paumée, livrée à elle-même, assoiffée de chaleur humaine. Ayant vécu des abus sexuels dans l’enfance, je me suis considérée comme un objet puant et répugnant. Je me méprise. Dans ce cas, pourquoi s’autoriser le droit au bonheur ? La prostitution est aussi une façon de m’autopunir, moi qui culpabilisait depuis toute petite. Et puis, dans ma stratégie de survie, je me disais de me laisser faire, de ne rien dire. Je ne voulais pas être abandonnée. J’avais dix-sept ans et j’étais seule. Je préférais encore me prostituer que perdre l’amour de la maquerelle et du proxénète. J’avais aussi peur des menaces. Je m’en suis voulu de ne pas avoir fui plus tôt. J’étais tellement convaincue de n’être bonne qu’à « ça ». L’idée d’aller au commissariat ne m’a même pas effleurée.

La prostitution est-elle une violence aussi grande que l’inceste que vous avez subi ?

Laurence Noëlle. C’est la même chose. C’est : « Laisse-toi faire et tais-toi. Je fais ce que je veux de toi. » Dans un rapport normal, c’est le respect mutuel, l’échange. Il n’y en a pas un qui intime à l’autre d’ouvrir les cuisses, qui exige une pipe. Que fait-on du désir de l’autre, de l’amour ? Il n’y a pas d’amour dans la prostitution.

N’est-ce pas caricatural d’affirmer que, souvent, les personnes prostituées ont subi des violences dans leur enfance ?

Laurence Noëlle. Pas du tout. Toutes les femmes de l’ombre que je connais ont toutes vécu des histoires horribles. Ayant subi des abus sexuels enfant, à l’âge adulte, elles développent des comportements destructeurs. C’est l’humiliation qui nous fait croire que l’on n’est qu’un objet, que l’on est méprisable. Pourquoi une jeune fille va prendre un boulot à McDo pour payer ses études et une autre va se prostituer ? La différence est que l’une se respecte, s’estime, et l’autre pas. Si je m’aime, je me respecte. Je ne loue pas mon corps à n’importe quel homme.

D’aucuns parlent de la réouverture des maisons closes, 
de la réglementation de
la prostitution. Qu’en pensez-vous ?

Laurence Noëlle. La souffrance pour les personnes prostituées restera la même. Les clients seront toujours les mêmes, avec leurs mêmes exigences, leurs mêmes fantasmes. On parle souvent de la prostitution avec des mots châtiés. On débat pour savoir si c’est un métier, on évoque la liberté.
La vérité est tue. On dit que les prostituées aiment « ça ». Mais comment peut-on aimer avoir une trentaine de rapports sexuels par nuit avec des hommes de toutes sortes, de tous âges, de tous milieux sociaux, des petits, des gros, des grands, des maigres, des agressifs, des pervers, des dépendants sexuels, des malades mentaux, des paumés ? Il y en a beaucoup qui méprisent les femmes et pensent encore qu’il ne peut exister que la « putain » ou la « maman ». Ceux-là vont dégazer, se venger, traiter les prostituées de tous les noms pendant les actes. Et leur faire mal. Comme les clients payent, ils s’autorisent tout. On prend la femme à sec, estimant qu’elle n’a pas besoin de préliminaires, pas besoin de mouiller. Il faut qu’un jour je puisse vraiment expliquer en détail ce qu’est une nuit avec des clients. J’ai encore du mal à en parler.

Que pensez-vous du débat sur la pénalisation du client et sur l’abolition de la prostitution ?

Laurence Noëlle. Mais pourquoi depuis des millénaires en est-on encore à des débats à la con ? Il y a 80 % de femmes qui souffrent et il faudrait écouter l’infime minorité ? Il faudrait empêcher que la loi passe pour celles qui, soi-disant, sont fières de se prostituer ? Oui, la pénalisation peut faire évoluer les choses. Mais ce n’est pas parce qu’existe une loi que tout se réglerait d’un coup. Elle marque les limites. L’abolition est la réponse à la question : dans quelle société voulons-nous vivre ? C’est bien parce que des personnes affirment que c’est possible que le monde change.

Pourquoi si peu de personnes sorties de la prostitution osent parler 
à visage découvert ?

Laurence Noëlle. Elles ont peur du regard des autres. Beaucoup sont contentes que le monde sache ce qu’est la prostitution par ma voix. Mais elles ne sont pas prêtes à se montrer à leur tour, y compris celles qui réussissent bien dans leur vie, comme cette infirmière ou cette animatrice socioculturelle que je connais. Je les comprends, moi-même j’ai eu très peur de perdre mon travail de formatrice. Et peur encore de la réaction des autres à l’égard de mes enfants, ma famille. J’ai peur d’être méprisée. Faut-il encore payer les pots cassés vingt-huit ans après m’être sortie de l’enfer de la prostitution ? On traîne ce boulet comme un détenu qui ne pourrait pas enlever le sien de sa cheville.

Votre livre a-t-il entraîné 
des réactions hostiles à votre égard ?

Laurence Noëlle. Pour l’instant, j’ai plutôt des messages d’empathie. Beaucoup de gens me soutiennent et me disent que mon livre peut permettre de changer les mentalités. Les retours sont chaleureux et ils me portent. En écrivant ce livre, c’est-à-dire en rassemblant les pièces du puzzle de ma vie, j’ai voulu comprendre pourquoi j’ai eu des comportements destructeurs. Et je me retrouve devant une explosion de sollicitudes, de toutes parts. Je fais partie des toutes premières femmes à sortir de l’ombre, alors que pendant vingt-huit ans, je ne pouvais pas supporter de voir des émissions ou autres films qui traitent de la prostitution ou des abus sexuels. J’ai découvert l’existence de l’Union des survivantes du trafic sexuel, aux États-Unis, qui m’a contactée pour faire partie de leur réseau. Je n’ai pas le cœur d’une militante. Je pourrais dire non à ces sollicitations, mais je pense que la vie me demande de l’être. J’ai été auditionnée à l’Assemblée nationale une première fois, le 29 mai 2013, à huis clos. En sortant, j’ai pleuré pendant des heures, mais de grâce, de joie. C’est un beau cadeau pour moi de constater que mon livre peut œuvrer à un projet de loi contre le système prostitutionnel. C’est une réalisation de soi. C’est poser sa petite pierre en ce monde et si nous en posons tous une, c’est le monde qui change.

Comment avez-vous pu sortir 
de la prostitution ?

Laurence Noëlle. En allant chercher de l’aide. Mais il faut choisir les bonnes personnes, celles qui ne jugent pas, celles qui prennent le temps de comprendre. La notion d’écoute est fondamentale. Celles qui m’ont aidée sont des personnes qui ont mis en avant mes qualités, qui ont cru en moi. Si on est convaincu que l’on peut s’en sortir, on se donne davantage de chance pour y arriver.

Les moyens sont-ils suffisants ?

Laurence Noëlle. Il est vrai qu’en dehors des associations, rien n’existe. Il n’y a aucune réinsertion sociale. Tout doit être repensé. Quand on sort de la prostitution, on est bouffé par la honte, par l’alcool, la drogue, la frigidité, par l’humiliation. On est fracassé. Si bien que l’on peut vite replonger. La société doit déplacer son regard. On doit former les travailleurs sociaux pour bien comprendre le système prostitutionnel. On aura beau mettre les moyens matériels, si on ne voit pas autrement les prostituées, rien ne changera.

Un espoir pour les autres Laurence Noëlle est engagée dans la lutte contre le trafic et l’exploitation sexuelle. Elle anime des conférences et formations sur l’écoute, l’accompagnement, la gestion de groupe en prévention. Elle participe 
aux activités organisées par le Mouvement du nid, une association reconnue d’utilité publique. Elle est désormais formatrice professionnelle d’adultes, spécialisée en relations humaines et dans la prévention de toute forme 
de violence. Elle exerce aussi ses activités dans les services pénitentiaires, 
à la demande du ministère de la Justice. Ce n’est évidemment pas un hasard qu’elle ait choisi cette filière. Un bel accomplissement pour cette femme qui s’est longtemps identifiée à la honte. Son livre, Renaître de ses hontes, est un espoir pour toutes celles et tous ceux qui n’ont plus confiance en eux. Il redonne 
à d’autres le désir et la force de changer. Il ouvre des portes, élargit les horizons et contribue à un changement de regard sur les personnes prostituées.

(1) Renaître de ses hontes, de Laurence Noëlle. Éditions Le Passeur, avril 2013, 18,50 euros.

Entretien réalisé par Mina Kaci

Achille

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Message  Achille Mar 17 Déc - 17:55

http://abolition13avril.wordpress.com/2013/11/21/angel-k-les-mensonges-que-lindustrie-du-sexe-nous-raconte-nous-ne-sommes-pas-obligees-de-les-gober/


Angel K. est une survivante de la prostitution, une des chanceuses qui est parvenue à quitter la prostitution ainsi qu’elle se présente elle-même. Elle nous a autorisé à publier ici ce texte, entre témoignage et analyse, d’abord paru sur son blog, Surviving prostitution and addiction.

Je ne suis pas de celles qui haïssent les hommes.]e suis passée par une phase où je les haïssais, lorsque je "travaillais" comme prostituée, et avec le recul, il est facile de comprendre pourquoi. Mon ex-partenaire me maltraitait, les hommes auxquels il me présentait me maltraitaient, et les mecs payaient pour abuser de moi. C’était beaucoup plus sûr pour moi de dire : les hommes, c’est de la merde, ils vous font mal, et de déconnecter. Je pense que cela rendait les choses moins personnelles, moins blessantes pour moi en tant qu’être humain, de dire que tous les hommes étaient comme ça.

Maintenant cependant, je suis en voie de guérison, et avec le temps, j’en suis venue à d’autres conclusions. Au fur et à mesure que la colère s’estompe, et que.je perçois les choses un peu plus clairement et les blessures avec un peu plus de justesse, je peux voir mon ancien point de vue pour ce qu’il était : un mécanisme de défense qui m’est venu à point dans une situation de traumatisme extrême. J’ai suivi une thérapie durant ma convalescence (j’ai passé 12 mois à consulter un thérapeute, qui m’a immensément aidée à surmonter ma difficulté à faire confiance aux hommes) et je suis devenue amie avec quelques hommes de qualité au cours de ce processus. Je suis arrivée à voir la réalité : il existe des femmes bonnes, et des femmes mauvaises, tout comme il existe des hommes bons et des hommes mauvais. J’ai simplement passé plus de temps avec ces derniers !

La société a rendu naturel quelque chose qui ne l’est absolument pas, qui opprime à la fois les femmes et les hommes

L’industrie de la pornographie perpétue un mensonge, elle nous vend l’idée que les femmes et les hommes sont fondamentalement complètement différents. Les femmes sont là pour être utilisées, photographiées et filmées comme des animaux sexuels, car c’est ce qu’elles veulent, ce qu’elles aiment, et c’est comme cela qu’elles prennent leur pied (regardez ce sourire !). Les hommes, par ailleurs, sont là pour dominer, pour violer, impunément. Tout cela sous le prétexte de la liberté d’expression, d’un amusement inoffensif, qu’on ne change pas les hommes. On excuse, non, pire que ça, on attend des hommes qu’ils se comportent d’une certaine manière, qu’ils traitent les femmes d’une certaine façon, pour être des hommes.
Le message latent est clair : si vous n’utilisez pas la pornographie, si vous ne traitez pas les femmes comme des objets sexuels, des parties de corps qui existent pour votre plaisir, vous n’êtes pas vraiment un homme.

De même, une femme qui demande si une industrie qui vend le corps des femmes, qui se fait des sommes d’argent énormes non pas pour les femmes qu’elle utilise mais pour les hommes qui les vendent, renforce le pouvoir des femmes et les libère, est taxée de pudibonderie.

L’industrie du sexe est arrivée à quelque chose de remarquable : elle a récupéré à son compte le langage du féminisme et le choix de défendre ses pratiques destructrices et oppressantes


Et la société l’a parfaitement accepté. Je ne pense pas qu’il soit facile pour qui que ce soit, homme ou femme, de s’insurger contre ce qui est désormais perçu comme normal et le courant dominant. La société a rendu naturel quelque chose qui ne l’est absolument pas, qui opprime à la fois les femmes et les hommes. Il n’y a rien de nouveau dans l’oppression des femmes, mais la façon dont l’industrie du sexe cherche à saper ses opposantEs en se posant en protectrice de la liberté d’expression, de la justice et de la liberté, représente une sorte de "coup de génie", qui rend le combat contre ce type d’abus encore plus ardu.

Les mensonges que l’industrie du sexe nous raconte et nous vend ont des retombées négatives sur les femmes et sur les hommes. Mais nous ne sommes pas obligéEs de les gober. Je pense que les femmes et les hommes sont égaux, et qu’une relation saine entre les femmes et les hommes doit se fonder sur le respect de leur dignité et de leur humanité communes. Si nous nous coupons, nous saignons tous. Nous sommes tous blessés si on nous frappe. Dire aux hommes qu’ils sont moins virils parce qu’ils ne traitent pas les femmes comme des objets sexuels ne leur rend pas service, pas plus que de taxer les femmes de pudibonderie parce qu’elles souhaitent être traitées comme plus que des objets sexuels.

En tant que survivante de la pornographie, de la prostitution et de la violence conjugale, il n’y a rien de plus pénible pour moi que de regarder les autres se battre pour défendre les droits des autres femmes à être traitées comme je l’étais

Il n’est guère surprenant qu’une industrie aussi profitable se défende bec et ongles contre les attaques. Plus étonnant peut-être, c’est que notre société l’ait accepté si facilement. Dans mon expérience, une bonne partie de l’inaction autour des inégalités sur lesquelles se fonde l’industrie du sexe est basée sur une pure ignorance. Les personnes qui n’ont aucune expérience de l’industrie du sexe voient les arguments qui leur sont présentés (par l’industrie du sexe elle-même) et tombent dans le piège de ce qui apparaît superficiellement comme un choix et un renforcement du pouvoir des femmes. En tant que survivante de la pornographie, de la prostitution et de la violence conjugale, il n’y a rien de plus pénible que de voir les autres se battre pour défendre les droits des autres femmes à être traitées comme je l’étais. Les arguments invoqués par les défenseurs de l’industrie du sexe sont abstraits, impersonnels, distanciés, et édulcorés au-delà de toute expression. Je défie quiconque, homme ou femme, qui a été témoin de ce que j’ai moi-même vécu, qui a fait les mêmes expériences que moi – violée, battue, menacée, vendue – de continuer à défendre les pratiques de l’industrie du sexe. L’utilisation des femmes par l’industrie du sexe les touche personnellement ! Être nue et utilisée encore et encore est aussi intime que possible.

Donc bien que je reste prudente dans mes interactions avec les hommes (tout comme avec les femmes d’ailleurs : il faut du temps pour reconstruire la confiance lorsqu’elle a été aussi malmenée), je ne gobe pas le mensonge de l’industrie du sexe qui veut que les hommes soient à la merci de leurs hormones, contrôlés par leur pénis. Je pense que les hommes méritent plus de crédit que cela.
Les femmes et les hommes qui s’opposent à ce que l’industrie du sexe fait à notre société, et à la manière dont elle traite les personnes qui l’utilisent, doivent conjuguer leurs forces et faire front ensemble. Le triomphe du mal se nourrit de l’inaction des bonnes personnes. Il est temps de nous faire entendre, côte à côte, femmes et hommes.

Achille

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Message  Achille Mar 17 Déc - 17:56

Prostitution : « Je n’étais qu’une marchandise »

LE MONDE | 26.11.2013 à 17h56 • Mis à jour le 27.11.2013 à 14h46 | Par Rosen Hicher (Ex-prostituée, membre des Survivantes)
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Scène de prostitution à Nice, en mars 2013.

Mesdames, Messieurs, vous qui avez signé la pétition lancée par Antoine ou le « Manifeste des 343 salauds », savez-vous quelle réalité vous défendez ? Vous, célébrités qui vivez sous les projecteurs, vous ne connaissez ni la précarité ni la violence, vous pensez vraiment que la prostitution, c'est du cinéma ?

J'ai été prostituée pendant plus de vingt ans. Dans la pénombre des bars, j'ai été soumise au « bon plaisir » des clients. J'y ai subi leurs insultes, leurs exigences humiliantes. J'ai côtoyé des Françaises en pleine détresse et des victimes de la traite venues de pays en ruine ; toutes mourant à petit feu ; toutes ou presque manipulées par un réseau ou un salaud, petit proxo ou grand trafiquant dont le job est de fournir au client la « marchandise » qu'il convoite.

LES SANS-VOIX

Aujourd'hui, au nom de toutes les sans-voix, de toutes ces femmes interdites de parole, je veux vous dire ma colère ! Que croyez-vous ? Que notre silence est le signe de notre acceptation ? Mais regardez-vous ! Nous nous taisons à cause de votre jugement, de votre mépris ! Car soit nous avons peur, soit nous avons honte ! Malgré tous les beaux discours, vous nous considérez comme des moins que rien ; en un mot, comme des « putes ».

Que pouvez-vous savoir, dans ces conditions, de nos larmes quand le client a tourné le dos ? De notre désespoir, de notre sentiment d'abandon, de notre révolte face à ces hommes qui nous salissent et volent jusqu'à notre intimité ? Que savez-vous de notre détresse ? De la peur au ventre qui nous saisit à chaque passe ?

Vous aimez penser que nous avons le choix. J'en rirais si j'avais encore la force d'en rire. Pour moi, comme pour beaucoup de celles que j'ai rencontrées, tout a commencé par les belles paroles d'un homme. Il était beau et me couvrait de cadeaux, moi qui n'avais jamais rien reçu, sinon la violence de mon père et les viols de mon oncle. Je l'ai cru.

Pas de chance : il était mac. J'avais 17 ans, j'étais en fugue. Il m'a prise en stop et balancée dans les « tournantes » pour me préparer à mon futur statut de femme vendable, de femme jetable. Ces hommes sont des prédateurs. Ils s'attaquent aux plus vulnérables, flairent « la bonne pute ». Après, il nous reste à nous montrer grandes gueules pour éviter les violences et les perversions des clients que notre fragilité excite.

Je suis donc tombée dedans. Et j'ai mis vingt-deux ans à en sortir. Vingt-deux ans de violences sexuelles, arrosées de beaucoup d'alcool pour tenir le coup, pour ne pas voir, ne pas sentir. Quand on est dedans, on ne peut rien faire d'autre que dire : c'est bien ! C'est pour ma famille, c'est pour mes enfants ! Sinon on s'effondrerait, comme un château de cartes. Moi, un temps, j'ai même défendu la prostitution et revendiqué les maisons closes !

UNE VIE SANS VIE

Pourquoi n'as-tu rien fait pour changer de vie, allez-vous dire ? Mais qui embaucherait une femme sans passé ? Je n'ai plus de vie ; si, une vie éteinte, une vie sans vie. Je ne sais plus chercher, je ne sais plus me vendre. Car il faut se vendre et moi, je ne sais que vendre mon corps. Vendre mon courage, mon ardeur, ma force, démontrer que je sais travailler, mais comment ? Et faire quoi ? Je ne sais plus.

Je me suis perdue en route ; comme si j'étais morte sans m'en rendre compte. A force de m'absenter de moi-même pour résister aux assauts de tous ces hommes, j'ai le sentiment de vivre dans une bulle au-dessus de mon corps. Je ne ressens plus rien. Je voudrais tellement me réhabiter ! Mais je ne m'aime plus, je déteste la femme que je suis devenue. Leur souvenir me poursuit : des mains me touchent, des ventres tous plus gros les uns que les autres, des peaux rugueuses et sales…

Les clients ne peuvent pas aimer, ils ne peuvent que baiser. Je suis une marchandise qu'ils achètent, comment pourrais-je encore être moi ? Clients, je vous accuse ! Et j'accuse la société qui ne m'a pas aidée à sortir de cette entreprise de démolition.

Vous croyez que mon histoire date ? Qu'aujourd'hui les filles sont libres ? Non, je les rencontre, elles me parlent. Et leur histoire n'a pas bougé d'un pouce. Le décor change, la rue Saint-Denis est remplacée par Internet, les bordels par les bars à hôtesses, mais leur vulnérabilité est la même. Et vous persistez à l'exploiter sans vouloir savoir, en vous berçant de fantasmes et de littérature.

Quand on survit – car beaucoup en sont mortes et en mourront encore –, on est détruite à jamais. Aujourd'hui, je vous le demande : aussi dérangeante soit-elle, regardez la réalité en face. Vous parlez de risques sanitaires, de clandestinité. Mais la clandestinité est dans la chambre, quand la porte se referme et nous laisse seule aux mains du client ! Ce qui ravage notre santé, ce n'est pas le lieu où s'exerce la prostitution. C'est la prostitution.

Et puis regardez enfin mes soeurs prostituées comme des femmes, pas comme des « putes » ! Des femmes que seule une loi pourra protéger, désintoxiquer de toutes leurs dépendances : la came, l'alcool, les macs. Je veux leur dire que c'est possible. J'y crois. J'y suis arrivée.

Achille

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Message  Achille Mar 17 Déc - 17:59

Prostitution : « Je n’étais qu’une marchandise »

LE MONDE | 26.11.2013 à 17h56 • Mis à jour le 27.11.2013 à 14h46 | Par Rosen Hicher (Ex-prostituée, membre des Survivantes)
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Scène de prostitution à Nice, en mars 2013.

Mesdames, Messieurs, vous qui avez signé la pétition lancée par Antoine ou le « Manifeste des 343 salauds », savez-vous quelle réalité vous défendez ? Vous, célébrités qui vivez sous les projecteurs, vous ne connaissez ni la précarité ni la violence, vous pensez vraiment que la prostitution, c'est du cinéma ?

J'ai été prostituée pendant plus de vingt ans. Dans la pénombre des bars, j'ai été soumise au « bon plaisir » des clients. J'y ai subi leurs insultes, leurs exigences humiliantes. J'ai côtoyé des Françaises en pleine détresse et des victimes de la traite venues de pays en ruine ; toutes mourant à petit feu ; toutes ou presque manipulées par un réseau ou un salaud, petit proxo ou grand trafiquant dont le job est de fournir au client la « marchandise » qu'il convoite.

LES SANS-VOIX

Aujourd'hui, au nom de toutes les sans-voix, de toutes ces femmes interdites de parole, je veux vous dire ma colère ! Que croyez-vous ? Que notre silence est le signe de notre acceptation ? Mais regardez-vous ! Nous nous taisons à cause de votre jugement, de votre mépris ! Car soit nous avons peur, soit nous avons honte ! Malgré tous les beaux discours, vous nous considérez comme des moins que rien ; en un mot, comme des « putes ».

Que pouvez-vous savoir, dans ces conditions, de nos larmes quand le client a tourné le dos ? De notre désespoir, de notre sentiment d'abandon, de notre révolte face à ces hommes qui nous salissent et volent jusqu'à notre intimité ? Que savez-vous de notre détresse ? De la peur au ventre qui nous saisit à chaque passe ?

Vous aimez penser que nous avons le choix. J'en rirais si j'avais encore la force d'en rire. Pour moi, comme pour beaucoup de celles que j'ai rencontrées, tout a commencé par les belles paroles d'un homme. Il était beau et me couvrait de cadeaux, moi qui n'avais jamais rien reçu, sinon la violence de mon père et les viols de mon oncle. Je l'ai cru.

Pas de chance : il était mac. J'avais 17 ans, j'étais en fugue. Il m'a prise en stop et balancée dans les « tournantes » pour me préparer à mon futur statut de femme vendable, de femme jetable. Ces hommes sont des prédateurs. Ils s'attaquent aux plus vulnérables, flairent « la bonne pute ». Après, il nous reste à nous montrer grandes gueules pour éviter les violences et les perversions des clients que notre fragilité excite.

Je suis donc tombée dedans. Et j'ai mis vingt-deux ans à en sortir. Vingt-deux ans de violences sexuelles, arrosées de beaucoup d'alcool pour tenir le coup, pour ne pas voir, ne pas sentir. Quand on est dedans, on ne peut rien faire d'autre que dire : c'est bien ! C'est pour ma famille, c'est pour mes enfants ! Sinon on s'effondrerait, comme un château de cartes. Moi, un temps, j'ai même défendu la prostitution et revendiqué les maisons closes !

UNE VIE SANS VIE

Pourquoi n'as-tu rien fait pour changer de vie, allez-vous dire ? Mais qui embaucherait une femme sans passé ? Je n'ai plus de vie ; si, une vie éteinte, une vie sans vie. Je ne sais plus chercher, je ne sais plus me vendre. Car il faut se vendre et moi, je ne sais que vendre mon corps. Vendre mon courage, mon ardeur, ma force, démontrer que je sais travailler, mais comment ? Et faire quoi ? Je ne sais plus.

Je me suis perdue en route ; comme si j'étais morte sans m'en rendre compte. A force de m'absenter de moi-même pour résister aux assauts de tous ces hommes, j'ai le sentiment de vivre dans une bulle au-dessus de mon corps. Je ne ressens plus rien. Je voudrais tellement me réhabiter ! Mais je ne m'aime plus, je déteste la femme que je suis devenue. Leur souvenir me poursuit : des mains me touchent, des ventres tous plus gros les uns que les autres, des peaux rugueuses et sales…

Les clients ne peuvent pas aimer, ils ne peuvent que baiser. Je suis une marchandise qu'ils achètent, comment pourrais-je encore être moi ? Clients, je vous accuse ! Et j'accuse la société qui ne m'a pas aidée à sortir de cette entreprise de démolition.

Vous croyez que mon histoire date ? Qu'aujourd'hui les filles sont libres ? Non, je les rencontre, elles me parlent. Et leur histoire n'a pas bougé d'un pouce. Le décor change, la rue Saint-Denis est remplacée par Internet, les bordels par les bars à hôtesses, mais leur vulnérabilité est la même. Et vous persistez à l'exploiter sans vouloir savoir, en vous berçant de fantasmes et de littérature.

Quand on survit – car beaucoup en sont mortes et en mourront encore –, on est détruite à jamais. Aujourd'hui, je vous le demande : aussi dérangeante soit-elle, regardez la réalité en face. Vous parlez de risques sanitaires, de clandestinité. Mais la clandestinité est dans la chambre, quand la porte se referme et nous laisse seule aux mains du client ! Ce qui ravage notre santé, ce n'est pas le lieu où s'exerce la prostitution. C'est la prostitution.

Et puis regardez enfin mes soeurs prostituées comme des femmes, pas comme des « putes » ! Des femmes que seule une loi pourra protéger, désintoxiquer de toutes leurs dépendances : la came, l'alcool, les macs. Je veux leur dire que c'est possible. J'y crois. J'y suis arrivée.

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Message  Achille Mar 17 Déc - 18:00

Halte à l'esclavage sexuel !

LE MONDE | 28.11.2013 à 09h32 • Mis à jour le 28.11.2013 à 14h57 | Taslima Nasreen (Ecrivain)

Pour moi, comme pour la plupart des féministes, la prostitution, c'est-à-dire l'esclavage sexuel, doit disparaître. Etonnamment, cette affirmation et mon soutien apporté à la loi qui en Suède pénalise les clients m'ont valu des critiques nombreuses et enflammées, notamment de libres-penseurs, d'athées, de laïques, d'humanistes et de rationalistes.

Ces réactions, qui se drapent dans le choix et la liberté de la prostitution, m'oppressent. Je me demande combien de personnes, parmi ceux qui assurent que des femmes se prostituent par choix, encourageraient leurs filles bien-aimées à se prostituer. Les prostituées elles-mêmes ne le souhaitent pas à leurs filles. Elles rêvent désespérément de pouvoir les scolariser, pour qu'elles aient une éducation et un métier correct.

SE NOURRIR ET NOURRIR LEURS ENFANTS

Des chercheurs qui ont travaillé sur le sujet montrent que, pour la plupart des prostituées, cela n'a pas été un choix. Elles n'ont pas décidé de devenir prostituée plutôt que médecin, ingénieure ou avocate. Leur « choix » » est plus généralement celui de trouver suffisamment d'argent pour se nourrir et nourrir leurs enfants.

Quand on les interroge, ces femmes répondent dans une proportion constante d'environ 90 % qu'elles souhaitent sortir immédiatement de la prostitution, mais cette décision ne leur appartient pas : elle appartient à leur proxénète, à leur mari, au propriétaire de leur logement, à leurs addictions, au ventre de leurs enfants.

Une étude menée auprès des femmes se livrant à la prostitution de rue à Toronto (Canada) a ainsi établi qu'elles étaient près de 90 % à vouloir en sortir, sans y parvenir. Selon des travaux conduits dans cinq pays, 92 % des femmes, des hommes et des transgenres qui se prostituent souhaitaient bénéficier sans délai d'une aide pour en sortir. Face à tous ces êtres qui veulent en sortir, comment affirmer que se maintenir dans la prostitution relève d'un choix ?

Certes, un petit nombre de femmes disent se prostituer par choix, mais surtout dans un contexte public, orchestré par l'industrie du sexe. Je serais très curieuse de savoir en quoi elles aiment ces viols quotidiens. Qui les pousse à penser que c'est un bon moyen de gagner de l'argent ?

Chaque jour, des pères vendent leurs petites filles à des maisons de prostitution. Chaque jour, des petits amis, des maris, des voisins, des connaissances vendent des jeunes femmes à des maisons de prostitution. Chaque jour, des filles et des femmes pauvres tombent sous la coupe de réseaux d'exploitation sexuelle. Je me suis rendue dans des bordels, en Inde et en Suède. Dans le pays riche comme dans le pays en développement, j'y ai vu des êtres livrés à un sort terrible.

DÉNONCER LES VIOLENCES

Voilà pourquoi je soutiens la proposition de loi portée par Najat Vallaud-Belkacem visant à pénaliser les clients de la prostitution, tout comme j'ai soutenu la loi qui, en Suède, porte ses fruits en dissuadant le consommateur (la prostitution y a diminué de moitié), mais aussi en autorisant les prostituées à dénoncer les violences qui leur sont faites.

Il est faux de dire que la pénalisation des clients conduira les prostituées à quitter la rue pour travailler depuis Internet et à s'exposer à des violences accrues. La violence de la prostitution n'a lieu ni sur Internet ni dans la rue, elle est dans le lit. Grâce à cette loi, une prostituée peut prendre un client, le laisser assumer ce risque, mais le dénoncer si elle change d'avis. Enfin un choix, un vrai, que ce type de législation offre aux victimes d'exploitation sexuelle.
http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/11/28/halte-a-l-esclavage-sexuel_3521323_3232.html

Achille

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Message  verié2 Mar 17 Déc - 18:01

les abolitionnistes se battent pour abroger toute forme de répression à leur encontre.
On n'a pas entendu les "abolitionnistes" du gouvernement protester contre les récentes rafles de prostituées asiatiques, les méthodes employées par la police, les expulsions.

verié2

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Message  Achille Mar 17 Déc - 18:02

Toussaint a écrit:Qu'il faille faire cesser dans les faits toute répression étatique et toute exploitation des personnes prostituées par l'état et l'Europe proxénètes, est essentiel. Et la fin du délit de racolage passif serait une excellente chose, pour laquelle moins d'énergie a été déployée en son temps que pour aujourd'hui la défense des clients, au centre de la mobilisation du lobby proxénète. Demander la garantie par la loi de mesures de réinsertion professionnelle, de droit de séjour, par exemple pour les prostituées africaines du Château Rouge que l'on voit assez peu dans les médias et sur les plateaux, et pour cause... Demander une réparation sociale de la violence sociale que subissent les femmes prostituées est essentiel et devrait accompagner la reconnaissance de la prostitution comme une violence faite aux femmes. Et contrairement aux pitreries que l'on peut lire ici à l'occasion, un programme de protection des personnes prostituées et d'amélioration de leur condition ne suppose pas la défense du droit des hommes aux femmes. Se battre pour les personnes prostituées et leur condition d'existence est nécessaire, se battre pour la pérennisation du la prostitution est tout à fait à l'opposé de l'intérêt des prostituées comme de toutes les femmes et de toute la classe ouvrière.

Alors, le STRASS... Un syndicat en général se bat contre les exploiteurs des travailleurs. Ce n'est pas ce que fait le STRASS. Le STRASS ne dénonce pas (dans tous les sens de ce terme) les proxénètes et on ne l'a jamais vu dénoncer dans la pratique même les traficants. En revanche il demande la reconnaissance de l'activité prostituée comme un travail. Avec son corollaire, c'est à dire la transformation des proxénètes et des traficants en patrons et chefs d'entreprise respectables. Certes le STRASS ne demande pas explicitement une telle chose, mais c'est au creux de toute son activité.

L'amélioration de la condition des prostitué-e-s est en effet un combat que l'on peut mener et qu'elles ont bien le droit de mener. Et le premier combat, c'est la lutte réelle contre le proxénètisme, que ne mène surtout pas le STRASS. Parler d'amélioration de la condition de ces personnes sans s'attaquer aux réseaux proxénètes, c'est une farce.

Mais pour le moment on ne voit descendre dans la rue que des prostituées se disant libres de tout proxénètisme. A ce jour, personne ne peut affirmer sérieusement qu'une seule de ces femmes soit libre et qu'elle dise la vérité. Pour des raisons évidentes. En premier lieu de sécurité, en second de crédibilité. Une prostituée qui se dirait sous la coupe d'un proxénète ne viendrait pas le dire en public et ne viendrait pas le dénoncer (comme la loi l'y oblige) sous peine de mort. C'est aussi simple que cela. Et si le "syndicat" Very Happy STRASS fait autant de bruit et peut s'exprimer fort, c'est qu'il ne s'attaque pas aux proxénètes, ni aux clients, au contraire, il défend en premier lieu leur intérêt, celui d'une légalisation de la violence prostitutionnelle, comme dans tous les pays où le lobby proxénète a obtenu gain de cause. Ulla a fait grand bruit en son temps sur sa prostitution épanouie, avec un mouvement imposant de prostituées, bien plus fort que les quelques manifestantes actuelles. Et 20 ans après de s'étonner à l'adresse des féministes: "Comment avez-vous pu nous croire?" Bonne question, toujours actuelle aussi.

Achille

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Message  Achille Mar 17 Déc - 18:03


215 jeunes prostituées roumaines travaillaient en 'esclaves' au Dallas

Le 21 février à 6h00 par Laure Moysset avec l’ACN | Mis à jour le 11 mars
Elles étaient obligées d'enchaîner les passes 12 à 14 h par jour. Elles étaient obligées d'enchaîner les passes 12 à 14 h par jour. PHOTO/© D.R

Une affaire d'ampleur exceptionnelle liée à l'exploitation de prostituées, vient d'éclater au Dallas, une maison close située à la frontière sur la route nationale entre la Jonquera et Figueres, à quelques dizaines de kilomètres de Perpignan, selon les informations révélées hier par l'agencia catalana de noticias (ACN).

19 personnes interpellées

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La police espagnole vient en effet d'interpeller 19 personnes dont les membres et chefs présumés de deux réseaux qui exploitaient sexuellement de jeunes mineures, de nationalité roumaine. Selon les premiers éléments, elles étaient recrutées avec une fausse promesse de travail, leur faisant miroiter que, dès leurs 18 ans, elles prendraient soin de personnes âgées, effectueraient du baby-sitting ou travailleraient pour les services de l'État. Mais à leur arrivée, les suspects les auraient obligé à se prostituer au sein du 'Dallas' et à endurer, sous un régime de semi-esclavage, des journées de 'travail' allant de 12 à 14 h, sous la menace de coups ou de viols. Pas moins de 215 victimes ont été identifiées, qui auraient été contraintes de vendre leur corps dans cette maison close, générant un chiffre d'affaires d'environ 60 000 € par jour. L'enquête, débutée il y a un an environ, a permis de mettre au jour deux organisations. La première, une structure pyramidale, était constituée d'habitants de la ville de Braila dont sont originaires la majorité des filles. Les investigations ont montré que la tête du réseau avait pris de nombreuses précautions comme changer d'adresse, de voiture, de portable et se faire accompagner d'un garde du corps. Il se vantait de dépenser jusqu'à 14 000 € en une nuit.

Placées sous haute surveillance

Le deuxième réseau était chargé de régenter la maison close d'Agullana, propriété d'un couple domicilié à Valence, d'où il contrôlait en temps réel ce qui se passait dans leur entreprise grâce à un système de vidéosurveillance. Les filles devaient déposer leurs empreintes digitales au début de chaque journée et avant chaque passe. Les données étaient envoyées à un ordinateur central installé dans le club, et permettant de les pister à des centaines de kilomètres à la ronde. Comme cela se pratique ailleurs, les gérants exigeaient que les filles leur versent 70 euros par jour pour le logement et son entretien et ils facilitaient l'accès aux éponges sexuelles pour leur permettre de se prostituer pendant leurs règles et de ne pas être pénalisées. En outre, elles devaient s'acquitter de 5 euros pour l'électricité, 2 pour chaque rouleau de papier toilette, 7 pour le savon et devaient participer à l'achat des préservatifs, lubrifiants, lessive, nourriture, eau, boissons et tabac. Enfin, elles étaient obligées de faire, à leurs frais, un test sanguin chaque mois. Mais là, un système de brouillage était mis en place pour qu'elles ne puissent pas utiliser leurs portables. Pour faire sortir l'argent d'Espagne, le réseau bénéficiait de la collaboration de chauffeurs routiers qui effectuaient le trajet jusqu'en Roumanie et transportaient les filles qui finissaient aux mains des proxénètes. Un des lieutenants du club, de nationalité allemande, aurait organisé le transfert de l'argent, loué des immeubles aux proxénètes. L'homme posséderait une flotte de chauffeurs transportant les filles jusqu'au club et vice-versa moyennant 15 euros le trajet. L'argent aurait été blanchi dans diverses sociétés écrans, notamment commerciales (capital total estimé à plus de 11,5 millions d'€), dans de nombreuses propriétés (valeur : 2 M€), plusieurs véhicules de luxe et même un bateau de 10 pieds. Des perquisitions ont été menées dans 5 maisons et au Dallas tandis que 101 290 euros en espèces ont été saisis, deux revolvers, des munitions, neuf véhicules, près de 2000 mandats de transferts d'argent, divers matériels informatiques, des téléphones portables et des bijoux. Deux des chefs du réseau basé en Roumanie sont sous le coup d'un mandat d'arrêt et cinq autres personnes seraient impliquées.
http://www.lindependant.fr/2013/02/21/215-jeunes-prostituees-roumaines-travaillaient-en-esclaves-au-dallas,1729517.php

Achille

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Message  Achille Mar 17 Déc - 18:04

Toussaint a écrit:
Le lobby proxénète regroupe l'ensemble des organisations, pseudo-assos de "travailleuses du sexe", individus et groupes liés au porno, qui n'est rien d'autre que du proxénètisme aggravé selon les termes de la loi, et partis politiques divers, dont le NPA, qui sous couvert de défendre les prostituées, en réalité s'alignent sur la défense du droit aux femmes et le blanchiment de la violence prostitutionnelle. Et dont la logique des positions ne peut déboucher que sur la reconnaissance de la prostitution comme un métier, les prostitueurs étant les clients, les proxénètes des entrepreneurs, et les personnes prostituées des "travailleuses du sexe". Avec come arme de dissuasionmassive, la lutte héroïque contre l'hypocrisie et le moralisme...

Il y a encore plus bouffon et hypocrite que les gens qui parlent de lutter contre la prostitution sans lutter contre la misère des personnes prostituées, il y a celles et ceux qui se disent opposés à la restitution mais défilent dans la rue pour éviter que l'on s'attaque aussi bien à l'offre qu'à la demande dans le marché prostitutionnel. Il y a aussi celles et ceux qui prétendent ignorer que les paroles des personnes prostituées ne sont pas des paroles libres et cela se vérifie par le fait qu'aucune de ces personnes, jamais, ne se reconnaît maquée, alors qu'elles le sont toutes, à commencer par celles qui travaillent dans les hôtels, la prostitution de luxe... On le voit ainsi aisément dans l'affaire Strauss Kahn, avec un personnage comme Dédé la Saumure, fournisseur de femmes à violenter, et dans tout ce qui est sorti dans cette affaire où le moins qu'on puisse en dire est que l'on n'était pas dans la catégorie basse de l'hotellerie... On l'a vu dans le grand mouvement des années 70, dont on a appris ensuite que la pègre l'a soutenu et organisé, de la bouche de sa principale animatrice. Déjà à l'époque, nous étions sommés de soutenir les héroïques femmes en lutte sous peine de nous montrer hypocrites et moralistes.

Mais lorsque Ulla demande 20 ans après "comment avez-vous pu nous croire?", personne ne se bouscule pour répondre.

En attendant, et pendant que quelques porte parole se prétendant, como no, libres de toute pression et de tout proxénètisme Very Happy , occupent les médias, dans la pratique et dans des endroits que ne fréquentent ni journalstes, ni policiers, ni militants gauchistes, des femmes se font violenter à 5 euros la passe. Celles-là non plus d'ailleurs ne se diront pas maquées. Curieux, non? En fait plus on étudie les discours des porte parole du lobby proxénète, moins il y a de proxénètisme en France. En tout cas il n'apparaît jamais dans les discours des prostituées dont se délectent les gauchistes néo convertis du lobby proxénète.

Quant à l'expulsion des personnes liées à la traite, soyons sérieux. Ce n'est pas un argument, c'est le constat d'une politique d'état qui vaut aussi bien pour les prostituées que pour les étrangers sans papiers, fussent-ils lycéens. Il faut lutter contre cela, et notamment contre la politique d'immigration de l'état. Oui, il y a des choses à exiger de l'état car il est bien l'instrument des dominants de genre et de classe.

Là où je vis, les "affaires" de gendarmes, de personnel de la sous-préfecture, parfois de haut rang, qui exploitent sexuellement les sans papières, et leurs enfants, ne manquent pas, qu'elles soient prostituées ou pas: le sexe contre des papiers, c'est aussi de la prostitution, souvent c'est aussi, le sexe ou largent contre les papiers. La défense des droits des prostituées à rester en Europe est fondamentale et elle n'a rien à voir avec la protection des clients. Elle a à voir avec un ensemble de questions de droits des personnes, politiques et sociaux.

Achille

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Message  Achille Mar 17 Déc - 18:05

FierEs d’être abolitionnistes !

Nos réponses aux caricatures et aux amalgames !

- Vous voulez interdire la prostitution.

L’abolitionnisme n’a jamais voulu interdire la prostitution. Il a toujours considéré le prohibitionnisme comme une hypocrisie et affirmé son refus des mesures discriminatoires infligées aux personnes prostituées.

C’est bien davantage le réglementarisme, pourtant présenté aujourd’hui sous un jour libertaire ou “tolérant”, qui induit un système policier. Il prétend en effet contrôler et poursuivre toutes celles – l’immense majorité, comme le prouvent les expériences allemandes et néerlandaises – qui refusent de se faire enregistrer.
C’est lui qui, en légalisant la prostitution prétendument libre au nom du pragmatisme et de la lutte contre la traite, aboutit en réalité à traquer les étrangères en situation irrégulière et à les vouer à l’expulsion.

- Vous ne connaissez que la prostitution sordide des trottoirs.

De plus en plus, les personnes prostituées qui s’adressent à nous sont issues des bars à hôtesses, des salons de massage ou de la prostitution par Internet, y compris des escorts girls. Prostitution étudiante, prostitution “de luxe”, prostitution masculine ou transgenre, il n’est guère de forme de prostitution qui nous soit inconnue. Les témoignages que nous publions le prouvent d’ailleurs largement.

- L’abolitionnisme est une forme de racisme.

Une nouvelle étape dans l’escalade verbale de certains groupuscules de défense de la prostitution.
À notre tour, alors, de nous étonner que ces accusateurs ferment les yeux sur la dimension profondément sexiste et raciste de cette institution, toujours prête à monnayer le corps des femmes les plus vulnérables, partout sur la planète ; en priorité celles appartenant aux pays les plus pauvres et aux minorités ethniques.

Quoi de plus rentable que la pauvreté pour ce marché prêt à offrir aux plus aisés le pouvoir de payer ce que d’autres sont condamnés à monnayer pour survivre ?

Quoi de plus affriolant que les stéréotypes colonialistes (Africaines “folles de sexe”, Latino-américaines “faites pour ça”, Asiatiques “si soumises”...) qui sont un puissant moteur pour encourager la “consommation” ?

Nos pourfendeurs ont l’indignation sélective.

- Vous parlez d’abolir la prostitution. En fait, vous voulez abolir les prostituées.

Nous serions soupçonnés, puisque nous refusons la prostitution, de vouloir supprimer les personnes prostituées. Depuis quand ceux qui ont lutté pour l’abolition du travail des enfants ont-ils été accusés d’être contre les enfants ?

Il s’agit une nouvelle fois d’entretenir la confusion. Notre combat contre la prostitution n’a jamais été un combat contre les personnes prostituées que le Mouvement du Nid écoute et accompagne quotidiennement. Nous sommes pour les personnes prostituées, et à leurs côtés, mais contre la prostitution.

- En refusant de reconnaître la profession des personnes prostituées, c’est vous qui exercez des violences à leur égard. Vous êtes la cause du stigmate qui pèse sur elles.

En dénonçant la prostitution, la chosification qu’elle induit, nous serions les responsables de la violence ou du stigmate qui pèsent sur les personnes prostituées ! On est là pour le moins dans la confusion entre la lune et le doigt qui la montre.

Loin d’être notre fait, le stigmate n’est-il pas plutôt renforcé par les réglementaristes qui, en instituant l’obligation d’inscription en échange d’un “contrat de travail”, aboutissent en réalité à étiqueter les personnes en tant que “travailleuses du sexe” – ce que refusent d’ailleurs la majorité des personnes prostituées ?

En refusant une légalisation du métier qui achèverait de déculpabiliser l’opinion publique et de la renvoyer à son indifférence, nous affirmons notre souci de leur itinéraire, des logiques qui les ont amenées à la prostitution, et notre refus de leur marquage et de leur parcage, quelles qu’en soient les formes. Chacune d’entre elles a droit à un autre avenir, dispose d’autres compétences.

Oui, l’abolitionnisme est une exigence : le contraire d’une résignation qui s’orne un peu facilement de l’alibi du “pragmatisme”, valeur refuge de ceux qui ont perdu tout espoir de changer la société dans le sens de plus de justice.

- Vous parlez à la place des personnes prostituées.

Le Mouvement du Nid part au contraire de la parole des personnes prostituées, entendue chaque jour sur les lieux de prostitution ou dans les permanences d’accueil. C’est bien à partir de leur expérience, marquée par une violence omniprésente, qu’il a conçu sa critique de fond du système prostitutionnel.
Le Mouvement du Nid sait à quel point l’immense majorité d’entre elles est privée de parole, paralysée par la honte et le mépris qui socialement ne pèsent que sur elles.

La parole de quelques privilégiés, qui vantent la libéralisation du “marché” et s’arrogent le droit de parler au nom de toutes, aujourd’hui largement relayée par les médias, est bien accueillie par l’opinion puisqu’elle évite tout questionnement, toute culpabilisation et qu’elle se situe dans la logique de l’individualisme et du profit.

Utilisée politiquement par les pro-prostitution, cette parole émotionnelle, érigée en vérité ultime, est destinée à nous intimider. Il faut certes l’entendre.
Mais est-il interdit de se demander si ces personnes ont vraiment la possibilité de pousser l’analyse au-delà de la justification, bien compréhensible au plan individuel, de ce qui reste leur gagne-pain ? En ce qui nous concerne, nous luttons pour donner la parole à celle qui ne la prennent jamais.

- Vous êtes des tenants de l’ordre moral. Vous êtes contre la liberté sexuelle.

Notre combat est au contraire un combat pour la liberté. Il porte contre la logique d’une société qui propose comme idéal la consommation des objets et d’autrui, et impose la marchandisation de toutes les sphères de nos vies : santé, éducation, culture et désormais êtres humains.

Loin de vouloir rétablir une police des mœurs, nous luttons contre cette marchandisation croissante à laquelle une prétendue liberté sexuelle sert aujourd’hui de moteur. Seul ce combat sera garant de la liberté de toutes et de tous de disposer de leur corps et de leur sexualité, sans êtres contraints de les mettre sur le marché pour survivre.

Nous sommes contre une liberté qui n’est que celle des plus puissants, qui s’exerce d’abord sur les plus en détresse.
Ce que nous combattons n’est pas la liberté sexuelle mais bien sa liquidation au nom du libre-échange et sa récupération par le contrat marchand.
Jamais nous n’intervenons sur la sexualité des personnes dans leur vie privée. Mais la prostitution ne relève pas de la vie privée : il s’agit d’un commerce, d’un marché, d’une institution sociale et c’est cet ensemble que nous remettons en cause. On cherche à nous enfermer dans des questions de morale afin d’éviter que soit abordée la vraie dimension du débat, qui est fondamentalement politique.

Lire également :
Rhéa Jean, philosophe : “Être abolitionniste, c’est défendre la liberté sexuelle !”

- Vos idées sur la prostitution et la pornographie rejoignent celles de l’extrême droite, vous êtes des cathos intégristes.

Notre association est issue du christianisme social, qui dès le 19e siècle a mené un combat en faveur de la condition ouvrière ou contre le travail des enfants. Notre souci est la justice sociale. Si nous luttons contre la banalisation du discours pornographique et de la prostitution, c’est d’abord par respect des droits humains face à toutes les machines d’oppression.

Notre projet est égalitaire et fondé sur le refus de la marchandisation des personnes. L’extrême droite condamne la pornographie ? Peut-être. Mais tout comme être contre l’intervention américaine en Irak, comme Jean-Marie Le Pen, ne suffit pas à faire de vous un allié du Front National, nous sommes aux antipodes des « valeurs » défendues par l’extrême droite. Cette dernière ne rejette pas tant la prostitution que les personnes prostituées, qu’elle méprise profondément. Quant à nous, notre souci d’égalité des personnes et d’émancipation des femmes suffit à faire de nous les adversaires résolus des intégristes, qui partout sur la planète montrent quotidiennement en quelle estime ils les tiennent.

Ajoutons que l’Anela, le syndicat des tenanciers des nouveaux bordels de Catalogne, si modernes, si exemplaires, a été fondé par un avocat qui n’est autre que le président d’un parti d’extrême-droite...
En France, le programme de 2001 du Front national prône le contrôle médical et sanitaire des personnes prostituées, une mesure éminemment réglementariste.

- Vous stigmatisez les clients, vous voulez les dénoncer sur la place publique.

Nous refusons toute méthode consistant à publier le nom ou l’image d’un homme qui recourt à la prostitution, tout esprit de vindicte. En revanche, nous exigeons d’en finir avec la complaisance sociale qui autorise ces hommes, en toute indifférence, irresponsabilité et mépris, à exploiter sexuellement des personnes dont ils ignorent tout.

« Quand je mange un bifteck, je ne me demande pas si la vache a souffert » répond un client au réalisateur de documentaires Hubert Dubois, qui l’interroge sur les prostituées victimes de la traite.

Tout est dit. N’est-il pas temps pour ces hommes d’assumer leurs responsabilités ainsi que l’exigent d’ailleurs les textes internationaux ? Leur comportement nuit à autrui, il a des conséquences sociales. C’est à leur profit que les proxénètes et les trafiquants organisent, par tous les moyens, le “marché”. Peuvent-ils continuer à l’ignorer ?

- Vous voulez “civiliser la sexualité masculine”, vous avez une conception normative de la sexualité.

L’aveu serait-il dans l’accusation ? Serait-ce qu’elle ne l’est pas, “civilisée” ? Nous souhaitons en tout cas interroger cette croyance désuète ­ et normative, précisément ­ voulant qu’une société ne puisse fonctionner qu’à la condition de fournir à sa partie masculine des exutoires sexuels.

Nous questionnons l’idée universellement admise d’un désir prédateur, d’une sexualité violente, d’une pulsion prétendument irrépressible qui autoriserait l’exploitation d’autrui. Quand Robert Badinter plaide pour excuser “les pulsions obscures qui gouvernent la sexualité”, nous rappelons quant à nous que les violeurs aussi ont longtemps bénéficié de l’indulgence sociale parce qu’ils auraient été les victimes de ces “pulsions”… Ajoutons en outre que les clients prostitueurs ne sont pas tous les hommes mais des hommes qui n’ont pas encore évolué dans leur rapport aux femmes.

- Vous victimisez les personnes prostituées.

Il est dans l’air du temps de déplacer l’attention, non sur les faits dénoncés, mais sur ceux qui les dénoncent, accusés des pires maux, surtout s’il s’agit de violences touchant aux questions sexuelles, décidément dérangeantes.
Et ainsi de censurer nos dénonciations.

Ces accusations soulèvent plusieurs questions : pourquoi ne dit-on pas de ceux qui luttent contre le racisme qu’ils victimisent les personnes qui le subissent ? Faut-il s’abstenir de dénoncer les violences conjugales pour ne pas “victimiser” les femmes concernées ? Pourquoi le mot de victime est-il devenu péjoratif et honteux ?

L’abolitionnisme considère les personnes prostituées, non comme des êtres incapables, mais comme les victimes d’un système d’exploitation. Ce fait n’enlève rien à leur énergie, leur résistance, leurs capacités. Beaucoup de celles que nous rencontrons ont besoin d’être reconnues comme victimes, elles qui se sentent tellement coupables, afin de pouvoir se reconstruire. Elles ne sont pas pour autant à enfermer dans le seul statut de victimes réduites à leur oppression.

En cherchant à nous intimider, on nous empêche surtout de dénoncer les logiques qui produisent des rapports de domination comme le système prostitutionnel. Et on maintient le statu quo sur les violences, les exploitations, les humiliations qui en font le quotidien. Pour le plus grand profit des proxénètes et le “bon plaisir” des clients.

- Vous mélangez la prostitution et la traite, ce qui aboutit à dénier aux femmes étrangères le droit à la migration.

La traite a toujours été l’un des canaux d’approvisionnement de la prostitution. Aujourd’hui, c’est pour des raisons politiques – pour libéraliser le marché de la prétendue prostitution libre – que le lien a été soigneusement rompu entre prostitution et traite.

Tant que la prostitution sera légitimée, les trafiquants s’emploieront pourtant à pourvoir le « marché » et à renouveler la « marchandise » offerte, toujours plus jeune et plus exotique. Les politiques anti-traite, qui peuvent aboutir à réduire les libertés migratoires, ne sont pas de notre fait. L’idée d’une Europe forteresse fermée aux plus démunis n’est pas la nôtre. Mais nous ne saurions nous satisfaire d’un droit à la migration qui se révèlerait en réalité un “droit” à l’esclavagisme sexuel accordé aux nantis.

- Vous êtes les complices de la loi Sarkozy (LSI).

Nous avons toujours affirmé, et réaffirmé, notre opposition totale à toute mesure de répression des personnes prostituées. Pour nous, la répression – et la prévention – doivent porter sur les bénéficiaires du système : ceux qui en tirent un profit financier, les proxénètes et profiteurs, et ceux qui assouvissent leurs pulsions sexuelles et de domination, les “clients” qu’il nous semble plus juste d’appeler les prostitueurs. En aucun cas, sur celles et ceux qu’une forme ou une autre de détresse, de précarité ou de vulnérabilité (sociale, économique, culturelle, psychologique, ethnique) a amenés à la prostitution.

- En vous attaquant aux clients, vous voulez priver les personnes prostituées de leurs revenus.

Il n’est pas de profond changement social sans tournants douloureux. La fin de l’apartheid a engendré la faillite pour certains commerçants noirs, privés d’une clientèle devenue libre de fréquenter les commerces blancs. Faut-il pour autant regretter l’abolition ?
À une autre échelle, les débitants de tabac se plaignent de la baisse des ventes de cigarettes. Faut-il alors ré-encourager la consommation du tabac ?

Ces exemples montrent que le problème n’est pas dans la lutte contre des phénomènes nocifs mais bien dans l’insuffisance de préparation qui l’accompagne et dans l’abandon des personnes concernées.

La pénalisation des clients prostitueurs n’est qu’un volet d’un ensemble de mesures. Précisément, nous refusons une politique qui abandonnerait les personnes prostituées à leur sort, sans souci de leur avenir. Il n’est pas question de penser un projet global de prévention sans l’assortir de mesures concrètes concernant celles et ceux qui vivent jusqu’ici des revenus de la prostitution.

- Vous refusez aux personnes prostituées les droits les plus élémentaires sur le plan de l’hygiène, de la sécurité et de la santé.

Hygiène, sécurité, santé, telle est la trilogie des nouveaux marchands de femmes. Les lobbys de tenanciers (Catalogne par exemple) avancent ces arguments pour “moderniser” leur archaïque commerce : vigiles et signaux d’alarme, serviettes propres et examens médicaux obligatoires suffiraient à régler définitivement tout problème de conscience.

Outre le fait que la densité des sonnettes d’alarme est l’aveu le plus cru de la dangerosité de l’activité, il faut rappeler que les clients prostitueurs, qu’il s’agit de ne pas effaroucher, sont exemptés, eux, de tout contrôle sanitaire.

Le client est roi. Qu’importe le fait qu’il puisse être porteur du VIH, payer plus cher pour une passe sans préservatif et contaminer la personne qu’il utilise. Ce cas de figure n’est pas consigné dans la présentation flatteuse de nos nouveaux rois du marketing.
Qu’importe que les tenanciers eux-mêmes exercent des pressions sur leurs recrues pour des passes non protégées et des cadences effroyables… La majorité des personnes prostituées que nous rencontrons sont farouchement hostiles au prétendu “confort” de ces établissements dont elles redoutent la logique carcérale.
Le credo des pro-prostitution
L’arme des mots et des concepts, décryptage

L’arme des mots est au cœur de l’offensive néo-réglementariste. Leur choix contribue à construire la perception de la réalité (service, métier, choix…). Il relève d’objectifs politiques précis.

Une première étape, dans les années 1990, a abouti, sous l’impulsion politique des Pays-Bas, à banaliser les termes de “prostitution forcée”, ouvrant la voie à la prostitution “libre”, et de “travail du sexe”, entérinant la normalisation de la prostitution comme secteur de l’économie.

- Nous ne vendons pas notre corps, nous vendons un service et rien de plus.

Un simple service, vraiment ? Si le "service sexuel" est équivalent au service soignant ou au service domestique, il faut en tirer les conséquences et rayer définitivement les acquis liés aux décennies de luttes menées par les femmes pour ne plus voir leur droit à l’emploi inséparable du droit de cuissage pour leur employeur. Les défenseurs de la prostitution comme métier ordinaire cautionnent en réalité le retour au droit à l’exploitation sexuelle.
Quelle secrétaire, quelle ouvrière, quelle infirmière pourra encore refuser d’offrir des services sexuels dans le cadre de son emploi si ces derniers deviennent un service parmi d’autres, un métier banal et reconnu ?

- C’est un métier comme un autre : on se vend toujours plus ou moins, que l’on soit ouvrière ou prostituée.

Tout acte commercial n’est pas un acte de prostitution. Le penser est le fait de nantis qui ne savent plus ce que les mots veulent dire. Qui est prêt à soutenir qu’une fellation à un inconnu est l’équivalent de la frappe d’un ticket de caisse ?

Il est vrai que l’on peut être largement exploité dans de multiples activités marquées par la précarité et la sous-rémunération. Le système marchand capitaliste n’hésite pas à exiger aliénation de soi et “objetisation” croissante. Ces faits ne dédouanent en rien la prostitution qui n’est que cette logique portée à son point extrême. Comment lutter encore contre le travail précaire et aliénant si l’on accepte que la prostitution devienne “un travail comme un autre” ?

- Certaines prostituées ont choisi de l’être, en toute connaissance de cause.

Le choix est ici une notion sans objet. On peut aussi “choisir” d’aller travailler dans les mines ou d’émigrer dans les pires conditions pour survivre.

Si les personnes prostituées expriment un choix, celui-ci est contraint par leurs besoins financiers et n’a rien à voir avec une quelconque autonomie sexuelle. Le concept de “choix” a surtout pour but, en détournant l’attention sur la seule dimension individuelle, d’occulter l’ensemble du système prostitutionnel, ses causes réelles (sociales, culturelles, politiques) et son impact sur les rapports sociaux et les mentalités.

- La prostitution, ce n’est pas pire que le mariage. Les violences sont partout.

Certes, le mariage a longtemps été une institution d’oppression pour les femmes. Il peut encore l’être lorsqu’il est le cadre de violences. Mais la comparaison est surtout destinée à déqualifier et banaliser ces violences au lieu de les combattre. Or, nulle part elles n’atteignent un degré aussi insupportable que dans la prostitution : injures, humiliations, harcèlement, agressions, viols, meurtres… Il est pour le moins excessif aujourd’hui d’entretenir la confusion.

Le mariage a cessé d’être le lieu d’enfermement qu’il était traditionnellement, la preuve en est la reconnaissance du divorce et du viol conjugal. Rappelons également un “détail” : la sexualité dans le mariage peut être désirée et réciproque ! On ne peut pas en dire autant de la prostitution.

- Beaucoup d’entre nous sont libres. Nous n’avons pas toutes un proxénète.

Toutes, non. Mais les faits sont têtus. Et les proxénètes sont de plus en plus difficiles à identifier à l’heure où ils n’ont plus le veston à carreaux cher au cinéma des années 50. Rois du camouflage, ils ont su s’adapter : responsable de site Internet, compagnon monnayant sa présence attentive, dealer, patron-ne de bar, manager en costume cravate… L’argent de la prostitution continue d’attirer les profiteurs de tout poil. Et l’endettement organisé, et le racket... sont des données qui résistent à toutes les évolutions.

- La reconnaissance de notre profession nous rendra notre dignité.

La revendication d’un statut, d’une profession est d’abord le moyen trouvé par des personnes stigmatisées, de croire conquérir dignité et solidarité. On peut comprendre ce légitime besoin de reconnaissance. Mais la question est mal posée.

En réalité, la “dignité” engendrée par la normalisation de la prostitution servira les proxénètes et leur industrie ; pas les personnes prostituées, définitivement stigmatisées, parquées en ghettos, en tant que “travailleuses du sexe”. Les personnes prostituées sont dignes, l’institution prostitutionnelle est indigne.
L’escalade

Aujourd’hui, une autre étape est franchie avec une nouvelle génération de mots et de concepts.

- « Fières d’être putes »

Retourner le stigmate en fierté : on a observé ce mouvement chez les homosexuels, illustré par la parade de la Gay pride. La “Pute Pride” prend le relais. Puisque les homosexuels ont acquis leur droit à la reconnaissance de l’homosexualité, les prostituées gagneraient celui d’exercer un “métier” injustement stigmatisé.

Le rapprochement est audacieux. L’homosexualité d’une personne relève de sa vie privée et ne fait aucun tort à autrui. La prostitution est un commerce porteur de profits considérables, bien souvent organisé par des proxénètes et des trafiquants, où s’exercent des violences de toutes sortes. L’habile confusion avec le combat d’une autre catégorie d’opprimés sert surtout à endormir toute velléité de critique.

- « Putophobie »

Qui s’avise de dénoncer la prostitution et de s’opposer à sa légalisation est désormais taxé de “putophobe”. À l’oreille, la putophobie sonne comme l’homophobie. Stratégie de l’amalgame, volonté d’intimidation, exercice d’une totale malhonnêteté mais procédé efficace auprès des personnes mal informées. La putophobie est construite sur le même modèle que l’islamophobie, récemment créée par les intégristes dans le but de discréditer leurs opposants, en faisant peser sur eux le soupçon de racisme. Un bel exemple de tour de passe-passe idéologique.

- « Mouvements pro-sexe »

Pro-commerce, pro-profits, serait plus juste. Mais le choix du terme “pro-sexe”, plus vendeur, a l’avantage de renvoyer les opposants au statut d’anti-sexe, de gens coincés, boutonnés jusqu’au menton. Il y aurait d’un côté de joyeux hédonistes, et de l’autre, de tristes moralistes éteints.
Comme si, sur un tout autre registre, se battre contre la malbouffe revenait à être un triste sire qui déteste les plaisirs de la table…
L’abolitionnisme, une idée progressiste

La prostitution serait naturelle, intemporelle, éternelle, entend-on également... Elle ne mérite pourtant pas cet excès d’honneur. La prostitution n’est rien d’autre qu’un produit de la culture, une expression de l’inégalité et du réflexe qui pousse le plus puissant à exploiter le plus faible. Elle est certes ancienne, mais l’ancienneté suffit-elle à conférer une légitimité ? L’excision aussi est une pratique ancienne. Tout comme “l’infériorité” des femmes, presque partout dans le monde. Faut-il donc renoncer à faire évoluer les idées ? Est-il illusoire de vouloir inventer de nouvelles formes de vivre ensemble, de construire des valeurs nouvelles ?

C’est toute la raison d’être de l’abolitionnisme, idée moderne, humaniste et progressiste. Depuis sa création, il y a plus d’un siècle, l’abolitionnisme s’inscrit dans la lutte pour le respect des droits humains. Il a été activement soutenu par ses plus ardents défenseurs, Jean Jaurès et Victor Hugo. Il est également inséparable du combat des femmes pour l’égalité. On devrait se souvenir de la concomitance du droit de vote féminin (1944) et la fermeture des maisons closes (1946)...
Aujourd’hui, le texte majeur de l’abolitionnisme, la Convention internationale pour la répression de la traite et de l’exploitation de la prostitution d’autrui (1949), subit une destruction orchestrée par les lobbys réglementaristes pressés d’ouvrir la voie aux profits immenses liés à la prostitution.

Ce texte, adopté dans une période éprise de liberté et de dignité, celle de l’après-nazisme, abolissait toute réglementation, toute discrimination à l’égard des personnes prostituées et faisait peser toute la répression sur les proxénètes et les organisateurs de la prostitution.
Aujourd’hui, la régression est en marche. De grands états européens légitiment le prétendu "travail du sexe" et les revenus de ses puissants managers en costume-cravate. La prostitution est en passe de devenir, dans l’indifférence générale, un métier possible dans le cadre du “service public”.

Face à ce cynisme libéral qui semble devenir le seul horizon de la pensée, nous ne baisserons pas les bras. Les abolitionnistes se sont battus pour en finir avec la réglementation de la prostitution. Ils continueront pour refuser la prostitution elle-même, un archaïsme indigne de nos démocraties.
http://www.mouvementdunid.org/FierEs-d-etre-abolitionnistes

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Message  Achille Mar 17 Déc - 18:07

L’abolition du système prostitueur

L’abolition du système prostitueur n’est en rien une utopie mais est, au contraire, un objectif accessible à court terme.

L’abolition n’est en effet pas synonyme d’éradication ou de disparition immédiate. De même que l’abolition de l’esclavage n’a pas fait totalement disparaître ce fléau, l’abolition du système prostitueur ne fera pas disparaître la prostitution.

Principes

En revanche, l’abolition du système prostitueur permettra aux sociétés qui l’auront mise en œuvre de se donner tous les moyens de lutter contre le système prostitueur en affirmant solennellement que le corps humain et la sexualité sont définitivement exclus du champ du marché et qu’en conséquence :

Nul ne peut tirer un profit quelconque de la prostitution d’autrui, ni organiser ou faciliter la marchandisation du corps humain et de la sexualité
Nul ne peut accéder au corps d’autrui et à sa sexualité ou obtenir un rapport sexuel contre une rémunération
Nul ne doit être réduit à vendre l’accès à son corps et à sa sexualité pour vivre et chacun a un droit effectif et opposable à ne pas être prostituéE

Mesures Ces trois principes doivent se traduire par l’adoption des mesures suivantes :

Interdiction de toutes les formes de proxénétisme
Interdiction de l’achat de tout acte sexuel
Mise en oeuvre de politiques d’alternatives à la prostitution et de programmes de sortie de la prostitution

De ces trois mesures principales découlent logiquement d’autres mesures indispensables telles que :

L’abrogation de toute forme de répression à l’encontre des personnes prostituées
La mise en oeuvre de politiques de prévention
Le développement de politiques d’éducation à l’égalité entre les filles/femmes et les garçons/hommes, à une sexualité respectueuse de l’autre et de son désir
La suppression de l’imposition des revenus des personnes prostituées

Achille

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Message  Achille Mar 17 Déc - 18:10


Ex-prostituée dans le Gard : "Faire semblant d’aimer ça... quand on en a encore la force"
KATHY HANIN
07/10/2013, 11 h 29 | Mis à jour le 08/10/2013, 08 h 39

Ex-prostituée, Laurence Noëlle est venue témoigner à Rochefort-du-Gard et dénoncer ces routes de la honte, comme la RN 100 dans le Gard, jalonnées de prostituées.

Le regard est clair et grave, le sourire lumineux, le rire fragile, au bord des larmes parfois, de ceux qui reviennent de loin, de ceux qui peuvent rire de tout. Même du pire. Chaque mot de Laurence Noëlle pèse une tonne pour elle qui évoque son douloureux passé de prostituée, comme pour le public venu l’écouter qui les reçoit comme un pavé en pleine figure. Dans un silence respectueux et sidéré.

"Ce qui se passe près de chez vous, sur la RN 100 où se prostituent des filles, c’est la honte. C’est de cette honte dont je suis venue vous parler..."

Laurence Noëlle tombée sur le trottoir à 17 ans après une enfance ruinée par une mère maltraitante et un beau-père incestueux a mis vingt-huit ans à sortir du silence pour enfin nommer l’innommable. Aujourd’hui formatrice en relations humaines, spécialisée dans la prévention des violences, elle témoigne inlassablement "parce que j’ai réussi à transcender ma honte et ma douleur. Mais je prends le risque qu’on me méprise. Depuis 2 600 ans que les prostituées existent, elles ont toujours été méprisées".

"Messieurs, en payant une prostituée, vous financez les mafias et le trafic de drogues"

Laurence Noëlle, ex-prostituée À travers son histoire singulière, c’est le sort de milliers de femmes qu’elle évoque, les mêmes mécanismes à l’œuvre qui poussent les filles dans la rue, "la misère affective, la précarité sociale, la peur", les mêmes conséquences dévastatrices pour leur santé, leur survie tout simplement.

Quand Laurence Noëlle fugue de chez elle en 1984, elle croise des rabatteurs, des types trop sympas pour être honnêtes mais elle ne se doute de rien. "J’avais 16 ans, j’étais une gamine qui crevait d’amour." Elle confond naïvement l’attention d’une mère maquerelle avec l’amour d’une mère qui lui a tant manqué. Le piège est refermé ! Elle se retrouve rue Saint-Denis, les trois huit de la prostitution dans un studio minable avec d’autres filles, paumées comme elle. "On monte, on descend, à tour de rôle, trente clients par nuit."

La voix se fissure. Laurence Noëlle prévient : "Les rescapés des camps de concentration préféraient se taire, comment dire l’indicible. Ce qui se passe avec une prostituée est à la limite du soutenable. Quand on paye pour disposer du corps d’une femme, c’est tout sauf de l’amour et la violence est toujours là “puisqu’on paye, on fait ce qu’on veut.”" Elle lit alors un extrait de son livre, comme pour mettre à distance une énumération crue, clinique et révulsante qu’on aimerait ne pas entendre de ce qu’elle a vécu. "On supporte l’insupportable sans pouvoir hurler de douleur. Pire, on doit faire semblant d’aimer ça... quand on en a encore la force."

On est très très loin de Pretty Woman se prélassant dans le bain moussant d’un hôtel de luxe. "À 18 ans, après deux ans dans la rue, j’étais un déchet humain. Je ne tenais encore debout que grâce à l’alcool et la coke."

C’est la voix bienveillante d’un bénévole du Nid au bout du fil "qui m’a sauvé la vie". Mais il lui faudra de longues années pour réapprendre à vivre normalement ou presque. Ne plus avoir peur ni se sentir sale tout le temps, retrouver doucement ce corps anesthésié, déserté psychiquement, pour survivre à ce qu’il subit, refermer cette blessure d’indignité qui vous ronge, évacuer les idées suicidaires. "Guérir de son passé, ce n’est pas l’oublier mais vivre avec..."
http://www.midilibre.fr/2013/10/07/la-prostitution-un-univers-impitoyable-de-violences,766659.php

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Message  Achille Mar 17 Déc - 18:12

Prostitution : la pénalisation des clients votée à l'Assemblée

LE MONDE | 26.11.2013 à 13h35 • Mis à jour le 04.12.2013 à 17h11 | Par Gaëlle Dupont

Les députés ont adopté par 268 voix contre 138, mercredi 4 décembre, la proposition de loi défendue par le gouvernement qui prévoit la pénalisation du client d'un montant de 1 500 euros. Avant d'entrer en vigueur, le texte devra cependant franchir l'étape du Sénat qui devrait l'examiner d'ici à fin juin.

Combien de personnes sont concernées par la prostitution ?

C’est le grand flou. Le nombre de prostituées est évalué entre 20 000 et 40 000. Le chiffre est contesté par le Syndicat du travail sexuel (Strass), qui relève qu’en Allemagne, il s’élève à 400 000. Les chiffres officiels français sont estimés à partir du nombre d’interpellations pour racolage et de victimes identifiées dans les affaires de proxénétisme. Ils intègrent une évaluation du nombre de prostituées passant leurs annonces sur Internet. Mais celle-ci est, de l’avis même des services de police, peu fiable, car cette activité, cachée et mobile, est très difficile à quantifier. Quelque 10 000 annonces différentes ont été comptabilisées sur une journée. Environ 15 % des prostitués seraient des hommes. Entre 12 % et 18 % des hommes auraient déjà payé pour du sexe.

Quelles mesures contre l’organisation de la prostitution ?

La proposition de loi prévoit que lorsque les sites Internet hébergés à l’étranger contreviennent à la loi française sur le proxénétisme et la traite, les fournisseurs d’accès devront empêcher l’accès à leurs services. Une mesure qui pose à la fois des questions de légitimité (sur le filtrage d’Internet) et de faisabilité.

Quelles mesures en faveur des prostituées ?

Le délit de racolage public, qu’il soit actif ou passif, est abrogé
. Selon l’Inspection générale des affaires sociales, cette disposition a accru la précarité des prostituées en les contraignant à se prostituer dans des zones éloignées. La police, en revanche, l’estimait utile pour lutter contre les troubles sur la voie publique, ainsi que pour prendre contact avec les prostituées et recueillir des renseignements sur leurs éventuels proxénètes.

Cependant, le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, a estimé, jeudi 14 novembre, devant la commission spéciale de l’Assemblée, qu’au vu des statistiques, ce délit n’avait pas eu de rôle significatif dans la lutte contre la traite.

Un fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées est créé
. Ses recettes seront constituées de crédits d’Etat, des recettes provenant d’affaires de proxénétisme démantelées et d’un prélèvement sur les amendes prévues pour les clients.

Un « parcours de sortie de la prostitution » est proposé aux femmes qui en font la demande auprès d’associations agréées (fixées par décret). Ces personnes bénéficieront d’une remise totale ou partielle d’impôts, de places en centres d’hébergement, etc
. L’objectif est de toucher plusieurs milliers de personnes par an. Le budget « en rapport avec cet effort » s’élèvera de 10 millions à 20 millions d’euros par an, selon la ministre des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem.

Une autorisation provisoire de séjour de six mois sera délivrée aux migrantes qui s’engagent dans le parcours de sortie de la prostitution. Jusqu’à présent, seules celles qui dénonçaient leur proxénète y avaient droit. Elles bénéficieront de l’allocation temporaire d’attente (336 euros par mois).

Quelles mesures contre les clients ?

L’achat de services sexuels, considéré comme une violence, devient hors la loi. Une peine de prison pour les clients récidivistes avait d’abord été envisagée, avant d’être écartée. S’ils sont pris en flagrant délit, les clients risqueront une amende de 1 500 euros, doublée en cas de récidive. Une peine complémentaire est créée, les stages de « sensibilisation aux conditions d’exercice de la prostitution ». L’objectif est de dissuader les réseaux de traite de s’installer en France et de faire évoluer les comportements.

Qui est pour, qui est contre ?

De nombreuses associations féministes (Osez le féminisme, l’Assemblée des femmes, le Collectif féministe contre le viol…), le mouvement du Nid, qui est présent sur le terrain et soutient la reconversion de prostituées, et la Fondation Scelles font campagne en faveur de la loi. Ils sont rassemblés dans le collectif Abolition 2012.

En revanche, le planning familial, le Strass, Act Up et plusieurs associations de soutien aux prostituées (Médecins du monde à Paris et à Nantes, Cabiria à Lyon, Grisélidis à Toulouse, les Amis du bus des femmes à Paris) sont opposés à la pénalisation des clients. Ils estiment que les prostituées de rue seront encore plus poussées dans la clandestinité.

Les forces de l’ordre, de leur côté, regrettent la suppression du délit de racolage et estiment que l’infraction de recours à la prostitution sera difficile à mettre en évidence, comme M. Valls lui-même l’a affirmé devant les parlementaires.

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Message  Achille Mar 17 Déc - 18:12

bébair a écrit:Dans Lutte Ouvrière de cette semaine

Loi sur la pénalisation des clients : on n'en a pas fini avec l'esclavage de la prostitution

Vendredi 29 novembre, les députés – plus exactement la vingtaine de députés qui avaient jugé bon de se déplacer pour l'occasion – ont entamé la discussion de la proposition de loi sur la prostitution.
Ils ont adopté l'article qui sanctionne les clients des prostituées. Si donc au terme des discussions la loi est adoptée, l'achat d'un acte sexuel, autrement dit l'achat du corps et de la dignité d'autrui, deviendra une infraction passible d'une contravention de 1 500 euros. Et, en cas de récidive, cette infraction se transformera en délit puni d'une amende de 3 750 euros. C'est bien le moins qui puisse être légalement décidé !
Les députés ont également – et c'est aussi la moindre des choses – abrogé le délit de racolage qui expose les prostituées à une double peine, ajoutant à la violence de la prostitution et à l'esclavage imposé par les proxénètes l'obligation de s'éloigner du coeur des villes, devenant ainsi plus vulnérables.
Car la prostitution est bien une violence, une des pires qui soit faite aux femmes. Il est évident que l'immense majorité, pour ne pas dire la totalité, des femmes qui se prostituent le font sous la contrainte. C'est bien la contrainte qui peut seule imposer à une femme de subir jusqu'à des dizaines de rapports sexuels quotidiens sans le moindre désir. C'est bien la violence, celle des trafiquants, celle de la misère économique, sociale et affective qui la contraint à vendre son corps comme une marchandise et lui impose cet esclavage.
Certains osent encore affirmer que les femmes se prostituent par choix. Mais, comme leur a rétorqué récemment Talisma Nasreen, « combien d'entre eux encourageraient leurs filles bien-aimées à se prostituer ? Les prostituées elles-mêmes ne le souhaitent pas à leurs filles. Elles rêvent désespérément de les scolariser pour qu'elles aient une éducation et un métier corrects. Elles n'ont pas décidé de devenir prostituée plutôt que médecin, ingénieure ou avocate. Leur « choix » est plus généralement celui de trouver suffisamment d'argent pour se nourrir et nourrir leurs enfants ». Même pour celles qui, s'affirmant « travailleuses du sexe », disent avoir choisi la prostitution, ce choix demeure dicté par la nécessité et ne justifie en rien l'esclavage subi par toutes les autres.
Reste qu'il ne suffit pas de prendre des mesures visant à dissuader les clients, il faut prévoir et dire comment les prostituées pourront alors continuer à vivre. Les parlementaires ont donc voté des « mesures d'accompagnement social et professionnel » pour les femmes qui voudront quitter la prostitution. Un « parcours de sortie » sera proposé à celles qui en feront la demande auprès d'associations agréées. Mais ils n'ont rien trouvé de plus à proposer aux femmes de nationalité étrangère qui s'engageraient dans ce parcours que la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour de six mois, et une allocation temporaire d'attente de 336 euros par mois. Pensent-ils vraiment que cela permette à des jeunes femmes, quotidiennement violentées parce qu'esclaves de réseaux mafieux, de sortir de ceux-ci ?
Que le recours à la prostitution soit considéré comme un délit et que le délit de racolage soit aboli, c'est le moins qu'on puisse attendre de la loi d'un pays qui se dit civilisé. Mais il faudrait bien autre chose que quelques aumônes transitoires pour que des femmes livrées à l'esclavage sexuel puissent au moins tenter d'en sortir et bien autre chose encore pour mettre en échec les réseaux mafieux vivant de la traite. Quant à faire disparaître la prostitution, il faudra d'abord construire une tout autre société, une société d'où aura disparu l'exploitation et, par voie de conséquence, l'inégalité sociale et l'inégalité des sexes.
Sophie GARGAN


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Message  Achille Mar 17 Déc - 18:13




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Message  Achille Mar 17 Déc - 18:17

la réponse de collectif Abolition 2012, composé de 57 associations de soutien aux personnes prostituées, de lutte contre les violences et de promotion de l'égalité :

1- La pénalisation des clients prostitueurs est la meilleure garantie de protection des personnes qui resteront dans la prostitution.
On entend souvent dire que la pénalisation des clients rendrait la prostitution cachée et mettrait ainsi en danger les personnes prostituées. La prostitution risquerait notamment de passer de la rue à Internet, ou en appartement ou encore en salons de massage... Ce raisonnement ne tient pas la route. Car la prostitution n'a ni lieu « dans la rue » ni «sur Internet ». « La rue » et « Internet » ne sont que des modalités d'entrée en contact du client avec la personne prostituée. L'acte prostitutionnel est lui TOUJOURS caché et la personne prostituée est donc TOUJOURS vulnérable. Les personnes que nous rencontrons nous le disent : au moment où elles montent dans la voiture du client, au moment où elles ouvrent la porte de leur appartement ou au moment où elles ouvrent la porte de la chambre de l'hôtel, elles se retrouvent toujours seules face au client, et potentiellement en danger. Or, dans ce face à face, lorsque le client sera déja en infraction par le simple fait d'avoir sollicité cet acte sexuel contre de l'argent, alors il lui sera beaucoup plus difficile d'imposer un acte sexuel sans préservatif ou d'imposer un acte sexuel que la personne refuse. Car la personne prostituée ne risquera aucune condamnation en situation de prostitution et que le client prostitueur pourra lui être dénoncé à tout moment. La pénalisation des clients permet donc de renforcer, en partie, la situation de la personne prostituée et de mettre fin à l'impunité dont abusent les clients prostitueurs pour imposer leur volonté au mépris des limites posées par les personnes prostituées.

2- « Prostitution cachée » ne signifie pas « prostituée vulnérable » dans un cadre institutionnel qui reconnaît et condamne la violence.
Le modèle suédois a supprimé la répression à l’encontre des personnes prostituées pour ne l’appliquer qu’aux clients prostitueurs et aux proxénètes. Les personnes prostituées bénéficient donc d’un statut de « personnes à protéger » car victimes d’un système de violence sexuelle. Contrairement à la situation dans d’autres pays dont la France, les policiers, magistrats et travailleurs sociaux suédois sont formés à les soutenir, à écouter leur parole et recevoir leurs plaintes. Le cadre institutionnel, parce qu’il qualifie et condamne la violence prostitutionnelle, offre donc une garantie de protection à toute personne prostituée qui le désire.
En conséquence, la personne prostituée, qui demeure dans la prostitution et qui choisit de l’exercer de façon cachée pour permettre à ses clients de ne pas être condamnée, peut à tout moment se rapprocher des pouvoirs publics pour être soutenue. A l’inverse, les personnes prostituées « visibles » dans les bordels hollandais dont les proxénètes sont des entrepreneurs reconnus, ne peuvent que très difficilement s’extraire d’un système où elles sont présumées consentantes et où leurs proxénètes sont des employeurs comme les autres.

3- La pénalisation des clients demeure la meilleure arme pour lutter contre le proxénétisme dont la seule motivation est de gagner de l’argent
Les proxénètes ne recherchent pas le crime pour le crime, mais le crime pour l’argent. Attaquer la demande de prostitution a un effet immédiat sur les profits des proxénètes. Les écoutes téléphoniques de la police suédoise le montrent sans ambiguïté : les réseaux internationaux de proxénétisme se détournent de la Suède car l’investissement y est moins rentable que dans d’autres pays.

4- Qui peut nous faire croire qu’un Etat qui ne considère pas la prostitution comme une violence en soi va mettre en place de véritables alternatives à la prostitution et des mesures de protection pour les personnes prostituées ?
Si la prostitution est un métier comme un autre, si l’achat d’un acte sexuel n’est pas une violence, alors pourquoi proposer des alternatives à la prostitution et des mesures de protection pour les personnes prostituées ? L’interdiction de tout achat d’un acte sexuel n’est qu’une mesure parmi d’autres mais elle est indispensable car elle qualifie et situe la violence prostitutionnelle et donc légitime les politiques d’alternatives, de protection et de prévention.

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Message  Achille Mar 17 Déc - 18:18

jeudi 28 novembre 2013

Prostitution : une affaire d’hommes ou la fraternité "des salauds"

par Lluís Rabell



Brandissant le mot d’ordre « Ne touchez pas à nos putes », le désormais fameux « Manifeste des 343 salauds » a suscité pas mal d’émoi, aussi bien en France que dans d’autres pays d’Europe. Le texte, qui atteint la hauteur intellectuelle d’un juron de taverne, ne mériterait guère que l’on s’y attarde si ce n’est que, quoique involontairement, il projette une lumière crue sur le débat social à propos de la prostitution. Un débat qui, bien souvent, est abordé sous un angle trompeur.

Le texte en question a tout au moins le mérite de prouver que la prostitution c’est bien une affaire d’hommes. Ni « le métier le plus ancien du monde », ni le « travail sexuel » que nous a révélé la postmodernité, ni la « stratégie de femme » que certains anthropologues ont cru déceler dans la prostitution. Historiquement, la prostitution a surtout été – et demeure plus que jamais sous l’ordre néolibéral du capitalisme mondialisé – un commerce entre hommes. La prostitution ce n’est pas une activité que réalisent ou « exercent » des femmes ; c’est plutôt ce que les hommes font d’elles lorsque, préalablement déshumanisées, objectivées et transformées en marchandise, ils accèdent à leur corps moyennant argent. Le langage courant nous induit en erreur. Les femmes ne « se prostituent » pas ; elles sont prostituées par des hommes. La prostitution fonctionne sur la base d’un continuum de violences, un enchaînement dans lequel des hommes conditionnent un certain nombre de femmes et les mettent à la disposition d’autres hommes.

Mais, à chaque pas, une légion d’irascibles défenseurs de la prostitution, très souvent financés aussi par les puissantes industries du sexe, contestent cette perception des choses. Invoquant une variété kaléidoscopique de situations, ils nous invitent à parler « des prostitutions ». Dénonçant les « abolitionnistes totalitaires », ils brandissent même « le droit des femmes à disposer de leur propre corps ». Tout est permis pour tenter de diluer le rôle déterminant des hommes, présent en amont et jusqu’aux dernières conséquences, dans le commerce sexuel. Ainsi, on nous demande sans cesse de bien distinguer entre prostitution « forcée » et prostitution « libre ». La première, condamnable, ne serait qu’une sorte d’épiphénomène, une réalité malencontreuse qui se produit dans les marges d’un légitime échange marchand – et dont la police, qui poursuit la traite, saura se charger. Les propos de nos 343 « salauds », qui partagent bien entendu cette distinction, nous ramènent cependant au monde des mortels.

Car, faut-il le rappeler, la « liberté de se prostituer » est exercée, dans une écrasante majorité, par des femmes. Et, curieusement aussi, la plupart du temps elles sont pauvres, procèdent de régions et de pays économiquement déprimés, appartiennent à des minorités ethniques ou à des peuples colonisés. Parmi elles sont fréquents les cas d’abus subis pendant l’enfance, ainsi que l’alcoolisme et l’addiction aux drogues. Dans ces conditions-là, l’évocation de la liberté n’a pas beaucoup de sens. Pire, elle ne fait qu’évacuer l’oppression de genre, social et raciale, omniprésente dans l’univers de la prostitution. Eh bien, c’est dans ce sens que les « salauds » certifient que, dans une société avec prostitution, il n’y a pas d’autre liberté que la leur.

Le terme « pute », misogyne par excellence, dont se gargarisent les « salauds » pour parler des femmes prostituées, représente bien plus qu’une insulte ou une grossièreté : c’est l’attribution d’une identité. Dans la fantaisie machiste, la « pute » est un être lubrique, en quelque sorte sous-humain, aussi désirable sexuellement que méprisable socialement. Mais, si nous admettons l’existence institutionnalisée de la prostitution, la « pute » devient la caractérisation de la femme tout court. Sous cette optique, une seule chose fait la différence entre les femmes prostituées et le reste : on connaît le tarif des prostituées, tandis que le prix des autres femmes n’a pas encore été fixé.

La prostitution constitue une pierre de voûte dans la construction de l’identité masculine sous les paramètres de la domination patriarcale – une découverte et une contribution décisive du féminisme à la pensée critique de l’humanité. Les « salauds » nous révèlent cette fonction de la prostitution dans la reproduction de cette domination-là lorsqu’ils revendiquent « leurs putes » indépendamment du fait qu’ils aillent les « voir » avec plus ou moins de fréquence… ou même pas du tout. Il ne s’agit pas, à proprement parler, de sexe – même si le sexe joue évidemment ici le rôle d’un vecteur -, mais bel et bien de pouvoir, de domination sur toutes les femmes. L’existence d’une « réserve » de femmes, sans cesse renouvelée et mise à la disposition du caprice des hommes, consacre donc la prééminence de ceux-ci sur l’ensemble de la société – bien au-delà des politiques en faveur de l’égalité entre les sexes auxquelles cette société puisse adhérer par ailleurs. Le fait que ce privilège est reconnu à tous les hommes contribue puissamment à forger une barbare solidarité virile, la fraternité des « salauds ».

La prostitution pose le débat sur la société dans laquelle nous vivons et sur les rapports humains auxquels nous aspirons. Lorsque, au terme de la sanglante guerre civile américaine, l’esclavage fut définitivement aboli, l’émancipation des populations noires des États du Sud a été fondée sur l’interdiction, faite à tout citoyen, de posséder, acheter ou vendre un autre être humain. Il est urgent d’aborder la question de la prostitution comme un défi de civilisation. Il en va du sort de millions de femmes et d’enfants, violentées et trafiquées dans le monde, justement parce que les « salauds » de la plupart des pays continuent d’exercer leur privilège ancestral. Il en va de la destinée de la démocratie elle-même, car elle ne saurait vraiment exister sur la base d’une pareille inégalité structurelle entre hommes et femmes. Il en va de la libération des femmes et de la nécessaire construction d’une nouvelle identité des hommes, forgée dans le respect et l’empathie et définitivement éloignée de la violence, toujours latente, qui émane d’un pouvoir de droit divin.

L’abolitionnisme féministe a raison lorsqu’il proclame qu’il n’y a pas des « putes », mais des femmes qui se trouvent en situation de prostitution. Des femmes auxquelles il est impératif de restituer leur dignité et leur condition de citoyennes, loin des stigmates qui leur collent à la peau aussi bien que des tentatives d’enchaîner ces femmes-là à une prostitution que certains nous promettent d’aseptiser. Les féministes socialistes suédoises nous l’ont rappelé maintes fois : un crime reste un crime au-delà du – prétendu – consentement de la victime. Il nous faut éduquer et prévenir. Il nous faut combattre les causes de la prostitution et les environnements qui la favorisent, poursuivre l’exploitation et démasquer les industries du sexe.

Mais, que ce soit par la conviction ou par la force de la loi et ses sanctions, il nous faut aussi en finir avec l’arrogance des « salauds ». La prostitution ne fait pas partie des droits de l’homme. Une société démocratique, par contre, se doit de proclamer et de rendre effectif le droit de tout être humain à ne pas être prostitué.

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Message  Achille Mar 17 Déc - 18:19

Les femmes étrangères rêveraient-elles de devenir "putes" ?

par Christine Le Doaré



En matière de prostitution, envahissantes sont les tribunes complaisantes écrites par des intellectuel-les ou des artistes appelé-es en renfort par le bruyant lobby de la prostitution.

Mais je crois qu’on peut décerner la palme de la tribune la plus inquiétante à Lilian Mathieu, sociologue et directeur de recherche au CNRS (« Avec le PS, la préférence nationale commencera-t-elle par le tapin ? »), publiée sur Rue89 ce mardi (1).

Associer PS et FN pour défendre le système « prostitueur » : à ma connaissance, personne n’y avait encore pensé.

D’archaïques privilèges masculins

Quelle objectivité peut bien avoir cet auteur sur cette question, alors qu’il tente de démontrer que la proposition de loi abolitionniste (2), déposée par la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale, s’apparente à l’idéologie du Front national ?

La loi bientôt à l’Assemblée

La proposition de loi pénalisant les clients a été enregistrée à l’Assemblée jeudi. Dans dix jours, une commission spéciale composée de 70 élus examinera le texte. Préparé et défendu (3) par la député PS de l’Essonne, Maud Olivier, ce texte établit l’entrée dans le Code pénal d’une nouvelle infraction de recours à la prostitution, passible d’une amende (de 1500 à 3000 euros). Il abroge le délit de racolage et comporte des mesures de traque sur Internet et d’accompagnement social des personnes prostituées.

Avec ce texte, les « réglementaristes » sont aux abois et doivent mobiliser leurs allié-es intellectuel-les, people et médiatiques. Dodo, Antoine, Frédéric, Lilian et les autres nous rappellent, les uns après les autres, que des hommes tiennent à leurs archaïques privilèges et s’accrochent dur comme fer, non au « plus vieux métier du monde » mais bien à la plus vieille et la plus sexiste exploitation : la prostitution.

Quelle superbe arnaque patriarcale tout de même que cet esclavage qui a la peau dure !

Il n’y a pas de droit à baiser

Lilian Mathieu sait pourtant qu’il n’y a pas plus de « droit à baiser » que de droit à l’enfant, même en payant. Il sait aussi que cette proposition est un progrès, qu’elle est respectueuse des personnes et qu’elle permettra d’avancer vers l’égalité, de mieux lutter contre le sexisme et les violences sexuelles.

Il sait également que la société tout entière à intérêt à abolir progressivement l’une des violences les plus préjudiciables que la domination masculine ait jamais imposée aux femmes, aux enfants et à quelques hommes.

Il ne peut ignorer que les réglementaristes font très peu de cas des femmes victimes de la prostitution, utilisées mais stigmatisées et méprisées par des générations d’hommes. En Allemagne ou aux Pays-Bas, leurs homologues ont, en légalisant le « travail du sexe », dépénalisé le proxénétisme et laissé les marchés criminels envahir le pays, au point de ne plus pouvoir rien contrôler.

Il sait enfin que les seules personnes combattant vraiment les violences d’un système « prostitueur » qui engrange d’énormes profits criminels sur le dos des femmes, ce sont bien les abolitionnistes. (Ces derniers et dernières militent pour l’interdiction du seul achat d’acte sexuel, mais aussi pour la dépénalisation du racolage – à ne pas confondre avec le régime prohibitionniste, qui interdit toute prostitution et pénalise clients comme prostitué-es.)

Si heureuses sous la coupe des réseaux !

Lilian Mathieu n’a guère d’arguments à opposer aux mesures proposées, mais son intention est ailleurs : il veut discréditer le projet.

Quoi de plus efficace que de prétendre que les prostitué-es venu-es de l’étranger seraient discriminé-es par cette loi, elles si heureuses d’être sous la coupe des réseaux !

Dans cette période politique plutôt trouble, un peu de surenchère populiste devrait passer inaperçue, et l’idéal, pour frapper les esprits, serait tout de même de parvenir à associer PS avec FN.

Premier artifice : jeter le doute sur le pourcentage de femmes étrangères en situation de prostitution (95% annoncés) pour mieux laisser croire que ce serait le ministère de l’Intérieur, motivé par la chasse aux sans papiers, qui aurait initié ce projet.

Je pense que toute la délégation au droit des femmes de l’Assemblée nationale et les abolitionnistes de tout bord vont apprécier cet argument !

Il devrait arpenter les lieux de prostitution

Si Lilian Mathieu arpentait, comme les associations qui s’intéressent aux personnes prostituées, les lieux de prostitution ou les sites de petites annonces Internet, il aurait constaté qu’elles sont dans leur écrasante majorité, et depuis déjà longtemps, des femmes étrangères.

Et que ces dernières sont exploitées par un proche ou un réseau, induites en erreur et conduites sur les lieux de prostitution pour exercer un moment avant d’être déplacées ailleurs. Que ce pourcentage soit de 85%, 90% ou 95% n’y change pas grand-chose.

Ensuite, il tente de réfuter l’évidence : l’oppression et l’exploitation des femmes ne relèveraient pas, selon lui, de la domination masculine. Vous l’ignoriez peut-être, mais les femmes étrangères prostituées sont venues s’échouer sur nos trottoirs de leur propre chef ! Contrairement aux hommes, qui rêvent de devenir géomètres, maçons, profs ou kinés, les femmes étrangères, elles, rêvent de devenir « putes ».

Les macs, les réseaux, la traite... : tout ça n’existe pas, pur fantasme féministe que ce système prostitueur !

Le patriarcat doit beaucoup à Lilian Mathieu

Pas de doute, Lilian Mathieu est un sociologue auquel le patriarcat doit beaucoup.

Au passage, il feint – c’est pratique – d’ignorer les différences entre les régimes réglementariste, abolitionniste et prohibitionniste. Surtout, il passe sous silence les mérites de l’abolition, qui, en inversant la charge pénale sur les clients, aide les prostitué-es à se défendre contre des clients violents. Les mesures d’éducation et de responsabilisation des clients aident à accéder progressivement à l’égalité et à une autre conception des relations entre femmes et hommes.

Malgré tout, Lilian Mathieu est contraint de reconnaître que le projet propose des mesures sociales aux personnes prostituées. Cette partie de la tribune est cependant embrouillée à dessein.

Selon lui, le fait de sortir des réseaux, de bénéficier d’une régularisation et de pouvoir exercer une autre activité constituerait une sévère injustice : ces pauvres femmes étrangères ne pourraient plus se prostituer, contrairement aux Françaises !

Mais dans quel monde vit donc Lilian Mathieu ?

Imagine-t-il vraiment que les femmes prisonnières de proxénètes ou de réseaux mafieux qui les exploitent choisiront de rester dans cette prison ? Sait-il ce qu’est un camp de dressage ? A-t-il la moindre idée des menaces qui pèsent sur ces femmes, qui s’acquittent le plus souvent d’une dette et dont la famille est menacée de mort au pays ?

Pense-t-il que les femmes françaises s’éclatent dans la prostitution ? Ignore-t-il que la plupart d’entre elles ont vécu des violences sexuelles ? Que des rapports sexuels répétés et sans aucun désir, la peur au ventre, occasionnent d’innombrables douleurs physiques et psychologiques ? Que toutes les femmes pour se prostituer se réfugient dans la dissociation ? (4)

Doute-t-il vraiment que l’écrasante majorité d’entre elles souhaite en sortir et ne plus jamais en entendre parler ? Les femmes doivent être de bien étranges créatures pour Lilian Mathieu !

La sexualité ne peut être soumise aux marchés financiers. L’esclavage sexuel, ni dans la conjugalité, ni dans la prostitution, n’est plus admissible. Enfin, le principe d’indisponibilité du corps humain doit être réaffirmé. Même le libéralisme ne peut tout vendre et tout acheter.

Il n’y a donc pas de « marché du sexe », ni de « travailleurs du sexe », mais un privilège patriarcal qui, à terme, disparaîtra, et des personnes victimes d’une exploitation et de violences sexuelles que cette proposition de loi vise à protéger.

Ces femmes ont été trompées, elles sont captives

Certes des femmes « françaises », dont beaucoup sont pauvres et « racisées », pourront continuer de se prostituer si elles le souhaitent, de moins en moins nombreuses et de moins en moins longtemps, nous l’espérons. Mais ce n’est en rien un privilège, et nous verrons bien combien feront le choix de continuer, alors que des alternatives et des aides leur seront proposées.

Quant aux femmes étrangères, si elles y sont encouragées, il y a fort à parier qu’elles dénonceront leur réseau et choisiront une alternative à la prostitution.

C’est bien mal connaître la réalité de la prostitution que de prétendre le contraire. Ces femmes ne sont pas venues sur nos trottoirs de leur plein gré, elles ont été trompées, elles sont captives (leurs papiers leur sont retirés), elles subissent des violences.

Ce texte démagogique et emprunt de populisme, produit par un sociologue censé encadrer des travaux de recherche, est inquiétant. Un sociologue n’est-il pas au moins supposé questionner les idées reçues sur la sexualité, les rapports sociaux de sexe, la domination masculine ?

Un bel exemple de supercherie intellectuelle

Le projet abolitionniste est un projet d’émancipation qui relève de la défense des droits humains et en particulier des droits des femmes ; défendre de manière aussi consternante un système d’exploitation et de domination qui a fait son temps n’honore pas l’université française.

Enfin, comme une cerise qui aurait eu le temps de pourrir sur un gâteau bien rassis, la chute de ce texte dangereux tombe. Les mesures proposées reviendraient « à appliquer sur le “ marché du sexe ”, la revendication du Front national : la préférence nationale réservant aux seuls nationaux une activité fermée aux étrangers » !

Oui, oui, vous avez bien lu ! Voilà ce qu’écrit un universitaire sollicité par le lobby pro-prostitution. Un bel exemple de supercherie intellectuelle.

Achille

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Système prostitueur vs abolitionnisme Empty Re: Système prostitueur vs abolitionnisme

Message  Achille Mar 17 Déc - 18:20

[quote]
La prostitution, parlons-en ! Arguments et contre-arguments.

Voici en traduction française la première partie d’une brochure que des féministes norvégiennes ont préparée à l’intention des personnes qui désirent comprendre les arguments et contre-arguments du débat sur la prostitution.

jeudi 1er août 2013

La prostitution, sexualisation du pouvoir
Arguments et contre-arguments

par le Front des Norvégiennes Kvinnefronten


Sommaire de la brochure
Présentation
Parlons de la prostitution
Rien n’est possible ?
Différentes sortes de prostitution
Nous et elles
La prostitution comme ‘travail du sexe’
Un libre choix ?
Les besoins des hommes
Le patriarcat
La législation
Stigmatisation des victimes, victimes et putains
La morale, de quoi parle-t-on ?
La sexualité
Postface
D’autres lectures

PRÉSENTATION

Avez-vous déjà eu l’impression de perdre pied dans une discussion sur la prostitution qui ne menait à rien ? L’impression de manquer d’arguments ? C’est une expérience que beaucoup d’entre nous connaissent.

Les discussions sur la prostitution tendent à ramener en surface des émotions fortes. Nous sommes beaucoup à trouver que c’est un sujet lourd, dans la mesure où la prostitution nous rejoint toutes et tous à un niveau personnel : elle concerne notre sexualité, notre perception de nous-mêmes et notre regard sur les autres. C’est pourquoi il est si important de nous soutenir ! En y réfléchissant ensemble, il est plus facile d’argumenter ensuite.

Des arguments qu’on entend souvent

Nous tentons avec cette brochure de regrouper les arguments les plus souvent entendus au sujet de la prostitution, dans l’espoir de vous aider à mener ces discussions. Mais souvenez-vous que vous conservez toujours le droit à votre opinion personnelle – même quand les mots vous manquent !

Aussi, ne croyez pas qu’il vous faut ‘gagner’ dans une discussion. La plupart des gens ne seront pas convaincu-e-s de cette façon. Avant de changer d’avis sur une question ou une autre, il nous faut d’habitude plusieurs échanges étalés dans le temps pour soupeser les arguments des autres.

C’est pourquoi il est important d’avoir souvent ces brefs échanges au quotidien.

Bonne chance, donc, et ne vous découragez pas !

Parlons de la prostitution

Le commerce du sexe n’a rien de nouveau. Il s’inscrit dans une longue histoire des diverses formes de violence et d’exploitation sexuelle, surtout envers les femmes et les enfants.

Mais le commerce du sexe a aussi évolué, comme le commerce en général. Tout dans le monde étant aujourd’hui industrialisé, le commerce du sexe est lui aussi devenu une industrie – une entreprise mondiale qui rapporte des milliards ; elle est en partie légale, mais souvent gérée par des organisations criminelles.

Aujourd’hui le commerce du sexe est l’une des industries des plus énormes et des plus lucratives au monde. Elle comprend la prostitution de rue, les bordels, les ‘salons de massage’, les clubs de strip-tease, la traite de personnes à des fins sexuelles, les lignes téléphoniques érotiques, la pornographie impliquant des enfants ou des adultes, l’achat d’épouses par correspondance et le ‘tourisme sexuel’ – pour ne citer qu’une partie des exemples les plus courants.

Oppression des femmes

Cette oppression est utile à garder à l’esprit quand on voit la façon dont certains propagandistes tentent de donner un vernis ‘glamour’ à la prostitution, la décrivant comme une activité sexuellement ‘libérée’, ou même comme un « droit des femmes à faire ce qu’elles veulent de leur corps » – un message amplement véhiculé dans les magazines, à la télé et sur Internet.

Ces chantres de la prostitution en parlent souvent comme si elle ne concernait qu’une femme et un homme individuels, à ce moment particulier, comme s’il et elle étaient isolés de tout et de tout le monde - bref, comme si la prostitution se produisait dans le vide, qu’elle n’était pas affectée par les normes de genre de la société et les structures de pouvoir constituant ce genre. Ils ne voient pas, ou ne veulent pas voir que la prostitution constitue une sexualisation du pouvoir. Un pouvoir basé sur le genre, un pouvoir basé sur la classe sociale, un pouvoir basé sur l’ethnicité.

Comme toutes choses, la prostitution s’inscrit dans un contexte. Et à son tour, la prostitution affecte la société, et notamment sa vision du genre.

Une tradition sexuelle puritaine

La prostitution tire son origine d’une tradition sexuelle puritaine, dans laquelle seule comptait la sexualité masculine. L’épouse, comme la « putain », étaient censées être à la disposition de l’homme hétérosexuel.

Le pré-requis de la prostitution, c’est la supposition que la personne que l’on prostitue ne veut pas avoir la relation sexuelle en cause. La prostitution est centrée sur la sexualité de l’acheteur. Celui-ci commande et paye ce qu’il veut faire, ou qu’on lui fasse. Il paye la personne prostituée pour qu’elle annihile sa propre sexualité. La raison même pour laquelle celle qui est prostituée obtient de l’argent, c’est que le ‘rapport sexuel’ qui a lieu dans la prostitution est exclusivement défini par l’acheteur.

Délinquants-prostitueurs et apologistes d’une prostitution-glamour

Pour parler des acheteurs de la prostitution nous écrirons occasionnellement « les michetons ». En général, pourtant, nous nous référerons à eux comme étant des « prostitueurs-délinquants ». Nous faisons ce choix pour souligner leur ressemblance avec d’autres délinquants sexuels. Nous ne voulons pas minimiser la gravité de ce qu’ils font.

Quant aux personnes qui banalisent et ‘glamourisent’ la prostitution et ses conséquences, et qui la décrivent comme du ‘travail du sexe’, nous les nommons conformément à leur activité réelle : celle d’apologistes de la prostitution.

Des hommes achètent des femmes

Nous employons aussi les mots « hommes » quand nous parlons des acheteurs, et « femmes » quand nous parlons de celles que l’on prostitue. Nous le faisons puisque, manifestement, la forme la plus courante de prostitution, en Suède comme dans le reste du monde, est l’achat de femmes par des hommes .

Il est difficile de savoir dans quelle mesure ils achètent aussi des enfants, parce qu’une part importante de la prostitution consiste en l’achat par des hommes d’adolescentes – qui ne sont généralement pas considérées comme des enfants, bien qu’elles le soient en fait.

Les hommes qui achètent des hommes sont de loin beaucoup moins nombreux, mais cette forme de prostitution vient en deuxième position. Dans ce cas de figure, il est tout aussi courant que les hommes achètent des enfants ou des adolescents. Enfin, l’achat d’hommes par des femmes est nettement moins courant ; et la forme de prostitution la plus exceptionnelle est l’achat de femmes par d’autres femmes. Mais toutes ces variantes existent.

Et nous sommes contre la prostitution sous toutes ses formes.

La plupart des hommes ne sont pas des délinquants-prostitueurs

Le fait d’appeler les délinquants-prostitueurs des « hommes » ne signifie aucunement, toutefois, que nous croyons que tous les hommes sont, ou souhaiteraient devenir, des délinquants-prostitueurs. Des études menées en Suède évaluent à un homme sur douze la proportion d’hommes à avoir prostitué des femmes. Cela signifie que la plupart des hommes ne sont pas des délinquants-prostitueurs.

Malgré cela, il y a vraiment trop peu d’hommes à s’opposer activement à la prostitution quand il leur arrive d’être entre amis ou collègues masculins.

Poursuivons la discussion

Quant à vous qui, au contraire, voulez avoir cette discussion, mais sentez que vous avez besoin de bonnes bases, vous trouverez, nous l’espérons, quelques bons points à faire valoir parmi les 49 arguments que nous avons assemblés dans ce texte !

LES ARGUMENTS COMMENCENT ICI !

On ne peut donc rien faire ?

Notre époque dit volontiers que rien ne vous est impossible en tant qu’individu-e-s ; mais dès qu’il est question de changements politiques, les gens vous disent soudain que l’on ne peut rien faire.

Comme si les choses étaient tout simplement comme ça. Comme si le « statu quo », la façon dont sont les choses actuellement, était le seul scénario possible – parce que c’est la nature humaine, parce que le marché l’exige, à cause de la mondialisation, ou pour quelque autre raison, selon l’occasion. Le monde est décrit comme prédestiné et impossible à changer.

Mais bien sûr, ce n’est pas vrai. Il y a presque toujours des alternatives. On peut changer le monde aujourd’hui comme on l’a toujours fait. L’histoire ne s’arrête pas aujourd’hui.

C’est pourquoi il convient de garder à l’esprit que ceux qui clament qu’une chose est immuable sont souvent ceux qui ne veulent pas qu’elle change.

Ce qui est important, c’est ce que vous voulez changer. Bien sûr, vous aurez sans doute besoin d’autres personnes qui veulent se battre pour la même chose que vous, si vous voulez réussir à changer quoi que ce soit. Mais c’est possible !

Puisque nous ne cessons d’entendre le contraire, il pourrait être utile de garder constamment à l’esprit que le monde est transformable, et que chacune et chacun de nous peut faire quelque chose en ce sens !

1. La prostitution a toujours existé (Sous-entendu : et donc elle existera toujours)

L’ESCLAVAGE aussi « a toujours existé », est-ce que cela le justifie ? Et si le cancer de la prostate a toujours existé, cela signifie-t-il que nous devions cesser de le traiter ? Le meurtre « a toujours existé », etc...

La question est de savoir si nous trouvons cela acceptable ou non. Et si nous ne trouvons pas cela correct, il est temps de penser à ce que nous pouvons faire pour changer les choses.

PAR LE PASSÉ, il était courant de battre les enfants pour leur inculquer la discipline. Grâce à la loi suédoise contre les violences envers les enfants, entre autres, beaucoup moins de Suédois-es battent leurs enfants de nos jours. Les gens ont changé leur façon de considérer les punitions corporelles. La violence contre les enfants existe toujours, mais plus il y a d’enfants qui échappent à cette souffrance, mieux cela vaut, n’est-ce pas ?

C’est ainsi que nous considérons la prostitution, le viol et la violence infligée aux femmes ; les lois ne peuvent pas faire disparaître l’oppression des femmes, mais elles peuvent avoir parfois une certaine efficacité. Moins il y a de femmes qui doivent souffrir, mieux c’est, n’est-ce pas ?

OU ALORS, ÊTES-VOUS EN TRAIN DE DIRE que les hommes hétérosexuels ont une tendance biologique ou génétique à exploiter sexuellement les femmes plutôt que de rechercher avec elles des échanges sexuels réciproques (ponctuels ou sur le long terme) ? Pour ma part, je n’ai pas une vision aussi pessimiste des hommes.

2. C’est le plus vieux métier du monde.

La prostitution n’est pas le plus vieux métier du monde, puisque la prostitution est une oppression. Si la prostitution était vraiment aussi ancienne que vous le dites, ce serait une des plus anciennes formes de violence sexualisée des hommes contre les femmes. Le plus vieux métier du monde, ce serait plutôt celui de chamane, chasseresse ou fermier. Ou, selon certaines, celui de sage-femme.

CHAQUE JOUR ET À CHAQUE MINUTE, d’innombrables femmes et enfants souffrent dans la prostitution. Le fait de minimiser leur souffrance en disant que « ça a toujours existé » ou que « c’est le plus vieux métier du monde » discrédite et banalise cette souffrance. C’est aussi une manière facile d’évacuer le problème et d’annoncer ‘Je ne ferai rien’ ».

À MES YEUX, il me semble plus probable que ce commentaire sur « le plus vieux métier du monde » est en réalité la plus vieille excuse du monde.

Y a-t-il ou non différentes sortes de prostitution ?

Certain-e-s parlent de la traite des personnes comme s’il s’agissait de quelque chose de complètement distinct de toutes les autres formes de prostitution. Mais les différentes formes de prostitution sont toutes basées sur le même principe : celui de l’achat par le prostitueur-délinquant de l’accès sexuel au corps d’une autre personne – pour l’utiliser de la façon pour laquelle il a payé.

L’acheteur est la base de toute prostitution. La prostitution existe parce que les délinquants-prostitueurs ont borné leur sexualité à une consommation à sens unique. Ils réclament le droit d’utiliser d’autres personnes, dont les besoins et les désirs sexuels sont ‘effacés’ par le paiement du délinquant.

Et toutes les formes de prostitution ont les mêmes effets sur le regard que la société porte sur l’ensemble des femmes.

3. Évidemment, je suis contre la traite – mais la prostitution ordinaire, c’est autre chose.

Comment cela ? Bien sûr, il y a des variations infinies – depuis le fait de recevoir ‘seulement’ quelques délinquants-prostitueurs par mois (dans quelque hôtel de luxe, peut-être), jusqu’à celles qui sont obligées de recevoir 15 michetons chaque nuit dans un bordel géré par un mac trafiquant – avec une foule de degrés entre ces deux situations. Mais le fait que le degré de souffrance ou de coercition varie ne change pas le phénomène lui-même : toute la prostitution demeure basée sur l’achat de l’accès sexuel à une personne et de son utilisation par un prostitueur-délinquant.

Le phénomène même de la prostitution est basé sur le principe que la personne qui satisfait le prostitueur-délinquant ne veut pas de sexe avec lui.

Le prostitueur-délinquant impose sa propre sexualité à quelqu’un d’autre, (mais il achète le fait de rester libre de toute responsabilité).

Voilà ce qu’est la prostitution.

4. Les filles sont piégées par la traite, mais en prostitution ordinaire, ce sont elles qui choisissent.

Non, ce n’est pas aussi simple. Cela se passe sûrement comme ça pour certaines femmes, piégées par les trafiquants qui leur promettent d’agréables emplois dans des bars ou ce type d’activité, mais d’autres savent qu’elles entrent dans la prostitution - même si on les piège souvent en leur mentant sur la cadence à laquelle on va les utiliser et sur les montants qu’elles gagneront. Mais beaucoup de filles sont aussi piégées dans la prostitution ‘ordinaire’.

De sorte que la distinction que vous faites n’existe pas vraiment.

De plus, l’idée du ‘libre choix’ est loin d’être aussi simple non plus.

5. La traite des personnes pour le travail est un problème bien pire ; la traite à des fins sexuelles est moins répandue.

Non, c’est un mythe. Bien entendu, on ne peut connaître les chiffres exacts, mais un rapport rédigé à l’ONU en 2009 indique qu’environ 79% de l’ensemble de la traite des personnes l’est à des fins sexuelles. Ce rapport couvre 155 pays.

Pour les victimes, la traite de personnes à des fins sexuelles peut inclure l’isolement forcé, les menaces, les humiliations, la violence psychologique, la manipulation, les coups, le viol, la torture et des agressions quotidiennes. Cette violence entraîne des dommages psychologiques et physiques, et peut progresser jusqu’au meurtre.

Ce qui rend surtout la prostitution – et particulièrement la traite – difficiles à vivre pour les victimes est la répétition constante de ces violences, par opposition à la souffrance d’une expérience traumatisante unique.

6. La plupart des hommes ne veulent pas réellement acheter du sexe d’une femme qui n’est pas intéressée.

Il y a une différence entre ce qu’ils disent et ce qu’ils font. Croire que les hommes ne veulent pas ‘acheter du sexe’ d’une personne qui est forcée à se prostituer est bien naïf, dit Natasja Tenjeva, une Russe qui a été victime de la traite des personnes en Suède. « Les hommes fermaient simplement les yeux sur ma détresse, dit-elle, parce que c’était plus facile. Parce que, s’ils avaient été forcés de prendre conscience de la souffrance qu’ils causaient par leurs actions, ils auraient aussi dû admettre leur culpabilité. »

Certaines victimes de la traite en ont témoigné : elles ont dit à leurs acheteurs avant la ‘passe’ qu’elles étaient victimes de la traite, mais les délinquants-prostitueurs ont quand même continué.

Dans une étude commandée par le gouvernement suédois, des délinquants-prostitueurs ont prétendu qu’ils n’achèteraient jamais une personne victime de la traite. Beaucoup d’entre eux l’ont quand même fait, parfois parce qu’ils ne voyaient pas la différence, et parfois en toute connaissance de cause. Quand on leur a demandé pourquoi ils l’avaient fait en dépit de ce qu’ils avaient dit, les délinquants-prostitueurs ont donné des réponses comme : « J’étais vraiment trop excité » et « Ça s’est fait tellement vite ».

Mais croyez-vous vraiment qu’un homme qui se ‘limiterait’ à l’accès tarifé à des filles qui (croit-il) ne sont pas victimes de la traite, serait mieux ? La prostitution est en soi le fait pour le délinquant de payer pour un ‘rapport’ sexuel avec quelqu’un qui ne veut pas avoir de rapport sexuel avec lui.

À mon avis, cet homme semble vouloir se dédouaner de sa responsabilité en se comparant aux délinquants-prostitueurs légèrement pires que lui.

NOUS ET EUX

La prostitution est affaire de pouvoir sexualisé ; et en conséquence, nos idées sur la prostitution dépendent du groupe auquel nous nous identifions : celui des michetons ou celui de la personne qui est prostituée.

Pour arriver à être d’accord avec les délinquants-prostitueurs, il faut d’abord prendre ses distances – consciemment ou inconsciemment – de la personne qui est utilisée. Plusieurs apologistes de la prostitution ont employé en Suède l’argument que les femmes de la classe ouvrière ont une « relation plus instrumentale avec leur corps » que les femmes de la classe moyenne – de sorte que la prostitution signifie quelque chose de différent chez ‘ces femmes-là’.

Et beaucoup de gens essaient d’expliquer le fait que les hommes occidentaux se servent des femmes asiatiques dans le tourisme prostitutionnel en affirmant que les Asiatiques – « elles » – sont ‘différentes’ des Suédoises.

De tels commentaires expriment, bien sûr, du mépris de classe et du racisme.

Ce ne sont pas nos traits physiques qui déterminent lesquelles d’entre nous se retrouveront à être prostituées. Ce sont nos circonstances de naissance et de vie.

7. Ces prostituées sont probablement des nymphomanes...

S’il existe réellement des nymphomanes, c’est-à-dire des femmes ayant un tempérament sexuel extrême, ne serait-il pas plus logique de penser qu’elles iraient à la recherche de quelqu’un qui pourrait les satisfaire, elles ?

N’est-il pas assez illogique de penser que celles qui ont un tempérament sexuel très vigoureux souhaiteraient s’engager dans un compromis basé sur l’oubli de leurs propres besoins sexuels pour se concentrer plutôt sur ceux de l’homme qui les paie ?

8. Les Asiatiques sont pauvres et, grâce au tourisme sexuel, elles peuvent au moins gagner un peu d’argent.

Les Asiatiques ne devraient-elles pas avoir le droit à une vie normale sans devoir sucer la bite de riches touristes occidentaux ? Il me semble que ce que vous dites ressemble beaucoup à du vieux colonialisme réactionnaire.

Ce sont les macs et l’industrie du tourisme qui profitent des femmes pauvres en les prostituant, par exemple en Thaïlande. Mais cet argent ne sert ni les femmes ni leurs pays. Au contraire, il crée une dépendance par rapport à l’Occident, par rapport aux délinquants-prostitueurs, et il maintient ces pays dans la pauvreté au lieu de donner aux gens une chance de se développer.

Je suis contre la prostitution non seulement parce qu’elle est une oppression des femmes, mais aussi parce qu’elle est une oppression raciste et impérialiste.

La prostitution comme ‘travail du sexe’

Ceux et celles qui s’opposent à la loi suédoise contre la prostitution disent que le problème vient du fait qu’on ne la considère pas comme une profession, c’est-à-dire le ‘travail du sexe’. Si c’était le cas, les femmes prostituées paieraient censément des impôts et auraient la sécurité sociale et d’autres droits sociaux. La stigmatisation des prostituées disparaîtrait aussi, affirment ces apologistes. Mais ils et elles parlent rarement du fonctionnement des pays où la loi proclame que la sexualité doit être considérée comme du ‘travail du sexe’, par exemple. C’est le cas de l’Allemagne depuis 2001.

Une solution temporaire

Une évaluation de la loi allemande effectuée cinq ans après son adoption a indiqué que seulement 1% des prostituées interrogées avaient un contrat de travail comme ‘travailleuse du sexe’. Deux ou 3% de plus avaient une assurance-maladie en tant que travailleuses indépendantes. La plupart ne voulaient pas de contrat de travail. Quand on leur a demandé pourquoi, la plupart d’entre elles ont répondu qu’elles voyaient la prostitution comme une solution temporaire à une condition financière impossible, et comme une situation dont elles voulaient se sortir.

Beaucoup s’inquiétaient aussi qu’un contrat de travail leur interdise de prendre des décisions personnelles, comme de refuser certains michetons ou certaines de leurs demandes. Ou d’avoir à recevoir plus d’entre eux qu’elles ne le pourraient.

Quand la prostitution est décrite comme du ’travail du sexe’, ce sont les délinquants-prostitueurs – les michetons, les proxénètes et les trafiquants d’êtres humains – qui applaudissent. Car quand la prostitution est décrite comme un échange de ‘biens’ ou de ‘services’, ses structures de pouvoir sont rendues invisibles.

9. Tout travail payé est de l’esclavage.

La différence n’est pas grande entre vendre son corps au travail dans une mine et le vendre dans la prostitution.

En tant qu’homme (car, en général, ce sont les hommes de gauche qui utilisent cet argument !), ne voyez-vous vraiment pas de différence entre travailler dans une mine et masturber votre patron ? Ou entre une femme qui vient nettoyer votre bureau et une autre qui vient vous faire une pipe ? Vous, je ne sais pas, mais moi, si !

Pensez à ce qui se passe vraiment dans la prostitution : il s’agit d’un homme qui impose sa sexualité à une femme, sans considérer la sienne propre ; en d’autres circonstances, cela serait considéré comme du harcèlement, de l’abus sexuel ou du viol. L’idée, bien sûr, c’est que l’argent transformerait cette oppression sexualisée en ‘travail du sexe’. Comment se peut-il, par ailleurs, que les mêmes actions sexualisées que les filles et les femmes combattent, et les mêmes actions que les lois considèrent comme du harcèlement ou de l’abus sexuel, soient soudain considérées comme du ‘travail’ ?

Comment pourrait-on justifier le combat unitaire pour le droit de ne pas souffrir de harcèlement sexuel et de violence au travail, si de tels abus sont vus occasionnellement comme un ‘métier’ ?

Peut-être devriez-vous essayer une nouvelle façon de voir la chose : ils ont nos corps, mais ils ne vont pas se mêler de notre désir !

10. Vendre du sexe n’est pas plus bizarre que de vendre des services comme des massages ou des soins pour les pieds.

Mais si, c’est différent ! À un emploi, on vend sa capacité de travail, mais la prostitution a aussi des conséquences pour notre sexualité. Tout romantisme mis à part, il est aisé de voir que notre sexualité est partie intégrante de notre personnalité. Nos rencontres et nos ruptures, nos expériences sexuelles précédentes, au fur et à mesure que nous les vivons, s’intègrent à notre personnalité. Pour la femme qui est prostituée, la prostitution devient aussi partie intégrante de sa personnalité – même en essayant de la considérer comme quelque chose d’extérieur au cours de ces expériences. C’est pourquoi tant de femmes dans la prostitution parlent plus tard d’une division de leur identité, comme si une rupture s’opérait pendant cette expérience. Beaucoup s’habituent à écarter leurs propres sentiments pendant la prostitution, mais elles remarquent qu’il est difficile par la suite de s’y reconnecter à volonté. La prostitution n’a rien à voir avec un métier.

Et pour les acheteurs de prostitution non plus, il ne s’agit pas d’un achat, dans la mesure où la sexualité de l’homme est aussi affectée. Comme sa vision des femmes en général. Ce n’est sûrement pas une coïncidence si le harcèlement sexuel des filles et des femmes dans le quartier chaud d’Amsterdam est plus fréquent qu’ailleurs.

11. Les prostituées elles-mêmes veulent que l’on considère la prostitution comme du ‘travail du sexe’.

Vraiment ? Ou ne serait-ce pas plutôt le fait de quelques blogueurs/ses ici ou là, encensé-e-s par les médias, prétendant parler pour les autres, en disant toujours ‘nous les prostituées’ ?

Savez-vous que dans les pays où la loi a été transformée et où la prostitution est vue comme du ‘travail du sexe’, la majorité des femmes prostituées n’étaient pas d’accord sur ce point, comme le montre clairement, par exemple, l’évaluation de la loi allemande ? Si l’on prend la prostitution dans son ensemble, combien, à votre avis, parmi toutes les personnes achetées dans la prostitution, souhaitent-elles que l’on considère la prostitution comme un travail ? Et si c’était vous, le feriez-vous ?

12. Les syndicats de ‘travailleurs-ses du sexe’ veulent qu’on les considère comme des travailleurs-ses

Quels syndicats ? Ces organisations, qui se sont qualifiées de ‘syndicats’ pour femmes prostituées, n’ont jusqu’ici pas été de vrais syndicats, c’est-à-dire des organisations « orientées et financées par leurs membres et dont les actions interpellent leurs employeurs ».

Par contre, des groupes de pression pour la légalisation de la prostitution, habituellement composés de proxénètes et d’autres personnes qui souhaitent voir la prostitution bien considérée, se sont eux-mêmes qualifiés de « syndicats des ‘travailleurs du sexe’ » pour amener les gens à considérer la prostitution comme du ‘travail’.

Si vous hésitez au sujet de tels ‘syndicats’, alors essayez de vous demander quel genre de travail syndical ils font, et qui interpellent-ils ?

Par ailleurs, les véritables organisations de soutien aux femmes prostituées ne se désignent généralement pas comme des ‘syndicats’. Et la plupart des femmes prostituées ne veulent pas que la prostitution soit considérée comme un ‘travail du sexe’.

13. Mais si vous n’êtes pas une prostituée, en quoi leur activité pourrait-elle bien vous concerner, VOUS ?

Bien sûr que cela « me concerne » ! Vivre dans une société où les femmes sont à vendre affecte les valeurs de tout le monde. La façon dont la société considère la prostitution a également des répercussions dans notre vie de tous les jours. C’est particulièrement visible dans des pays qui ont des lois comme celles de l’Allemagne.

Si la prostitution est considérée comme du ‘travail’, elle s’intègre à la publicité des journaux ; l’entreprise où vous travaillez reçoit des offres de ‘surprises’ pour ses activités de loisir ; vous avez des coupons-rabais de bordels dans votre boîte aux lettres et des affiches collées sur les arrêts de bus, etc.

Comprendre cela, ce n’est pas avoir une vision ‘coincée’ de la sexualité, ni en faire un scénario cauchemardesque. C’est analyser ce que l’idée de la prostitution comme ‘travail du sexe’ engendre dans la pratique.

Considérez ce que cela signifierait dans notre vie quotidienne, par exemple, pour des professions comme les assistantes à la personne ou les employées de maison. Devraient-elles s’occuper des achats masculins de prostitution, comme c’est le cas en Hollande ?

Si la prostitution est vue comme une profession, les parents devraient-ils laisser leurs filles faire un stage d’été dans cette industrie ? Si la prostitution est vue comme une profession, les agences pour l’emploi devraient-elles refuser les indemnités de chômage à celles qui n’accepteraient pas d’en faire ?

Si vos réponses à ces questions sont ‘non’, c’est que vous ne pensez pas vraiment que la prostitution soit une profession.

14. Mais si une fille veut éviter de se dévaloriser dans un travail sous-payé alors qu’elle peut gagner plus comme ‘escorte’, pourquoi ne pourrait-elle pas choisir ça ?

Eh bien, je vois que vous ne demandez pas ce qui l’empêcherait d’abandonner un emploi de PDG d’une compagnie d’import-export, d’agent immobilier, de dentiste ou une profession similaire pour aller plutôt tailler des pipes à un homme qui le lui commande ? Si la prostitution est si agréable, pourquoi ce ‘travail’ est-il proposé à celles d’entre nous qui ont le moins de choix pour gagner leur vie ? À la fois dans le monde industriel et dans les pays en voie de développement, ce sont surtout les filles et les femmes pauvres - qui souffrent simultanément de l’oppression de classe et du racisme - qui sont utilisées dans la prostitution.

UN VRAI CHOIX LIBRE ?

Les questions de libre arbitre, de participation volontaire et de liberté de choix sont toujours difficiles à démêler. Le fait que nous avons choisi quelque chose ne nous apprend en rien si ce choix était bon ou non. Tout dépend des situations parmi lesquelles on choisit, c’est-à-dire de quelles alternatives nous avons ou nous voyons.

Des études portant sur la prostitution ‘ordinaire’ montrent que pratiquement toutes les femmes qui sont en prostitution la considèrent comme une solution temporaire, généralement pour résoudre une situation financière difficile, mais que c’est aussi souvent l’expression d’une forme d’autodestruction, à la suite d’expériences pénibles. Le choix d’une personne n’exprime pas automatiquement ce qu’elle ‘veut’, même si c’est elle qui le ‘choisit’.

De plus, la grande majorité de l’ensemble des personnes utilisées dans la prostitution sont pauvres, sans abri, ou ont subi d’autres formes d’abus sexuels avant la prostitution.

Les Droits humains – c’est aussi pour les femmes ? Mais même si quelqu’un-e souhaite réellement être prostitué-e, quelles qu’en soient les circonstances, la prostitution va bien au-delà de son choix personnel.

La prostitution est une oppression mondiale. Le fait que les hommes peuvent acheter des femmes est un élément du système patriarcal qui est à la base de notre société. Et notre lutte contre la prostitution concerne les droits humains des femmes.

Et les hommes ?

De même, toute cette question du ‘libre choix’ est toujours posée en ce qui concerne la femme, celle que l’on prostitue.

Mais qu’en est-il du choix des hommes d’utiliser des femmes dans la prostitution ?

15. Une femme devrait pouvoir choisir ce qu’elle fait de son corps et de sa propre sexualité.

Bien sûr, c’est une vieille assertion féministe ! Mais la prostitution n’est pas une question de droits des femmes, c’est tout le contraire ! Dans la prostitution, une femme ‘choisit’ de s’abstenir de son propre plaisir sexuel – pour se prêter plutôt à la sexualité de l’homme.

Le prostitueur-délinquant ne se préoccupe pas en général de savoir ce que veut celle qu’il a payée. (Voir point 6.) Celui qui paie pour du sexe paie pour obtenir un « oui ». Il paie une femme pour qu’elle n’ait du plaisir que si lui le souhaite, lui dictant quand il veut qu’elle jouisse et comment il le veut – et l’a payée et lui a ordonné de le faire.

Et qu’arrive-t-il aux droits humains des femmes dans une société où les femmes peuvent être achetées ?

16. Si vous êtes contre la prostitution, vous essayez d’enlever leur libre choix à des femmes adultes.

Qu’est-ce qu’un libre choix ? La liberté n’est pas quelque chose de simple. Elle dépend de notre lieu de naissance, de nos parents, et surtout, des possibilités réelles dont on dispose. Choisir la prostitution est en général un choix aussi libre que le ‘choix’ d’être pauvre. L’auteure suédoise Louise Eek a écrit que le caractère prétendument volontaire de la prostitution est à géométrie variable. Qu’en pensez-vous ?

Plusieurs études internationales montrent que la majorité de l’ensemble des personnes achetées dans la prostitution ont subi de la maltraitance sexuelle dans l’enfance. Une étude suédoise menée auprès d’adolescent-e-s a établi que parmi celles et ceux qui avaient connu des expériences de ‘sexe avec récompense’, presque 89% avaient subi d’autres sortes d’abus sexuels avant la prostitution.

Des études internationales établissent que l’âge le plus courant pour entrer dans la prostitution est le début de l’adolescence, autour de 14 ans. Ce fait est confirmé par l’Unité Prostitution du Service de police de Stockholm.

Pour moi tout ce débat autour de prétendus choix libres et des ‘joies de la prostitution’ est particulièrement pénible, quand je constate que cette prostitution dite librement choisie est souvent faite de tout sauf de choix libres pour des enfants ou des jeunes ayant subi des abus sexuels dans l’enfance.

Et dans une perspective plus large, le ‘choix’ de la prostitution par des femmes et des filles s’effectue sur fond de pauvreté – aussi bien celle des personnes que des pays.

17. Qu’est-ce qu’ils ont à toujours parler de la ‘happy hooker’, des ‘joies de la prostitution’ ? Les vendeuses ou les infirmières ne sont pas joyeuses tout le temps non plus !

Je crois que vous ne comprenez pas ce que les gens veulent dire quand ils parlent de ‘happy hooker’ (putain joyeuse). Personne ne dit que les prostituées se réjouissent du matin au soir, ou qu’elles sont plus joyeuses que d’autres femmes.

La ‘happy hooker’ est un vieux symbole et, de nos jours, une expression qui résume la façon dont les apologistes de la prostitution (surtout dans les médias) montent en épingle certaines individues triées sur le volet, prêtes à dire que la prostitution est quelque chose d’entièrement positif pour elles – mais sans souffler mot de tous ses aspects négatifs.

18. Mais j’ai entendu parler d’une fille qui est contente d’être prostituée.

Croyez-vous vraiment que toute l’analyse sociétale de la prostitution est réduite à néant dès qu’une seule fille ou femme prétend aimer être prostituée ?

Peu importe qu’une personne en soit plus ou moins satisfaite, la prostitution demeure ce qu’elle est : c’est le fait d’un prostitueur-délinquant qui achète l’accès sexuel à un autre être humain ; qui paie celle (ou celui) qu’il prostitue en effaçant sa propre sexualité ; qui paie pour transformer un non en un oui.

Difficile aussi pour moi d’ignorer que parmi les femmes ayant quitté la prostitution, nombreuses sont celles qui reconnaissent avoir tenu des propos similaires quand elles y étaient, parce que c’était pour elles une façon de composer avec cette vie.

Mais même si une femme aimait réellement la prostitution, elle pourrait peut-être envisager de ne pas s’y livrer, par égard pour la majorité de celles qui en souffrent, par respect pour les droits des femmes, et au nom de la lutte en faveur de l’égalité des sexes.

Enfin, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur la fréquence de cet argument parmi les gars et les hommes qui parlent si souvent de la prostitution comme d’un « droit des femmes au libre choix », mais qui parlent si rarement des propriétaires de bordels, des proxénètes et des prostitueurs. Pourquoi ne parlent-ils jamais du choix des hommes ?

19. La prostitution est un accord entre deux individus – et cela ne regarde aucunement le gouvernement.

D’accord, alors ignorons le fait que vous ‘oubliez’ les propriétaires de bordels et les proxénètes quand vous dites cela... Mais malgré tout, ces personnes ne sont pas des cas uniques, n’est-ce pas ?... En ce moment même, quantités d’autres personnes ‘signent’ de semblables ‘contrats individuels’, dans le monde entier. Et la majorité de ces ‘contrats’ concernent l’achat d’un accès sexuel au corps de femmes.

Ne croyez-vous pas que les ressemblances entre ces millions de ‘contrats individuels’ partout dans le monde peuvent susciter une remise en question ?

Parlons sérieusement, la prostitution n’est pas un accord totalement indépendant entre deux personnes ; je préfèrerais discuter des causes de la prostitution, et de ses conséquences. (...)

Achille

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Système prostitueur vs abolitionnisme Empty Re: Système prostitueur vs abolitionnisme

Message  Achille Mar 17 Déc - 18:21

[quote]
dimanche 15 septembre 2013

Comprendre la prostitution dans l’ensemble des structures de pouvoir fondées sur le genre
Arguments et contre-arguments


par le Front des Norvégiennes Kvinnefronten

Voici la deuxième partie d’une brochure que des féministes norvégiennes ont préparée à l’intention des personnes qui désirent comprendre les arguments et contre-arguments du débat sur la prostitution.

LES ‘BESOINS’ DES HOMMES

Les apologistes de la prostitution ont tendance à parler des « choix libres des femmes ». Mais on entend parfois dire aussi que la prostitution doit exister pour le bien d’autres personnes : pour les hommes isolés, les hommes handicapés, les hommes dont l’épouse ne veut pas de rapports sexuels, pour que d’autres femmes ne soient pas violées, et ainsi de suite.

20. Mais pensez à tous ces pauvres solitaires !

Vous pensez aux vieilles dames esseulées ? Comme les femmes âgées vivent plus longtemps que les hommes, ne seraient-ce pas elles qui, à ce compte, auraient besoin de jeunes hommes prostitués ?

Oh, mais ce n’est pas la question, n’est-ce pas ? Après tout, l’essentiel de la prostitution concerne des hommes, qui achètent leur accès à des femmes plus jeunes.

Dans la vraie vie, le délinquant-prostitueur moyen est habituellement un homme marié ou en rapport de couple stable ; beaucoup d’entre eux ont aussi des enfants. Une étude anglo-américaine sur la vie sexuelle des prostitueurs montre que beaucoup d’entre eux ont connu plus de rapports sexuels ‘ordinaires’ que la moyenne. Donc les « pauvres hommes solitaires » ne sont qu’une minorité. (1)

Par ailleurs, le sexe avec d’autres personnes n’est pas un droit humain. Non plus que les relations avec les autres. Et surtout, l’utilisation sexuelle des autres n’est en rien un droit de la personne.

Pourquoi les hommes seuls n’apprennent-ils pas simplement à faire ce que font les femmes seules – se masturber ?

21. Mais pensez à tous les handicapés !

De qui parlons-nous cette fois-ci ? Encore des hommes, n’est-ce pas ? Il est rare que le ‘droit’ des femmes handicapées à utiliser des hommes prostitués soit ce que défend cet argument.

En fait, votre commentaire est plutôt méprisant pour l’ensemble des personnes handicapées. Pourquoi les hommes handicapés voudraient-ils plus que d’autres exploiter les femmes ? Ils veulent, comme tout le monde, un échange sexuel avec quelqu’un qui les désire. Se pourrait-il que vous ayez l’impression que personne ne peut trouver attirante une personne handicapée ? Si c’est le cas, il faudrait revoir l’idée que vous vous faites des gens...

La plupart des délinquants-prostitueurs sont des hommes non handicapés. Il est assez grossier de se servir des handicapés comme alibi pour légitimer des actes qui sont habituellement commis par des hommes valides.

Si vous-même avez un handicap qui vous gêne dans votre sexualité, vous devriez bien sûr avoir le droit d’utiliser des appareils qui facilitent votre jouissance ou vos relations sexuelles avec un·e partenaire. Mais pas plus qu’un autre, vous n’avez le droit d’acheter le corps de quelqu’un d’autre pour votre satisfaction personnelle.

Bien sûr que je pense aux handicapé·e·s ! Je sais notamment qu’il est assez courant que des filles et des femmes handicapées soient utilisées dans la prostitution. Je trouve que vous devriez aussi penser vous aussi à leur bien-être !

22. Eh bien, il vaut mieux que les hommes fréquentent les prostituées que de les voir violer des femmes !

Le viol et la prostitution relevant de la même dynamique, je suis de prime abord d’accord avec vous ! Le viol et la prostitution sont tous deux fondés sur la sexualisation du pouvoir de genre : le pouvoir des hommes et la subordination des femmes sont transformées en quelque chose de ‘sexy’, quelque chose qui sert à susciter une excitation.

C’est justement pourquoi je ne pense pas que les violeurs arrêteraient de violer s’ils utilisaient des femmes prostituées. C’est le contraire qui me semble vrai. Dans le viol comme dans la prostitution, c’est exactement la même vision des femmes : un homme exploite une femme pour satisfaire sa sexualité à lui – sa volonté et son désir à elle lui sont soumis. C’est une attitude d’agresseur, pour qui les hommes ont droit au corps des femmes. Je dirais que le risque, si on en légitime la prostitution, c’est de renforcer l’incidence du viol.

Mais de toutes manières, ce ne serait pas très sympathique ou solidaire envers nos sœurs que de détourner les violeurs vers d’autres femmes – surtout des filles et des femmes qui sont en situation particulièrement vulnérable.

LE PATRIARCAT

Les apologistes de la prostitution tentent habituellement de ramener tout débat à un niveau individuel, pour ne parler que d’une personne ou d’une situation particulière. De cette manière il est plus difficile de percevoir l’oppression – pour comprendre une situation d’oppression, il faut y observer des ‘patterns’, ou lignes de force.

Ce principe est valable pour toutes les formes d’oppression. Ce n’est pas un hasard si les personnes avec des noms aux sonorités étrangères éprouvent plus de difficulté à trouver du travail, même si c’est impossible à prouver à l’étude d’un cas individuel. Pour voir le racisme au quotidien, il faut regarder à la fois les exemples individuels et le tableau d’ensemble – il faut voir si les incidents particuliers reflètent des lignes de force.

Les coïncidences systémiques

Quand nous réagissons à un exemple donné d’oppression des femmes, il est courant d’évacuer le problème en parlant d’une coïncidence. Pour dissiper cet écran de fumée, la féministe norvégienne Kjersti Ericsson a créé l’expression « coïncidences systémiques ». Si nous les rassemblons, toutes ces coïncidences de situations d’oppression forment un modèle social de traitement différencié des garçons et des filles, des hommes et des femmes en fonction de leur sexe – ils et elles reçoivent plus ou moins de pouvoir selon leur sexe.

C’est pourquoi nous ne pouvons comprendre la prostitution sans la relier à toutes les autres formes d’oppression des femmes – la discrimination salariale, les soins de santé inégalitaires, le viol, l’invisibilité imposée à leur histoire, et tous les autres exemples qui, mis bout à bout, forment un modèle social des structures systémiques de pouvoir fondées sur le genre.

23. Mais attention ! Il y a certaines femmes qui se rendent en Gambie pour se payer des hommes !

Oui, la prostitution n’est pas seulement une question d’oppression des femmes, c’est aussi une oppression fondée sur la classe sociale et l’ethnicité. Le fait que les femmes, dans certaines circonstances où elles peuvent être dites en situation de supériorité, peuvent devenir des délinquantes-prostitueuses, confirme l’analyse de la prostitution comme pouvoir sexualisé. La prostitution est de l’oppression et ne devrait jamais être acceptée, sous aucune forme !

J’espère d’ailleurs que vous évoquez ce cas pour prendre position contre toutes les formes de prostitution, et que vous n’allez pas essayer d’utiliser les quelques très rares femmes – en regard des hommes – qui pratiquent le tourisme sexuel pour tenter de prouver que les deux sexes sont « également à blâmer », n’est-ce pas ?

Parce qu’il n’en est rien. Les hommes ne se voient pas emprisonnés dans les bordels des pays pauvres du monde, drogués pour être utilisés sexuellement par une succession de femmes blanches et riches. Si l’on considère l’ensemble du tourisme sexuel mondial, les femmes en représentent une proportion infinitésimale, et cantonnée dans ses formes les moins brutales.

24. En fait, il y a plus d’hommes que de femmes qui ont connu la prostitution, mais ça se voit moins !

C’est ce qu’affirment quelques études menées auprès des jeunes : plus de garçons que de filles auraient « baisé pour de l’argent ». Mais on ne doit pas en tirer votre conclusion. Regardez autour de vous. L’industrie globale de la pornographie et de la prostitution consiste essentiellement en femmes vendues à des hommes. Ce sont des femmes qui sont utilisées dans les bordels du monde entier, et ce sont surtout des filles et des femmes qui sont victimes de la traite à des fins sexuelles.

De plus, que ce soient des femmes ou des hommes qui sont prostitué·e·s, les délinquants-prostitueurs sont presque toujours des hommes. Bien sûr, il importe de mener des recherches supplémentaires sur toutes les formes de prostitution, pour améliorer notre compréhension de son mode de fonctionnement.

25. Mais vous prenez la situation à rebours, ce sont les femmes qui exploitent les besoins sexuels des hommes. La victime, c’est celui qui paie, c’est lui qui est exploité, pas elle.

D’accord, oublions la traite des êtres humains, oublions que la plupart des femmes prostituées ont souffert d’autres abus sexuels lorsqu’elles étaient enfants, que des jeunes filles sont tombées dans le piège de la prostitution, que l’addiction aux drogues les y retient, etc., et oublions aussi ses conséquences pour les femmes : la violence sexualisée, les ITS, le cancer du col de l’utérus, les dédoublements de personnalité, les troubles de stress post-traumatiques, etc. Bref, oublions toutes les formes d’oppression sexualisée dont les filles et les femmes souffrent avant, pendant et après la prostitution, et contentons nous de ne considérer que quelques cas particuliers d’hommes (la plupart des ‘michetons’ ont aussi d’autres partenaires sexuelles) : alors oui, on pourrait penser que quelques hommes esseulés sont exploités. Mais même cela est aussi inexact. Il reste que les délinquants-prostitueurs utilisent une autre personne pour satisfaire leurs besoins sexuels, même sileur vie n’est pas toujours gaie, non ?

Ce n’est pas parce qu’un délinquant-prostitueur se sent esseulé ou en manque de sexe, que la prostitution, de manière générale et à l’échelle mondiale, cesse d’être une oppression sexualisée des femmes par les hommes.

26. Eh bien moi, j’ai entendu parler de femmes tenancières de bordel !

Oui, cela existe, mais regardez le contexte ! Les grandes organisations internationales de traite des personnes obligent souvent les femmes de la prostitution à choisir entre demeurer prostituées ou devenir ‘surveillantes’ d’un bordel local. De la part des trafiquants, c’est une stratégie délibérée, pour protéger les hommes de la prison au cas où leur activité est découverte. Malheureusement, beaucoup de gens interprètent à tort le rôle dévolu à ces femmes. Voici ce que la police suédoise a écrit à leur sujet :

« Le point commun à la plupart d’entre elles est qu’elles ont elles-mêmes été longtemps exploitées à des fins de prostitution. » (...) « Le Ministère de l’Intérieur (et son bureau national des enquêtes pénales) s’inquiète de ce que les étrangères qui sont prostituées en Suède sont parfois dépeintes par des intervenants du monde judiciaire comme agissant de leur plein gré. Une telle appréciation pousse les fonctionnaires à se limiter la plupart du temps aux activités criminelles commises en Suède, et les véritables patrons des réseaux criminels échappent à toute poursuite. Il y a aussi un risque patent que la véritable situation des femmes ne soit pas identifiée. En conséquence, elles ne reçoivent pas le soutien et la protection dont elles ont besoin et à laquelle elles ont droit. Cette vue trop limitée de l’organisation de la traite et de la structure des réseaux entrave souvent la lutte menée par les autorités pour les prévenir et les éliminer en priorité. » (2)

27. La loi suédoise sur la prostitution n’est passée que parce que des féministes extrémistes ont réussi à s’infiltrer dans les milieux politiques. À l’étranger, on rit de la façon dont la Suède a laissé les féministes radicales s’imposer.

Ah, ce serait vraiment super si les féministes avaient autant de pouvoir ! Mais la prostitution est une oppression mondiale et il n’y a pas que les féministes qui s’y opposent ! Ne savez-vous pas que la Suède s’est engagée à combattre la prostitution, aussi bien par l’intermédiaire de l’ONU que par celui de l’Union Européenne ?

L’ONU a adopté dès 1949 un traité visant à contrer la prostitution et le trafic des êtres humains. En 1993, le Conseil de l’Europe a décidé que la lutte contre la prostitution devait entrer dans les attributions de la sécurité européenne. En 1991, le Conseil de l’Europe a adopté une résolution de lutte contre l’exploitation sexuelle, la pornographie, la prostitution, etc.

J’imagine donc que, soit les « féministes extrémistes » (qui qu’elles soient) ont investi l’UE et l’ONU il y a des dizaines d’années, ou alors vous ne savez pas de quoi vous parlez...

28. Ne pourriez-vous pas cesser de parler du patriarcat ? En Suède, l’égalité hommes-femmes est déjà atteinte.

Eh bien, la question est certainement ouverte à interprétation ! Bien sûr, on peut toujours tout interpréter comme s’il n’était pas question de genre ou d’oppression, et diriger tout blâme vers nous, les filles et les femmes. Si, en tant que femme, vous avez un salaire plus bas, c’est parce que vous ne savez pas négocier ; si l’on vous a violée, c’est que vous avez eu un habillement ou un comportement incorrect ou que vous avez trop bu ; si un homme abuse de vous, c’est que vous l’avez sans doute provoqué ; si vous élevez la voix, vous êtes une harpie ; si vous aimez le sexe, vous êtes une salope ; si vous souhaitez rencontrer un homme, c’est que vous êtes désespérée et dans le cas contraire, c’est que vous n’êtes pas normale ; si vous souhaitez des rapports sexuels avec des femmes, c’est que vous n’avez jamais connu de ‘vrai coup’ ; si vous vous maquillez, vous êtes une ‘nunuche’ esclave de stéréotypes de beauté et, dans le cas contraire, vous n’êtes tout simplement pas féminine ; si vous réclamez des droits égaux pour les femmes, vous êtes agressive, et si vous vous taisez, vous êtes une mollasse typique, qui n’a à s’en prendre qu’à elle-même...

Et le fait que tant d’autres filles et femmes disent avoir eu les mêmes expériences que vous, c’est une « pure coïncidence », parce que l’oppression des femmes n’existe pas dans notre pays !

Est-ce bien ce que vous voulez dire ?

LA LÉGISLATION

Pendant 70 ans, entre 1847 et 1918, un système municipal de réglementation de la prostitution a été en place en Suède (comme dans une grande part de l’Europe). Même si on savait que les femmes étaient acculées à la prostitution par la pauvreté, on acceptait cette activité comme un mal nécessaire et, en pratique, comme l’équivalent approximatif d’une « profession » – pour certaines femmes.

La fonction sociale de cette réglementation était de surveiller la prostitution et de réduire la propagation d’ITS comme la syphilis. Les femmes en prostitution devaient se soumettre à des contrôles périodiques. (Les prostitueurs échappaient à tout contrôle, naturellement !) Toute femme qui s’y refusait, ou qui marchait aux heures ou dans les espaces non autorisés, recevait d’abord un avertissement puis était emprisonnée dans des « maisons de travail » pour des durées pouvant atteindre un an.

Les féministes de cette époque tentèrent de faire abolir ce système de réglementation, puisqu’il ne faisait qu’enfoncer davantage celles qui avaient déjà perdu pied, et qu’il signifiait que le gouvernement acceptait la prostitution. À cette époque comme aujourd’hui, les féministes affirmaient que ce sont les acheteurs qui créent la prostitution.

Que nous apprend l’histoire ?

Voici les leçons tirées du système de réglementation et des deux bordels municipaux gérés à Stockholm pendant une courte période au 19ème siècle :

1. Quand la prostitution est considérée comme un « travail », il est plus difficile pour les femmes d’y échapper,
2. les acheteurs/hommes sont la base même de l’existence de la prostitution, et
3. la prostitution augmente quand elle est socialement acceptée.

Il est triste de constater que nous vivons dans une société superficielle et morcelée. Mais si nous tirons les leçons de l’histoire, peut-être éviterons-nous de refaire les mêmes erreurs.

La loi suédoise sur la prostitution

En 1999, la Suède a été le premier pays au monde à « criminaliser les michetons », tout en n’interdisant pas la prostitution. Les seules personnes que l’État incrimine sont les délinquants : les prostitueurs et les proxénètes. Déjà, plusieurs autres pays – dont la Norvège, l’Islande, et partiellement la Finlande et l’Angleterre – ont suivi cet exemple, et repris la loi suédoise de différentes manières.

Dans sa version suédoise, la loi stipule qu’il est interdit d’acheter ou même d’essayer d’acheter des « services sexuels ». Elle interdit aussi le proxénétisme, le fait de tirer profit (ou d’être autrement partie prenante) de la prostitution d’autrui. Il existe aussi en Suède une loi distincte sur la traite, mais en pratique, c’est pour proxénétisme que beaucoup de trafiquants sont condamnés. (3)

Un signal sociétal

La loi veut aussi adresser aux gens un signal clair, à savoir que la société reconnaît la prostitution comme essentiellement patriarcale et donc qu’elle n’accepte pas l’exploitation des personnes que l’on y soumet.

On a comparé la loi suédoise sur la prostitution à celle interdisant les châtiments corporels aux enfants, une mesure qui a transformé les mentalités – puisque autrefois il était courant de battre les enfants pour les discipliner.

Une étude menée en 2008 montre qu’environ 70% de la population suédoise approuve la loi du pays contre la prostitution (avec seulement 18% de voix contre, le reste s’abstenant). Chez les femmes, le taux d’approbation atteint presque 80%.

Législation et oppression

Bien sûr, il ne suffit pas d’une loi pour faire disparaître la prostitution. Celle-ci n’est qu’un volet de l’oppression des femmes et, de notre point de vue, aucune loi ne peut faire disparaitre l’oppression. Mais nous soutenons la loi sur la prostitution, parce qu’elle limite le pouvoir sexualisé des hommes, qu’elle montre ce qu’est vraiment la prostitution, et qu’elle sert de point d’appui à d’autres mesures à prendre pour contrer la prostitution.

Il reste qu’il faut bien plus qu’une loi pour changer réellement les choses ; des moyens importants doivent être mis en œuvre, notamment plus de soutien pour les femmes en prostitution, des mesures qui passent beaucoup trop souvent en dernier.

29. Si la prostitution régulière était légalisée, il serait plus facile de coincer les trafiquants.

Non, c’est le contraire. Dans les pays où la prostitution a été légalisée, l’industrie de la prostitution a pris de l’ampleur, en grande partie dans le secteur illégal. Une des raisons de cette prolifération, c’est que les proxénètes tirent davantage de profit de la prostitution illégale. (4)

Et, bien sûr, il est plus facile de cacher les activités de traite dans les pays où d’autres formes de prostitution sont légales. En contrepartie, il est plus difficile, plus onéreux et plus risqué pour les trafiquants d’opérer dans les pays où toutes les formes d’‘achat de sexe’ sont illégales.

30. La loi suédoise sur la prostitution n’aide pas les prostituées.

Oui et non. Une femme qui dit vouloir rester dans la prostitution ne verra évidemment pas la loi comme positive. Mais la loi peut aider indirectement une autre femme qui, elle, veut s’en sortir, puisque la société valide son sentiment que les prostitueurs la traitent de façon criminelle.

La loi peut aussi aider dans une certaine mesure les femmes exploitées dans le cadre de la traite, en permettant à la police d’enquêter sur les tentatives d’achat de services sexuels. Cette disposition a parfois accéléré la découverte d’opérations de traite. Si les achats de prostitution n’étaient pas illégaux, la police ne serait pas autorisée à faire quoi que ce soit avant d’être absolument certaine que cette traite a lieu.

Mais plus que tout, la loi peut avoir une fonction de prévention. Elle influence l’opinion des gens sur la prostitution, et l’on espère qu’elle puisse dissuader les jeunes filles qui envisagent d’y entrer. La loi a déjà réduit de beaucoup la proportion d’hommes qui prostituent des femmes. (5) On peut espérer que, si les pénalités sont assez sévères, elle amènera au moins quelques hommes de plus à juger que cela ne vaut pas la peine de se faire prendre comme délinquant-prostitueur. Et moins il y aura de prostitueurs, moins il y aura de femmes exploitées en prostitution.

Mais bien sûr il ne suffit pas des lois pour aider réellement les femmes à sortir de la prostitution. Répondre à cet objectif appelle beaucoup de soutien aux femmes – en particulier des logements, puisque se retrouver à la rue est une des principales causes de l’entrée en prostitution.

31. La loi suédoise sur la prostitution a entraîné une augmentation de la violence contre les prostituées.

Des études établissent le contraire. La violence des hommes envers les femmes dans la prostitution semble être tout aussi répandue partout, quoi que dise la loi et quel que soit le lieu où la prostitution s’exerce, dans la rue ou derrière des portes closes. La seule différence (mineure) détectée par la recherche implique que les taux de violence sont légèrement plus élevés là où la prostitution est légale mais pas réglementée (6) – bref, le contraire de ce que vous affirmez.

Quoi qu’il en soit, la prostitution équivaut elle-même à une forme de violence. Toutes les organisations qui militent pour les droits des femmes prostituées – quelle que soit leur opinion sur la prostitution et où qu’elles soient situées dans le monde – conviennent que la prostitution est dangereuse et préjudiciable aux femmes en prostitution. Les organisations qui souhaitent voir perdurer la prostitution se donnent généralement pour objectif une « réduction des méfaits », soit minimiser les préjudices infligés dans la prostitution.

La violence fait partie de la prostitution. Selon des études réalisées aux États-Unis, la majorité des femmes impliquées dans l’industrie ont subi des violences physiques, des violences sexuelles et des menaces dans ce contexte. (7) Plus tôt, des études canadiennes avaient montré que le taux de mortalité des femmes dans la prostitution était 40 fois plus élevé que celui des autres femmes. (Cool

Personnellement, je trouve totalement incompréhensible qu’on puisse se contenter de ne parler que d’une « réduction des méfaits ». Le fait que la violence fasse partie intégrante de la prostitution devrait suffire en soi à rendre la prostitution inacceptable à nos yeux.

32. Quand la loi suédoise est entrée en vigueur, la prostitution est simplement devenue clandestine.

La prostitution de rue était sur le déclin en Suède avant même que la loi de 1999 n’entre en vigueur. Ce déclin tenait surtout à des progrès technologiques : les téléphones mobiles et l’Internet étaient de plus en plus répandus. C’est pourquoi le racolage prostitutionnel dans la plupart des pays industrialisés s’est généralement transposé vers la téléphonie mobile et Internet – et ce sans égard à la législation en vigueur.

Toutefois, on ne peut vraiment pas parler de « clandestinité ». La prostitution existe pour ses acheteurs et l’industrie s’attend à ce qu’ils la trouvent. Elle ne peut donc pas être si clandestine que ça, n’est-ce pas ?

33. Il y a deux personnes impliquées dans la prostitution, alors pourquoi l’homme est-il le seul à être stigmatisé comme criminel ? (Variante : La loi fait de la prostituée une victime)

Cette question est un peu étrange, car il n’y a pas que deux personnes dans le système prostitutionnel – pourquoi exclure de votre tableau le proxénète ou propriétaire de bordel ?

Mais même sans tenir compte de cela, il n’y a pas qu’en prostitution que le droit traite différemment les parties à une transaction. Il y a d’autres circonstances dans lesquelles seulement une des parties commet un acte illégal. Par exemple, un bail ou un contrat de logement est illégal si le propriétaire demande un loyer trop élevé. Même si les deux parties ont signé le contrat, seul le propriétaire commet un délit. C’est parce que la loi distingue celui qui porte préjudice de celui qui le subit. C’est une question de pouvoir.

Et personne ne prétend alors qu’intervenir équivaut à « traiter le/la locataire en victime » ou à « lui enlever son statut de sujet ».

De plus, je n’adhère pas à la vision puritaine de la prostitution comme « activité sexuelle mauvaise », ce qui impliquerait que toutes les personnes impliquées commettent une mauvaise action. Je lutte contre la prostitution parce que c’est de l’exploitation et de l’oppression sexuelle.

Notes

1. Men who buy sex – Who they buy and what they know, Melissa Farley, Julie Bindel et Jacqueline M. Golding, Eaves, London/Angleterre, et Prostitution Research & Education, San Francisco, 2009.
2. RKP report 2007:6b. Situation report 9 : Trafficking in human beings for sexual and other purposes, 1er janvier - 31 décembre 2006, Stockholm.
3. National Police Board. Situation Report 10 : Trafficking in human beings for sexual and other purposes. RPS 2009/2, Stockholm.
4. « Legalizing Prostitution is Not the Answer, The Example of Victoria, Australia », Mary Sullivan et Sheila Jeffreys, Coalition Against Trafficking in Women, CATW, 2001, et « The Legalization of Prostitution : Myth and Reality, A Comparative Study of Four Countries », Nomi Levenkron, Hotline for Migrant Workers, Israël, 2007.
5. Tio år med lagen. Om förhållnings-sätt till och erfarenheter av prostitution i Sverige, Jari Kuosmanen, TemaNord, 2008:604. Dans une étude menée avant l’adoption de la loi, environ un homme sur huit a affirmé avoir « payé pour du sexe ». Dans une autre étude, menée presque exactement dix ans après l’adoption de la loi, environ un homme sur douze a affirmé la même chose. Nous parlons donc de 13,6% des Suédois en 1996 comparés à 9% d’entre eux en 2008. Les échantillons étaient trop restreints pour permettre une comparaison entièrement valide, mais elle indique bel et bien une diminution en nombre des prostitueurs. L’étude menée en 2008 a aussi demandé aux gens leur impression de la loi. Environ 7 sur 10 des répondant·e·s l’approuvaient, mais ce soutien était particulièrement marqué chez les jeunes (soit environ 8 sur 10 des répondant·e·s).
6. Study on National Legislation on Prostitution and the Trafficking in Women and Children. Parlement européen/ Transcrime, 2005.
7. Prostitution, Violence Against Women, and Posttraumatic Stress Disorder, Melissa Farley et Howard Barkan, Prostitution Research&Education, San Francisco, 1998.
8. Pornographie et prostitution au Canada : Rapport du Comité spécial sur la pornographie et la prostitution, Gouvernement fédéral, Ottawa, 1985.


Achille

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