Des milliers de personnes étaient rassemblées mercredi sur une place de Manama pour réclamer des réformes dans ce petit royaume du Golfe, où l'opposition chiite a appelé à une "véritable" monarchie constitutionnelle.
Le ministre de l'Intérieur, cheikh Rached ben Abdallah al-Khalifa, a présenté des excuses à la population après la mort de deux jeunes chiites dans la dispersion de manifestations lundi et mardi, et annoncé l'arrestation des responsables présumés de leur mort au sein de la police.
Les Etats-Unis se sont dits "très préoccupés" par la violence lors des protestations dans le royaume, siège de la Ve flotte, appelant à la retenue, alors que des appels ont été lancés pour des manifestations vendredi et samedi.
Le mouvement de contestation a été déclenché lundi à l'initiative d'internautes qui ont appelé sur Facebook à des manifestations pour réclamer des réformes politiques et sociales, dans la foulée des soulèvements en Tunisie et en Egypte.
C'est surtout la minorité chiite dans cet archipel de 741 km2 gouverné par une dynastie sunnite, qui s'estime discriminée au niveau de l'emploi, des services sociaux comme l'habitat et des services publics fournis à leurs villages.
Sur la place de la Perle, dans le centre de Manama, des milliers de personnes ont rejoint après leur travail dans l'après-midi des centaines de manifestants qui y avaient passé la nuit dans des tentes érigées à la hâte.
La place a été rebaptisée "Place Tahrir" (Libération), à l'instar de celle du Caire qui a été l'épicentre du soulèvement populaire qui a chassé du pouvoir le président Hosni Moubarak.
"J'ai passé la nuit ici, je vais aller à l'école et revenir y camper jusqu'à la réalisation de nos demandes", a affirmé Amer Abdallah, un lycéen de 14 ans.
"Nous réclamons la libération des détenus et la démission du Premier ministre", membre de la dynastie régnante des Al Khalifa, a affirmé Hussein Attiya, 29 ans, un autre manifestant ayant dormi sur la place.
Selon des images de la télévision officielle, des partisans du régime ont parallèlement défilé à Manama.
A Mahouz, une banlieue chiite de Manama, plus de 2.000 personnes, certaines scandant "le peuple veut la chute du régime", ont participé aux funérailles de Fadel Salman Matrouk, tué par balle lors de la dispersion d'un rassemblement mardi lors des obsèques de l'autre manifestant mort la veille.
Le roi, cheikh Hamad ben Issa Al Khalifa, a déploré ces morts et annoncé une commission d'enquête.
Lors d'une conférence de presse, le chef de l'opposition chiite, cheikh Ali Salmane, a réclamé "un Etat démocratique, une monarchie constitutionnelle dans laquelle le gouvernement serait élu par le peuple", mais assuré ne pas vouloir la chute du régime ni l'instauration d'un Etat religieux sur le modèle iranien.
Le chef du mouvement Al-Wefaq (18 élus sur 40 sièges à l'Assemblée) qui avait annoncé la veille son boycott du Parlement, a annoncé que sept groupes de l'opposition chiite, libérale et de gauche organiseraient samedi à Manama "une marche de soutien" avec les protestataires campant place de la Perle.
Avant eux, les internautes ont appelé à une journée de manifestations vendredi, après la prière hebdomadaire.
Cheikh Salmane a invité le gouvernement à "engager le dialogue" avec l'opposition sur des réformes à réaliser "selon un calendrier précis".
L'ONU et des ONG ont appelé Manama à renoncer à un "usage excessif de la force" contre les manifestants pacifiques.
Bahreïn (1,2 million d'habitants dont 54% d'étrangers) fait figure de parent pauvre à côté des autres monarchies pétrolières de la région, ses réserves de pétrole s'étant pratiquement taries. Entre 1994 et 1999, il a été le théâtre de violences animées par des chiites qui avaient fait une quarantaine de morts.