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Mort de Stuart hall, grand théoricien marxiste

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Mort de Stuart hall, grand  théoricien marxiste  Empty Mort de Stuart hall, grand théoricien marxiste

Message  gérard menvussa Dim 16 Fév - 12:33

wikipedia a écrit:Né en 1932 à Kingston en Jamaïque, il fait ses études à Oxford à partir de 1951, pour devenir ensuite fondateur et rédacteur en chef de la New Left Review. Hall prend, en 1968, la direction du Centre for Contemporary Cultural Studies à Birmingham. Jusqu’à son départ pour la populaire Open University en 1979, Hall contribue à bon nombre d’études, publiées notamment sous forme de "working papers". Depuis sa retraite en 1997, Hall a dirigé l’Institute for International Visual Arts à Londres et resta un intellectuel écouté dans le débat politique en Grande-Bretagne. Considéré comme le Bourdieu britannique, il a cependant été traduit très très tardivement en français, à partir de 2007.

voila un important extrait d'une de ses dernières interventions, reprises sur le site de "contretemps" qui traite du racisme, et de son articulation a des logiques des sociétés de classe :

J’ai essayé de rendre compte de l’émergence d’un nouveau paradigme théorique qui, tout en prenant pour orientation fondamentale la problématique marxiste, cherche par le biais de divers moyens théoriques à surmonter plusieurs limitations rencontrées par certaines des appropriations les plus traditionnelles du marxisme – l’économisme, le réductionnisme, l’« apriorisme », l’absence de spécificité historique, etc. –, des limitations qui continuent à miner la portée de certaines réflexions par ailleurs très puissantes, qui ont rendu le marxisme vulnérable en lui faisant prêter le flanc à des critiques justifiées de la part des diverses variantes du monisme économique et du pluralisme sociologique. Je me suis contenté ici d’un rapide survol de ce terrain émergent, et je n’ai pas du tout la prétention d’en avoir fait un compte rendu critique exhaustif. Il va de soi que le bien-fondé des solutions que j’ai présentées n’a pas été suffisamment démontré, qu’elles ne sont pas ici présentées sous une forme développée et adéquate, et que, par conséquent, il est encore possible qu’elles contiennent de sérieuses faiblesses ou des lacunes. Cette manière de poser les problèmes a par ailleurs jusqu’ici été fort peu appliquée aux formations sociales racialement structurées. Ainsi, tout ce que j’ai pu faire ici a été d’indiquer un certain nombre de points de départ stratégiques et un certain nombre de protocoles théoriques pour arpenter au mieux ce terrain d’application potentiel. Et, plus précisément, il n’existe pas encore de théorie adéquate du racisme, de théorie capable de rendre compte à la fois des caractéristiques superstructurelles et économiques de ce type de sociétés, tout en rendant compte des divers aspects raciaux d’une manière historiquement concrète et sociologiquement spécifique. Un tel récit – c’est-à-dire un récit qui serait suffisant pour remplacer une fois pour toutes les théories inadéquates qui dominent ce champ – reste à faire. Néanmoins, et avec l’espoir de contribuer à promouvoir un tel développement, je conclurai en esquissant rapidement certains des protocoles théoriques qui peuvent – ou plutôt, selon moi, qui doivent – guider ces recherches à venir.


Le premier de ces protocoles serait une application rigoureuse de ce que j’ai appelé le principe de spécificité historique. Ainsi, il ne nous faut pas traiter le racisme comme une caractéristique générale des sociétés humaines, mais le considérer à chaque fois dans sa spécificité historique. Il nous faut partir de l’hypothèse de la différence et de la spécificité plutôt que de celle d’une « structure » unique, transhistorique et universelle du racisme. Il ne s’agit pas de nier que nous pourrions bien découvrir des traits communs aux divers systèmes sociaux que l’on peut à bon droit qualifier de « racialement structurés ». Mais – comme Marx l’a remarqué à propos de la nature « chaotique » de toutes les abstractions qui fonctionnent exclusivement au niveau général –, une telle théorie générale du racisme ne constitue pas le meilleur point de départ pour l’investigation et le développement d’une théorie adéquate : « Mais, s’il est vrai que les langues les plus évoluées ont en commun avec les moins évoluées certaines lois et déterminations, ce qui constitue leur évolution, c’est précisément ce qui les différencie de ces caractères généraux et communs ; aussi faut-il bien distinguer les déterminations qui valent pour la production en général, afin que l’unité – qui découle déjà du fait que le sujet, l’humanité, et l’objet, la nature, sont identiques – ne fasse pas oublier la différence essentielle1. » Le racisme en général « est une abstraction, mais une abstraction rationnelle, dans la mesure où, soulignant et précisant bien les traits communs, elle nous évite la répétition2 ». Voilà qui peut nous aider à distinguer les caractéristiques sociales qui fixent les différentes positions des groupes sociaux et des classes sur la base d’une assignation raciale (définie sociologiquement ou biologiquement) des autres systèmes qui remplissent une fonction sociale similaire. Cependant, « certains de ces caractères appartiennent à toutes les époques, d’autres sont communs à quelques-unes seulement. Certaines de ces déterminations apparaîtront communes à l’époque la plus moderne comme à la plus ancienne3 ». Nous voilà mis en garde contre la tentation d’extrapoler une structure commune et universelle du racisme, qui resterait toujours la même, abstraction faite de sa situation historique spécifique. C’est seulement dans la mesure où les différents racismes sont spécifiés historiquement – dans leur différence – qu’ils peuvent être adéquatement saisis comme le « produit de conditions historiques » qui « ne restent pleinement valables que pour ces conditions et dans le cadre de celles-ci4 ». Il s’ensuit qu’il pourrait se révéler fort instructif de travailler à la distinction de ce qui semble être pour le sens commun de simples variantes de la même chose : par exemple, aux États-Unis, distinguer le racisme anti-esclaves du Sud du racisme visant l’insertion des Noirs dans les « formes libres » du développement industriel-capitaliste qu’a connu le Nord de l’après-guerre ; ou distinguer le racisme des sociétés caribéennes esclavagistes de celui des sociétés métropolitaines qui, comme la Grande-Bretagne, ont absorbé les ouvriers noirs dans la production industrielle du xxe siècle.

Nous ne pouvons faire autrement pour la bonne raison, entre autres, qu’il est impossible d’expliquer le racisme en faisant abstraction des autres rapports sociaux – pas plus d’ailleurs qu’on ne peut expliquer le racisme en le réduisant à ces autres rapports. On a pu affirmer que certaines formes de racisme sont particulièrement florissantes dans les formations sociales précapitalistes. Cela ne signifie qu’une seule chose : quand nous analysons des formations sociales plus récentes, nous devons nécessairement montrer la manière dont le racisme a été directement réorganisé et réarticulé par les nouveaux modes de production. Le racisme des sociétés esclavagistes de plantation dans la phase marchande du développement capitaliste mondial possède une place, une fonction, des moyens et des mécanismes qui lui sont spécifiques et qui ont leur propre efficacité, et qui ne peuvent qu’être superficiellement expliqués si on les « traduit » de leur contexte historique spécifique vers un autre contexte totalement différent. Finley, Davis et d’autres5 ont soutenu que même si l’esclavage dans l’Ancien Monde était articulé par une classification négative qui distinguait maîtres et esclaves, cette classification ne se fondait pas nécessairement sur des catégories raciales, contrairement à celle qui a presque toujours été en vigueur dans le système des plantations. Ainsi, il n’est pas possible de supposer une coïncidence nécessaire entre le racisme et l’esclavage en tant que tel. Et c’est précisément les différents rôles que l’esclavage a joués au cours de ces diverses époques et dans ces diverses formations sociales qui nous permettent d’identifier ce que cette coïncidence spécifique entre esclavage et racisme est capable de produire. Par conséquent, là où cette coïncidence existe, les mécanismes et les effets de son fonctionnement – dont son articulation aux autres rapports sociaux – doivent être démontrés et non présupposés.

Encore une fois, il faut remettre en question l’hypothèse communément partagée selon laquelle ce sont des comportements de supériorité raciale qui sont à l’origine du système esclavagiste des plantations. Il pourrait même se révéler plus intéressant de partir du point de vue opposé, c’est-à-dire comprendre comment l’esclavage – le produit de problèmes spécifiques liés au manque de main-d’œuvre ainsi qu’à l’organisation particulière des plantations agricoles, auxquels on répondit d’abord en faisant appel à une main-d’œuvre indigène non noire, puis à des travailleurs blancs sous contrat – a produit cette forme de racisme juridique caractéristique de l’époque de l’esclavage des plantations. L’élaboration de la forme juridique de l’esclavage, de la propriété de l’esclave, en tant qu’elle forme une enclave au sein de laquelle existaient d’autres formes juridiques de propriété, nécessite à elle seule un travail idéologique spécifique et élaboré, comme en témoigne d’ailleurs avec éloquence l’histoire de l’esclavage et de son abolition. Et on pourrait affirmer exactement la même chose de toutes les explications qui attribuent le « racisme en général » à un quelconque mécanisme universel de la psychologie individuelle – l’« instinct de race » ou l’« obsession raciale » –, ou qui analysent son apparition en ayant recours à une psychologie générale des préjugés. La question n’est pas de savoir si l’homme-en-général perçoit distinctement les groupes dotés de caractéristiques raciales ou ethniques différentes, mais bien plutôt de comprendre quelles sont les conditions spécifiques qui rendent cette forme de distinction socialement pertinente et historiquement active. Qu’est-ce qui confère son effectivité, en tant que force matérielle concrète, à cette potentialité humaine abstraite ? On pourrait dire, par exemple, que la longue hégémonie impériale de la Grande-Bretagne ainsi que l’étroitesse de la relation associant le développement capitaliste dans la métropole et les conquêtes coloniales outre-mer ont laissé les traces d’un racisme actif dans la conscience populaire britannique. Néanmoins, cette raison seule ne suffit pas à expliquer la forme que le racisme a adoptée et le rôle qu’il a joué à l’époque de l’« impérialisme populaire », c’est-à-dire au pic des rivalités impérialistes, à la fin du xixe siècle, ou encore les formes très différentes du racisme « indigène » qui a pénétré si profondément dans les couches populaires, et qui a été l’une des caractéristiques émergente du contact entre les travailleurs noirs et blancs lors des migrations d’après-guerre. Les histoires de ces différents racismes ne peuvent pas être écrites comme une « histoire générale », et les appels à la « nature humaine » ne sont jamais des explications, mais tout au plus des alibis6.

Par conséquent, nous devons partir du travail historique concret qu’opère le racisme dans des conditions historiques spécifiques – c’est-à-dire qu’il faut comprendre le racisme comme un ensemble de pratiques économiques, politiques et idéologiques d’un genre particulier et concrètement articulé à d’autres pratiques au sein d’une formation sociale donnée. Ces pratiques attribuent une position aux différents groupes sociaux conformément aux structures élémentaires de la société ; elles fixent et attribuent ces positions via des pratiques sociales ; et, enfin, elles légitiment les positions qu’elles ont ainsi attribuées. En un mot, ce sont des pratiques qui garantissent l’hégémonie d’un groupe dominant sur une série de groupes subordonnés, mais de manière à ce qu’il domine l’ensemble de la formation sociale sous une forme favorable au développement de sa base économique productive sur le long terme. Bien que les aspects économiques soient évidemment cruciaux, cette forme d’hégémonie ne peut être comprise comme un simple processus de coercition économique. Le racisme, si actif à ce niveau – le « noyau économique » – que Gramsci considérait comme le premier à devoir être sécurisé, possède également des relations avec les autres instances – politiques, culturelles et idéologiques. Toujours est-il que, même formulé ainsi (c’est-à-dire d’une manière tout à fait juste), cette affirmation reste trop a priori. De quelle manière, précisément, ces mécanismes opèrent-ils ? De quelles autres déterminations avons-nous besoin ? En effet, il est clair que le racisme n’est pas présent dans toutes les formations capitalistes sous la même forme et au même degré. Il est clair aussi qu’il n’est pas nécessaire au fonctionnement concret de tous les capitalismes. Il s’agit donc de montrer pourquoi et comment le racisme s’est vu surdéterminé par – et articulé à – certains capitalismes à différents stades de leur développement. Nous ne pouvons définitivement pas admettre pour hypothèse que le racisme adopterait une seule et unique forme ou devrait nécessairement suivre une logique ou un chemin pavé de différentes étapes nécessaires.
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Message  gérard menvussa Dim 16 Fév - 14:02

Cela dit, la méconnaissance de stuart hall en dit long sur nos impensés...Le mouvement "trotskyste" se dit internationaliste.On aurait pu espérer une plus grande connaissance du mouvement marxiste international (et donc de penseurs comme stuart hall ) Or ce n'est absolument pas le cas... Il se trouve que j'ai "découvert" ce "penseur" assez tardivement (en prenant le chemin de l'université à 50 ans) et selon des circonstances qui devaient tout au hasard (car l'importance de Stuart hall n'était pas valorisée vis a vis du marxisme, mais des culturals studies) De même le marxisme se proclame t il "scientifique" Or c'est sans doute le courant politique qui accorde le moins d'importance aux débats "science et société", malgré l'importance qu'on pris ce genre de débat dans l'avenir de l'homme... Deux impasses qui expliquent largement le manque total "d'efficacité" des mouvements révolutionnaires. Mais c'est vrai qu'on préfére discuter des différences entre npa et front de gauche...
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Message  gérard menvussa Dim 16 Fév - 23:05

Un entretien trés intéressant de son éditeur en France (remarquons que la "france qui pense" même à gauche de la gauche, ne connait rien au marxisme dés qu'il sort de ses frontiéres, et fait preuve d'un provincialisme assez redoutable ! Le peu de réaction a cette nouvellle est la pour le montrer)
Le nouvel Obs a écrit:

BibliObs Comment avez-vous fait la connaissance de Stuart Hall et qu’est-ce qui vous a amené à l’éditer chez Amsterdam?

Maxime Cervulle C’est en découvrant le territoire des Cultural Studies que j’ai rencontré pour la première fois la pensée de Stuart Hall. Il fut l’un des principaux maîtres d’œuvre de ce domaine de recherche qui a bouleversé les sciences humaines et sociales en s’attachant à appréhender la conflictualité sociale qui s’exprime sur le terrain de la culture.

Pour l’étudiant que j’étais alors, en 2007, éditer une anthologie des textes de Hall était une évidence tant ses travaux pouvaient se situer en contrepoint des traditions sociologiques françaises prédominantes. Hall a par exemple mis l’accent sur une sociologie écrite depuis les marges et sur une théorie du social qui prennent au sérieux la culture populaire comme un espace éminemment politique, où peuvent se faire et se défaire les hégémonies. Enfin, travaillant moi-même sur le racisme, j’ai été très fortement marqué par la théorie matérialiste du racisme qu’il a contribué à développer.

Pourquoi Stuart Hall n’a-t-il jamais écrit d’ouvrages à proprement parler? Son oeuvre se compose essentiellement de discours et d'articles.

Il y a deux réponses à cette question. Tout d’abord, Stuart Hall a toujours privilégié le travail en commun et certaines de ses grandes contributions sont ainsi des communications dans des colloques ou des chapitres d’ouvrage collectifs. Je pense à l’ouvrage collectif «Policing the Crisis», qui montre combien le tournant sécuritaire de la Grande-Bretagne des années 1970 relevait d’une forme de contrôle social visant particulièrement les jeunes hommes noirs des classes populaires.

Enfin, l’approche intellectuelle de Hall se caractérise par la volonté de produire un savoir utile, notamment dans l’affrontement idéologique, pas un grand système théorique fermé sur lui-même. Stuart Hall a ainsi produit une œuvre ouverte: permettant des circulations, jetant des ponts entre des courants de pensée en tension, et autorisant une appropriation de son œuvre par les mouvements sociaux.

Pourquoi un auteur si majeur dans le monde anglo-saxon est-il finalement resté assez confidentiel en France?

Hall a participé de la reconfiguration du marxisme en Angleterre, avec ce qu’on appelle le «matérialisme culturel». Cette perspective a ouvert la voie à l’étude de la formation des inégalités ayant un fondement «culturel», par exemple les inégalités racistes ou sexistes, comme n’étant pas réductibles aux seuls rapports de classe.

Il y a eu de fortes résistances en France pour sortir de l’analyse marxiste orthodoxe et du sacro-saint modèle d’explication économique. Cela est en train de changer, les Cultural Studies se diffusent et se développent de plus en plus en France, mais cela explique peut-être pourquoi il a fallu attendre des décennies avant que les textes majeurs de Hall ne soient traduits.

Stuart Hall n’avait-il pas des liens avec la France, notamment par l'intermédiaire des auteurs qui l’inspiraient?

Stuart Hall aura été un formidable passeur, il a toujours brassé les influences. C’est sans doute la raison pour laquelle il aura permis aux Cultural Studies, nées à Birmingham, de connaître un étonnant destin international. Il a joué un rôle important dans la diffusion en Angleterre du structuralisme et du poststructuralisme (Althusser, Lévi-Strauss, Foucault, etc.).

Qu'y avait-il de novateur dans le multiculturalisme de Hall, et en quoi cette pensée vous semble-t-elle d’actualité dans la France d’aujourd’hui?

Tout en valorisant la différence, et la reconnaissance des différences et dissonances culturelles, Stuart Hall a toujours mis en garde contre le risque de l’essentialisme. Lorsque le multiculturalisme devient une forme de gouvernement de la population, il encourt le risque de fixer les individus dans des cultures essentialisées. Hall percevait l’identité comme un processus, non comme une donnée fixe.

Il défendait une position articulant trois éléments : la nécessité de la lutte contre ces inégalités qui sont le produit historique de l’esclavage et du colonialisme; l’indispensable reconnaissance des identités culturelles qui sont intimement liées à ces inégalités; et la vigilance face au risque de la croyance en la «vérité» intrinsèque de ces identités. C’est là une position assez complexe, qui s’appuie sur le temps long pour penser les sociétés multiculturelles dans lesquelles nous vivons.

Le débat public français se trouve aujourd’hui très loin de ce type de réflexion. On assiste plutôt au déploiement continu de puissantes logiques de racialisation, par exemple à l’encontre des musulmans ou des Roms, et à un déni inouï des inégalités qu’elles produisent.

Stuart Hall était un intellectuel de gauche assumé, qui fustigeait une gauche anglaise sans idées, jusqu'en 2012 dans une interview au «Guardian». Quelle leçon pourrait-il donner à une gauche française confrontée à un certain flou idéologique?

Sa leçon serait sans doute celle de Gramsci : il faut occuper le terrain des idées, engager la lutte idéologique, ne pas craindre l’antagonisme et l’opposition des visions du monde. Les concessions idéologiques permanentes des socialistes à la droite signe une défaite non seulement de la pensée, mais même de la politique au sens le plus noble. Sur les questions de genre, sur la «sécurité», «l’immigration», le recul est permanent.

Hall a beaucoup travaillé sur la «politique de la signification», sur la conflictualité dans le langage comme lieu du politique. Quand Manuel Valls dit que les «Roms n’ont pas vocation à rester sur le territoire» ou quand Vincent Peillon reprend le vocabulaire de la droite sur la dite «théorie du genre», on se dit que cette gauche-là a lâché les armes.

Stuart Hall était très intéressé par l’art. Il a dirigé plusieurs institutions, comme l'Institute of International Visual Art. Quelle était sa vision de la chose artistique?

Outre d’avoir porté à bout de bras le projet théorique et politique des Cultural Studies, Hall fut aussi parmi les initiateurs des Visual Studies, domaine qui étudie la construction sociale du visuel et la construction visuelle du social. Il s’est particulièrement intéressé aux arts visuels de la diaspora noire, dont il a proposé une passionnante généalogie.

Dans son travail sur l’art, Hall s’est essayé au rapprochement de deux «continents» ayant trop longtemps divergé l’un de l’autre: la critique sociale et la critique esthétique. C’est là un geste fort de son travail, celui de considérer les productions artistiques et culturelles comme des formations sociales, des lieux où se trouvent cristallisées les conflits sociaux.

Propos recueillis par Vincent Leconte
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