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Centrafrique

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Message  Toussaint Mar 14 Juil - 22:45

En Centrafrique, les accusations contre l'armée française se multiplient
14 juillet 2015 | Par Thomas Cantaloube et Celhia de Lavarène - Mediapart.fr

Deux mois après la révélation de viols commis par des soldats français en Centrafrique, Mediapart a pu étayer la validité des accusations et le fait que les abus sexuels continuent aujourd'hui avec différents contingents. Ces crimes se déroulent dans le contexte d'un pays où les Occidentaux se croient souvent tout permis.
Quand on s’intéresse à la République centrafricaine, il devient vite difficile de ne pas songer à la fameuse maxime du dictateur mexicain Porfirio Diaz sur sa propre nation, et d’avoir envie de la paraphraser : « Pauvre Centrafrique, si loin de tout et si proche des Français… »
Depuis les années 1970, le pays est littéralement en chute libre, géré par des satrapes qui se chassent coup d’État après coup d’État, bien souvent avec la bénédiction de l’ancienne puissance coloniale ; l’économie, même celle du diamant, tourne au ralenti ; les infrastructures se détériorent, rendant de nombreux pans du territoire inaccessibles ; les frontières sont des passoires dont profitent les puissants voisins (Tchad, Soudan, Congo…) ou des milices transnationales comme l’Armée de résistance du Seigneur de Joseph Kony. En 2013, un groupe rebelle à majorité musulmane, la Séléka, s’est emparé du pouvoir et a soufflé sur les braises du confessionnalisme au point de susciter la crainte d’un génocide. Cette angoisse, sincère, d’un nouveau Rwanda en miniature a brièvement mobilisé la communauté internationale et provoqué l’intervention en urgence de l’armée française début décembre 2013 : ce fût l’opération Sangaris, approuvée par l’ONU et soutenue par la plupart des puissances occidentales et africaines.
Depuis cette date, la seule chose positive que l’on puisse honnêtement affirmer est que la situation n’est pas devenue pire. Pas pire. S’agissant de la Centrafrique, les capitales étrangères et les institutions internationales se contentent de ce bilan… La France en premier lieu.
La révélation, fin avril 2015 par le journal britannique Guardian, d’un rapport de l’ONU dénonçant des abus sexuels commis par des soldats français de la force Sangaris entre décembre 2013 et juin 2014, est venue sortir tout le monde de sa torpeur. Le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, est rapidement monté au créneau en assénant dans le Journal du dimanche : « Si les faits sont avérés, je ne mesurerai pas ma colère, parce que lorsque le soldat français est en mission, il est la France. Si d'aventure un seul d'entre eux a commis de tels actes, qu'il se dénonce immédiatement. »
La formule était curieusement alambiquée, car non seulement le ministère de la défense était au courant du rapport interne de l’ONU décrivant ces violences sexuelles depuis au moins huit mois, mais les enquêtes diligentées par la justice française et l’armée ne laissent guère de doutes. Selon de nombreux témoignages recueillis et recoupés par Mediapart à Paris, à Bangui, à Genève et à New York, les abus sexuels commis par des soldats français ont bel et bien eu lieu, entre décembre 2013 et juin 2014 en Centrafrique, des officiers étaient au courant, et il y en eut d’autres que ceux contenus dans le rapport. Par ailleurs, les viols et le recours à la prostitution de mineures de la part des contingents internationaux, pas nécessairement français, continuent à la date d’aujourd’hui. Enfin, le comportement de nombreux représentants hexagonaux sur place étant tout sauf irréprochable, il est probable que cette affaire de viols a été volontairement balayée sous le tapis, pour ne pas exposer d’autres dérives.
Cette histoire démarre entre février et mars 2014 quand des enfants du camp de M’Poko à Bangui, un vaste rassemblement de près de 100 000 réfugiés qui jouxte la base de l’armée française sur l’aéroport, se plaignent d’abus sexuels commis par des soldats tricolores, auprès d’une ONG locale qui assiste les gamins des rues. Ces dénonciations remontent lentement jusqu’à l’antenne des Nations unies chargée des droits humains (OHCHR), qui s’empare du sujet fin avril. Aux mois de mai et juin, une experte de la section justice et droits humains de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA), spécialisée dans la protection de l’enfance et accompagnée, selon les cas, d’un ou deux représentants de l’UNICEF, interroge six jeunes garçons âgés de 9 à 13 ans.
Leurs témoignages sont précis, détaillés et concordants. Les six garçons, certains orphelins, d’autres vivant avec leur famille sur le camp, décrivent des situations souvent identiques : ils réclament de la nourriture aux soldats français stationnés au check-point à l’entrée de la base, ces derniers les font venir dans un abri juste à côté, et leur demandent une fellation. Les militaires leur font parfois visionner une vidéo porno sur leur téléphone portable pour leur montrer ce qu’ils attendent d’eux, et dans au moins un des cas, un gamin est sodomisé. À chaque fois, cela se termine de la même manière : les enfants reçoivent des rations militaires, un peu d’argent et la consigne de se taire. La lecture de ces témoignages est crue et montre une réalité de domination particulièrement malfaisante.
Dans ce document, les victimes identifient également une douzaine d’agresseurs soit avec des détails physiques (grain de beauté, tatouage, couleur de peau…), soit avec leur surnom (Batman, Nico, Jean…), et même dans un cas leur fonction (sniper sur le toit de l’aéroport). Surtout, il ressort de ces témoignages que les garçons servaient également de rabatteurs de prostituées pour les soldats. « Quand cette histoire a été révélée, ce qui a surpris les Banguissois c’est qu’il s’agissait de jeunes garçons, alors que les jeunes filles violées sont monnaie courante », raconte le directeur d’une ONG qui fait la navette entre Bangui et l’Europe. « Nous avons récemment recueilli le témoignage de plusieurs jeunes filles entre 12 et 15 ans qui disent avoir été violées par des soldats européens, sans être capables de dire s’il s’agissait de Français ou de ceux de l’EUFOR. »
Le gouvernement français ne remet pas en cause le fond de l’histoire
Pour la directrice juridique d’une grande ONG internationale, qui a passé plusieurs mois à Bangui en 2015, « ces jeunes garçons sont avant tout des rabatteurs de prostituées. Ils se sont sentis humiliés quand ils ont été violés et c’est probablement pour cela qu’ils ont dénoncé les soldats. Mais la réalité, c’est que ce sont principalement des jeunes filles qui sont victimes : un tiers de celles qui viennent nous voir pour des violences sexuelles sont des mineures. C’est malheureusement un cas classique de "sexe contre nourriture", que l’on voit fréquemment dans ces situations. »
Une journaliste française, qui s’est rendue plusieurs fois au camp de M’Poko au premier semestre 2014, se souvient que « des gamins vendaient des rations militaires françaises dans la rue, ce qui est fréquent dans ce genre de cadre, mais il y avait des rumeurs persistantes, que je n’ai jamais entendues ailleurs, sur le fait que les rations étaient achetées. Cela revenait sans arrêt dans les conversations ». Par ailleurs, souligne-t-elle, « les relations entre les soldats français et la population du camp se sont très vite détériorées, en quelques semaines seulement. Il y avait bien sûr le contexte politique tendu entre les Sélékas et leurs opposants anti-balakas, dont les Français étaient jugés trop proches, mais aussi des questions personnelles entre les réfugiés et les militaires tricolores qui étaient fréquemment traités de "voleurs de diamants". L’ambiance était franchement malsaine ».
L’UNICEF a confirmé à Mediapart n’avoir effectué que six entretiens, mais au moins trois sources différentes, à Genève et à New York, à l’ONU et dans des ONG opérant en Centrafrique, affirment qu’il existe d’autres cas d’abus sexuels qui ne figurent pas dans le rapport onusien. « Il y a plus d’enfants concernés que ceux du rapport », indique une des sources. « Des soldats géorgiens de l’EUFOR sont également impliqués lorsqu’ils ont pris la relève des Français au contrôle du check-point à l’entrée de la base. »
Quand l’affaire des viols a été révélée fin avril 2015, un certain nombre de voix (dans l’armée française, mais aussi dans la presse) ont mis en doute la véracité des témoignages, en attribuant les récits des garçons centrafricains à la « rumeur de camps de réfugiés ». Mais c’est une donnée que les personnels spécialisés de l’OHCHR et de l’UNICEF connaissent très bien, notamment la question du « témoin contaminé » (un individu qui répète ce qu’il a entendu et non pas ce qui lui est vraiment arrivé). L’UNICEF assure que les personnes qui ont mené les entretiens étaient parfaitement formées et, de plus, deux fonctionnaires internationaux qui connaissent bien la spécialiste de l’OHCHR ayant conduit les interviews garantissent son grand professionnalisme (jointe par Mediapart, elle n’a pas souhaité nous répondre, attendant le résultat d’une enquête interne de l’organisation).
Par ailleurs, et c’est le point principal, le gouvernement français, en dépit des précautions oratoires de Jean-Yves Le Drian (« Si les faits sont avérés ») ne remet pas en cause le fond de l’histoire. Un spécialiste français des questions de défense qui a suivi cette affaire, lui-même officier, indique : « Personne dans l’état-major ne dit "Ce n’est pas possible", et tout le monde dit "Ça peut arriver". » Toutefois, pour lui, il n’y a pas eu de tentative d’étouffer l’affaire au plus haut niveau : « Il est possible que plusieurs bataillons soient concernés et qu’un ou deux soldats par bataillon soient responsables de ces abus, ce qui diluerait cette affaire et l’aurait rendue invisible. Il est possible aussi qu’un officier ait décidé de ne pas faire remonter les abus qu’il aurait appris. »
Il est difficile de croire qu’entre la date des premiers abus (décembre 2013), la période où ils parviennent aux ONG (février-mars 2014), puis à l’ONU (avril 2014) et les entretiens avec les enfants (mai-juin 2014), le commandement militaire français sur place n’ait rien su. Officiellement, les Français découvrent les faits lorsque Anders Kompass, le directeur des opérations de l’OHCHR, transmet le rapport avec les interviews des enfants à l’ambassadeur français à Genève, qui le fait remonter à Paris.
Pourtant, un expert des droits de l’homme travaillant pour une ONG française, qui s’est rendu à plusieurs reprises en Centrafrique, est parvenu à confirmer cette histoire auprès de plusieurs sources : « Un soldat français échangeait de la nourriture contre des fellations avec un gamin. Un jour, il y a été un peu trop fort avec le gamin, qui a eu très mal et l’a dit à sa mère. Celle-ci l’a battu puis a été se plaindre auprès des ONG (c’est probablement le récit de l’interview n° 3 dans le rapport de l’ONU). Le chef de section du soldat l’a appris et lui a cassé la gueule. Cela a été tellement violent qu’il a fallu rapatrier le soldat en France. » Autrement dit, au moins un officier français aurait été au courant d’un abus sexuel. A-t-il pu le garder pour lui au vu des circonstances, ou l’a-t-il fait remonter dans la hiérarchie ?
Deux autres sources, l’une dans une institution internationale en Centrafrique, et l’autre à l’OHCHR à Genève, affirment à Mediapart que le commandement français à Bangui était au courant de ces abus bien avant le rapport onusien. Elles portent ces accusations sur la base de discussions avec des fonctionnaires internationaux, mais ne sont pas en mesure d’en apporter la preuve.
«Les militaires français ne savaient pas où ils étaient !»
De toute manière, il y a forcément une défaillance de l’armée française selon la directrice juridique de la grande ONG internationale : « Le rôle d’un commandant, c’est de se tenir au courant, pas juste d’être informé par ses troupes. Il y aura toujours des brebis galeuses partout, et c’est pour cela qu’il faut des procédures de prévention et un dispositif de lanceur d’alerte. » Et elle ajoute : « Le vrai problème, c’est que cela continue aujourd’hui, qu’il s’agisse des Français ou d’autres contingents de soldats. »
Chose rare, l’ONU elle-même a rendu publics au mois de juin 2015 d’autres cas d’abus de casques bleus sur des mineurs en Centrafrique, dont certains auraient donné lieu à des grossesses. La nationalité des soldats n’a pas été révélée. C’est une affaire qui s’ajoute au lourd passif des casques bleus en la matière. La tradition du silence est lourde et le ministère de la défense français n’est pas en reste : sachant qu’il a été informé, au plus tard, du rapport de l’ONU sur les abus en juillet 2014, il a choisi de se taire pendant huit mois, attendant l’article du Guardian pour lancer une enquête pénale.
Selon un proche de l’état-major français, l’armée dit ne pas réussir à identifier la douzaine de soldats décrits dans le rapport, notamment parce que certains d’entre eux auraient quitté les armes (il y a un taux de rotation de 20 % par an au niveau des simples soldats). Pourtant, une source militaire a du mal à croire à cette version : « L’armée tient des registres très précis de qui était sur le check-point et quand. Il suffit de passer tous ces noms au crible. » Et, selon un fonctionnaire international à Bangui qui a eu connaissance de l’affaire très tôt : « Plusieurs soldats français identifiés dans le rapport sont restés en Centrafrique jusqu’à la fin 2014. » C’est-à-dire bien après que les autorités françaises ont reçu le rapport de l’ONU.
Si la Centrafrique n’a pas l’apanage de ces histoires de viols et de « sexe contre nourriture », il y a néanmoins quelque chose de spécifique à la manière dont l’opération Sangaris a été menée et à la manière dont la France (et, dans une moindre mesure, les autres Occidentaux) se comporte dans ce pays. « Les Français en République centrafricaine ne cessent de faire des accommodements avec la réalité », juge Roland Marchal, chercheur au CERI qui connaît bien le pays. « Il y a en permanence cette idée que l’on fait déjà beaucoup pour ces gens qui ne le méritent pas. »
L’opération Sangaris a été décidée très vite, sous-tendue par l’idée qu’il fallait intervenir rapidement pour prévenir un génocide. Pour l’officier spécialiste des questions de défense, « c’est une opération dont les difficultés ont été sous-estimées par le responsable opérationnel à Paris, le général Didier Castres. L’officier placé à la tête de l’opération, Francisco Soriano, est considéré comme un bon mec, mais il est devenu général sur le tard et il n’est pas de la trempe dont on fait un chef d’état-major ». Selon plusieurs journalistes et humanitaires qui ont suivi le déploiement des forces françaises en décembre 2013 et janvier 2014, les conditions sont très rudes : à la fois sur le terrain (campements sommaires, beaucoup de cas de paludisme), mais aussi dans les ordres qui sont donnés. Les soldats ne doivent pas intervenir lorsqu’ils ne sont pas eux-mêmes en danger. Ils assistent donc à des scènes de massacre et à des exactions en devant se contenter de tirer en l’air.
« Les militaires français ne savaient pas où ils étaient ! Ils étaient très ennuyés dans leurs interventions », explique un photoreporter français qui a suivi l’armée à cette période-là. « Ils ont désarmé les Sélékas en laissant la bride libre aux anti-balakas, avant de se rendre compte au bout de quelque temps que c’était une erreur car les seconds en ont profité. » « Les ordres étaient confus, la chaîne de commandement flottante. Le moral des soldats était très bas et leur frustration intense », se souvient un humanitaire qui les a accompagnés à Bangui et en brousse. Un autre humanitaire basé à Bangui, moins indulgent, décrit les soldats français comme « de petits caïds sans aucun respect pour la population locale. Beaucoup d’entre eux sont là pour toucher une solde confortable des opérations extérieures et ils se moquent complètement des difficultés du pays ou de leur mission… ».
Dès décembre 2013, le camp de réfugiés de M’Poko a grossi très vite, dépassant les capacités des humanitaires. Les soldats français se sont retrouvés pris entre les deux parties du camp : les musulmans, soupçonnés d’appartenir à la Séléka, et les anti-balakas, désireux de les chasser. « Très vite, il y a eu beaucoup de violence, dont des meurtres, et beaucoup de trafics à M’Poko », rapporte un autre photoreporter. Le nombre de soldats français victimes de stress post-traumatique après avoir été déployés en Centrafrique est l’un des plus élevés de toutes les opérations extérieures françaises récentes, touchant 12 % des militaires, selon un rapport de début 2015.
Ces circonstances difficiles d’une opération hâtivement préparée n’expliquent en rien les abus sexuels, mais elles permettent d’appréhender le contexte d’un pays où l’État n’est qu’un lointain souvenir et où, loin de tout, de nombreuses barrières tombent. En 2008, un diplomate français qui quittait Bangui avait envoyé à ses collègues un texte d’humour noir racontant sa vie de « troisième secrétaire à l’ambassade de France au Nyamangwa », dans lequel il relatait une journée de ses péripéties dans un pays en rébellion permanente, où rien ne fonctionnait et où les diplomates et les expatriés français se laissaient aller. Ce texte (reproduit sous l’onglet Prolonger) est devenu un récit « collector » au Quai d’Orsay, mais il n’a visiblement pas servi à faire changer la manière dont la France se comporte au Nyamangwa-Centrafrique.
Ces dérives rappellent le pire des comportements coloniaux
Charles Malinas, l’ambassadeur nommé par Laurent Fabius et François Hollande au tout début de l’opération Sangaris, est lapidairement balayé du qualificatif « d’abruti qui n’a aucune expérience de l’Afrique » par l'un des spécialistes français du pays. C’est, de fait, son premier poste d’ambassadeur et sa première expérience africaine. Il est par ailleurs précédé d'une réputation peu flatteuse. Un ancien directeur du Quai d’Orsay qui a suivi de loin en loin sa carrière dit de lui : « C’est un sale type. Il a débuté dans le cabinet de Roland Dumas, dans le pire des milieux affairistes et tordus. Il était l’âme damnée du cabinet. » Comment a-t-il atterri à Bangui, dans un pays au bord de la guerre avec une intervention militaire tricolore en cours ? « On envoie les pires en RCA, ceux qu’on ne peut pas mettre ailleurs et dont on veut se débarrasser », conclut cet ancien haut diplomate, ordinairement plus indulgent avec ses pairs.
Quant au numéro deux de l’ambassade de France, il est régulièrement aperçu dans Bangui, sans se cacher, avec des prostituées à ses bras (quatre personnes ont confirmé ce fait à Mediapart, dont deux fois sans qu’on ait eu à poser la question). Même s’il n’y a rien d’illégal à ce comportement, tant que les jeunes filles sont majeures, cela fait grincer les dents des différents humanitaires français et fonctionnaires internationaux qui le croisent.
Inauguration d'un monuments aux soldats français morts en RCA en mai 2015 © EMA
Les dérives sont parfois tellement prononcées qu’un spécialiste des droits de l’homme en mission à Bangui s’est senti obligé de rapporter, il y a quelques mois, au Quai d’Orsay et au ministère de la justice français le comportement d’un groupe de magistrats hexagonaux en mission en Centrafrique, dans le cadre d’un projet européen d’assistance à la justice centrafricaine : « Ils sollicitaient sexuellement de nombreuses femmes, de l’expatriée blanche trentenaire à la gamine centrafricaine mineure. En France, cela tomberait sous le coup du harcèlement ou du crime sexuel, mais en Centrafrique, ils ont un sentiment total d’impunité. Après que j’ai fait un rapport oral aux deux ministères, ils ont poursuivi leur mission. »
Ce laisser-aller et ces dérives qui rappellent le pire des comportements coloniaux sont malheureusement monnaie courante en Centrafrique, qui évoque souvent une parodie de pays plus qu’une nation souveraine. Deux sources, l’une dans l’humanitaire, l’autre dans une institution internationale, ont raconté à Mediapart qu’il y avait certainement « eu une tentative d’étouffer, ou en tout cas de taire, l’affaire des viols par les soldats, afin de ne pas ouvrir la boîte de Pandore sur toutes les autres pratiques nauséabondes en Centrafrique de la part des internationaux : trafic de diamants, usage de drogues, parties fines avec des mineures, etc. ».
Amer, le chercheur Roland Marchal estime que « la communauté internationale a tellement intégré le fait que la Centrafrique était une catastrophe depuis très longtemps qu’elle pense ne plus rien pouvoir changer. C’est le fatalisme complet… ». Un fatalisme qui conduit l’armée française et le ministère de la défense d’un côté, et l’ONU de l’autre côté, à tenter de garder secret un rapport sur des abus sexuels commis par des soldats, voire d’en minorer la portée et les implications. Un fatalisme qui pousse un actuel directeur du Quai d’Orsay, rencontré au mois de mai 2015, à hausser les épaules quand on lui parle de Centrafrique, après avoir été particulièrement loquace sur tous les thèmes abordés préalablement, Syrie, Ukraine, Iran : « La Centrafrique ? Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? On n’y peut rien… » Et d’aborder avec gourmandise un autre sujet. Pauvre Centrafrique, si loin de tout, si proche des Français…
Cette enquête a été rédigée par Thomas Cantaloube, avec la collaboration de Célhia de Lavarène à New York, d’Agathe Duparc à Genève et de Lénaïg Bredoux à Paris.
Pour cette enquête, Mediapart a interviewé plusieurs dizaines de personnes. Étant donné la sensibilité de cette histoire, la plupart n’ont accepté de témoigner qu’à condition de rester anonymes. Leurs déclarations ont scrupuleusement été vérifiées auprès d’autres sources et de documents en notre possession.
URL source: http://www.mediapart.fr/journal/international/140715/en-centrafrique-les-accusations-contre-larmee-francaise-se-multiplient

Toussaint
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Message  Toussaint Jeu 16 Juil - 17:58


L'ONU fait peser une chape de plomb sur les viols en Centrafrique

16 juillet 2015 |  Par Celhia de Lavarène et Thomas Cantaloube



Au sein d'une organisation qui prône la tolérance zéro en matière d'abus sexuels, les plus hautes huiles des Nations unies ont tout fait pour décourager les enquêtes sur les auteurs de viols, alors même que l'alerte avait été donnée par ses fonctionnaire

Que ce soit à Bangui, sur le terrain des opérations de la Mission des Nations unies pour la stabilisation de la Centrafrique (MINUSCA), à l’ONU au sein du département des opérations de maintien de la paix (DPKO), ou parmi les diplomates de la Mission française, on ne parle pas de l’affaire des militaires français accusés de viols en République centrafricaine. C’est devenu tabou. Sauf s’il s’agit de s’enquérir du nombre de Casques bleus déployés sur le terrain ou de leur mandat. Le silence qui entoure ce scandale pèse pourtant de plus en plus lourd et force les interrogations. À commencer par celle-ci : l’ONU aurait-elle quelque chose à cacher ? « C’est curieux ces consignes de silence, explique un membre de l’ONU, qui ne veut pas que son nom soit cité. Elles contreviennent au statut et règlement du personnel des Nations unies qui dit que les membres du personnel ont le devoir de coopérer et de dénoncer ce genre d’agissements lorsqu’ils en sont informés. »

L’Écossais Peter Gallo fait partie de ceux qui ont décidé de ne pas se taire. Inspecteur aguerri, il a intégré le Bureau des services de contrôle interne des Nations unies (OIOS) en mars 2011. Il vient de démissionner. S’il avoue ne pas avoir travaillé sur l’affaire des militaires français, il en connaît cependant les détails et ne se prive pas d’en souligner les irrégularités : « Depuis les révélations du scandale par le Guardian, l’ONU s’est appliquée à démontrer qu’elle n’avait rien à voir dans cette affaire au motif que les militaires sont français sous commandement français. Si tel est le cas, pourquoi avoir gardé le rapport documentant les viols sous le coude pendant huit ou neuf mois sans réagir et sans diligenter une enquête ? Et pourquoi s’acharner sur Anders Kompass au point de lui demander de démissionner ? »

Le Suédois Anders Kompass est l’homme par qui le scandale a éclaté. Ce directeur des opérations au Haut Commissariat des droits de l’homme de l’ONU (OHCHR), à la réputation intègre, est la personne qui, fin juillet 2014, a transmis le rapport contenant les entretiens des enfants victimes d’abus sexuels aux autorités françaises. Mais il l’a fait sans enlever les noms des enfants, ni ceux des enquêteurs des Nations unies, comme cela se fait habituellement. Cette négligence a irrité beaucoup de monde au sein de l’ONU et elle a pris une importance démesurée au regard des enjeux initiaux – les abus sexuels commis contre des enfants de 9 à 13 ans par des soldats en mission sous le drapeau tricolore.

La clique onusienne s’est donc mobilisée comme rarement sur ce dossier, notamment Hervé Ladsous, le patron français des opérations de maintien de la paix (DPKO), ancien ambassadeur et porte-parole du Quai d’Orsay. Selon une source qui requiert l’anonymat, « dès qu’il a appris que Kompass avait envoyé un rapport aux autorités françaises, il a demandé sa tête à Susana Malcorra, la chef de cabinet de Ban Ki-moon ». Or Anders Kompass dépend du Haut Commissariat aux droits de l’homme, pas du DPKO, ni du bureau des investigations internes, ce dernier étant supposé indépendant. Pour Peter Gallo : « Il y a eu interférence entre Malcorra et Carman Lapointe, la boss d’OIOS. Une liaison dangereuse qui aurait poussé Michael Stefanovic, le directeur d’OIOS, le service d’enquête interne de l’ONU, à demander à être dessaisi du dossier. Ce dernier s’est depuis réfugié dans le silence. »

« Il est évident que sans les révélations du Guardian, sous-entendu sans Kompass, les abus sexuels commis par des militaires français et d’autres, seraient restés lettre morte. Comme d’habitude. Maintenant, il sert de bouc émissaire… », s’insurge Peter Gallo.

Lorsqu’on remonte les fils de cette histoire, on émerge au cœur d’une nébuleuse où navigue le gratin onusien : Susana Malcorra, le haut-commissaire aux droits de l’homme Zeid Ra’ad Al-Hussein, Carman Lapointe, Hervé Ladsous et probablement le secrétaire général Ban Ki-moon. Selon plusieurs sources, beaucoup de ces gens ont eu le rapport de Kompass entre les mains et ont choisi de ne pas en faire état. D’autres, plus bas dans la hiérarchie, ont également regardé ailleurs. La numéro deux des droits de l’homme, Flavia Pansieri, l’a gardé sur son bureau pendant huit mois sans le lire. Elle avait trop de travail, dit-elle. Le général Babacar Gaye, patron de la MINUSCA, l’a également eu entre les mains. Pourquoi ne se sont-ils pas focalisés sur les abus sexuels commis sur des enfants et ont-ils choisi de se concentrer sur les procédures internes ?

« C’est ultraverrouillé à Bangui. Personne ne parle de ces événements. »

Au sein de la maison de verre, la colère gronde : de plus en plus de membres du personnel sont en désaccord avec la gestion de l’affaire, et pensent que Kompass a fait moralement et légalement ce qu’il devait faire. Pour une partie de ces personnels, qui se sont confiés à Mediapart, il est un héros. L’accuser d’avoir mis les enfants en danger en publiant leurs noms leur paraît stupide et ridicule.

« Il y a une grande différence entre publier les noms des victimes de violences sexuelles dans un journal et les donner aux enquêteurs, affirme Peter Gallo. Dans quel but l’ONU voulait-elle que les noms soient effacés si ce n’est pour entraver voire empêcher le travail des enquêteurs ? Je vous rappelle que lorsque les enquêteurs français sont arrivés à Bangui, ils ont eu interdiction de parler avec le personnel de l’UNICEF qui avait interrogé les enfants. L’ONU avait-elle intérêt à ce que les enquêteurs ne fassent pas leur travail, ce qui expliquerait son attitude? Si tel est le cas, quelles en sont les raisons ? »

En coulisse, beaucoup s’interrogent sur les mobiles poussant certains responsables de l’ONU à réduire au silence toute personne qui serait en possession d’informations propres à faire progresser l’enquête. Aujourd’hui, le personnel qui intègre les rangs de la MINUSCA est immédiatement mis au parfum. « C’est ultraverrouillé à Bangui, confie un membre de la mission. Personne ne parle de ces événements. Le pire, c’est qu’il y a toujours autant d’abus sexuels. La semaine dernière, ils ont été commis par des Bangladeshi, des Pakistanais et des Marocains. Et ce, bien que le patron de la mission ait déclaré pratiquer la politique de tolérance zéro. Vaste fumisterie. L’autre jour, lors du briefing sur la sécurité, on nous a dit : “Les Centrafricaines sont belles. Retenez-vous.” C’est incroyable, non ? »

Devant la levée de boucliers provoquée par la façon dont l’ONU a réagi, Ban Ki-moon a nommé une commission indépendante dont la mission, selon Stéphane Dujarric, son porte-parole, sera de « passer au crible la réponse de l’ONU aux accusations d’exploitations et d’abus sexuels par des forces militaires étrangères non placées sous le commandement de l’ONU, et d’évaluer la validité des procédures en vigueur » pour ce genre d’affaires.

Un fonctionnaire international, qui préfère garder l’anonymat, commente cette commission en ces termes : « Si les faits n’étaient pas aussi tragiques et n’impliquaient pas des enfants, ce serait risible. Cette commission est une farce. Par exemple, un des trois membres en est le Gambien Hassan Jallow, procureur du Tribunal international pour le Rwanda. Vous ne pensez tout de même pas que Jallow, rémunéré par l’ONU, va scier la branche sur laquelle il est assis ? Ce serait l’arroseur arrosé ! Pourquoi ne pas avoir choisi quelqu’un d’étranger à l’Organisation ? Au moins, il n’y aurait pas de conflit d’intérêts. Saviez-vous que le Bureau des investigations internes exerce un contrôle sur les tribunaux nommés par l’ONU et par conséquent sur ses membres ? Il paraît difficile pour Jallow, dans ces conditions, d’émettre des critiques sur Lapointe qui est impliquée dans cette affaire et qui n’a pas intérêt à coopérer avec la commission. Et je ne parlerai pas de Malcorra, qui est intouchable. Ce sera un rapport de plus qui ira finir dans la corbeille d’un fonctionnaire à la solde du secrétaire général… »

Les questions qui se posent quant à l’indépendance et l’impartialité de la commission sont nombreuses. Notamment pour ce qui concerne Jallow, à propos duquel le porte-parole de Ban Ki-moon a cru bon de préciser qu’il ne serait pas payé pendant la durée de son travail au sein du panel. Il demeure malgré tout un membre du personnel de l’ONU, qui risque bientôt de se retrouver sans travail. « Le tribunal pour le Rwanda est en train de diminuer ses effectifs, précise une source. La plupart de ses membres vont être congédiés et Jallow va devoir se trouver un autre job. Il pourrait avoir intérêt à ne pas remettre en cause les manquements de Lapointe et de Malcorra dans ce dossier et ne pas formuler de critiques trop virulentes. »

Dernier point et non des moindres : la commission peut recruter des consultants. Pourront-ils préserver la confidentialité des témoins et de l’information qui leur sera fournie ? Il semblerait qu’une personne ait déjà été recrutée. Elle travaillait au tribunal, avec Jallow, donc pour l’ONU. S’il s’agissait d’éteindre l’incendie par tous les moyens, l’ONU a encore une fois choisi la méthode de la poudre aux yeux. Au détriment des enfants. Les grands perdants.
Toussaint
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Message  yannalan Jeu 16 Juil - 19:48

La seule chose à faire est de rappeler les troupes étrangères.Ce genre de comportement est malheureusement inéluctable (relisez "la peau" de Malaparte) dans des pays où la prostitution démarre très tôt. En Afghanistan, il n'y a pas eu d'affaires de ce genre...

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Message  Toussaint Ven 24 Juil - 17:52

Viols d'enfants en Centrafrique: démission d'une responsable de l'ONU

Par swissinfo.ch - 24/07/2015

Flavia Pansieri, la responsable de l'ONU la plus haut placée à avoir été informée d'accusations d'abus sexuels commis par des soldats français en RCA a démissionné, a indiqué mercredi l'ONU.

La responsable de l'ONU la plus haut placée à avoir été informée d'accusations d'abus sexuels commis par des soldats français en République centrafricaine a démissionné, a indiqué mercredi l'ONU. Elle a invoqué des raisons de santé.

Flavia Pansieri était la numéro deux du Haut commissariat aux droits de l'homme basé à Genève. De nationalité italienne, elle avait occupé pendant une trentaine d'années divers postes à l'ONU avant d'être nommée il y a trois ans adjointe du Haut commissaire aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad al-Hussein.

Mme Pansieri avait été informée à l'été 2014 des allégations de viols d'enfants en RCA par Anders Kompass, un diplomate suédois travaillant pour le Haut commissariat.

Celui-ci avait aussi transmis de sa propre initiative un rapport de l'ONU sur cette affaire aux autorités françaises. Il avait été sanctionné par sa hiérarchie pour n'avoir pas respecté les procédures en vigueur. L'affaire avait finalement été révélée par le quotidien britannique Guardian.

Sangaris comme cadre
Devant les critiques accusant l'ONU d'avoir tardé à réagir, une commission d'enquête indépendante a été nommée le mois dernier pour évaluer la façon dont l'organisation a géré cette affaire. Mme Maestracci n'était pas en mesure de préciser si Mme Pansieri avait témoigné devant cette commission. Cette dernière a commencé son travail et doit rendre ses conclusions en septembre.

Les accusations de viols, qui visent notamment 14 soldats français, font l'objet d'une enquête judiciaire en France. Les enfants, âgés de 8 à 13 ans, auraient également été violés par des soldats du Tchad et de Guinée équatoriale. Les militaires français faisaient partie de l'opération Sangaris menée par la France en RCA et n'étaient pas sous le commandement de l'ONU.
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Message  Toussaint Ven 24 Juil - 17:54


RCA: L’UNICEF demande des justificatifs sur l’utilisation de 5 milliards de FCFA

Par APA - 16/07/2015

Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) a demandé au gouvernement centrafricain et aux organisations humanitaires de se justifier sur l’utilisation de 5 milliards de FCFA, faute de quoi la Centrafrique pourrait être privée des financements de cette organisation onusienne.

Selon la revue semestrielle des activités de l'UNICEF en Centrafrique qui s'est achevée ce 14 juillet à Bangui, des dépenses non justifiées ont été enregistrées dans les secteurs de l'éducation, de la communication et de la santé infantile ainsi que dans certains domaines d'activités de l'UNICEF-Centrafrique.

Cette situation place la Centrafrique en deuxième position des pays de la région Afrique ne respectant pas les principes de financement de cette agence du système des Nations unies.

L'UNICEF risque de priver la Centrafrique de ses financements si les 5 milliards dépensés ne sont pas justifiés par les bénéficiaires, une situation grave lorsqu'on sait que l'UNICEF intervient dans la prise en charge des enfants soldats et plusieurs secteurs vitaux intervenant dans le bon déroulement du processus de retour à la paix dans le pays.

Une revue des activités de l'UNICEF est effectuée tous les semestres pour évaluer les différentes activités exécutées en Centrafrique par cette organisation, en partenariat avec certaines organisations humanitaires.

La dernière revue s'est déroulée en présence du représentant régional Afrique occidentale et centrale de l'UNICEF, Manuel Fontaine, qui séjourne en actuellement Centrafrique pour discuter avec les autorités de la Transition.
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Message  Toussaint Ven 24 Juil - 18:06

La population de Zacko au PK 13 s’inquiète de la décomposition des corps jetés dans les puits pendant la crise

http://rjdh.org Par Prince Ngaïbino le 23 juillet 2015

Enfui à quelques centimètres sous terre, ou souvent jetés dans des puits un peu partout à Zacko dans la commune de Bégoua, la décomposition des corps sans vie des victimes de l’affrontement des éléments de l’ex-Séléka et des Anti-Balaka en décembre 2014, inquiète la population de la localité.

A l’entrée de l’ancien marché à bétail du PK13, où des éléments des ex-Séléka avaient élu domicile, Achille Guitermbi, un agent de la police résidant de Bégoua, explique qu’il y a encore à ce jour, plusieurs corps dans des puits et latrines. Selon l’agent de police, très peu de corps sont repêchés du fait que les éléments de l’ex-Séléka avaient interdit l’accès des lieux aux agents de la Croix Rouge. Jusqu’à ce jour, aucune action de déterrement n’est envisagée. Si ce n’est qu’une identification des puits et autres charniers effectuée par la Sangaris en début d’année. L’agent de police dont une latrine de sa concession a été un charnier d’environs dix morts, aux lendemains du 5 décembre, affirme qu’il est témoin d’un des enterrements anarchiques dans ce secteur.

« Nous avons fui le 5 décembre (… ). Je crois trois ou quatre jours après, on m’a informé que des corps avaient été jetés dans une latrine de ma concession. Quand je suis revenu du camp des déplacés de Don-Bosco, j’ai vu moi-même un corps qu’ils transportaient dans une brouette avant d’aller jeter», a témoigné la source avec tristesse et regret.

Il est difficile d’identifier la plupart des victimes mais pour « éviter d’éventuelle contamination », certains habitants se sont « engagés volontairement » à déterrer les corps « si les conditions leur étaient données ». Lucienne Krenede, mère de Hilaire Gonoundeu, tué et jeté dans un puits près d’un jardin botanique, souhaite pour sa part récupérer le corps de son fils pour un enterrement digne. La localité de Bégoua dénombre une dizaine de puits et autres charniers repartis dans les quartiers de Zacko 1, 2 et Golf.

La municipalité de Bangui reconnait avoir établi une liste des enterrements anarchiques dans ce secteur et promet de donner plus d’information au RJDH prochainement. Selon une recherche publiée sur le site internet scientifique www.terraeco.com l’eau empêche les bactéries responsables de la décomposition des corps de se développer. Ce qui expose la population au risque d’éventuelle contamination
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Message  Toussaint Ven 24 Juil - 18:53

Centrafrique : Comment l’Europe finance la guerre, selon Global Witness

mercredi 15 juillet 2015 / par Frédéric Schneider

Les pays européens contribuent au financement de la guerre en Centrafrique, selon une nouvelle étude de l’ONG Global Witness publiée ce mercredi. Les exploitants forestiers dans le pays ont versé d’importantes sommes d’argent aux ex-rebelles de la coalition Séléka quand ils étaient au pouvoir, et ensuite aux Anti-Balaka, pour permettre leur travail.

Le rapport de l’Organisation non-gouvernementale (ONG) Global Witness, basé à Londres et à Washington DC, accuse les pays européens d’alimenter la guerre en Centrafrique. Dans un rapport publié ce mercredi, l’institution montre comment les entreprises européennes ont monnayé leur présence dans le pays en versant de l’argent d’abord aux ex-Séléka puis aux Anti-Balaka. Des combattants étaient payés pour assurer la « sécurité » de leurs infrastructures. De l’argent était aussi distribué à des barrages routiers pour permettre le transport des marchandises.

Le commerce à tous prix

L’ONG, dont un des principaux bailleurs est l’Open Society Institute de Georges Soros [1], appelle à rompre les accords commerciaux et les aides avec les entreprises forestières en Centrafrique « de toute urgence ». Près de 59 % des exportations de bois du pays se font vers l’Europe, notamment en Allemagne où se dirige 32 % du total des exportations, en France près de 20 % et 5 % au Royaume-Uni. La guerre civile en Centrafrique a fait plus de 5 000 morts et près d’un million de personnes déplacées.

En mars 2013, la rébellion de l’ex-Séléka s’est emparée du pouvoir dans le pays. Le rapport décrit la manière dont des éléments de l’ancien groupe rebelle ont été envoyés dans les forêts du pays afin de trouver des sources de financement. Des accords ont alors été conclus entre la rébellion et notamment trois entreprises forestières qui contrôlent une zone qui s’étend sur une superficie représentant 200 fois celle de Paris, située dans le sud-ouest du pays. Elles représentent 99 % des exportations de bois centrafricain : IFB d’origine française, SEFCA du Liban et Vicwood, une société chinoise.

« Complicité dans les crimes de guerre »

L’exploitation du bois avant la crise représentait 10 % du revenu national et 40 % des recettes de l’Etat centrafricain. En 2013, ces trois entreprises auraient versé près de 3,4 millions d’euros aux rebelles (plus de 2, 230 milliards de Fcfa) pour continuer leur exploitation. Un groupe d’experts sur la République centrafricaine mis en place par le Conseil de sécurité des Nations unies indiquait dans un rapport de juillet 2014 que « jusqu’à 6 000 dollars par mois » (plus de 3 500 000 Fcfa) avaient été payés à des commandants de la Sékéla par des entreprises forestières pour la protection de leurs installations à Bangui, la capitale du pays.

En 2013, près de 381 000 euros (soit près de 250 millions de Fcfa) ont été payés en une fois au gouvernement de la Séléka de Bangui par la SEFCA pour autoriser le franchissement des barrages routiers et bénéficier de « protection ». « Le conflit brutal en République centrafricaine a été maintenu en vie grâce aux financements européens », a indiqué le responsable de campagne à Global Witness, Alexandra Pardal. « Nos enquêtes ont montré que les entreprises forestières qui exportent illégalement vers l’Europe ont versé des millions d’euros aux rebelles coupables de massacres, d’enlèvements, de viols et du recrutement forcé d’enfants soldats. Ces entreprises devraient être traduites devant les tribunaux pour leur complicité dans les crimes de guerre commis », a-t-il ajouté.

L’AFD montré du doigt

Global Witness incrimine notamment l’Agence française de développement (AFD) qui a financé à hauteur de plusieurs millions d’euros le développement de l’exploitation forestière en Centrafrique, versant notamment 1,4 millions d’euros à SEFCA pour un plan d’aménagement forestier, qui joue un rôle majeur pour l’économie du pays. Le secteur du bois représente aujourd’hui 2 717 emplois et doit rapporter des millions d’euros de taxe à l’Etat.

De son côté, l’AFD a indiqué que ses investissements, qui ont débuté dès les années 90, devaient permettre le développement d’un modèle alliant « rentabilité économique » et « préoccupation environnementale ». Pour Global Witness, les bénéfices de ce partenariat de l’institution française apportés à la Centrafrique ne compensent par les préjudices entraînés, par la même occasion, en alimentant la corruption et la guerre.

« Il est tragiquement ironique de constater que, alors que les gouvernements européens ont investi des centaines de millions d’euros dans des opérations militaires et de maintien de la paix en RCA, ils n’ont pas réussi à garder le bois du conflit en dehors des marchés de l’UE », a précisé Alexandra Pardal. En mars 2013 est justement entré en vigueur au sein de l’Union européenne le « règlement bois » qui oblige en principe les entreprises à prouver l’origine légale du bois qu’elles ont acheté. « Tant que l’Europe continuera de soutenir l’industrie forestière de la RCA, les consommateurs de l’UE seront susceptibles d’alimenter involontairement un conflit que leurs propres armées étaient censées stopper », conclu le texte.


[1] Voir https://en.wikipedia.org/wiki/Globa...
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