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"Le PSTU et l'homosexualité" (Brésil, 1994)

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vilenne
Marco Pagot
Byrrh
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"Le PSTU et l'homosexualité" (Brésil, 1994) Empty "Le PSTU et l'homosexualité" (Brésil, 1994)

Message  Byrrh Mer 12 Sep - 12:32

Une traduction du texte O PSTU e a homossexualidade disponible en portugais sur le site du Partido Socialista dos Trabalhadores Unificado, organisation trotskyste brésilienne qui considère depuis longtemps que le combat contre l'oppression spécifique de certains secteurs du prolétariat (femmes, Noirs, homosexuels, etc.) fait partie du combat communiste.

Les lusophones voudront bien faire preuve d'un peu d'indulgence s'ils constatent des erreurs : je les remercie de me les signaler le cas échéant.

En tant que nouvel inscrit, je ne peux poster de lien pour le texte en portugais. Je vous invite à coller ce qui suit dans votre navigateur, en le faisant précéder de la syntaxe habituelle : pstu.org.br/secretaria_glbt_programa01.asp

Le PSTU et l’homosexualité

Par Wilson H. Silva,
Secrétariat National des Gays, Lesbiennes et Bisexuels du PSTU,
section brésilienne de la Ligue Internationale des Travailleurs-Quatrième Internationale (LIT-QI).

Introduction


Nous tenons d’abord à préciser que ce texte a été écrit principalement dans l’intention d’ouvrir le débat entre militants du Partido Socialista dos Trabalhadores-Unificado, le PSTU. Autrement dit, il ne s’agit ni d’un texte achevé, ni de la version finale d’un programme sur la « question » homosexuelle au Brésil. Nous en sommes loin, et nous pensons que cette « ébauche » n’est qu’une première étape en vue de surmonter les énormes problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Grâce à ce texte, nous souhaitons ouvrir un débat large, franc et approfondi, non seulement avec ceux qui se revendiquent du PSTU, mais aussi avec toute la société, et en particulier avec un nombre croissant de gays et de lesbiennes qui, prenant conscience que le seul moyen de gagner nos droits est de s’organiser et lutter, se sont investis de façon constante dans ce combat.

Dans ce texte, les homosexuels hommes et femmes sont appelés respectivement gays et lesbiennes, car c’est la terminologie employée le plus fréquemment au sein du mouvement homosexuel, que ce soit au Brésil ou dans le reste du monde. De même, les homosexuels (comme les femmes et les Noirs) sont désignés comme des « catégories opprimées » de la société et non pas comme des « minorités », comme il était d’usage de dire dans les années 1970 (avec un certain contenu discriminatoire).

Les militants du PSTU reconnaissent que la gauche en général, et les révolutionnaires en particulier, ont malheureusement et pendant trop longtemps négligé toute discussion à ce sujet. Cette absence de discussion montre de façon flagrante que ces organisations ne sont pas à l’abri des préjugés énormes qui existent dans la société. L’ignorance, les idées fausses et l’ostracisme prévalent à l’égard des homosexuels. C’est pourquoi nous estimons qu’il est de notre devoir, dans la mesure où nous cherchons à représenter une nouvelle alternative dans le mouvement révolutionnaire brésilien, de mettre fin à ces obstacles en prenant légitimement en considération une question qui affecte la vie quotidienne de 5 à 10 % de la population.

Contrairement à ce qui s’est fait par le passé, la gauche révolutionnaire ne peut plus aujourd’hui se dérober face à cette responsabilité, que ce soit dans les usines, les bureaux ou les écoles.

A cause justement de cette absence de tradition en matière de débat sur l’homosexualité au sein des organisations de gauche, nous avons choisi dans un premier temps de présenter quelques éléments historiques qui peuvent être utiles à la discussion. Nous présenterons ensuite certains aspects des préjugés et de l’oppression dont sont victimes les gays et les lesbiennes et, pour finir, une amorce de programme.

Il importe enfin de souligner que ce texte s’appuie sur un certain nombre d’élaborations théoriques, principalement sur le matériel qui a été produit durant les années 1980 quand pour la première fois, un mouvement homosexuel organisé est descendu dans la rue et a exigé des réponses de la part des courants organisés de la société. En ce sens, il y a dans le texte une prédominance d’analyses provenant de Convergência Socialista, que nous avons cherché à enrichir avec le concours d’autres groupes et courants qui sont à l’origine du PSTU.

Un bref historique

L’homosexualité et l’hétérosexualité sont deux orientations sexuelles différentes qui coexistent depuis l’aube de l’humanité. Des recherches anthropologiques menées dans le monde entier ont même mis en évidence le fait que dans une grande partie des sociétés primitives, les homosexuels ont joué un rôle important et qu’ils étaient respectés en tant que conseillers, guérisseurs ou dans le cadre d’autres tâches.

Ces mêmes études nous amènent à penser que l’oppression des homosexuels peut, en partie, s’expliquer par le même contexte qui donna lieu à la discrimination et à l’oppression des femmes. L’introduction de la propriété privée et la transformation des anciennes sociétés matriarcales en sociétés patriarcales, telles qu’elles ont par exemple été analysées par Engels dans L’origine de la famille, de la propriété et de l’Etat, entraînèrent des changements profonds dans les relations sociales et sexuelles. La nécessité de pouvoir déterminer qui était l’héritier des biens accumulés enchaîna les femmes à la domination masculine, et ouvrit la voie à une terrible discrimination envers toute activité sexuelle qui n’avait pas pour but la reproduction « contrôlée ».

Ce processus, bien sûr, connut des rythmes particuliers en fonction des différentes sociétés du monde antique. Dans la civilisation romaine, et surtout dans la civilisation grecque, l’homosexualité continua d’être respectée quand elle était liée à des rituels sacrés, à l’initiation des adolescents à l’âge adulte, et même à l’armée (comme dans le fameux « bataillon sacré de Thèbes », une armée composée exclusivement de couples homosexuels).

Avec le développement et l’expansion du christianisme en tant que religion dominante, la discrimination à l’encontre des homosexuels acquit des formes plus élaborées, et la pratique de l’homosexualité commença non seulement à être condamnée par la société, mais aussi à être châtiée de façon exemplaire.

A l’apogée de sa puissance, au Moyen Age, à partir du XIe siècle, l’Eglise engagea une chasse aux homosexuels et à tous ceux qui s’élevaient contre la morale catholique étroite et bornée. En plus des centaines de lesbiennes qui furent brûlées comme sorcières, les homosexuels en général furent utilisés comme « combustible » pour les bûchers purificateurs de la Sainte Eglise. Mais ce ne fut qu’au XIXe siècle qu’apparut le mot « homosexualité » pour décrire les relations sexuelles entre personnes du même sexe. Le terme fut rapidement associé à une « maladie », qui devait être soignée. Cette conception, qui prévalut dans la majeure partie du monde jusqu’à la dernière décennie – quand l’Organisation Mondiale de la Santé, en 1985, céda finalement au mouvement homosexuel international en rayant l’« homosexualité » de la liste des maladies mentales –, servit à justifier toutes les formes de discrimination et de violence contre les gays et les lesbiennes.

L’un des exemples les plus sanglants de cette violence fut donné par le nazisme qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, envoya à la mort des centaines de milliers d’homosexuels. Dans les camps de concentration, ceux-ci portaient le triangle rose, devenu des années plus tard l’un des principaux emblèmes de la lutte contre l’oppression des homosexuels.

Un siècle de luttes

L’un des premiers écrits connus contre les discriminations anti-homosexuelles date de 1869. Cette année-là, un médecin hongrois, Karóly Benkert, adressa une lettre pleine de colère au Ministère de la Justice allemand, condamnant le nouveau code pénal dont le paragraphe 175 stipulait que les actes sexuels entre hommes étaient un crime. C’est dans cette lettre, aussi, que Benkert utilisa pour la première fois le terme « homosexuel » pour décrire ces actes.

La lutte contre le paragraphe 175 fit se développer en Allemagne les premiers mouvements de libération homosexuelle. En 1897 apparut le Comité Scientifique et Humanitaire (CSH), qui mit en œuvre diverses activités jusqu’en 1933, année où il fut durement victime de la violente persécution des nazis qui venaient de prendre le pouvoir.

Durant son existence, le CSH jeta les bases de ce qu’allait être le mouvement homosexuel au cours du siècle. Pétitions, conférences et activités publiques furent largement utilisées pour tenter de mettre fin aux discriminations anti-homosexuelles. Pour exemple du degré d’activité et de la « modernité » du Comité, il convient d’évoquer la participation de Hirschfeld à de nombreuses productions cinématographiques sur ce thème. Dans le plus célèbre de ces films, Différent des autres (en 1919, soit moins de vingt ans après la naissance du cinéma) [Note du traducteur : Anders als die Andern (1919), film muet de Richard Oswald dont subsiste aujourd’hui un fragment d’une durée de 51 minutes. Un DVD zone 2, avec intertitres allemands sous-titrés en anglais, a été édité en Allemagne en 2009 par Filmmuseum], Hirschfeld ne se contenta pas de faire l’acteur (dans le rôle d’un médecin qui cherche à convaincre la société que l’homosexualité n’est ni un crime, ni une maladie), mais inséra à la fin du film un puissant discours, aujourd’hui toujours valable :

« Nous devons être certains que bientôt viendra un temps où de telles tragédies [le suicide du personnage principal gay] seront impossibles, car la connaissance permettra de surmonter les préjugés, la vérité vaincra le mensonge et l’amour vaincra la haine. »

Comme nous le savons, la prophétie de Hirschfeld ne s’est pas encore accomplie, en dépit d’un mouvement gay et lesbien qui n’a jamais cessé depuis son époque. Les années 30 et 40 furent marquées par d’importants reculs et défaites causés par le fascisme et la guerre. Toutefois, dans les années 50, le mouvement homosexuel international prit un nouvel essor avec la lutte des homosexuels américains contre la « chasse aux sorcières » initiée par le sénateur ultraconservateur McCarthy. Mais les petits groupes qui apparurent à l’époque n’étaient que les prémisses du puissant mouvement homosexuel qui allait émerger dans ce pays deux décennies plus tard. Les années 60 furent marquées par une révolution des mœurs et des comportements de larges pans de la société dans de nombreux pays capitalistes. 1968 entra dans l’histoire comme l’année de la révolte étudiante. 1969 fut une étape importante de la lutte pour les droits des homosexuels. Le 28 juin de cette année, la police new-yorkaise effectua l’une de ses habituelles descentes dans un bar fréquenté par les homosexuels, le Stonewall, dans le Greenwich Village. Mais cette fois-ci, les choses se passèrent de façon bien différente. Lassés des humiliations et du harcèlement, les homosexuels qui se trouvaient dans le bar, avec à leur tête des travestis, résistèrent aux policiers et les enfermèrent dans l’établissement avant d’y mettre le feu. Les émeutes, qui mobilisèrent des milliers de manifestants armés de pierres et de bouteilles, se prolongèrent durant toute la matinée du 28 et pendant encore quatre nuits. A l’occasion du premier anniversaire de la rébellion, 10 000 homosexuels venus de tous les coins des USA défilèrent dans les rues de New York, montrant qu’ils étaient prêts à continuer la lutte pour leurs droits. Depuis lors, le « 28 juin » est considéré comme la Journée internationale de la Fierté homosexuelle.

Conséquence directe de cette mobilisation, les années 70 virent l’apparition de centaines d’organisations gays et lesbiennes. Ces organisations remportèrent d’importants acquis : elles forcèrent la National Psychiatric Association à abandonner la classification des homosexuels comme malades ; elles imposèrent la fin des interdictions professionnelles que subissaient les homosexuels dans les services publics de plusieurs villes et états ; dix-huit états américains annulèrent les lois qui réprimaient pénalement la sodomie ; plusieurs villes adoptèrent des lois interdisant la discrimination sur les lieux de travail et en matière de logement.

Mais ces avancées conquises au début de la décennie furent systématiquement attaquées durant les années 70 et 80. L’aggravation de la crise économique mondiale ouvrit la voie à un discours conservateur qui fit que de nombreuses lois anti-discrimination furent abrogées, malgré la résistance des organisations et de la communauté homosexuelle en général. L’un des exemples les plus importants de cet affrontement eut lieu à Miami, en Floride, en 1977. Le rejet d’une loi en faveur des droits des homosexuels fit descendre des centaines de milliers de personnes dans la rue. Rien qu’à San Francisco, 250 000 personnes défilèrent pour protester contre les atteintes aux droits des homosexuels et dénoncer le meurtre d’un membre de la communauté par trois adolescents. Du fait du raz-de-marée conservateur et de la suppression de certains droits légaux, les agressions physiques à l’encontre des homosexuels connurent également une augmentation. L’affaire la plus connue est sans doute, à San Francisco, l’assassinat de Harvey Milk, le premier conseiller municipal ouvertement gay jamais élu aux Etats-Unis. En novembre 1978, Dan White, un ancien policier et conseiller municipal, tua Milk et le maire de la ville à l’intérieur même de la mairie. Ce meurtre déclencha une vague de manifestations au niveau national et international, qui connut son apogée en mai de l’année suivante, quand White, en dépit de toutes les preuves, reçut la peine minimale (8 ans d’emprisonnement, avec possibilité de libération conditionnelle au bout de 5 ans).

Suite à cela, 10 000 personnes se rassemblèrent devant la mairie pour protester. La manifestation se transforma rapidement en de violents affrontements avec la police : il y eut 119 blessés (dont 59 policiers), des dégâts matériels dans le bâtiment de la mairie et plusieurs voitures brûlées. Globalement, les dégâts se chiffrèrent à 1 million de dollars. La révolte des manifestants atteignit son comble quand les policiers leurs crièrent qu’ils étaient venus pour « nettoyer la ville » et la reprendre des mains des « pédés ».

D’autres exemples pourraient être évoqués concernant le mouvement homosexuel aux USA, mais il importe surtout de souligner que son caractère militant servit d’exemple et de modèle pour les groupes gays et lesbiens qui virent le jour dans plusieurs pays du monde. Ce fut aussi le cas au Brésil.

Le mouvement au Brésil


En 1977, les étudiants descendirent dans la rue pour réclamer l’amnistie des prisonniers et exilés politiques. C’était le commencement du déclin de la dictature. Différentes couches de la société cherchèrent à s’organiser, la presse « alternative » se développa rapidement, et les catégories opprimées et exploitées de la société exigèrent un espace. Au cours de ce processus apparut le journal Lampião de Esquina, avec l’objectif de rassembler les luttes de ce qu’on appelait les « catégories opprimées » (femmes, Noirs, Indiens et homosexuels) ; dans la pratique, ce journal était presque entièrement en direction de la communauté homosexuelle. L’idée de créer ce journal a pour origine la visite d’un journaliste gay américain, Winston Leyland, venu en Amérique Latine fin 1977 pour rassembler des éléments en vue d’écrire une anthologie des écrivains homosexuels. Sa visite amena des journalistes, des écrivains et des intellectuels à se réunir, et à lancer en avril 1978 le numéro zéro du journal.

Outre le lancement du Lampião, d’autres événements contribuèrent à la formation du premier mouvement homosexuel au Brésil. Toujours en avril 1978, du 24 au 30, la revue Versus organisa un cycle de débats intitulé « Semana do Movimento da Convergência Socialista », afin d’élaborer la plate-forme politique d’un futur Parti socialiste brésilien. Durant ces discussions, un « incident » causé par le fait que le Lampião n’avait pas été invité provoqua d’intenses débats sur les rapports entre la gauche et les homosexuels. Ces débats eurent une grande importance, étant donné qu’il s’agissait de la première discussion publique sur l’homosexualité et ses aspects politiques.

Après cette discussion, un groupe composé de deux journalistes du Lampião et d’autres homosexuels fonda le Núcleo de Ação pelos Direitos Homossexuais [« Centre d’action pour les droits des homosexuels »], dont la première action publique fut de dénoncer le journal Notícias Populares, qui parlait des homosexuels de façon péjorative. En décembre 1978, le groupe prit le nom de SOMOS - Grupo de Afirmação Homossexual. Et en février 1979, après avoir participé à un cycle de débats à l’Université de São Paulo, les effectifs de SOMOS augmentèrent significativement, rassemblant une centaine d’homosexuels (environ 80 hommes et 20 femmes).

Dès sa fondation, une partie des membres de SOMOS se soucièrent de tisser des liens avec d’autres catégories opprimées de la société, les femmes et les Noirs (même si cette démarche n’a pas toujours été réciproque). La première apparition publique de SOMOS lors d’une mobilisation eut lieu le 20 novembre 1979 (anniversaire de la mort de Zumbi dos Palmares, ou Journée Nationale de la Conscience Noire), dans une manifestation à l’initiative du Movimento Negro Unificado. Dans cette manifestation, les militants de SOMOS brandirent une banderole « Pour la fin de la discrimination raciale - SOMOS - Groupe d’Affirmation Homosexuelle ».

Au début des années 80, en plus de SOMOS, il y avait déjà plusieurs autres groupes dans différents états du pays. Du fait de la nécessité de discuter, au niveau national, des différentes expériences de chacun des groupes et de la possibilité de coordonner des actions communes, la 1e Rencontre brésilienne des homosexuels et la 1e Rencontre brésilienne des organisations homosexuelles furent organisées. Elles eurent lieu pendant la Semaine Sainte de 1980, à Rio de Janeiro. Les deux premiers jours de la Rencontre furent réservés aux représentants des groupes, et une réunion plénière rassembla 800 personnes. Parmi les groupes qui étaient présents, on peut citer : Facção Homossexual da Convergência Socialista, Eros (São Paulo), SOMOS/Sorocaba, SOMOS/Rio de Janeiro, Beijo Livre (Brasília), Libertos (Guarulhos) et le Grupo de Ação Lésbico-Feminista. Des représentants de plusieurs autres états y participèrent également.

Comme lors de la discussion entre les groupes, la réunion plénière fut dominée par le débat sur la façon dont le mouvement homosexuel devait se positionner par rapport aux autres catégories opprimées et exploitées de la société. Cette discussion achoppa sur la question de l’opportunité pour le mouvement homosexuel de participer à la commémoration du 1er Mai dans l’ABC paulista [ceinture industrielle de São Paulo], où il y avait alors un important mouvement de grève. L’assemblée plénière se scinda en deux, et la proposition d’apparaître organisationnellement lors de cette action fut repoussée d’une seule voix.

Cette discussion révéla un clivage au sein du mouvement homosexuel. D’un côté, il y avait ceux qui voyaient une possibilité de parvenir à l’émancipation des homosexuels dans les limites de la discussion sur la sexualité elle-même, et de l’autre côté, ceux qui pensaient que l’émancipation ne serait possible qu’en tant que combat commun avec les autres catégories opprimées et exploitées de la société.

Les partisans de cette deuxième position décidèrent de participer quand même à l’action (même s’ils craignaient une possible réaction négative de la part des ouvriers) et organisèrent la « Comissão de Homossexuais pró-1º de Maio » qui réunit un groupe de 50 homosexuels. Le groupe entra dans le stade de Vila Euclides, à São Bernardo, avec les deux slogans Contre l’interdiction de nos syndicats et Contre la discrimination des travailleurs/euses homosexuels, et à sa grande surprise, il fut applaudi avec enthousiasme et en aucune façon molesté.

Tout ce qui séparait les deux positions concernant la participation au 1er Mai peut être brièvement et ironiquement illustré par l’activité réalisée par le groupe hostile à la participation. Pendant l’action de Vila Euclides, les journalistes du Lampião et ceux qui étaient d’accord avec eux organisèrent un pique-nique au zoo.

Dans la période qui suivit le 1er Mai, le fossé s’élargit inévitablement entre les deux groupes, et les pages du Lampião devinrent le relai de nombreuses attaques contre le groupe « de gauche », en particulier contre la Fraction Homosexuelle de Convergência Socialista.

Cette division ne put être surmontée temporairement qu’en raison d’une violente vague de répression déclenchée à la fin du mois de mai par le chef de la police Wilson Richetti contre le ghetto gay de São Paulo.

Dès sa création, le mouvement dut faire face à la répression policière. Un exemple : entre avril et juillet 1979, la police fédérale commit une série d’attaques contre le journal Lampião et, sporadiquement, des organisations de tout le pays reçurent des lettres de menace de « commandos de chasseurs de gays ». Richetti avait l’intention de « nettoyer » les rues. Dans ce but fut organisée l’« opération Rondão » lors de laquelle, pendant des jours, des dizaines d’homosexuels, de travestis et de prostituées du centre de São Paulo furent battus et arrêtés.

L’extrême violence de l’opération entraîna de larges catégories de la société à s’élever contre elle, et une manifestation organisée par le mouvement homosexuel, les organisations féministes et le Movimento Negro Unificado eut lieu le 13 juin, réunissant près de 1 000 participants. Cette manifestation entra dans l’histoire comme la plus importante mobilisation d’homosexuels que ce pays ait jamais connue.

L’éclatement et l’époque actuelle

En 1981 devait avoir lieu la 2e Rencontre brésilienne des organisations homosexuelles, mais du fait du degré de friction entre les différents groupes, il y eut seulement deux petites réunions régionales, une dans le Nordeste et une autre à São Paulo.

Malgré cette évidente division, SOMOS parvint à louer un siège pour ses activités (une première au Brésil), mais des problèmes financiers, conjugués à des problèmes politiques, conduisirent le groupe à éclater définitivement en 1983. Un an plus tard, le groupe Outra Coisa, formé par des dissidents de SOMOS et des journalistes du Lampião, cessa à son tour ses activités. Parmi les principaux groupes apparus au début de la décennie, seuls le Grupo Gay da Bahia et l’Ação Lésbico-Feminista réussirent à rester actifs durant les années 80.

On pourrait dire qu’en plus de la division apparue au sein du mouvement, plusieurs autres facteurs ont contribué à son éclatement. Bien qu’il soit impossible de déterminer avec précision les causes de ce processus, quelques « pistes » peuvent être envisagées :

• Les classes moyennes de la société, comme les étudiants et les professions libérales (parmi lesquels se trouvaient la plupart des membres du mouvement), qui ont joué un rôle déterminant dans la lutte contre la dictature entre 1977 et le début des années 80, ont pris un autre caractère à partir de la montée des luttes ouvrières. Les courants les plus militants du mouvement qui, à juste titre, ont vu dans le mouvement ouvrier la réponse structurelle aux questions relatives aux libertés démocratiques, n’ont pas su combiner dans leur militantisme leurs revendications spécifiques avec d’autres activités. Cela a abouti à créer un certain « mythe » selon lequel les Noirs, les Indiens, les femmes et les homosexuels ne pourraient conquérir la place qui leur revient qu’« après la révolution ».

• L’affaiblissement progressif de la dictature, et son effondrement final en 1984, ont créé d’énormes illusions démocratiques dans de larges secteurs de ce qu’on appelle les catégories opprimées. Ainsi, en 1982, la possibilité de présenter un candidat ouvertement homosexuel à une élection (pour le Parti des Travailleurs) a conduit certains à penser que la société était prête à assimiler l’homosexualité (ou du moins à commencer à en parler). Surtout à partir de 1984, la bourgeoisie libérale a adopté une politique de « concessions » concernant les catégories opprimées. Des secrétariats « spéciaux » de femmes et de Noirs sont apparus dans plusieurs états, tentative d’institutionnaliser le mouvement. Même chez les homosexuels qui, pour des raisons évidentes, n’ont pas eu droit au même traitement, l’espoir a vu le jour qu’il était possible de conquérir un espace.

• L’apparition des premiers cas de sida (d’abord appelé « peste homosexuelle » par la presse et les milieux conservateurs) au milieu des années 80, même si elle a été un stimulant pour l’organisation de plusieurs petits groupes homosexuels, a contribué à favoriser les préjugés, mettant les homosexuels dans une situation de plus grande vulnérabilité.

• Au début des années 80, il y a eu un recul général, à l’échelle mondiale, par rapport aux idées qui étaient nées de 1968 et s’étaient renforcées au Brésil. Aux USA, la génération des « yuppies », symbole de l’ère Reagan, a été emblématique de cette évolution, servant de « modèle » dans le reste du monde. Ce « recul » n’a pas seulement atteint les homosexuels, mais a aussi eu pour cible les rares acquis gagnés par les femmes et la jeunesse.

Quoi qu’il en soit, quelles qu’aient pu être les causes, le fait est que les quelques groupes qui ont survécu aux années 80 l’ont fait de façon dispersée et atomisée.
En 1993, à l’occasion de la 7e Rencontre Nationale des Lesbiennes et des Homosexuels, on a constaté qu’il existait à peu près 43 groupes actifs dans le pays, dont 19 étaient représentés à la réunion.

Aujourd’hui, le Grupo Gay da Bahia est l’un des groupes qui ont le plus d’influence (au niveau national et international). Outre le GGB, on pourrait citer le Coletivo de Lésbicas Feministas (São Paulo), le Groupe Homosexuel du Parti des Travailleurs ; Triângulo Rosa, Atobá, 28 de junho et Auê e Agani (Rio de Janeiro) ; Amhor (Pernambuco) ; Dignidade (Paraná), et plusieurs autres groupes régionaux, sont des exemples d’une activité dispersée mais constante.

La 7e Rencontre Nationale a également démontré qu’il existe d’énormes différences entre ces groupes. Deux exemples : 1. il y a eu une intense polémique pour que le mot « lesbiennes » puisse être ajouté à l’intitulé de la Rencontre, certains refusant de reconnaître que les lesbiennes sont doublement opprimées, en tant que femmes et en tant qu’homosexuelles, et qu’elles ont le droit d’être traitées différemment dans le mouvement ; 2. pendant la Rencontre, l’une des principales controverses a tourné autour de l’opportunité de défendre ou non la « révision constitutionnelle ». Si certains ont réclamé une campagne pour inclure dans la Constitution une clause contre la discrimination liée à l’orientation sexuelle, la plupart des autres participants ont rejeté toute initiative dans le processus de « révision », considéré comme illégitime.

En outre, la Rencontre a mis en évidence une « volonté politique » de s’organiser à l’échelle nationale. Poussés par la pression et les effets concrets de la discrimination (cf. détails ci-après), les gays et les lesbiennes de tout le pays ont réalisé que s’organiser était non seulement nécessaire, mais aussi indispensable.

Il faut également rappeler que dans d’autres pays, des processus assez similaires se sont produits. Aujourd’hui, il existe des groupes et des organisations homosexuels dans tous les pays d’Amérique Latine (il y a quelques années, c’était pratiquement impossible, soit à cause de l’arriération machiste, soit du fait de l’existence de dictatures sanglantes et ultra-conservatrices). Aux USA, où le mouvement homosexuel continue d’être le plus organisé de la planète, il y a eu un processus très contradictoire. Les lesbiennes et les gays nord-américains ont fait une grande démonstration de force en organisant la plus grande manifestation homosexuelle de tous les temps (un défilé de près d’un million de personnes l’année dernière). Mais immédiatement après, ils ont consacré toutes leurs forces à l’élection de Bill Clinton (le premier candidat à la présidence à obtenir ouvertement l’appui de la communauté homosexuelle), dans l’espoir de profondes réformes contre les discriminations. Une fois élu, Clinton n’a pas tenu sa promesse de mettre fin aux discriminations contre les homosexuels dans les forces armées (responsables de la radiation de milliers de gays et de lesbiennes). Dans une grande partie de la communauté, le soutien inconditionnel s’est rapidement changé en dégoût et plusieurs groupes ont radicalisé leur discours.

Le mouvement révolutionnaire et l’homosexualité

Nous pensons qu’il est important de faire une parenthèse pour expliquer la position des révolutionnaires d’Octobre 1917 concernant l’homosexualité. La position des bolcheviks en matière d’homosexualité a été exprimée dans une brochure écrite par le Docteur Grigori Batkis, directeur de l’Institut d’Hygiène Sociale de Moscou. Les révolutionnaires russes affirmaient : « L’actuelle législation sexuelle de l’Union Soviétique est l’œuvre de la Révolution d’Octobre. Cette Révolution est importante non seulement en tant que phénomène politique qui assure le pouvoir politique de la classe ouvrière, mais aussi parce que les révolutions qui sont l’œuvre de cette classe bouleversent tous les aspects de la vie (…). Est déclarée l’absolue non-ingérence de l’Etat et de la Société en matière de sexualité, du moment que personne ne subit un préjudice et qu’il n’est nui aux intérêts de personne (…). En ce qui concerne l’homosexualité, la sodomie et les diverses autres formes de gratification sexuelle, qui dans les législations européennes sont considérées comme des offenses à la moralité publique, la législation soviétique les considère exactement de la même façon que toute autre forme de relation dite « naturelle » [entre guillemets]. Toute forme de relation sexuelle est une affaire privée. Des poursuites pénales ne se justifient que s’il y a utilisation de la force ou de la contrainte, et en général quand les droits des autres personnes sont lésés ».

Il est clair que cette conquête de la révolution a été détruite par le stalinisme. On peut par exemple en faire le constat dans l’édition de 1971 de la Grande Encyclopédie Soviétique, où l’on peut lire : « L’homosexualité est une perversion sexuelle consistant en une attraction antinaturelle entre personnes de même sexe. Les lois pénales de l’URSS, des pays socialistes et même de certains états bourgeois punissent l’homosexualité… »

Cette conception infâme adoptée par le stalinisme a eu des répercussions partout dans le monde. Les partis communistes et leurs variantes ont condamné – et pour la majeure partie d’entre eux condamnent encore – la pratique de l’homosexualité, créant de sérieux problèmes dans les relations entre les organisations du mouvement homosexuel et la gauche en général. Avec l’envoi systématique des homosexuels dans des camps de travaux forcés et, plus récemment, la création de véritables camps de concentration pour les porteurs du VIH, Cuba est devenu pour les franges les plus conservatrices du mouvement homosexuel un argument et un repoussoir leur servant à attaquer la gauche en général et les révolutionnaires en particulier.

A des degrés divers et avec plus ou moins d’intensité, les organisations et les partis staliniens brésiliens ont toujours épousé les conceptions classiques du stalinisme soviétique.

Au début des années 80, Hiro Okita a interrogé différents courants du mouvement pour savoir quelles étaient leurs positions par rapport à l’homosexualité. Les résultats nous ont surpris :

• Le MR-8, le plus ardent défenseur de Staline, a caractérisé (et caractérise encore, mais de façon moins appuyée) l’homosexualité comme « une forme de masturbation » ou « une maladie mentale » typique de « toutes les sociétés en décadence », ce qui ne permet pas que les homosexuels « accèdent à une position privilégiée dans la société en raison de problèmes qui leur sont propres ».

• Interrogé à l’époque, le dirigeant du Parti Communiste Brésilien (PCB), malgré le fait qu’il croyait personnellement que l’homosexualité était « leur problème » et qu’il ne savait pas s’il s’agissait d’une maladie ou pas, a souligné que la « position officielle [du parti] suscitait des résistances ». Et quand on lui a demandé si les militants homosexuels du PCB avaient le droit de s’organiser au sein du parti, sa réponse a été la suivante : « Le parti ne le permet pas. En son sein, il n’y a pas le Noir, la femme et l’homosexuel pris séparément, mais des communistes » (!?). Depuis lors, bien sûr, et même si cela s’est fait timidement, ces organisations, y compris le Parti Communiste du Brésil (PCdoB) – qui, il y a encore peu de temps, avait pour exemple l’Albanie, où l’homosexualité n’existait « officiellement » pas – ont été contraintes de revoir leurs positions discriminatoires face aux questionnements posés de plus en plus fréquemment, en particulier dans la jeunesse. Mais ces préjugés ont laissé des marques indélébiles. Tout homosexuel qui a milité quelque part où ces préjugés étaient présents sait exactement ce que cela signifie.

Pourquoi un programme spécifique ?

Il va sans dire qu’un programme pour tous les secteurs de la société capitaliste ne peut être assimilé à la lutte pour le socialisme. C’est le premier point de notre programme, et il ne se discute pas. Mais, tout comme nous défendons les sans-abris quand ils occupent des logements vides, même si ce n’est pas la solution définitive au problème du logement mais une garantie qu’ils ne se retrouveront pas encore plus démunis à l’extérieur, nous devons donner des réponses concrètes et immédiates à la situation des homosexuels dans la société.

Nous refusons clairement et catégoriquement tout discours qui dirait que « les Noirs, les pédés et les femmes » [Note du traducteur : ces citations entre guillemets font référence aux paroles de la chanson Podres poderes de Caetano Veloso, célèbre musicien et chanteur brésilien de gauche, ouvertement bisexuel] devront se soumettre à des « pouvoirs pourris » [Note du traducteur : idem] jusqu’à ce que la révolution triomphe. C’est quotidiennement que nous souffrons de l’oppression et de la discrimination, et par conséquent, notre lutte aussi doit être quotidienne et constante. Les raisons pour cela sont nombreuses. Voici quelques exemples :

Existence d’une idéologie homophobe

Les gays et les lesbiennes sont constamment victimes de la propagation d’une idéologie anti-homosexuelle dans les médias. Ils sont ridiculisés dans les émissions de télévision, et présentés comme des « malades », des « débauchés » et des « pervers » par la presse de caniveau et même par les « grands journaux ».

En outre, les institutions fondamentales de la société brésilienne, comme l’Eglise et l’armée, condamnent avec véhémence l’homosexualité et prônent ouvertement l’« extirpation » de ce « mal ».

Les effets de cette idéologie, pour les gays et les lesbiennes, sont terribles. Une enquête, réalisée auprès de 2 000 personnes et publiée par la revue Veja dans son édition du 12 mai 1993, montre le degré de discrimination dont ils sont victimes. Quelques exemples :

56 % des personnes interrogées changeraient leur comportement vis-à-vis d’un collègue si elles apprenaient qu’il est homosexuel. Une personne sur cinq s’écarterait de lui.

36 % refuseraient d’embaucher un homosexuel pour un poste dans leur entreprise, même s’il était plus qualifié.

45 % changeraient de médecin s’ils découvraient qu’il était gay. Même chose pour un dentiste, qui perdrait ainsi la moitié de sa clientèle.

47 % des répondants changeraient leur vote au cas où l’homosexualité de leur candidat à une élection était révélée.

44 % pensent que les homosexuels ont provoqué l’apparition du sida. Deux tiers des répondants diplômés sont en désaccord avec cette idée.

79 % des personnes interrogées n’accepteraient pas que leur fils sorte avec un ami gay. Dans le Nordeste, le taux de rejet atteint 87 %.

Une autre enquête récente menée auprès de 250 médecins généralistes à São Paulo a montré que 30 % d’entre eux considèrent l’homosexualité comme une maladie, alors qu’en 1985, l’Organisation Mondiale de la Santé a retiré de son « Code international des maladies » l’article qui qualifiait l’homosexualité de maladie.

Répression policière et violence physique

Le sujet de la violence anti-homosexuels est peu discuté en-dehors du ghetto, mais pour les homosexuels, il est si important qu’il a été l’un des principaux thèmes débattus lors de la 7e Rencontre des Lesbiennes et des Homosexuels. Un exemple révélateur : récemment, un homosexuel brésilien a obtenu l’asile politique aux Etats-Unis, en faisant valoir le fait qu’il risquait sa vie au Brésil en raison de son orientation sexuelle (c’est le premier cas de droit d’asile accordé par les USA pour cette raison).

L’une des principales raisons pour lesquelles les cas de violences ne sont pas connus au grand jour est la condition même de l’homosexuel. Quand ils se font agresser physiquement, les gays ou les lesbiennes vont rarement au commissariat pour porter plainte car ils auraient de fortes chances de se faire humilier par les policiers, qui encouragent souvent de violentes « battues » dans les ghettos. Et lorsqu’il y a des meurtres, les familles et les amis cherchent à dissimuler le caractère homophobe du crime afin de « préserver » l’image de la famille.

Ces dernières années, des groupes fascisants (comme les « skinheads ») ont pris les homosexuels comme l’une de leurs principales cibles (après les Noirs et ceux du Nordeste) et les informations ont fait état de plusieurs attaques violentes et de menaces de mort (comme cela s’est produit récemment à Rio).

Discrimination professionnelle

Non seulement de nombreuses entreprises refusent d’embaucher les homosexuels, mais ceux-ci doivent aussi subir, dans différents lieux de travail, des discriminations en termes d’avancement (que leur homosexualité soit publique ou pas). Quand ils ne sont pas licenciés s’ils décident d’assumer leur sexualité.

Marginalisation permanente dans la société

La non-acceptation de l’homosexualité implique une série de problèmes que ne rencontrent jamais les hétérosexuels. Dans l’espace public, il est quasiment interdit aux homosexuels d’exercer pleinement leur affectivité : les relations « doivent » être ignorées des parents et des amis, l’affection doit rester confinée dans les ghettos et dans l’espace privé, etc. La frustration causée par cette situation peut entraîner divers problèmes d’ordre émotionnel et psychologique, et les cas de dépression et même de suicide ne sont pas rares.

Dans la réalité concrète, la situation est grave. Les couples homosexuels, même « stables », sont exclus des acquis sociaux gagnés par la classe ouvrière (soins médicaux pour les conjoints, droit à la succession, contrats civils communs, etc.) et de toutes les facilités que les couples hétérosexuels peuvent obtenir dans le cadre de leur travail.

De plus, pour les gays et les lesbiennes, une simple recherche de logement peut devenir une pénible succession d’humiliations et de difficultés. Et même le recours aux services médicaux pour les questions qui sont directement liées à l’exercice de leur sexualité s’avère problématique.

Sida et discrimination

Les préjugés envers les porteurs du virus HIV ne connaissent pas de limites : les enfants sont expulsés des écoles et harcelés par leurs voisins ; les femmes et les hommes hétérosexuels sont reniés par leurs familles et leurs amis, etc., etc. Mais indépendamment du fait que la maladie atteigne désormais tous les secteurs de la société, le sida est toujours vu comme une « peste gay », dont l’origine et la diffusion sont dues à la « promiscuité » et à la « perversion » homosexuelles.

Au Brésil en particulier, les porteurs du virus sont encore majoritairement homosexuels. Mais conformément à une tendance constatée dans le reste du monde (où les homosexuels ne représentent que 15 % des patients), le sida a étonnamment connu une recrudescence chez les femmes : en 1985, pour 28 hommes infectés il n’y avait qu’une seule femme ; en 1994, le ratio est de 5 cas chez les hommes pour une femme. Ceci est principalement dû au contenu essentiellement discriminatoire et terroriste des campagnes menées par le gouvernement, sous le patronage de l’Eglise. Dans un pays où la bisexualité est aussi répandue que dissimulée, des milliers, voire des millions d’hommes vivent une « double » vie inconnue de leurs épouses, qui se retrouvent infectées. Sans oublier le cas des consommateurs de drogue par injection (parmi lesquels la progression du sida est la plus rapide).

Mais quel que soit le mode de contamination, le fait est qu’à cause du manque d’information et de préjugés les plus purs, les patients sont constamment humiliés dans les hôpitaux, condamnés à mort par avance (puisque c’est un « péché »), et rien de concret n’est fait pour leur garantir le droit à la formation, au travail et même à un logement décent, conditions essentielles pour qu’ils puissent continuer à lutter pour vivre.

Discrimination au sein du mouvement syndical et politique

Les militants syndicaux, de gauche, et même les révolutionnaires, ne sont pas à l’abri des effets de l’idéologie homophobe. Les activistes et militants homosexuels peuvent difficilement assumer leur homosexualité auprès de leurs camarades de combat, craignant que cela fasse obstacle à leur action, puisque dans la grande majorité des cas, leurs organisations ou syndicats font preuve d’opportunisme vis-à-vis de l’arriération de la population et redoutent que l’homosexualité des militant(e)s porte préjudice à leur « image ».

La seule issue, c’est l’organisation

Dans la société, du fait de cet ensemble de problèmes, la tendance est à l’isolement et au silence en matière de sexualité. Et pour beaucoup, la seule façon de remédier à cette situation, c’est de vivre entre « égaux » [entre ceux qui subissent la même oppression]. Ce qui explique, par exemple, l’existence de soi-disant « ghettos gays » dans la plupart des villes. Mais s’il est vrai qu’au moins, dans ces espaces, les homosexuels peuvent s’exprimer avec un peu plus de liberté, il est également vrai que ce sont des espaces « illusoires » : ils sont constamment attaqués par la police et les groupes fascisants, ils sont marginalisés et, souvent, ils se caractérisent par des relations sociales extrêmement précaires.

L’expérience historique du mouvement montre qu’il n’y a d’autre moyen de conquérir une vraie place dans la société que par le biais de l’auto-organisation des gays et lesbiennes. C’est quand ils ont lié leur lutte à d’autres secteurs opprimés et exploités de la société que les homosexuels ont remporté quelques victoires au début de la décennie, et que la société a commencé à les considérer avec un peu moins de préjugés.

Comme nous l’avons vu plus haut, ce n’est que lorsque les homosexuels se sont organisés qu’il a été possible de combattre la discrimination de manière efficace. Il est illusoire de s’attendre à ce qu’une société imprégnée de haut en bas par l’idéologie anti-homosexuelle soit en mesure de se libérer de ses préjugés sans une action énergique et organisée de ceux qui sont victimes de ces préjugés. Comme il est également illusoire d’imaginer que la discrimination et les préjugés prendront fin simplement par la lutte spécifique et isolée des gays et lesbiennes.

Un projet de programme

1. Considérations générales

Le PSTU estime que les relations sociales sous le capitalisme subiront toujours les discriminations et les préjugés les plus abjects. Mais tout comme les femmes et les Noirs, les homosexuels doivent dès aujourd’hui lutter sans relâche pour gagner leur place dans la société. Pour le PSTU, la lutte contre l’oppression des homosexuels n’entre pas en contradiction avec la lutte pour le socialisme. Au contraire : elle en est un aspect. Un aspect d’un même combat pour construire un monde où les préjugés et les discriminations seront balayés en même temps que l’exploitation des hommes et des femmes par la bourgeoisie.

Les vrais révolutionnaires savent que cet objectif ne pourra être atteint que si nous respectons les secteurs opprimés et leurs luttes, et ils estiment également que la présence de représentants de ces secteurs dans leurs rangs est une garantie supplémentaire pour que nous puissions construire la société dont nous rêvons et pour laquelle nous luttons.

Le PSTU considère aussi que seule une alliance entre la jeunesse et les travailleurs, de même qu’avec d’autres secteurs opprimés de la population (les Noirs et les femmes, par exemple), permettra de mener de façon positive la lutte contre l’oppression, la répression et la discrimination des homosexuels. D’après nous, cette alliance exclut tout lien stratégique avec un quelconque secteur de la population qui ne défend pas les intérêts de la classe travailleuse et une alternative révolutionnaire à la société capitaliste et à ses formes nuisibles de domination. Toutefois, dans les activités d’ordre démocratique (comme par exemple les protestations contre les cas de discrimination, les actions concrètes contre la répression, etc.), le PSTU défend la plus large unité d’action avec tous les secteurs du mouvement populaire, étudiant, syndical et politique.

2. Institutions, travail et logement

Le PSTU lutte pour mettre fin aux discriminations et aux préjugés envers les homosexuels à tous les niveaux de la vie sociale : lieux de travail, d’étude et de vie, institutions civiles ou militaires, syndicats et organisations politiques. En ce sens, le PSTU lutte :

1. pour la promulgation, au niveau constitutionnel, d’une loi qui prenne clairement position contre la discrimination de toute personne en raison de son orientation sexuelle ;

2. pour la suppression, dans la législation du travail, de toute loi qui pratique ou encourage la discrimination dans les contrats de travail, les règlements intérieurs et les textes qui régissent l’embauche et la promotion des salariés ;

3. pour l’interdiction de toute règle qui limite le droit au libre choix du lieu de résidence ;

4. pour la suppression des règles ou règlements intérieurs de quelque institution que ce soit, en particulier les forces armées, qui empêchent la libre admission des homosexuels en raison de leur orientation sexuelle ;

5. pour la création, le cas échéant, de lois et de règles, dans toutes les sphères de la vie sociale, qui assurent le combat contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et qui punissent ceux qui la pratiquent.

3. Organisation

A. Le PSTU défend le droit d’organisation et d’expression des homosexuels, et combattra chacune des attaques qui seront menées par le gouvernement, ses organes de répression et les institutions qui le soutiennent, comme l’Eglise et l’armée. Et dans ce sens, il est favorable à la création, au niveau municipal, régional et national, d’espaces de défense des droits des homosexuels, où ceux-ci peuvent compter sur le soutien juridique et politique qui leur est nécessaire.

B. Le PSTU n’admet pas la discrimination envers les homosexuels dans ses propres rangs, et cherche à développer une politique de prise de conscience anti-discrimination dans tous les secteurs où il est actif, que ce soit dans les syndicats, les organisations de base de la classe ouvrière ou dans les associations. En ce sens, le PSTU défend et encourage la création de groupes et de commissions d’homosexuels qui se revendiquent du parti, dans ses différentes sections et cellules de base.

4. Médias

Le PSTU condamne et dénonce la diffusion de stéréotypes anti-homosexuels dans les médias.

5. Droits et avantages civils et salariaux

Le PSTU revendique l’extension de tous les avantages sociaux accordés aux couples hétérosexuels (contrat d’union civile, sécurité sociale, succession, partage des biens, etc.) aux couples homosexuels qui vivent dans la même situation (durée de la relation, etc.). Il défend également le droit de garde des enfants, souvent nié par les institutions judiciaires quand on découvre que la personne qui le réclame est homosexuelle.

6. Sida et discrimination

Le PSTU condamne le traitement actuel de la question du sida, le caractère des campagnes menées par le gouvernement et, en particulier, le mépris avec lequel sont traités les patients. Dans cette perspective, le PSTU exige :

1) que la maladie cesse d’être associée à l’orientation sexuelle des patients ;

2) la réalisation de campagnes d’éducation et de prévention ;

3) l’augmentation des fonds attribués à la recherche et aux soins des patients, avec création d’emplois, d’hôpitaux et de lits ;

4) la fin de la discrimination envers les patients sur les lieux d’étude, de travail et d’habitation.

7. Education

Le PSTU revendique l’introduction d’une matière « éducation sexuelle » dans les cursus scolaires (y compris dans les universités et dans la formation des enseignants), qui comprenne une discussion sur la diversité existant en matière d’orientations sexuelles et sur la nécessité de respecter l’homosexualité en tant que l’une d’entre elles.

8. Violence et répression

Le PSTU dénonce chacun des actes de violence commis à l’encontre des homosexuels par la police ou des groupes de droite, et exige leur punition immédiate. De la même façon, il dénonce la pratique constante d’une partie des médias qui consiste à associer homosexualité et criminalité.

SOURCES :
Dyer, Richard, Now you see it: Studies on Gay and Lesbian Films, London, Routledge, 1990.
Lima, Delcio Monteiro, Os homoeróticos, Rio de Janeiro, Francisco Alves, 1983.
MacRae, Edward, A construção da Igualdade: Identidade Sexual e Política no Brasil da “Abertura”, Campinas, Editora da Unicamp, 1990.
Mantega, Guido (coord.), Sexo e Poder, São Paulo, Brasiliense, 1979.
Míccolis, Leila & Daniel, Herbert, Jacarés e Lobisomens: dois ensaios sobre a homossexualidade, Rio de Janeiro, Achiamé, 1983.
Okita, Hiro, Homossexualismo: da Opressão à Libertação, São Paulo, Proposta Editorial, 1981.
Perlongher, Nestor, O Negócio do Michê, São Paulo, Brasiliense, 1987.
Trevisan, José Silvério, Devassos no Paraíso: a homossexualidade no Brasil, da Colônia à atualidade, São Paulo, Max Limonad, 1986.

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Message  Marco Pagot Sam 15 Sep - 0:01

J'ai à peine survolé ce texte et je le trouve pas mal.

Après je sais, qu'à travers les orgas de masse qu'ils controlent, c'est à dire la Conlutas (le Solidaires brésilien) et l'ANEL (syndicat étudiant de classe), le PSTU a l'air de faire un gros boulot sur ces questions...
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Message  Byrrh Sam 15 Sep - 12:31

Marco Pagot a écrit:J'ai à peine survolé ce texte et je le trouve pas mal.
Ce courant a également édité en 1981 (et réédité en 2007) un petit livre intitulé Homossexualismo: da Opressão à Libertação, qui propose une analyse matérialiste de cette question. Quelque chose me dit qu'il sera un jour traduit en français.

"Le PSTU et l'homosexualité" (Brésil, 1994) S_mlb_10

Après je sais, qu'à travers les orgas de masse qu'ils controlent, c'est à dire la Conlutas (le Solidaires brésilien) et l'ANEL (syndicat étudiant de classe), le PSTU a l'air de faire un gros boulot sur ces questions...
Je ne connais pas parfaitement les activités du PSTU, mais pour le peu que j'ai pu lire sur leur site, il y a parfois de quoi rêver, vu depuis la France. Est-ce trompeur, je ne sais pas. Mais une organisation qui semble ne pas vouloir bazarder ses principes, dont le porte-parole est un ouvrier métallurgiste, et qui depuis ses origines a toujours inclus dans son combat la lutte contre l'oppression des homosexuels, ça ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval.

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Message  vilenne Lun 17 Sep - 16:38

3. Organisation

A. Le PSTU défend le droit d’organisation et d’expression des homosexuels, et combattra chacune des attaques qui seront menées par le gouvernement, ses organes de répression et les institutions qui le soutiennent, comme l’Eglise et l’armée. Et dans ce sens, il est favorable à la création, au niveau municipal, régional et national, d’espaces de défense des droits des homosexuels, où ceux-ci peuvent compter sur le soutien juridique et politique qui leur est nécessaire.
Faudrait voir ce qu'il en est réellement. Entre l'affichage et l'acte, il y a parfois des écarts énormes.
Si ce forum est représentatif de quelque chose, on se rend vite compte que les membres de quelque orga préfèrent produire des tonnes de proses pour dégloiser sur les barbus et le supposé double-discours de TR plutôt, par exemple, que de dénoncer les attaques de l'élite catholique contre le mariage homosexuel.

Toutefois, rien que dans l'annonce, je comprends que tu dises "il y a parfois de quoi rêver".


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Message  dug et klin Lun 17 Sep - 19:55

[quote="vilenne"]
3. Organisation

Si ce forum est représentatif de quelque chose, on se rend vite compte que les membres de quelque orga préfèrent produire des tonnes de proses pour dégloiser sur les barbus et le supposé double-discours de TR plutôt, par exemple, que de dénoncer les attaques de l'élite catholique contre le mariage homosexuel.

Toutefois, rien que dans l'annonce, je comprends que tu dises "il y a parfois de quoi rêver".


Tu as raison,Vilenne,il faut dénoncer et combattre toutes les saloperies religieuses a ce propos,par exemple:Les Chrétiens qui condannent les homosexuel(le)s,et les excommunient,c'est a dire,la ou ils sont influents,les bannissent de la société.et un autre exemple:l'Islam,qui décrete la mise a mort des homosexuel(le)s,ce qui s'est produit,encorerécement,dans des pays ou les Islamistes, sont influents sur le pouvoir politique.
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Message  gérard menvussa Lun 17 Sep - 20:04

il faut dénoncer et combattre toutes les saloperies religieuses
Il faut combattre toutes les saloperies, religieuses ou pas : nous sommes dans un pays qui est depuis longtemps "laique", ou les décisions politiques ne se font pas sous couvert de religion, pourtant on ne peut pas dire que la situation des homosexuel(le)s ait été si bonne que ça !
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Message  Byrrh Lun 17 Sep - 20:25

Cela m'étonne que des marxistes semblent voir l'origine des préjugés anti-homosexuels (superstructure) dans l'arriération religieuse (superstructure également). Y voient-ils aussi l'origine de l'oppression des femmes ?...

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Message  stef Lun 17 Sep - 23:07

Sans vouloir me plonger dans cette question (que je maitrise mal), il me semble cependant qu'une approche simple est de défendre le principe net et clair de l'égalité des droits, quelle que soit son orientation. Bref de traiter la question comme n'importe quelle autre question politique, en la prenant sous l'angle démocratique.
Notamment en France le droit à élever des enfants a pris une réelle ampleur récemment alors que le PSTU n'aborde pas la question (ce n'est pas une critique : à l'époque, la question était peut-être de l'ordre de la spéculation).
Par contre revendiquer l'égalité des droits dans les forces armées me semble très discutable (a priori je ne suis pas pour démocratiser l'armée).

Ceci étant je suis bien d'accord que le document du PSTU est une base de départ bien meilleure que ce que j'ai pu lire dans le NPA ou la LCR (qui elles avaient au moins le mérite d'évoquer la question).

stef

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Message  Byrrh Lun 17 Sep - 23:31

stef a écrit:Sans vouloir me plonger dans cette question (que je maitrise mal), il me semble cependant qu'une approche simple est de défendre le principe net et clair de l'égalité des droits, quelle que soit son orientation. Bref de traiter la question comme n'importe quelle autre question politique, en la prenant sous l'angle démocratique.

Les marxistes ne se sont pas contentés d'entreprendre la question de l'oppression des femmes seulement d'un point de vue démocratique ; les textes d'Engels, Bebel ou Kollontaï en témoignent.
Les marxistes ont su aussi pointer la différence entre l'égalité formelle et l'égalité réelle ; entre l'idéalisme bourgeois des Lumières et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et la réalité concrète de la condition vécue en fonction de la classe sociale à laquelle on appartient.

Bref, traiter cette question sous un angle seulement démocratique — au passage, c'est ce que le courant LCR s'est malheureusement contenté de faire depuis les années 80, avec de simples listes de revendications démocratiques et en adoptant une attitude suiviste à l'égard du milieu associatif —, c'est s'empêcher de comprendre les racines profondes de cette oppression spécifique, et c'est aussi s'empêcher de dissiper l'opinion idéaliste selon laquelle la fin des violences et des préjugés anti-homosexuels (comme la fin de l'oppression des femmes, à laquelle ces violences et ces préjugés sont liés) serait possible dans le cadre de la société présente.

Le texte du PSTU ne dit pas le contraire. Si la lutte "dès aujourd'hui" est indispensable, cela ne doit pas faire oublier que l'émancipation ne sera possible et définitive quand dans un monde débarrassé du capitalisme :

PSTU a écrit:Le PSTU estime que les relations sociales sous le capitalisme subiront toujours les discriminations et les préjugés les plus abjects. Mais tout comme les femmes et les Noirs, les homosexuels doivent dès aujourd’hui lutter sans relâche pour gagner leur place dans la société. Pour le PSTU, la lutte contre l’oppression des homosexuels n’entre pas en contradiction avec la lutte pour le socialisme. Au contraire : elle en est un aspect. Un aspect d’un même combat pour construire un monde où les préjugés et les discriminations seront balayés en même temps que l’exploitation des hommes et des femmes par la bourgeoisie.

Question subsidiaire : quand l'alignement des droits des homosexuels sur ceux des hétérosexuels sera complet en France — ce qui peut survenir d'ici quelques mois —, que trouveront alors à dire sur cette question les partisans de "l'angle démocratique" ? Quel bout de papier "démocratique" protégera jamais la travailleuse ou le travailleur qui se fait harceler ou mettre à la porte du fait de son orientation sexuelle (mais officiellement pour un quelconque motif fallacieux) ? Dont les voisins d'immeuble lui font vivre un enfer ? Qui risque de se faire rectifier le portrait quand il ou elle choisit de ne plus dissimuler qu'il ou elle est homo ? Quelle "égalité des droits" empêchera que des jeunes gays et lesbiennes se fassent jeter de chez leurs parents ou battre comme plâtre par ceux-ci ? Que des parents inculquent leurs conceptions homophobes et sexistes à leurs mômes ? Que l'insulte "pédé" soit l'une des plus couramment entendues dans les cours des écoles primaires ?


Dernière édition par Byrrh le Mar 18 Sep - 9:43, édité 6 fois

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Message  Prado Lun 17 Sep - 23:53

dug et klin a écrit:l'Islam,qui décrete la mise a mort des homosexuel(le)s,ce qui s'est produit,encorerécement,dans des pays ou les Islamistes, sont influents sur le pouvoir politique.

Ne raconte pas n'importe quoi sur l'Islam sans avoir vérifié d'abord, s'il te plait.
Un petit tour par Wikipedia, par exemple, ne fait pas de mal. Surtout à un moment où une partie de l'extrême-droite, à travers le monde, utilise la question de l'homosexualité pour mener sa lutte anti-musulmans.

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Message  gérard menvussa Mar 18 Sep - 0:05

Bref, traiter cette question sous un angle seulement démocratique
C'est de toute façon mieux que de ne pas la traiter du tout. Et ça prouve surtout que tu ne connais que mal ce qu'a avancé la lcr sur ce sujet, et ils ne se sont pas limité a des taches "démocratiques" Voir par exemple l'importance de ce courant dans la naissance d'un courant politique organisé, via la revue "masques" (fondée par d'anciens de la lcr http://www.revuemasques.fr/Historique.html/Historique-naissance.html) Voir également Jacques Fortin http://revuesocialisme.pagesperso-orange.fr/s15fortin.html
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Message  Byrrh Mar 18 Sep - 0:27

gérard menvussa a écrit:
Bref, traiter cette question sous un angle seulement démocratique
C'est de toute façon mieux que de ne pas la traiter du tout.
On peut dire ça, bien sûr, mais bon... Ce n'est pas parce qu'ailleurs c'était l'horreur, que je dois idéaliser ce qui s'est fait dans ton courant.

Et ça prouve surtout que tu ne connais que mal ce qu'a avancé la lcr sur ce sujet, et ils ne se sont pas limité a des taches "démocratiques" Voir par exemple l'importance de ce courant dans la naissance d'un courant politique organisé, via la revue "masques" (fondée par d'anciens de la lcr) Voir également Jacques Fortin
Je connais plutôt bien ce qu'a écrit ou fait la LCR en la matière. Je te parle des revendications démocratiques — un axe auquel la LCR s'est effectivement cantonnée sur cette question —, et toi tu me parles de la revue "Masques" et de Jacques Fortin. Je ne vois pas trop le rapport.

La revue "Masques", un courant politique organisé ? Une bonne revue culturelle, littéraire et artistique, en direction d'un public d'intellos. J'en ai une demi-douzaine de numéros sous la main, c'est parfois plaisant à lire (sauf quand ils donnent la parole à des défenseurs de la pédophilie). Mais je ne vois vraiment pas le rapport avec la politique que mènerait sur ces questions une organisation communiste révolutionnaire en direction des travailleurs. Notamment par rapport au vécu homosexuel au sein des classes populaires, à la façon de mobiliser la solidarité de tous les travailleurs contre une oppression qui les divise au même titre que d'autre oppressions spécifiques. J'ai fouillé longuement dans tout ce que qu'a pu produire la Ligue communiste révolutionnaire - Section Française de la Quatrième Internationale, je n'ai jamais rien trouvé de très satisfaisant, malgré le fait, je te l'accorde, que cette organisation était la seule parmi les trotskystes français à défendre au moins le minimum : des revendications démocratiques, à une époque où il existait encore des fichiers homos chez les flics et des textes de loi discriminatoires sur le "fléau social".

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Message  vilenne Mar 18 Sep - 0:57

Byrrh a écrit:Cela m'étonne que des marxistes semblent voir l'origine des préjugés anti-homosexuels (superstructure) dans l'arriération religieuse (superstructure également). Y voient-ils aussi l'origine de l'oppression des femmes ?...
Je ne comprends pas ici le sens de "superstructure", tu pourrais éclairer ma lanterne steup ?

dug et klin a écrit: "l'Islam,qui décrete la mise a mort des homosexuel(le)s,ce qui s'est produit,encorerécement,dans des pays ou les Islamistes, sont influents sur le pouvoir politique. "
Je ne parlais pas l'ordre de tes fantasmes mais d'un fait réel et local (ou plutôt national). Quand un prélat se permet de dire orbi et face au ministre des cultes que le mariage homo mènera à terme à l'inceste, on aurait pu s'attendre à un poil plus de verve et de phrasé pour s'élever contre de tels propos et amalgame. On aurait pu s'attendre à ce que l'avant-garde dise que la réaction n'est pas forcément dans la barbe mais dans la calotte.

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Message  Byrrh Mar 18 Sep - 1:28

vilenne a écrit:
Byrrh a écrit:Cela m'étonne que des marxistes semblent voir l'origine des préjugés anti-homosexuels (superstructure) dans l'arriération religieuse (superstructure également). Y voient-ils aussi l'origine de l'oppression des femmes ?...
Je ne comprends pas ici le sens de "superstructure", tu pourrais éclairer ma lanterne steup ?
Disons que j'ai du mal à comprendre comment on peut se borner à expliquer une idéologie/construction sociale (les préjugés anti-homosexuels) seulement par une autre idéologie/construction sociale (l'arriération religieuse), et ceci en dépit par exemple des quelques objections formulées à juste titre par Gérard Menvussa, hier à 20h04. Et pour aller dans son sens : les quelques hommes qui, durant mon existence, m'ont insulté à cause de mon orientation sexuelle ressemblaient davantage à de banals phallocrates qu'à des adorateurs de Jésus/Yahvé/Allah mus par je ne sais quel dessein mystique. Or il ne me semble pas que la domination masculine vienne du néant, mais qu'elle est inscrite dans les rapports de production (même s'il paraît par ailleurs que "le communisme primitif n'est plus ce qu'il était"...).

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Message  gérard menvussa Mar 18 Sep - 10:47

Notamment par rapport au vécu homosexuel au sein des classes populaires, à la façon de mobiliser la solidarité de tous les travailleurs contre une oppression qui les divise au même titre que d'autre oppressions spécifiques.
Il y a eu des choses de faites à ce niveau, mais je sais pour en avoir discuté avec de vieux militants (qui avaient mon age, quoi !) que c'était particuliérement violent (d'autant que avant le "TVI" de 79 il n'y avait quasiment pas de "liguards" dans la classe ouvriére "pur fruit pur sucre aux mains calleuses et pleine de cambouis". Or apparaitre comme "homosexuel(lle) dans ton milieu de travail" a la fin des années 70 c'était trés trés dur ! Rien que le comin out dans la ligue n'était pas chose facile, alors dans ton atelier, rigole ! Il y a un peu de camaros qui se sont lancé la dessus, mais c'était trop dur, à cette époque

Maintenant, je pense que c'est non seulement possible, mais nécessaire, et sans doute "payant", répondant à une "attente" (non formulée explicitement) à la fois dans les classes laborieuses, mais en général dans les millieux populaires....
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Message  Byrrh Mar 18 Sep - 11:16

gérard menvussa a écrit:
Notamment par rapport au vécu homosexuel au sein des classes populaires, à la façon de mobiliser la solidarité de tous les travailleurs contre une oppression qui les divise au même titre que d'autre oppressions spécifiques.
Il y a eu des choses de faites à ce niveau, mais je sais pour en avoir discuté avec de vieux militants (qui avaient mon age, quoi !) que c'était particuliérement violent (d'autant que avant le "TVI" de 79 il n'y avait quasiment pas de "liguards" dans la classe ouvriére "pur fruit pur sucre aux mains calleuses et pleine de cambouis". Or apparaitre comme "homosexuel(lle) dans ton milieu de travail" a la fin des années 70 c'était trés trés dur ! Rien que le comin out dans la ligue n'était pas chose facile, alors dans ton atelier, rigole ! Il y a un peu de camaros qui se sont lancé la dessus, mais c'était trop dur, à cette époque
Tu dis qu'il y a eu des choses faites à ce niveau : ça m'intéresse, d'autant que c'est le genre d'expériences dont il n'y a généralement pas trace dans les publications d'une organisation ou dans les centres d'archives. J'ignore si les gens que tu évoques sont toujours militants, mais éventuellement ça m'intéresserait de les interviewer.
De mon côté, j'ai trouvé des choses très intéressantes sur Maurice Cherdo (1924-1987), vieux militant ouvrier de l'automobile du côté de Nanterre (Hispano-Suiza), qui avait été candidat aux législatives avec le soutien de l'OCT, et qui avait choisi de défendre la cause des homosexuels de la classe ouvrière, y compris auprès de ses collègues d'atelier.

Mais avant même la question des militants qui assument leur homosexualité sur leur lieu de travail, je crois que dès cette époque, il pouvait y avoir une étape préalable : l'intervention d'une organisation révolutionnaire en direction des entreprises et des quartiers ouvriers avec un matériel d'agitation autour des discriminations et agressions homophobes. Je sais que dans les années 70, quand survenait un crime raciste, l'extrême gauche prenait souvent l'initiative d'en faire un sujet d'agitation politique dans les quartiers populaires : ce fut le cas par exemple en 1975 après l'assassinat de l'ouvrier tunisien Mohamed Bechir Rassaa. Suite à ce crime, Lutte ouvrière avait même consacré à la question du racisme un diaporama de sa fête (dont il existe une brochure).

Maintenant, je pense que c'est non seulement possible, mais nécessaire, et sans doute "payant", répondant à une "attente" (non formulée explicitement) à la fois dans les classes laborieuses, mais en général dans les millieux populaires....
Disons que la reconstruction d'une présence révolutionnaire dans les entreprises et les lieux de vie des travailleurs ne devra pas se faire sans ça. Il y a eu trop de temps perdu, et ce temps se compte en décennies...

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Message  gérard menvussa Mar 18 Sep - 12:27

J'ignore si les gens que tu évoques sont toujours militants
Je ne pense pas, pour la plupart ! C'était une époque trés dure, et dévastatrice.
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Message  Byrrh Mar 18 Sep - 12:29

gérard menvussa a écrit:
J'ignore si les gens que tu évoques sont toujours militants
Je ne pense pas, pour la plupart ! C'était une époque trés dure, et dévastatrice.
Eh bien du moins, s'ils ne sont pas passés dans le camp d'en face, je suis prêt à les écouter.

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