Moebius est mort
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Moebius est mort
Jean Giraud, alias Moébius.
Son site : http://www.moebius.fr/Site-officiel-de-Jean-Giraud-Moebius---Official-website
Son site : http://www.moebius.fr/Site-officiel-de-Jean-Giraud-Moebius---Official-website
Dernière édition par Babel le Dim 17 Fév - 14:17, édité 1 fois
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Re: Moebius est mort
Bon, pas de réaction : d'autres chats à fouetter, non-événement ? Alors j'y vais de mon éloge funèbre improvisé.
A l'époque où je me croyais des talents de graphiste (j'ai poussé ce vice assez loin, tout en ayant réussi à m'arrêter à temps), je m'étais fabriqué un petit panthéon au centre duquel figuraient 3 ou 4 types que je considérais comme des génies absolument inimitables. Une sorte de point de perfection obtenu par l'impression de liberté totale qu'ils savaient donner à chacune de leur planche. Comme si quelque chose du mouvement de la vie nous était restitué par un trait de plume ou de pinceau. Gir/Moebius y occupait la place de choix aux côtés de Franquin, de Will Eisner (le créateur du Spirit)... et de Dürer. Il y en avait d'autres, bien sûr, mais il y avait d'abord eux.
Alors, les Blueberry du tandem Gir-Charlier, pensez comme je les dévorais ! Leur lecture prolongeait ma fascination pour les westerns de Ford, Hawks, Brooks, Peckinpah, etc.
Puis ça a été la découverte de Moébius, l'autre face de ce talent polymorphe, grâce à la publication des dessins qu'il avait faits (pour Hara-Kiri je crois), sous ce pseudo. En fait, plus qu'un pseudo, s'y révélait à mes yeux une seconde identité, (un peu à la manière de Pessoa, signant Alberto Caiero ou Alvaro de Campos des textes de fature différente) : l'expression d'une approche de l'expression graphique moins contrainte, moins soucieuse du respect des codes narratifs de la BD, et d'une vision de la réalité plus iconoclaste et plus libertaire. On sentait qu'avec Moébius, Giraud se faisait plaisir avant de chercher à plaire et à impressionner.
J'ai suivi les péripéties de cette gueule cassée de Blueberry jusqu'aux derniers numéros de la série signés de sa main, en étant à chaque fois un peu plus ébloui par la sûreté de son trait, par la profondeur de champ qu'il savait donner à la moindre de ses cases (un vrai casse-tête, ce machin : utiliser son crayon comme une focale, et rythmer son récit en faisant alterner les angles, les effets de zoom et de panoramique, sans que tout cela paraisse forcé ou appuyé, mais que ça semble surgir "naturellement", comme une évidence imposée par la narration --à la manière de Ford dans La Prisonnière du désert), et par l'aisance avec laquelle il parvenait à transformer son crayonné en dessin d'encre.
Un trait de plume d'une maîtrise incroyable, comme si le dessin avait été fait main levée, sans hésitation, à la manière des maîtres d'extrême orient. Il me semble qu'il a d'ailleurs poussé cette technique assez loin, parvenant à représenter toute une série de formes et de volumes dans l'espace par le simple mouvement du poignet, comme ça, directement sur la planche (et si le trait est parfois un peu tremblé, c'est peut-être volontairement, afin de parvenir à casser l'impression de rigidité que donne toujours le dessin à la règle).
Je passe sur l'explosion graphique des années 80-90, qui voit s'opérer la symbiose Gir-Moébius, à travers des séries comme l'Incal : tout le monde connaît et, quel que soit l'avis qu'on porte sur le scénario New Age de Jodorowski, bourré de poncifs californiens, force est reconnaître la patte du créateur.
La réussite du premier Alien, celui de Ridley Scott, lui doit énormément.
J'aurais plein d'autres choses à dire, mais mieux vaut sans doute que je m'arrête là : l'émotion, vous comprenez...
A l'époque où je me croyais des talents de graphiste (j'ai poussé ce vice assez loin, tout en ayant réussi à m'arrêter à temps), je m'étais fabriqué un petit panthéon au centre duquel figuraient 3 ou 4 types que je considérais comme des génies absolument inimitables. Une sorte de point de perfection obtenu par l'impression de liberté totale qu'ils savaient donner à chacune de leur planche. Comme si quelque chose du mouvement de la vie nous était restitué par un trait de plume ou de pinceau. Gir/Moebius y occupait la place de choix aux côtés de Franquin, de Will Eisner (le créateur du Spirit)... et de Dürer. Il y en avait d'autres, bien sûr, mais il y avait d'abord eux.
Alors, les Blueberry du tandem Gir-Charlier, pensez comme je les dévorais ! Leur lecture prolongeait ma fascination pour les westerns de Ford, Hawks, Brooks, Peckinpah, etc.
Puis ça a été la découverte de Moébius, l'autre face de ce talent polymorphe, grâce à la publication des dessins qu'il avait faits (pour Hara-Kiri je crois), sous ce pseudo. En fait, plus qu'un pseudo, s'y révélait à mes yeux une seconde identité, (un peu à la manière de Pessoa, signant Alberto Caiero ou Alvaro de Campos des textes de fature différente) : l'expression d'une approche de l'expression graphique moins contrainte, moins soucieuse du respect des codes narratifs de la BD, et d'une vision de la réalité plus iconoclaste et plus libertaire. On sentait qu'avec Moébius, Giraud se faisait plaisir avant de chercher à plaire et à impressionner.
J'ai suivi les péripéties de cette gueule cassée de Blueberry jusqu'aux derniers numéros de la série signés de sa main, en étant à chaque fois un peu plus ébloui par la sûreté de son trait, par la profondeur de champ qu'il savait donner à la moindre de ses cases (un vrai casse-tête, ce machin : utiliser son crayon comme une focale, et rythmer son récit en faisant alterner les angles, les effets de zoom et de panoramique, sans que tout cela paraisse forcé ou appuyé, mais que ça semble surgir "naturellement", comme une évidence imposée par la narration --à la manière de Ford dans La Prisonnière du désert), et par l'aisance avec laquelle il parvenait à transformer son crayonné en dessin d'encre.
Un trait de plume d'une maîtrise incroyable, comme si le dessin avait été fait main levée, sans hésitation, à la manière des maîtres d'extrême orient. Il me semble qu'il a d'ailleurs poussé cette technique assez loin, parvenant à représenter toute une série de formes et de volumes dans l'espace par le simple mouvement du poignet, comme ça, directement sur la planche (et si le trait est parfois un peu tremblé, c'est peut-être volontairement, afin de parvenir à casser l'impression de rigidité que donne toujours le dessin à la règle).
Je passe sur l'explosion graphique des années 80-90, qui voit s'opérer la symbiose Gir-Moébius, à travers des séries comme l'Incal : tout le monde connaît et, quel que soit l'avis qu'on porte sur le scénario New Age de Jodorowski, bourré de poncifs californiens, force est reconnaître la patte du créateur.
La réussite du premier Alien, celui de Ridley Scott, lui doit énormément.
J'aurais plein d'autres choses à dire, mais mieux vaut sans doute que je m'arrête là : l'émotion, vous comprenez...
Babel- Messages : 1081
Date d'inscription : 30/06/2011
Re: Moebius est mort
C'est que Moebius n'a rien d'un marxiste révolutionnaire... Une vue quelque peu détachée et instrumentale de la culture...
Pour moi, c'est totalement lié a l'irruption de "métal hurlant", Druillet, moebius, tout ça...
Mais en fait pour moi, l'influence principale de Moebius a été sur le plan du récit; a la suite de cette présentation de son travail qui m'a fortement impressionné
Pour moi, c'est totalement lié a l'irruption de "métal hurlant", Druillet, moebius, tout ça...
Mais en fait pour moi, l'influence principale de Moebius a été sur le plan du récit; a la suite de cette présentation de son travail qui m'a fortement impressionné
Copyright – Métal Hurlant / Les Humanoïdes Associés – Moebius 1975
Je vais vous expliquer pourquoi je fais des bandes dessinées sans scénario… Je vais vous raconter par le menu les affres de la création… Je vais vous dire une bonne chose. Je vais déballer, pire avouer…En fait, c’est très simple : d’une part, il y a tous ces raconteurs d’histoires… A chute, à exploits, à messages, à morale, à gags.
1) A chute : c’est facile. Il faut contredire en une image tout ce qui a précédé… Le problème vient de la qualité de la contradiction. Plus l’affirmation de départ est puissante et plus la pirouette finale sera goûtée… On voit à quel point le procédé est clair… Combien également il est artificiel.
2) A exploits… Donner une gamme de pouvoir à un type ou groupe et le mettre en présence d’un autre type ou groupe ou éléments dont les gammes de pouvoirs sont légèrement supérieures en apparences… L’astuce consiste à donner le gain au plus faible. Le choix de l’astuce sera le message politique de l’auteur.
3) A message : il y a toujours message, mais l’auteur peut estimer que la qualité du sien est telle qu’elle doit prendre valeur de squelette et même parfois de muscles, nerfs et sang. C’est parfois vrai, surtout pour les minorités culturelles.
4) A morale… On retrouve les même structures que pour l’histoire à chute, mais pas spécialement dans la contradiction bien que le procédé soit courant…
5) A gags… Chaque phrase reconstitue et compresse les 4 précédents exemples avec des dosages variés…
Puisque le message politique est implicite, pourquoi le solliciter ? Pourquoi attendre la fin pour se contredire ? Pourquoi donner la victoire au plus faible ? Pourquoi avoir peur d’être seul dans le noir et crier au secours ? Pourquoi être si anxieux d’avoir raison ?…
Il n’y a aucune raison pour qu’une histoire soit comme une maison avec une porte pour entrer, des fenêtres pour regarder les arbres et une cheminée pour la fumée… On peut très bien imaginer une histoire en forme d’éléphant, de champ de blé, ou de flamme d’allumettes soufrée.
Moebius 1975
gérard menvussa- Messages : 6658
Date d'inscription : 06/09/2010
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Localisation : La terre
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