Le numéro 2 de la revue du CCR, "Révolution Permanente"!
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Le numéro 2 de la revue du CCR, "Révolution Permanente"!
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Edito
Face à la crise capitaliste, il n’y a pas de demi-mesures
On nous a dit et redit à l’occasion de l’anniversaire du 11 septembre que le monde avait changé comme jamais en dix ans : un changement en pire sans doute, mais les médias en général ont omis de souligner cet aspect, insistant davantage sur le côté “ attentat contre les tours jumelles ”. Pour ce qui est du changement, les discours de Bush, Cheney et de leurs alliés au moment de la guerre en Afghanistan le laissaient déjà entrevoir. Mais à l’heure où Sarkozy fanfaronne pour sa victoire en Libye que nous analysons dans ce second numéro de Révolution Permanente (p. 18), il est bon de rappeler que les discours de Bush étaient en 2001 secondés ici en France par le gouvernement de Jospin, Buffet et Voynet auquel participait un certain Jean-Luc Mélenchon qui à l’époque n’avait pas beaucoup trouvé à redire lorsque “ sa ” République a envoyé son contingent de troupes et de Rafales pour bombarder Kaboul.
Le 11 septembre, puissant révélateur des contradictions qui travaillent les Etats-Unis reflétées par un lent déclin et une perte de « légitimité », notamment dans sa périphérie (crise mexicaine de 1994, crise asiatique de 1997, crise russe de 1998, crise argentine de 2001) a également servi de prétexte, à travers le coup de main représenté par la guerre en Afghanistan, à essayer de restaurer cette hégémonie. La fraction dominante de l’establishment américain avait trouvé en Bush le mauvais John Wayne qui avait pour rôle d’essayer, à travers un interventionnisme impérialiste militaire accru, de freiner le déclin constant de l’hégémonie de la première puissance mondiale. Peine perdue. L’interventionnisme a certes relancé l’appareil militaro-industriel étasunien mais a été incapable d’inverser ou même seulement de ralentir le déclin de Washington. Mais le résultat désastreux des opérations en Afghanistan et en Iraq ainsi que les événements qui allaient bientôt secouer le monde à partir de 2008 ont en fait approfondi le déclin de l’hégémonie étasunienne. Il s’agit d’une situation assez inédite pour le système capitaliste mondial.
Crise et lutte de classes
2008 et Lehman Brothers ont donc fait le reste comme nous l’analysons dans le dossier qui est consacré à “ l’An IV de la crise économique mondiale ” (p. 7). Cette crise qui taraudait en sous-main le capitalisme depuis les années 1970 mais qui secoue à présent le cœur même des économies impérialistes révèle les énormes contradictions de l’économie internationale, celle des Etats-Unis en premier lieu mais également de l’Union Européenne. Cette crise de dimension historique a également eu un effet sur la situation de la lutte de classes, et ce en dépit d’un rapport de force favorable à la bourgeoisie et à l’impérialisme depuis plus de trente ans lié à un recul du niveau de subjectivité (ou de conscience de classe) du salariat dans son ensemble. C’est ainsi que les pays qui étaient montrés jusqu’il y a peu comme des modèles et des exemples en termes de “ miracle économique ” ou de “ modération politique ” comme l’Etat espagnol ou le Chili ont connu au cours des derniers mois, un brusque retour de flamme. A force de manquer de perspectives et d’avenir, l’horizon d’un changement aussi bien radical que nécessaire refait son chemin dans des couches de plus en plus larges de la jeunesse et du salariat.
En ce sens d’ailleurs il n’est pas sans intérêt de noter combien la mémoire de la bourgeoisie et de leurs médias est sélective. Pour des millions de travailleurs et de jeunes au Chili et ailleurs en Amérique latine 2011 coïncidait plutôt avec le trente-huitième anniversaire du 11 septembre. Dans un de ses derniers ouvrages l’auteur marxiste anglo-pakistanais Tariq Ali soulignait combien “ l’Amérique latine avait été le laboratoire [du néo-libéralisme]. Les [économistes] de l’école de Chicago ont utilisé le Chili après le coup d’Etat de Pinochet [de septembre 1973] pour tester leurs théories. C’était bien plus facile de le faire après le sanglant nettoyage politique qui venait d’avoir lieu. La classe ouvrière chilienne et ses deux principaux partis avaient été écrasés, ses cadres et ses militants assassinés ou ‘disparus’. (…) [L’expérience chilienne et son miracle économique] a ‘marché’ uniquement parce que des dizaines de milliers de gens avaient été tués. C’est seulement au cours des dernières années qu’une nouvelle génération qui n’a pas connu le traumatisme du pinochétisme a commencé à apparaître [1] ”. Ali fait ici référence au mouvement lycéen de 2006, la “ révolte des pingouins ”. Mais l’irruption de la jeunesse chilienne au cours des quatre derniers mois, bien plus supérieure au mouvement de 2006 et dont nous traitons dans “ la rentrée [de la lutte] des classes ” au Chili (p. 32), montre comment après des années de stabilité “ néolibérale ” le statu-quo commence à s’effriter sérieusement, même-là où il semblait être le plus solidement enraciné.
Mais la catastrophe économique à laquelle nous faisons face n’est pas seulement synonyme de poussées probables de la lutte des classes. Elle renferme à moyen terme des bouleversements politiques profonds qui semblaient faire partie des archives du XXe siècle si la bourgeoisie garde la main (bonapartisme, solutions autoritaires, interventionnisme étatique redoublé etc.). Ceci renforce la nécessité de se préparer aux combats à venir afin de transformer dans un sens révolutionnaire la crise actuelle en fonction des intérêts de notre classe.
Un PS définitivement converti à l’austérité
Ici aussi, en France, la crise européenne que les analystes bourgeois croyaient circonscrite à la périphérie méditerranéenne a impacté l’Hexagone, mettant à mal les grands noms de la banque française comme BNP, Société Générale et Crédit Agricole. Sarkozy, qui est toujours aussi bas dans les sondages, essaie de surfer sur la peur que cette lente descente aux enfers des cotations boursières peut générer afin de se présenter comme le (petit) timonier au milieu de la tempête en essayant de tirer profit de sa victoire entre Tobrouk et Tripoli.
Dans ce cadre, alors que les projets de fermeture de sites vont bon train, comme à PSA, les luttes radicales refont surface après le printemps 2009 : on a assisté dernièrement à de nouvelles séquestrations de patrons (Alcan-Softal), à des occupations et à des grèves dures comme la lutte des Fralib que nous abordons p. 38 ou celle des salariés des Fonderies du Poitou, et ce même si le climat pré-électoral y est peu propice.
Se préparer signifie contribuer à enraciner chez les travailleurs et la jeunesse une défiance complète à l’égard de la gauche bourgeoise dont les primaires ont le mérite de faire apparaitre au grand jour combien le programme du PS et de ses candidats est aussi réactionnaire que celui de la droite, avec une patine modérée en plus. Il y a même un Manuel Valls qui se charge de faire comprendre (à ses dépends ? par cynisme politique ?) que la “ patine ” socialiste elle-même ne sert plus à grand-chose, lui qui est une sorte de double “ de gauche ” de Brice Hortefeux et Claude Guéant réunis. Pour ce qui est de DSK, ancien champion de la gauche, il ne réussit pas seulement à faire deux fois plus d’audimat que les six candidats à la primaire réunis, il se charge aussi de révéler devant Chazal ce que “ socialisme ” veut dire chez ces gens-là en affirmant, en bon ancien patron du FMI qu’il est, souhaiter une victoire “ de la gauche ” en 2012. Mais les deux candidats en pole position Aubry et Hollande se disputent le privilège de savoir qui serait le meilleur élève de l’austérité ainsi que du calendrier à mettre en œuvre « pour faire baisser les déficits ». Là encore raison de plus de se préparer à cette “ victoire ” et d’accumuler le plus de forces militantes et politiques possibles, sur la base d’un programme révolutionnaire, pour affronter le gouvernement de gauche en 2012.
C’est en ce sens que nous sommes persuadés qu’il faut et qu’il est possible de défendre un programme aussi violemment radical (mais lutte de classe, antisystème et internationaliste) que l’est celui de Le Pen qui est, pour sa part, radicalement réactionnaire quoique populiste, antisystème à la marge quoique de façon démagogique et surtout chauvin, raciste, xénophobe et pro-capitaliste.
Mélenchon, la République et la révolution
Alors il y a bien sûr celui vers qui une portion de notre parti continue de regarder : Mélenchon. Il en va ainsi pour ceux et celles qui étaient partisans d’une alliance avec le Front de Gauche aux présidentielles comme pour ceux et celles qui souhaitent (et ils sont plus nombreux encore, y compris dans l’actuelle majorité) un accord avec le FdG dans le cadre des prochaines législatives. Quelle cécité politique cependant, quelle absence de perspective stratégique, quelle mesquinerie politique...
Face à la “ règle d’or ” qu’entendait instaurer Sarkozy pour rassurer les marchés, Mélenchon a proposé depuis la grande scène de la Fête de l’Huma à la Courneuve le 18 septembre de “ défendre la règle républicaine ”. De quelle règle républicaine parle-t-il ? Celle de 1945 quand le ministre PC de l’aviation faisait bombarder Sétif ? Celle des pleins pouvoirs de Guy Mollet et de la torture en Algérie ? Ou bien celle de la rigueur de 1983 ? Ou encore celle des privatisations comme jamais auparavant sous Jospin, avec en plus la guerre de l’OTAN contre la Serbie et l’Opération Liberté immuable contre l’Afghanistan ? Notre seule règle, et le parti devrait en faire un axe, c’est celle de l’intervention des travailleurs et des travailleuses dans la vie politique, avec leurs méthodes de classe, sur la base de leurs mobilisations.
Mélenchon menace de “ faire payer les riches, et ils paieront ! ” prévient-il en essayant de se donner un air mauvais pour leur faire peur. Nous ne sommes pas, pour notre part, pour une meilleure répartition des richesses entre capital et travail, ou mieux encore entre un bon capital productif et le travail d’un côté et mauvaise finance spéculative de l’autre. Entre les banques impérialistes françaises, Martin Bouygues, la famille Peugeot et François Pinot il n’y a pas plus de différences qu’entre Mme Bettencourt et sa fille. C’est pour une expropriation des expropriateurs que nous luttons, pour donner aux travailleurs les armes leur permettant de faire violemment irruption sur le terrain de la propriété privée des moyens de production afin de reprendre et planifier démocratiquement ce qui légitimement appartient à notre classe.
“ Nous ne réclamons rien d’autre que de vivre décemment de notre paie ” a également dit Mélenchon en conclusion de son discours à La Courneuve. Qu’il parle en son nom, lui qui cumule traitements, retraites et salaires de sénateur, de député européen, etc. Ce qu’il ne remet aucunement en question, c’est la plus-value que se font sur notre dos les patrons privés et l’Etat. Le travail salarié n’a rien de décent : il use à la chaîne, dans les bureaux, sur les chantiers. Il atomise, il segmente, il opprime. On ne peut pas vivre décemment de son travail tant qu’existera l’exploitation de l’homme par l’homme. C’est pour cela que ce système doit être détruit, et non humanisé comme le dit Mélenchon. Pour ce qui est des saillies les plus à gauche de Mélenchon, destinées à ratisser les voix de l’électorat radical et d’extrême gauche, elles ne répondent qu’à un seul objectif : servir ces mêmes voix sur un plateau d’argent à une éventuelle majorité de gauche dominée par le PS en 2012. La présence d’Aubry, Royal et Montebourg dans les allées de la Fête est là pour le prouver.
Pour que le NPA sorte de sa crise il est nécessaire de défendre une orientation révolutionnaire
Il est possible et nécessaire, si le NPA entend sortir de la crise dans laquelle il est plongé, d’opérer un virage à 180 degrés et défendre de tels axes programmatiques. Mais il faut pour cela faire un bilan sérieux de l’orientation de la majorité actuelle du parti face à un des événements les plus importants de la situation internationale et de la lutte de classes de la dernière période : les processus révolutionnaires arabes et les tentatives de les canaliser ou de les faire taire à travers notamment des opérations militaires comme le montre la récente victoire impérialiste en Libye, menée par la France. Le parti ne pourra sortir de la crise dans laquelle il se trouve plongé sans une véritable pratique internationaliste qui implique comme devoir élémentaire pour tout révolutionnaire de commencer par lutter avant tout contre « son propre » impérialisme. C’est notamment ce dont nous traitons dans le second article consacré à la Libye et au bilan que l’on peut tirer de l’orientation du parti sur cette question décisive (p. 22).
C’est uniquement en revenant aux principes du marxisme sur une question aussi cruciale que nous réussirons à construire une orientation correcte pour les tâches auxquelles nous avons à faire face pour l’année politique qui s’ouvre.
En ce sens d’ailleurs le 27 septembre et le 11 octobre devraient être les deux dates d’une rentrée sociale française qui commence à se mettre au diapason des mobilisations qui ont déjà eu lieu ailleurs en Europe contre les politiques d’austérité, dans l’Etat espagnol et en Italie début septembre et en Pologne à la mi-septembre. Tenir un discours dur contre les patrons et leur gouvernement ainsi que contre les politiques pro-patronales que défendent tant l’UMP que le PS est une nécessité. Construire les mobilisations dans la durée ne peut se faire que si l’on est à même de construire une alternative face à ceux qui en dernière instance acceptent le cadre des négociations et les modifications à la marge de ces mêmes politiques d’austérité et qui n’appellent à la mobilisation que lorsque l’offensive est trop pesante ou la pression à la base trop vive : la bureaucratie syndicale confédérale.
Voilà qui serait une des clés pour que notre campagne ait de l’écho dans les usines, dans les entreprises, dans les couches populaires, dans les universités et les lycées, chez les dizaines de milliers de jeunes et de travailleurs qui voulaient continuer la bagarre contre la réforme des retraites et qui se sont sentis floués. C’est notamment une des leçons que nous tirons du résultat électoral de l’extrême gauche en Argentine dont nous traitons p. 26. Nous devons réussir à articuler un discours correspondant aux intérêts stratégiques de la classe ouvrière et une capacité à développer une politique de mobilisations basée sur la défense et le développement des luttes les plus radicales et les plus emblématiques ainsi que sur l’auto-organisation. Il s’agit d’aller dans le sens d’un affrontement général avec le patronat pour mettre un premier coup d’arrêt à son offensive, ce serait un pas en avant pour le parti et les intérêts de ceux qu’il entend représenter.
21/09/11
[1] Voir T. Ali, Pirates of the Caribbean, Verso, Londres, 2008, p.40.
-------------------------------------------------------------------------
Site du CCR : http://www.ccr4.org/
Tous les articles :
EDITO
Face à la crise capitaliste, il n’y a pas de demi-mesures
CRISE
• Pourquoi l’extrême gauche refuse-t-elle de défendre le mot d’ordre d’Etats-Unis Socialistes d’Europe ?
• Face à la banqueroute de l’Europe du capital. Pour les Etats-Unis socialistes d’Europe
• L’an IV de la crise économique mondiale. La fin des solutions faciles pour en sortir
LIBYE
• L’extrême gauche et la guerre en Libye. Chronique d’une démission scandaleuse
• Une victoire de l’impérialisme qui menace le printemps arabe
ARGENTINE
• Premier bilan du Front de Gauche et des Travailleurs en Argentine
• Retour sur les résultats électoraux du FIT
CHILI
• La rentrée [de la lutte] des classes au Chili
NATIONAL
• Impunité en haut, impitoyable en bas, justice nulle part !
• Vive la lutte des Fralib contre la fermeture de l’usine !
CULTURE
• Tableaux de la révolution égyptienne
Edito
Face à la crise capitaliste, il n’y a pas de demi-mesures
On nous a dit et redit à l’occasion de l’anniversaire du 11 septembre que le monde avait changé comme jamais en dix ans : un changement en pire sans doute, mais les médias en général ont omis de souligner cet aspect, insistant davantage sur le côté “ attentat contre les tours jumelles ”. Pour ce qui est du changement, les discours de Bush, Cheney et de leurs alliés au moment de la guerre en Afghanistan le laissaient déjà entrevoir. Mais à l’heure où Sarkozy fanfaronne pour sa victoire en Libye que nous analysons dans ce second numéro de Révolution Permanente (p. 18), il est bon de rappeler que les discours de Bush étaient en 2001 secondés ici en France par le gouvernement de Jospin, Buffet et Voynet auquel participait un certain Jean-Luc Mélenchon qui à l’époque n’avait pas beaucoup trouvé à redire lorsque “ sa ” République a envoyé son contingent de troupes et de Rafales pour bombarder Kaboul.
Le 11 septembre, puissant révélateur des contradictions qui travaillent les Etats-Unis reflétées par un lent déclin et une perte de « légitimité », notamment dans sa périphérie (crise mexicaine de 1994, crise asiatique de 1997, crise russe de 1998, crise argentine de 2001) a également servi de prétexte, à travers le coup de main représenté par la guerre en Afghanistan, à essayer de restaurer cette hégémonie. La fraction dominante de l’establishment américain avait trouvé en Bush le mauvais John Wayne qui avait pour rôle d’essayer, à travers un interventionnisme impérialiste militaire accru, de freiner le déclin constant de l’hégémonie de la première puissance mondiale. Peine perdue. L’interventionnisme a certes relancé l’appareil militaro-industriel étasunien mais a été incapable d’inverser ou même seulement de ralentir le déclin de Washington. Mais le résultat désastreux des opérations en Afghanistan et en Iraq ainsi que les événements qui allaient bientôt secouer le monde à partir de 2008 ont en fait approfondi le déclin de l’hégémonie étasunienne. Il s’agit d’une situation assez inédite pour le système capitaliste mondial.
Crise et lutte de classes
2008 et Lehman Brothers ont donc fait le reste comme nous l’analysons dans le dossier qui est consacré à “ l’An IV de la crise économique mondiale ” (p. 7). Cette crise qui taraudait en sous-main le capitalisme depuis les années 1970 mais qui secoue à présent le cœur même des économies impérialistes révèle les énormes contradictions de l’économie internationale, celle des Etats-Unis en premier lieu mais également de l’Union Européenne. Cette crise de dimension historique a également eu un effet sur la situation de la lutte de classes, et ce en dépit d’un rapport de force favorable à la bourgeoisie et à l’impérialisme depuis plus de trente ans lié à un recul du niveau de subjectivité (ou de conscience de classe) du salariat dans son ensemble. C’est ainsi que les pays qui étaient montrés jusqu’il y a peu comme des modèles et des exemples en termes de “ miracle économique ” ou de “ modération politique ” comme l’Etat espagnol ou le Chili ont connu au cours des derniers mois, un brusque retour de flamme. A force de manquer de perspectives et d’avenir, l’horizon d’un changement aussi bien radical que nécessaire refait son chemin dans des couches de plus en plus larges de la jeunesse et du salariat.
En ce sens d’ailleurs il n’est pas sans intérêt de noter combien la mémoire de la bourgeoisie et de leurs médias est sélective. Pour des millions de travailleurs et de jeunes au Chili et ailleurs en Amérique latine 2011 coïncidait plutôt avec le trente-huitième anniversaire du 11 septembre. Dans un de ses derniers ouvrages l’auteur marxiste anglo-pakistanais Tariq Ali soulignait combien “ l’Amérique latine avait été le laboratoire [du néo-libéralisme]. Les [économistes] de l’école de Chicago ont utilisé le Chili après le coup d’Etat de Pinochet [de septembre 1973] pour tester leurs théories. C’était bien plus facile de le faire après le sanglant nettoyage politique qui venait d’avoir lieu. La classe ouvrière chilienne et ses deux principaux partis avaient été écrasés, ses cadres et ses militants assassinés ou ‘disparus’. (…) [L’expérience chilienne et son miracle économique] a ‘marché’ uniquement parce que des dizaines de milliers de gens avaient été tués. C’est seulement au cours des dernières années qu’une nouvelle génération qui n’a pas connu le traumatisme du pinochétisme a commencé à apparaître [1] ”. Ali fait ici référence au mouvement lycéen de 2006, la “ révolte des pingouins ”. Mais l’irruption de la jeunesse chilienne au cours des quatre derniers mois, bien plus supérieure au mouvement de 2006 et dont nous traitons dans “ la rentrée [de la lutte] des classes ” au Chili (p. 32), montre comment après des années de stabilité “ néolibérale ” le statu-quo commence à s’effriter sérieusement, même-là où il semblait être le plus solidement enraciné.
Mais la catastrophe économique à laquelle nous faisons face n’est pas seulement synonyme de poussées probables de la lutte des classes. Elle renferme à moyen terme des bouleversements politiques profonds qui semblaient faire partie des archives du XXe siècle si la bourgeoisie garde la main (bonapartisme, solutions autoritaires, interventionnisme étatique redoublé etc.). Ceci renforce la nécessité de se préparer aux combats à venir afin de transformer dans un sens révolutionnaire la crise actuelle en fonction des intérêts de notre classe.
Un PS définitivement converti à l’austérité
Ici aussi, en France, la crise européenne que les analystes bourgeois croyaient circonscrite à la périphérie méditerranéenne a impacté l’Hexagone, mettant à mal les grands noms de la banque française comme BNP, Société Générale et Crédit Agricole. Sarkozy, qui est toujours aussi bas dans les sondages, essaie de surfer sur la peur que cette lente descente aux enfers des cotations boursières peut générer afin de se présenter comme le (petit) timonier au milieu de la tempête en essayant de tirer profit de sa victoire entre Tobrouk et Tripoli.
Dans ce cadre, alors que les projets de fermeture de sites vont bon train, comme à PSA, les luttes radicales refont surface après le printemps 2009 : on a assisté dernièrement à de nouvelles séquestrations de patrons (Alcan-Softal), à des occupations et à des grèves dures comme la lutte des Fralib que nous abordons p. 38 ou celle des salariés des Fonderies du Poitou, et ce même si le climat pré-électoral y est peu propice.
Se préparer signifie contribuer à enraciner chez les travailleurs et la jeunesse une défiance complète à l’égard de la gauche bourgeoise dont les primaires ont le mérite de faire apparaitre au grand jour combien le programme du PS et de ses candidats est aussi réactionnaire que celui de la droite, avec une patine modérée en plus. Il y a même un Manuel Valls qui se charge de faire comprendre (à ses dépends ? par cynisme politique ?) que la “ patine ” socialiste elle-même ne sert plus à grand-chose, lui qui est une sorte de double “ de gauche ” de Brice Hortefeux et Claude Guéant réunis. Pour ce qui est de DSK, ancien champion de la gauche, il ne réussit pas seulement à faire deux fois plus d’audimat que les six candidats à la primaire réunis, il se charge aussi de révéler devant Chazal ce que “ socialisme ” veut dire chez ces gens-là en affirmant, en bon ancien patron du FMI qu’il est, souhaiter une victoire “ de la gauche ” en 2012. Mais les deux candidats en pole position Aubry et Hollande se disputent le privilège de savoir qui serait le meilleur élève de l’austérité ainsi que du calendrier à mettre en œuvre « pour faire baisser les déficits ». Là encore raison de plus de se préparer à cette “ victoire ” et d’accumuler le plus de forces militantes et politiques possibles, sur la base d’un programme révolutionnaire, pour affronter le gouvernement de gauche en 2012.
C’est en ce sens que nous sommes persuadés qu’il faut et qu’il est possible de défendre un programme aussi violemment radical (mais lutte de classe, antisystème et internationaliste) que l’est celui de Le Pen qui est, pour sa part, radicalement réactionnaire quoique populiste, antisystème à la marge quoique de façon démagogique et surtout chauvin, raciste, xénophobe et pro-capitaliste.
Mélenchon, la République et la révolution
Alors il y a bien sûr celui vers qui une portion de notre parti continue de regarder : Mélenchon. Il en va ainsi pour ceux et celles qui étaient partisans d’une alliance avec le Front de Gauche aux présidentielles comme pour ceux et celles qui souhaitent (et ils sont plus nombreux encore, y compris dans l’actuelle majorité) un accord avec le FdG dans le cadre des prochaines législatives. Quelle cécité politique cependant, quelle absence de perspective stratégique, quelle mesquinerie politique...
Face à la “ règle d’or ” qu’entendait instaurer Sarkozy pour rassurer les marchés, Mélenchon a proposé depuis la grande scène de la Fête de l’Huma à la Courneuve le 18 septembre de “ défendre la règle républicaine ”. De quelle règle républicaine parle-t-il ? Celle de 1945 quand le ministre PC de l’aviation faisait bombarder Sétif ? Celle des pleins pouvoirs de Guy Mollet et de la torture en Algérie ? Ou bien celle de la rigueur de 1983 ? Ou encore celle des privatisations comme jamais auparavant sous Jospin, avec en plus la guerre de l’OTAN contre la Serbie et l’Opération Liberté immuable contre l’Afghanistan ? Notre seule règle, et le parti devrait en faire un axe, c’est celle de l’intervention des travailleurs et des travailleuses dans la vie politique, avec leurs méthodes de classe, sur la base de leurs mobilisations.
Mélenchon menace de “ faire payer les riches, et ils paieront ! ” prévient-il en essayant de se donner un air mauvais pour leur faire peur. Nous ne sommes pas, pour notre part, pour une meilleure répartition des richesses entre capital et travail, ou mieux encore entre un bon capital productif et le travail d’un côté et mauvaise finance spéculative de l’autre. Entre les banques impérialistes françaises, Martin Bouygues, la famille Peugeot et François Pinot il n’y a pas plus de différences qu’entre Mme Bettencourt et sa fille. C’est pour une expropriation des expropriateurs que nous luttons, pour donner aux travailleurs les armes leur permettant de faire violemment irruption sur le terrain de la propriété privée des moyens de production afin de reprendre et planifier démocratiquement ce qui légitimement appartient à notre classe.
“ Nous ne réclamons rien d’autre que de vivre décemment de notre paie ” a également dit Mélenchon en conclusion de son discours à La Courneuve. Qu’il parle en son nom, lui qui cumule traitements, retraites et salaires de sénateur, de député européen, etc. Ce qu’il ne remet aucunement en question, c’est la plus-value que se font sur notre dos les patrons privés et l’Etat. Le travail salarié n’a rien de décent : il use à la chaîne, dans les bureaux, sur les chantiers. Il atomise, il segmente, il opprime. On ne peut pas vivre décemment de son travail tant qu’existera l’exploitation de l’homme par l’homme. C’est pour cela que ce système doit être détruit, et non humanisé comme le dit Mélenchon. Pour ce qui est des saillies les plus à gauche de Mélenchon, destinées à ratisser les voix de l’électorat radical et d’extrême gauche, elles ne répondent qu’à un seul objectif : servir ces mêmes voix sur un plateau d’argent à une éventuelle majorité de gauche dominée par le PS en 2012. La présence d’Aubry, Royal et Montebourg dans les allées de la Fête est là pour le prouver.
Pour que le NPA sorte de sa crise il est nécessaire de défendre une orientation révolutionnaire
Il est possible et nécessaire, si le NPA entend sortir de la crise dans laquelle il est plongé, d’opérer un virage à 180 degrés et défendre de tels axes programmatiques. Mais il faut pour cela faire un bilan sérieux de l’orientation de la majorité actuelle du parti face à un des événements les plus importants de la situation internationale et de la lutte de classes de la dernière période : les processus révolutionnaires arabes et les tentatives de les canaliser ou de les faire taire à travers notamment des opérations militaires comme le montre la récente victoire impérialiste en Libye, menée par la France. Le parti ne pourra sortir de la crise dans laquelle il se trouve plongé sans une véritable pratique internationaliste qui implique comme devoir élémentaire pour tout révolutionnaire de commencer par lutter avant tout contre « son propre » impérialisme. C’est notamment ce dont nous traitons dans le second article consacré à la Libye et au bilan que l’on peut tirer de l’orientation du parti sur cette question décisive (p. 22).
C’est uniquement en revenant aux principes du marxisme sur une question aussi cruciale que nous réussirons à construire une orientation correcte pour les tâches auxquelles nous avons à faire face pour l’année politique qui s’ouvre.
En ce sens d’ailleurs le 27 septembre et le 11 octobre devraient être les deux dates d’une rentrée sociale française qui commence à se mettre au diapason des mobilisations qui ont déjà eu lieu ailleurs en Europe contre les politiques d’austérité, dans l’Etat espagnol et en Italie début septembre et en Pologne à la mi-septembre. Tenir un discours dur contre les patrons et leur gouvernement ainsi que contre les politiques pro-patronales que défendent tant l’UMP que le PS est une nécessité. Construire les mobilisations dans la durée ne peut se faire que si l’on est à même de construire une alternative face à ceux qui en dernière instance acceptent le cadre des négociations et les modifications à la marge de ces mêmes politiques d’austérité et qui n’appellent à la mobilisation que lorsque l’offensive est trop pesante ou la pression à la base trop vive : la bureaucratie syndicale confédérale.
Voilà qui serait une des clés pour que notre campagne ait de l’écho dans les usines, dans les entreprises, dans les couches populaires, dans les universités et les lycées, chez les dizaines de milliers de jeunes et de travailleurs qui voulaient continuer la bagarre contre la réforme des retraites et qui se sont sentis floués. C’est notamment une des leçons que nous tirons du résultat électoral de l’extrême gauche en Argentine dont nous traitons p. 26. Nous devons réussir à articuler un discours correspondant aux intérêts stratégiques de la classe ouvrière et une capacité à développer une politique de mobilisations basée sur la défense et le développement des luttes les plus radicales et les plus emblématiques ainsi que sur l’auto-organisation. Il s’agit d’aller dans le sens d’un affrontement général avec le patronat pour mettre un premier coup d’arrêt à son offensive, ce serait un pas en avant pour le parti et les intérêts de ceux qu’il entend représenter.
21/09/11
[1] Voir T. Ali, Pirates of the Caribbean, Verso, Londres, 2008, p.40.
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EDITO
Face à la crise capitaliste, il n’y a pas de demi-mesures
CRISE
• Pourquoi l’extrême gauche refuse-t-elle de défendre le mot d’ordre d’Etats-Unis Socialistes d’Europe ?
• Face à la banqueroute de l’Europe du capital. Pour les Etats-Unis socialistes d’Europe
• L’an IV de la crise économique mondiale. La fin des solutions faciles pour en sortir
LIBYE
• L’extrême gauche et la guerre en Libye. Chronique d’une démission scandaleuse
• Une victoire de l’impérialisme qui menace le printemps arabe
ARGENTINE
• Premier bilan du Front de Gauche et des Travailleurs en Argentine
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CHILI
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NATIONAL
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