LE NPA : origines, fondation, enjeux KRIVINE Alain Contribution écrite pour l’ouvrage New Parties of the Left. Experiences from Europe. Daniel Bensaïd, Alda Sousa, Alan Thornett a
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LE NPA : origines, fondation, enjeux KRIVINE Alain Contribution écrite pour l’ouvrage New Parties of the Left. Experiences from Europe. Daniel Bensaïd, Alda Sousa, Alan Thornett a
Le Nouveau Parti Anticapitaliste (France) : origines, fondation, enjeux KRIVINE Alain
Contribution écrite pour l’ouvrage New Parties of the Left. Experiences from Europe. Daniel Bensaïd, Alda Sousa, Alan Thornett and others. Resistance Book (Londres) & Institut Internationale de Recherche et d’Education (Amsterdam, Islamabad & Manille), 2011.
Dans le cadre du développement d’une nouvelle gauche radicale européenne, l’expérience française est un peu particulière même si elle est liée aux grandes tendances de décomposition-recomposition du mouvement ouvrier à l’œuvre dans toute l’Europe. Ce doit être le seul pays où existent trois regroupements trotskystes de plusieurs milliers de membres chacun avec des scores électoraux qui dépassent le million de voix et en ce qui concerne aujourd’hui le NPA, un porte-parole : Olivier Besancenot toujours placé dans les premiers dans les sondages sur la popularité. Il faut donc essayer de comprendre les raisons, la force, la faiblesse et le devenir de ce phénomène.
Un contexte particulier
Le mouvement ouvrier français a connu une longue période de traditions de luttes de classe radicales à travers lesquelles il a pu acquérir une série d’acquis comme les congés payés ou la sécurité sociale. Citons les grandes grèves du « Front Populaire « en 1936, celles après la Libération ou celles de 1968 ou 1995, sans oublier la victoire du Non au référendum sur le projet de constitution européenne et cela après une grande mobilisation unitaire et populaire. En dehors de la période de l’occupation nazie, la classe ouvrière a perdu de nombreux combats mais n’a jamais été écrasée et réapparait chaque fois avec force. Réformistes et anarchistes ont été à la base de la construction du mouvement ouvrier et le Parti Communiste va devenir après la guerre et la Résistance l’un des plus gros partis, encadrant pendant des années la classe ouvrière du berceau au cimetière à travers ses milliers d’élus locaux, ses municipalités, ses organisations de « masse » (pour les jeunes, les femmes, les sportifs, les retraités, les intellectuels, etc...). Jusqu’en 68, ses scores électoraux avoisinent les 20%, loin devant un PS discrédité et marginal. En revanche, ce parti fut un des plus stalinien d’Europe tant dans ses méthodes que dans son programme, totalement fidèle aux zigzags de la politique du Kremlin et n’hésitant pas à utiliser la force physique contre ses opposants ou les militants trotskystes. Très ouvriériste et ayant le contrôle absolu du plus gros syndicat ; la CGT, le PC fut confronté à un mouvement syndical vite divisé en plusieurs confédérations. D’ou le paradoxe d’un mouvement ouvrier, par moment très combattif, mais un des moins syndiqué d’Europe (aujourd’hui moins de 10% tous syndicats confondus..).
Le grand bouleversement du rapport de force et les premiers balbutiements de la gauche radicale date de la grève générale de 68 et encore. En effet si pour la première fois de son histoire, le PC fut débordé d’abord par le mouvement des étudiants et ensuite par la grève générale ouvrière, il fallut attendre plusieurs années pour voir les effets de ce tournant. A l’époque aucune rupture de masse ni dans la CGT ni dans le PC, à part quelques individus isolés. La seule rupture fut avec la jeunesse étudiante dans laquelle existait déjà une extrême gauche indépendante (JCR, maoïstes, lambertistes, anarchistes) provenant pour la plupart d’exclusions qui avaient dominé en 1965 la première grande crise d’une organisation communiste : celle des étudiants. N’étant confronté ,à l’époque à aucune structure d’auto-organisation de la classe ouvrière, l’appareil du PCF aidé par De Gaulle réussit, après plusieurs semaines, à briser la grève générale sans trop de dégâts immédiats si ce n’est une grande incompréhension et un début de méfiance.
Il faudra attendre plusieurs années pour que la JCR puis la LCR fortement implantés chez les étudiants commence à profiter du début du déclin du PC pour commencer à s’implanter dans des entreprises. Après 68 c’est la combinaison de plusieurs facteurs qui vont expliquer le déclin progressif puis historique du PC : la crise publique du stalinisme et la disparition de l’URSS, les mutations internes de la classe ouvrière et la diminution de ses couches traditionnelles (mineurs sidérurgistes etc..) que le PC n’ a pas vu venir et son incapacité à s’adresser aux nouvelles couches (employés, techniciens etc..) et surtout la participation gouvernementale à parti de 1981 qui va discréditer et la gauche réformiste et surtout le PC avec ses capitulations successives devant les ministres PS.
C’est là qu’il faut comprendre à la fois les opportunités pour la nouvelle gauche anticapitaliste mais aussi le désarroi idéologique d’une bonne partie du monde du travail qui a connu en l’espace de moins de vingt ans à la fois la défaite politique d’une grève générale, celle de 68, et l’échec politique d’élections générales qui avaient donné une majorité à la gauche (PC compris) en 1981. La signature d’un programme de gouvernement : le « programme commun » en 1972 sera une tentative des appareils réformistes de prévoir un débouché politique crédible et institutionnel pour éviter un nouveau 68. Dans cette opération le PS ne pouvait que sortir vainqueur au détriment du PC et c’est ainsi qu’il va refaire surface et redevenir majoritaire à gauche. En effet quitte à se satisfaire d’une alternative réformiste, autant voter PS. L’URSS ayant disparu, le PC perdait toute identité. A quoi bon voter pour un parti minoritaire qui, pour aller au gouvernement et y rester, défendait le même programme que le PS ? L’écroulement électoral du PC, avec un score de moins de 2% à la dernière présidentielle, allait s’accompagner d’un écroulement militant et cela en quelques années.
PC et PS aujourd’hui
Le PCF n’est plus une force nationale, même si son histoire et ses traditions percutent encore des millions de gens dans tout le pays. Sa force (environ 70.000 militants) est localisée autour de bastions électoraux qu’il conserve encore, moins de 200 mairies et environ 7.000 élus. D’ou des score aux élections qui tournent autour de 2% dans la plupart des endroits, mais peuvent atteindre 20 à 30% là où il est encore implanté (moyenne nationale de 6% aux dernière élections régionales). Sa moyenne d’âge est très élevée et son implantation plus forte chez les retraités que dans la classe ouvrière. Aujourd’hui beaucoup de luttes ne sont plus dirigées par des militants du PC. Encore la plus forte organisation militante ouvrière, le PC n’a quasiment plus de cellules d’entreprise, ses militants priorisant l’intervention syndicale. Généralement, la chute d’un bastion électoral s’accompagne de la chute irredressable du PC dans la municipalité.
PS et Verts se partagent aujourd’hui les dépouilles électorales dans des fiefs où il y a maintenant près de 70% d’abstentions. Les rapports avec la LCR et aujourd’hui le NPA sont obligés mais, bien que la plupart du temps « fraternels », de caractère concurrentiel. Avec parfois de vieux relents sectaires qui ressortent. Le NPA apparaît comme la mauvaise conscience du PC et pour beaucoup de militants, O. Besancenot dit très bien tout haut ce que le PC devrait dire et ce que eux pensent tout bas. Du coup l’attirance-répulsion est très forte sans commune mesure avec le PS, les Verts, Lutte Ouvrière ou les petits groupes de la gauche de gauche. En pleine crise d’identité, la majorité des militants communistes est très hostile au PS mais, en bons électoralistes, pensent que le maintien de l’accord avec le PS est le seul moyen de sauver leurs élus, et cela même si une minorité préfèrerait le NPA.
Avec le PS, c’est un peu un autre monde. Ce parti s’est refait une santé électorale et va sans doute gagner les prochaines élections plus par dégout du gouvernement Sarkozy que par enthousiasme sur son programme et son bilan. Si on ne s’abstient pas, on vote PS aujourd’hui en France pour battre la droite par les urnes, surtout si les luttes ne gagnent pas. C’est essentiellement un vote utile au sens institutionnel du terme. En tant que parti, le PS est assez discrédité par ses fausses batailles internes qui recouvrent plus des batailles de personnes, car sur le fond ils sont tous d’accord pour une stratégie d’accompagnement du capitalisme qui les rapproche du Parti socialiste européen (PSE). Ils doivent tous cependant tenir un discours gauche dans l’opposition, du fait de la présence du PC et de l’influence du NPA. Parti d’environ 150.000 membres, c’est de plus en plus une machine électorale qu’un parti implanté dans le mouvement social. L’essentiel de la politique et des débats sont dominés par les dizaines de milliers d’élus et de gens plus ou moins dépendant d’eux financièrement ou politiquement.
Le PS ne connait quasiment plus de gauche, dans ce climat. Il a connu récemment une scission de son aile gauche organisée autour d’un ancien ministre socialiste, d’origine lambertiste, Jean Luc Mélenchon, qui a créé le Parti de Gauche, allié structurel du PCF, mais parfois plus à gauche. Avec environ 2.000 militants, ce parti représente un vrai courant gauche de la sociale démocratie avec pour thème « La Révolution, mais par les institutions ». Ayant à choisir en permanence une stratégie avec le PC ou avec le NPA, il semble s’orienter vers un maintien d’un Front permanent avec le PC, surtout pour les élections, et des actions communes avec le NPA. Mais tout cela peut casser vu que le PC comme le PG veulent chacun être le candidat unitaire pour la prochaine présidentielle. Ce serait alors une rupture non stratégique.
En dehors de ces grands partis il existe des petits groupes de la gauche antilibérale venant souvent du PC ou de la LCR avec quelques centaines de militants qui essayent de trouver une place entre le PC et le NPA.
Les trotskystes
Principale force à l’extrême gauche après la disparition quasi totale des maoïstes, divisée en trois organisations.
Il y a d’abord le Parti ouvrier indépendant (POI, ex-OCI) crée par Pierre Lambert avec environ 2 ou 3000 militants. Organisation très sectaire qui s’est spécialisé dans l’entrisme au PS avec Lionel Jospin ou dans la LCR, cette organisation ne participe jamais à aucune activité unitaire et agit surtout par ses réseaux dans les syndicats ou la franc-maçonnerie. De fait elle pèse peu dans la vie politique.
Lutte ouvrière avec ses 2000 militants et son ancienne porte-parole Arlette Laguiller est une organisation très militante, mais très fermée, disciplinée à l’extrême et quelque peu ouvriériste. Avec ses 5% en 1995 Arlette était sortie de la marginalité. Ses militants, très dévoués, n’interviennent qu’au niveau des entreprises. Unitaires qu’avec la LCR, ses rapports ont toujours été du tout ou rien. C’est dans sa phase unitaire que des listes LO-LCR eurent 5 députés (dont Arlette et Krivine au Parlement européen en 1996 avec un peu plus de 5% des voix). Très critique vis à vis des concessions « réformistes » du NPA, ils n’ont quand même pas hésité, uniquement pour avoir des élus, à se présenter aux dernières municipales sur les listes d’Union de la gauche PS-PC en votant, une fois élus, les budgets de ces derniers. En perte de vitesse depuis l’apparition du NPA et de Besancenot (environ 1% aux élections), ils maintiennent des rapports corrects avec le NPA mais se refusent à toute fusion avec une organisation qui n’est pas « révolutionnaire ».
Naissance du NPA
Pour comprendre le processus, il faut rappeler que déjà à la LCR, il était expliqué que la section française de la IVe Internationale n’avait pas la prétention de rassembler l’ensemble des marxistes, encore moins des révolutionnaires, mais était une des composantes d’un parti révolutionnaire plus large à construire. C’est avec cette démarche que la Ligue a participé, dans son histoire, à une série de tentatives de regroupement que ce soit avec l’OCI, LO ou les comités de soutien à la candidature du dissident communiste Pierre Juquin. Mais chaque fois ce fut l’échec. Nous n’étions pas porté par une véritable poussée sociale et par l’effondrement du PC.
Si 68 marque les premiers pas d’une nouvelle période, 1995 va nous pousser à approfondir nos perspectives. Le PC est en chute, Arlette Laguiller obtient plus de 5% à la présidentielle et le pays va connaître une mobilisation de masse sans précédent depuis 68, en défense de la sécurité Sociale. Le débat est lancé dans la LCR pour aider à la création d’un nouveau parti. En 2002 le succès de la candidature d’Olivier Besancenot (plus de 4% en 2002) encore inconnu quelques mois avant, est un indice supplémentaire que ça bouge, sans parler de la victoire du NON au référendum de 2005 après une campagne de masse unitaire où la LCR joua un rôle important. 2007, 2008, la dissolution de la LCR et la création du NPA sont à l’ordre du jour de toutes les instances de la LCR. Seule une petite minorité s’y oppose, jugeant le nouveau parti trop limité et sectaire...
Janvier 2009 C’est le congrès de fondation du NPA. A la différence des expériences danoise ou portugaise, aucune organisation en tant que telle n’accepte de participer à sa construction. En revanche une série de petits courants le rejoignent, en particulier SPEB (environ 80 camarades liés à l’IST, l’Internationale du SWP anglais) ou la Fraction Etincelle de LO ( environ 80, exclus de LO), des camarades de la Gauche révolutionnaire, des ex-maos, des libertaires, des écolos décroissants, quelques militants des Verts, du PC ou du PS. Les militants de l’ex-LCR (un peu moins de 3000) se retrouvent dans une organisation de près de 9000 adhérents à sa création. La plupart des « nouveaux » n’ont pas de passé politique, beaucoup ont été attirés par les messages et la popularité d’Olivier « un gars comme nous, qui lui, travaille ». Ils veulent en découdre avec la droite et le capitalisme et n’ont aucune confiance dans la gauche traditionnelle.
Programme
Dans son texte de fondation le NPA se déclare très nettement contre toute possibilité de « réformer » ou « démocratiser » le capitalisme, mais se prononce pour son renversement et pour la nécessité de « révolutionner la société ». Internationaliste, féministe, écologiste, il se réclame de la lutte des classes et a déjà élaboré un « Plan d’urgence » de revendications anticapitalistes face à la crise. A la différence de la LCR, le NPA, en revanche ne tranche pas certaines questions qu’il laisse ouverte pour les prochains congrès. Par exemple, tous les débats stratégiques sur la prise du pouvoir, les revendications transitoires, le double pouvoir etc.. Il ne se réclame pas du trotskysme en tant que tel mais considère que c’est un des apports comme d’autres au mouvement révolutionnaire. Ne voulant pas, comme nous dûmes le faire en plein stalinisme, sélectionner par le rétroviseur, le NPA n’ a pas de jugement sur ce que fut l’URSS, le stalinisme etc. La sélection se fait en fonction d’un accord sur l’analyse de la période et les tâches.
Dans ce cadre général mais aux frontières suffisamment délimitées pour en faire une organisation révolutionnaire, le NPA a défini quelques principes pour son intervention. Une tactique de front unique avec les réformistes dans les luttes. D’ou aujourd’hui son rôle souvent décisif dans toutes les structures unitaires avec les réformistes dans les batailles contre la politique sociale ou sécuritaire du gouvernement : comités unitaires pour défendre les retraites, comités pour défendre les sans-papier, les immigrés etc., participation à ATTAC, aux organisations syndicales, au mouvement des femmes ou aux initiatives sur l’environnement, bref à l’ensemble des activités du mouvement social. Il faut reconnaître que d’entrée de jeux, pour tous les militants l’internationalisme et l’antiracisme sont des fondamentaux de base intouchables.
Si la plupart des militants sont syndiqués et pas mal occupent des responsabilités dans la CGT, Solidaire ou à la FSU, il existe désormais de façon inorganisée, des camarades opposés aux syndicats « trop divisés et bureaucratisés » et qui privilégient les activités du NPA. Quant aux directions syndicales, surtout la CGT, elle n’hésite pas à attaquer publiquement la pratique du NPA qu’elle juge « substitutrice et fractionnelle » alors que les syndicalistes du NPA ont toujours été très attentifs à respecter l’indépendance du syndicat, ce qui ne signifie pas de se taire sur la stratégie de l’appareil ni de s’abstenir d’essayer de favoriser dans tous les syndicats et de façon intersyndicale le regroupement des militants ou structure « lutte de classe »
En revanche, et c’est un point essentiel de divergence avec tout le reste de la gauche, mais c’est aussi un point fort pour une partie de l’opinion, le NPA s’est prononcé contre toute participation de cogestion des institutions notamment avec le PS et le PC (gouvernement, exécutif des conseils régionaux ou des municipalités). Cela n’est pas un refus de principe, notamment d’aller au gouvernement, mais la condition est de pouvoir réaliser son programme – donc cela signifierait un autre rapport de force, type grève générale, d’autres alliances qu’avec la gauche réformiste et sur un autre programme. Il faut dire que c’est là-dessus qu’il y a notamment des débats internes avec des camarades qui pensent que, sans participer nous même, on peut faire des alliances électorales avec des partis de gauche qui eux, participent. Lors des dernières élections, c’est souvent là-dessus qu’il y a eu des ruptures avec la gauche traditionnelle. Aujourd’hui le NPA doit avoir un peu moins d’une centaines d’élus municipaux mais, du fait de l’absence de proportionnelle aucun élu dans les autres instances.
Fonctionnement
Structurés en comités organisés au niveau local ou par entreprise, et coordonnés au niveau régional, avec des réunions souvent quinzomadaires, le NPA a élu à son congrès de fondation un Comité politique national d’environ 190 membres qui se réunit environ tous les trois mois et qui a lui même élu un Comité exécutif d’environ 30 membres qui se réunit toutes les semaines. Au congrès de fondation la parité homme-femmes a été adoptée pour les directions qui, en outre, ne devaient pas comporter plus de 50% d’anciens de la LCR. Ce qui a été accompli.
Les différentes activités sont centralisé par de très nombreuses commissions nationales (Femmes, écologie, entreprise, culture, LGBTI, internationale, quartiers populaire, immigrés etc...) Chaque année l’Universite d’été rassemble pendant quatre jours plus de 1000 participants sur les bords de la Méditerranée. A la direction Il n’ y a que quelques permanents à mi-temps (une douzaine), un hebdomadaire qui se vends mal et un mensuel en progrès avec le même titre, « Tout est à nous », et un système permanent de tracts, brochures, affiches etc...
Le NPA est présent dans tous les départements à travers près de 500 comités de base. Si officiellement il ne se réclame pas du centralisme démocratique, il s’efforce de faire respecter les décisions majoritaires mais ceci est loin d’être appliqué. En effet surtout au début, beaucoup d’adhérents avaient une peur panique et légitime de voir apparaître des chefs, une bureaucratie bref une vie non démocratique comme dans les autres partis, d’ou la crainte de toute centralisation et de toute manipulation et du coup la volonté de certains de donner les pleins pouvoirs aux comités de base sans créer de direction régionale ou centrale. L’expérience a fait évoluer les choses et aujourd’hui c’est plutôt un manque de centralisation et de direction qui est remis en cause
La jeunesse
Déjà dans les JCR le débat existait sur le maintien ou pas d’une organisation propre de la jeunesse. Après de difficiles discussions, il a été admis qu’au moins au début, il n’ y aurait qu’un « secteur jeune » intégré dans le NPA. A l’époque de la LCR, les JCR avaient environ 300 militants dont près de la moitié à la LCR. Aujourd’hui une partie des jeunes ont créé des comités jeunes du NPA (lycée, université..) avec un matériel propre : tracts ; 4 pages, affiches etc.. mais sous le nom du NPA. Ils sont représentés au CE du Parti. Les autres sont complètement intégrés dans les comités locaux. Le secteur jeune participe pleinement aux camps jeunes de la IVe Internationale
Rapports internationaux
Profondément internationaliste, le NPA est totalement investi dans les initiatives altermondialistes et ses différents forums sociaux mondiaux ou européens, dans ATTAC ou dans le CADTM. Mais il s’efforce en plus de mettre sur pieds à l’échelle européenne une coordination des organisations anticapitalistes. Le but est d’avoir d’abord des échanges d’expériences, d’essayer de promouvoir des initiatives communes ou au moins des prises de position et à terme, si possible d’arriver aux élections européennes à un sigle commun voir à terme un parti commun. Depuis la création du NPA il y a eu déjà plusieurs réunions avec comme partenaires et coorganisateurs des partis comme le SWP anglais, le Bloc de gauche portugais ou l’Alliance Rouge et Verte danoise. Présent au tout début comme observateur, le PRC d’Italie n’est plus revenu. Les difficultés sont nombreuses à la fois politiques et organisationnelles. Citons les problèmes : L’Alliance Rouge et Verte est contre l’Europe et donc contre une participation à une liste « européenne ». Le Bloc de gauche, lui, fait partie aussi de l’exécutif du Parti de la gauche européenne et doit en tenir compte dans ses rapports avec les partis anticapitalistes. C’est aussi le cas de la coalition Syrisa, par ailleurs en pleine crise, avec des scissions à Synapismos. Mais dans ce pays, où numériquement l’extrême gauche révolutionnaire est la plus forte, il y a plus de dix organisations très hostiles entre elles jusqu’à la création d’un regroupement important dans la coalition Antarsya où se trouvent la majorité des militants de la IVe Internationale. Tout cela pour montrer la difficulté – mais pas l’impossibilité – d’arriver à une liste commune aux prochaines européennes. En tous cas, et c’est déjà un succès, une quinzaine d’organisations de la gauche radicale européenne ont signé ensemble un texte de résistance à la crise capitaliste et envisagent de nouvelles réunions communes d’ici peu et des initiatives.
En ce qui concerne le NPA, il faut d’abord savoir qu’en plus des militants de la IVe Internationale (les 3000 anciens de la LCR) existent des camarades membres de l’IST ou de l’ISO qui publient sans problème leur presse et ont des relations privilégiées avec leur structure Internationale qui invite d’ailleurs souvent la direction du NPA en tant qu’observateur à leurs congrès ou conférences. Pour le moment, il n’ y aucun problème.
Les rapports avec la IVe Internationale sont plus compliqués à gérer vus les rapports de force, l’histoire et le devenir même de l’Internationale. Le projet du NPA de construire un parti révolutionnaire populaire en France rejoint celui de la IVe d’arriver un jour à créer une Ve Internationale révolutionnaire, fruit des phénomènes de recomposition du mouvement ouvrier. Ceci dit, les rythmes sont totalement différents d’un pays à l’autre et la IVe en est le reflet. Son dernier congrès a pu voir cote à cote de vieilles organisations trotskystes de cadres mais très minoritaires, un peu à « l’ancienne », cotoyer de nouveaux partis de milliers d’adhérents comme ceux des Philippines, du Pakistan , du Portugal ou de France.
Dans une telle situation où l’existence de la IV est encore décisive mais où on ne peut pas obliger les nouveaux parti à accepter toute son histoire, ses références ou son programme, il faut trouver des solutions transitoires adaptées à chaque pays. Par exemple, les danois et les portugais ont gardé une section avec 100 ou 200 membres dans des partis de plusieurs milliers d’adhérents. En France ce fut impossible et aurait été manipulatoire d’ou la décision unanime de considerer les 3000 ex LCR comme membres de la IV, avec la poursuite de leurs cotisations, et le NPA comme une organisation non membre de l’International mais invitée comme observatrice à toutes les réunions internationales. Le congrès mondial a élu au CI une série de camarades français qui auront des comptes à rendre aux membres de la IV en France dans les comités comme au CPN. Par contre ces quelques réunions de la IV en France, comme celle préparant le congrès mondial, sont ouvertes à tous les membres du NPA. Vues les modalités de création du NPA et le poids des ex de la Ligue, la création d’un courant ou d’une tendance IV Internationale n’aurait aucun sens et serait manipulatoire vis à vis des autres camarades, d’autant plus que les débats qui traversent le NPA traversent aussi les anciens de la LCR. Quant aux débats de la IV, ils intéressent tout le monde. Restent les problèmes formels de modalités de vote et de cotisation transitoirement réglés et avec un consensus général
L’état des lieux
Le prochain congrès du NPA est fixé pour novembre. Depuis sa création, la situation sociale à changé. Nous n’avons pas connu ces derniers mois la grande déferlante des mobilisations sociales d’il y a un an avec des millions de gens dans les rues. Beaucoup de conflits sociaux menés isolement chacun dans son coin par les bureaucratie syndicales ont échoué et ça n’est pas la multiplication des 24h de grève et de manif tous les trois mois qui ont pu redonner confiance dans les luttes. Lassitude, désarroi mais poches de radicalité locales et parfois violentes ont dominé ces derniers mois. Dans ce contexte, plusieurs centaines d’adhérents qui étaient venus plein d’illusions sur les victoires y compris électorales du NPA sont partis ou on ne les revoit que ponctuellement. Le militantisme quand la situation devient difficile demande plus de persévérance et de formation politique.
Au moment ou les mobilisations semblent repartir et où la haine du gouvernement se développe devant la multiplication des scandales et les mesures insolentes du gouvernement, de nouveaux militants arrivent ou reviennent, mais aujourd’hui nous ne devons pas dépasser les 7000 membres. Ce qui n’est déjà pas mal, avec sans doute toujours une majorité encore très forte de non ex LCR. Et si nos scores ont baissé aux dernières élection régionales, les grandes données du NPA persistent y compris dans les sondages : à savoir un écho important parmi les jeunes, les salariés et les chômeurs, c’est à dire les couches où on s’abstient le plus aux élections. La popularité de Besancenot reste très forte et ses visites à la porte des entreprises en lutte ou sa présence dans les manifestations rencontrent toujours un immense écho toujours aussi disproportionné avec celui du NPA.
Force et faiblesse, quel avenir ?
Aujourd’hui le NPA est devenue une force incontournable qui tant dans les mobilisations que sur le plan électoral a dépassé le stade de petite organisation. Toutes les forces politiques en font constamment référence et les médias, selon la période, lui donnent une importance disproportionnée ou l’enterrent. La jeunesse de ses adhérents comparés à tous les autres partis lui donnent une véritable dynamique et son implantation dans le monde du travail est aujourd’hui réelle avec cependant encore et comme les autres partis une grande faiblesse dans les quartiers populaires et l’immigration. Dans le monde du travail et chez les jeunes, son porte-parole est devenu l’un des dirigeants politiques les plus populaires. Mais tout cela pose d’énormes problèmes qui ne sont pas résolus.
Personne n’avait l’expérience du fonctionnement d’une organisation d’une telle taille. Avec tous ses problèmes : comment établir une démocratie pour tous et notamment ceux qui n’ont pas le temps ou les moyens de lire des BI de centaines de pages sur Internet et garder une efficacité d’intervention ? Comment arriver à établir une formation politique pour tous et éviter soit le suivisme soit la démagogie. Et pour cela comment utiliser un langage compréhensible qui sorte de la langue de bois pour initiés ? La mise sur pieds d’un réseau permanent de formation aux différents niveaux n’est pas facile. Certains adhérents super activistes n’arrivent pas à dégager le temps pour le suivre d’autres, au contraire trouvent ces écoles trop rudimentaires. Le militantisme même est très irrégulier et selon les moments on ne retrouve pas toujours les mêmes camarades aux réunions en dehors d’un réseau de plusieurs centaines de militants qui assurent la permanence et la continuité.
Dans le domaine public le NPA est à la fois victime et profiteur de la popularité de son porte-parole. Avec les nouveaux médias et la télé, la personnalisation de la politique devient un phénomène général mais qui dépolitise les personnes et joue un rôle disproportionné pour les petits partis. Au PS ou à l’UMP on connait plusieurs dirigeants. Au PC, au NPA ou à LO un seul : celui qui s’est présenté à la présidentielle. Dans les débats télévisés, on retient qui a été bon ou mauvais mais rarement le contenu. A la télé jouent ensemble les qualités personnelles de présentation et le contenu du message. Arlette Laguiller a été populaire par son message, mais surtout par le fait qu’elle fut la « première femme travailleuse ». Olivier fait des ravages à la télé parce qu’il est jeune et postier et qu’il est percutant. Mais avec un autre message, le succès serait moindre. Le NPA est conscient des dangers de cette personnalisation, mais il en profite aussi. La recherche d’autres porte parole qui est en cours pour le congrès, n’est pas facile surtout quand les médias vous disent « on veut Olivier ou personne de chez vous » Mais cela reste indispensable si on veut continuer à rajeunir et féminiser la direction. Rappelons que dans cette démarche, aucun de la quinzaine des anciens dirigeants de la LCR n’est resté à l’Exécutif du parti.
Une autre difficulté résulte dans le fait que si le NPA n’est pas isolé, il est néanmoins seul avec un seul parti comme base constituante à la différence du Danemark ou du Portugal. En outre même si on le souhaitait, ce qui n’est pas le cas, une expérience de type Die Linke serait impossible en France. D’abord pour des raisons politiques. Sa participation à des gouvernements de coalition avec la sociale démocratie dans deux lands, dont celui de Berlin où sont menées des politiques libérales, ne seraient pas acceptée ici par la gauche radicale. Mais surtout, à la différence de l’ex SED, le PCF ne veut pas entendre parler ici d’un parti commun avec les minoritaires qui ont quitté le PS. Seuls le PG et Mélenchon souhaitent un Die Linke en France où il jouerait le rôle de Lafontaine. Prisonnier entre le PC et le NPA, le PG risque de disparaître en restant seul. Mais là-dessus, le dernier congrès du PC a été très clair, il a refusé toutes propositions d’adhésions individuelles au Front de gauche qui doit rester un cartel dirigé de fait par le PC avec le PG et les 200 militants de la Gauche unitaire. Il faut dire que la création de ce Front a certes réussi à enrayer la chute électorale continue du PC, mais n’a rien ajouté de plus et n’a créé aucune dynamique. Par contre les militants PC étaient furieux de faire élire à leur place des gens si peu représentatifs.
Pour le moment il n’ y donc pas d’organisations ou de courants organisés prêts à construire le NPA et l’on voie mal de tels courants significatifs se détacher du PC ou du PS, dans un avenir proche. Le NPA doit donc privilégier ses interventions vers la masse des travailleurs et des jeunes combattifs inorganisés au dépends de tactiques inter organisationnelles, même si elles restent nécessaires, y compris en terme d’éducation politique.
Aujourd’hui, malgré toutes ces difficultés, le NPA a atteint un seuil de crédibilité incontournable, mais son développement est liè à ce que seront les mobilisations sociales à venir. Septembre est un test. Le 4, toute la gauche politique, associative et syndicale appelle à manifester contre la politique répressive de Sarkozy ; le 29, la totalité des organisations syndicales (du jamais vu) appellent à la grève et à des manifestations. La rentrée risque d’être très chaude face à la véritable guerre sociale qu’a déclenché le gouvernement et le patronat. Les révolutionnaires en tous cas disposent d’un outil supérieur à ce qui existait dans les luttes précédentes mais cela reste encore insuffisant par rapport aux nouvelles tâches et responsabilités.
En tous cas si le NPA est une expérience intéressante dans un projet qui est commun à toute la gauche radicale en Europe, en aucun cas il ne doit servir de modèle tant les situations, les traditions et les rapports de force sont différents d’un pays à l’autre. Le rôle des révolutionnaire et justement de trouver dans des conditions propres les moyens, outils et tactiques adaptées pour développer le mieux possible les forces indispensables pour renverser le vieux monde et réapprendre à rêver pour lutter et en créer un autre.
Alain Krivine
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
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