Comment acheter un syndicaliste
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Comment acheter un syndicaliste
Comment acheter un syndicaliste
«L'Argent noir des syndicats» (Fayard) raconte les méthodes mises en oeuvre pour corrompre les représentants des salariés. Et lève aussi un coin de voile sur les financements occultes des organisations syndicales. Extraits
Gros chèques et petits cadeaux
D'anciens syndicalistes de Thales (ex-Thomson-CSF) nous expliquent que l'UIMM a toujours entretenu de bons rapports avec leur employeur, mais aussi avec leur syndicat. [...] Quelques mois plus tard, Joseph Crespo, président de la fédération CFTC de la métallurgie, reconnaissait, au cours d'un entretien réalisé avec nous, l'existence de ces subventions : «Ces subventions sont faites à tous les syndicats et sont parfaitement légales, même si elles posent en effet un problème d'indépendance.» [...]
Un PDG, juge dans un conseil des prud'hommes, accepte de se confier à nous dans le cadre d'un échange personnel, comme s'il voulait en profiter pour se délivrer d'un poids : «Je connais beaucoup d'employeurs qui achètent leurs délégués syndicaux pour s'assurer la paix sociale, je ne suis donc pas surpris du tout par l'affaire de l'UIMM.» Il hésite un peu, puis nous souffle : «Non seulement je connais des employeurs qui le font aussi, mais je reçois moi-même, lors de chaque élection professionnelle de délégués du personnel, les salariés élus pour leur proposer des petits cadeaux, un véhicule de fonction et un téléphone portable : en contrepartie, ce que je demande, c'est qu'ils me préviennent afin de régler en amont et en petit comité tout litige qui pourrait déraper.»
[...]Il nous explique qu'aliéner peu ou prou l'indépendance de syndicalistes est «nécessaire à la bonne marche des entreprises, qui, sinon, devraient faire face à des luttes gênantes». [...]
André B., un entrepreneur du bâtiment qui vient de procéder au licenciement de deux ouvriers trop revendicatifs, complète cet éclairage : «Un permanent syndical capable d'en imposer pour calmer les troupes est très utile [...].» L'inconvénient, dit un autre chef d'entreprise, «c'est que certaines exigences peuvent devenir un véritable racket qu'on ne peut interrompre sans prendre le risque de représailles sous la forme d'actions sociales embarrassantes. Ca peut même tourner au harcèlement jusqu'à ce qu'on trouve un terrain d'entente financier. Mais on s'y retrouve plutôt bien, il faut l'avouer». [...] Du côté syndical, des témoins nous confirment le phénomène. Daniel Guerrier, délégué syndical cégétiste jusqu'en 2000, témoigne à visage découvert : «Dans les grandes entreprises du bâtiment et de l'eau où j'ai été élu, j'ai souvent vu des délégués du personnel prendre leurs ordres régulièrement auprès de la direction pendant des repas régulièrement offerts par les cadres dirigeants, bien arrosés et souvent répétés, au cours desquels on se tutoie et on baisse un peu la voix en abordant certains sujets comme le renouvellement du portable ou de la voiture, en passant par les primes spéciales et les horaires très allégés, l'embauche de parents ou d'amis [...]. Au début, je m'étonnais de ne pas les voir retourner au travail l'après-midi, j'ai vite compris que ça faisait aussi partie des petits privilèges des syndicalistes qui acceptent le régime maigre pour les salariés.» [...]
Des «vendus» dans le nettoyage
José Tison, un ancien de SUD-Rail qui s'est longtemps investi auprès des salariés du nettoyage, ne craint pas d'affirmer : «Dans ce secteur, il faut bien le dire, beaucoup de délégués sont purement et simplement achetés par les directions. Tout reste à faire, ou plutôt à remettre à plat. Il faut repartir de zéro.» Etienne Deschamps, juriste du syndicat CNT-Nettoyage d'Ile-deFrance, apporte des précisions : «Une façon de «tenir» les représentants du personnel est de leur attribuer des petits avantages. Promotion pour devenir chef, voiture de fonction, double salaire (au nom de deux boîtes de nettoyage), tout est bon, même l'obtention de logements par le 1% patronal. Les DRH ne demandent pas nécessairement à l'heureux bénéficiaire d'abandonner son mandat, c'est plus fin que cela : ces avantages impliquent «spontanément» une forte baisse du niveau de revendication. On le constate alors par touches successives : au début, le délégué du personnel vient un peu moins aux réunions, puis plus du tout. Ensuite, ses camarades nous expliquent qu'il délaisse certains dossiers urgents ou qu'il ne s'occupe plus guère de son travail syndical. Pis, qu'il minimise les problèmes des salariés. Enfin, on apprend qu'il a déménagé après avoir obtenu un appartement plus grand, mais sans vraiment s'en vanter. Ce sont souvent des indices forts. Tous les syndicats sont touchés. Le nôtre n'est pas à l'abri non plus de ces tentations.»
Des licenciements en or
«J'étais délégué syndical CFDT, délégué du personnel et secrétaire du comité d'entreprise. Les conflits qui m'opposaient à la direction devenaient de plus en plus vifs. Un jour, on m'a proposé un arrangement : une démission de mes fonctions représentatives et un licenciement à des conditions très avantageuses. Un million de francs, c'était plus que tentant. En fait, c'était juste ce qu'il me fallait pour démarrer une petite entreprise de conseil...» Marc Costes dirigeait la zone Afrique de l'export du laboratoire pharmaceutique Innotech International, il a accepté l'arrangement. Le licenciement sans motif légal a eu lieu au printemps 1996. [...] Après son licenciement et celui des deux autres délégués, il savait pourtant que la vie syndicale au sein de l'entreprise allait changer. «Je n'avais pas d'illusion sur ce que ferait la direction ensuite : comme dans les autres entreprises, elle chercherait à monter un syndicat aux ordres ?[...].» L'ancien syndicaliste CFDT parle de cette opération comme d'une pratique aussi répandue que discrète. Faut-il le croire ? «Pour acheter le silence des plus récalcitrants, le départ négocié à des conditions attrayantes est un procédé aujourd'hui couramment utilisé, confirme Jacques Grinsnir, avocat spécialisé en droit social, placé en première ligne des conflits au sein des entreprises [...]. Les négociations sont généralement précédées par une phase de harcèlement intense. Une sorte de guerre d'usure, de préparation d'artillerie durant laquelle on cherche à briser le salarié. Pour se débarrasser des perturbateurs, on est passé d'une phase artisanale à une méthode qui est vendue clés en main par certains cabinets de conseil. Il existe même désormais des agences utilisant des «profilers» qui évaluent la victime avant que les DRH n'agissent. Profil psychologique, analyse des interventions en CE, etc.»
La pompe à fric de la formation
«Pour récupérer en partie l'argent de la formation professionnelle, on s'arrange avec ces centres formateurs qui surfacturent leurs prestations ou facturent carrément des formations fictives et l'on reverse ensuite discrètement aux syndicats une partie des bénéfices indus», nous explique un témoin direct. D'anciens responsables de centres de formation évoquent une pratique consistant à remplir des listes de stagiaires avec les noms de personnes qui ne sauront jamais qu'elles ont officiellement participé à ces formations. «Il arrive aussi qu'on alourdisse sur le papier le nombre d'heures de stage, de salles louées ou d'intervenants [...]. L'argent revient ainsi en partie dans les caisses syndicales ou sous la forme d'indemnités versées aux permanents qui sont censés avoir effectué les heures de formation.» Les contrôles, nui devraient être opérés par les directions départementales du travail et l'Urssaf, sont quasi inexistants. Le groupe national de contrôle de la formation professionnelle, qui dépend du ministère du Travail, avoue son puissance à examiner de près les affecations des fonds collectés par les organismes collecteurs. «Cela revient à contrôler les organisations professionnelles ou syndicales, d'où une dimension politique», déclarait avec embarras un responsable du groupe de contrôle devant une commission d'enquête de l'Assemblée nationale en 1999. Huit ans plus tard, dans un rapport remis en 2007, la Cour des Comptes montrait plus d'assurance : «Rares sont les organisations professionnelles qui présentent de véritables justificatifs, même plus ou moins détaillés, correspondant à des services effectivement rendus.» [...]
Le budget annuel de la formation prud'homale pour la seule CGT correspondait, au tournant de l'année 2004, à environ 10 000 à 18 000 journées de formation à 200 euros la journée, soit une somme totale se situant entre 2 et 3,6 millions d'euros. Jean Claude Lam, qui appartenait à la fédération CGT de la métallurgie avant 1988, puis qui est devenu le directeur, entre 1988 et 2004, de Prudis-CGT, l'institut spécialisé de formation des conseillers prud'homaux salariés qui travaille avec la CGT, a bien voulu répondre à nos questions. [...]. «Plus de la moitié [des fonds versés aux syndicats pour la formation] est utilisée à d'autres fins, reconnaît-il [...]. En interne, l'argument de la CGT est que la formation juridique est moins prioritaire que la lutte pour les revendications.»
Des pubs compromettantes
La presse CGT a un penchant prononcé pour les publicités des assureurs Satec, Macif, Axa, MMA, Assurance Sport et Tourisme, pour les alcooliers Pernod-Ricard, Pastis 51 et le champagne Henri-Giraud, pour le fabricant de cigarettes Altadis, le fabricant d'armes Dassault, les opérateurs Orange et France Télécom, l'agence de tourisme Touristra, les Chèques Vacances, Trigano, les distributeurs d'énergie EDF, GDF, et pour les groupes multicartes, Suez et Veolia Environnement. On y voit une fidélité certaine à la SNCF, Air France et La Poste. On trouve aussi pêle-mêle Bombardier, Siemens et d'autres. On peut concevoir sans peine que certains de ces groupes élargissent leur clientèle grâce à ces publicités réveillant chez chaque lecteur un signal d'appel avec, à la clé, un acte d'achat. Il est plus difficile de croire que des groupes qui vendent des chars, des missiles à tête nucléaire, des centrales ou des incinérateurs espèrent vendre leurs produits aux lecteurs. On retrouve d'ailleurs ces publicités dans les publications de la CFTC, plus précisément dans la revue «le Métallo CFTC», l'organe de la Fédération de la Métallurgie. Espèrent-ils élargir leur marché auprès des cadres de ce syndicat ? [...]
Caisses de retraite à double fond
«Les financements des syndicats sur les fonds des caisses de retraite ne datent pas d'hier, nous explique un inspecteur des Affaires sociales. Ce qui est nouveau, c'est que certains songent à le dénoncer.» Certaines caisses de retraite sont en effet des sources de financement discrètes. Voilà encore un secret de famille, mais on peut difficilement dire qu'il est inconscient... En tout cas, plus depuis 1999. Cette année-là, les inspecteurs de l'Igas (Inspection générale des Affaires sociales) ont en effet mis les pieds dans le plat en rédigeant un rapport sur la Caisse de Retraite interprofessionnelle (CRI), l'une des plus grosses caisses de retraite complémentaire du régime des salariés (Arrco). Leur enquête, menée entre février et mai 1999, évoque «tout un système de financement direct ou indirect des syndicats». Selon les inspecteurs, le CRI aurait versé, entre 1995 et 1999, 34,3 millions de francs aux syndicats (soit plus de 1,5 million d'euros chaque année). Les inspecteurs ont révélé que la CFDT et la CGT se partageaient 80% de la somme, et que FO en recevait 15%. La CFTC et la CGC ramassaient les miettes. Les versements s'effectuaient en finançant des publicités dans la presse syndicale, en payant des permanents syndicaux comme «délégués extérieurs» ou en «convention d'assistance technique», et en remboursant des frais divers... Du côté de la caisse de retraite en question, on jure que «les choses ont été remises en ordre dans la maison». Mais on peut s'interroger. Le rapport de l'Igas avait amené Martine Aubry, alors ministre des Affaires sociales, à suspecter que ces pratiques pouvaient ne pas être l'exclusivité de la CRI et à penser qu'il faudrait examiner de près également les autres caisses. Pourtant, les ministres qui lui ont succédé semblent avoir décidé de ne plus déranger personne dans ce secteur...
Le magot des handicapés
Autre source d'opérations indélicates, les subventions accordées par l'Agefiph, le fonds d'aide national pour l'intégration professionnelle des personnes handicapées et leur maintien dans l'emploi. Géré par les partenaires sociaux, ce fonds est alimenté par les cotisations payées par toutes les entreprises qui ne respectent pas les quotas d'embauche de personnel handicapé. Pas moins de 400 millions d'euros sont ainsi collectés chaque année [...]. «Ce fonds accorde des subventions aux entreprises qui déclarent mener des actions en faveur de l'intégration des personnes handicapées», dit un syndicaliste cédétiste en insistant bien sur le mot «déclarent». Il précise : «Beaucoup d'entreprises déclarent tenir des séances pour sensibiliser leur personnel et réfléchir à des actions d'intégration, mais ne font rien du tout. Pour la forme, ils se réunissent une ou deux fois, quelques minutes, et prétendent qu'ils organisent des réunions de sensibilisation des employés ou ce genre de chose.» [...] Du côté de l'Agefiph, on se retranche derrière un argument élémentaire : «Les moyens de contrôler les actions menées dans les entreprises nous manquent, nous n'avons pas la possibilité de vérifier dans les entreprises si les séances se passent vraiment comme les entreprises le déclarent.» [...]
© Fayard «L'Argent noir des syndicats», par Roger Lenglet, Jean-Luc Touly et Christophe Mongermont, Fayard, 300 p.
Combien de troupes ?
Le budget annuel de la formation prud'homale pour la seule. La question suscite d'inépuisables polémiques. Toutes les études s'accordent cependant pour revoir à la baisse les chiffres annoncés par les centrales.
CFDT : 800 000 (officiel), 670 000 (estimé).
CGT : 710 000 (officiel), 600 000 (estimé).
FO : 800 000 (officiel), 350 000 (estimé).
CFTC : 132 000 (officiel), 100 000 (estimé).
CFE-CGC : 177 000 (officiel), 110 000 (estimé).
UNSA : 360 000 (officiel), 200 000 (estimé).
Solidaires : 80 000 (officiel), 50 000 (estimés).
Estimations établies par «Liaisons sociales» (février 2008).
nico37- Messages : 7067
Date d'inscription : 10/07/2010
Re: Comment acheter un syndicaliste
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Le financement des syndicats de salariés en France est une
question récurrente dans le syndicalisme
français et a été médiatisé par la découverte en 2007 d'une importante
caisse noire d'une organisation patronale, l'UIMM (Union des industries et des métiers de la
métallurgie). Une réforme a été envisagée à de nombreuses reprises par
l'ensemble des acteurs, en particulier en raison de la faiblesse des
cotisations, du manque de transparence de ces financements et des
soupçons que ces derniers ont fait peser sur l'indépendance des
organisations jusqu'à la loi n°2008-789 du 20 août 2008 portant
« réforme de la démocratie sociale et du temps de travail » qui fait
désormais obligation d'établir des comptes annuels et d'en assurer la
publicité.
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Faudrait pas en déduire que ils sont tous pourris, la majorité des syndicalismes sont de braves gens.
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