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Cronstadt 1921

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Message  dug et klin Jeu 10 Mai - 0:47

Lascar Kapak a écrit:

.....Et pour ce qui est du bolchévisme, on pourrait discuter de la période post 1917 aussi. Les grands révolutionnaires de Cronstadt ont été bien remercié par Trotsky 4 ans plus tard.....



Replonge un peu dans tes livres d'histoire,tu entendras parler du"turn-over"des éffecfifs.Ceux que tu appels les grands révolutionnaires de Cronstadt étaient ailleurs 4 ans plus tard,ils avaient été mutés la ou justement il y avait besoin d'hommes courageux et déterminés avec une grande conscience politique.Ils avaient été remplacés par des paysans frais émoulus,cela a surement été une erreure du pouvoir Sovietique de mettre des éffectifs peu politisés sur cette place strategique,les militants anarchistes n'ont pas eu de mal a leur faire revendiquer de meilleurs conditions d'éxistance,meme si dans la misere ambiante,ils n'étaient pas les plus a plaindre.
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Message  Lascar Kapak Jeu 10 Mai - 14:14

Ahah, extraordinaire de lire ça. Déjà Cronstadt n'est pas une révolte anarchiste. Il y avait quelques anars et socialistes révolutionnaires à Cronstadt, mais la révolte est essentiellement le fait de communistes qui ont bien senti que leur révolution de 17 avait été trahie. Qu'après avoir abattu le tsarisme, la bourgeoisie, il fallait abattre la bureaucratique soviétique. Une troisième révolution. Réprimé dans le sang par Trotsky... mais bon, c'était sûrement des contre-révolutionnaires et ça justifiait sans aucun doute ce beau bain de sang. D'ailleurs tous les documents retrouvés sur Cronstadt font vraiment l'éloge du sabotage de la révolution c'est extraordinaire ! Mais on peut ouvrir un fil si vous voulez ? Histoire que je te démonte par a+b tes mensonges odieux, car là effectivement on pourri le topic. D'ailleurs pour recentrer un peu...

Alternative Libertaire d'avril est en ligne
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Message  verié2 Jeu 10 Mai - 15:02

Il me semble qu'il y a déjà un fil sur Kronstadt. Les bolcheviks se sont trouvés dans une véritable impasse historique en réprimant une partie de leur propre classe, que ce soit à Kronstadt ou lors des grèves de Pétrograd. Dans les justifications apportées par Trotsky, il y a sans doute des déformations, des caricatures. On était dans le feu de l'action, dans la propagande. Et, plus tard, il lui était vraiment délicat de reconnaître la moindre erreur, face aux staliniens d'un côté, les sociaux démocrates de l'autre, qui l'accablaient.

Il n'en reste pas moins que, si Kronstadt avait été abandonnée aux insurgés, les chances étaient grandes que la forteresse passe aux mains des Blancs pour des raisons géostratégiques évidentes. Les bolcheviks ne pouvaient pas prendre un tel risque. A mon avis, n'importe quel pouvoir étatique aurait pris la même décision, ne pouvant tolérer qu'une place forte aussi importante échappe à son autorité.

Cela-dit, Kronstad n'est pas un acte glorieux, mais cet épisode fait partie des cruelles nécessités d'une situation consécutive à la misère, la guerre civile, l'intervention impérialiste, au même titre que de fusiller des gens qui reculent.

Les bolcheviks ne pouvaient évidemment pas connaître la suite de l'histoire, à savoir la contre-révolution stalinienne qui allait prendre des formes totalement inattendues. Aujourd'hui, on a un peu tendance à considérer Kronstadt en fonction de cette contre-révolution stalinienne que cette répression a évidemment favorisée. Mais il faut la remettre dans son contexte ; les bolcheviks voulaient sauver l'Etat ouvrier pour aider la révolution mondiale, pas pour construire un monstrueux Etat totalitaire au service d'une bureaucratie d'exploiteurs.


verié2

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Message  Vals Jeu 10 Mai - 15:53

verié2 a écrit:Il me semble qu'il y a déjà un fil sur Kronstadt. Les bolcheviks se sont trouvés dans une véritable impasse historique en réprimant une partie de leur propre classe, que ce soit à Kronstadt ou lors des grèves de Pétrograd. Dans les justifications apportées par Trotsky, il y a sans doute des déformations, des caricatures. On était dans le feu de l'action, dans la propagande. Et, plus tard, il lui était vraiment délicat de reconnaître la moindre erreur, face aux staliniens d'un côté, les sociaux démocrates de l'autre, qui l'accablaient.

Il n'en reste pas moins que, si Kronstadt avait été abandonnée aux insurgés, les chances étaient grandes que la forteresse passe aux mains des Blancs pour des raisons géostratégiques évidentes. Les bolcheviks ne pouvaient pas prendre un tel risque. A mon avis, n'importe quel pouvoir étatique aurait pris la même décision, ne pouvant tolérer qu'une place forte aussi importante échappe à son autorité.

Cela-dit, Kronstad n'est pas un acte glorieux, mais cet épisode fait partie des cruelles nécessités d'une situation consécutive à la misère, la guerre civile, l'intervention impérialiste, au même titre que de fusiller des gens qui reculent.

Les bolcheviks ne pouvaient évidemment pas connaître la suite de l'histoire, à savoir la contre-révolution stalinienne qui allait prendre des formes totalement inattendues. Aujourd'hui, on a un peu tendance à considérer Kronstadt en fonction de cette contre-révolution stalinienne que cette répression a évidemment favorisée. Mais il faut la remettre dans son contexte ; les bolcheviks voulaient sauver l'Etat ouvrier pour aider la révolution mondiale, pas pour construire un monstrueux Etat totalitaire au service d'une bureaucratie d'exploiteurs.


Je pourrais presque être d'accord avec toi , Vérié.
Presque, parce que dans le climat antibolchevique, pour ne pas dire anticommuniste, qui règne dans la période, tout est bon pour salir la politique de Lenine et pour faire faire croire qu'elle a naturellement accouché du stalinisme...Les historiens bourgeois, tous les courants réacs, avec l'aimable participation des rescapés anars s'en donnent à coeur joie, relayés sans trêve par la pègre mediatique, par une gauche "radicale" qui veut rendre le capitalisme plus humain....

La contre révolution bourgeoise, avec la complicité des gentils et malheureux "kronstadtiens" aurait inévitablement trouvé un appui politique, social et militaire en se faisant livrer la forteresse par les insurgés qui ne défendaient que leur gueule contre la révolution en danger de mort.
Défendre la Révolution, c'était inévitablement reprendre pied contre ceux qui la trahissaient, pour certains très consciemment (on a aujourd'hui des éléments historiques) et pour d'autres par manque de conscience révolutionnaire.
Trotsky n'a rien caricaturé et ne s'est jamais réjoui d'avoir du (avec tous les bolcheviques) défendre ainsi la Révolution contre tous ceux dont l'action renforçait le camp bourgeois et impérialiste.
Le moralisme ou l'esthetisme petit bourgeois refont l'histoire depuis des décennies...
Les bolcheviques n'avait AUCUN autre choix possible, sauf à laisser démolir toute perspective révolutionnaire ....
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Message  verié2 Jeu 10 Mai - 16:36


Vals
Trotsky n'a rien caricaturé et ne s'est jamais réjoui
Trotsky ne s'est jamais réjoui, certes. En revanche, j'ai tout de même été frappé par certains passages de ses textes consacrés à Kronstadt, où il ironise sur des jeunes marins de la ville qui se pavanent, selon lui, dans des tenues à la mode. Le remplacement des marins révolutionnaires de 1917 par d'autres d'origines moins prolétarienne, argument très souvent avancé, est également très controversé et je n'ai pas les connaissances suffisantes pour trancher...

Dans une guerre civile aussi féroce, il est assez inévitable qu'on cherche à salir l'adversaire, d'autant qu'il faut motiver ses propres troupes.

Mais là n'est pas l'important à mon avis, même si la vérité historique est préférable aux légendes, même dans les détails. L'important, c'est que ni Trotsky ni Lénine n'étaient des porte-parole de la bureaucratie décidés à étouffer toute expression démocratique des classes populaires comme le prétendent les différents courants anars et certains courants conseillistes, spontanéistes. Je pense pour ma part qu'ils n'avaient guère le choix, qu'ils se trouvaient dans une impasse historique et que la révolution était condamnée de toute manière si elle ne réussissait pas à s'étendre à l'Europe. Alors, ils ont fait ce qu'ils ont jugé nécessaire pour tenir en attendant l'aide du prolétariat européen. Et sans doute fait des erreurs de toutes sortes. Ce n'est pas pour autant que nous allons les rejeter et nous devons en effet assumer leurs actes sans faire la fine bouche.

Peut-être auraient-ils fait d'autres choix s'ils avaient pu connaître l'avenir, mais nous ne pouvons non plus leur reprocher de ne pas avoir compris tous les phénomènes qu'ils vivaient, et que Trotsky lui-même a mis des années à comprendre clairement. En revanche, aujourd'hui, nous devons tirer toutes les leçons de leur expérience.

verié2

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Message  Vals Jeu 10 Mai - 17:00

[b]Léon Trotsky[/b]

Beaucoup de tapage autour de Cronstadt

15 janvier 1938

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Un « front populaire » d'accusateurs

La campagne autour de Cronstadt [1] est menée dans certains milieux avec une énergie qui ne se relâche pas. On pourrait croire que la révolte de Cronstadt ne s'est pas produite il y a dix-sept ans, mais hier seulement. Anarchistes, mencheviks russes, sociaux-démocrates de gauche du bureau de Londres, confusionnistes individuels, le journal de Milioukov [2] et, à l'occasion, la grande presse capitaliste participent à cette campagne avec un zèle égal et les mêmes cris de ralliement. En son genre, c'est une sorte de « Front populaire » !

Hier seulement, j'ai trouvé par hasard dans un hebdomadaire mexicain de tendance à la fois catholique réactionnaire et « démocratique », les lignes suivantes : « Trotsky ordonna l'exécution de 1500 (?) marins de Cronstadt, ces purs d'entre les purs. Sa politique quand il était au pouvoir ne différait en rien de la politique actuelle de Staline. » Comme on le sait, c'est la même conclusion qu’ont tirée les anarchistes de gauche. Lorsque, pour la première fois, je répondis brièvement dans la presse aux questions de Wendelin Thomas [3], membre de la commission d'enquête de New York, le journal des mencheviks russes vola au secours des mutins de Cronstadt et de... Wendelin Thomas. Le journal de Milioukov intervint dans le même sens. Les anarchistes m'attaquèrent encore plus fort. Toutes ces autorités proclamaient que ma réponse à Thomas était sans valeur. Cette unanimité est d'autant plus remarquable que les anarchistes défendent dans le symbole de Cronstadt l'authentique communisme anti-étatique ; à l'époque de l'insurrection de Cronstadt, les mencheviks étaient des partisans déclarés de la restauration du capitalisme, et, aujourd'hui encore, Milioukov est pour le capitalisme.

Comment l'insurrection de Cronstadt peut-elle être à la fois si chère au cœur des anarchistes, des mencheviks et des contre-révolutionnaires libéraux ? La réponse est simple : tous ces groupes ont intérêt à discréditer l'unique courant révolutionnaire qui n'ait jamais renié son drapeau, qui ne se soit jamais compromis avec l'ennemi, et qui soit le seul à représenter l'avenir. C'est pourquoi il y a parmi les accusateurs attardés de mon « crime » de Cronstadt tellement d'anciens révolutionnaires, ou d'anciens demi-révolutionnaires, de gens qui jugent nécessaire de détourner l'attention des abjections de la IIIe Internationale ou de la trahison des anarchistes espagnols [4]. Les staliniens ne peuvent pas encore se joindre ouvertement à la campagne autour de Cronstadt, mais à coup sûr ils se frottent les mains de satisfaction. Autant de coups dirigés contre le « trotskysme », contre le marxisme révolutionnaire, contre la IV° Internationale !

Mais au juste pourquoi cette confrérie bigarrée s'accroche-t-elle précisément à Cronstadt ? Au cours des années de la révolution, nous avons eu pas mal de conflits avec les Cosaques, les paysans et même avec certaines couches d'ouvriers (des ouvriers de l'Oural organisèrent un régiment de volontaires de l'armée de Koltchak !). La base de ces conflits résidait avant tout dans l'antagonisme entre les ouvriers, en tant que consommateurs, et les paysans, en tant que producteurs et vendeurs du pain. Sous la pression du besoin et des privations, les ouvriers eux-mêmes se divisaient épisodiquement en camps hostiles ; selon qu'ils étaient plus ou moins liés au village. L’Armée rouge elle-même subissait l'influence de la campagne. Pendant les années de guerre civile, il fallut plus d'une fois désarmer des régiments mécontents ! L'introduction de la « nouvelle politique économique » (Nep) atténua les frictions, mais fut loin de les faire disparaître complètement. Au contraire, elle prépara la réapparition des koulaks et conduisit, au début de la présente décennie, à la renaissance de la guerre civile dans les campagnes. L’insurrection de Cronstadt ne fut qu'un épisode dans l'histoire des relations entre la ville prolétarienne et le village petit-bourgeois; on ne peut comprendre cet épisode qu'en le mettant en liaison avec la marche générale du développement de la lutte des classes au cours de la révolution.

Cronstadt ne diffère de la longue liste des autres mouvements et soulèvements petits-bourgeois que par son aspect sensationnel. Il s'agissait d'une forteresse maritime, sous Petrograd même. Pendant le soulèvement, on fit des proclamations, on lança des appels par radio. Les socialistes-révolutionnaires et les anarchistes, accourus précipitamment de Petrograd, embellirent le soulèvement avec des phrases et des gestes « nobles ».Tout ce travail laissa des traces imprimées. A l'aide de ce matériel documentaire (en fait, de fausses étiquettes), il n'est pas difficile de bâtir une légende autour de Cronstadt, d'autant plus exaltée que, depuis 1917, le nom de Cronstadt était entouré d'une auréole révolutionnaire. Ce n'est pas pour rien que la revue mexicaine ci-dessus mentionnée appelle ironiquement les marins de Cronstadt « les purs entre les purs ».

La spéculation sur le prestige révolutionnaire de Cronstadt est un des principaux traits de cette campagne véritablement charlatanesque. Anarchistes, mencheviks, libéraux, réactionnaires, tentent de présenter les choses comme si, au début de 1921, les bolcheviks avaient retourné leurs armes contre ces mêmes marins de Cronstadt qui avaient assuré la victoire de l'insurrection d'Octobre. C'est le point de départ de tout l'édifice de leur mensonge. Qui veut en mesurer la profondeur doit avant tout lire l'article du camarade J. G. Wright dans New International [5]. Mon objectif est différent : je veux caractériser la physionomie du soulèvement de Cronstadt d'un point de vue plus général.

Les groupements sociaux et politiques à Cronstadt
La révolution est « faite » directement par une minorité. Cependant le succès d'une révolution n'est possible que si cette minorité trouve un appui plus ou moins grand, ou au moins une amicale neutralité de la part de la majorité. La succession des divers stades de la révolution, de même que le passage de la révolution à la contre-révolution sont directement déterminés par les modifications des rapports politiques entre minorité et majorité, entre avant-garde et classe.

Parmi les marins de Cronstadt, il y avait trois couches politiques : les révolutionnaires prolétariens, certains ayant un sérieux passé de luttes et une trempe révolutionnaire ; la couche intermédiaire, la majorité essentiellement d'origine paysanne, et enfin une couche de réactionnaires, fils de koulaks, de boutiquiers et de popes. Au temps du tsar, l'ordre ne pouvait être maintenu sur les bateaux de guerre et dans la forteresse que dans la mesure où le corps des officiers, par l'intermédiaire de la partie réactionnaire des sous-officiers et des marins, exerçait son influence ou sa terreur sur la large couche intermédiaire, isolant ainsi les révolutionnaires, qui étaient surtout les mécaniciens, les artilleurs, les électriciens, c'est-à-dire surtout des ouvriers de ville.

L'histoire de la mutinerie du cuirassé Potemkine, en 1905 repose intégralement sur les relations réciproques entre ces trois couches, c'est-à-dire la lutte des couches extrêmes, prolétarienne et petite-bourgeoise réactionnaire, pour exercer l'influence dominante sur la couche paysanne intermédiaire, la plus nombreuse. Celui qui n'a pas compris ce problème, qui constitua l'axe du mouvement révolutionnaire dans la flotte, ferait mieux de taire sur les problèmes de la révolution russe en général. Car elle fut tout entière, et, pour une large part, elle est encore aujourd'hui une lutte entre le prolétariat et la bourgeoisie pour influencer de façon décisive la classe paysanne. La bourgeoisie, durant la période soviétique, s'est présentée surtout dans la personne des koulaks, c'est-à-dire des sommets de la petite bourgeoisie, de l'intelligentsia « socialiste », et, maintenant sous la forme de la bureaucratie « communiste ». Telle est la mécanique fondamentale de la révolution à toutes ses étapes. Dans la flotte, cette mécanique a pris une expression plus concentrée, et par là plus dramatique.

La composition politique du soviet de Cronstadt reflétait la composition sociale de la garnison et des équipages. Dès l'été 1917, la direction du soviet appartenait au parti bolchevik. Il s'appuyait sur la meilleure partie des marins et comprenait nombre de révolutionnaires passés par l'illégalité, libérés des bagnes. Mais les bolcheviks constituaient, si je me souviens bien, même durant les journées de l'insurrection d'Octobre, moins de la moitié du soviet. Plus de la moitié était constituée par les socialistes-révolutionnaires et les anarchistes. Les mencheviks n'existaient absolument pas à Cronstadt. Le parti menchevik haïssait Cronstadt. Les socialistes-révolutionnaires officiels n'avaient d'ailleurs pas à son égard une attitude meilleure. Les socialistes-révolutionnaires de Cronstadt étaient passés très vite à l'opposition contre Kerenski [6] et constituaient un des détachements de choc de ceux qu'on appelait les socialistes-révolutionnaires « de gauche ». Ils s'appuyaient sur les éléments paysans de la flotte et sur la garnison de terre. Quant aux anarchistes, ils constituaient le groupe le plus bigarré. Il y avait parmi eux d'authentiques révolutionnaires, du genre de Jouk ou de Jelezniak [7]; mais c'étaient des individus isolés, étroitement liés aux bolcheviks. La majorité des « anarchistes » de Cronstadt représentait la masse petite-bourgeoise de la ville et, du point de vue du niveau révolutionnaire, était au-dessous des socialistes-révolutionnaires de gauche. Le président du soviet était un sans-parti, « sympathisant anarchiste », mais au fond un petit fonctionnaire tout à fait paisible, qui avait été auparavant plein de déférence pour les autorités tsaristes et l'était maintenant pour la révolution. L'absence complète de mencheviks, le caractère « gauche » des socialistes-révolutionnaires et la coloration anarchiste de la petite bourgeoisie s'expliquent par l'acuité de la lutte révolutionnaire de la flotte et l'influence dominante de la partie prolétarienne des marins.

Les modifications intervenues pendant les années de la guerre civile
Cette caractérisation politique et sociale de Cronstadt que l'on pourrait, si l'on voulait, corroborer et illustrer par de nombreux faits et documents, permet déjà d'entrevoir les modifications qui se sont produites à Cronstadt durant les années de la guerre civile et dont le résultat fut de changer sa physionomie jusqu'à la rendre méconnaissable. C'est précisément sur ce côté très important de la question que mes accusateurs tardifs ne disent pas un mot, en partie par ignorance, en partie par mauvaise foi.

Oui, Cronstadt fut une page héroïque de l'histoire de la révolution. Mais la guerre civile commença à dépeupler systématiquement Cronstadt et toute la flotte de la Baltique. Déjà, dans les journées de l'insurrection d'Octobre, des détachements de marins de Cronstadt furent envoyés en renfort à Moscou. D'autres furent ensuite dirigés sur le Don, en Ukraine, pour réquisitionner le blé, organiser le pouvoir local. Les premiers temps, Cronstadt semblait inépuisable. Il m'arriva d'envoyer de différents fronts des dizaines de télégrammes réclamant la mobilisation de nouveaux détachements « sûrs », formés d'ouvriers de Petrograd et de marins de la Baltique. Mais, dès la fin de 1918 et en tout cas pas plus tard que 1919, les fronts commencèrent à se plaindre que les nouveaux détachements marins de Cronstadt n'étaient pas bons, qu'ils étaient exigeants, indisciplinés, peu sûrs au combat, en somme, plus nuisibles qu'utiles. Après la liquidation de loudénitch [8] à l'hiver 1919, la flotte de la Baltique et Cronstadt tombèrent dans une prostration totale. On en avait retiré tout ce qui avait quelque valeur, pour le jeter dans le Sud, contre Denikine [9]. Si les marins de Cronstadt de 1917-1918 s'étaient trouvés considérablement au-dessus du niveau de l'Armée rouge et avaient constitué l'armature de ses premiers détachements, de même que l'armature du régime soviétique dans de nombreux gouvernements, les marins qui étaient restés dans le Cronstadt « en paix » jusqu'au début de 1921 sans trouver d'emploi sur aucun des fronts de la guerre civile, étaient en règle générale considérablement au-dessous du niveau moyen de l'Armée rouge, et contenaient un fort pourcentage d'éléments complètement démoralisés qui portaient d'élégants pantalons bouffants et se coiffaient comme des souteneurs.

La démoralisation sur la base de la famine et de la spéculation avait de façon générale terriblement augmenté vers la fin de la guerre civile. Ce qu'on appelait le mechotchnitchestvo (« le petit marché noir ») avait revêtu le caractère d'un fléau social qui menaçait d'étrangler la révolution. Et, à Cronstadt particulièrement, garnison qui était oisive et vivait sur son passé, la démoralisation avait atteint des proportions très importantes. Quand la situation devint particulièrement difficile dans Petrograd affamée, on examina plus d'une fois, au Bureau politique, la question de savoir s'il ne fallait pas faire un « emprunt intérieur » à Cronstadt, où restaient encore d'importantes réserves de denrées variées. Mais les délégués des ouvriers de Petrograd répondaient : « Ils ne nous donneront rien de plein gré. Ils trafiquent sur les draps, le charbon, le pain. A Cronstadt aujourd'hui, toute la racaille a relevé la tête. » Telle était la situation réelle, sans les doucereuses idéalisations faites après coup.

Il faut ajouter encore que s'étaient réfugiés dans la flotte de la Baltique, en se portant « volontaires », des marins lettons et estoniens qui craignaient de partir au front et cherchaient à revenir dans leurs patries bourgeoises, la Lettonie et l'Estonie. Ces éléments étaient résolument hostiles au pouvoir soviétique et ont bien manifesté cette hostilité pendant les journées de l'insurrection de Cronstadt. Et, en même temps, des milliers et des milliers d'ouvriers lettons, surtout d'anciens manœuvres, faisaient preuve, sur tous les fronts de la guerre civile, d'un héroïsme sans précédent... On ne peut mettre dans le même sac ni tous les Lettons ni tous ceux de Cronstadt. Il faut savoir opérer les différenciations politiques et sociales.

Les causes sociales du soulèvement


La tâche d'une enquête sérieuse est de déterminer, sur la base de données objectives, la nature sociale et politique de la rébellion de Cronstadt et la place qu'elle occupe dans le développement de la révolution. En dehors de cela, la « critique » se réduit à des lamentations sentimentales du type pacifiste à la manière d'Alexandre Berkman, d'Emma Goldman [10] et de leurs émules récents. Ces messieurs n'ont pas la moindre notion des critères et des méthodes d'une enquête scientifique. Ils citent les appels des insurgés comme des prédicateurs dévots citent les Saintes Écritures. Ils se plaignent d'ailleurs que je ne tienne pas compte des « documents », c'est-à-dire de l’Évangile selon Makhno [11] et autres apôtres. « Tenir compte » des documents ne signifie pas les croire sur parole. Marx disait déjà qu’on ne pouvait pas juger les partis ni les individus sur ce qu'ils disent d'eux-mêmes. Le caractère d'un parti est déterminé beaucoup plus par sa composition sociale, son passé, ses relations avec les différentes classes et couches sociales que par ses déclarations verbales ou écrites, surtout quand elles sont faites au moment critique de la guerre civile. Si nous nous mettions, par exemple, à prendre pour argent comptant les innombrables proclamations de Negrin, Companys, Garcia Oliver [12] et Cie, nous devrions reconnaître que ces messieurs sont les amis ardents du socialisme. Ils sont pourtant en fait ses perfides ennemis.

En 1917-1918, les ouvriers révolutionnaires entraînèrent derrière eux la masse paysanne, non seulement dans la flotte, mais également dans tout le pays. Les paysans s'emparèrent de la terre et la partagèrent, le plus souvent sous la direction des marins et des soldats qui rentraient dans leur village. Les réquisitions de pain ne faisaient que commencer et se limitaient d'ailleurs presque totalement à frapper les hobereaux et les koulaks. Les paysans se firent aux réquisitions comme à un mal temporaire. Mais la guerre civile dura trois ans. La ville ne donnait presque rien au village et lui prenait presque tout, surtout pour les besoins de la guerre. Les paysans avaient approuvé les « bolcheviks », mais devenaient de plus en plus hostiles aux «communistes ». Si au cours de la période précédente, les ouvriers avaient mené en avant les paysans, les paysans maintenant tiraient les ouvriers en arrière. C'est seulement par suite d'un tel changement d'état d'esprit que les Blancs réussirent à attirer partiellement à eux des paysans et même des demi-ouvriers et demi-paysans de l'Oural. C'est de ce même état d’esprit, c'est-à-dire de l'hostilité à l'égard de la ville, que s'est nourri le mouvement de Makhno, lequel arrêtait et pillait les trains destinés aux fabriques, aux usines et à l'Armée rouge, détruisait les voies ferrées, exterminait les communistes, etc. Bien entendu Makhno appelait cela la lutte anarchiste contre l' « État ». En fait, c'était la lutte du petit propriétaire exaspéré contre la dictature prolétarienne. Un mouvement analogue se produisit dans un certain nombre d'autres provinces, surtout dans celle de Tambov, sous le drapeau des « socialistes-révolutionnaires » [13]. Enfin, dans diverses parties du pays, étaient à l’œuvre des détachements paysans qu'on appelait « les Verts », qui ne voulaient reconnaître ni les Rouges ni les Blancs et se tenaient à l'écart des partis de la ville. Les « Verts » se mesuraient parfois aux Blancs et reçurent d'eux de cruelles leçons; mais ils ne rencontraient certes pas de pitié de la part des Rouges non plus. De même que la petite bourgeoisie est broyée entre les meules du grand capital et du prolétariat, de même les détachements de partisans paysans étaient réduits en poudre entre l'Armée rouge et l'Armée blanche.

Seul un homme à l'esprit tout à fait creux peut voir dans les bandes de Makhno ou dans l'insurrection de Cronstadt une lutte entre les principes abstraits de l'anarchisme et du socialisme d’État. Ces mouvements étaient en fait les convulsions de la petite bourgeoisie paysanne, laquelle voulait assurément s'affranchir du capital, mais en même temps n'était nullement d'accord pour se soumettre à la dictature du prolétariat. Elle ne savait pas concrètement ce qu'elle voulait elle-même et, de par sa situation, ne pouvait pas le savoir. C'est pourquoi elle couvrait si facilement la confusion de ses revendications tantôt du drapeau anarchiste et tantôt du drapeau populiste, tantôt d'un simple drapeau « vert ». S'opposant au prolétariat, elle tentait, sous tous ces drapeaux, de faire tourner à l'envers la roue de la révolution.

Le caractère contre-révolutionnaire de la rébellion de Cronstadt


Entre les diverses couches sociales et politiques de Cronstadt, il n'y avait évidemment pas de cloisons étanches. Pour prendre soin des machines, il était resté à Cronstadt un certain nombre d'ouvriers et de techniciens qualifiés. Mais leur sélection s'était faite par élimination, et c'étaient les moins sûrs politiquement et les moins propres à la guerre civile qui étaient restés. C'est de ces éléments que sortirent par la suite plusieurs « chefs » du mouvement. Cependant, ce fait absolument naturel et inévitable, que certains accusateurs soulignent triomphalement, ne change en rien la physionomie anti-prolétarienne de la rébellion. Si on ne se laisse pas abuser par des mots d'ordre pompeux, de fausses étiquettes, etc., le soulèvement de Cronstadt n'apparaît que comme une réaction armée de la petite bourgeoisie contre les difficultés de la révolution socialiste et la rigueur de la dictature prolétarienne. C'est précisément la signification du mot d'ordre de Cronstadt, « Les soviets sans communistes », dont se sont immédiatement emparé non seulement les socialistes-révolutionnaires, mais aussi les libéraux bourgeois. En tant que représentant le plus perspicace du capital, le professeur Milioukov comprenait qu'affranchir les soviets de la direction des communistes, c'était tuer à bref délai les soviets. C'est confirmé par l'expérience des soviets russes dans la période du règne des mencheviks et des socialistes-révolutionnaires et plus clairement encore par l'expérience des soviets allemands et autrichiens sous le règne de la social-démocratie. Les soviets dominés par les socialistes-révolutionnaires et les anarchistes ne pouvaient servir que de marchepieds pour passer de la dictature du prolétariat à la restauration capitaliste. Ils n'auraient pu jouer aucun autre rôle, quelles qu'aient été les « idées » de leurs membres. Le soulèvement de Cronstadt avait ainsi un caractère contre-révolutionnaire.

Du point de vue de classe, lequel — sans offenser messieurs les éclectiques — demeure le critère fondamental, non seulement pour la politique, mais aussi pour l'histoire, il est extrêmement important de comparer le comportement de Cronstadt à celui de Petrograd dans ces journées critiques. De Petrograd aussi, on avait extrait toute la couche dirigeante des ouvriers. Dans la capitale désertée régnaient la famine et le froid, plus cruellement encore peut-être qu'à Moscou. Période héroïque et tragique ! Tous étaient affamés et irrités. Tout le monde était mécontent. Il y avait dans les usines une sourde fermentation. En coulisse, des organisateurs venus des socialistes-révolutionnaires et des officiers blancs tentaient de lier le soulèvement militaire à un mouvement d'ouvriers mécontents. Le journal de Cronstadt parlait de barricades à Petrograd, de milliers de tués. La presse du monde entier le répétait. Mais en réalité il s'est produit un phénomène inverse. Le soulèvement de Cronstadt n'a pas attiré, mais repoussé les ouvriers de Petrograd. La démarcation s'opéra selon la ligne des classes. Les ouvriers sentirent immédiatement que les rebelles de Cronstadt se trouvaient de l'autre côté de la barricade, et ils soutinrent le pouvoir soviétique. L'isolement politique de Cronstadt fut la cause de son manque d'assurance interne et de sa défaite militaire.

La Nep et l'insurrection de Cronstadt


Victor Serge, qui semble vouloir fabriquer une synthèse quelconque de l' « anarchisme », du poumisme et du marxisme, s'est mêlé bien malencontreusement à la discussion sur Cronstadt. Selon lui, l'introduction, une année plus tôt, de la Nep aurait pu éviter le soulèvement. Admettons-le. Mais il est très difficile de donner après coup de tels conseils. Certes, comme Serge le fait remarquer, j'avais proposé dès le début de 1920 le passage à la Nep [14]. Mais je n'étais nullement convaincu d'avance du succès. Ce n'était pas pour moi un secret que le remède pouvait s'avérer pire que le mal. Quand je me heurtai à l'opposition de la direction du parti, je ne fis pas ouvertement appel à la base, pour ne pas mobiliser la petite bourgeoisie contre les ouvriers. Il fallut l'expérience des douze mois qui suivirent pour convaincre le parti de la nécessité d'un cours nouveau. Mais il est remarquable que précisément les anarchistes de tous les pays aient accueilli la Nep comme... une trahison du communisme. Et maintenant, les avocats des anarchistes nous accusent de ne pas l'avoir introduite une année plus tôt !

Au cours de l'année 1921, Lénine a plus d'une fois publiquement reconnu que l'obstination du parti à maintenir les méthodes du communisme de guerre était devenue une grave erreur. Mais qu'est-ce que cela change à l'affaire ? Quelles qu'aient été les causes de l'insurrection de Cronstadt, immédiates ou lointaines, sa signification était celle d'une menace mortelle pour la dictature du prolétariat. La révolution prolétarienne, même si elle avait commis une erreur politique, devait-elle se punir elle-même et se suicider?

Ou peut-être suffisait-il de communiquer aux insurgés de Cronstadt les décrets sur la Nep pour les apaiser de cette façon? Illusion ! Les insurgés n'avaient pas consciemment de programme, et, par la nature même de la petite bourgeoisie, ne pouvaient pas en avoir. Eux-mêmes ne comprenaient pas clairement que leurs pères et leurs frères avaient, avant tout, besoin de la liberté du commerce. Ils étaient mécontents, révoltés, mais ne connaissaient pas d'issue. Les éléments les plus conscients, c'est-à-dire les plus à droite, qui agissaient en coulisse, voulaient la restauration du régime bourgeois. Mais ils n'en parlaient pas à voix haute. L'aile « gauche » voulait la liquidation de la discipline, les « soviets libres » et une meilleure pitance. Le régime de la Nep ne pouvait apaiser les paysans que graduellement, et, à la suite des paysans, la partie mécontente de l'armée et de la flotte. Mais il fallait pour cela l'expérience et le temps.

Il est plus puéril encore de prétendre que l'insurrection n’était pas une insurrection, que les marins ne proféraient aucune menace, qu'ils s'étaient « seulement » emparés de la forteresse et des bâtiments de guerre, etc. Cela veut dire que si les bolcheviks ont attaqué la forteresse en passant sur la glace, la poitrine à découvert, c'est uniquement à cause de leur mauvais caractère, de leur penchant à provoquer artificiellement des conflits, de leur haine des marins de Cronstadt ou de la doctrine anarchiste (à laquelle, soit dit en passant, personne ne pensait en ces jours-là). N'est-ce pas là bavardage puéril ? Se mouvant librement dans l'espace et le temps, des critiques dilettantes essaient — dix-sept ans après — de nous suggérer l'idée que tout se serait terminé à la satisfaction générale, si la révolution avait laissé à eux-mêmes les marins insurgés. Mais le malheur est que la contre-révolution ne les aurait nullement laissés à eux-mêmes La logique de la lutte donnait, dans la forteresse, l'avantage aux éléments les plus extrémistes, c'est-à-dire aux contre-révolutionnaires. Le besoin de ravitaillement aurait placé la forteresse dans la dépendance directe de la bourgeoisie étrangère et de ses agents, les émigrés blancs. Tous les préparatifs nécessaires pour cela étaient déjà en cours. Attendre passivement, dans de telles conditions, un dénouement heureux, c'est sans doute ce dont auraient été capables des gens du type des anarcho-syndicalistes espagnols ou des poumistes. Par bonheur les bolcheviks appartenaient à une autre école. Ils considéraient que leur devoir était d’éteindre l'incendie dès le début, et par conséquent, avec le moins de victimes.

Les « insurgés de Cronstadt » sans forteresse


Au fond, messieurs les critiques sont les adversaires de la dictature du prolétariat, et, de ce fait, les adversaires de la révolution. C'est en cela que tient tout le secret. Certes, un certain nombre d'entre eux admettent en paroles révolution et dictature. Mais cela ne vaut guère mieux. Ils veulent une révolution qui ne mènerait pas à la dictature et une dictature qui s’exercerait sans contrainte. Ce serait bien entendu une dictature fort « agréable ». Mais cela exige quelques détails: un développement très régulier et surtout, un niveau très élevé des masses travailleuses. Dans de telles conditions, la dictature ne serait plus nécessaire. Certains anarchistes, qui sont au fond des pédagogues libéraux, espèrent que, dans cent ou dans mille ans, les travailleurs auront atteint un niveau de développement si élevé que la contrainte sera inutile. Assurément, si le capitalisme était capable de mener à un tel développement, il serait inutile de le renverser. Il n'y aurait aucun besoin, ni de révolution violente, ni de la dictature qui est la conséquence inévitable de la victoire révolutionnaire. Cependant le capitalisme décadent actuel laisse peu de place aux illusions humanitaires et pacifistes.


La classe ouvrière — pour ne pas parler des masses semi-prolétariennes — est hétérogène, socialement comme politiquement. La lutte des classes engendre la formation d'une avant-garde qui attire à elle les meilleurs éléments de la classe. La révolution est possible au moment où l'avant-garde réussit à entraîner avec elle la majorité du prolétariat. Mais cela ne signifie nullement que disparaissent les contradictions entre les travailleurs eux-mêmes. Au point culminant de la révolution, elles sont certes atténuées, mais seulement pour se manifester, ensuite, à la seconde étape, dans toute leur acuité. Telle est la marche de la révolution dans son ensemble. Telle fut sa marche à Cronstadt. Quand des raisonneurs en pantoufles veulent prescrire après coup à la révolution d'Octobre un autre itinéraire, nous ne pouvons que leur demander respectueusement de nous indiquer où et quand leurs grands principes se sont trouvés confirmés en pratique, ne fût-ce que partiellement, ne fût-ce tendanciellement ? Où sont les signes qui permettent de compter à l'avenir sur le triomphe de ces principes ? Nous n'aurons bien entendu jamais de réponse.


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La révolution a ses lois. Nous avons formulé depuis longtemps ces « leçons d'Octobre », qui ont une importance non seulement russe, mais également internationale. Personne n’a tenté de proposer d'autres « leçons ». La révolution espagnole confirme par la négative les « leçons d'Octobre ». Mais les critiques sévères se taisent ou se dérobent. Le gouvernement de « Front populaire » étrangle la révolution socialiste et fusille les révolutionnaires : les anarchistes participent à ce gouvernement et, quand on les chasse, ils continuent à soutenir les bourreaux [15]. Et leurs avocats et alliés étrangers s'occupent pendant ce temps de défendre... la rébellion de Cronstadt contre les féroces bolcheviks. Ignoble comédie !

Les discussions actuelles autour de Cronstadt tournent autour du même axe de classe que le soulèvement de Cronstadt lui-même, au travers duquel la partie réactionnaire des marins tentait de renverser la dictature du prolétariat. Sentant leur impuissance sur l'arène de la politique révolutionnaire d'aujourd'hui, les confusionnistes et les éclectiques petits-bourgeois tentent d'utiliser le vieil épisode de Cronstadt pour combattre la IV° Internationale, c'est-à-dire le parti mondial de la révolution prolétarienne. Ces « Cronstadtiens » modernes seront écrasés comme les autres, sans avoir recours aux armes, il est vrai, car, heureusement, ils n'ont pas de forteresse.

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Message  verié2 Jeu 10 Mai - 17:14

Trotsky
contenaient un fort pourcentage d'éléments complètement démoralisés qui portaient d'élégants pantalons bouffants et se coiffaient comme des souteneurs.
Voilà le passage assez déplaisant auquel je faisais allusion. Il fait tâche dans une analyse brillante, bien que contestée sur certains points. (Les modifications sociologiques.)

Encore ce texte est-il écrit "à froid" en 1938. A chaud, on imagine ce que pouvait raconter la propagande de l'époque...

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Message  alexi Jeu 10 Mai - 23:30

Vals :
La contre révolution bourgeoise, avec la complicité des gentils et malheureux "kronstadtiens" aurait inévitablement trouvé un appui politique, social et militaire en se faisant livrer la forteresse par les insurgés qui ne défendaient que leur gueule contre la révolution en danger de mort.

Des documents récemment trouvés attestent d'échanges de courriers entre ceux de Kronstadt et les Blancs.

alexi

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Message  Vals Ven 11 Mai - 0:58

alexi a écrit:
Vals :
La contre révolution bourgeoise, avec la complicité des gentils et malheureux "kronstadtiens" aurait inévitablement trouvé un appui politique, social et militaire en se faisant livrer la forteresse par les insurgés qui ne défendaient que leur gueule contre la révolution en danger de mort.

Des documents récemment trouvés attestent d'échanges de courriers entre ceux de Kronstadt et les Blancs.

Parfaitement juste et utile à signaler.
Mais même sans ces confirmations vérifiées très ultérieurement, il ne fait aucun doute que ce qui s'est joué à Kronstadt, c'était la survie (hélas temporaire) de la première révolution prolétarienne ....et les révolutionnaires d'aujourd'hui ne pourront jamais penser une perspective communiste sans tirer les leçons de cette nécessaire répression de ceux qui flinguaient dans le dos une armée rouge au bord de la faillite...

Comme disait ma grand mère, la révolution sociale, contre toutes les forces coalisées de la réaction (même jolies et romantiques) , n'est jamais comparable à un concert de musique en chambre....
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Message  verié2 Ven 11 Mai - 9:59

alexi a écrit:
Vals :
La contre révolution bourgeoise, avec la complicité des gentils et malheureux "kronstadtiens" aurait inévitablement trouvé un appui politique, social et militaire en se faisant livrer la forteresse par les insurgés qui ne défendaient que leur gueule contre la révolution en danger de mort.

Des documents récemment trouvés attestent d'échanges de courriers entre ceux de Kronstadt et les Blancs.
Ca me parait inutile d'affirmer que "les insurgés ne défendaient que leur gueule". Ce qui est certain, c'est qu'il y avait une logique militaire et stratégique dans cette insurrection. Quelle que soit la volonté et les idées des insurgés au départ, ils auraient été inévitablement amenés à se chercher des alliés et n'auraient pu les trouver que chez les Blancs et les Impérialistes. Sur ce point, on peut faire le parrallèle avec les soulèvements hongrois et polonais de 1956. Ce furent des mouvements prolétariens mais fortement teintés de nationalisme qui auraient inévitablement essayé de s'appuyer sur les Etats occidentaux contre l'URSS.
A la différence évidemment que le pouvoir de Kroutchev, héritier de Staline, n'avait pas le même contenu de classe que celui de Lénine et Trotsky...

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Message  sylvestre Ven 11 Mai - 10:53

Sur les pantalons bouffants (qui ne sont pas un crime contre la classe ouvrière, même s'ils peuvent l'être contre l'élégance), le livre de Jean-Jacques Marie apporte d'autres éléments allant dans le même sens, et indiquant que les marins de Cronstadt étaient relativement privilégiés par rapport aux aux ouvriers de Petrograd, notamment en ce qui concerne les rations alimentaires. Evidemment ces privilèges étaient très relatifs, mais ça explique en partie ce qui reste un mystère dans la version anarchiste des événements, à savoir, pourquoi les ouvriers de Petrograd, en grève juste avant le soulèvement de Cronstadt, ne se sont pas joints au mouvement - un des derniers appels des izvestia de Cronstadt leur en fait d'ailleurs l'amer reproche.

Sur cette question, j'en profite pour signaler deux textes de Karl Radek écrits juste après les événements, difficiles à trouver jusqu'à ce que le CERMTRI puis l'Archive Internet des Marxistes les mettent en ligne récemment. Cronstadt et Les mencheviks et Cronstadt.
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Message  yannalan Ven 11 Mai - 12:14

A l'époque, en 1921, le danger d'una attaque navale massive sur Petrograd n'existe que peu. Et même dans cett ehyopeithèse, les batteries côtières suffisaient. La flotte russe n'est presque jamais sortie de ses ports pendant la guerre ou après en mission de combat. On peut comprendre que la garnison n'était pas l'élite, surtout qu'elle n'avait rien à faire, ce' qui est toujours très mauvais pour la discipline.

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Message  sylvestre Ven 11 Mai - 15:44

yannalan a écrit:A l'époque, en 1921, le danger d'una attaque navale massive sur Petrograd n'existe que peu. Et même dans cett ehyopeithèse, les batteries côtières suffisaient.

Moui, enfin les batteries côtières en question ont reçu la visite d'émissaires de Cronstadt pour y répandre la révolte - et quant à la possibilité immédiate d'une attaque c'est une chose, la capacité des puissances occidentales de rassembler une force d'intervention conséquente si la situation devenait hautement instable autour de Petrograd, c'en est une autre, sur laquelle il me semble que les bolcheviks ont eu raison de ne pas prendre de risques inconsidérés. C'est sûr que du point de vue occidental et contre-révolutionnaire Cronstadt est apparu comme une soudaine et inespérée dernière chance après qu'ils aient globalement lâché l'affaire.
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Message  yannalan Ven 11 Mai - 16:31

Ce que je veux dire, c'est que je n'ai jamais entendu parler d'une sortie des unités de la Flotte Rouge à la mer à cette époque.Même avant la révolution, la marine russe se planquait derrière des rideaux de mines assez efficaces.

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Message  sylvestre Ven 11 Mai - 18:01

Je ne comprends pas très bien le rapport avec le schmilblic. Cronstadt était une forteresse, à but fondamentalement défensif. Qu'est-ce que l'activité ou la non-activité de la flotte durant les années précédentes a à voir avec l'intérêt de la préserver ?
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Message  yannalan Ven 11 Mai - 18:44

Si, à partir du moment où les bateaux ne servent pas à grand-chose, autant envoyer les marins où il y a à faire sur d'autres fronts ou les démobiliser. Ce qui avait été fait en bonne partie depuis 1917 d'ailleurs.

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Message  verié2 Ven 11 Mai - 20:15

yannalan a écrit:Si, à partir du moment où les bateaux ne servent pas à grand-chose, autant envoyer les marins où il y a à faire sur d'autres fronts ou les démobiliser. Ce qui avait été fait en bonne partie depuis 1917 d'ailleurs.
Je ne vois pas non plus le rapport avec la discussion...
Quel est ton avis sur le fond ?

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Message  yannalan Ven 11 Mai - 21:19

Mon avis sur la garnison rejoindrait assez celui de Trotsky, et je pense qu'il y a des raisons objectives à ça.Mais soit la garnison est importante pour la défense de Petrograd et on n'y met pas des branleurs inexpérimentés et mal encadrés, soit elle n'est pas très importante et pourquoi y laisser tant de bidasses inoccupés ? Ou alors les bolcheviks se disaient que les paysans ukrainiens mobilisés étaient mieux là que chez Makhno ?
Sir la répression, ou les bolcheviks se suicidaient, ou ils réprimaient. On ne vivait pas à cette époque et on ne se rend pas compte de l'ambiance que ça peut créer. On sortait d'une guerre mondiale et d'une guerre civile où la vie n'avait que peu de valeur.
Par contrer reprocher aux rescapés de se barrer chez les blancs de Finlande, je trouve gros. Quand on est menacé on va où on peut, Trotsky est bien allé en Turquie, c'était pas franchement un état prolétarien non plus. Qu'es til arrivé aux prisonniers, d'ailleurs ?

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Message  sylvestre Ven 11 Mai - 21:57

yannalan a écrit: Ou alors les bolcheviks se disaient que les paysans ukrainiens mobilisés étaient mieux là que chez Makhno ?

Justement, parmi les bidasses il y en avait une bonne proportion qui venaient directement des armées de Makhno. Les poster à Cronstadt était effectivement une façon de les mettre à l'épreuve dans un endroit où ils ne feraient a priori pas trop de dégâts.

Par contrer reprocher aux rescapés de se barrer chez les blancs de Finlande

Certes, mais d'une part la Finlande quasi-fasciste de Mannerheim, ce n'est pas tout à fait la même chose que la Turquie, et d'autre part pour ce qui est de Petritchenko en particulier il ne s'est pas contenté de passer en Finlande, il a eu partie liée avec les forces contre-révolutionnaires de façon organisée.

Qu'es til arrivé aux prisonniers, d'ailleurs ?

Un bon paquet a été zigouillé - là dessus je pense que même en défendant la nécessité de réprimer l'insurrection, on ne peut s'empêcher de penser qu'il n'y avait rien de bon à le faire de manière aussi sanglante.
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Message  Lascar Kapak Lun 4 Juin - 17:33

Certaines choses lues me donnent des petites remontées. Rien de bien méchant, mais tout de même.

Des échanges entre les mutins de Cronstadt et les "blancs" pour commencer ? C'est marrant, moi je connais plutôt une campagne ignoble de salissure envers, par exemple Petrichenko... (ce à quoi semble faire référence un commentaire) :

QUI ETAIT PETRICHENKO ?
Afin d’entrer dans le vif du sujet et avant même d’argumenter, nous allons donner la parole à celui qui est faussement accusé ici…
Voici le témoignage de Petritchenko, tiré d’un article publié dans la revue des socialisles-révolutionnaires de gauche Znamia Borby, de janvier 1926, dont nous citerons les principaux passages :

« J'ai lu la correspondance échangée entre l'organisation des socialistes révolutionnaires de gauche d'une part et les communistes anglais de l'autre. Dans cette correspondance il est aussi question de l'insurrection de Cronstadt de 1921...
« En tant que président de la révolte de Cronstadt j'estime de mon devoir moral d'éclaircir brièvement cet événement devant le bureau politique du Parti communiste anglais. Je sais que vous êtes informés par Moscou, et je sais aussi que ces informations sont unilatérales et de parti pris. Il ne serait pas mauvais que vous entendiez également l'autre son de cloche.
…Vous avez reconnu vous-mêmes que l'insurrection cronstadienne de 1921 n'a pas été inspirée du dehors ; autrement dit cela signifie que la patience des masses Laborieuses - marins, soldats rouges, ouvriers et paysans - était arrivée à sa dernière limite.
La colère populaire contre la dictature du Parti communiste ou plutôt contre sa bureaucratie a pris la forme d'une insurrection ; c'est de cette façon que commença l'effusion d’un sang précieux ; il n’était pas question de différence de classe ou de caste ; des deux côtés de la barricade se dressaient des travailleurs. La différence consistait seulement en ce que les Cronstadiens marchaient consciemment et sans contrainte tandis que les assaillants étaient trompés par les dirigeants du Parti communiste et menés par la force. Je suis prêt à vous dire plus : les Cronstadiens n'avaient aucun goût à prendre les armes et à verser le sang !
Et bien, que se passa-t-il donc pour que les Cronstadiens aient été forcés de parler la langue des canons avec les dictateurs du Parli communiste, qui se nomme « gouvernement ouvrier et paysan » ?
Les marins de Cronstadt ont pris une part active à la création de ce gouvernement : ils ont protégé contre toutes les attaques de la contre-révolution : ils gardaient non seulement les portes de Petrograd - le coeur de la révolution mondiale - mais ils ont encore formé des détachements militaires pour les innombrables fronts contre les gardes blancs en commençant pal Kornilov et en finissant par les
généraux Youdiénitch et Nekllioudov. Ainsi ces mêmes Cronstadiens seraient tout d’un coup devenus des ennemis de la révolution ; le gouvernement « ouvrier et paysan » les a présentés comme des agents de l’Entente, espions français, soutiens de la bourgeoisie socialiste révolutionnaire, mencheviks, etc, etc. Il est étonnant que les Cronstadiens soient brusquement devenus des ennemis dangereux pratiquement au moment où tout danger du côté des généraux de la contre-révolution armée avait disparu ; justement quand il fallait commencer la reconstruction du pays, cueillir les fruits des conquêtes d’Octobre, quand il fallait montrer la marchandise sous son véritable aspect, étaler son bagage politique (car il ne suffisait plus de promettre, il fallait encore tenir ses promesses), quand il fallait établir le bilan des conquêtes révolutionnaires auxquelles personne n’osait même rêver durant la période de la guerre civile, c’est juste à ce moment que les Cronstadiens seraient apparus comme des ennemis ? Quel crime Cronstadt a-t-il donc commis contre la révolution ?
Après la liquidation des fronts de Ia guerre civile les ouvriers de Petrograd ont cru pouvoir rappeler au soviet de cette ville que le temps était venu de penser à leur situation économique et de passer du régime de guerre au régime de paix.
Le soviet de Petrograd estima que celte revendication à la fois inoffensive et indispensable des ouvriers était contre-révolutionnaire. Il est resté sourd et muet en présence de ces revendications, il a commencé des perquisitions et des arrestations parmi les ouvriers, en le déclarant espions et agents de l’entente. Ces bureaucrates se sont corrompus pendant la guerre civile lorsque personne n’osait résister. Mais ils n’ont pas vu que la situation avait changé. La réponse des ouvriers fut la grève. La fureur du Soviet de Petrograd fut alors celle d’un animal féroce. Aidé de ses opritchniks il tenait les ouvriers affamés et épuisés dans un cercle de fer et les contraignait par tous les moyens à travailler. Les formations militaires (soldats rouges et marins) malgré leur sympathie envers les ouvriers n'osaient se dresser pour leur défense, car les gouvernants les avertissaient que Cronstadt s'attaquerait à tous ceux qui oseraient s’opposer au gouvernement des soviets. Mais cette fois-ci le gouvernement « ouvrier et paysan » n'a pas réussi à spéculer sur Cronstadt. Grâce à sa disposition géographique, à la proximité de Petrograd, Cronstadt avait tout de même appris, quoique avec un certain retard, le véritable état des choses dans cette ville.
Ainsi, camarades anglais, vous avez raison quand vous dites que la révolte de Cronstadt n'a été inspirée par personne.
Et je voudrais encore savoir en quoi s'exprimait le soutien des organisations contre-révolutionnaires russes et étrangères aux Cronstadiens ? Je répète encore une fois que la révolte ne s'est pas déclenchée de par la volonté d'une organisation politique quelconque ; et je pense qu'elles n'existaient d'ailleurs même pas à Cronstadt. La révolte éclata spontanément, de par la volonté des masses elles-mêmes, tant de la population civile que de la garnison. Nous le voyons dans la résolution adoptée et d'après la composition du Comité révolutionnaire provisoire. On ne peut y remarquer l’impression prépondérante de la volonté d'un parti politique antisoviétique quelconque. De l'avis des Cronstadiens, tout ce qui se passait et se faisait était dicté par les circonstances du moment. Les insurgés ne mettaient leurs espoirs en personne. Ni au Comite révolutionnaire provisoire, ni aux assemblées des délégués, ni aux meetings, ni ailleurs il n'en fut jamais question. Le Comité révolutionnaire provisoire n'entreprit jamais rien dans cette direction, bien qu'une pareille possibilité existât. Le Comité entait d'accomplir strictement la volonté du peuple. Etait-ce un bien ou un mal ? Je ne peux le juger, mais la réalité est que la masse dirigeait le Comité et non pas ce dernier la masse. Il n'y avait pas parmi nous de militants politiques renommés qui voient tout à trois archines4 sous terre, et qui savent tout ce qu'il faut entreprendre pour en extraire tout ce qui est utile.
Les Cronstadiens ont agi sans plan ni programme, uniquement en tâtonnant, dans les limites des résolutions et selon les circonstances. Coupés du monde entier, nous ignorions ce qui se passait en dehors de Cronstadt, aussi bien en Russie soviétique qu’à l'étranger. Il est possible que certains aient pu établir des perspectives pour notre insurrection comme cela se passe d'habitude, mais dans notre cas, c'était peine perdue. Nous ne pouvions pas faire d'hypothèses à propos de ce qui se serait produit au cas où les événements auraient pris une autre tournure, car l'événement aurait pu être tout autre que celui auquel nous pensions. Mais les Cronstadiens n'avaient pas l'intention de laisser échapper l'initiative d'entre leurs mains.
Les communistes nous ont accusés dans leur presse d'avoir accepté l'offre de Vivres et médicaments de la part de la Croix Rouge russe résidant en Finlande. Nous devons dire que nous n’avions vu rien de mal dans pareille offre. Nous avons eu en cela l'accord non seulement de tout le Comité révolutionnaire provisoire, mais aussi de l'Assemblée des délégués. Nous avons considéré cette organisation comme purement philanthropique nous proposant une aide inoffensive et sans arrière-pensée. Quand nous avons décidé de laisser entrer à Cronstadt la délégation (de la Croix Rouge) nous l'avons conduite à l'état-major les yeux bandés. A la première séance, nous leur avons déclaré que nous acceptions avec reconnaissance leur aide, comme provenant d'une organisation philanthropique, mais que nous nous considérons libres de tout engagement envers eux. Nous avons satisfait à leur demande de laisser un représentant permanent à Cronstadt pour veiller à la distribution régulière des vivres que leur organisation se proposait de nous envoyer et qui auraient été destinés surtout aux femmes et aux
enfants. C'est le capitaine Vilken qui resta à Cronstadt ; il fut logé dans un appartement gardé en permanence pour qu'il ne puisse pas faire le moindre pas sans autorisation. Quel danger ce Vilken présentait-il ? Il pouvait voir uniquement l'état d'esprit de la garnison et de la population civile de Cronstadt.
Est-ce en cela que consistait l'aide de la bourgeoisie internationale ? 0u dans le fait que Victor Tchernov avait envoyé son salut à Cronstadt insurgé ? Etait-ce là le soutien de la contre-révolution russe et internationale ? Peut-on croire vraiment que les Cronstadiens se jetaient dans les bras de tout parti politique antisoviétique ?
En effet, quand les insurgés apprirent que la droite dressait des plans concernant leur insurrection, ils n'hésitèrent pas à prévenir leurs camarades, comme en témoigne l'article du 6 mars des Izvestia de Cronstadt intitulé "Messieurs" ou "Camarades" ».


Petrichenko, sous la plume de Victor Serge, est décrit comme un des leaders insurgés un « …des inconnus de la veille, sortis du rang (…) » qui est « peut-être vivant(…) »
Il n’est nullement question d’un homme militant pour l’édification d’un Etat de dictature militaire, au besoin en s’alliant au général « Blanc » Wrangel…
Victor Serge ajoute que Petrichenko « se réfugia d'abord en Finlande… », nous fournissant là une simple information à propos d’un des leaders qui parvint ainsi à échapper au « massacre » organisé par l’armée rouge et le pouvoir bolchevik.
C’est dans les Izvestias de Cronstadt du 3 mars 19217 que le nom de Petrichenko est apparu pour la première fois en tant que Président du C.R.P. (Comité Révolutionnaire Provisoire). Il figure comme signataire aux côtés de Toukine, d’une adresse datée du 2 mars, « A la population de forteresse et de la ville de Cronstadt ». Il y est question « d’élection juste et honnête d’un nouveau soviet » et de la création d’un « nouveau régime socialiste, celui de tous les travailleurs… ».
Entre le jeudi 3 et le mercredi 16 mars, dans les Izvestia, les diverses déclarations de Petrichenko, ne laissent aucunement supposer les assertions mensongères faites à son encontre par le pouvoir bolchevik. Bien au contraire !
En revanche, dans les Izvestias du 5 mars on apprend que « les communistes maintenaient la population laborieuse dans une ignorance totale des événements de Cronstadt. Partout ils font courir le bruit que Cronstadt est aux mains d'une bande de gardes blancs et de généraux… ». Dans le même temps, à Petrograd, dès le 4 mars, la ration de pain a été diminuée de trois quarts de livre pour deux jours…par les autorités soviétiques !
Dans les Izvestia du 8 mars, Le CRP communique que la veille, à 18h45, les batteries communistes ont, les premières, ouvert le feu sur les forts de Cronstadt.
L’allusion aux informations erronées et infamantes provenant du pouvoir bolchevik figure en bonne place :
« Leurs journaux infâmes cherchent par tous les moyens à exciter contre les masses populaires, et à faire apparaître le mouvement de Cronstadt comme un soulèvement de gardes blancs… » « vendu à la Finlande ».

Texte complet : http://www.c-g-a.org/sites/default/files/cronstadt-fev05.pdf


Je rappellerai au passage que d’après l’historien anglais Israel Getzler, dans son livre Cronstadt (1917-1921), 75 % des marins de Cronstadt s’étaient engagés avant 1918.

Le 7 mars, les contre-révolutionnaires de Cronstadt à la solde des blancs (!!) prirent tout de même le temps de saluer le Jour Anniversaire de la journée des femmes ouvrières. lol!

Sous le feu d’innombrables batteries, les vaillants marins envoyèrent leurs vœux par radio aux femmes ouvrières du monde, ce qui caractérisait tout à fait la psychologie de la cité rebelle. La radio disait :

« Aujourd’hui est un jour férié universel, la Journée des femmes ouvrières. Au milieu du tonnerre des canons, nous envoyons de Kronstadt nos vœux fraternels aux femmes ouvrières de l’univers. Puissiez-vous bientôt vous libérer de toute forme de violence et d’oppression. Longue vie aux femmes ouvrières révolutionnaires ! Longue vie à la Révolution sociale dans le monde entier ! »

Le cri de Kronstadt qui fendait le cœur : « Que le monde entier le sache », publié après que le premier coup de feu ait été tiré, dans le n° 6 d’Izvestia, n’était pas moins caractéristique : « Le premier coup de feu a été tiré … Debout, le sang des ouvriers lui arrivant aux genoux, le maréchal Trotsky fut le premier à ouvrir le feu contre Kronstadt la révolutionnaire qui s’est élevée contre l’autocratie des communistes pour établir le véritable pouvoir des Soviets. (…) »

Alexandre Berkman, La rébellion de Kronstadt (trad. Marianne Lehmann), pp. 42-44


Mais c'est sans doute un vaste complot mené par les mutins de Cronstadt, une opération communication visant à tromper les masses. Les bolchéviques eux, étaient très mauvais en communication c'est connu, n'ont jamais menti aux masses (appellation méprisante pour "peuple"), et d'ailleurs ils laissaient une totale liberté d'action aux camarades prolétaires qui n'avaient pas forcément le même point de vue sur LEUR révolution. C'était pas le genre à interdire avec subtilité des conférences dès 1918, comme le raconte Voline dans son ouvrage magistrale que presque personne n'a lu :

Qu'il me soit, permis de raconter ici mon cas personnel, d'une allure moins tragique, mais qui met bien en relief certains procédés du bolchevisme dignes d'être inscrits parmi les hauts exploits du communisme étatiste. Car ce cas était loin d'être unique, à l'époque dont je parle. (Depuis, il ne peut se reproduire dans un pays entièrement soumis à ses nouveaux maîtres.)

En novembre 1918, j'arrivais dans la ville de Koursk, aux confins de l'Ukraine pour assister à un Congrès des libertaires d'Ukraine. A cette époque, un tel congrès était encore possible dans le voisinage de l'Ukraine, vu l'état de ce pays en lutte contre la réaction et l'invasion allemande. Les bolcheviks y toléraient les anarchistes, tout en les utilisant et en les surveillant.

Depuis le début de la Révolution, la population laborieuse de Koursk n'avait encore jamais entendu une conférence sur l'anarchisme, le petit groupe local ne disposant pas de forces nécessaires et les peu nombreux conférenciers libertaires étant en général pris ailleurs. Profitant de ma présence, le groupe me proposa de faire une conférence sur l'anarchisme, dans un grand local de la ville. Naturellement, j'acceptai avec joie.

Il fallait demander l'autorisation du président du Soviet local. Ce président, un brave ex-ouvrier, nous la délivra sans difficulté. Le précieux document en mains, la salle fut louée deux semaines à l'avance, pour une soirée de la semaine de Noël. De grandes et belles affiches furent commandées quelques jours après et collées aux murs. Tout était prêt.

La conférence s'annonçait comme devant être un très beau succès pour nos idées. Certains indices : rumeurs de la ville, rassemblements devant les affiches, demandes de renseignements au siège du groupe, etc., ne laissaient aucun doute à ce sujet. La salle devait être archi-comble.

Peu habitués à de pareilles réussites (en Grande Russie, à cette époque déjà, aucune conférence publique sur l'anarchisme n'était possible), nous en éprouvions une légitime satisfaction.

Deux jours avant la date fixée, le secrétaire du groupe vint me voir, ému et indigné : il venait de recevoir une note du président du Comité bolcheviste de Koursk (le vrai pouvoir), l'informant qu'en raison des jours de fête, la conférence anarchiste ne pourrait avoir lieu et qu'il avait avisé le responsable de la salle, laquelle était maintenant prise par le Comité pour une soirée dansante populaire.

Je me précipitai au siège du Comité communiste. Là, j'eus une explication orageuse avec le président nommé, si je ne m'abuse, Rynditch (ou Ryndine, je ne me le rappelle pas exactement).

" - Comment ! lui dis-je, vous, communiste, ne reconnaîtriez pas les règles de priorité ? Nous avons obtenu l'autorisation du Soviet et loué la salle deux semaines à l'avance, précisément pour être sûrs de l'avoir. Le Comité n'a qu'à s'inscrire à son tour.

" - Je regrette, camarade, mais la décision du Comité qui est, ne l'oubliez pas, le pouvoir suprême et, comme tel, peut avoir des raisons que vous ignorez et qui priment tout, est irrévocable. Ni le président du Soviet ni le responsable de la salle ne pouvaient savoir d'avance que le Comité allait avoir besoin de la salle pour cette date. Et, d'ailleurs, il est absolument inutile de discuter ou d'insister. Je vous le répète : c'est irrévocable, la conférence n'aura pas lieu... Ou encore, organisez-la dans une autre salle ou à une autre date.

" - Vous savez très bien qu'il n'est pas possible d'arranger tout cela en deux jours. Et puis, il n'y a pas d'autre salle aussi grande. D'ailleurs, toutes les salles doivent déjà être prises pour des soirées de fête. La conférence est ratée, tout simplement.

" - Je regrette. Reportez-la à une date postérieure. En somme, vous ne perdez rien. La chose est arrangeable.

" - Oh ! cela ne sera plus pareil. Ces modifications portent toujours un grand préjudice à la cause. Et puis, les affiches coûtent cher. Et surtout, je dois quitter Koursk ces jours-ci. Mais dites-moi : comment pensez-vous arranger les choses le soir de la conférence ? Il m'est avis que vous allez vous exposer à une résistance de la part du public qui, certainement, viendra très nombreux pour la conférence. Les affiches sont collées depuis deux semaines. Les ouvriers de la ville et des environs attendent avec impatience. Il est trop tard pour faire imprimer et placarder un contre-ordre. Vous aurez du mal à imposer à cette foule une soirée dansante à la place de la conférence qu'elle viendra écouter.

" - Çà, c'est notre affaire à nous ! Ne vous en faites pas, nous nous en chargeons pleinement.

" - Donc, au fond, la conférence est interdite par le Comité, cela malgré l'autorisation du Soviet.

" - Ah non, non, camarade ! Nous ne l'interdisons nullement. Fixez-la pour tout de suite après les fêtes. Et nous en aviserons le public qui sera venu pour la conférence, voilà tout. "

Sur ce, nous nous séparâmes. Je me concertai avec les membres du groupe et nous décidâmes de reporter la conférence au 5 janvier 1919. On en avisa le Comité bolcheviste et le responsable de la salle. Ce changement m'obligeait à retarder de quelques jours mon départ pour l'Ukraine comme j'en avais l'intention.

On commanda de nouvelles affiches. En outre, on décida premièrement qu'on laisserait aux autorités bolchevistes le soin de se débrouiller avec le public, et secondement qu'à tout hasard je resterais, ce soir-là, chez moi, à l'hôtel. Car nous supposions que le très nombreux public exigerait malgré tout, la conférence et que finalement, les bolcheviks se verraient obligés de céder. Il fallait donc que le secrétaire du groupe pût me convoquer le cas échéant.

Personnellement, je m'attendais à un gros scandale peut-être même à une collision assez grave. La conférence était fixée à huit heures du soir.

Vers 8 heures et demie, on m'appela au téléphone. Je reconnus la vois émue du secrétaire : " Camarade, la salle est littéralement assiégée par une foule qui ne veut rien entendre et exige la conférence. Les bolcheviks sont impuissants à la raisonner. Probablement, ils devront céder et la conférence aura lieu. Prenez une voiture et venez vite. "

Je saute dans une voiture et je file. De loin, j'entends, dans la rue, une clameur extraordinaire. Arrivé sur les lieux, je vois une foule stationnant aux abords de la salle et hurlant : " Au diable la soirée dansante ! Assez de danses ! Nous en avons marre !... Nous voulons la conférence ! Nous sommes venus pour la conférence !... Conférence ! Conférence ! Con-fé-rence ! "

Le secrétaire qui m'attendait vient me prendre. Difficilement, nous nous frayons un passage jusqu'à l'intérieur, plein de monde. La salle est au premier. Parvenu en haut de l'escalier, j'y trouve le " camarade " Rynditch en train de haranguer la foule qui crie toujours : " Conférence ! Conférence ! "

" - Vous faites bien de venir... Vous voyez ce qui se passe, me lance l'homme, très en colère. C'est bien votre travail à vous, çà ! "

Indigné, je dis :

" - Je vous ai prévenu. C'est vous qui êtes responsable de tout cela. Vous vous êtes chargé d'arranger les choses. Eh bien, allez-y ! Débrouillez-vous maintenant comme vous voudrez ! Le mieux et le plus simple serait de permettre la conférence.

" - Non, non et non ! crie-t-il, furieux. Elle n'aura pas lieu, votre conférence, je vous le garantis. "

Je hausse les épaules.

Brusquement, il me dit :

" - Voilà, camarade. Ils ne veulent pas m'écouter. Et je ne voudrais pas recourir à des mesures graves. Vous pouvez arranger les choses. Ils vous écouteront. Expliquez-leur la situation et persuadez-les de s'en aller tranquillement. Faites-leur entendre raison. Dites-leur bien que votre conférence est ajournée. Il est de votre devoir de faire ce que je vous demande ."

Je sens que si la conférence n'a pas lieu tout de suite, elle n'aura jamais lieu. J'ai la certitude qu'elle sera interdite définitivement et que moi je serai peut-être arrêté.

Je refuse catégoriquement de parler à la foule. Avec un geste nettement négatif, je lui crie :

" - Non, je ne parlerai pas Vous l'avez voulu, débrouillez-vous ! "

La foule, voyant notre dispute, hurle de plus en plus fort. Rynditch tâche de crier quelque chose. Peine perdue ! Sa voix est couverte par une véritable tempête. La foule se sent forte. Elle s'égaye, s'amuse, presse les rangs, emplit de plus en plus l'escalier, le palier, les abords immédiats de la salle aux portes closes.

Rynditch fait des gestes désespérés et s'adresse de nouveau à moi :

" - Parlez-leur, parlez-leur donc ! me dit-il, ou ça finira mal ! "

Une idée me vient. Je fais signe à la masse qui nous entoure. La voilà apaisée. Alors, posément, scandant les mots, je dis :

" - Camarades ! La responsabilité de cette confusion bien regrettable incombe au Comité bolcheviste de la ville. Nous avons les premiers loué la salle, deux semaines à l'avance. Deux jours avant la conférence, le Comité, sans même se concerter avec nous, a pris possession de la salle pour y organiser une soirée dansante. (La foule crie à tue-tête: " A bas la soirée dansante ! La conférence ! ") Il nous a obligés à reporter notre conférence à une date ultérieure. Je suis le conférencier et je suis prêt à faire la conférence tout de suite. Les bolcheviks l'interdisent formellement pour ce soir. Mais c'est vous, les citoyens de la ville ; c'est vous le public. C'est donc à vous de décider. Je suis à votre entière disposition. Choisissez, camarades : ou bien nous ajournons la conférence, et alors, retirez-vous en paix et revenez tous, ici même, à la nouvelle date : le 5 janvier; ou bien, si vous voulez la conférence tout de suite et si vous êtes vraiment décidés, agissez, emparez-vous de la salle. "

A peine ces dernières paroles prononcées la foule joyeuse, applaudit à tout rompre et hurle : " Conférence tout de suite ! Conférence ! Conférence ! " Et, dans un élan irrésistible, elle se rue vers la salle. Rynditch est débordé. On ouvre la porte. (Sinon, elle aurait été enfoncée.) On donne la lumière.

En un clin d'oeil la salle est pleine. Le public, en partie assis, en partie debout, se calme. Je n'ai qu'à commencer. Mais Rynditch bondit sur l'estrade. Il s'adresse au public :

" - Citoyens, camarades ! Patientez encore quelques minutes. Le Comité bolcheviste va se concerter et prendre une décision définitive. Elle vous sera communiquée tout à l'heure. Probablement, la soirée dansante n'aura pas lieu...

" - Hourra ! crie la foule transportée de joie par son apparente victoire : Conférence ! Vive la Conférence ! "

On applaudit à nouveau. Et on rigole.

Les bolcheviks s'éloignent dans une chambre voisine pour se concerter. On ferme les portes de la salle. On attend patiemment la décision. On suppose que cette petite comédie est jouée par les bolcheviks pour sauver la forme.

Un quart d'heure se passe.

Brutalement, la porte de la salle s'ouvre et un fort détachement de soldats tchékistes (troupes spéciales, sorte de gendarmerie ou gardes mobiles, dressées et aveuglément dévouées au régime), fusils à la main, y pénètre. Le public, stupéfait, reste figé, chacun à sa place. Tranquillement, dans un silence impressionnant, les soldats occupent la salle, se glissant le long des murs, derrière les sièges. Un groupe reste près de la porte, face à la salle, les fusils braqués sur le public.

(On a su plus tard que le Comité bolcheviste s'était adressé, d'abord, à la caserne de la ville, demandant à un régiment régulier d'intervenir. Les soldats voulurent des explications - à cette époque c'était encore possible - déclarèrent qu'ils voudraient eux-mêmes assister à cette conférence et refusèrent. C'est alors que le Comité fit venir un détachement de tchékistes, prêts à toutes les besognes.)

Aussitôt, les membres du Comité reparaissent dans lit salle silencieuse. Rynditch remonte sur l'estrade et dit au public d'un ton triomphant :

" - Voilà. La décision du Comité est prise. La soirée dansante n'aura pas lieu. La conférence non plus. D'ailleurs, il est trop tard pour l'une comme pour l'autre. J'invite le public à évacuer la salle et l'immeuble dans un calme absolu et dans un ordre parfait. Sinon, les tchékistes interviendront. "

Indignés, mais impuissants, les gens commencent à se lever et à quitter la salle. " Quand même, murmurent d'aucuns : elle est ratée, leur soirée... Ce n'est déjà pas mal ! "

En bas une autre surprise les attend : à la sortie, deux tchéquistes armés fouillent chaque personne et contrôlent les pièces d'identité.

Plusieurs personnes sont arrêtées. On en relâchera une partie le lendemain. Mais quelques-uns resteront en prison.

Je rentre à l'hôtel.

Le lendemain matin, un coup de téléphone. La voix de Rynditch :

" - Camarade Voline, venez me voir au Comité. J'ai à vous parler au sujet de votre conférence. "

Je réponds :

" - La date en est fixée au 5 janvier. On a commandé les affiches. Vous n'y voyez pas d'inconvénient ?

" - Non. Mais venez quand même, j'ai à vous parler "

A peine entré, je suis reçu par un bolchevik qui me dit, aimable et souriant :

" - Voilà, camarade. Le Comité a décidé que votre conférence n'aura pas lieu. C'est vous-même qui êtes responsable de cette décision, car votre attitude, hier, fut hostile et arrogante. De plus, le Comité a décidé que vous ne pourrez pas rester à Koursk. Pour l'instant, vous resterez ici même, dans nos locaux.

" - Ah ! Je suis donc arrêté ?

" - Ah ! non, non, camarade. Nous ne vous arrêtons pas. Vous êtes seulement retenu ici pendant quelques heures, jusqu'au départ du train pour Moscou.

" - Pour Moscou ? m'écriai-je. Mais je n'ai absolument rien à faire à Moscou ! Et j'ai déjà un billet pour Kharkow (Ukraine) où je devais me rendre après le Congrès. J'y ai des amis et du travail. "

Après une courte délibération avec ses camarades, l'homme me dit :

" - C'est entendu. Vous pouvez aller à Kharkow. Mais le train ne part qu'à une heure du matin. Vous devez donc rester ici toute la journée.

" - Pourrais-je aller à l'hôtel chercher mes affaires et ma valise ?

" - Non, camarade. Nous ne pouvons pas vous permettre cela.

" - Je vous promets d'aller directement à l'hôtel prendre mes affaires. Et, d'ailleurs, qu'on m'accompagne.

" - Justement, camarade, ce n'est pas possible, nous regrettons. On peut vous voir. La chose peut s'ébruiter, Nous ne le voulons pas. L'ordre est formel. Donnez des indications à l'un de nos camarades : il ira chercher votre valise à l'hôtel. "

Un " gardien ", tchékiste armé, était déjà planté devant la porte de la chambre. Il n'y avait rien à faire.

Un " camarade " m'apporta ma valise. Vers minuit, un autre m'emmena en voiture à la gare et assista à mon départ.

J'ajoute que ce voyage inattendu s'effectua dans des conditions tellement pénibles, qu'en cours de route je tombai malade. J'évitai une congestion pulmonaire, uniquement grâce à un compagnon de route qui me fit héberger chez ses amis, à Soumy (une petite ville d'Ukraine). Là, un bon docteur me soigna aussitôt. Et, quelques jours après, je me trouvais à Kharkow.

J'ajoute aussi que, dès mon arrivée, j'écrivis pour notre hebdomadaire local (Nabate) - interdit un peu plus tard par les autorité bolchevistes en raison de son succès grandissant - un article intitulé : " Histoire d'une conférence sous la dictature du prolétariat ". J'y racontais en détail toute cette savoureuse aventure.

Source : Voline - La révolution inconnue


Pour finir je propose une petite liste de bouquins à lire, au moins pour se faire une opinion, car je suis assez désespéré de voir constamment certaines sources - toujours les mêmes - jugées incontournables sur cet évènement historique d’ampleur, et d’autres occultées. Tout comme les contre-vérités soigneusement orientées de certains historiens. J'ai lu Lénine et Trotsky. Ils ont gagné, ils ont donc fatalement écrit l'Histoire. Alors, la parole aux vaincus ? Pour avoir lu les deux, je pense que le gros de la vérité est plutôt à rechercher ici :

P. ARCHINOV - La Makhnovtchina
A. BERKMAN - Le mythe bolchevik
I. METT - La commune de Cronstadt
R. ROCKER - Les soviets trahis par les bolchéviks
A. SKIRDA - Les anarchistes russes
A. SKIRDA - Nestor Makhno, le cosaque libertaire
N. MAKHNO - Mémoires et écrits 1917-1932
VOLINE - La révolution inconnue
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Message  verié2 Lun 4 Juin - 18:29


Laskar Kapak
le gros de la vérité est plutôt à rechercher ici
Nous ne sommes pas tous des ignares complets. En ce qui me concerne, j'ai lu une bonne part des livres que tu cites... et pas mal d'autres textes hostiles aux Bolcheviks.
Comme je l'ai dit plus haut, je veux bien admettre que la propagande des Bolcheviks a caricaturé les insurgés. Quelle propagande de guerre civile ne déforme pas les faits ?
Pourquoi celle des anars échapperait-elle à la règle ? Ni les uns ni les autres ne faisaient dans la dentelle.

Le problème de fond est de savoir si les Bolcheviks pouvaient se permettre de laisser une garnison militaire aussi importante prendre son autonomie et quelle aurait été la logique de son autonomie, quelle que soit la volonté des insurgés au départ.

Les divergences essentielles entre nous ne portent pas sur les détails de cet épisode, mais sur des questions de principe. Tu considères de ton côté que, dès 1921, le pouvoir bolchevik représentait déjà une bureaucratie de nouveaux exploiteurs. Il est donc logique que tu soutiennes tout mouvement mené contre eux. Pour ma part, je pense que la contre-révolution a eu lieu plus tard et que, à cet époque, l'objectif des bolcheviks était encore la révolution mondiale et le socialisme.

Les bolcheviks se sont trouvés coincés dans une contradiction historique insoluble : capituler ou essayer de tenir au prix de la répression d'une partie de la classe dont ils entendaient défendre les intérêts.
__
PS Je te signale au passage que Petrichenko, dans l'extrait cité, utilise lui-même le mot "masses" que tu estimes méprisant. Mais c'est vraiment un détail...


Dernière édition par verié2 le Lun 4 Juin - 18:50, édité 1 fois

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Message  sylvestre Lun 4 Juin - 18:49

Lascar Kapak a écrit:Certaines choses lues me donnent des petites remontées. Rien de bien méchant, mais tout de même.

Des échanges entre les mutins de Cronstadt et les "blancs" pour commencer ?

Je ne sais pas à qui tu réponds - peut-être à Alexi qui parle d'"échanges de courriers entre ceux de Kronstadt et les Blancs" sans plus de précision - il serait bon qu'il en apporte.
En remontant le fil je trouve aussi une référence aux aventures de Petritchenko après l'insurrection de Cronstadt (du reste assez bref, avec le général Elvengren, cf Jean-Jacques Marie pp. 401-403).
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Message  Lascar Kapak Lun 4 Juin - 19:39

Je te signale au passage que Petrichenko, dans l'extrait cité, utilise lui-même le mot "masses" que tu estimes méprisant. Mais c'est vraiment un détail...

Pour commencer sur l’anecdote, tu as raison, et je le condamne autant de la part de Petrichenko que des bolchéviques, mais je trouve que de la part des bolchéviques, ça illustre bien la petite sphère d'intellectuels qui guident les moutons égarés vers leur liberté Very Happy

Je ne sais pas à qui tu réponds - peut-être à Alexi qui parle d'"échanges de courriers entre ceux de Kronstadt et les Blancs" sans plus de précision - il serait bon qu'il en apporte.

C'est ça...

Nous ne sommes pas tous des ignares complets. En ce qui me concerne, j'ai lu une bonne part des livres que tu cites... et pas mal d'autres textes hostiles aux Bolcheviks.
Comme je l'ai dit plus haut, je veux bien admettre que la propagande des Bolcheviks a caricaturé les insurgés. Quelle propagande de guerre civile ne déforme pas les faits ?
Pourquoi celle des anars échapperait-elle à la règle ? Ni les uns ni les autres ne faisaient dans la dentelle.

Je n'ai pas dit ça... je dis que les bouquins de Trotsky reçoivent une audience supérieur et sont lus par certains comme une sainte bible. Je sais que tout n'est ni tout blanc, ni tout noir, mais il y a quand même un gros révisionnisme coté Trotskyste, et une propagande très efficace... j'essaie juste de rééquilibrer la balance quoi...

Les divergences essentielles entre nous ne portent pas sur les détails de cet épisode, mais sur des questions de principe. Tu considères de ton côté que, dès 1921, le pouvoir bolchevik représentait déjà une bureaucratie de nouveaux exploiteurs. Il est donc logique que tu soutiennes tout mouvement mené contre eux. Pour ma part, je pense que la contre-révolution a eu lieu plus tard et que, à cet époque, l'objectif des bolcheviks était encore la révolution mondiale et le socialisme.

Les bolcheviks se sont trouvés coincés dans une contradiction historique insoluble : capituler ou essayer de tenir au prix de la répression d'une partie de la classe dont ils entendaient défendre les intérêts.

Je dirais même dès 1918, la dictature SUR le prolétariat était déjà en place. Une classe dont ils défendent les intérêts, ils se croyaient investis pas Dieu ? Et opprimer cette même classe, curieuse façon de la défendre, de la "guider", comme ils pensaient le faire. Je dis "pensaient" car je suis convaincu que malgré tous leurs défauts, Lénine et Trotsky étaient des révolutionnaires sincères, je ne remets pas ça en cause.
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Message  alexi Lun 4 Juin - 23:33


La lettre écrite à Wrangel est le fait de Pétritchenko mais aussi de quatre autres dirigeants de Cronstadt.
Elle est daté du 31 mai.
Cette lettre est publiée dans le n°110 des cahiers du C.E.R.M.T.R.I. de juin 2003 :

Votre excellence,

Nous avons pris connaissance du contenu de votre lettre au professeur Grimm, et nous sommmes tout à fait prêts à répondre aux questions que vous y posez. Le soulèvement de Cronstadt avait comme seule fin de renverser le parti bolchévik et n'était limité par aucun programme de parti et par aucun lien avec des organisations antibolchéviques et n'envisageait pas d'imposer au reste de la population de la Russie aucune forme d'administration de l'Etat car nous considérions qu'après le renversement des communistes, le peuple russe déciderait lui-même librement de la formr de l'administration de l'Etat qui lui convient.
Le slogan "tout le pouvoirs aux soviets et pas aux partis" avait été avancé afin d'unir tous les partis antibolchéviques et les masses populaires. La signification politique de ce slogan est très importante, car il arrache aux communistes l'arme qu'ils utilisent habilement pour réaliser les idées communistes sous la forme de prétendu "soviets du peuple". L'insurrection a montré mieux que tout l'utilité de ce mot d'ordre qui a provoqué le départ d'une certaine quantité de communistes de base des rangs de leur parti et qui a rencontré un large écho dans la population ouvrière et paysanne.
L'agitation développée pendant trois ans par les bolchéviks a tellement banalisé tous les autres slogans dans la conscience obscurcie du peuple qu'il n'y avait plus de possibilité de les utiliser avec succès dans la lutte contre les communistes. Nous trouvant aujourd'hui sur le territoire de la Finlande, nous désirons continuer la lutte pour le renversement du joug communiste et tchékistes. Les soldats internés dans les camps représentent essentiellement des artilleurs des forts de Cronstadt, des troupes du 560ème régiment d'infanterie et un détachement du train de l'infanterie de marine. Vu le mélange systématique de la population d'autres territoires dans l'armée rouge, la garnison de Cronstadt était formée auix trois quarts de natifs d'Ukraine, depuis longtemps ennemis des bolchéviks. Lle dernier contingent était formé de natifs du Kouban, qui avaient auparavant servi dans l'armée de Denkine. Il y a trés peu de vieux sous-officiers et en particulier d'officiers d'infanterie. Il n'y a presque pas de soldats qui n'ont pas participé aux combats.
Les instigateurs et les initiateurs de l'insurrection ont été des matelots, mais vu les circonstances de la chute de Cronstadt, il en est arrivé relativement peu ici. Le départ d'une partie des matelots en URSS a enlevé des camps les éléments les plus turbulents et les plus désordonnés; ceux qui sont resté constituent une masse unie sur tous les plans.
Partisans d'une lutte active contre les communistes, les Cronstadtiens ne sont pas enclins à repousser toutes les formes possibles de conduite de cette lutte, que ce soit par l'intervention, la venue d'armées volontaires russes, ou une insurrection à l'intérieur de la Russie, pour obtenir le renversement le plus rapide possible du joug des communistes.
Après le renversement des communistes nous jugeons indispensable l'instauration d'une dictature militaire pour lutter contre l'anarchie possible et pour garantir au peuple la possibilité d'exprimer librement sa volonté dans le domaine de l'édification de l'Etat.
Nous nous soucions en ce moment de former une troupe sûre, qui, en cas de circonstances favorables, pourrait constituer le noyau pour le développement d'une lutte victorieuse contre les bolcheviks.
Nous vous considérons comme un lutteur désintéressé pour la libération de notre chère patrie, et nous vous adressons notre salut à vous et à la vaillante armée russe et nous croyons avec vous que l'heure de la libération de la Russie souffrante est proche.

Pétrichenko, ancien président du comité révolutionnaire de Cronstadt
Ivanov, commandant de la brigade du camp du fort Ino
Krasnekov, commandant d'un régiment d'infanterie
Chritoforov, ancien commandant du navire de ligne Petropavlovsk
Couvoîsier, commandant d'un bataillon de marine




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Message  Lascar Kapak Mar 5 Juin - 9:21


C'est assez effrayant de lire ça. J'espère que les gens de ce forum n'auront pas la naïveté d'accorder le moindre crédit à quelque chose d'aussi grossier.
Le CERMTRI, c'est bien cette officine éditoriale lambertiste proche à l'époque du PT ? J'comprends mieux alors... j'ai déjà posté un texte un peu plus haut qui m'a l'air nettement plus cohérent et réaliste, sur qui était Petrichenko.

Je résiste pas à vous mettre ce passage, qui résume à lui seul la grossièreté de ce faux :

Après le renversement des communistes nous jugeons indispensable l'instauration d'une dictature militaire pour lutter contre l'anarchie possible et pour garantir au peuple la possibilité d'exprimer librement sa volonté dans le domaine de l'édification de l'Etat.

C'est marrant, il avait l'air tout à fait en phase avec les bolchéviques finalement lol!

Nous vous considérons comme un lutteur désintéressé pour la libération de notre chère patrie, et nous vous adressons notre salut à vous et à la vaillante armée russe et nous croyons avec vous que l'heure de la libération de la Russie souffrante est proche.

Ahahahhhhhhhhhhhhhhhhhhhh à Wrangel mais c'est énorme !!!! Vaut mieux le prendre à la rigolade à ce stade là. J'avais pu autant ri depuis l'antisémitisme supposé de Nestor Makhno !
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